Histoire - Mairie d`Arthès

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Histoire - Mairie d`Arthès
LA COMMUNE D'ARTHES
SITUATION GEOGRAPHIQUE
Le village d'ARTHES se trouve situé sur la rive droite du Tarn, au pied d'un cirque de
coteaux formés par les dernières ramifications des Cévennes. Après être descendu en torrent (en
celtique Tarann) des hauteurs du mont Gévaudan, dans la Lozère, au milieu de rochers
escarpés, cette rivière s'étale tout d'un coup jusqu'à Moissac où elle se jette dans la Garonne.
Le village faisant face à celui de Saint-Juéry est un lieu de transition entre la montagne
et la plaine et c'est à partir de ce point que le cours d'eau devient navigable. Ce site avait été de
longtemps repéré comme un point d'étape pour les troupes de passage : en 1924, en faisant
creuser les fondations pour le socle du Monument aux Morts de la Grande Guerre, nous avons
trouvé une pièce de monnaie au nom et à l'effigie de l'empereur César Auguste. Preuve que les
armées romaines venues occuper la Gaule étaient passées par là et avaient dû former à cette
pointe, entre le double escarpement des deux ruisseaux qui l'encadrent avant de se jeter dans le
Tarn, un oppidum ou camp retranché.
HISTOIRE
ARTHES fut fondé par Robert D'ARTOIS, comte de Beaumont en 1328, malgré les
énergiques protestations antérieures du Seigneur Sicard II de Lescure et de son Suzerain, le
Pape Jean XXII, adressées le 2 Octobre 1318 au Sénéchal de Toulouse, Béraud de Solomiac. La
Seigneurie de Lescure, comme à ce moment là même et tributaire des papes, était soumise aussi
à l'autorité des rois de France. Le projet de création de la nouvelle bastide qui traînait depuis 10
ans pouvait paraître comme un empiètement et un morcellement de ce fief du Saint-Siège.
À l'amoncellement de rochers formant la cascade du Saut de Sabo, finissait en amont la
juridiction du Seigneur de LABASTIDE VASSALS dont le château fort, complètement en
ruine, se voit à 500 mètres en amont du ruisseau de Peygues, au dessous du hameau de
Cassagnes, Commune de Saint-Grégoire.
Quoiqu'il en soit, une transaction dût intervenir puisque la fondation de la Bastide,
projetée par le Comte d'Artois et désignée dès lors sous le nom d'ARTHES, fût ratifiée en mars
1328 par Philippe VI de Valois, roi de France, encore tout au début de son règne.
L'appellation de Saut-de-Sabo existait déjà, attendu que ce nom est mentionné
clairement dans le Charte Royale. D'après la légende, conservée depuis, Sabo serait un
personnage qui aurait réellement existé. Ce serait un prétendant audacieux à qui l'amour donnait
pas des ailes - mais des jambes pour franchir d'un bond le resserrement de rochers de 1 m 50 de
large, situé environ 60 mètres en amont du pont au milieu desquels la grande rivière n'apparaît
que comme un simple ruisseau. À travers ce passage étroit, il traversait tous les jours, aller et
retour, pour rendre visite à sa fiancée demeurant sur l'autre rive, du côté de Saint-Juéry. Il y a
quelques années, avant la grande crue de 1930 et la mutilation du panorama si pittoresque des
rochers, on distinguait quatre entailles canées et profondes dans le roc ayant servi autrefois à
l'établissement d'un pont en bois qui permettait de franchir de plein pied le double escarpement.
CHARTE DE FONDATION
La Charte de Fondation est actuellement conservée à la préfecture. Le Roi, Seigneur
haut justicier, stipule qu'il y aura 6 consuls qui, renouvelés chaque année, doivent exercer en
son nom la justice civile. Les consuls ont le droit d'imposer les tailles et de les faire lever.
Ils sont placés, ainsi que leurs familles, leurs biens et les agents de la Communauté, sous
la sauvegarde du Roi.
La Charte crée des notaires, des crieurs publics ; établit deux foires de trois jours
chacune et un marché hebdomadaire ; autorise tous ceux qui voudront construire des maisons à
cinq brassées (de 1m85 l'une) de largeur et de dix de longueur sur le terrain de la Communauté.
Les habitants d'ARTHES sont exempts de tous subsides particuliers du droit d'albergue
(obligation pour le vassal de loger le seigneur) et du droit de balade (obligation de payer une
mesure de blé pour chaque paire de labour). Ils auront la faculté de bâtir un pont sur le Tarn,
d'avoir une maison commune : un hôpital pour les lépreux, etc…Enfin, l'acte de concession
règle aussi les testaments, les peines à infliger aux accusés pour rixes, assassinats, adultères. Il
donne aux Consuls l'autorisation d'avoir un sceau particulier et une bannière ou étendard.
Il établit des fours et moulins seigneuriaux où les habitants devront cuire leur pain ou
moudre leur grain suivant redevance. Les fours dits « fours banaux » étaient au nombre de trois,
juxtaposés. Ils étaient gérés par un « fournier ». Ces 3 fours subsistaient encore, à moitié
démolis, vers 1850. Ils se trouvaient sur l'emplacement du café et de la maison du bourrelier
appartenant actuellement à Monsieur Paul GORSSE. Ce terrain fût aliéné vers 1880 par la
Commune, au grand dam de la place du pont dont le débouché se trouve aujourd'hui rétréci
d'autant.
Le moulin pour moudre le grain appartenait, immédiatement après la fondation de la
Bastide, de même que les fours, aux deux nobles Guillaume VASCON ou GASC, seigneur de
Labastide Vassals (Saint-Grégoire) et à Montans de Tauriac près de Rabastens. Il devient, dans
la suite, par hérédité familiale, la propriété des DE ROQUEFEUIL, seigneurs d'ARTHES. Le
dernier des ROQUEFEUIL d'ARTHES, Pierre, mourut à Arthès en 1820. Son gendre et
successeur fût Monsieur CAUSSE DES CAMPS, près le Puy Saint Georges qui décédé en
1850. Son petit-fils, Monsieur Pierre CAUSSE, Maire d'ARTHES de 1900 à 1919 donna en
location pour 60 ans en 1905 à la Société Pyrénéenne, puis fit vente en 1918 à la Société du
Saut de Tarn des moulins et de la chute d'eau les alimentant.
Les moulins font suite à la chaussée édifiée sur le Tarn en avant d'une cascade de
rochers dite « Gouffre de Calmantran » (en langue romano-calla : mejana Tarann ou voie
médiane du Tarn).
Comme annexe du moulin à farine, il y avait aussi un moulin à huiles oléagineuses.
Beaucoup plus tard, il y fût adjoint une filature et un moulin à chaux. En 1835, les ponts et
chaussées fixèrent le débit moyen du Tarn à 12 mètres cubes à la seconde, dont 7 m 50 furent
concédés au moulin d'ARTHES. Par son achat de 1918, le Saut du Tarn possède la totalité de la
chute.
PREMIERE ORGANISATION
On délimita le village au Nord par un fossé artificiel dit « Rec Del Balat », marquant la
première enceinte, fossé qui subsiste encore, mais que les agrandissements successifs ont
largement débordé.
Les rues sont tirées au cordeau et se coupent toutes à angle droit, de même que les
chemins vicinaux extérieurs pour desservir les propriétés. De ce point de vue, ARTHES marque
le premier modèle de l'urbanisme moderne, contrairement aux agglomérations plus anciennes.
Lescure par exemple, où les rues sont toutes plus étroites et plus tortueuses. Quelques maisons
en encorbellement, dont les étages supérieurs sont soutenus par des poutres en chêne formant
console, situées dans la rue CAUSSE et datant du XIV° siècle, datent encore (maison LAFON
Henri en 1980).
Le puits communal, creusé en 1338, fût pris comme centre de la nouvelle cité.
Le noyau de la nouvelle Bastide dût s'agrandir assez rapidement, puisque 10 ans après sa
fondation, exactement en 1338, nous voyons ARTHES prélever 10 soldats armés et équipés
pour défendre le pays contre les Anglais alors que Lescure à la même époque n'en envoie que
20.
