Histoire - Mairie d`Arthès
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Histoire - Mairie d`Arthès
LA COMMUNE D'ARTHES SITUATION GEOGRAPHIQUE Le village d'ARTHES se trouve situé sur la rive droite du Tarn, au pied d'un cirque de coteaux formés par les dernières ramifications des Cévennes. Après être descendu en torrent (en celtique Tarann) des hauteurs du mont Gévaudan, dans la Lozère, au milieu de rochers escarpés, cette rivière s'étale tout d'un coup jusqu'à Moissac où elle se jette dans la Garonne. Le village faisant face à celui de Saint-Juéry est un lieu de transition entre la montagne et la plaine et c'est à partir de ce point que le cours d'eau devient navigable. Ce site avait été de longtemps repéré comme un point d'étape pour les troupes de passage : en 1924, en faisant creuser les fondations pour le socle du Monument aux Morts de la Grande Guerre, nous avons trouvé une pièce de monnaie au nom et à l'effigie de l'empereur César Auguste. Preuve que les armées romaines venues occuper la Gaule étaient passées par là et avaient dû former à cette pointe, entre le double escarpement des deux ruisseaux qui l'encadrent avant de se jeter dans le Tarn, un oppidum ou camp retranché. HISTOIRE ARTHES fut fondé par Robert D'ARTOIS, comte de Beaumont en 1328, malgré les énergiques protestations antérieures du Seigneur Sicard II de Lescure et de son Suzerain, le Pape Jean XXII, adressées le 2 Octobre 1318 au Sénéchal de Toulouse, Béraud de Solomiac. La Seigneurie de Lescure, comme à ce moment là même et tributaire des papes, était soumise aussi à l'autorité des rois de France. Le projet de création de la nouvelle bastide qui traînait depuis 10 ans pouvait paraître comme un empiètement et un morcellement de ce fief du Saint-Siège. À l'amoncellement de rochers formant la cascade du Saut de Sabo, finissait en amont la juridiction du Seigneur de LABASTIDE VASSALS dont le château fort, complètement en ruine, se voit à 500 mètres en amont du ruisseau de Peygues, au dessous du hameau de Cassagnes, Commune de Saint-Grégoire. Quoiqu'il en soit, une transaction dût intervenir puisque la fondation de la Bastide, projetée par le Comte d'Artois et désignée dès lors sous le nom d'ARTHES, fût ratifiée en mars 1328 par Philippe VI de Valois, roi de France, encore tout au début de son règne. L'appellation de Saut-de-Sabo existait déjà, attendu que ce nom est mentionné clairement dans le Charte Royale. D'après la légende, conservée depuis, Sabo serait un personnage qui aurait réellement existé. Ce serait un prétendant audacieux à qui l'amour donnait pas des ailes - mais des jambes pour franchir d'un bond le resserrement de rochers de 1 m 50 de large, situé environ 60 mètres en amont du pont au milieu desquels la grande rivière n'apparaît que comme un simple ruisseau. À travers ce passage étroit, il traversait tous les jours, aller et retour, pour rendre visite à sa fiancée demeurant sur l'autre rive, du côté de Saint-Juéry. Il y a quelques années, avant la grande crue de 1930 et la mutilation du panorama si pittoresque des rochers, on distinguait quatre entailles canées et profondes dans le roc ayant servi autrefois à l'établissement d'un pont en bois qui permettait de franchir de plein pied le double escarpement. CHARTE DE FONDATION La Charte de Fondation est actuellement conservée à la préfecture. Le Roi, Seigneur haut justicier, stipule qu'il y aura 6 consuls qui, renouvelés chaque année, doivent exercer en son nom la justice civile. Les consuls ont le droit d'imposer les tailles et de les faire lever. Ils sont placés, ainsi que leurs familles, leurs biens et les agents de la Communauté, sous la sauvegarde du Roi. La Charte crée des notaires, des crieurs publics ; établit deux foires de trois jours chacune et un marché hebdomadaire ; autorise tous ceux qui voudront construire des maisons à cinq brassées (de 1m85 l'une) de largeur et de dix de longueur sur le terrain de la Communauté. Les habitants d'ARTHES sont exempts de tous subsides particuliers du droit d'albergue (obligation pour le vassal de loger le seigneur) et du droit de balade (obligation de payer une mesure de blé pour chaque paire de labour). Ils auront la faculté de bâtir un pont sur le Tarn, d'avoir une maison commune : un hôpital pour les lépreux, etc…Enfin, l'acte de concession règle aussi les testaments, les peines à infliger aux accusés pour rixes, assassinats, adultères. Il donne aux Consuls l'autorisation d'avoir un sceau particulier et une bannière ou étendard. Il établit des fours et moulins seigneuriaux où les habitants devront cuire leur pain ou moudre leur grain suivant redevance. Les fours dits « fours banaux » étaient au nombre de trois, juxtaposés. Ils étaient gérés par un « fournier ». Ces 3 fours subsistaient encore, à moitié démolis, vers 1850. Ils se trouvaient sur l'emplacement du café et de la maison du bourrelier appartenant actuellement à Monsieur Paul GORSSE. Ce terrain fût aliéné vers 1880 par la Commune, au grand dam de la place du pont dont le débouché se trouve aujourd'hui rétréci d'autant. Le moulin pour moudre le grain appartenait, immédiatement après la fondation de la Bastide, de même que les fours, aux deux nobles Guillaume VASCON ou GASC, seigneur de Labastide Vassals (Saint-Grégoire) et à Montans de Tauriac près de Rabastens. Il devient, dans la suite, par hérédité familiale, la propriété des DE ROQUEFEUIL, seigneurs d'ARTHES. Le dernier des ROQUEFEUIL d'ARTHES, Pierre, mourut à Arthès en 1820. Son gendre et successeur fût Monsieur CAUSSE DES CAMPS, près le Puy Saint Georges qui décédé en 1850. Son petit-fils, Monsieur Pierre CAUSSE, Maire d'ARTHES de 1900 à 1919 donna en location pour 60 ans en 1905 à la Société Pyrénéenne, puis fit vente en 1918 à la Société du Saut de Tarn des moulins et de la chute d'eau les alimentant. Les moulins font suite à la chaussée édifiée sur le Tarn en avant d'une cascade de rochers dite « Gouffre de Calmantran » (en langue romano-calla : mejana Tarann ou voie médiane du Tarn). Comme annexe du moulin à farine, il y avait aussi un moulin à huiles oléagineuses. Beaucoup plus tard, il y fût adjoint une filature et un moulin à chaux. En 1835, les ponts et chaussées fixèrent le débit moyen du Tarn à 12 mètres cubes à la seconde, dont 7 m 50 furent concédés au moulin d'ARTHES. Par son achat de 1918, le Saut du Tarn possède la totalité de la chute. PREMIERE ORGANISATION On délimita le village au Nord par un fossé artificiel dit « Rec Del Balat », marquant la première enceinte, fossé qui subsiste encore, mais que les agrandissements successifs ont largement débordé. Les rues sont tirées au cordeau et se coupent toutes à angle droit, de même que les chemins vicinaux extérieurs pour desservir les propriétés. De ce point de vue, ARTHES marque le premier modèle de l'urbanisme moderne, contrairement aux agglomérations plus anciennes. Lescure par exemple, où les rues sont toutes plus étroites et plus tortueuses. Quelques maisons en encorbellement, dont les étages supérieurs sont soutenus par des poutres en chêne formant console, situées dans la rue CAUSSE et datant du XIV° siècle, datent encore (maison LAFON Henri en 1980). Le puits communal, creusé en 1338, fût pris comme centre de la nouvelle cité. Le noyau de la nouvelle Bastide dût s'agrandir assez rapidement, puisque 10 ans après sa fondation, exactement en 1338, nous voyons ARTHES prélever 10 soldats armés et équipés pour défendre le pays contre les Anglais alors que Lescure à la même époque n'en envoie que 20. Au nord-ouest du village, on créa une petite place dite du « saltré », qui fut vendue en grande partie par la Commune en 1908. C'est sur cette place que se faisait la distribution périodique du sel, obligatoirement fourni par les services de la Gabelle au nom de l'Etat, moyennant une grosse redevance par tête d'habitant. Le préposé de l'Administration était nommé « Gabelou », le distributeur communal dit « salinier ». Peu de temps après la fondation d'ARTHES et sous le règne du même Philippe VI de Valois, de nombreuses épidémies ravagèrent le pays. Il y avait, à cette époque, de nombreux lépreux créant un danger permanent de contagion. Plus terrible encore fût la peste dite de Florence, en 1348, qui anéantit plus d'un tiers du monde chrétien. Pour lutter contre les fléaux on créa des centres d'isolement principalement contre la lèpre qui était endémique. Les ladres ou lépreux furent parqués dans des terrains (appelés maladreries). Quartier qui porte encore aujourd'hui le nom de « Malayrié », sis à plus d'un kilomètre au nord de l'agglomération et à l'est du chemin qui monte à la Longagne. À l'angle ouest de ce terrain maudit se trouvait une pierre aujourd'hui encore surmontée d'une croix, sur laquelle les parents de ces morts-vivants venaient toutes les semaines déposer une boule de pain accompagnée de quelques maigres pitances, sans qu'il fut permis aux pestiférés de franchir cette borne. Tout au-dessous était la Panissié (de panis, pain), terrain sur lequel il était permis de librement circuler pour porter la provision de pain, Le lépreux, de son côté, était tenu d'annoncer son approche par le tintement d'une clochette qui faisait fuir les biens portants. C'est par ces procédés assez barbares qu'on se garantissait, au moyen-âge, contre la propagation des maladies épidémiques. Mais bien souvent, au temps de panique, les lépreux subirent encore plus atroce : on les faisait périr tous ensemble dans les flammes. En dehors de cette organisation un peu rudimentaire de prophylaxie sanitaire et en plus de ces mesures de salubrité préventive, il se fonde, peu à peu en aval du cimetière et sur la berge dominant la vallée du Tarn, des communautés religieuses restreintes d'ordre contemplatif ou à tendance charitable. C'était de simples fermes dépendant d'un monastère où, tout en observant la règle monastique, on s'adonnait à la culture des terres. Ainsi, le couvent de la « Candeillé », construit vers 1850 à en juger par les fenêtres en forme de croix qui subsistent encore, abrita des moines vêtus de blancs dépendant de l'abbaye de Candeil près de Cadalen. Un peu plus à l'est, du côté du cimetière, était la résidence de religieux appelés trinitaires de l'ordre fondé en 1198 par Jean de Matha primitivement crée pour la rédemption des captifs et qui, par extension, s'occupe dans la suite d'œuvres de charité ou d'assistance. Ces moines du nom de leur fondateur, dits aussi Matharins et désignés plus tard par le peuple et par approximation (sous le nom de Mahurins), fondèrent tout à côté une colonie voisine dite « la Matharinié ». Ces diverses fermes monastiques, de même que le prieuré bénédictin de SaintMichel de Lescure attenant à l'église Saint-Michel, monument historique ; de même que les biens de la Communauté religieuse située sur l'autre rive du Tarn, le Moustié (Monastérium) aujourd'hui encore appelée la Mouyssetié, furent vendus en 1794 comme appartenant à des congrégations religieuses. La vente, payée en assignats de plus en plus démonétisés, se faisait à vil prix puisque nous voyons le château de Lescure avec toutes ses dépendances être adjugé pour 15 250, le 15 Octobre 1793. Les bâtiments de la Matharinié furent acquis par Jean FRANCES dit ROQUES, procureur syndic préposé aux ventes pour la Commune de Lescure, lequel s'empressa de restaurer l'immeuble et, à cet effet, y fit transporter l'escalier en pierre provenant de la démolition du château de Lescure. La partie inférieure du même escalier vint aussi à ARTHES et fût utilisée pour accéder au premier étage de la maison de Mr ROQUEFEUIL, aujourd'hui maison CAUSSE. Les deux moitiés présentent une même encoche, entaillée à égale distance dans chaque marche en pierre, encoche qui servait de point d'appui à une cloison de forme hélicoïdale. Dans ces mêmes parages, à côté de la Candeilhé et de la Matharinié quartier qu'on pourrait désigner sous le nom de quartier des Monastères, éloignée du centre du village de près d'un kilomètre se trouvait l'église Saint-Pierre qui, à défaut d'autre, devient l'église paroissiale. La Charte de Fondation de 1328 avait bien précisé que « les dits habitants pourront prendre dans les appartenances de la dite Bastide deux arpents (c'est à dire 8 440 mètres carrés, soit près d'un hectare) pour bâtir des églises, des hospices ou des maisons de lépreux et cela gratuitement « pro amore dei ». Cette stipulation ne fût jamais réalisée. Aucun hospice sur une telle étendu de terrain ne fût édifié intra muros. Les lépreux, nous l'avons déjà dit, étaient refoulés au loin à la Maladrerie et, vraisemblablement, abrités dans de misérables huttes ou cabanons ? D'ailleurs ce terrain, par son éloignement du centre et par ses facilités de contagion, n'était pas propice à la construction d'une église. C'est pour cela que, jusqu'en 1784, l'église paroissiale était toujours enclose dans le cimetière qui, même de nos jours et malgré les agrandissements successifs, est loin d'atteindre les deux arpents concédés. Comme on avait fait à Lescure de l'église Saint-Pierre, on trouva plus simple d'adopter pour les offices paroissiaux la chapelle abbatiale qui était toute prête à recevoir à la fois les religieux et les laïcs. Cette chapelle, devenue église, était encore debout peu avant le début de la Révolution puisqu'elle figurait sur un plan représentant le village d'ARTHES en 1780. Hélas, ce document précieux a disparu depuis, égaré ou détruit par des iconoclastes incompétents et à jour du côté Nord-Ouest du cimetière, lors de l'extension de cette nécropole en 1904. Sur ce même plan aujourd'hui dispersé, à l'emplacement même de l'église actuelle et à une quinzaine de mètres au Nord du puits communal, point de repère invariable, était représenté une petite chapelle minuscule pouvant contenir 20 ou 30 personnes, où un vicaire de Lescure venait dire la messe les jours ordinaires, l'église Saint-Pierre trop excentrée étant réservée pour les offices solennels du dimanche ou pour les sépultures qui avaient lieu sur place. LA PESTE - LA GUERRE DE CENT ANS Pour en revenir aux années qui suivirent la fondation d'ARTHES, nous devons noter que les débuts du développement furent extrêmement pénibles. Outre la lèpre qui décimait la population, la peste fit son apparition vers 1340. Plus d'un tiers des habitants fût emporté par le fléau. Aux épidémies meurtrières vinrent s'ajouter les malheurs de la guerre et celle-ci dura cent ans. En 1369, les anglais font leurs premières incursions dans l'albigeois, et après d'autres