Dossier de presse - 27 octobre 2016
Transcription
Dossier de presse - 27 octobre 2016
Nanoparticules de dioxyde de titane (E171) dans les bonbons Une présence massive et inquiétante Des risques à ne pas faire courir aux enfants Dossier de presse - 27 octobre 2016 Contacts presse Magali Ringoot, coordinatrice des campagnes – Tel. 01 40 31 34 48 Stéphen Kerckhove, délégué général – Tél. 06 06 88 52 66 Agir pour l'Environnement - 2 rue du Nord - 75018 Paris - Tél. : 01 40 31 02 37 www.agirpourlenvironnement.org – [email protected] facebook.com/association.agirpourlenvironnement - Twitter : @APEnvironnement 1 ordre existe entre la taille d’une orange et une nanoparticule et celle d’une orange et de … la Terre ! Pour des informations sur les enjeux plus généraux liées aux nanoparticules dans l’alimentation : dossier de presse d’Agir pour l’environnement du 15 juin 2016 La taille des nanoparticules leur confère des propriétés nouvelles ou amplifie les propriétés existantes : résistance aux bactéries, transparence, fluidité, coloration, résistance mécanique… Le principe est simple : plus une particule est petite, plus elle est réactive. Avec un rapport surface/volume plus important, leur capacité d’interaction avec d’autres supports est plus grande. A titre d’exemple, un gramme de dioxyde de titane à l’état nano offre une surface d’interaction de 60 m² contre quelques cm² quand il est à l’état micro. QU’EST-CE QUE LE DIOXYDE DE TITANE ? Pigment blanc se présentant sous forme de poudre, le dioxyde de titane (ou TiO2) est une espèce minérale existant à l'état naturel (roches). Composée de titane et d'oxygène elle est généralement issue d'ilménite, de rutile et d'anatase. Impure, elle doit être traitée chimiquement pour obtenir un pigment. DES APPLICATIONS TRES LARGES Le dioxyde de titane a des applications dans divers domaines : en alimentaire, en cosmétique (dans les filtres UV des crèmes solaires), les produits d’hygiène (notamment les dentifrices), les produits pharmaceutiques (comprimés pelliculés), dans le secteur de la construction (peinture blanche, ciment, les revêtements de route…). En alimentation, il est considéré comme un additif alimentaire (selon le code E171), visant à rendre des aliments plus blancs ou plus brillants ou pour décliner une palette de couleurs en étant associées à d’autres colorants alimentaires. Il y a en fait une grande variété de types de particules de dioxyde de titane, avec notamment des différences de forme cristalline (anatase/rutile), de distribution en taille, de morphologie et d’enrobage. Dans l’alimentaire, elles sont très majoritairement sous forme anatase (parfois associée à la forme rutile en très petite proportion) et sans enrobage. DE TRES NOMBREUX PRODUITS A RISQUE Le dioxyde de titane rentre entre dans la composition de nombreux produits alimentaires notamment sucrés et destinés aux enfants : bonbons, chewing-gums, gâteaux, chocolats, décorations pour pâtisserie. Des nanoparticules dans le dioxyde de titane Le dioxyde de titane, utilisé dans l’alimentation, serait composé de particules primaires d’une grande variété de tailles (de 40 à 300 nm, avec un diamètre moyen compris entre 100 et 130 nm). Nos enquêtes de terrain menées dans 15 enseignes de supermarchés nous ont permis d'identifier plus de 100 produits destinés aux enfants contenant du dioxye de titane, souvent indiqué sous le code E171 : bonbons Têtes brulées, Elodie, Fizzy, chewing-gum Airwaves, Hollywood, Freedent, Malabar, confiserie M&M’s, Skittles, gâteaux LU, chocolats Milka, décorations gâteaux Vahiné… 10 à 40 % d’entre elles, selon les études, présentent au moins une dimension inférieure à 100nm et appartiennent donc clairement à l’échelle nanométrique. Le 15 juin dernier, Agir pour l'Environnement publiait des analyses inédites en Europe portant sur 4 produits alimentaires choisis au hasard, contenant soit du dioxyde de titane (E171) soit du dioxyde de silice (E551). Ces mesures menées par le Laboratoire National de Métrologie et d'Essais (LNE) sont sans appel : les 4 produits contenaient des proportions de nanoparticules dans diverses proportions : Pour en savoir plus : Fiche sur le nano-dioxyde de titane par veillenanos.fr Fiche toxicologique du dioxyde de titane par l’INRS LES NANOTECHNOLOGIES, UNE TECHNOLOGIE RECENTE Apparues pour la première fois dans le vocabulaire en 1974, les nanotechnologies sont des techniques permettant de manipuler la matière à l’échelle nanométrique, l’échelle