Au nord-ouest du village, on créa une petite place dite du « saltré », qui fut vendue en
grande partie par la Commune en 1908. C'est sur cette place que se faisait la distribution
périodique du sel, obligatoirement fourni par les services de la Gabelle au nom de l'Etat,
moyennant une grosse redevance par tête d'habitant. Le préposé de l'Administration était
nommé « Gabelou », le distributeur communal dit « salinier ». Peu de temps après la fondation
d'ARTHES et sous le règne du même Philippe VI de Valois, de nombreuses épidémies
ravagèrent le pays. Il y avait, à cette époque, de nombreux lépreux créant un danger permanent
de contagion. Plus terrible encore fût la peste dite de Florence, en 1348, qui anéantit plus d'un
tiers du monde chrétien. Pour lutter contre les fléaux on créa des centres d'isolement
principalement contre la lèpre qui était endémique. Les ladres ou lépreux furent parqués dans
des terrains (appelés maladreries). Quartier qui porte encore aujourd'hui le nom de « Malayrié
», sis à plus d'un kilomètre au nord de l'agglomération et à l'est du chemin qui monte à la
Longagne. À l'angle ouest de ce terrain maudit se trouvait une pierre aujourd'hui encore
surmontée d'une croix, sur laquelle les parents de ces morts-vivants venaient toutes les
semaines déposer une boule de pain accompagnée de quelques maigres pitances, sans qu'il fut
permis aux pestiférés de franchir cette borne. Tout au-dessous était la Panissié (de panis, pain),
terrain sur lequel il était permis de librement circuler pour porter la provision de pain, Le
lépreux, de son côté, était tenu d'annoncer son approche par le tintement d'une clochette qui
faisait fuir les biens portants.
C'est par ces procédés assez barbares qu'on se garantissait, au moyen-âge, contre la
propagation des maladies épidémiques. Mais bien souvent, au temps de panique, les lépreux
subirent encore plus atroce : on les faisait périr tous ensemble dans les flammes.
En dehors de cette organisation un peu rudimentaire de prophylaxie sanitaire et en plus
de ces mesures de salubrité préventive, il se fonde, peu à peu en aval du cimetière et sur la
berge dominant la vallée du Tarn, des communautés religieuses restreintes d'ordre contemplatif
ou à tendance charitable. C'était de simples fermes dépendant d'un monastère où, tout en
observant la règle monastique, on s'adonnait à la culture des terres.
Ainsi, le couvent de la « Candeillé », construit vers 1850 à en juger par les fenêtres en
forme de croix qui subsistent encore, abrita des moines vêtus de blancs dépendant de l'abbaye
de Candeil près de Cadalen.
Un peu plus à l'est, du côté du cimetière, était la résidence de religieux appelés trinitaires
de l'ordre fondé en 1198 par Jean de Matha primitivement crée pour la rédemption des captifs et
qui, par extension, s'occupe dans la suite d'œuvres de charité ou d'assistance. Ces moines du
nom de leur fondateur, dits aussi Matharins et désignés plus tard par le peuple et par
approximation (sous le nom de Mahurins), fondèrent tout à côté une colonie voisine dite « la
Matharinié ». Ces diverses fermes monastiques, de même que le prieuré bénédictin de SaintMichel de Lescure attenant à l'église Saint-Michel, monument historique ; de même que les
biens de la Communauté religieuse située sur l'autre rive du Tarn, le Moustié (Monastérium)
aujourd'hui encore appelée la Mouyssetié, furent vendus en 1794 comme appartenant à des
congrégations religieuses. La vente, payée en assignats de plus en plus démonétisés, se faisait à
vil prix puisque nous voyons le château de Lescure avec toutes ses dépendances être adjugé
pour 15 250, le 15 Octobre 1793. Les bâtiments de la Matharinié furent acquis par Jean
FRANCES dit ROQUES, procureur syndic préposé aux ventes pour la Commune de Lescure,
lequel s'empressa de restaurer l'immeuble et, à cet effet, y fit transporter l'escalier en pierre
provenant de la démolition du château de Lescure. La partie inférieure du même escalier vint
aussi à ARTHES et fût utilisée pour accéder au premier étage de la maison de Mr
ROQUEFEUIL, aujourd'hui maison CAUSSE. Les deux moitiés présentent une même encoche,
entaillée à égale distance dans chaque marche en pierre, encoche qui servait de point d'appui à
une cloison de forme hélicoïdale.
Dans ces mêmes parages, à côté de la Candeilhé et de la Matharinié quartier qu'on
pourrait désigner sous le nom de quartier des Monastères, éloignée du centre du village de près
d'un kilomètre se trouvait l'église Saint-Pierre qui, à défaut d'autre, devient l'église paroissiale.
La Charte de Fondation de 1328 avait bien précisé que « les dits habitants pourront prendre
dans les appartenances de la dite Bastide deux arpents (c'est à dire 8 440 mètres carrés, soit près
d'un hectare) pour bâtir des églises, des hospices ou des maisons de lépreux et cela gratuitement
« pro amore dei ». Cette stipulation ne fût jamais réalisée. Aucun hospice sur une telle étendu
de terrain ne fût édifié intra muros. Les lépreux, nous l'avons déjà dit, étaient refoulés au loin à
la Maladrerie et, vraisemblablement, abrités dans de misérables huttes ou cabanons ? D'ailleurs
ce terrain, par son éloignement du centre et par ses facilités de contagion, n'était pas propice à la
construction d'une église.
C'est pour cela que, jusqu'en 1784, l'église paroissiale était toujours enclose dans le
cimetière qui, même de nos jours et malgré les agrandissements successifs, est loin d'atteindre
les deux arpents concédés. Comme on avait fait à Lescure de l'église Saint-Pierre, on trouva
plus simple d'adopter pour les offices paroissiaux la chapelle abbatiale qui était toute prête à
recevoir à la fois les religieux et les laïcs. Cette chapelle, devenue église, était encore debout
peu avant le début de la Révolution puisqu'elle figurait sur un plan représentant le village
d'ARTHES en 1780. Hélas, ce document précieux a disparu depuis, égaré ou détruit par des
iconoclastes incompétents et à jour du côté Nord-Ouest du cimetière, lors de l'extension de cette
nécropole en 1904.
Sur ce même plan aujourd'hui dispersé, à l'emplacement même de l'église actuelle et à
une quinzaine de mètres au Nord du puits communal, point de repère invariable, était représenté
une petite chapelle minuscule pouvant contenir 20 ou 30 personnes, où un vicaire de Lescure
venait dire la messe les jours ordinaires, l'église Saint-Pierre trop excentrée étant réservée pour
les offices solennels du dimanche ou pour les sépultures qui avaient lieu sur place.
LA PESTE - LA GUERRE DE CENT ANS
Pour en revenir aux années qui suivirent la fondation d'ARTHES, nous devons noter que
les débuts du développement furent extrêmement pénibles. Outre la lèpre qui décimait la
population, la peste fit son apparition vers 1340. Plus d'un tiers des habitants fût emporté par le
fléau. Aux épidémies meurtrières vinrent s'ajouter les malheurs de la guerre et celle-ci dura cent
ans. En 1369, les anglais font leurs premières incursions dans l'albigeois, et après d'autres
places s'emparent du château de Lescure et tiennent garnison à ARTHES. Ils sont chassés une
première fois par la vaillance du Midi de la France.
De nouveau, ils font irruption dans l'Albigeois de 1345 à 1348, traînant à leur solde des
bandes de routiers qui, commandés par Rodrigue de Villaudrant, pillent et dévastent toutes nos
campagnes. Leur occupation dura trois ans. Le chef de ces brigands occupa le château de
Lescure. Vers 1430, le château fort de Labastide-Vassals fût détruit. On aperçoit encore les
ruines au sud de Saint-Grégoire. On voit aussi à Pérols, hameau de cette commune, un camp dit
« camp des anglais » où ceux-ci faisaient l'exercice De nombreux descendants de cette race
étrangère continuèrent à porter dans le pays le nom de « Angles ». Lorsque le futur Louis XI,
alors Dauphin, vint à Albi le 17 Mai 1439, le sire de GASC, seigneur de Labastide-Vassals, lui
présenta ses doléances et tenta d'obtenir des subsides pour reconstruire son château démoli.
Mais ce fût en vain : le futur héritier du trône était sollicité par d'autres préoccupations.
Lorsque, grâce à l'impulsion glorieuse donnée par l'épopée et le supplice de Jeanne
d'Arc (30 mai 1431), les anglais sont définitivement « boutés » hors de France.
Mais le XIII° et le XIV° siècle furent des périodes d'extrême désolation et de misère.
Malgré cela, la construction de la cathédrale d'Albi, à laquelle toutes les populations
voisines contribuèrent de leurs deniers, fût à peu près achevée.
LA FIN DU MOYEN AGE - LE GOTHIQUE FLAMBOYANT
Mais c'est surtout grâce aux libéralités du Cardinal Louis 1er d'Amboise, faisant suite à
la fresque de jugement dernier qui déploya dès 1478 ses peintures coloriées sur les deux tours
intérieures du clocher et aux sculptures du jubé, véritable dentelle de pierre ciselée vers 1484,
que se dressa, à 78 mètres de hauteur au dessus de la plaine environnante, le donjon colossal de
Sainte-Cécile qui fût achevé vers 1492. Tout au début du XVI° siècle, avant 1515, nos
populations allant vendre leurs produits du sol à la ville voisine purent contempler les
admirables peintures de la voûte de la magnifique basilique et le porche monumental avec ses
fines lignes arrondies qui annonçaient déjà le renouveau artistique que va être la Renaissance.
