De la clarté et de la certitude ou puissance de la parole de

Transcription

De la clarté et de la certitude ou puissance de la parole de
Eglise Réformée Evangélique du Valais - EREV
PAROISSE PROTESTANTE DE SION
pasteur François SCHLAEPPI
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Rencontre CQFD du mercredi 23 novembre 2016, 19h30, temple de Sion
HULDRYCH ZWINGLI
De la clarté et de la certitude ou puissance de la parole de Dieu
Dédicace
Aux honorables, pieuses et spirituelles dames, la prieure et tout le couvent d’Oedenbach, dans
l’honorable ville de Zürich, Huldrych Zwingli souhaite grâce, miséricorde et paix de Dieu de la part
de notre Seigneur Jésus Christ.
Pieuses et révérendes sœurs et membres de Jésus Christ, comme mes Seigneurs, l’honorable et
sage Conseil de notre ville de Zürich ont compris qu’il n’y avait pas de faim plus dommageable que
la faim de la parole de Dieu – parce qu’à cause d’elle, ce n’est pas seulement le corps, mais l’âme
qui meurt – que par ailleurs ils ont constaté que la divine doctrine de l’Evangile progresse partout
si bien dans notre ville et qu’enfermées dans l’ordre des Dominicains, vous n’avez pas voulu tolérer
plus longtemps votre faim de cette parole. Et bien que cela n’a pas été jusqu’ici l’usage chez vous
qu’un prêtre séculier prêche en votre présence, ils ont quand même ordonné, pour autant que je
m’y sente prêt, que je le fasse dans votre sanctuaire. Je l’ai donc fait à la prière d’honorables
chrétiens des deux sexes et j’ai conçu la prédication qui suit comme un fondement sur lequel
l’édifice tout entier doit être construit, soit à partir de la parole de Dieu Mat. 7:24. Paul a en effet
dit : Nul ne peut poser un autre fondement que celui qui est déjà là : Jésus Christ Cor. 3 :11.
Mais parce que quelques savants ignorants – pour cette fois je ne les nommerai pas – ont mis en
garde certaines d’entre vous et les ont engagés à ne pas assister à cette prédication, vous, vous
n’avez pas pensé que c’est Dieu lui-même qui m’avait ordonné de parler ! Alors, afin que tous en
soient avertis, j’ai fait imprimer cette prédication, de manière un peu développée il est vrai, et je
vous la dédie pour marquer l’estime dans laquelle je vous tiens. Votre unité à toutes en Christ est
ce qu’il y a de plus grand dans ce qui me réjouit à votre sujet. Cette joie ne peut pas être nôtre
sinon en Celui qui est venu au monde afin de nous réconcilier avec Dieu et nous rendre Un en Lui.
Cette entreprise, de son côté, ne peut nulle part être reconnue plus facilement que dans les mots
qu’il a jadis lui-même prononcé à cet effet. Ils sont vrais, ne trompent pas, c’est pourquoi nous
pouvons nous fonder avec confiance en eux. C’est ce fondement qui a donné son titre au présent
livre, car aucune parole, aucune doctrine n’est si claire ni si certaine que la doctrine de Dieu. C’est
pourquoi relevez-le et lisez-le avec bienveillance, et que l’esprit de Dieu nous donne d’être un dans
le Christ Jésus. Amen.
Donné au Grossmünster de Zürich le six du premier mois de l’automne (septembre) 1522.
