quand les avocats font les yeux doux aux start-up
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quand les avocats font les yeux doux aux start-up
bizz droit UNE NOUVELLE CLIENTÈLE QUAND LES AVOCATS FONT LES YEUX DOUX AUX START-UP Les cabinets d’affaires multiplient les initiatives à destination des start-up. Pour les séduire, ils n’hésitent pas à brader leurs tarifs. PG 80 15 OCTOBRE 2015 WWW.TRENDS.BE ISTOCK P lutôt habitués à conseiller les de toutes les garanties juridiques nécesgrands groupes, les cabinets d’af- saires lors du lancement de son projet. faires commencent à s’intéresser Cette étape est trop souvent négligée par sérieusement aux start-up. Le suc- les entrepreneurs, qui se focalisent de cès retentissant de certaines d’en- manière bien compréhensible sur le protre elles et l’engouement que suscite duit ou le service qu’ils veulent lancer. la nouvelle génération d’entrepreneurs Pourtant, dans le domaine juridique, numériques ne sont pas passés inaperçus mieux vaut souvent prévenir que guérir. chez les avocats. Ceux-ci développent «Les start-up sont parfois mal préparées des offres taillées spécifiquement pour les au niveau des droits de propriété intellecjeunes entreprises. tuelle. Leur nom est-il disponible? Une Chez Koan Lorenz, un accompagnement recherche d’antériorité a-t-elle été faite? juridique sur mesure pour les start-up a été Faut-il déposer un brevet? Il arrive aussi mis sur pied. Le programme Fly leur offre qu’elles se fassent manger par les invesune première entrevue gratuite pour éva- tisseurs.Nous sommes là pour les conseilluer les besoins de l’entreprise. Si la start- ler et les aider à prendre les bonnes déciup décide de rejoindre le programme, elle sions, même à un stade très peu avancé de bénéficiera d’une strucleur projet», explique ture de prix adaptée, avec Thomas Daenen, avocat des réductions pouvant chez Koan. aller jusqu’à - 60% des Le cabinet reconnaît de honoraires habituels prason côté ne pas atteindre tiqués par le cabinet. En la rentabilité avec ce type échange de ces tarifs préde programme. Mais férentiels, la jeune entrel’essentiel est ailleurs. prise s’engage pour trois «Nous cherchons à créer ans avec le bureau d’avoune collaboration à long cats sur la base d’un terme avec les jeunes contrat d’exclusivité. entrepreneurs. C’est la Pour le lancement clientèle de demain», d’une start-up, les avoavance Thomas Daenen. cats de Koan Lorenz estiLe cabinet Koan conseille ment le budget aux alen- FLORENCE VERHOESTRATE, notamment Neveo, qui tours de 3.000 euros. Si ASSOCIÉE CHEZ NAUTADUTILH figurait dans notre clascette somme peut sem- «Il y a beaucoup de sociétés sement des 50 start-up innovantes en Belgique. Mais bler élevée pour une elles ont rarement un juriste à dans lesquelles investir start-up, elle lui permet bord. Or il y a des précautions à (Trends-Tendances du 1er cependant de s’entourer prendre pour réussir son projet.» octobre). Les avocats actifs dans le programme Fly accompagnent actuellement deux start-up dans leurs discussions pour une levée de fonds. «Nous voulons montrer aux start-up que nous sommes des partenaires dans la réussite de leurs projets», souligne Thomas Daenen, avocat chez Koan Lorenz. Plateforme de conseils en ligne Dans le cadre de leurs approches dédiées aux start-up, les cabinets développent aussi certaines formules de conseil originales. NautaDutilh a ainsi intégré la plateforme en ligne Kreskado, qui offre gratuitement aux start-up une série d’informations juridiques de base. Certains documents types sont également mis à disposition, comme des procès-verbaux d’assemblée générale ou des conditions générales en matière de cookies. Autre outil original: un calculateur