places s'emparent du château de Lescure et tiennent garnison à ARTHES. Ils sont chassés une première fois par la vaillance du Midi de la France. De nouveau, ils font irruption dans l'Albigeois de 1345 à 1348, traînant à leur solde des bandes de routiers qui, commandés par Rodrigue de Villaudrant, pillent et dévastent toutes nos campagnes. Leur occupation dura trois ans. Le chef de ces brigands occupa le château de Lescure. Vers 1430, le château fort de Labastide-Vassals fût détruit. On aperçoit encore les ruines au sud de Saint-Grégoire. On voit aussi à Pérols, hameau de cette commune, un camp dit « camp des anglais » où ceux-ci faisaient l'exercice De nombreux descendants de cette race étrangère continuèrent à porter dans le pays le nom de « Angles ». Lorsque le futur Louis XI, alors Dauphin, vint à Albi le 17 Mai 1439, le sire de GASC, seigneur de Labastide-Vassals, lui présenta ses doléances et tenta d'obtenir des subsides pour reconstruire son château démoli. Mais ce fût en vain : le futur héritier du trône était sollicité par d'autres préoccupations. Lorsque, grâce à l'impulsion glorieuse donnée par l'épopée et le supplice de Jeanne d'Arc (30 mai 1431), les anglais sont définitivement « boutés » hors de France. Mais le XIII° et le XIV° siècle furent des périodes d'extrême désolation et de misère. Malgré cela, la construction de la cathédrale d'Albi, à laquelle toutes les populations voisines contribuèrent de leurs deniers, fût à peu près achevée. LA FIN DU MOYEN AGE - LE GOTHIQUE FLAMBOYANT Mais c'est surtout grâce aux libéralités du Cardinal Louis 1er d'Amboise, faisant suite à la fresque de jugement dernier qui déploya dès 1478 ses peintures coloriées sur les deux tours intérieures du clocher et aux sculptures du jubé, véritable dentelle de pierre ciselée vers 1484, que se dressa, à 78 mètres de hauteur au dessus de la plaine environnante, le donjon colossal de Sainte-Cécile qui fût achevé vers 1492. Tout au début du XVI° siècle, avant 1515, nos populations allant vendre leurs produits du sol à la ville voisine purent contempler les admirables peintures de la voûte de la magnifique basilique et le porche monumental avec ses fines lignes arrondies qui annonçaient déjà le renouveau artistique que va être la Renaissance. ARTHES ne pouvait évidemment que participer de loin à toutes ces splendeurs. Nulle trace dans les murs d'une construction ayant un caractère architectural. Seul, le petit couvent de la Candeilhé, avec ses fenêtres en croix, nous a laissé quelques vestiges de l'architecture nouvelle. Il date d'ailleurs de la deuxième moitié du XVI° siècle. Les religieux, vêtus de blanc, dépendaient de l'abbaye de Citeaux qui comptait en France plus de 800 annexes ou dépendances. L'ordre avait été réformé par Saint-Bernard, c'est pour cela qu'on les appelait bernardins ou cisterciens. LA RENAISSANCE Malgré l'état troublé de l'Europe sous François I°, le règne du roi-chevalier fût particulièrement brillant et le bien-être général contrasta avec les époques antérieures. Ce prince aimait la magnificence. Il avait si bien apprécié le vin du crû voisin de Cahuzaguet, célébré plus tard dans notre poème patois de la « Guerro de las Crabos » qu'il avait donné ordre qu'il en fût servi tous les jours à sa table. Après signature du Concordat avec le pape, il fit nommer au siège d'Albi, comme cardinal et évêque, Monseigneur Adrien de Gouffier de Boisy dont les deux frères jouèrent un rôle de premier plan : l'un comme amiral et général en chef fût tué plus tard à la bataille de Pavie, l'autre fût gouverneur du Dauphiné. C'est par l'intermédiaire de notre prélat albigeois que François I° fit venir à Ardres, au « camp du Drap d'Or » (Juin 1520), 100 barriques de vin d'Albi provenant des crûs de Cahuzaguet, Cunac, Le Roc et Ranteil pour régaler le Roi d'Angleterre, Henri VIII, et tout son cortège de grands seigneurs. Le crû de Cahuzaguet était particulièrement connu du Cardinal : puisque le domaine du Chapître appartenait à la mense épiscopale d'Albi. C'est ainsi que la liqueur de Cahuzaguet devint un crû doublement royal, très goûté même en Angleterre. Un peu plus tard, la prépondérance du Nord sur le Midi étant devenue de plus en plus définitive par l'édit de Villers-Cotterets » d'Avril 1529, François I° avait décrété que tous les actes publics, notamment toutes les pièces d'Etat Civil, seraient dorénavant rédigés en Français. Nous avons vu, il y a une dizaine d'années, à la Mairie d'ARTHES, toute une collection de registres d'Etat Civil écrits en langue romane ou patois, qu'un garde-champêtre particulièrement exercé lisait devant Nous d'une façon très courante. On y reconnaissait très bien le patois actuel qui a survécu après 5 siècles, avec la seule variante que les mots dont la désinence est écrite en a, comme le latin, se prononçaient à la manière d'un o fermé comme nous le disons actuellement. Nous avons remarqué sur tous les registres du XVI° siècle rédigés en langue romane, que pour tous les membres de la famille seigneuriale des De Roquefeuil, la première lettre du texte était formée d'une majuscule ornée d'enluminures polychromes présentant un cachet artistique tout à fait soigné. On voyait que par son application le scribe avait voulu plaire à ces puissants personnages ou que sa besogne devait être bien plus libéralement rétribuée. Le roman persiste sur tous les registres encore conservés à ARTHES, jusque vers 1635 ou le français prend dès lors le dessus. Vers la fin du règne de François I°, aux alentours de 1545, pour faire face aux dépenses toujours croissantes, fût établi le premier cadastre ou campoix. Auparavant, les dépenses étaient votées par les Etats provinciaux. L'intendant du roi fixait la part incombant à chaque commune ; les consuls aidés des répartiteurs attribuaient à chaque chef de famille la quotité dont il était redevable. La taille ou (theil, partie) ou portion versée par chaque contribuable était perçue par des collecteurs dont la fonction était obligatoire, mais qui étaient nommés par roulement tous les 3 ou 4 ans par les consuls communaux. La centralisation des fonds était opérée par le seigneur du lieu qui, après prélèvement d'une dîme à taux d'ailleurs variable, était responsable vis à vis de l'Administration Centrale. C'est ainsi que dans une pièce que nous avons en mains, datées du 2 Juillet 1697, nous voyons « Jean Léonard Dion, huissier du Roy, à la réquisition de M. Jean FUMEE, chargé par sa majesté du recouvrement des taxes et droits de semailles s'élevant à 750 livres, a pris, saisi, et mis sous la main du roy tous les légumes, les fruits et revenus des terres, vignes et prés appartenant au sieur de Roquefeuil, seigneur d'ARTHES et autres revenus des moulins, four banal et autres, etc… Sur chaque acte de vente, il est perçu par le seigneur d'ARTHES de Roquefeuil, par portion égale avec Madame de Brassac un droit seigneurial appelé censive ou lods ? Il y a aussi l'impôt de capitation à tant par tête d'habitant qui se montait en 1706 à deux livres, trois sols, six deniers. D'où la nécessité de faire un cadastre et de le tenir à jour. C'est pour cela que diverses réadaptations ou réfections opérées toutes les 2 ou 3 générations. L'ancien cadastre, conservé à la Mairie d'ARTHES, ayant précédé le cadastre napoléonien en 1808, date des environs de 1750 d'après les indications qui y sont contenues. Le premier en date que nous y trouvons est de 1569. LA REFORME- LES GUERRES RELIGIEUSES Malgré ces améliorations administratives et malgré l'essor formidable qui, durant tout le XVI° siècle renouvela l'art de la construction en l'embellissant au point que les monuments de la Renaissance, comme d'ailleurs le mobilier, sont encore parmi les plus recherchés, la seconde moitié de ce siècle fût troublée par des guerres religieuses atroces qui accumulèrent les ruines et les destructions. Notre région fût particulièrement éprouvée. La nouvelle doctrine importée de Genève avait son principal foyer à Castres. Elle se propagea rapidement aux alentours, d'abord dans la partie montagneuse du département : Lacaune, Brassac, Viane, Trébas et quelques uns des nouveaux convertis arrivèrent jusqu'à Villefranche et Saint-Juéry. La réaction contre ce nouveau fléau ne se fit pas attendre. En 1551, un certain Jean JOCRY, originaire de Saint-Juéry, revenait de Genève avec son domestique où ils avaient été recueillir la bonne parole à sa source. Ils furent arrêtés à Mende, condamnés par le Parlement de Toulouse et mis au bûcher. Malgré ces résistances locales, la Réforme faisait de nouveaux prosélytes. Puylaurens, Lavaur, Lisle, Rabastens, Gaillac, Réalmont furent atteints de la contagion et furent le théâtre de massacres et destructions. L'épidémie religieuse essaya bien de franchir le Tarn, mais Cordez fût à peine effleuré. Les protestants s'emparèrent aussi de Lescure qu'ils occupèrent trois ans de 1581 à 1585. Ils se retirèrent en brûlant le château. La rive droite du Tarn ne fût donc que très peu entamée et de façon passagère. ARTHES, dans son recoin, limité au sud par le Tarn et sur toute périphérie orientale par son cirque de coteaux, reste indemne. Comme d'ailleurs Lescure, dont il dépendait, sa population resta étrangère à la secte réformée. Le mot « huguenot » (en patois « hygounaou ») avec sa signification de briseur de statues, de brûleur d'église de mécréant, ne disait rien de bon. L'alerte néanmoins avait été très chaude puisque sur la rive opposée, un peu en amont, on avait vu flamber les lueurs de l'incendie qui détruisit complètement l'agglomération de maisons situées sur le plateau où est aujourd'hui le hameau de « COMTE ». La tourmente passée, les malheureux habitants décidèrent de reconstruire leur village dans la vallée, au milieu de leurs jardins et de leurs chènevières. Ils se groupèrent autour du château fort du début de 17° siècle qui subsiste encore. Ces émigrés furent appelés dans le pays « lous dabalats » ou les Avalats. Devant le menace d'un pareil sort, les Arthésiens firent édifier du côté Est, sur un rocher en promontoire dominant la vallée du Tarn, en arrière de la maison CALMELS, un fort désigné sur tous les cadastres anciens sous le nom de « fort d'ARTHES ». Au même niveau, sur le passage de la rivière, se trouvait un pont en planches monté sur des madriers également en bois. Pour y donner accès, une large faille avait été creusée dans le roc (aujourd'hui comblée par un mur de soutènement) permettant la traversée des charrettes puisqu'il existait sur l'autre rive en face, il y une trentaine d'années, un chemin d'abord contournant au levant les bureaux actuels du Saut du Tarn. Le pont, est jeté d'une falaise à l'autre et surplombe en amont les cascades multiples disséminées à travers le chaos de rochers connus sous le nom de "gouffre de Calmatran ". Cet amoncellement de rocs formait une chaussée naturelle suffisante pour alimenter les deux petits moulins placés de chaque côté. Les canaux latéraux de dérivation ne furent aménagés que beaucoup plus tard quand la chute d'eau se fût industrialisée. Ce pont en bois, bien que précaire, rendait de très grands services. Mais par crainte de ses réformateurs forcenés qui se présentaient la torche à la main, on prit les devants et mît le feu à la passerelle en planches qui fût entièrement consumée. Ce passage désormais inutilisé conserva le nom de «Saout Crémat». Nous avons dit que les hérétiques, à part quelques incursions, ne prirent pas racine sur la rive droite. Pour les chasser de Lescure le Viguier d'Albi et le Seigneur de Cussac (SaintGrégoire) qui tremblaient pour leur peau, offrirent à leur chef, BACON, mille écus qui furent acceptés. À Albi, d'ailleurs, la lutte défensive avait été menée par un chef énergique. Monseigneur Laurent STROZZI, italien et propre cousin de la reine régente Catherine de Médécis, occupe le siège épiscopal de 1561 à 1567. Ce prélat, à la manière de certains princes de l'église de son pays, tel le Pape Jules Il ne craignait pas d'endosser 1'armure guerrière. S'il s'entendait à tenir la crosse, il savait à l'occasion manier énergiquement l’épée et le mousqueton. Il avait fait venir des bandes d'aventuriers, recrutés en Italie ; il les avait armé et leur faisait tenir garnison dans son palais même de la Berbie où ils faisaient l'exercice militaire. Quand un point de son diocèse était menacé, il s'empressait d'y envoyer ses troupes et, s'il y avait danger, il n'hésitait pas à se mettre à leur tête. Nous dirions aujourd’hui que c'était un partisan de l'action directe. Quoiqu'il en soit, grâce à ses méthodes énergiques, ALBI fût préservé des hordes dévastatrices qui firent tant de destructions dans les principales localités de l'Albigeois. Tout en attaquant l'ennemi face à face, comme tout bon politique italien insinuant qu'il était, il employa des procédés préventifs. A titre de récompense, il rétribuait largement ses meilleurs soldats et, selon les services rendus, il les implantait dans le pays en les dotant, ce qui leur permettait d'acheter une métairie ou un domaine dans les bourgs environnants. Ils restaient ainsi par leur exemple; des gardiens de la foi orthodoxe et, en même temps par les relations qu'ils avaient conservées avec leur évêque, des indicateurs précieux lui permettant de tenir en garde les perturbateurs. C'est de l'époque des guerres de religion que date dans nos régions l'installation de chefs de famille italiens qui firent souche dans le pays, et dont les noms à désinence en I décèlent encore l'origine bien que, à travers plusieurs siècles, la lettre finale se soit transformée en y. Nous savons qu'il en est ainsi d'après de multiples documents authentiques pour les Palazzi, les Valéri, les Blanqui, les Mari, les Fabri, etc... Heureuse influence d'ailleurs si ces infiltrations italiennes contribuèrent à atténuer l’horreur de nos guerres civiles, tout au moins dans le pays aux environs d'ALBI. LE REGNE D’HENRI IV Mais ce qui activa le plus la réconciliation nationale ce fût, outre la lassitude générale, 1' accession au trône, après sa conversion, d'un roi-paysan, père de son peuple. La promulgation de l'EDIT de Nantes en 1598, en conservant la liberté de tous les cultes sans domination politique, ouvrit une ère de prospérité sans précédent à l'aurore du XVIIIème siècle. On peut dire que l'origine de la fortune privée de nos villes et de nos campagnes, si aveuglément compromise et gaspillée par les responsables de la débâcle actuelle, date d’Henri IV. FIN DU XVIème et DEBUT DU XVIIème siècle Grâce