ARTHES ne pouvait évidemment que participer de loin à toutes ces splendeurs. Nulle
trace dans les murs d'une construction ayant un caractère architectural. Seul, le petit couvent de
la Candeilhé, avec ses fenêtres en croix, nous a laissé quelques vestiges de l'architecture
nouvelle. Il date d'ailleurs de la deuxième moitié du XVI° siècle. Les religieux, vêtus de blanc,
dépendaient de l'abbaye de Citeaux qui comptait en France plus de 800 annexes ou
dépendances. L'ordre avait été réformé par Saint-Bernard, c'est pour cela qu'on les appelait
bernardins ou cisterciens.
LA RENAISSANCE
Malgré l'état troublé de l'Europe sous François I°, le règne du roi-chevalier fût
particulièrement brillant et le bien-être général contrasta avec les époques antérieures. Ce prince
aimait la magnificence. Il avait si bien apprécié le vin du crû voisin de Cahuzaguet, célébré plus
tard dans notre poème patois de la « Guerro de las Crabos » qu'il avait donné ordre qu'il en fût
servi tous les jours à sa table.
Après signature du Concordat avec le pape, il fit nommer au siège d'Albi, comme
cardinal et évêque, Monseigneur Adrien de Gouffier de Boisy dont les deux frères jouèrent un
rôle de premier plan : l'un comme amiral et général en chef fût tué plus tard à la bataille de
Pavie, l'autre fût gouverneur du Dauphiné. C'est par l'intermédiaire de notre prélat albigeois que
François I° fit venir à Ardres, au « camp du Drap d'Or » (Juin 1520), 100 barriques de vin
d'Albi provenant des crûs de Cahuzaguet, Cunac, Le Roc et Ranteil pour régaler le Roi
d'Angleterre, Henri VIII, et tout son cortège de grands seigneurs. Le crû de Cahuzaguet était
particulièrement connu du Cardinal : puisque le domaine du Chapître appartenait à la mense
épiscopale d'Albi. C'est ainsi que la liqueur de Cahuzaguet devint un crû doublement royal, très
goûté même en Angleterre.
Un peu plus tard, la prépondérance du Nord sur le Midi étant devenue de plus en plus
définitive par l'édit de Villers-Cotterets » d'Avril 1529, François I° avait décrété que tous les
actes publics, notamment toutes les pièces d'Etat Civil, seraient dorénavant rédigés en Français.
Nous avons vu, il y a une dizaine d'années, à la Mairie d'ARTHES, toute une collection de
registres d'Etat Civil écrits en langue romane ou patois, qu'un garde-champêtre particulièrement
exercé lisait devant Nous d'une façon très courante. On y reconnaissait très bien le patois actuel
qui a survécu après 5 siècles, avec la seule variante que les mots dont la désinence est écrite en
a, comme le latin, se prononçaient à la manière d'un o fermé comme nous le disons
actuellement. Nous avons remarqué sur tous les registres du XVI° siècle rédigés en langue
romane, que pour tous les membres de la famille seigneuriale des De Roquefeuil, la première
lettre du texte était formée d'une majuscule ornée d'enluminures polychromes présentant un
cachet artistique tout à fait soigné. On voyait que par son application le scribe avait voulu plaire
à ces puissants personnages ou que sa besogne devait être bien plus libéralement rétribuée. Le
roman persiste sur tous les registres encore conservés à ARTHES, jusque vers 1635 ou le
français prend dès lors le dessus.
Vers la fin du règne de François I°, aux alentours de 1545, pour faire face aux dépenses
toujours croissantes, fût établi le premier cadastre ou campoix. Auparavant, les dépenses étaient
votées par les Etats provinciaux. L'intendant du roi fixait la part incombant à chaque commune ;
les consuls aidés des répartiteurs attribuaient à chaque chef de famille la quotité dont il était
redevable. La taille ou (theil, partie) ou portion versée par chaque contribuable était perçue par
des collecteurs dont la fonction était obligatoire, mais qui étaient nommés par roulement tous
les 3 ou 4 ans par les consuls communaux. La centralisation des fonds était opérée par le
seigneur du lieu qui, après prélèvement d'une dîme à taux d'ailleurs variable, était responsable
vis à vis de l'Administration Centrale. C'est ainsi que dans une pièce que nous avons en mains,
datées du 2 Juillet 1697, nous voyons « Jean Léonard Dion, huissier du Roy, à la réquisition de
M. Jean FUMEE, chargé par sa majesté du recouvrement des taxes et droits de semailles
s'élevant à 750 livres, a pris, saisi, et mis sous la main du roy tous les légumes, les fruits et
revenus des terres, vignes et prés appartenant au sieur de Roquefeuil, seigneur d'ARTHES et
autres revenus des moulins, four banal et autres, etc…
Sur chaque acte de vente, il est perçu par le seigneur d'ARTHES de Roquefeuil, par
portion égale avec Madame de Brassac un droit seigneurial appelé censive ou lods ? Il y a aussi
l'impôt de capitation à tant par tête d'habitant qui se montait en 1706 à deux livres, trois sols, six
deniers.
D'où la nécessité de faire un cadastre et de le tenir à jour. C'est pour cela que diverses
réadaptations ou réfections opérées toutes les 2 ou 3 générations. L'ancien cadastre, conservé à
la Mairie d'ARTHES, ayant précédé le cadastre napoléonien en 1808, date des environs de 1750
d'après les indications qui y sont contenues. Le premier en date que nous y trouvons est de
1569.
LA REFORME- LES GUERRES RELIGIEUSES
Malgré ces améliorations administratives et malgré l'essor formidable qui, durant tout le
XVI° siècle renouvela l'art de la construction en l'embellissant au point que les monuments de
la Renaissance, comme d'ailleurs le mobilier, sont encore parmi les plus recherchés, la seconde
moitié de ce siècle fût troublée par des guerres religieuses atroces qui accumulèrent les ruines et
les destructions. Notre région fût particulièrement éprouvée.
La nouvelle doctrine importée de Genève avait son principal foyer à Castres. Elle se
propagea rapidement aux alentours, d'abord dans la partie montagneuse du département :
Lacaune, Brassac, Viane, Trébas et quelques uns des nouveaux convertis arrivèrent jusqu'à
Villefranche et Saint-Juéry.
La réaction contre ce nouveau fléau ne se fit pas attendre. En 1551, un certain Jean
JOCRY, originaire de Saint-Juéry, revenait de Genève avec son domestique où ils avaient été
recueillir la bonne parole à sa source. Ils furent arrêtés à Mende, condamnés par le Parlement de
Toulouse et mis au bûcher. Malgré ces résistances locales, la Réforme faisait de nouveaux
prosélytes. Puylaurens, Lavaur, Lisle, Rabastens, Gaillac, Réalmont furent atteints de la
contagion et furent le théâtre de massacres et destructions. L'épidémie religieuse essaya bien de
franchir le Tarn, mais Cordez fût à peine effleuré. Les protestants s'emparèrent aussi de Lescure
qu'ils occupèrent trois ans de 1581 à 1585. Ils se retirèrent en brûlant le château.
La rive droite du Tarn ne fût donc que très peu entamée et de façon passagère.
ARTHES, dans son recoin, limité au sud par le Tarn et sur toute périphérie orientale par son
cirque de coteaux, reste indemne. Comme d'ailleurs Lescure, dont il dépendait, sa population
resta étrangère à la secte réformée. Le mot « huguenot » (en patois « hygounaou ») avec sa
signification de briseur de statues, de brûleur d'église de mécréant, ne disait rien de bon. L'alerte
néanmoins avait été très chaude puisque sur la rive opposée, un peu en amont, on avait vu
flamber les lueurs de l'incendie qui détruisit complètement l'agglomération de maisons situées
sur le plateau où est aujourd'hui le hameau de « COMTE ». La tourmente passée, les
malheureux habitants décidèrent de reconstruire leur village dans la vallée, au milieu de leurs
jardins et de leurs chènevières. Ils se groupèrent autour du château fort du début de 17° siècle
qui subsiste encore. Ces émigrés furent appelés dans le pays « lous dabalats » ou les Avalats.
Devant le menace d'un pareil sort, les Arthésiens firent édifier du côté Est, sur un rocher
en promontoire dominant la vallée du Tarn, en arrière de la maison CALMELS, un fort désigné
sur tous les cadastres anciens sous le nom de « fort d'ARTHES ». Au même niveau, sur le
passage de la rivière, se trouvait un pont en planches monté sur des madriers également en bois.
Pour y donner accès, une large faille avait été creusée dans le roc (aujourd'hui comblée par un
mur de soutènement) permettant la traversée des charrettes puisqu'il existait sur l'autre rive en
face, il y une trentaine d'années, un chemin d'abord contournant au levant les bureaux actuels du
Saut du Tarn.