des atomes et de l’ADN, soit au milliardième de mètre. Pour saisir cet infiniment petit, il suffit d’imaginer qu’une différence du même 2 LU “ Napolitain signature chocolat” : la présence de particule de TiO2 est confirmée, avec une taille moyenne de 148,9 nm. Ce site permettra également aux consommateurs de questionner facilement les fabricants sur leurs pratiques en matière de nanotechnologies. Malabar : la présence de particule de TiO2 est confirmée, avec une taille moyenne de 183,6 nm. Mélange d’épices pour guacamole marque Carrefour : la présence de particule de SiO2 est confirmée, avec une taille moyenne de 20,0nm. Blanquette de veau William Saurin : la présence de particule de TiO2 est confirmée, avec une taille moyenne de 131,6nm. QUELLE EXPOSITION ? L’exposition alimentaire du dioxyde de titane chez l’homme est importante : elle serait évaluée en milligrammes par jour. Nous en consommons de 0,2 à 1 mg/kg poids corporel/jour pour l'adulte, et chez l’enfant / adolescent aux Etats-Unis de 1 à 3 mg/kg/jour (jusqu'à un maximum estimé à 6 mg au Royaume-Uni pour les plus exposés)1 2 .A titre de comparaison, les doses vont de 0,5 à 1 microgramme par kg et par jour pour les perturbateurs endocriniens tels que le bisphénol A. Pour le dioxyde de titane, il faut donc multiplier cette dose par 1 000 ! Sans compter les expositions non alimentaires (dentifrices, cosmétiques…). Ces mesures ont aussi révélé l’ampleur des infractions à la réglementation sur l’étiquetage car aujourd’hui aucun produit alimentaire ne porte la mention [nano] dans la liste des ingrédients, comme l’exige pourtant la réglementation européenne INCO 1169/2011 dès lors qu’une des dimensions d’un matériau produit intentionnellement est de moins de 100nm. Des analyses similaires en Australie avaient également été menées en 2015, à la demande des Amis de la Terre Australie, et réalisées par le laboratoire de l’Université d’Etat d’Arizona aux EtatsUnis sur 14 produits alimentaires, dont certains sont présents sur le marché français.: M&M’s, chewing gum Mentos Pure Fresh, bonbons Skittles, les chewing gum à la menthe Eclipse, le Taco Mix Old El Paso, les menthes fraîches d’Allen, la vinaigrette Caesar de Praise, le sel au poulet Nice N’ Tasty, la crème au café et au maté Nestlé, le glaçage Duncan Hines, le Cappuccino Moccona, le jus de viande rôtie Maggi, les Sour straps WoolWorth Homebrand, la sauce blanche WoolWorth Homebrand. Le nanomatériau peut être absorbé par voie digestive, cutanée ou respiratoire. Il est surtout question ici de la voie digestive pour le consommateur. La voie respiratoire, concernant les travailleurs (de l’ouvrier d’une industrie de nanotechnologies au pâtissier), est plus étudiée et les risques mieux cernés. Le dioxyde de titane a été classé cancérigène probable si inhalé par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et commence à faire l’objet de mesures de suivi épidémiologique en France. Mais il est rare que les travailleurs soient informés des risques du dioxyde de titane et à fortiori quand il s’agit de nanoparticules. Combien de pâtissiers utilisant du colorant E171 auraient l’idée de porter des équipements de protection ? www.infonano.org LES ENFANTS, PREMIERS EXPOSES Face à l’omerta qui règne sur le sujet, Agir pour l’environnement publiera courant novembre une base de données des biens de consommation contenant des nanoparticules, en commençant par le secteur alimentaire. Cet inventaire sera enrichi au fur et à mesure des contributions des « détectives nano ». L’exposition des enfants est particulièrement préoccupante car nous savons maintenant que la période d’exposition est capitale pour évaluer la toxicité d’une substance. Selon une étude récente, les enfants consommeraient deux à quatre fois plus de titane que les adultes du fait de l'ingestion de sucreries ayant des niveaux élevés de nanoparticules de dioxyde de titane. Or la période d’exposition est capitale pour évaluer les risques et que les enfants sont plus fragiles du fait d’un organisme en plein développement. Seront répertoriés les produits dans lesquels des nanoparticules ont déjà été détectés et les produits “suspects”, contenant des additifs susceptibles de contenir des nanoparticules (E171, E172, E551 et E552). Des “détectives nano” arpenteront les rayons des magasins pour décrypter les étiquettes des produits. 2 A. Weir et al., Titanium dioxide nanoparticles in food and personal care products. Environ Sci Technol. 