aux encouragements donnés par le roi et à l'initiative heureuse des ses ministres, le retour à la prospérité fût rapide. En quelques années, l'agriculture, le commerce et l'industrie devinrent florissants. De nombreuses maisons furent construites ou restaurées. La limite primitive du village dont l'enceinte était circonscrite au 5ud par le Tam, à l'Ouest par les deux ruisseaux de Fresquet et de Piboulet, à l'Est par les coteaux de Lagrèze, ne pût s'agrandir que par le Nord, au delà du fossé de circonvallation. De nouveaux édifices s'élevèrent autour du terrain communal alors appelé "Camp des Rious», traversé au Nord Ouest par le ruisseau de Fresquet situé an bordure et en diagonale par un ruisselet devenant torrent au moment des orages, canalisé sous la Mairie actuelle et alimentant en eau le fossé périphérique, dit encore "Rec Del Balat". La rue d'angle en pente, venant du quartier de la Rivière et aboutissant au "Camp des Riou", en forme de polygone irrégulier, n'a cessé de s'appeler "Rue de Canderés" de même que par une homonymie approchante le village de "Val des Rious " devient \/ALDERIES. Ce champ, nous le rappelons, avait été prévu et réservé dès le début par la Charte de Fondation en 1328 pour les besoins collectifs de la Communauté. En réalité, il ne servit jamais que comme champ de foire. C'est là que se tenaient les deux grandes foires devant durer chacune trois jours, crées par institution royale. Le marché hebdomadaire qui avait lieu tous les mercredis se tenait sur le " Mercadial" (de Mercurii dies, jour de marché). Ce marché du Mercadial, destiné à l'approvisionnement de la semaine, est représenté sur toutes les cartes anciennes par la bande de rochers longeant toute la rive droite du Tarn et s'étendant de la ruelle descendant à l'emplacement du « Roc dé las Oulos » jusqu'au Moulin. Nous disons l'emplacement car ce magnifique site a été sacrifié après la crue de 1930 pour dégager les abords du pont. La berge schisteuse dominant le lit de la rivière fût amputée. Le rocher légendaire escarpé, dans les flanc- duquel s’étaient creusés naturellement par la corrosion des eaux, trois cratères ou excavations circulaires peu profondes, enforme de marmite (du latin aulula, oule) disparût. À 40 m en amont du pont, on en voit encore les vestiges. La place du "Mercadial" comprenait, en amont, le sol de la maison LAGRIFF0UL et une partie du jardin, le jardin GAUTHIER et toute la pointe triangulaire entre les deux chemins supérieur et inférieur, aboutissant au moulin. La petite rue intermédiaire, faisant aujourd'hui face à la maison LAVERGNE, était dite "Rue de la Croix du Mercadial".Cette croix était dressée au -dessous de l'escalier montant du Petit Paris. Le chiffre peu important de la population et l'absence de débouché permanent vers l'autre rive ne lui permirent pas de durer. Par contre, les deux foires, principalement celle de la Toussaint qui se prolongeait trois jours, avait une réputation extraordinaire dans toute la région limitrophe et bien au delà. Toute la montagne y descendait à l'automne, ses produits du sol mis en réserve en prévision de l'hiver. Parmi les animaux, le commerce des porcs et des chèvres était le plus renommé. La vente du gibier y avait un grand succès. Au retour, tout le monde emportait les nèfles de la foire d'ARTHES. C'est dans ce cadre de la célèbre foire que se passe l'épisode de "La Guerre dé las Crabos". Cette vogue ne se ralentit pas pendant plus de trois cents ans. Les trois foirails, celui du Mercadial, celui de la Place Centrale à côté du puits communal et celui du Couderc regorgeaient de marchandises. C'est vers l'an 1600, une fois la tranquillité revenue, que ce dernier se borda de maisons à l'Ouest et au Nord ; les constructions s'étendirent vers la rue et la placette du "Saltré ". Le "Champ de Ruisseau" fut aménagé et aplani. Selon la mode de l'époque et sous l'impulsion de SULLUY, duc de Rosny, on agrémenta le centre des Places publiques ou les avenues des bourgs, d'arbres destinés à devenir immenses et qu'on appela des "rosny". Ces arbres étaient des chênes ou parfois des ormes. Celui qui marquait le centre approximatif du Couderc (la mairie et les écoles n'existant pas encore) était un orme. Il était encore debout, cet arbre devenu gigantesque où nous l'avons vu abattre. Il se trouvait à 15 mètres à l'Ouest de la Croix actuelle. Une autre croix, plus ancienne, qui se voit sur le plan de 1750, était érigée sur le même emplacement. Elle fut démolie pendant la période révolutionnaire. Un arbre éphémère de la Liberté fut planté en l848 et ne dura que deux ou trois ans, comme la liberté elle-même, sur mal réglementée, dégénérée en oscillant entre la démagogie et la dictature. La mission de 1854 rétablit la croix qui, bien que dépourvue en 1906 de son socle monumental en pierres de taille se voit encore. Le bloc de maisons situées au Nord-Ouest de cette place, au-dessus du ruisseau de Fresquet n'existait pas encore sur le cadastre de 1750: l'emplacement en était occupé par des jardins privés. Le nom générique de Couderc, donné à ces publics plantés d'arbres à l'époque du ministre d'Henri IV, vient du mot latin "quercus" qui signifie plantation de chênes et était primitivement prononcé "Couerq". Un de ces chênes (ou ormeau) est marqué sur le plan précité relevé au milieu du XVIIIème siècle sur la place où se trouve le puits, à quelques mètres en avant de la croix actuelle. Une croix se voit au point où se trouve la sacristie de gauche. À défaut d'église paroissiale en cet endroit, reléguée nous l'avons dit à Saint Pierre, la petite chapelle pour la messe de tous les jours est située au niveau du chœur d'aujourd'hui, laissant libre toute la partie antérieure du quadrilatère. Tel a été jusqu'à la Révolution et pendant les deux derniers siècles de l'Ancien Régime l'agencement du village d'ARTHE5. Si nous continuons notre récit historique après l'assassinat d’Henri IV, en I 610, nous savons que l'esprit de la Réforme mêlé aux ambitions des seiqneurs féodaux, tenta de se relever pendant le règne de L0UIS XIII. Mais la main de fer de Richelieu eût vite fait de réduire ces dernières velléités d'insubordination. La décapitation du Duc de Montmorency, dans la cour du Capitole à TOULOUSE en 1632, marqua la défaite définitive de toutes ces agitations qui, si elles avaient troublé les environs d'Albi, Lombers, Réalmont, Teillet, Lescure même, avaient respecté ARTHES. À la même époque, de 1628 à 1632, la peste ravagea de nouveau l'Albigeois et causa de nombreux décès. Quand ce fléau fut éteint un grand élan de dévotion et de reconnaissance anima les survivants. On organisa de nombreux pèlerinages à la Drêche. Un nouveau pont en bois, remplaçant l'ancien brûlé 50 ans auparavant, fût construit entre les rochers en peu plus en aval, à peu près en face le jardin AUSSEL-PUYLAURENS et la station électrique du 5aut du Tarn. C'est celui dont nous avons parlé tout au début de notre récit et dont on voyait il y a quelques années les entailles carrées dans le roc pour servir de point d'appui à la charpente en bois. C'est par là que passaient, chaque année pendant peut être un quart de siècle, les pèlerinages de 5aint~Juéry, les Avalats, de Cunac et Cambon se rendant à la Drêche. Mais de par son caractère provisoire, il ne pût pas durer, et ne fût pas renouvelé. Le transit recommença de se faire d'une façon tout à fait restreinte, pendant près de 200 ans, par la batellerie au niveau des bacs d'ARTHE5 et de SAINT-JUERY. UNE PRINCESSE ALLEMANDE A LA LONGAGNE Vers le même temps, à la fin de 1636 ou au début de 1637, il se produisit dans les parages D’ARTHE5, une 2ème migration étrange. Une princesse allemande, de la dynastie des Hohenzollern actuellement déchue mais dont quelques membres devinrent, depuis 1704, d'abord Rois de Prusse puis en 1870, empereurs d'Allernagne, vint habiter à la "Longagne". Ce hameau, situé aux confins d'ARTHES et de SAUSSENAC, est en réalité bien plus près d'ARTHES, à quelques cents mètres de la source sulfureuse de "Méout". Le domaine de la Longagne est mi-parti sur le territoire de deux communes. C'est là que vint se réfugier Marie-Anne, fille du prince de Hohenzollern-Héchingen … Elle était née en 1614, on la maria à la fin de 1630 avec le Comte Ernest d'Isembourg, déjà veuf et âgé de 46 ans. Elle avait donc 16 ans au moment de son mariage et il y avait entre ces époux une différence d'âge de 30 ans. Ce qui devait arriver, arriva... Ils étaient tous les deux de très haute lignée. L'époux était, comme l'avait été son père, grand électeur à la Diète d'Empire qui nommait les empereurs d'Allemagne. Il fût dans la suite gouverneur général des Pays-Bas au nom de l'Infante Claire Isabelle Eugénie qui régnait à Bruxelles au nom de son père Philippe IV, Roi d'Espagne. Quand à notre héroïne de roman, ses sœurs s'étant mariées à des princes de plus hauts placés d'Allemagne, elle appartenait à une branche nobiliaire qui nous valût dans la suite, quoique par voie collatérale, Frédéric Il, Guillaume Ier et Guillaume Il, de sinistre mémoire.... Sa beauté ravissante frappa le comte d'Isembourg qui, nous l'avons dit, l'épousa cette même année. L'incompatibilité d'humeur éclata presque aussitôt, bien qu'elle demeura près de 5 ans dans l'hôtel de son mari à Cologne. Légère et enjouée, elle tomba amoureuse d'un gentilhomme français ; lui aussi, élégant et frivole, M de MASSAUVE, originaire de Montpellier. Celui -ci qui était son écuyer la décida à se laisser enlever. La fugue se fit en 1635, un jour de foire, en carrosse, en plein midi sans que personne y prit garde. Les amants et leur suite furent poursuivis par des cavaliers lancés sur leur trace. Ils furent rejoints vers la frontière de Lorraine. Le frère de MASSAUVE, qui était de l'escorte, fût blessé, pris et décapité et sa tête exposée pendant 8 jours sur un pont de Cologne. Après diverses péripéties, nos amoureux arrivent à Paris où MASSAUVE qui était très intriguant, tente d'avoir ses entrées à la cour de Louis XIII. Il est éconduit, mais ne désespérant pas, il reste à Paris 2 ans. Sachant que le prince allemand outragé les fait toujours rechercher et craignant pour leur vie, les deux fugitifs traversent tout le Centre de la France et arrivent à la Longagne, tout près d'ARTHES. Estimant ce lieu très propice à leur isolement, ils achètent une ferme qui leur coûte 10.000 livres, s'installent dans l'humble maison paysanne et en attendant font bâtir à côté une construction, pas somptueuse certes, mais du moins assez bien conservée, se composant en plus d'une vaste cuisine et des locaux affectés à la ferme, d'un rez de chaussée composé de 4 pièces et d'une petite chapelle. Au premier étage, même dispositif. Mais le petit oratoire tient toute la hauteur des deux étages. En bas, était sans doute le sanctuaire où certains jours devaient se dire la messe. En haut, une tribune garnie de balustres, permettait de suivre les offices. Au-dessus d'une porte qui pouvait communiquer de l'oratoire au salon, on voit encore une petite toile peinte, de 30 centimètres carrés environ, où l'on distingue encore quelques chevaux montés de leurs cavaliers en costumes Louis XIII, représentant sans doute le mur et ne pourrait en être détaché sans dégâts. Le salon contigu étant la principale pièce du logis, devait servir de salon de réception, avec une porte-fenêtre donnant sur la façade Sud. Même dépourvu de tout ornement comme il est maintenant, l'ensemble constituait une demeure bien modeste. Sur le versant Nord se voit un grand jardin clôturé d'un mur qui à dû être un parc, dont l'entrée est marquée par un portique encore debout. Le tout porte encore le nom de "Château de la Longagne", nom qui même à cette époque lointaine, n'eût été la qualité de ses hôtes, était certainement usurpé. Les premiers temps de leur séjour en ce lieu, leur dépense était magnifique. La princesse avait emporté lors de sa fuite de l'Hôtel d'Isembourg beaucoup de bijoux précieux et des pièces d'or. Lui-même ses appartements. À Nancy, où il y avait été lieutenant colonel au service du Duc de Lorraine et où son emploi lui valait près de 50.000 livres de rente par an, à Cologne où il avait la réputation d'un parfait galant homme, il dansait et jouait du luth, faisait de la musique et de la peinture. Donc, il se peut bien que le petit tableau conservé à la Longagne puisse être son œuvre. Les amants restèrent 4 ans et demi plus ou moins cachés dans ce nid. C'est ce qu'ils reconnaissent eux-mêmes dans l'acte de séparation par consentement réciproque, passé le 8.Juin 1641 par devant Maire GAUSSERAND, notaire royal à ALBI. Il y est dit : "La Princesse Marie Anne de HOHENZOLLERN et Jean Alexandre de MASSAUVE déclarent que les dites parties ont demeuré ensablement du dit lieu de la Longanie qu'est depuis l'an six cent trente sept jusques à présent". Au moment de la rupture, la Princesse n'a que 27 ans. La princesse lui abandonne certaines créances pour prêts par elle consentis en Septembre 1636, pendant leur séjour à Paris. La jouissance de la maison et la métairie de la Longagne sera acquise pendant 4 années à MASSAUVE, jusqu'au 1er Août 1645. Après cette date, l'usufruit sera partagé par moitié entre la Princesse et MASSAUVE. La nue-propriété en est donnée par l'un et 1' autre à DELMAS, marié avec Marie-Madeleine de BARON, demoiselle de compagnie qu'elle avait amenée avec elle lors de a fugue de Cologne. Tous les meubles seront la propriété exclusive de MASSAUVE et elle même s'engage "à payer toutes les dettes dues aux particuliers durant le temps que les dites parties ont demeuré ensamblement au lieu dit la Longanie". C'est sous l'influence de l'Évêque Mgr DE DAILLON de LUDE, qui prît possession du Siège d'ALBI le 9 Mars 1637, que la princesse décida de répudier MA5SAUVE. Beaucoup de chercheurs ont cru que la Princesse était protestante: cela n'est pas exact. Outre que son beaupère, étant encore dans ordres mineurs et avant son mariage était archevêque titulaire de Cologne, outre que son mari très pieux était l'homme de confiance de la très Catholique Infante d'Espagne régnant sur les Pays-Bas, il suffit de se rappeler que la Comtesse d'Isembourg en 1633, donc pendant son union légitiment fut déléguée par l'Infante d'Espagne pour la représenter au baptême comme marraine d'un enfant du duc de Naubourg. Celui-ci etait luimême converti au catholicisme et était devenu l'un des favoris de Philippe IV et de ses enfants. Monseigneur de LUDE n'eut pas à la convertir au catholicisme. Son apostolat