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De la clarté de la parole de Dieu
La plupart de ceux qui, ces temps, résistent à l’Evangile, ne sont ni instruits ni familiers avec ce qui
concerne l’Evangile. Ils prennent ses paroles hors de leur contexte, sans égard pour ce qui les
précède ou les suit, et ils en forcent le sens arbitrairement, selon leur humeur ; comme si quelqu’un
voulait planter une fleur à laquelle on a arraché ses racines pour en faire un jardin. Il ne faut pas
agir ainsi ; on doit planter cette fleur avec ses racines et la motte de terre qui les entoure. Il faut,
de même, laisser à la parole de Dieu sa nature propre, alors elle fera naître une même conviction
chez toi comme chez moi. […]
Finalement, personne, sinon Dieu, ne peut nous enseigner la vérité aussi sûrement et certainement
que Lui, afin que nous n’ayons aucun doute à ce sujet. Tu diras : Où est-ce que je le trouve ? Je te
réponds : Cherche-le dans ta chambre (Mat. 6:6) et prie là dans le secret, il te voit bien, qu’il t’ouvre
la compréhension de la vérité. Assurément, comme cela a été clairement exposé, nous ne pouvons
apprendre le sens des paroles de Dieu plus certainement que de lui-même, de lui dont elles sont
venues et qui seul est vrai, oui, qui est la vérité même. Cela, les paroles de I Jean 2:27 citées plus
haut le prouvent : Vous n’avez pas besoin que quelqu’un vous enseigne. Entends-tu : nous n’avons
besoin d’aucun jugement humain, mais comme son onction, qui est son esprit, nous enseigne
toutes choses – entends-tu : toutes choses – ceci est vrai et sans aucun mensonge. […]
Alors : en premier lieu, laisse complétement de côté ton intelligence à laquelle tu veux soumettre
l’Ecriture, car ta compréhension ne signifie rien ici, ce que je vais clairement te montrer. Je sais, tu
reconnaîtras que jusqu’ici, tu as été à travers les Ecritures pour y trouver ce qui était conforme à
ton opinion. O ! malheur, j’ai touché l’ulcère inhérent à toutes doctrine humaine ! Considère : cela
s’appelle vouloir étayer son opinion sur l’Ecriture et l’insérer dans l’Ecriture. Lorsque nous trouvons
dans l’Ecriture une parole que nous pouvons d’une manière ou d’une autre, appliquer à notre
pensée, bien que cette parole n’ait rien à voir quant au sens et à la situation où elle se trouve, nous
le faisons et voulons forcer le sens de l’Ecriture afin qu’elle dise ce que nous pensons. Par exemple :
notre opinion et notre jugement sont déjà là, d’avance. Nous sommes comme cet homme qui va
chez son voisin, une hache à la main, pour solliciter quelque chose. Ce qui vaut autant que de dire :
si tu n’obtempères pas, la hache parlera ! […]
Comment alors aller à l’Ecriture ? Veux-tu parler d’une chose ou en savoir quelque chose sur elle ?
Pense ainsi : Avant que je juge de la chose en question ou que je l’apprenne des hommes, je veux
d’abord savoir quelle est la pensée et l’esprit de Dieu à son sujet. Ps 85 dit : Je veux entendre ce
auquel le Seigneur veut me dire . Dès lors, appelle la grâce de Dieu sur toi avec ferveur pour qu’il te
donne son esprit et ce que dit cet esprit afin que ce ne soit pas tes propres idées mais les siennes
que tu accueilles. Aie bien alors la ferme confiance qu’il te donnera la droite compréhension que
tu lui demandes, car toute sagesse vient de Dieu le Seigneur. Ensuite, va au texte de l’Evangile. […]
Vous devez être théodidacte, c’est-à-dire enseignés de Dieu, et non des hommes. C’est la vérité
elle-même qui a parlé, Jean 6:45, et la vérité ne peut mentir. Vous n’avez pas la véritable foi si vous
ne croyez pas fermement, si vous n’abandonnez pas tous les badinages humains et si vous ne vous
laissez pas instruire par Dieu. Ce n’est pas mon opinion personnelle que j’expose, c’est aussi celle
de Saint Hilaire. Et bien que nous n’ayons pas besoin de la dire ici, le Christ, Pierre, Paul et Jean sont
aussi de cet avis. Ici s’effondrent toutes les subtilités humaines auxquelles nous convient les
philosophes avec leur theologia scolastica. Celle-ci n’est pas autre chose qu’un enseignement issu
du cerveau des hommes. […]
Saint Jacques 1:5 m’enseigne à courir après la sagesse auprès de Dieu en ce qu’il dit : Si quelqu’un
parmi vous manque de sagesse, qu’il prie Dieu qui donne largement à tout homme, ne repousse
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personne, et il lui sera donné, pourvu qu’il le prie avec foi telle qu’elle exclut le doute. Remarque que
Jacques porte nos regards vers Dieu et non vers les hommes. Si tu dis : Il y a des hommes qui
prêchent aussi, ne dois-je pas aussi poser des questions à ces prédicateurs de même qu’à ceux qui
nous enseignent ? Celui qui t’enseigne selon ses propres idées, et non selon ce que prescrit Dieu,
t’enseigne faussement, quel qu’il soit. Mais s’il t’enseigne selon la parole de Dieu, exclusivement,
ce n’est plus lui qui t’enseigne, c’est Dieu. Car qui sommes-nous, dit Paul I Cor. 4:1 sinon les
administrateurs ou les dispensateurs des choses cachées de Dieu ? D’autre part, je sais que Dieu
m’enseigne car j’en ai fait l’expérience ; toutefois afin que vous ne vous mépreniez pas à mes
paroles, comprenez ce que je dis, comme je sais que Dieu m’enseigne.