Le pont, est jeté d'une falaise à l'autre et surplombe en amont les cascades multiples
disséminées à travers le chaos de rochers connus sous le nom de "gouffre de Calmatran ". Cet
amoncellement de rocs formait une chaussée naturelle suffisante pour alimenter les deux petits
moulins placés de chaque côté. Les canaux latéraux de dérivation ne furent aménagés que
beaucoup plus tard quand la chute d'eau se fût industrialisée. Ce pont en bois, bien que précaire,
rendait de très grands services.
Mais par crainte de ses réformateurs forcenés qui se présentaient la torche à la main, on
prit les devants et mît le feu à la passerelle en planches qui fût entièrement consumée. Ce
passage désormais inutilisé conserva le nom de «Saout Crémat».
Nous avons dit que les hérétiques, à part quelques incursions, ne prirent pas racine sur la
rive droite. Pour les chasser de Lescure le Viguier d'Albi et le Seigneur de Cussac (SaintGrégoire) qui tremblaient pour leur peau, offrirent à leur chef, BACON, mille écus qui furent
acceptés.
À Albi, d'ailleurs, la lutte défensive avait été menée par un chef énergique. Monseigneur
Laurent STROZZI, italien et propre cousin de la reine régente Catherine de Médécis, occupe le
siège épiscopal de 1561 à 1567.
Ce prélat, à la manière de certains princes de l'église de son pays, tel le Pape Jules Il ne
craignait pas d'endosser 1'armure guerrière. S'il s'entendait à tenir la crosse, il savait à l'occasion
manier énergiquement l’épée et le mousqueton. Il avait fait venir des bandes d'aventuriers,
recrutés en Italie ; il les avait armé et leur faisait tenir garnison dans son palais même de la
Berbie où ils faisaient l'exercice militaire. Quand un point de son diocèse était menacé, il
s'empressait d'y envoyer ses troupes et, s'il y avait danger, il n'hésitait pas à se mettre à leur tête.
Nous dirions aujourd’hui que c'était un partisan de l'action directe. Quoiqu'il en soit, grâce à ses
méthodes énergiques, ALBI fût préservé des hordes dévastatrices qui firent tant de destructions
dans les principales localités de l'Albigeois. Tout en attaquant l'ennemi face à face, comme tout
bon politique italien insinuant qu'il était, il employa des procédés préventifs. A titre de
récompense, il rétribuait largement ses meilleurs soldats et, selon les services rendus, il les
implantait dans le pays en les dotant, ce qui leur permettait d'acheter une métairie ou un
domaine dans les bourgs environnants. Ils restaient ainsi par leur exemple; des gardiens de la
foi orthodoxe et, en même temps par les relations qu'ils avaient conservées avec leur évêque,
des indicateurs précieux lui permettant de tenir en garde les perturbateurs. C'est de l'époque des
guerres de religion que date dans nos régions l'installation de chefs de famille italiens qui firent
souche dans le pays, et dont les noms à désinence en I décèlent encore l'origine bien que, à
travers plusieurs siècles, la lettre finale se soit transformée en y. Nous savons qu'il en est ainsi
d'après de multiples documents authentiques pour les Palazzi, les Valéri, les Blanqui, les Mari,
les Fabri, etc...
Heureuse influence d'ailleurs si ces infiltrations italiennes contribuèrent à atténuer
l’horreur de nos guerres civiles, tout au moins dans le pays aux environs d'ALBI.
LE REGNE D’HENRI IV
Mais ce qui activa le plus la réconciliation nationale ce fût, outre la lassitude générale, 1'
accession au trône, après sa conversion, d'un roi-paysan, père de son peuple. La promulgation
de l'EDIT de Nantes en 1598, en conservant la liberté de tous les cultes sans domination
politique, ouvrit une ère de prospérité sans précédent à l'aurore du XVIIIème siècle. On peut
dire que l'origine de la fortune privée de nos villes et de nos campagnes, si aveuglément
compromise et gaspillée par les responsables de la débâcle actuelle, date d’Henri IV.
FIN DU XVIème et DEBUT DU XVIIème siècle
Grâce aux encouragements donnés par le roi et à l'initiative heureuse des ses ministres,
le retour à la prospérité fût rapide. En quelques années, l'agriculture, le commerce et l'industrie
devinrent florissants. De nombreuses maisons furent construites ou restaurées. La limite
primitive du village dont l'enceinte était circonscrite au 5ud par le Tam, à l'Ouest par les deux
ruisseaux de Fresquet et de Piboulet, à l'Est par les coteaux de Lagrèze, ne pût s'agrandir que
par le Nord, au delà du fossé de circonvallation. De nouveaux édifices s'élevèrent autour du
terrain communal alors appelé "Camp des Rious», traversé au Nord Ouest par le ruisseau de
Fresquet situé an bordure et en diagonale par un ruisselet devenant torrent au moment des
orages, canalisé sous la Mairie actuelle et alimentant en eau le fossé périphérique, dit encore
"Rec Del Balat". La rue d'angle en pente, venant du quartier de la Rivière et aboutissant au
"Camp des Riou", en forme de polygone irrégulier, n'a cessé de s'appeler "Rue de Canderés" de
même que par une homonymie approchante le village de "Val des Rious " devient
\/ALDERIES.
Ce champ, nous le rappelons, avait été prévu et réservé dès le début par la Charte de
Fondation en 1328 pour les besoins collectifs de la Communauté. En réalité, il ne servit jamais
que comme champ de foire. C'est là que se tenaient les deux grandes foires devant durer
chacune trois jours, crées par institution royale. Le marché hebdomadaire qui avait lieu tous les
mercredis se tenait sur le " Mercadial" (de Mercurii dies, jour de marché). Ce marché du
Mercadial, destiné à l'approvisionnement de la semaine, est représenté sur toutes les cartes
anciennes par la bande de rochers longeant toute la rive droite du Tarn et s'étendant de la ruelle
descendant à l'emplacement du « Roc dé las Oulos » jusqu'au Moulin. Nous disons
l'emplacement car ce magnifique site a été sacrifié après la crue de 1930 pour dégager les
abords du pont. La berge schisteuse dominant le lit
de la rivière fût amputée. Le rocher légendaire escarpé, dans les flanc- duquel s’étaient creusés
naturellement par la corrosion des eaux, trois cratères ou excavations circulaires peu profondes,
enforme de marmite (du latin aulula, oule) disparût. À 40 m en amont du pont, on en voit
encore les vestiges.
La place du "Mercadial" comprenait, en amont, le sol de la maison LAGRIFF0UL et
une partie du jardin, le jardin GAUTHIER et toute la pointe triangulaire entre les deux chemins
supérieur et inférieur, aboutissant au moulin. La petite rue intermédiaire, faisant aujourd'hui
face à la maison LAVERGNE, était dite "Rue de la Croix du Mercadial".Cette croix était
dressée au -dessous de l'escalier montant du Petit Paris.
Le chiffre peu important de la population et l'absence de débouché permanent vers
l'autre rive ne lui permirent pas de durer.
Par contre, les deux foires, principalement celle de la Toussaint qui se prolongeait trois
jours, avait une réputation extraordinaire dans toute la région limitrophe et bien au delà. Toute
la montagne y descendait à l'automne, ses produits du sol mis en réserve en prévision de l'hiver.
Parmi les animaux, le commerce des porcs et des chèvres était le plus renommé. La vente du
gibier y avait un grand succès. Au retour, tout le monde emportait les nèfles de la foire
d'ARTHES. C'est dans ce cadre de la célèbre foire que se passe l'épisode de "La Guerre dé las
Crabos".
Cette vogue ne se ralentit pas pendant plus de trois cents ans. Les trois foirails, celui du
Mercadial, celui de la Place Centrale à côté du puits communal et celui du Couderc
regorgeaient de marchandises. C'est vers l'an 1600, une fois la tranquillité revenue, que ce
dernier se borda de maisons à l'Ouest et au Nord ; les constructions s'étendirent vers la rue et la
placette du "Saltré ". Le "Champ de Ruisseau" fut aménagé et aplani. Selon la mode de
l'époque et sous l'impulsion de SULLUY, duc de Rosny, on agrémenta le centre des Places
publiques ou les avenues des bourgs, d'arbres destinés à devenir immenses et qu'on appela des
"rosny". Ces arbres étaient des chênes ou parfois des ormes. Celui qui marquait le centre
approximatif du Couderc (la mairie et les écoles n'existant pas encore) était un orme. Il était
encore debout, cet arbre devenu gigantesque où nous l'avons vu abattre. Il se trouvait à 15
mètres à l'Ouest de la Croix actuelle. Une autre croix, plus ancienne, qui se voit sur le plan de
1750, était érigée sur le même emplacement. Elle fut démolie pendant la période
révolutionnaire. Un arbre éphémère de la Liberté fut planté en l848 et ne dura que deux ou trois
ans, comme la liberté elle-même, sur mal réglementée, dégénérée en oscillant entre la
démagogie et la dictature. La mission de 1854 rétablit la croix qui, bien que dépourvue en 1906
de son socle monumental en pierres de taille se voit encore. Le bloc de maisons situées au
Nord-Ouest de cette place, au-dessus du ruisseau de Fresquet n'existait pas encore sur le
cadastre de 1750: l'emplacement en était occupé par des jardins privés. Le nom générique de
Couderc, donné à ces publics plantés d'arbres à l'époque du ministre d'Henri IV, vient du mot
latin "quercus" qui signifie plantation de chênes et était primitivement prononcé "Couerq".