se borna à la ramener au bercail en l'aidant à cesser cette vie quelque peu scandaleuse. La mission de l'évêque dura moins de 4 ans, si nous rapprochons les deux dates de l'arrivée de l'évêque et de la répudiation de la repentante. (9 Mars 1637 et 8 Juin 1641). Nous croyons avoir trouvé une explication tout à fait plausible de la rencontre de l'éminent avec la noble pénitente. L’évêque n'est pas encore le bâtisseur somptueux qu'il devint quelques années plus tard quand il édifia le Bon Sauveur, encore appelé de nos jours "le petit Lude". Le château de Combefa, propriété des évêques d'Albi, était bien loin et sans doute bien inconfortable depuis le départ de Louis d'AMBOISE. L'évêque trouva sans doute plus commode d'habiter, pendant les jours chauds de l'été, une petite chartreuse aux portes d'ALBI, à 5 kms de la ville, au lieu dit "Bellerive", à mi-chemin de la route d'Albi et de Valdériès. Le domaine comprenant aujourd'hui 3 métairies, est longé par le ruisseau de Coules. C'est une oasis de fraîcheur et de verdure avec ses grands platanes et ses sapins toujours verts. Au centre est une maison de campagne surmontée de tourelles qui attirent le regard. L'ensemble constitue un séjour délicieux pour l'été. C'est là que nous avions repéré depuis longtemps, à 3 mètres en dessous de la maison et sous les ombrages, une pierre de taille de 2 mètres de long servant aujourd'hui de banc. Nous arrêtant assez souvent dans ce lieu, nous avons déchiffré sur l'une des faces l'inscription suivante encore très lisible malgré que quelques lettres soient un peu effacées : "Gaspardus de DAILLON de LUDE Episcopus Albiensis" C'était donc là un lieu de rendez-vous de l'évêque, l'été. Quoi d'étonnant alors que pendant le mois de Mai et le début de Juin 1641 , Mgr ait entendu parler dans ses parages de cette princesse mystérieuse, menant une vie peu extraordinaire pour le Pays et habitant à 3 Km de là, au château de la Longagne ? La Châtelaine était de la paroisse de Magrin, consulat de Lescure. On voit encore les vestiges de l'église vendue les 13 Germinaux ans III pour 150 livres et transformée en ferme. Après le rétablissement officiel du Culte (15 Juillet 1601) et par délibération du 27 Thermidor en XII, prise par la Municipalité de Lescure, dont elles dépendaient avant leur suppression, les trois paroisses voisines de Masclé, Magrin et Bezelle furent rattachées la première à Valdériès, la 2ème a N.D. de Caussanel, la 3éme à Lescure. La Longagne~Haute alla à Caussanel. Tout près de cette église se trouve un monticule dit "des Prédicadous" ou St Dominique vient prêcher à la foule en 1216, suivi d'un cortège de disciples. En ce lieu fût établi dans la suite un prieuré et ses dépendances qui appartiennent encore aux religieuses dominicaines d'ALBI. Le portail orienté vers Bellerive est à 2 Km de la demeure estivale de L'évêque et à 1 km de celle de la princesse. Celle-ci, désabusée et repentante, a bien pu sans doute ouvrir son coeur au curé de sa paroisse qui, par l'intermédiaire de l'évêque tout proche, a fait faire toutes les démarches pour la remettre dans le droit chemin. Mgr de DAILLON de LUDE était, par sa mère, le propre neveu de SCHOMBERG, maréchal de France et gouverneur du Languedoc. L'évêque avait organisé une compagnie de 50 gentilshommes dans laquelle il engloba notre aventurier MASSAUVE au titre de Capitaine et conduisit lui-même sa petite troupe dans le Roussillon. Muni d'une lettre de recommandation du comte d'Aubijoux, seigneur de Castelnau de Lévis, il la fit admettre dans le régiment du marquis de Vardes pour achever la pacification de cette province, 4 ans après la victoire de Leucate (1637) sur les Espagnols. On n'entendit plus parler de MASSAUVE. Quant à la princesse, elle lui fournit ellemême son équipage pour son entrée en campagne. RETRAITE AU COUVENT DE LA VISITATION Ainsi libérée de toutes ses attaches, elle partit 6 mois après le jour de Noël 1641 au couvent de la Visitation au bout du Pont à ALBI. Cet ordre avait été fondé par Saint François de Sales, selon la règle de Saint-Augustin. Elle y vécut comme novice jusqu'à la mort de son exmari, le comte d'Isembourg, en 1664. Âgée alors de 50 ans, elle fut supérieure de la Communauté pendant 6 ans. Elle se démit de sa charge de supérieure 7 ou 6 mois avant sa mort, redevint simple religieuse et décéda en 167O. Du temps qu'elle était supérieure à la Visitation, elle fît la confidence des péripéties de sa vie à Madame Salvan de Saliès. Cette "muse Albigeoise" comme on l'a appelée, veuve à 23 ans, écrivit en 1676, la biographie de "la Princesse d'Isembourg" avec tous les détails et le nom de tous les personnages qui l'avaient approchée Tout le récit a été reconnu parfaitement exact avec document authentique à l'appui, trois cents ans après par les héritiers du nom d'Isembourg (Voir revue du Tam 1938). Nous conclurons avec Madame de Salies : "Ainsi mourût cette belle et innocente princesse que l'humeur trop sévère de son mari, de mauvais conseils et peut être une trop grande jeunesse et beaucoup d'enjouement ont fait passer pour coupable et rendue une des plus malheureuses personnes de son siècle". À tous ces titres, elle est bien digne de figurer, à coté de Melle de Lavaillière, dans la galerie des grandes amoureuses repenties du Grand Siècle. Dans ces notices relatant l'histoire d'ARTHES, nous ne pouvions passer sous silence cette princesse allemande venue de Cologne pour habiter la Longagne, la plus grande partie de ce hameau étant rattaché à la Commune d'ARTHES et l'ensemble étant beaucoup plus rapproché de ce village que de SAUSSENAC. LA FAMILLE DE ROQUEFEUIL D'ARTHES Continuant notre récit à l'époque où Mgr de DAILLON du LUDE, commença son apostolat à ALBI, nous trouvons notre seigneur qui défile en bonne place au cortège solennel qui accompagne le nouveau prélat. Il est titré dans la chronique "noble Anthoine de ROQUEFEUIL, seigneur de Granval". Le même "Anthoine de ROQUEFEUIL" contresigne, à la même époque, les actes de vente que nous avons en mains, perception de ses droits seigneuriaux. Dans un acte de "mil six cent cinquante trois passé au lieu d'ARTHES, diocèse d'ALBI, Sénéchaussée de THOULOUZE ", nous voyons mentionné "Le Sr Charles de Roquefeuil". A la fin du 17ème siècle et au début du 18éme, en 1696 et 1706, les livres de comptes portent la signature "Arthès de ROQUEFEUJL". Les droits seigneuriaux, lods et censives sont perçus en 1758 et 1777, conjointement signés sur le même acte par Mme Salèlles de BRASSAC et M.. ROQUEFEUIL d'ARTHES, titrés coseigneur d'ARTHES. Celui-ci déclare qu'il a "reçu pareille somme que Mme de BRASSAC a reçu et pour les mêmes fins et raisons dont est quitte, me réservant sur le compte de son fils les lods qui le composent et autres droits et devoirs seigneuriaux. Fait à ARTHES le dernier jour du mois de Janvier mil sept cent septante". Un autre reçu de 1777, porte :"Je déclare être par de ma portion de los du présent acte seulement et cet sans préisusise d'autres droits et devoirs seigneuriaux. Fet à ARTHES ce treize Avril 1777- de ROQUEFEUIL." Tous ces reçus autographes-; tant du 17éme que du 18éme siècle pourtant si cultivés-; ne dénotent pas une tenue littéraire bien élevée. Au fait, nos seigneurs d'ARTHES ne jouèrent qu'un rôle tout à fait effacé pendant les deux derniers siècles de l'ancien Régime, à l'encontre de leurs cousins dans la branche du Rouergue qui s'illustrèrent dans la marine et dans l'armée. Un de ROQUEFEUIL, à la fin du XVIIIème siècle, passa en Amérique, fit fortune et devint la souche de la fameuse dynastie de milliardaires américains les "Rockefeller". Donc, les de ROQUEFEUIL d'ARTHES n'entrèrent jamais de prés ou de loin dans l'histoire. Ils ne figurèrent jamais aux réceptions de Versailles. Leurs biens, Si l'on en excepte les moulins, les fours banaux et les censives auxquelles leur donnaient droit leurs prérogatives de seigneur du lieu, dépassaient à peine comme étendue ceux des paysans fortunés qui étaient leurs vassaux. À part quelques menus droits de mutation, de péage au moulin et au four banal, les successeurs et héritiers de Guillaume GASC (VASCO) de Labastide-Vassal n’avaient pas été avantagés par la Charte Royale. C'était un acte d'émancipation en faveur des vilains, Le seigneur avait été dirions-nous aujourd'hui de façon un peu triviale "vissé" : il ne pouvait retenir que 1/300 sur la mouture du blé et 1/200 sur la cuisson de la pâte. Tous les droits d'administration, de répartir les impôts, de rendre la Justice au 2éme degré et d'infliger des amendes étaient réservés aux 6 Consuls. À chaque terrain à sa convenance de 19 m 50 de long sur 9 m 250 de large. C'était la continuation du système de démocratisation inauguré par les prédécesseurs royaux au double profit du petit peuple et de l'autorité royale. Ce système d'équilibre était nécessaire à l'unification, puis à la conservation du pays qui allait être la FRANCE. ADMINISTRATION COMMUNALE SOUS L'ANCIEN REGIME Au point de vue local, cette collaboration organisée n'avait eu que d'heureux résultats; pour le Seigneur, comme nous le verrons dans la suite, et pour le vassal qui par son travail pouvait accéder à la propriété et étendre son petit bien. Le morcellement de la terre que nous constations par l'étude des plans cadastraux anciens, permit aux nombreux habitant qui y avaient pris racine de vivre des produits du sol qu'ils récoltaient et par l'extension du commerce horticole de conquérir plus de bien être et d'indépendance. Il se forma ainsi, peu à peu, un noyau de petite bourgeoisie rurale dont le niveau matériel et spirituel ne firent que s'accroître au cours des XVIIème et XIXème siècle avec l'extension de 1' instruction et avec le progrès et les découvertes scientifiques. En plus des 6 consuls capables de rendre la Justice au 1er degré et de faire fonction de Juges de Paix, la charte avait institué un notaire communal, non seulement pour enregistrer 1es transactions des particuliers, mais pour adapter aux formes judiciaires régulières les décisions de principe prises par les consuls. Aussi voyons-nous dans les Assemblées Générales des Consuls, les délibé-rations importantes dirigées par le Procureur du Roi ou parfois par le Juge Mage du diocèse, notamment pour les élections des Consuls. Pour garantir l'indépendance des décisions, c'est le 1er consul ou Mairie qui préside, secondé d'un 2ème Consul, assisté de 4 autres consuls ordinaires ou composant une sorte de pouvoir exécutif. Leurs fonctions sont maigrement rétribuées : les 2 premiers consuls touchant chacun 8 livres par an pour leurs peines, les 4 autres seulement 5 livres chacun, soit en tout 36 livres par an pour le Conseil Communal. Celui-ci est assisté de 6 conseillers dits conseillers politiques prenant part aux délibérations et au vote, mais non chargés d'exécuter les décisions. Leurs concours aux assemblées est gratuit. Et enfin, lorsqu'il y a des résolutions importantes à prendre, on fait aussi appel à un conseil supplémentaire, dit de renforcement et comprenant tous les contribuables importants de la commune qui ont droit de donner leur avis et de signer au registre. Le budget annuel ou mande est présenté dans les trois premiers mois de l'année par le Syndic diocésain, agissant au nom de l'Intendant résidant à TOULOUSE. Le conseil prend connaissance du montant de l'imposition qui lui est attribué, en assure la répartition selon la capacité fiscale de chaque contribuable et nomme un député qui va siéger aux États Albigeois, à l'Hôtel de Ville pour y présenter ses observations ou demander des rectifications, s'i1 y a lieu, et prendre part au vote final pour tout le diocèse. Il est accompagné au chef lieu par le collecteur de l'année écoulée qui présente tous ses comptes en règle et dûment acquittés. Le collecteur communal était d'abord dit forcé sous peine d'encourir une forte amende s'il résiliait sa fonction ou la remplissait mal. Il était établi un roulement parmi les gros contribuables. Dans la 2ème moitié du XVIIIème siècle, l'emploi était mis à l'enchère, au rabais ou au moins disant, par 3 criées successives opérées pendant trois dimanches. Le collecteur devait prendre 2 gros contribuables pour lui servir de caution et tous les 3 souscrivant devaient signer leur engagement au registre et être agréés par les Consuls. En 1169, la rétribution allouée au collecteur était de 19Livres 16 sols. À la même époque, le budget communal qui avait presque doublé depuis 60 ans était de 5600 livres pour l'ensemble. Le salaire du maître d'école y figure pour 60 Livres par an. Le logement du vicaire, d'ailleurs reconnu tout à fait insuffisant par une délibération, coûte 12 Livres l'année. Les consuls sont nommés par tiers tous les deux ans et rééligibles. De même, les 6 conseillers politiques. Il doit être présenté deux candidats pour chaque place, dont un seul est élu à la majorité des suffrages. Les deux candidats proposés sont désignés par les membres sortants ou par collègues restants, en cas de décès. Donc pas d'âpres compétitions pour obtenir la charge qui très souvent était attribuée à l'insu du bénéficiaire Chaque consul désigné était officiellement revêtu de l'écharpe consulaire et prêtait serment sur les Saints Evangiles tenus par le 1er consul ou Maire. Celui-ci prêtait serment de la même façon devant le Juge-Chef du Diocèse. Telle était l'organisation municipale que nous avons relevée sur le Registre des délibérations, au moins pendant la deuxième moitié du XVIIIème siècle. LA PETITE BOURGEOISIE Parmi les Consuls, outre de nombreux propriétaires ou petits propriétaires, nous voyons figurer Louis RESPLADY, notaire royal à ARTHES en 1716. Il y avait aussi un notaire à Les cure, Me METGE, dans la période qui précéda la révolution. À partir de 1790, les actes sont passés chez Me CLARENC à St Juéry, étant devenu chef de canton. En 1745, nous voyons mentionné un Jean Pierre BERNADOU, titré chirurgien d'ARTHES qui possède une terre tout proche du cimetière et a sa maison Rue du Mouli, sur l'emplacement actuel de la maison MANENQ. Bernard CAMPMAS est aussi chirurgien au dit lieu d'ARTHES de 1765 à 1790. À la même époque, Antoine FRANCES dit Roques, maître chirurgien, réclame en 1790 pour ses visites et fournitures de médicaments une somme de 15 Livres et 12 Sols à raison de 6 sols la visite. Les chirurgiens d'il y a 150 ans étaient à la fois barbiers, arracheurs de dents et guérisseurs d'entorses ou rebouteux. Le métier devait être assez mal rémunéré, soit par suite de la pléthore