anti-dilution, qui permet aux cofondateurs de l’entreprise d’estimer leur position dans l’actionnariat après un tour de table avec des investisseurs. Le site, qui regroupe d’autres experts, notamment en comptabilité, a pour but de capter cette nouvelle clientèle en ligne, preneurs. DLA Piper vient ainsi d’organiser à Bruxelles un «start-up legal day», un événement destiné à informer les porteurs de projets sur les embûches juridiques classiques auxquelles ils vont faire face dans le lancement de leur entreprise. Le cabinet d’affaires, qui a développé depuis plusieurs années une pratique orientée start-up, a notamment conseillé Dries Buytaert, entrepreneur flamand à succès, qui vient de réaliser une nouvelle levée de fonds de 55 millions de dollars pour Acquia. DLA Piper dispose d’un bureau à Palo Alto, un venture pipeline en lien direct avec les investisseurs, ce qui explique sa connexion étroite avec le monde des Si le marketing n’est pas totalement étranger à ce nouvel intérêt des avocats pour les start-up, ceux-ci ont aussi repéré dans ces jeunes entreprises une nouvelle clientèle potentiellement intéressante. avant de lui proposer d’autres services (payants) plus complexes. «Il y a beaucoup de sociétés innovantes en Belgique. Mais elles ont rarement un juriste à bord. Or, il y a des précautions à prendre pour réussir son projet», explique Florence Verhoestrate, associée chez NautaDutilh, chargée de «briser la glace» avec le monde des start-up. L’univers guindé des cabinets d’affaires semble très éloigné des codes décontrac- tés de l’écosystème start-up. Mais l’un et l’autre se rapprochent petit à petit. Les start-up bénéficient actuellement d’une image dynamique, avec laquelle les cabinets d’affaires sont heureux de s’associer. Si le marketing n’est pas totalement étranger à ce nouvel intérêt des avocats pour les start-up, ils ont aussi repéré dans ces jeunes entreprises une nouvelle clientèle potentiellement intéressante. Jusqu’à l’IPO PG THOMAS DAENEN ET MOANA COLANERI, avocats chez Koan Lorenz, et chargés du programme Fly. C’est le pari que fait le bureau lesJuristes, une jeune et petite structure spécialisée dans les matières ICT et de propriété intellectuelle, qui n’est pas composée d’avocats mais de juristes. «Nous pratiquons des tarifs très abordables pour les start-up, mais bien sûr nous espérons qu’elles grandissent et qu’elles deviennent très riches», sourit le managing partner Matthias Dobbelaere. Les start-up bénéficient d’un tarif horaire de 75 euros, en lieu et place du tarif classique de 225 euros de l’heure. Les grandes firmes anglo-saxonnes s’intéressent aussi de près aux jeunes entre- start-up, qui vont souvent chercher des financements aux Etats-Unis. Le cabinet a ainsi pu conseiller la start-up belge Showpad, qui a des bureaux à Gand et à San Francisco et qui a levé 8,5 millions de dollars l’an dernier aux Etats-Unis. DLA Piper a aussi développé une grille tarifaire adaptée pour certaines jeunes entreprises sélectionnées. «Nous facturons environ à 50 % de nos tarifs habituels. Nos clients nous restent loyaux sur le long terme. L’objectif est de les accompagner jusqu’à une IPO», indique Antoon Dierick, avocat chez DLA Piper. Si le succès est au rendez-vous et que le cabinet va jusqu’à s’occuper de l’entrée en Bourse de l’entreprise, le retour sur investissement devrait logiquement être meilleur. Conseiller une start-up représente de toute façon une certaine prise de risques. La moitié des start-up ne tenant pas plus de cinq ans en moyenne, les avocats savent que certains clients ne leur rapporteront pas grandchose. Mais d’autres pourront s’avérer à long terme beaucoup plus lucratifs. z GILLES QUOISTIAUX WWW.TRENDS.BE 15 OCTOBRE 2015 81