J’ai beaucoup progressé, dans mes jeunes années, dans l’enseignement humain, plus que ceux de
mon âge et ayant commencé depuis sept ou huit ans, à m’en tenir exclusivement à l’Ecriture Sainte,
la philosophie et la théologie des disputeurs m’a alors de plus en plus fait des objections.
Finalement, j’en vins – conduit par l’Ecriture et la parole de Dieu – à penser : Tu dois laisser tout
cela de côté et apprendre la pensée de Dieu uniquement d’après ses simples paroles. Je me mis
alors à prier Dieu de me donner sa lumière et – bien que je ne lus qu’elle seule – l’Ecriture me devint
de plus en plus claire, bien davantage que si j’avais lu de nombreux commentaires et explications.
Voyez donc, c’est un signe certain que Dieu nous conduit car, avec ma petite intelligence, je n’aurais
pas pu y parvenir. Je ne dis pas ces choses pour me vanter, mais bien pour me rendre plus humble.
[…]
Si l’homme ne considère que la compréhension des choses selon l’Esprit, il ne peut pas se tromper.
Ceux par contre qui n’agissent pas ainsi, mais s’appliquent de toutes leurs forces à trouver dans
l’Ecriture un soutien pour leurs propres idées, ceux-là, si nombreux soient-ils que les feuilles et
l’herbe se tromperaient tous quel que soit leur nombre. Dieu lui-même veut être seul le Maître
(Schulmeister). Je ne veux être instruit par personne que par lui seul, et non par les hommes,
comprends : pour ce qui concerne la doctrine. Pour ce qui concerne les crimes et autres
désobéissances, je veux être soumis au jugement des hommes, mais ces derniers ne doivent pas
juger de la Sainte Ecriture et de la vérité divine et laisser Dieu agir dans ce domaine, en sorte que
l’on n’apprendra ce qui le concerne que de lui seul. […]
Voilà ce que nous pensons : la parole de Dieu doit être tenue en très grand honneur parmi nous par parole de Dieu, nous comprenons cela seul qui vient de l’esprit de Dieu -. Nous n’ajoutons une
telle foi à aucune autre parole. Cette parole est certaine, elle ne peut manquer. Elle est claire et ne
nous laisse pas errer dans les ténèbres. Elle est à elle-même son propre maître, elle s’ouvre ellemême et luit sur l’âme humaine avec tout le salut et toute la grâce. Elle console l’âme en Dieu et la
rend humble en sorte qu’elle se renie elle-même et qu’elle saisit Dieu lui-même. Cette âme vit en
Dieu, elle soupire après lui et met en doute les consolations venant des créatures car Dieu seul est
sa consolation et sa sécurité. Sans lui, elle n’a pas de repos car lui seul est son assurance et son
réconfort, Ps. 77:3 : Mon âme n’a pas voulu se laisser consoler. Alors j’ai pensé à Dieu et je me suis
réjoui. Oui, le salut existe déjà en ce temps, non sous sa forme intégrale mais dans l’espérance
certaine et consolante. Que Dieu Veuille l’augmenter en nous et ne nous laisse jamais nous en
départir. Amen.