résultant de la présence à ARTHES de deux chirurgiens alors que la population était en 1789 exactement de 500 habitants, soit par L'abstentionnisme des clients à cette époque plus récalcitrants. Nous les voyons, en effet, l'un et l'autre solliciter et obtenir la fonction de collecteur d'impôts au moins disant à raison de trois et même 2 deniers par Livre, et en faisant appel comme caution et garantie de leur gestion à deux propriétaires reconnus solvables. Cette place de collecteur devait paraître très enviable avec son rapport moyen de 15 Livres par an puisqu'ils l'occupèrent, Bernard CAMPMAS notamment pendant au moins 10 ans. Dans la suite, les prix ont déjà augmenté, puisque le Dr Hyacinthe François TEYSSET, demande 10 sols pour chaque visite, 5 sols supplémentaires par lavement et 15 sols quand il y a saignée. La tradition médicale est continuée par le Dr DEMUR, médecin homéopathe qui soigne avec des granulés vers 1830, par le Dr BARASCUD vers 1860, et par le Dr GROC vers 1868 qui, après trois ans d'installation à ARTHES rentre dans ses pénates à Saint-Juéry. Preuve que la médecine nourrissait déjà mal son homme à ARTHES. LA PREMIÈRE ÉGLISE ÉDIFIEE AU CENTRE DU VILLAGE À cette époque, avant les 5 années qui précédèrent le grand cataclysme de 1769 fût édifiée la première église érigée au milieu de la Place Centrale d'ARTHES, sur l'emplacement de la petite chapelle qui l'avait précédée. L'église paroissiale de Saint-Pierre, au cimetière, tombait en ruines Les portes et les fenêtres fermaient mal tellement que, au mois de Septembre 1771, des voleurs pillèrent le sanctuaire et la sacristie, fracturèrent les portes du tabernacle et emportèrent les vases sacrés. Les ouvriers qui réparèrent les dégâts présentèrent plusieurs fois leur note pour se faire régler, preuve que la communauté n'était pas riche. L'église, très éloignée de l'agglomération était très incommode. De plus, la petite chapelle de la place était aussi en mauvais état. L'ormeau tout proche, faisant pendant à celui qui était planté sur le Couderc, dépérissait. Les branches desséchées tombaient sur la toiture et avaient démoli la voûte, les eaux de pluie en s'infiltrant avaient pourri la charpente. De toute façon on ne pouvait plus reculer. Messire Pierre de ROQUEFEUIL, qui précédemment avait refusé cette charge, accepte en 1776 d'être nommé premier consul et Maire. On décide de bâtir un nouvel édifice du culte. Le plan est dressé par Monsieur GLEYZES, ingénieur à ALBI. L'adjudication des travaux est ordonnée après autorisation de l'Intendant toulousain, au profit de GRANlER, du massage de LARROQUE au-delà de LONGOUYR0U, commune de Crespinet, qui se charge de la maçonnerie. CATHALA, charpentier à ALBI, prend à son compte la boiserie et Joseph FONTES, titré "briquier" à ARTHES, doit confectionner la toiture Les trois entre-preneurs solidairement responsables moyennant un prix global de 3 560 Livres par un contrat signé le 8 Décembre 1782. Ce premier plan n'avait prévu qu'un clocher "élevé en façade et de forme triangulaire". Dès que les murs furent sortis de terre, on s'aperçut bien vite, le 25 Mars 1783, que ce misérable clocher un peu squelettique à parois plate et ajouré comme l'emporte-pièce pourrait tout juste suspendre 2 ou 3 cloches, mais aurait l'inconvénient (sic) "de ne pas garantir les cloches de l'injure au temps ; de ne pas laisser la facilité de pouvoir y monter pour les réparer et peut-être celui de n'avoir pas assez de solidité." Pour faire plus grandiose, sans trop de frais, l'Assemblée Municipale dresse un devis nouveau du clocher à construire en forme de tour "quarrée' (resîc) sur les fondations déjà établies de la chapelle, des fonds baptismaux, qui est à main gauche de la porte d'entrée. Le deuxième plan du nouveau clocher est approuvé par Monsieur GLEYZES, le devis estimatif dressé par Monsieur MARIES nécessite un supplément de dépense pour la somme de 661 livres 6 sols, 5 deniers. Saluons en passant, la mémoire de M. MARIES qui reproche ne peut être attribué à lui seul, eût plus tard la gloire devant la postérité de sauver de la destruction complète la Cathédrale Ste Cécile. La démolition de celle-ci fut mise à l'adjudication en 1792, l'enchère s'éleva à 4 francs. en échange des matériaux qui devait résulter de cet acte de vandalisme révolutionnaire. Monsieur MARIES eut le courage, méritoire à cette époque, d'écrire au Ministre ROLAND, chargé des Beaux Arts. Au moment où la pioche des démolisseurs allait entrer en jeu, ce ministre dont il faut louer l'incompétence ordonna une enquête avec ordre provisoire de surseoir à la destruction. En attendant, la magnifique cathédrale Ste Cécile fut sauvée et ROLAND, comme sa femme qui était son inspiratrice furent emportés quelques mois après par la tourmente qu'ils avaient favorisée. Inclinons nous donc devant la protestation courageuse de l'Ingénieur MARIES. Le clocher d'ARTHES, mal équilibré sur une chapelle latérale, sans fondations suffisantes pour le supporter, ne tarda pas à se lézarder entraînant avec lui la dislocation des murs de 1' église. L'un et l'autre n'eurent qu'une durée éphémère puisque le beffroi dut être refait en 1838 et l'église se maintint debout à peine 90 ans. Ne regrettons pas l'ancienne église d'ARTHES, vite délabrée et félicitons nous que la somptueuse basilique ait bravé les orages et les révolutions. Pourtant, l'édifice d'ARTHES avait affronté toutes les expertises. Mr François TEYSSONNIERES d'Albi avait garanti sa solidité et pour vérifications et vocations avait touché la somme de 110 Livres. Pour payer les frais de la construction, la commune dépourvue de fonds avait fait appel à 4 prêteurs volontaires qui, s'étant référés aux assurances du même expert avaient accepté d'un commun accord de venir en aide à la Communauté. Mr de THOMAS, prieur de St Michel de Les cure avait demandé 380 Livres ; Monsieur FRANCES dit ROQUES et frère de chirurgien, curé de Ste CROIX, avait prêté 900 Livres, Monsieur CARAYON de Marsal 1200 Livres, l'abbé de ROQUEFEUIL, curé de Lagarde en Rouergue, oncle de noble de ROQUEFEUIL, seigneur du lieu, 1 900 Livres, soit en tout 4 390 Livres couvrant la totalité de la dépense. Pour l'aménagement intérieur, RUSTAN sculpteur à Albi, avait fait l'autel en forme de tombeau, ciselé le tabernacle et décoré le chœur de consoles ou crédences, d'un tableau avec son cadre, le tout moyennant 100 Livres prises sur une donation de 200 Livres affectées à l'ancienne chapelle par testament du 20 mars 1759 (METGE notaire à Lescure) fait par noble Jean Antoine de ROQUEFEUIL de Mauvenon, oncle de Pierre de ROQUEFEUIL d'ARTHES. Les prêteurs furent rapidement désintéressés par la voie d'une imposition extraordinaire, échelonnée sur 5 ou 6 ans puisque, en Juillet 1789 les 7 créanciers avaient donné acquit de restitution de leurs avances. À la fin de 1788, noble Pierre de ROQUEFEUIL, après 12 ans consécutifs de gestion des affaires municipales, déclara vouloir se retirer. Par délibération du 8 février 1790, Jean Antoine FRANCES est nommé consul Maire pour le remplacer. Nous arrivons au seuil de la révolution. Il faut remarquer, avant de clôturer l'ancien régime, que le seigneur d'ARTHES fut un simple collaborateur des autres consuls. À maintes périodes il sut s'effacer comme l'avaient fait ses prédécesseurs, pour laisser la direction complète aux autres notables désignés par leurs collègues. Aussi, verrons-nous que ceux-ci ne cessèrent pas de lui conserver toute leur sympathie. LA REVOLUTION CAPITULATION DU POUVOIR CENTRAL L'ancien régime, comme il arrive pour tous les gouvernements, avait toléré de nombreux abus créant et consacré d'intolérables privilèges qui n'avaient plus leur raison d'être. Il eut appartenu au pouvoir central représenté par le Roi de prendre les devants pour les supprimer. Malheureusement, Louis XVI très bien intentionné et voulant faire le bonheur du peuple comme Henri IV était faible et hésitant. Il était combattu par tous les privilégiés, Noblesse et Parlement qui avaient intérêt à s'opposer aux réformes. Il avait capitulé devant les Parlements qui s'étaient sortis de leur rôle d'exécuteurs des lois et qui avaient la prétention de les dicter en les remettants en fonction. Il capitulait tous les jours devant la Noblesse et devant son entourage de la cour que, tout en faisant semblant de favoriser les nouvelles par "snobisme", se refusait sournoisement à leur mise en application. Abandonné de tous, le Roi abdique, s'en remettant à la masse inconsistante et changeante du peuple pour la direction de l'Etat qui doit être le bien de tous. Il inaugura, sans le vouloir, l'ère de la. Démocratie qui à tôt fait de glisser à la démagogie où tout le monde gouverne et où nul n'est responsable ou le gouvernement d'hier. La politique de parti, dans les premiers temps, et plus tard l'individualisme forcené présenté sous couleur de Liberté de chacun d'autant plus redoutable que les mobiles intéressés en sont faciles à dissimuler à la masse incomprenante, ont tôt fait de dissocier et de désagréger ce qui fait la force et l'unité d'une Nation. C'est ce qui est arrivé à la France, tantôt de façon violente et destructive avec à son actif 4 Révolutions dans moins de 100 ans, tantôt de façon plus lente et par un glissement progressif vers l'anarchie irresponsable. Cet abandon, continu et cette annihilation complète de l'autorité de l'Etat passe entre les mains du plus grand nombre. Ce renoncement des gouvernements successifs à assurer la pérennité de l'existence du pays ont eu pour trame la catastrophe dans laquelle nous nous débattons encore pour le plus grand malheur de tous. LES PRELUDES DE LA REVOLUTION A ARTHES Quoi qu'il en soit, les idées subversives ou de désordre n'eurent aucune prise sur l'esprit de notre population en 1769. Les mêmes hommes, travailleurs pacifiques plus habitués à consolider qu'à détruire, continuèrent à administrer la commune. Tout au plus firent-ils quelques timides concessions pour la forme à l'esprit de rénovation en vogue. Pendant la période de préparation qui précéda la nomination des députés aux Etats Généraux, notre Municipalité fut convoquée à une réunion de 3 Ordres à l'Hôtel de ville d'Albi qui se tiendra les 10 et 11 Février 1789. Nos consuls désignent pour les représenter leur nouveau Maire et 1er Consul, Jean Antoine Frances, approuvant d'avance tout ce que celui-ci "dira fera et consentira dans les dites assemblées et toutes relever et le garantir". Plus de 200 représentants se réunirent dans la salle des Etats Albigeois. On y prononça de beaux discours, on y exposa de belles formules en demandant par exemple le vote par diocèse, mais on ne pût prendre aucune décision. L'édit de convocation prévoyait en effet, un collège électoral pour chacun des trois ordres et par Sénéchaussée. Or, le territoire d'Albi était à cheval sur trois Sénéchaussées : toute la rive gauche du Tarn formant l'agglomération, faisait partie du temps immémorial de la Sénéchaussée de CARCASSONNE ; toute la rive droite, ARTHES y compris, et le Gaillacois étaient rattachées à la Sénéchaussée de TOULOUSE. Le Castelviel dépendant du Sénéchal de CASTRES. D'où confusion inextricable pour les votes. Les assemblées régulières, pour la Sénéchaussée de TOULOUSE dont dépend ARTHES, tiennent dans cette ville à partir du 26 Mars. Deux des députés, élus par le Clergé dépendant de TOULOUSE, sont de notre région : Jean Joachim GAUSSERAND, curé de Rivières et futur évêque constitutionnel et Pal Augustin PONS curé de MAZAMET. Pour le Tiers Etat, trois sont des Tarnais : Jean François CAMMAS, Docteur à Monestiés : Pierre DE\/OISINS, avocat à Lavaur; et Jean Antoine de LABORDE, maire de GAILLAC. Le Maire d'ARTHES, Jean FRANCES fût de nouveau mandé, le 22 Juin 1789, à une deuxième séance solennelle des Etat Albigeois. C'était deux jours après la séance du Jeu de Paume à Versailles. C'est là et bientôt à Paris que vont se dérouler les grands évènements. Après les scènes sanglantes et tumultueuses qui marquèrent la prise de la Bastille, le 14 Juillet, une vague de révolte bien décrite par Taine, déferla sur toute la France. On incendiait les châteaux, on pillait les récoltes à beaucoup d'endroits. Des bandes armées, des sordrez, grossis par les imaginations, semaient la panique parmi les populations des campagnes restées malgré tout paisibles et honnêtes. Nos vieux grands-pères se rappelaient encore avec frayeur les récits de "L'annado de la poou". Le trois Août 1789 au matin, dans toute notre région principalement, la rumeur se répandait que les brigands allaient arriver. Ils venaient disait-on dans la direction de St-Grégoire. Aussi, tous les hommes valides de s'armer : quelques uns avec des fusils, d'autres avec des faux emmanchées à l'envers, quelques uns munis simplement de fourches. On se rendit fiévreusement dans la région de Sérayet pour voir venir l'ennemi d'assez loin. Personne ne vit rien et on redescendit, non sans quelque inquiétude malgré tout. Ces fausses alertes sont signalées ce même jour dans tout l'Albigeois et le Toulousain et ont été étudiées avec détails à l'appui par Monsieur CH. PORTA. En application des décrets de l'Assemblée Nationale des 8 et 10 Octobre, le Conseil se réunit le 20 Décembre pour établir les noms des contribuables passibles de la "Contribution patriotique extraordinaire" qui venait d'être votée s'élevant au quart du revenu. Une commission des principaux taillables est nommée et ceux-ci affichent devant la Mairie et sur la porte de l'Eglise une liste de 126 Habitants. Ceux-ci sont néanmoins invités à produire leurs réclamations qui seront discutées s'il y a lieu. Le même jour, on établit une commission de Justice composée de 6 membres choisis en dehors des 6 consuls en charge et déléguée pour être auxiliaire de la Justice comme adjoints à l'instruction des procès criminels et devant veiller à maintenir l'ordre dans la juridiction du présent lieu. Un procureur de la commune, qui va être Antoine CAMMAS, doit présider aux enquêtes et aux réquisitoires. Cette attribution de pouvoirs de police étendus à des personnalités, bien que ordonnée par l'Assemblée Nationale, était évidement une main mise sur l'autorité du Maire, qui n'était plus prépondérante, surtout si celui-ci n'acceptait pas d'obéir docilement aux ordres ou exigences du comité du district. Sans qu'il y ait eu démission préalable du Maire en fonction Jean Antoine FRANCES régulièrement nommé par le Conseil du 29 Septembre 1788, et sans qu'il soit procédé à une nouvelle élection, une