Un de ces chênes (ou ormeau) est marqué sur le plan précité relevé au milieu du
XVIIIème siècle sur la place où se trouve le puits, à quelques mètres en avant de la croix
actuelle. Une croix se voit au point où se trouve la sacristie de gauche. À défaut d'église
paroissiale en cet endroit, reléguée nous l'avons dit à Saint Pierre, la petite chapelle pour la
messe de tous les jours est située au niveau du chœur d'aujourd'hui, laissant libre toute la partie
antérieure du quadrilatère. Tel a été jusqu'à la Révolution et pendant les deux derniers siècles de
l'Ancien Régime l'agencement du village d'ARTHE5.
Si nous continuons notre récit historique après l'assassinat d’Henri IV, en I 610, nous
savons que l'esprit de la Réforme mêlé aux ambitions des seiqneurs féodaux, tenta de se relever
pendant le règne de L0UIS XIII. Mais la main de fer de Richelieu eût vite fait de réduire ces
dernières velléités d'insubordination. La décapitation du Duc de Montmorency, dans la cour du
Capitole à TOULOUSE en 1632, marqua la défaite définitive de toutes ces agitations qui, si
elles avaient troublé les environs d'Albi, Lombers, Réalmont, Teillet, Lescure même, avaient
respecté ARTHES.
À la même époque, de 1628 à 1632, la peste ravagea de nouveau l'Albigeois et causa de
nombreux décès. Quand ce fléau fut éteint un grand élan de dévotion et de reconnaissance
anima les survivants. On organisa de nombreux pèlerinages à la Drêche. Un nouveau pont en
bois, remplaçant l'ancien brûlé 50 ans auparavant, fût construit entre les rochers en peu plus en
aval, à peu près en face le jardin AUSSEL-PUYLAURENS et la station électrique du 5aut du
Tarn. C'est celui dont nous avons parlé tout au début de notre récit et dont on voyait il y a
quelques années les entailles carrées dans le roc pour servir de point d'appui à la charpente en
bois. C'est par là que passaient, chaque année pendant peut être un quart de siècle, les
pèlerinages de 5aint~Juéry, les Avalats, de Cunac et Cambon se rendant à la Drêche. Mais de
par son caractère provisoire, il ne pût pas durer, et ne fût pas renouvelé. Le transit recommença
de se faire d'une façon tout à fait restreinte, pendant près de 200 ans, par la batellerie au niveau
des bacs d'ARTHE5 et de SAINT-JUERY.
UNE PRINCESSE ALLEMANDE A LA LONGAGNE
Vers le même temps, à la fin de 1636 ou au début de 1637, il se produisit dans les
parages D’ARTHE5, une 2ème migration étrange. Une princesse allemande, de la dynastie des
Hohenzollern actuellement déchue mais dont quelques membres devinrent, depuis 1704,
d'abord Rois de Prusse puis en 1870, empereurs d'Allernagne, vint habiter à la "Longagne". Ce
hameau, situé aux confins d'ARTHES et de SAUSSENAC, est en réalité bien plus près
d'ARTHES, à quelques cents mètres de la source sulfureuse de "Méout". Le domaine de la
Longagne est mi-parti sur le territoire de deux communes.
C'est là que vint se réfugier Marie-Anne, fille du prince de Hohenzollern-Héchingen …
Elle était née en 1614, on la maria à la fin de 1630 avec le Comte Ernest d'Isembourg,
déjà veuf et âgé de 46 ans. Elle avait donc 16 ans au moment de son mariage et il y avait entre
ces époux une différence d'âge de 30 ans.
Ce qui devait arriver, arriva...
Ils étaient tous les deux de très haute lignée. L'époux était, comme l'avait été son père,
grand électeur à la Diète d'Empire qui nommait les empereurs d'Allemagne. Il fût dans la suite
gouverneur général des Pays-Bas au nom de l'Infante Claire Isabelle Eugénie qui régnait à
Bruxelles au nom de son père Philippe IV, Roi d'Espagne.
Quand à notre héroïne de roman, ses sœurs s'étant mariées à des princes de plus hauts
placés d'Allemagne, elle appartenait à une branche nobiliaire qui nous valût dans la suite,
quoique par voie collatérale, Frédéric Il, Guillaume Ier et Guillaume Il, de sinistre mémoire....
Sa beauté ravissante frappa le comte d'Isembourg qui, nous l'avons dit, l'épousa cette
même année.
L'incompatibilité d'humeur éclata presque aussitôt, bien qu'elle demeura près de 5 ans
dans l'hôtel de son mari à Cologne. Légère et enjouée, elle tomba amoureuse d'un gentilhomme
français ; lui aussi, élégant et frivole, M de MASSAUVE, originaire de Montpellier. Celui -ci
qui était son écuyer la décida à se laisser enlever.
La fugue se fit en 1635, un jour de foire, en carrosse, en plein midi sans que personne y
prit garde. Les amants et leur suite furent poursuivis par des cavaliers lancés sur leur trace. Ils
furent rejoints vers la frontière de Lorraine. Le frère de MASSAUVE, qui était de l'escorte, fût
blessé, pris et décapité et sa tête exposée pendant 8 jours sur un pont de Cologne.
Après diverses péripéties, nos amoureux arrivent à Paris où MASSAUVE qui était très
intriguant, tente d'avoir ses entrées à la cour de Louis XIII.
Il est éconduit, mais ne désespérant pas, il reste à Paris 2 ans. Sachant que le prince
allemand outragé les fait toujours rechercher et craignant pour leur vie, les deux fugitifs
traversent tout le Centre de la France et arrivent à la Longagne, tout près d'ARTHES.
Estimant ce lieu très propice à leur isolement, ils achètent une ferme qui leur coûte
10.000 livres, s'installent dans l'humble maison paysanne et en attendant font bâtir à côté une
construction, pas somptueuse certes, mais du moins assez bien conservée, se composant en plus
d'une vaste cuisine et des locaux affectés à la ferme, d'un rez de chaussée composé de 4 pièces
et d'une petite chapelle. Au premier étage, même dispositif. Mais le petit oratoire tient toute la
hauteur des deux étages. En bas, était sans doute le sanctuaire où certains jours devaient se dire
la messe. En haut, une tribune garnie de balustres, permettait de suivre les offices. Au-dessus
d'une porte qui pouvait communiquer de l'oratoire au salon, on voit encore une petite toile
peinte, de 30 centimètres carrés environ, où l'on distingue encore quelques chevaux montés de
leurs cavaliers en costumes Louis XIII, représentant sans doute le mur et ne pourrait en être
détaché sans dégâts. Le salon contigu étant la principale pièce du logis, devait servir de salon de
réception, avec une porte-fenêtre donnant sur la façade Sud.
Même dépourvu de tout ornement comme il est maintenant, l'ensemble constituait une demeure
bien modeste. Sur le versant Nord se voit un grand jardin clôturé d'un mur qui à dû être un parc,
dont l'entrée est marquée par un portique encore debout.
Le tout porte encore le nom de "Château de la Longagne", nom qui même à cette époque
lointaine, n'eût été la qualité de ses hôtes, était certainement usurpé.
Les premiers temps de leur séjour en ce lieu, leur dépense était magnifique. La princesse
avait emporté lors de sa fuite de l'Hôtel d'Isembourg beaucoup de bijoux précieux et des pièces
d'or. Lui-même ses appartements. À Nancy, où il y avait été lieutenant colonel au service du
Duc de Lorraine
et où son emploi lui valait près de 50.000 livres de rente par an, à Cologne où il avait la
réputation d'un parfait galant homme, il dansait et jouait du luth, faisait de la musique et de la
peinture. Donc, il se peut bien que le petit tableau conservé à la Longagne puisse être son
œuvre.
Les amants restèrent 4 ans et demi plus ou moins cachés dans ce nid. C'est ce qu'ils
reconnaissent eux-mêmes dans l'acte de séparation par consentement réciproque, passé le 8.Juin
1641 par devant Maire GAUSSERAND, notaire royal à ALBI. Il y est dit : "La Princesse Marie
Anne de HOHENZOLLERN et Jean Alexandre de MASSAUVE déclarent que les dites parties
ont demeuré ensablement du dit lieu de la Longanie qu'est depuis l'an six cent trente sept
jusques à présent".