2012 Feb 21;46(4):2242-50. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3288463/ 1 M.C. Lomer et al., Dietary sources of inorganic microparticles and their intake in healthy subjects and patients with Crohn's disease. Br J Nutr. 2004 Dec;92(6):947-55. http://dx.doi.org/10.1079/BJN20041276 3 Une innocuité discutée par les agences sanitaires données disponibles sur le E171 dans les aliments ne mettent pas en évidence de problèmes de santé pour les consommateurs mais recommande de nouvelles études sur les effets possibles sur le système reproducteur. Basée sur une définition très restrictive de ce qu’est un nanomatériau, la caractéristique nano a été bien insuffisamment prise en compte dans ce travail. Par ailleurs, des études récentes montrent des effets préoccupants pour notre santé. Dernier exemple en date, l'institut sanitaire des Pays-Bas (RIVM) vient d’alerter sur leurs risques pour le foie, les ovaires et les testicules L’additif E171 a été autorisé en 1969, à une époque où les nanotechnologies n’avaient pas encore vu le jour. A l’époque, il a été décidé de ne pas fixer de valeur toxique de référence (VTR) du type « dose journalière admissible ». Inorganiques, les particules de dioxyde de titane sont exogènes à l’organisme et donc non métabolisables : le risque doit être sérieusement évalué. En 2006 le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le dioxyde de titane comme cancérigène possible pour l'homme (classe 2 B) lorsqu'il est inhalé – incluant ainsi l’échelle nanométrique. Il faut savoir que les industriels se montrent peu enclins à fournir aux agences sanitaires les données permettant une évaluation sérieuse. En septembre 2014, la "Chambre des recours" de l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) s'est vue notifier un recours par neuf fabricants de dioxyde de titane (Tioxide Europe : Cinkarna, Cristal Pigment, Du Pont, Evonik, Kronos, Precheza, Sachtleben Chemie GmbH et Tronox Pigments) qui refusent de fournir les données demandées par l'ECHA dans le cadre de Reach. Mi-2016, l'instruction était toujours en cours. En mai 2016, l'ANSES a proposé à l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) de renforcer ce classement en le classant comme cancérogène 1B par inhalation. UNE TOXICITE DE PLUS EN PLUS PROUVEE Tout le monde déplore le manque d’études sur la toxicité des nanoparticules de dioxyde de titane et en particulier sur les effets cancérigènes de son ingestion. On ne dispose pas de données d’exposition par la seule alimentation ni d’étude épidémiologiques. Les incertitudes sont nombreuses du fait de questions méthodologiques. En effet les données chez l’homme ne sont pas encore disponibles, car les études ont été réalisées uniquement in vitro ou sur des animaux. Il est en outre difficile de travailler sur la toxicité car les nanoparticules changent de comportement selon le milieu. Par exemple, plus le milieu est complexe, riche en protéines, plus les particules ont tendance à quitter les agglomérats et à se disperser. De manière générale, sur la question des nanoparticules dans les biens de consommation courants, l’Organisation Mondiale de la Santé recommande, dans un rapport de 20133, l’application du principe de précaution et attire l’attention sur la vulnérabilité des enfants. En mai 2014, l’Agence française de sécurité sanitaire (ANSES) a préconisé un classement des nanoparticules de dioxyde de titane (et autres) comme substances dangereuses afin que soient mises en place des mesures de restriction d’usage voire d’interdiction de l'utilisation de certaines applications grand public. Cette préconisation a été reprise dans l’action n°72 du 3ème plan national Santé Environnement (PNSE 3) (2015-2019) fin 2014 et dans l’action 1.13 du Plan Santé au travail (PST 3) (20162019). Quelles suites seront données ? Si peu d’études ont été menées jusqu’à maintenant, le peu d’études existantes sont suffisamment inquiétantes pour prendre des mesures urgentes de protection. Signes inquiétants de toxicité Son caractère inflammatoire est très largement mis en avant. Il a été également prouvé qu’il provoquait du stress oxydatif (interaction avec l’oxygène des cellules.), qu'il pouvait endommager l’ADN et causer la mort des cellules (phénomène d’apoptose). L’EFSA vient de ré autoriser l’additif E171 en septembre 2016. Cette évaluation considère que les « Avec le dioxyde de titane, on se retrouve dans la même situation qu’avec l’amiante il y a 40 ans »4, Rapport