nouvelle Municipalité désignée d'office entre en fonction au mois d'avril 1790. Le sieur François PFYRE dit NADAL est déclaré de plain-pied Maire du dit lieu. Il lui est adjoint 3 nouveaux officiers municipaux, 6 Notables et le procureur de la Commune susnommé Antoine CANNAS. Les autres officiers municipaux et notables, quoique dûment convoqués, ne se sont pas présenté. Le Maire évincé, Jean FRANCES, assiste à la séance et va faire fonction de greffier provisoire, en attendant la nomination d'un secrétaire Greffier en titre et sans doute pour transmettre officiellement ses pouvoirs. Dans cette séance du 20 avril 1790, le nouveau maire PEYRE, se conformant au décret de l'Assemblée Nationale ordonne qu'il sera fait dans la Communauté un recensement des "Biens privilégiés", exemptés d'impositions. Il est décidé que pour établir la liste de ces biens et pour contrôler les déclarations des bénéficiaires, il sera désigné, pour assister la Commission Municipale, un arpenteur et un calculateur. Le sieur Jean FRANCES, père et Antoine MARTEL dit "La Treille", tous deux habitants d'ARTHES, sont nommés pour ces emplois. En cas de contestation sur les droits de chacun, Il leur est adjoint le sieur GARDES d'ALBI, feudiste. En Juillet 1790, après la fixation des nouvelles circonscriptions terri-toriales, il est créé un chef lieu de canton à St JUERY, auquel sont rattachées les communes d'ARTHES et de LESCURE. Le notariat de Lescure, tenu par METGE, cède la place à celui de St Juéry représenté par CLARENC. Le budget communal de 1790 s'élève à 7 061 Livres 5 sols 6 deniers. Avant de clôturer sa délibération du 25 juillet 1790, le conseil ordonne que le banc de la Municipalité, installé en bonne place à l'église et qui avait été enlevé sans doute en signe de protestation, soit réintégré en son lieu habituel. Il est décidé que le Maire et tous les officiers Municipaux seront munis de nouvelles écharpes comme marque distinctive de leur dignité. LA CONSTITUTI0N CIVILE DU CLERGE À la fin de 1790 fut promulguée une loi qui allait jeter le trouble et l'agitation dans tout le pays. Cédant à la mode du jour, l'Assemblée Nationale avait décrété, le 12 Juillet, que toutes les fonctions ecclésiastiques seraient soumises à l'élection. C'était renverser toute la hiérarchie de l'Eglise dont le pouvoir vient d'en Haut, le dogme lui-même n'aurait pu résister à une pareille constitution. Le Pape ne pouvait souscrire à une telle abdication de son autorité, contraire à la tradition plusieurs fois séculaire. Louis XVI, roi très chrétien, non seulement, selon la formule consacrée, mais aussi de coeur et d'esprit, opposa pendant 6 mois son droit de veto. Mis en demeure de s'exécuter, il sanctionna le 26 décembre 1790, le Décret de la Constitution Civile du Clergé, la main forcée et avec l'arrière pensée d'en entraver ou d'en retarder l’application. Pour donner l'exemple de la soumission aux lois, les 309 prêtres, membres de l'Assemblée furent invités à prêter le serment civique du haut de la tribune. 65 renégats s'empressèrent, avant la date fixée, de répudier tout leur passé. Tous les autres, soit 24, le jour ultime fixé pour la prestation du serment, le 4 envier 1791 , refusèrent de se soumettre et se dispersèrent plutôt que de trahir leur conscience. Parmi ceux qui s'étaient courbés avec enthousiasme et qui ambitionnaient de profiter du nouvel ordre des choses qu'ils allaient instituer, se trouvait Jean Joachim GAUSSERAND, futur évêque constitutionnel d 'ALBI. Comme GAUSSERAND touche de très près de plusieurs côtés à l'histoire d'ARTHES, nous ne manquerons pas d'exposer son curriculum vitae. L'ABBE GAUSSERAND DEPUTE A LA CONSTITUANTE Il était né en 1749. Comté, sur la paroisse des Avalats, communauté alors indépendante, qui fut rattachée en 1790 à la communs de St Juéry quand celle-ci fut érigée provisoirement chef lieu de canton. Il était le 2ème de trois frères, dont l'aîné resta comme cultivateur à la propriété du Comté. Son frère puîné Louis, né de mère différente, formera la souche des GAUSSERAND d'ALBI. L'abbé GAUSSERAND, qui avait auparavant occupé un poste de confiance auprès de Mgr de BERNIS cardinal-archevêque d'ALBI était, en 1790, curé de Rivière près de Gaillac. Comme il était mal remuant, il avait été délégué par le bas-clergé de l'Albigeois pour le représenter à l'Assemblée du Clergé pour la Sénéchaussée de TOULOUSE qui se tint le 26 Mars 1798. Il réussit À se faire nommer représentant, conjointement avec l'abbé Paul Augustin PONS, curé de MAZAMET. Le coadjuteur de neveu du cardinal de BERNIS, François de BERNIS, représente le clergé pour la sénéchaussée de CARCASSONNE et, subsidiairement, pour la sénéchaussée de CASTRES. À la journée du 2? juin 1789, après le Serment du jeu de Paume, GAUSSERAND est des 149 membres du clergé qui viennent se ranger à l'Église de Saint Louis de Versailles, au milieu des députés du Tiers État. Le voilà déjà en opposition avec son coadjuteur évêque. Cet antagonisme s'accentue lorsque GAUSSERAND, à la suite de l'abbé Grégoire et de quelques autres abbés ambitieux, eût voté la Constitution Civile du Clergé et, à plus forte raison, lorsque le 21 décembre 1790 il monta solennellement à la tribune pour prêter serment de fidélité à la nouvelle organisation conférant la nomination des ministres du culte à l'élection populaire. Comme il avait été établi qu'il n'y aurait qu'un seul évêque par département, les trois diocèses de Castres, Albi et Laveur allaient être fondus en un seul. Les électeurs, membres du clergé furent convoqués à CASTRES le 1 4 mars 1791 ; Castres, chef-lieu de Sénéchaussée ayant été choisi comme chef-lieu du département du Tarn, prééminence qu'il gardera jusqu'en 1797. Le terrain ayant été soigneusement préparé par quelques collègues influents, notamment le Chanoine constitutionnel de RABASTENS, Rolland DUPIN, nommé président le l'Assemblée GAUSSERAND est nommé évêque du Tarn par 122 voix sur 208 votants après un troisième tour de scrutin, le 15 mars 1791. Piètre majorité si l'on compte que le Tarn est formé à ce moment de 613 paroisses, comptant un nombre encore plus élevé de prêtres. GAUSSERAND EVÊQUE DU TARN Cependant, GAUSSERAND tout heureux apprend le 26 mars la nouvelle de son élection, à Paris. Le 27, il s'empresse de remercier ses électeurs et, aussitôt, il se met en mouvement pour trouver deux collègues dévoués à le sacrer. Le sacre a lieu le 3 avril 1791 en l'Église Notre-Dame de Paris qui, deux ans après, va devenir le Temple de la déesse RAISON, personnifiée sous la forme d'une actrice de l'Opéra. Il arrive le 20 avril à TOULOUSE où il se procure tous les attributs de sa nouvelle fonction et où il séjourne quelques jours pour laisser passer les fêtes de Pâques, au cas où quelque opposition violente se manifesterait contre lui parmi le Clergé. Le 27 avril, il se met an route et s'arrête par étapes à St Sulpice, Rabastens, Lisle, Gaillac et Marssac. Partout il est reçu en triomphe par les sociétés populaires, avec musiques et fanfares, comme pour une fête votive. À Rivière, arrêt spécial pour permettre à ses anciens paroissiens de donner libre cours à leur admiration. Une vache est offerte par l'ancien curé devenu évêque et savourée dans une agape fraternelle pour manifester la satisfaction réciproque. Le soir, arrivé à ALBI, au son de toutes les cloches de ville. Le 1er mai, festin a été donné par la Municipalité, suivie de danses. Le soir, réception à l'évêché, des dames qui sont félicitées à la fois sur leurs idées d'émancipation et sur les "vertu". Le cardinal de BERNIS, qui était ambassadeur à ROME, de même que le coadjuteur, son neveu, ayant refusé de jurer obéissance à la constitution, venaient d'être privés de leur archevêché et de ses bénéfices le 22 mars précédent. L'omnipotence de GAUSBERAND semble devoir être incontestée. Cependant, dès le mois de mai, le cardinal lance de ROME un cinglant mandement contre l'intrus, le proclamant "aussi incapable d'occuper le siège d'Albi que de le faire vaquer". La grande masse des fidèles se rallie aux anciens prêtres. Parmi ceux-ci, une part infime, environ 1/8ème dans le Tarn qui compte comme un département particulièrement réfractaire, accepte après beaucoup d'hésitations de prêter serment. Le curé de Lescure, Louis RESPLANDY qui exerce son ministère depuis 22 ans, abandonne sa paroisse plutôt que de se courber. Luc Defos, vicaire de Pouzounac, succursale de Lescure, prend sa succession. Il prête serment devant la Municipalité le 30 Septembre 1792, promettant fidélité à la Nation et jurant de défendre la Liberté et l'Égalité. Aussitôt après, jugeant son traitement peu honorable, il demande aux administrateurs du district d'ALBY, par l'intermédiaire du Maire et de l'adjoint, une augmentation conforme à l'étendue de la population de ses deux paroisses : Lescure 1060 habitants et ARTHE5 500 habitants. ARTHES est, en effet, desservi par un vicaire dépendant du curé de Lescure et résidant sur place. À la même date, septembre 1792, il vient également prêter serment devant le Conseil Municipal d'ARTHES réuni en séance plénière et Louid CROS, vicaire, promet d'obéir à la Nation. À cause du petit nombre d'assermentés, la plupart des paroisses manquent de desservants. Aussi, étend-on sa juridiction à Bezellé et Magrin. Ces deux églises sont d'ailleurs désaffectées et vendues aux enchères, trois ans après au mois de Ventôse, an III. Celle de Magrin, dont la portée se voit encore, est englobée dans les bâtiments d'une ferme. Celle de StMartin de Bezellé est entièrement démolie et les débris forment un tumulus aujourd'hui recouvert de gazon. Les réfractaires de plus en plus traqués ou s'exilent ou continuent leur ministère en cachette, se dissimulant dans les granges ou dans les bois. Dans la forêt de Sérénac, près de Valence, un groupement de prêtres, avec la complicité des habitants du voisinage, habite dans une misérable chaumière en plein bois, célèbre la messe sur un tertre où l'on voyait encore naguère une statuette de la Vierge. Découverts, ils jettent tous les ustensiles de cuisine en cuivre dans le puits voisin espérant les y retrouver plus tard. Mais ils sont amenés à Albi et exécutés. La sinistre machine au triangle sanglant, inventée par le Dr GUILLOTIN dans un but soi-disant humanitaire, est dressée sur place du Castelviel et attend tous les jours de nouvelles victimes. À CASTRES, les prêtres réfugiés dans les montagnes de Lacaune ou de Murat sont suppliciés à l'angle de la place de l'Albinque devant 1'église St-Jean-St-Louis. L'emplacement des exécutions surmonté d'une croix et entouré d'une balustrade en fer porte le nom de "Place des Martyrs". Une trentaine de prêtres et beaucoup de nobles ou de leurs partisans sont ainsi supprimés. Les vieux ecclésiastiques, perclus d'infirmités, qui n'ont pu échapper par la fuite aux édits de proscription, sont entassés dans la chartreuse de Saïx aux trois quarts démolie et beaucoup y meurent de misère et de faim. GAUSSERAND lui-même ne trône plus à la cathédrale Sainte-Cécile qu'il n'a pas essayé de défendre contre le projet de destruction, heureusement inexécuté grâce à l'intervention providentielle de l'ingénieur MARIES. En 1793 et 1794, la magnifique nef sert de grange à foin et à fourrage pour les armées de la République. Les fines peintures de la voûte, protégées par leur élévation ne sont pas atteintes et les figurines des saints et saintes dessinés par les peintres italiens de Bologne doivent être bien surprises de servir d'ornements à un pareil spectacle. Il n'en est pas de même des sculptures du porche Dominique de Florence, du baldaquin et du Jubé "vraie dentelle de pierre" dont les saints sont descendus de leur niche à coup de piques, dont les capuchons ciselés sont effondrés ou les nervures écornées. Les précieuses archives de la sacristie, le mobilier, les objets d'art sont brûlés en autodafé sur la place du Vigan le 21 Décembre 1794. Les barbares ont passés par là... Pendant ce temps, l'évêque élu du peuple se terre. Il a fui à Comté Qui a semé le vent récolte la tempête. Pour éviter le sort de ses congénères, les Gobels, archevêque de Paris, les Lamourette, archevêque de Lyon et tant d'autres qui trahirent leur foi, il se cache le jour dans une misérable cabane dans le ravin de Soumes, près de Kassarade, où ses neveux viennent la nuit pour l'approvisionner, d'après la tradition restée vivace dans le pays. L'orage apaisé, il fait bâtir à Comté un pavillon assez vulgaire, relié à la ferme par un escalier en bois formant balustrade aujourd’hui vermoulue, mais qui mène encore à la «chambre de l'Evêque" que dans le pays on a toujours appelé même de son temps "l'Évêque de paille". Encore en 1850, on montrait là aux intimes la crosse et la mitre soigneusement enfermées dans une armoire de cette grandeur éphémère. Le 12 Septembre 1795, Sainte-Cécile ayant été rendue au culte, GAUS5ERAND rentre dans sa cathédrale. Il adresse un mandement à ses rares fidèles. Mais la voix populaire se détourne de lui, qui avait juré fidélité éternelle au peuple souverain et, le 9 juillet 1797, il est publiquement insulté dans sa ville épiscopale. Malgré ses velléités de remettre sa robe violette et d'arborer sa croix pectorale, on lui fait comprendre que son rôle est fini et qu'il n'a plus qu'à aller mourir obscurément à TOULOUSE, le 12 Février 1820. LES NEVEUX DE GAUSSERAND S'ÉTABLISSENT À ARTHES Voyons comment le nom de GAUSSERAND se rattache intimement, comme nous l'avons dit, quoique indirectement, à l'histoire d'ARTHES. Rappelons-nous que FRANCOIS PEYRE devint Maire d'ARTHES en 1790. Il conserva ce titre pendant toute la période révolutionnaire et la première partie de l'Empire jusqu'au 20 septembre 1806 où il meurt à l'âge de 55 ans. Il faut reconnaître que, ni lui-même, ni ses collègues de la Municipalité d'ARTHES ne partagèrent les idées subversives qui éclatèrent principalement dans certains milieux urbains. Quoique collaborateurs de par leur fonction, des administrateurs du district d'Albi dont il recevaient les ordres et qui avaient des opinions soi-disant beaucoup plus avancées, ils remplirent leur charge avec discrétion et modération. Nous en avons la preuve dans l'application de la Loi dite "des suspects" promulguée le 17 septembre 1793 et qui resta en vigueur jusqu'au 4 Octobre 1795. Etait titré "suspect" toute personne qui ne manifestait pas assez ouvertement ses sentiments révolutionnaires ou qui était soupçonnée de sympathie envers les ci-devant seigneurs. "L'arbitraire le plus complet