Au moment de la rupture, la Princesse n'a que 27 ans. La princesse lui abandonne
certaines créances pour prêts par elle consentis en Septembre 1636, pendant leur séjour à Paris.
La jouissance de la maison et la métairie de la Longagne sera acquise pendant 4 années
à MASSAUVE, jusqu'au 1er Août 1645. Après cette date, l'usufruit sera partagé par moitié
entre la Princesse et MASSAUVE. La nue-propriété en est donnée par l'un et 1' autre à
DELMAS, marié avec Marie-Madeleine de BARON, demoiselle de compagnie qu'elle avait
amenée avec elle lors de a fugue de Cologne. Tous les meubles seront la propriété exclusive de
MASSAUVE et elle même s'engage "à payer toutes les dettes dues aux particuliers durant le
temps que les dites parties ont demeuré ensamblement au lieu dit la Longanie".
C'est sous l'influence de l'Évêque Mgr DE DAILLON de LUDE, qui prît possession du Siège
d'ALBI le 9 Mars 1637, que la princesse décida de répudier MA5SAUVE. Beaucoup de
chercheurs ont cru que la Princesse était protestante: cela n'est pas exact. Outre que son beaupère, étant encore dans ordres mineurs et avant son mariage était archevêque titulaire de
Cologne, outre que son mari très pieux était l'homme de confiance de la très Catholique Infante
d'Espagne régnant sur les Pays-Bas, il suffit de se rappeler que la Comtesse d'Isembourg en
1633, donc pendant son union légitiment fut déléguée par l'Infante d'Espagne pour la
représenter au baptême comme marraine d'un enfant du duc de Naubourg. Celui-ci etait luimême converti au catholicisme et était devenu l'un des favoris de Philippe IV et de ses enfants.
Monseigneur de LUDE n'eut pas à la convertir au catholicisme. Son apostolat se borna à
la ramener au bercail en l'aidant à cesser cette vie quelque peu scandaleuse.
La mission de l'évêque dura moins de 4 ans, si nous rapprochons les deux dates de
l'arrivée de l'évêque et de la répudiation de la repentante. (9 Mars 1637 et 8 Juin 1641).
Nous croyons avoir trouvé une explication tout à fait plausible de la rencontre de
l'éminent avec la noble pénitente.
L’évêque n'est pas encore le bâtisseur somptueux qu'il devint quelques années plus tard
quand il édifia le Bon Sauveur, encore appelé de nos jours "le petit Lude".
Le château de Combefa, propriété des évêques d'Albi, était bien loin et sans doute bien
inconfortable depuis le départ de Louis d'AMBOISE. L'évêque trouva sans doute plus
commode d'habiter, pendant les jours chauds de l'été, une petite chartreuse aux portes d'ALBI, à
5 kms de la ville, au lieu dit "Bellerive", à mi-chemin de la route d'Albi et de Valdériès. Le
domaine comprenant aujourd'hui 3 métairies, est longé par le ruisseau de Coules. C'est une
oasis de fraîcheur et de verdure avec ses grands platanes et ses sapins toujours verts. Au centre
est une maison de campagne surmontée de tourelles qui attirent le regard. L'ensemble constitue
un séjour délicieux pour l'été.
C'est là que nous avions repéré depuis longtemps, à 3 mètres en dessous de la maison et
sous les ombrages, une pierre de taille de 2 mètres de long servant aujourd'hui de banc. Nous
arrêtant assez souvent dans ce lieu, nous avons déchiffré sur l'une des faces l'inscription
suivante encore très lisible malgré que quelques lettres soient un peu effacées :
"Gaspardus de DAILLON de LUDE
Episcopus Albiensis"
C'était donc là un lieu de rendez-vous de l'évêque, l'été. Quoi d'étonnant alors que
pendant le mois de Mai et le début de Juin 1641 , Mgr ait entendu parler dans ses parages de
cette princesse mystérieuse, menant une vie peu extraordinaire pour le Pays et habitant à 3 Km
de là, au château de la Longagne ? La Châtelaine était de la paroisse de Magrin, consulat de
Lescure. On voit encore les vestiges de l'église vendue les 13 Germinaux ans III pour 150 livres
et transformée en ferme. Après le rétablissement officiel du Culte (15 Juillet 1601) et par
délibération du 27 Thermidor en XII, prise par la Municipalité de Lescure, dont elles
dépendaient avant leur suppression, les trois paroisses voisines de Masclé, Magrin et Bezelle
furent rattachées la première à Valdériès, la 2ème a N.D. de Caussanel, la 3éme à Lescure.
La Longagne~Haute alla à Caussanel. Tout près de cette église se trouve un monticule
dit "des Prédicadous" ou St Dominique vient prêcher à la foule en 1216, suivi d'un cortège de
disciples.
En ce lieu fût établi dans la suite un prieuré et ses dépendances qui appartiennent encore
aux religieuses dominicaines d'ALBI.
Le portail orienté vers Bellerive est à 2 Km de la demeure estivale de L'évêque et à 1 km
de celle de la princesse. Celle-ci, désabusée et repentante, a bien pu sans doute ouvrir son coeur
au curé de sa paroisse qui, par l'intermédiaire de l'évêque tout proche, a fait faire toutes les
démarches pour la remettre dans le droit chemin.
Mgr de DAILLON de LUDE était, par sa mère, le propre neveu de SCHOMBERG,
maréchal de France et gouverneur du Languedoc. L'évêque avait organisé une compagnie de 50
gentilshommes dans laquelle il engloba notre aventurier MASSAUVE au titre de Capitaine et
conduisit lui-même sa petite troupe dans le Roussillon. Muni d'une lettre de recommandation du
comte d'Aubijoux, seigneur de Castelnau de Lévis, il la fit admettre dans le régiment du
marquis de Vardes pour achever la pacification de cette province, 4 ans après la victoire de
Leucate (1637) sur les Espagnols.
On n'entendit plus parler de MASSAUVE. Quant à la princesse, elle lui fournit ellemême son équipage pour son entrée en campagne.
RETRAITE AU COUVENT DE LA VISITATION
Ainsi libérée de toutes ses attaches, elle partit 6 mois après le jour de Noël 1641 au
couvent de la Visitation au bout du Pont à ALBI. Cet ordre avait été fondé par Saint François de
Sales, selon la règle de Saint-Augustin. Elle y vécut comme novice jusqu'à la mort de son exmari, le comte d'Isembourg, en 1664. Âgée alors de 50 ans, elle fut supérieure de la
Communauté pendant 6 ans.
Elle se démit de sa charge de supérieure 7 ou 6 mois avant sa mort, redevint simple
religieuse et décéda en 167O.
Du temps qu'elle était supérieure à la Visitation, elle fît la confidence des péripéties de
sa vie à Madame Salvan de Saliès. Cette "muse Albigeoise" comme on l'a appelée, veuve à 23
ans, écrivit en 1676, la biographie de "la Princesse d'Isembourg" avec tous les détails et le nom
de tous les personnages qui l'avaient approchée Tout le récit a été reconnu parfaitement exact
avec document authentique à l'appui, trois cents ans après par les héritiers du nom d'Isembourg
(Voir revue du Tam 1938).
Nous conclurons avec Madame de Salies : "Ainsi mourût cette belle et innocente
princesse que l'humeur trop sévère de son mari, de mauvais conseils et peut être une trop grande
jeunesse et beaucoup d'enjouement ont fait passer pour coupable et rendue une des plus
malheureuses personnes de son siècle".
À tous ces titres, elle est bien digne de figurer, à coté de Melle de Lavaillière, dans la
galerie des grandes amoureuses repenties du Grand Siècle.
Dans ces notices relatant l'histoire d'ARTHES, nous ne pouvions passer sous silence
cette princesse allemande venue de Cologne pour habiter la Longagne, la plus grande partie de
ce hameau étant rattaché à la Commune d'ARTHES et l'ensemble étant beaucoup plus
rapproché de ce village que de SAUSSENAC.
LA FAMILLE DE ROQUEFEUIL D'ARTHES
Continuant notre récit à l'époque où Mgr de DAILLON du LUDE, commença son
apostolat à ALBI, nous trouvons notre seigneur qui défile en bonne place au cortège solennel
qui accompagne le nouveau prélat. Il est titré dans la chronique "noble Anthoine de
ROQUEFEUIL, seigneur de Granval". Le même "Anthoine de ROQUEFEUIL" contresigne, à
la même époque, les actes de vente que nous avons en mains, perception de ses droits
seigneuriaux.