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Comment nous parvenons à la connaissance de la parole de Dieu
Au point où nous en sommes, il m’a paru bon de montrer, brièvement, comment l’on doit et l’on
peut parvenir à la compréhension de la parole de Dieu, comment l’on peut ressentir en soi-même
que c’est Dieu qui l’enseigne.
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Et dès lors que vous n’êtes pas versé dans une connaissance approfondie de l’Ecriture, que vous
puissiez remarquer si le prêtre qui vous l’enseigne prêche la vérité clairement, et sans y mêler ses
problèmes personnels.
Premièrement Chacun doit ardemment prier Dieu qu’il lui donne la force de tuer en lui le vieil
homme Rom.6 :6 ; Eph. 4 :22 qui tient fort à sa propre sagesse et à ses propres capacités.
Secondement Que, une fois le vieil homme mort et parti, Dieu se répande (giessen) avec toute sa
grâce si richement en l’homme que ce dernier le croie seul et place sa confiance en lui.
Troisièmement Quand les choses en sont arrivées là, il est certain que l’homme se réjouit
grandement et soit conforté (getröstet) au point qu’il dira souvent avec le prophète : Seigneur Dieu,
affermis ce que tu as fait en nous, car celui qui est là doit veiller à ne pas tomber, dit St.Paul I Cor.
10 :2.
Quatrièmement La parole de Dieu ne laisse passer personne, les plus grands en premier lieu.
Lorsque Dieu appela Paul, il dit à Ananias Act. 9 :15 : « Il est l’instrument (gschir) que j’ai élu pour
porter mon nom devant les princes et les rois de la terre ». Il dit aussi aux disciples en Mat. 10 :8 :
« Vous serez conduits devant les rois et les magistrats afin de me rendre témoignage devant eux ».
Cinquièmement Il est dans sa nature d’abaisser les orgueilleux et de leur égaler les humbles (glich
machen des demutigen). Ainsi, la pure Marie chante Luc 1 :52 : « Il a renversé les puissants de leurs
sièges et il a élevé les humbles ». Jean, de même, a dit de Christ en Luc 3 :5 : « les collines seront
abaissées par lui et les vallées comblés etc… »
Sixièmement La parole de Dieu s’adresse en priorité aux pauvres, elle les aide et console ceux qui
sont espoir et ceux qui doutent, elle combat ceux qui n’ont d’espérance qu’en eux-mêmes, Christ
en témoigne.
Septième La parole de Dieu ne cherche pas son propre avantage I Cor. 13, c’est pourquoi Christ dit
à ses disciples de ne prendre ni sac ni bourse.
Huitième La parole de Dieu cherche à faire connaître Dieu aux hommes, afin que les gens opiniâtres
le craignent et que les humbles soient consolés par lui. Ceux qui prêchent de cette manière sont les
véritables serviteurs de la parole de Dieu. Mais ceux qui, précautionneusement visent leur propre
avantage, comme le chat autour de sa bouillie, ménagent l’enseignement des hommes plus qu’ils
ne se consacrent à l’enseignement de Dieu et ne le propagent. Ce sont des faux prophètes.
Apprends à les connaître par leurs paroles. Ils crient merveilleusement en disant : « Les pieux
pères ! » Cela ne signifie-t-il pas « Ce que font les hommes » ? et tutti quanti. Mais qu’ils se
plaignent sérieusement que l’Evangile du Christ soit prêché avec tiédeur, cela n’est pas le cas.
Neuvièmement Lorsque tu seras au fond de toi-même, que Dieu te renouvelle, que Dieu commence
à mieux t’aimer qu’autrefois alors que tu entendais des doctrines humaines, sois sûr c’est Dieu qui
l’effectue en toi.
Dixièmement Ressens-tu que cela te rend certain de la grâce de Dieu et du salut éternel, cela vient
de Dieu.
Onzièmement Ressens-tu que cela t’amoindrit et t’anéantit, mais que cela fait grandir Dieu en toi,
cela est une action de Dieu.
Douzièmement Ressens-tu que la crainte de Dieu te réjouit plutôt que de te rendre triste, c’est une
action certaine de la parole de Dieu et de son Esprit.
Que Dieu nous donne ces choses ! Amen.
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