présidait aux arrestations, au gré des rancunes personnelles. Les suspects étaient enfermés dans des prisons nationales et devaient supporter les frais de leur subsistance. La plupart de ces prisons étaient l'antichambre de la guillotine." Sommée de dénoncer les "suspects" résidant sur le territoire de la commune, l'Assemblée Nationale, répondit par une délibération unanime qu'il n'y avait pas de "suspects" sur son territoire et que tous les citoyens faisaient preuve de zèle révolutionnaire. Par crainte d'être soupçonnés de tiédeur, les Municipaux ajoutaient dans un codicille comme pour excuser leur dénégation qu'il y avait bien à ARTHES le ci-devant seigneur (M de RLOQUEFEUIL) mais que celui-ci n'avait jamais manifesté aucune hostilité à la nation et avait fait preuve de sentiments humanitaires et en tout cas n'avait fait acte "d'incivismet". C'é-tait le sauver au moins de la prison, peut-être de la mort. Beaucoup de personnes savaient à ARTHES que Monsieur Pierre de ROQUEFEUIL tenait caché chez lui son frère, l'abbé de ROQUEFEUIL ex-curé de Lagarde en Rouergue, celui-là même qui avait avancé 1900 Livres pour l'édification de l'église et qui s'était refusé de prêter serment. On montrait encore, il y a quelques années dans une annexe de la maison CAUSSE, la cachette souterraine qui lui servit de refuge pendant plus de trois ans. Il y avait un certain courage pour le Maire et ses assesseurs à ne pas vouloir jouer le rôle de délateurs, à cette époque que l'histoire appelle "la Terreur" car le silence passait alors pour une complicité. Cette discrétion de la population doit être retenue comme la preuve qu'elle n'avait eu qu'à se louer de ses anciens seigneurs et l'attitude généreuse du Maire, François Peyre, est tout à fait à son honneur. Celui-ci habitait à la maison qui fait face au portail de l'Église et s'étendait le long du chemin de Lescure jusqu'au ruisseau de Fresquet qui marque la séparation avec le square actuel dédié aux Morts de la Grande Guerre. La maison a été refaite vers 1815, par le gendre et successeur JEAN LOUIS GAUSSERAND. Ce Jean-Louis Gausserand était le fils du frère aîné de l'évêque et avait hérité de la propriété du Comté. Il épousa la fille du Maire d'ARTHES, François Peyre. Le 30 prairial an XIII (Mai 1905) donc 15 mois avant la mort de son beau-père. À son mariage, il vint habiter à ARTHES, quittant sa terre de Comté qui restera à sa descendance jusqu'en 1908, époque où elle fut vendue, une de ses sœurs, Françoise épouse Louis FABRY de Bellegarde. Il est à remarquer que tous ces neveux et nièces vivaient à la maison paternelle quand l'évêque constitutionnel vint aussi s'y réfugier de 1792à 1795. À la génération suivante, Augustin Fabry, fils de Bellegarde, épouse sa cousine germaine Françoise Gausserand, le 26 octobre 1837 à ARTHES où il vient se fixer également. Les deux propriétés de Comté et de Bellegarde se réunissent dès lors dans une même main et vont être l'apanage de la famille FABRY, d'ARTHES, qui va faire suite. La nièce de l'évêque François, devenu veuve, continue à vivre seule à la maison de Bellegarde et garde précieusement jusqu'à sa mort en 1853, la gravure sur cuivre du portrait de son oncle représenté à l'époque où il était député du Clergé aux Etats Généraux. L'aîné des neveux, Jean-Louis GAU5SERAND, continuant la tradition de son beau-père fut Maire d'ARTHES de 1807 à 1814, c'est-à-dire jusqu'à la chute du Premier Empire. Le second neveu était venu habiter chez son frère aîné, époux de Françoise Peyre, et se marie lui aussi à, ARTHES le 1er Frimaire an XIV (1806) avec Marianne FRANCES, demeurant à la Sérinié. Une autre sœur cadette s'unit le 10 février 1808 à Jean-Pierre PALAZY de la Calmette, prés Vidal, dans la Commune d'ARTHES. C'est ainsi que 3 ou 4 des branches collatérales de l'Evêque GAUSSERAND viennent, en qualité de neveu, faire souche à ARTHES. LA PREMIERE MOITIE DU XIX SIECLE Pendant toute la période de l'épopée impériale, rien d'important ne se passa à ARTHES. Dans les actes de l'Etat Civil on ne relève que des annonces successives de décès survenus sur les théâtres lointains de la guerre. Après un court retour à la Mairie, en 1915 pendant les Cent Jours, , de Jean Louis GAUSSERAND, divers maires se succèdent mais ne font que passer pendant les premières années du règne de Louis XVIII. Le dernier des seigneurs d'ARTHES, Pierre de ROQUEFEUIL s'éteint le 20 Novembre 1820 à l'âge de 91 ans. Son frère, l'abbé de ROQUEFEUIL, retiré depuis environ 25 ans à son domicile de naissance, le suit quelques mois après dans la tombe. La descendance continue cependant à ARTHES, car M. de ROQUEFEUIL avait pris pour gendre Monsieur CAUSSE, venu des Camps, Commune de Saussenac, qui apporta en mariage trois grosses propriétés situées au sud du Puy-Saint-Georges, qui furent récemment vendues (vers 1927) par les successeurs de la famille G0RSSE. Monsieur CAUSSE, devint Maire d'ARTHES pendant la Restauration et donna sa démission un an après la Révolution de Juillet, en Octobre 1831. C'est en 1830 que fut commencé le pont actuel d'ARTHES dont les assises furent solidement Appuyées sur le roc et formèrent un débouché sur l'autre rive à la partie basse d'ARTHES, antérieurement dénommé "Lou Cantou-Bas". L'ouvrage, entrepris au nom de trois particuliers, MM CAUSSE d'ARTHES et C0MPAYRE et JUERY d'Albi, coûta au prix de l'époque 30.000 francs. Il resta sujet à péage jusqu'en 1899 et fût racheté à cette date moyen-nant 300.000 francs payés par le Département, les Communes d'ARTHE5 et SAINT-JUERY et l'usine du Saut du Tarn. La commune d'ARTHES reçut comme dédommagement de sa contribution au rachat, la maison du passeur, actuellement Bureau de Tabac, démolie en 1956. Le bac d'ARTHES, situé à 100 mètres en aval du pont et débouchant par la rue du Bac à Saint-Juéry, cessa d'être mis en adjudication en 1833, époque à laquelle les travaux du pont étant terminés, celui-ci fût ouvert à la circulation. L'élargissement avec les trottoirs en encorbellement date de 1927. Après la Révolution de 1830, l'opinion publique escomptait que le fils de PhilippeEgalité, issu lui-même de l'émeute serait emporté par le flot révolutionnaire et ne pourrait se stabiliser au pouvoir. Monsieur Auguste CAMMAS, fût désigné comme Maire d'ARTHES en Novembre 1831 et garda cette place pendant 4 ou 5 ans. Mais les divers gouvernements de Louis & endash; Philippe, en établissant un cens élevé pour donner droit au suffrage, rassurèrent pour un temps la bourgeoisie effarouchée encore par les souvenirs de 1793. Monsieur CAUSSE reprit le pouvoir qu'il conserva jusqu'à la République du 24 Février 1848. Le règne de Louis-Philippe, s'il ne fût pas de longue durée, eût au moins le mérite de sauvegarder la Paix à tout prix et inaugura une ère de prospérité dans les villes et les campagnes. On ouvrit partout de nouvelles routes départementales et de nombreux chemins de communication. Les grandes routes de Toulouse à Lyon par Rodez, de Toulouse en Auvergne par le Vivarais avaient été en grande partie amorcées dans nos régions dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. Elles avaient été complétées par la Révolution et l'Empire pour servir aux grands déplacements de troupes. On profita des années de tranquillité de la monarchie de juillet pour développer les réseaux secondaires. Ainsi, le 27 mars 1839, il est procédé devant le tribunal d'Albi à l'expropriation des terrains pour asseoir le chemin de grande Communication d'ARTHES au Pélencas, qui s'ouvre en 1840. En 1847-48, on fait la route d'Albi à Valence par Saint-Grégoire, la Gautherie, contournant la forêt de Sérénac et Valence et comprenant comme principal ouvrage d'art, le pont de Corbière. On rectifie, en 1846, le chemin d'ARTHES à Lescure, débouchant par un crochet à l'angle de la boulangerie FOURNIER. En créant les deux ponts marquant chaque angle du square Gabriel DELMAS, on établit une voie directe pour se rendre à Lescure. Le pont sur le ruisseau de Riols allant à Lescure, qui était auparavant an bois et dont l'entretien incombait aux deux municipalités toujours trop négligentes, est refait en 1847, bien qu'un peu étroit, en bonne maçonnerie. La route à ALBI par St-Juéry est élargie et le petit pont au ras du ruisseau de la Renaudié, qu'on voit encore à gauche en direction d'ALBI, est remplacé par le pont moderne et surélevé en remblai qu'on voit aujourd'hui. Le chemin de Saint-Juéry aux Avalats, longeant la rive gauche du Tarn, est de la même époque. Celui de la rive droite, allant vers Crespinet est de 1880. Celui d'ARTHES à la Longagne, un peu délaissé aujourd'hui, est aménagé en 1865. Bientôt, au début du second Empire, les trois lignes de chemin de fer reliant ALBI en cela bien tenu en écart aux grands réseaux Nationaux, virent fournir d'importants débouchés aux produits agricoles et miniers. L'industrie maraîchère, principale ressource du pays, prit après 1830, un essor extraordinaire. Les transports, au lieu de la double à bât portée à dos de mulet à travers des chemins cahoteux, purent se faire avec de lourds charrois, lestés par-dessus des ails, de légumes et de fruits sur des routes très carrossables. Le rayon d'action se trouve accrût et les Arthésiens approvisionnèrent pendant plus de cent ans toutes les foires et marchés des départements limitrophes, principalement le Castrais et l'Aveyron jusqu'aux confins de la Lozère. C'est à cette expansion commerciale, continuée à travers 3 ou 4 générations, que les vieilles familles Arthésienne doivent aujourd'hui un peu de bien-être et d'aisance. Poursuivant l'embellissement de la cité, la Municipalité CAUSSE, le 14 octobre 1838, vote un emprunt destiné à la réfection et à l'exhaussement du clocher, le précédent datant seulement de 54 ans étant asymétrique et manquant de solidité. Le nouveau Beffroi, construit en avant corps sur l'ancienne église, fût édifiée par MIAILLE, entrepreneur à Lescure, l'année suivante. Il fût conservé, lors de la reconstruction avec agrandissement de l'église actuelle en 1874, tel que nous le voyons aujourd'hui. Vers 1840, la foire du 2 novembre n'avait pas cessé d'être très populaire et ramenait chaque année, outre les marchands de chèvres et de nèfles, les jeunesses voisines, principalement de Lescure et d’Albi. Les vieilles rivalités de clocher divisaient les deux camps de Lescure et d'ARTHES et leurs querelles se donnaient libre cours aux fêtes de la St-Martin, à Bezellé, le 11 novembre et le 2 novembre à la foire d'ARTHES. Ce dernier rassemblement était, comme l'on pense, le plus important. Chaque année, à l'occasion de plantureuse ripailles, les uns chez GORSSE au Couderc, les autres chez CHIPOULET près du pont, ripailles dont un, le marché aux chèvres, se tenait encore il y a quelques années, à l'angle Nord-est du Couderc, tout près du Presbytère. Comme c'était aussi l'époque où l'on dégustait le vin nouveau, nos jeunes gens en deux groupes adverses, la cervelle sans doute un peu échauffée, en venaient régulièrement aux mains. La foire se terminait chaque année par des rixes et des pugilats. La maréchaussée intervenait et l'épilogue de ses bagarres se passait très souvent en prison. Nous avons en mains une pièce datée de 1847, par laquelle les jeunes turbulents ont été convoqués "le dix-sept décembre à 10 heures du matin à l'audience du tribunal de Police correctionnelle d'Albi, au Palais de Justice pour y répondre du délit de rébellion et outrages qui leur sont imputés par le Ministère Public". La condamnation qui suivit fût de 3 mois de prison, pour refroidir l'ardeur combattive des 8 ou 10 délinquants. En même temps qu'eux se trouvaient incarcérés à ALBI, 3 condamnés à mort qui furent guillotinés à Carmaux sur la Place aujourd'hui Gambetta, le jour de la foire du 21 janvier 1820. Un des jeunes facétieux d'ARTHES, que nous avons connu, en guise de passe temps dans la cour de la prison faisait passer la tête de l'un des condamnés, GAYRARD, entre deux barreaux de chaise et abattait la main pour lui donner un avant - goût de la sensation qu'il était appelé à éprouver. C'est une de ces échauffourées de la foire du 2 Novembre qui servit de thème évidemment enjolivé et amplifié au poème héroï-comique "La Guerre dé las Crabos" (voir page I). L'auteur Monsieur Faramond de Montels, qui avait des lettres et de l'imagination, transplanté à ARTHES, avait plus de 70 ans. Les vers, comme on a pu l'apprécier, sont bien frappés. Bon nombre d'entre eux pourraient passer pour des modèles d'harmonie imitative. Les expressions sont pittoresques, les personnages sont saisis sur le vif, le légendaire Sabo quand il sort de dessous son rocher, que muni de sa longue-vue tel un général, il dirige le combat auquel finalement il prend part directement armé d'un fémur de chèvre en guise de sabre. Les mots patois ont une saveur particulière venant directement du latin : la "paret" dérive en rive droite de "paries", qui veut dire muraille, "rescoundut" vient de "réabsconditus" qui signifie "recaché, etc..." On sent le maître habitué à transposer en patois l'alexandrin classique. Il eût été vraiment dommage que ce petit poème local tombât dans l'oubli. Pour en conserver le texte, recueilli à la fois de la tradition orale et de la transmission écrite, nous le publions sous forme d'appendice à l'histoire d'ARTHES, suivi de la biographie de Monsieur de FARAMOND de Montels. Celui-ci mourut à ARTHES, le 19 mars 1853. Les évènements de 1848 eurent leur retentissement à ARTHES. La première application du suffrage universel suscita un grand enthousiasme parmi toutes les classes. On supposait le règne de la fraternité humaine enfin arrivé. Quelques apôtres du nouveau système de régénération de la société par le bulletin de vote, venus d'Albi, se rendirent chez certains adeptes d'ARTHES. Dans les agapes fraternelles et bruyantes, ils essayèrent d'exalter le zèle des partisans du partage des biens, mais le mouvement révolutionnaire s'arrêta là dans notre commune. Le Maire Monsieur CAUSSE, hostile au nouvel ordre de choses, républicain, s'empressa de donner sa démission et fût remplacé par Monsieur Louis RESPLANDY de la Violette. Pour ne pas effaroucher les esprits, hantés par les souvenirs de 1793 le clergé fût invité à s'associer à l'instauration du régime nouveau. On planta un arbre de la Liberté sur la place du Couderc, à l'endroit où se dresse la croix actuelle érigée en 1854. Au même emplacement se voyait, avant 1793, une autre croix en bois tombée en vétusté. Le curé de la paroisse, entouré de tout le Conseil