Dans un acte de "mil six cent cinquante trois passé au lieu d'ARTHES, diocèse d'ALBI,
Sénéchaussée de THOULOUZE ", nous voyons mentionné "Le Sr Charles de Roquefeuil".
A la fin du 17ème siècle et au début du 18éme, en 1696 et 1706, les livres de comptes
portent la signature "Arthès de ROQUEFEUJL". Les droits seigneuriaux, lods et censives sont
perçus en 1758 et 1777, conjointement signés sur le même acte par Mme Salèlles de
BRASSAC et M.. ROQUEFEUIL d'ARTHES, titrés coseigneur d'ARTHES. Celui-ci déclare
qu'il a "reçu pareille somme que Mme de BRASSAC a reçu et pour les mêmes fins et raisons
dont est quitte, me réservant sur le compte de son fils les lods qui le composent et autres droits
et devoirs seigneuriaux.
Fait à ARTHES le dernier jour du mois de Janvier mil sept cent septante".
Un autre reçu de 1777, porte :"Je déclare être par de ma portion de los du présent acte
seulement et cet sans préisusise d'autres droits et devoirs seigneuriaux. Fet à ARTHES ce treize
Avril 1777- de ROQUEFEUIL."
Tous ces reçus autographes-; tant du 17éme que du 18éme siècle pourtant si cultivés-;
ne dénotent pas une tenue littéraire bien élevée.
Au fait, nos seigneurs d'ARTHES ne jouèrent qu'un rôle tout à fait effacé pendant les
deux derniers siècles de l'ancien Régime, à l'encontre de leurs cousins dans la branche du
Rouergue qui s'illustrèrent dans la marine et dans l'armée.
Un de ROQUEFEUIL, à la fin du XVIIIème siècle, passa en Amérique, fit fortune et
devint la souche de la fameuse dynastie de milliardaires américains les "Rockefeller".
Donc, les de ROQUEFEUIL d'ARTHES n'entrèrent jamais de prés ou de loin dans
l'histoire. Ils ne figurèrent jamais aux réceptions de Versailles. Leurs biens, Si l'on en excepte
les moulins, les fours banaux et les censives auxquelles leur donnaient droit leurs prérogatives
de seigneur du lieu, dépassaient à peine comme étendue ceux des paysans fortunés qui étaient
leurs vassaux. À part quelques menus droits de mutation, de péage au moulin et au four banal,
les successeurs et héritiers de Guillaume GASC (VASCO) de Labastide-Vassal n’avaient pas
été avantagés par la Charte Royale. C'était un acte d'émancipation en faveur des vilains, Le
seigneur avait été dirions-nous aujourd'hui de façon un peu triviale "vissé" : il ne pouvait retenir
que 1/300 sur la mouture du blé et 1/200 sur la cuisson de la pâte. Tous les droits
d'administration, de répartir les impôts, de rendre la Justice au 2éme degré et d'infliger des
amendes étaient réservés aux 6 Consuls. À chaque terrain à sa convenance de 19 m 50 de long
sur 9 m 250 de large. C'était la continuation du système de démocratisation inauguré par les
prédécesseurs royaux au double profit du petit peuple et de l'autorité royale. Ce système
d'équilibre était nécessaire à l'unification, puis à la conservation du pays qui allait être la
FRANCE.
ADMINISTRATION COMMUNALE SOUS L'ANCIEN REGIME
Au point de vue local, cette collaboration organisée n'avait eu que d'heureux résultats;
pour le Seigneur, comme nous le verrons dans la suite, et pour le vassal qui par son travail
pouvait accéder à la propriété et étendre son petit bien. Le morcellement de la terre que nous
constations par l'étude des plans cadastraux anciens, permit aux nombreux habitant qui y
avaient pris racine de vivre des produits du sol qu'ils récoltaient et par l'extension du commerce
horticole de conquérir plus de bien être et d'indépendance. Il se forma ainsi, peu à peu, un
noyau de petite bourgeoisie rurale dont le niveau matériel et spirituel ne firent que s'accroître au
cours des XVIIème et XIXème siècle avec l'extension de 1' instruction et avec le progrès et les
découvertes scientifiques.
En plus des 6 consuls capables de rendre la Justice au 1er degré et de faire fonction de
Juges de Paix, la charte avait institué un notaire communal, non seulement pour enregistrer 1es
transactions des particuliers, mais pour adapter aux formes judiciaires régulières les décisions
de principe prises par les consuls.
Aussi voyons-nous dans les Assemblées Générales des Consuls, les délibé-rations
importantes dirigées par le Procureur du Roi ou parfois par le Juge Mage du diocèse,
notamment pour les élections des Consuls.
Pour garantir l'indépendance des décisions, c'est le 1er consul ou Mairie qui préside,
secondé d'un 2ème Consul, assisté de 4 autres consuls ordinaires ou composant une sorte de
pouvoir exécutif.
Leurs fonctions sont maigrement rétribuées : les 2 premiers consuls touchant chacun 8
livres par an pour leurs peines, les 4 autres seulement 5 livres chacun, soit en tout 36 livres par
an pour le Conseil Communal.
Celui-ci est assisté de 6 conseillers dits conseillers politiques prenant part aux
délibérations et au vote, mais non chargés d'exécuter les décisions. Leurs concours aux
assemblées est gratuit.
Et enfin, lorsqu'il y a des résolutions importantes à prendre, on fait aussi appel à un
conseil supplémentaire, dit de renforcement et comprenant tous les contribuables importants de
la commune qui ont droit de donner leur avis et de signer au registre.
Le budget annuel ou mande est présenté dans les trois premiers mois de l'année par le
Syndic diocésain, agissant au nom de l'Intendant résidant à TOULOUSE. Le conseil prend
connaissance du montant de l'imposition qui lui est attribué, en assure la répartition selon la
capacité fiscale de chaque contribuable et nomme un député qui va siéger aux États Albigeois, à
l'Hôtel de Ville pour y présenter ses observations ou demander des rectifications, s'i1 y a lieu, et
prendre part au vote final pour tout le diocèse. Il est accompagné au chef lieu par le collecteur
de l'année écoulée qui présente tous ses comptes en règle et dûment acquittés.
Le collecteur communal était d'abord dit forcé sous peine d'encourir une forte amende
s'il résiliait sa fonction ou la remplissait mal. Il était établi un roulement parmi les gros
contribuables.
Dans la 2ème moitié du XVIIIème siècle, l'emploi était mis à l'enchère, au rabais ou au
moins disant, par 3 criées successives opérées pendant trois dimanches. Le collecteur devait
prendre 2 gros contribuables pour lui servir de caution et tous les 3 souscrivant devaient signer
leur engagement au registre et être agréés par les Consuls. En 1169, la rétribution allouée au
collecteur était de 19Livres 16 sols. À la même époque, le budget communal qui avait presque
doublé depuis 60 ans était de 5600 livres pour l'ensemble.
Le salaire du maître d'école y figure pour 60 Livres par an. Le logement du vicaire,
d'ailleurs reconnu tout à fait insuffisant par une délibération, coûte 12 Livres l'année.
Les consuls sont nommés par tiers tous les deux ans et rééligibles. De même, les 6
conseillers politiques. Il doit être présenté deux candidats pour chaque place, dont un seul est
élu à la majorité des suffrages. Les deux candidats proposés sont désignés par les membres
sortants ou par collègues restants, en cas de décès. Donc pas d'âpres compétitions pour obtenir
la charge qui très souvent était attribuée à l'insu du bénéficiaire Chaque consul désigné était
officiellement revêtu de l'écharpe consulaire et prêtait serment sur les Saints Evangiles tenus
par le 1er consul ou Maire. Celui-ci prêtait serment de la même façon devant le Juge-Chef du
Diocèse.
Telle était l'organisation municipale que nous avons relevée sur le Registre des
délibérations, au moins pendant la deuxième moitié du XVIIIème siècle.
LA PETITE BOURGEOISIE
Parmi les Consuls, outre de nombreux propriétaires ou petits propriétaires, nous voyons
figurer Louis RESPLADY, notaire royal à ARTHES en 1716. Il y avait aussi un notaire à Les
cure, Me METGE, dans la période qui précéda la révolution. À partir de 1790, les actes sont
passés chez Me CLARENC à St Juéry, étant devenu chef de canton.
En 1745, nous voyons mentionné un Jean Pierre BERNADOU, titré chirurgien
d'ARTHES qui possède une terre tout proche du cimetière et a sa maison Rue du Mouli, sur
l'emplacement actuel de la maison MANENQ.
Bernard CAMPMAS est aussi chirurgien au dit lieu d'ARTHES de 1765 à 1790.
À la même époque, Antoine FRANCES dit Roques, maître chirurgien, réclame en 1790
pour ses visites et fournitures de médicaments une somme de 15 Livres et 12 Sols à raison de 6
sols la visite.