OMS, Décembre 2012, Nanotechnology and human health : scientific evidence and risk governance : 4Entretien pour Swiss Info http://www.swissinfo.ch/directdemocracy/health-concernsraised-over-nanoparticles/29293290 & 3 4 affirme le professeur Jürg Tschopp, prix Louis-Jeantet de médecine 2008, qui a piloté une étude montrant Pour plus d’infos : le dossier d’information de veillenanos sur les risques associés aux nano dioxyde de titane QUELLE UTILITE ? QUELLES ALTERNATIVES ? La question du rapport bénéfices/risques est à se poser sérieusement. Sommes-nous prêts à faire courir de tels risques, surtout à nos enfants, pour des additifs alimentaires qui ont uniquement une visée esthétique ? Le marketing doit-il primer sur le principe de précaution ? une activité pro-inflammatoire sur les poumons et le péritoine avec des effets possibles cancérigènes (tests in vivo et in vitro sur des souris et in vitro sur des cellules humaines). Les auteurs de l’études indiquent : « Nos données suggèrent que le nano-TiO2 devrait être utilisé avec une plus grande prudence qu’il ne l’est actuellement. De meilleures précautions devraient être prises », pour limiter son ingestion, dans l’industrie comme dans la vie quotidienne. « Il a fallu presque 100 ans et d’innombrables décès avant que l’amiante soit bannie », rappellent les chercheurs. Il est tout fait possible de se passer de dioxyde de titane : soit il est substitué par un autre additif colorant soit il est tout simplement supprimé. De nombreuses confiseries sont produites sans dioxyde de titane. Et rappelons que le cahier des charges de l’agriculture biologique interdit l’utilisation de dioxyde de titane dans l’alimentaire. Après Dunkin’ Donuts, Starbucks et Krispy Creme aux Etats-Unis, William Saurin et le fabriquant de bonbons Lutti viennent de s’engager en France, à retirer le dioxyde de titane de leur production d’ici décembre 2016. Les autres industriels doivent suivre ! Franchissement des barrières physiologiques La littérature scientifique montre que le dioxyde de titane peut traverser différentes barrières physiologiques, pénétrant ainsi dans le corps. Il a été en effet détecté dans le sang, le foie, la rate, les reins, les poumons, le cœur et le cerveau d’animaux. Une étude utilisant des souris en gestation a montré le transfert des nanoparticules de la mère à la progéniture avec les conséquences suivantes : dommages au cerveau, au système nerveux et une réduction de la production de sperme au sein de la progéniture mâle. POUR ALLER PLUS LOIN Des particules qui ne se dissolvent pas dans le corps et qui s’y accumulent Dossier de presse d’Agir pour l’environnement sur les nanoparticules dans l’alimentation, 15 juin 2016 Veille nanos : le site d'information de référence sur la question, animé par l’association AVICENN (Association de Veille et d'Information Civique sur les Enjeux des Nanosciences et des Nanotechnologies). Le dossier de veille nanos sur les nanos et alimentation Fiche toxicologique du dioxyde de titane par l’INRS Compte-rendu du forum « les nanomatériaux dans l’alimentation. Quelles fonctions et applications ? Quels risques ? Nanoresp Plusieurs publications 5ont démontré que l’organisme ne parvient pas à se débarasser de l’ensemble du nanodioxyde de titane et qu’une partie s’accumule dans le corps. Certaines publications évoquent le chiffre de 5% à 10% de nano-dioxyde de titane qui ne serait pas éliminé dans les selles. Cela peut paraître dérisoire mais quand il s’agit d’une exposition chronique à des substances très réactives, avec de possibles effets cocktails et surtout avec un risque d’accumulation dans le corps dans le temps, on ne peut exclure des effets graves à long terme. Effets qui sont malheureusement peu étudiés aujourd’hui. Ouvrages Nanomatériaux et risques pour la santé et l’environnement, par Avicenn, Ed. Yves Michel, 2016 Faut-il avoir peur des nanos ? de Francelyne Marano, Ed. Buchet Chastel, 2016 Nanotoxiques, une enquête, de Roger Lenglet, Ed. Actes Sud, 2014 C. Dostert, V. Pétrilli, R. van Bruggen, C. Steele, B. T. Mossman, and J. Tschopp, "Innate immune activation through Nalp3 inflammasome sensing of asbestos and silica," Science, vol. 320, no. 5876, pp. 674–677, 2008. 5 http://www.particleandfibretoxicology.com/content/11/1/13 R. Tassinari et al., Oral, short-term exposure to titanium dioxide nanoparticles in prague-Dawley rat: focus on reproductive and endocrine systems and spleen. Nanotoxicology. 2014 Sep;8(6):654-62. 5