Municipal et avec un grand concours de population, procéda à la bénédiction solennelle du mat de la Libération à l'emplacement même où il avait été le symbole de la Rédemption. L'inauguration du nouveau mode de scrutin qui paraissait alors merveilleux par sa simplicité, "puisqu"il s'agissait seulement de compter les voix au lieu de les peser", eût lieu le dimanche 23 Avril 1848. L'élection avait lieu au chef-lieu de canton. Pour faciliter l'exode du corps électoral, le curé avait avancé les vêpres. Il se mit, avec le Maire, en tête du cortège et la caravane, précédée du drapeau communal et d'un tambour et composé de plus d'une centaine de votants, arriva vers 16h30 à l'Hôtel de ville d'Albi. Le premier député élu par le Peuple souverain fût GISCLARD. Il avait fondé une banque et une manufacture dont les bâtisses abandonnées se voient encore à la Mouline, vers l'embouchure du ruisseau de Caussels, au-dessous du Loirac. L'une et l'autre sombrèrent dans la faillite. Il siégea à l'Assemblée Constituante qui eut une durée éphémère de 10 mois. La loi du Nombre désigna, dans les mêmes conditions en mars 1849, comme représentant Edmont CANET qui entra à l'Assemblée Législative. Celle-ci fut expulsée par la force le jour du coup d'État du 2 décembre l1851. Les députés récalcitrants, dont CANET furent jetés en prison et la loi changeante du nombre, jouant toujours mais cette fois en sens inverse, donna raison par un plébiscite triomphal au violateur de la Constitution. Ce fût le second EMPIRE. SECONDE MOITIE DU X1Xème SIECLE Dans les grandes villes, le Maire fût nommé par l'Empereur. À ARTHES, comme dans les autres campagnes, le Maire fût nommé par le Préfet. Monsieur Auguste CAMMAS reprit son titre de Maire et resta au pouvoir jusqu'en l1869, époque ou fût inauguré " l'Empire LIBERIAL". Monsieur CAUSSE, l'ancien Maire et gendre de Monsieur de ROQUEFEUIL, était mort vers l851. Son fils, Gaspard CAUSSE, avocat à la Cour d'appel de Toulouse ne fit que de rares apparitions à ARTHES, mais ayant conservé tous ses biens dans le pays, fût nommé à deux reprises Conseiller Général du Canton de Valdéries. La sœur de celui-ci, Mademoiselle CAUSSE, continua à rester à ARTHES et, ne s'occupant que d'œuvres pieuses, vécut dans une austérité janséniste jusqu'à l'heure de sa mort qui survint en 1887. Pendant la durée de l'Empire, Monsieur CAMMAS exerça sa fonction avec Justice et autorité. La commune, n'ayant comme hôtel de ville qu'une vieille maison délabrée, sise dans la rue CAUSSE, dès le début de son mandat le nouveau Maire fit construire un édicule tout en briques au lieu dît "Le COÙSTOU", à l'entrée du chemin conduisant au Bac. Cet édifice de 4m5O en carrés, bâti avec parcimonie, suffisait à peine aux réunions du Conseil Municipal. Les élections qui avaient lieu désormais à la maison communale, en démontrèrent bientôt la ridicule exiguïté. Tout le monde reconnut qu'il faudrait quelques jours pour la ville d'ARTHE5. Une construction plus grandiose en rapport avec le chiffre croissant de sa population, par suite de l'extension de l'usine du Saut du Tarn. Le Maire avait encore conservé, à cette époque, certaine attributions de Police judiciaire concédées par la Charte de 1328. Ainsi, nous savons que pour des larcins vulgaires, outre la restitution, il condamnait les délinquants à faire amende honorable à genoux, entre les deux rangs de fidèles sortant le dimanche de la messe. Et le coupable n'essayait pas de se soustraire à la pénitence, par crainte de sanctions plus graves. C'était une réminiscence de la coutume salutaire du Moyen Age qui obligeait à demander pardon, prosterné "inter lionnes", entre les deux lions de pierre gardant l'entrée du porche. En 1859, mourût Louis FONTES dont le père titré "briquier" avait recouvert la toiture de l'église en 1784. Son testament pour tout dicté par une pensée généreuse, fût l'origine d'un procès qui allait être ruineux pour la Commune. .Il donnait sa maison et les bâtiments annexes ayant servi de briqueterie, ainsi qu'un jardin y attenant, à la Commune d'ARTHES, dépourvue de presbytère, à charge par celle-ci d'édifier une maison convenable pour le logement du curé. La donation fût acceptée avec toutes ses conditions, mais la réalisation comportant un délai de 30 ans, fût différée pendant une dizaine d'années. En attendant, la commune payait en location un local acceptable pour le logement du curé. Ainsi, l'abbé J.B. BLANC qui desservit la paroisse pendant plus de 30 ans, et qui mourût le 1er Janvier 1879, habitait la maison GORSSE, au Pont. Son successeur, Monsieur l'abbé BESOMBES habita d'abord la maison GAUREL, à l'angle du chemin de Lescure puis la maison CAMMAS, Rue du Saltré. Vers 1872, l'habitation affectée par FONTES pour être un presbytère fût entreprise sur l'emplacement désigné. Mais au cours des travaux, Monsieur RESPLANDY, Maire, approuvé par son Conseil Municipal, décida d'affecter l'édifice pour en faire une Mairie. Les choses en étaient encore là en 1865 et les délais devant être bientôt écoulés, le presbytère restait toujours à construire. Les choses s'envenimant, la Municipalité, aux idées avancées, demanda et obtint du Préfet la suppression du tractement concordaire du curé, sous prétexte d'ingérence dans les luttes politiques locales. L'archevêque, Mgr. FONTENAU, retira le curé et ARTHES resta pendant deux ans sans ministre du Culte. Pendant ce temps les héritiers de FONTES attaquent la Commune en restitution de biens pour inexécution des clauses du testament. Procès en appel à Toulouse. La commune ayant perdu l'affaire, fût condamnée à payer tous les frais qui furent très onéreux et à construire dans le jardin annexe affecté à la cure, un presbytère convenable qui coûta 30.000 Francs, selon devis. Plus heureuse avait été l'administration de M. RESPLANDY lorsque de concert avec le curé M. BLANC, en l1874, il rédifia l'ancienne église devenue trop exigüe et tombant de délabrement. Le clocher de 1839 fût conservé et incorporé à la nouvelle construction. Au mois D'août 1884, mourût presque centenaire (97 ans) Monsieur Auguste CAMMAS, qui avait été Maire d'ARTHES pendant 2O ans. Un de ses frères, Médecin major de l'Armée venu prendre sa retraite dans son pays d'origine, était mort en 1872 dans sa maison de campagne de RIOLS. Un autre frère, l'abbé CAMMAS, vint également se retirer à ARTHES et mourût en l1879, dans la maison qu'il avait fait édifier, rue du Saltré. Une sœur, Mélanie, avait été la mère de Monsieur DESPRATS, avocat conseil à Paris. Une autre sœur, Rosalie, restée célibataire, morte en 1908, doit être mentionnée à cause de sa générosité pour les œuvres paroissiales Après l'interrègne de deux ans (1835-1887) pendant lequel l'église d'ARTHES resta privée de Ministre du Culte, l'abbé PONTIE vint renouer la tradition religieuse. Il ne resta guère plus d'un an. Puis, vint lui succéder, en 1887, Monsieur l'Abbé PRAT qui occupa la cure pendant 6 ans. Ils inaugurèrent leur nouveau presbytère mais leur passage ne fût marqué par aucune œuvre importante. ARTHES était alors considéré comme un poste de disgrâce. En février 1894, Monsieur l'Abbé QUEREL fût désigné pour restaurer les œuvres culturelles à ARTHES. Après divers appels à la générosité des fidèles, en 1887, il fit peindre les quatre chapelles latérales, ce qui coûta 1.200 francs. Satisfait des talents de l'artiste, Monsieur GUY en 1896, lui confia la peinture de la nef, de la voûte et du chœur. La toile du sanctuaire représentant "Jésus remettant les clefs de son église à St-Pierre" est l'œuvre de Monsieur Henri RACHOUX, peintre toulousain qui devint par la suite directeur de l'Ecole des Beaux Arts de cette ville. M. l'abbé QUEREL resta 12 ans à ARTHES. M. l'abbé LACROUX prit la suite de son apostolat en février 1906. Son ministère s'exerça pendant 32 ans jusqu'en 1938. C'est alors que fût créé, vers 1912, le patronage attenant au presbytère grâce à l'initiative et à la générosité de l'abbé Léon SALINIER, enfant de la paroisse, et de quelques autres donateurs. L'abbé SALINIER fût enterré à ARTHES dans son tombeau familial en 1939. Si nous envisageons les améliorations communales réalisées pendant les dernières années du XIXème siècle et le premier tiers du XXème, il faut rappeler comme nous l'avons déjà dit, la libération du péage du Pont. LE NOUVEAU SIECLE ET L'AVANT GUERRE L'an 1900 avait marqué l'apogée de la prospérité matérielle atteinte par le pays. C'est à 1900 que remonte l'extension du village dans les diverses directions, notamment la création au levant du quartier qui fût appelé trop prétentieusement sans doute "le Petit Paris". Les années qui suivirent jusqu'en 1910 - furent exécutés d'importants travaux d'amélioration ou d'embellissement. En 1905 la Société Pyrénéenne creusa le canal souterrain qui devait amener l'eau à la station électrique et cette même année fût inauguré l'éclairage public et privé. De 1908 à 1910, de nouvelles écoles furent édifiées derrière l'église, sur un emplacement il est vrai peu aéré et beaucoup trop étroit. La période qui suivit l'année séculaire vit se prolonger un ou deux lustres encore, le courant de la vie facile et des illusions. Mais bientôt allait commencer l'ère de décadence, préparée par les luttes religieuses et par les conflits économiques et sociaux sans cesse renaissants, préconisés par la théorie de la "Lutte des Classes" Au dogme consacré par l'expérience des siècles de l'amélioration du bien être général par le travail et par l'épargne allait se substituer la doctrine du moindre effort et de toutes les dissipations. Il y eût bien le sursaut de la Grande Guerre ...... dû aux générations anciennes de combattants et à la sympathie que la France avait conservé dans l'ensemble des Nations. Mais le relâchement et la démagogie allaient recommencer leur action néfaste. APRES GUERRE Après la Grande Guerre, l'année 1923 allait voir à ARTHES la création du magnifique "Square Gabriel DELMAS" et, 1924, l'érection du monument aux morts de la Guerre 19141918, destiné à commémorer le sacrifice des enfants de la Commune morts pour la France. La donation du terrain est due à la générosité de Monsieur Prosper DELMAS, en l'honneur de son fils capitaine du génie, tué le 28 mars 1918. Le monument est en granit de Bretagne, les deux plaques latérales comprenant 34 noms sont en granit rouge de Finlande. Il coûta 16.000 francs, les soubassements, le mur de clôture, la grille et l'aménagement du jardin 9.000 francs, soit en tout 25.000 francs. L'inauguration solennelle, par suite d'oppositions politiques injustifiables, n'eût lieu que 12 ans plus tard, soit en mai1936. Un progrès considérable fût réalisé en 1926 par l'organisation des fontaines alimentant en eau potable l'agglomération Arthésienne. Cette amélioration avait été amorcée par les Municipalités précédentes qui avaient obtenu de la société Pyrénéenne, la concession gratuite de 30 m cubes d'eau par jour. Il est sans doute regrettable que le projet initial n'ait pas prévu une canalisation de plus gros calibre en vue de l'extension ultérieure du réseau d'irrigation. L'église paroissiale depuis 40 ans, principalement depuis les lois de la séparation, n'avait reçu aucune réparation d'entretien. Les voûtes et le beffroi étaient voués à des détériorations et à une destruction irrémédiable. Les édifices du culte étant le bien de tous ne serait-ce que par respect du souvenir des ancêtres qui les ont édifiés et par l'usage qui en est fait, au moins dans les grandes circonstances de la vie par la quasi unanimité des habitants, même par ceux qui en renient l'emploi, méritaient d'être conservés. C'est ce que fit la Municipalité, présidée par Émile ROQUEFEUIL en 1933, qui commença la restauration des toitures et du clocher. Les réparations indispensables ont été et seront continuées par l'administration qui a pris la suite sous la direction impartiale de Monsieur Ludovic VIALAR. En 1929, un procès avait été malencontreusement engagé pour l'expulsion du curé de son presbytère, malgré l'affection expresse de son donateur à cet effet. Cette spoliation, réprouvée par toute la population ne fût pas consommée. Une transaction intervint après une sorte de plébiscite par lequel une nouvelle municipalité accéda au pouvoir. Des conditions raisonnables furent acceptées par Mgr l'Archevêque et un bail fût signé pour une période de 18 ans. Dans un but de pacification des esprits, las de querelles stériles, il serait à souhaiter qu’à l’avenir les sommes versées en location soient à nouveau remployées à l’entretien ou à l’amélioration de l’habitation du presbytère. Ainsi serait préparée l’union de tous les habitants en dehors de toute tendance particulariste du sectaire, pour le plus grand bien matériel et moral de tous les enfants d’Arthès. Au lendemain de la terrible défaite, subie par les pays qui est sans exemple depuis toute l’histoire de France, défaite due aux divisions intestines périodiquement entretenues par un mode de suffrage qui consacre la suprématie de toutes les incompétences et de toutes les compétitions de parti, il est indispensable pour le salut commun de rallier toutes les bonnes volontés. Pour s’opposer aux forces de dissociation savamment entretenues par l’étranger, le pouvoir doit venir d’en haut et être confié au plus digne ayant déjà fait ses preuves, pour maintenir la continuité de ce qui fût et doit rester la France ? Au chef suprême doivent appartenir l’autorité indiscutée, la responsabilité qui garantit la rectitude de tous ses actes et la durée complète par le pouvoir à lui reconnu d’organiser sa succession pour prolonger son action dans l’avenir. Le droit de conseiller et contrôler reviendrait à une élite sélectionnée, désignée par chaque corps de métier non-rémunérée par le pouvoir central ; cette clause étant un gage de son incorruptibilité. En revanche, le chef de l’Etat aurait toute liberté de décision. De la sorte seraient écartées toutes les rivalités individuelles, d’hommes ou de partis, qui ont amené la France au fond de l’abîme. Espérons qu’elle se relèvera par la collaboration de tous, à la condition que chacun dans sa sphère et dans le plus humble village fasse sienne la devise du Maréchal Pétain « servir au lieu de se servir ». Il faut, pour que la France revive, qu’à l’individualisme stérile et dissolvant, facteur de dégénérescence et de mort, se substitue le culte indiscuté des valeurs spirituelles et morales source de régénération et de vie. C’est là l’effort vers lequel doivent tendre toutes les bonnes votés.