Les chirurgiens d'il y a 150 ans étaient à la fois barbiers, arracheurs de dents et
guérisseurs d'entorses ou rebouteux. Le métier devait être assez mal rémunéré, soit par suite de
la pléthore résultant de la présence à ARTHES de deux chirurgiens alors que la population était
en 1789 exactement de 500 habitants, soit par L'abstentionnisme des clients à cette époque plus
récalcitrants.
Nous les voyons, en effet, l'un et l'autre solliciter et obtenir la fonction de collecteur
d'impôts au moins disant à raison de trois et même 2 deniers par Livre, et en faisant appel
comme caution et garantie de leur gestion à deux propriétaires reconnus solvables. Cette place
de collecteur devait paraître très enviable avec son rapport moyen de 15 Livres par an puisqu'ils
l'occupèrent, Bernard CAMPMAS notamment pendant au moins 10 ans.
Dans la suite, les prix ont déjà augmenté, puisque le Dr Hyacinthe François TEYSSET,
demande 10 sols pour chaque visite, 5 sols supplémentaires par lavement et 15 sols quand il y a
saignée. La tradition médicale est continuée par le Dr DEMUR, médecin homéopathe qui
soigne avec des granulés vers 1830, par le Dr BARASCUD vers 1860, et par le Dr GROC vers
1868 qui, après trois ans d'installation à ARTHES rentre dans ses pénates à Saint-Juéry. Preuve
que la médecine nourrissait déjà mal son homme à ARTHES.
LA PREMIÈRE ÉGLISE ÉDIFIEE AU CENTRE DU VILLAGE
À cette époque, avant les 5 années qui précédèrent le grand cataclysme de 1769 fût
édifiée la première église érigée au milieu de la Place Centrale d'ARTHES, sur l'emplacement
de la petite chapelle qui l'avait précédée.
L'église paroissiale de Saint-Pierre, au cimetière, tombait en ruines Les portes et les
fenêtres fermaient mal tellement que, au mois de Septembre 1771, des voleurs pillèrent le
sanctuaire et la sacristie, fracturèrent les portes du tabernacle et emportèrent les vases sacrés.
Les ouvriers qui réparèrent les dégâts présentèrent plusieurs fois leur note pour se faire régler,
preuve que la communauté n'était pas riche. L'église, très éloignée de l'agglomération était très
incommode.
De plus, la petite chapelle de la place était aussi en mauvais état. L'ormeau tout proche,
faisant pendant à celui qui était planté sur le Couderc, dépérissait. Les branches desséchées
tombaient sur la toiture et avaient démoli la voûte, les eaux de pluie en s'infiltrant avaient pourri
la charpente. De toute façon on ne pouvait plus reculer.
Messire Pierre de ROQUEFEUIL, qui précédemment avait refusé cette charge, accepte
en 1776 d'être nommé premier consul et Maire. On décide de bâtir un nouvel édifice du culte.
Le plan est dressé par Monsieur GLEYZES, ingénieur à ALBI. L'adjudication des travaux est
ordonnée après autorisation de l'Intendant toulousain, au profit de GRANlER, du massage de
LARROQUE au-delà de LONGOUYR0U, commune de Crespinet, qui se charge de la
maçonnerie.
CATHALA, charpentier à ALBI, prend à son compte la boiserie et Joseph FONTES,
titré "briquier" à ARTHES, doit confectionner la toiture Les trois entre-preneurs solidairement
responsables moyennant un prix global de 3 560 Livres par un contrat signé le 8 Décembre
1782.
Ce premier plan n'avait prévu qu'un clocher "élevé en façade et de forme triangulaire".
Dès que les murs furent sortis de terre, on s'aperçut bien vite, le 25 Mars 1783, que ce misérable
clocher un peu squelettique à parois plate et ajouré comme l'emporte-pièce pourrait tout juste
suspendre 2 ou 3 cloches, mais aurait l'inconvénient (sic) "de ne pas garantir les cloches de
l'injure au temps ; de ne pas laisser la facilité de pouvoir y monter pour les réparer et peut-être
celui de n'avoir pas assez de solidité."
Pour faire plus grandiose, sans trop de frais, l'Assemblée Municipale dresse un devis
nouveau du clocher à construire en forme de tour "quarrée' (resîc) sur les fondations déjà
établies de la chapelle, des fonds baptismaux, qui est à main gauche de la porte d'entrée. Le
deuxième plan du nouveau clocher est approuvé par Monsieur GLEYZES, le devis estimatif
dressé par Monsieur MARIES nécessite un supplément de dépense pour la somme de 661 livres
6 sols, 5 deniers. Saluons en passant, la mémoire de M. MARIES qui reproche ne peut être
attribué à lui seul, eût plus tard la gloire devant la postérité de sauver de la destruction complète
la Cathédrale Ste Cécile. La démolition de celle-ci fut mise à l'adjudication en 1792, l'enchère
s'éleva à 4 francs. en échange des matériaux qui devait résulter de cet acte de vandalisme
révolutionnaire. Monsieur MARIES eut le courage, méritoire à cette époque, d'écrire au
Ministre ROLAND, chargé des Beaux Arts. Au moment où la pioche des démolisseurs allait
entrer en jeu, ce ministre dont il faut louer l'incompétence ordonna une enquête avec ordre
provisoire de surseoir à la destruction. En attendant, la magnifique cathédrale Ste Cécile fut
sauvée et ROLAND, comme sa femme qui était son inspiratrice furent emportés quelques mois
après par la tourmente qu'ils avaient favorisée. Inclinons nous donc devant la protestation
courageuse de l'Ingénieur MARIES.
Le clocher d'ARTHES, mal équilibré sur une chapelle latérale, sans fondations
suffisantes pour le supporter, ne tarda pas à se lézarder entraînant avec lui la dislocation des
murs de 1' église.
L'un et l'autre n'eurent qu'une durée éphémère puisque le beffroi dut être refait en 1838
et l'église se maintint debout à peine 90 ans. Ne regrettons pas l'ancienne église d'ARTHES,
vite délabrée et félicitons nous que la somptueuse basilique ait bravé les orages et les
révolutions.
Pourtant, l'édifice d'ARTHES avait affronté toutes les expertises. Mr François
TEYSSONNIERES d'Albi avait garanti sa solidité et pour vérifications et vocations avait
touché la somme de 110 Livres.
Pour payer les frais de la construction, la commune dépourvue de fonds avait fait appel
à 4 prêteurs volontaires qui, s'étant référés aux assurances du même expert avaient accepté d'un
commun accord de venir en aide à la Communauté. Mr de THOMAS, prieur de St Michel de
Les cure avait demandé 380 Livres ; Monsieur FRANCES dit ROQUES et frère de chirurgien,
curé de Ste CROIX, avait prêté 900 Livres, Monsieur CARAYON de Marsal 1200 Livres,
l'abbé de ROQUEFEUIL, curé de Lagarde en Rouergue, oncle de noble de ROQUEFEUIL,
seigneur du lieu, 1 900 Livres, soit en tout 4 390 Livres couvrant la totalité de la dépense.
Pour l'aménagement intérieur, RUSTAN sculpteur à Albi, avait fait l'autel en forme de
tombeau, ciselé le tabernacle et décoré le chœur de consoles ou crédences, d'un tableau avec
son cadre, le tout moyennant 100 Livres prises sur une donation de 200 Livres affectées à
l'ancienne chapelle par testament du 20 mars 1759 (METGE notaire à Lescure) fait par noble
Jean Antoine de ROQUEFEUIL de Mauvenon, oncle de Pierre de ROQUEFEUIL d'ARTHES.
Les prêteurs furent rapidement désintéressés par la voie d'une imposition extraordinaire,
échelonnée sur 5 ou 6 ans puisque, en Juillet 1789 les 7 créanciers avaient donné acquit de
restitution de leurs avances.
À la fin de 1788, noble Pierre de ROQUEFEUIL, après 12 ans consécutifs de gestion
des affaires municipales, déclara vouloir se retirer. Par délibération du 8 février 1790, Jean
Antoine FRANCES est nommé consul Maire pour le remplacer.
Nous arrivons au seuil de la révolution. Il faut remarquer, avant de clôturer l'ancien
régime, que le seigneur d'ARTHES fut un simple collaborateur des autres consuls. À maintes
périodes il sut s'effacer comme l'avaient fait ses prédécesseurs, pour laisser la direction
complète aux autres notables désignés par leurs collègues. Aussi, verrons-nous que ceux-ci ne
cessèrent pas de lui conserver toute leur sympathie.
LA REVOLUTION
CAPITULATION DU POUVOIR CENTRAL
L'ancien régime, comme il arrive pour tous les gouvernements, avait toléré de nombreux
abus créant et consacré d'intolérables privilèges qui n'avaient plus leur raison d'être.
Il eut appartenu au pouvoir central représenté par le Roi de prendre les devants pour les
supprimer. Malheureusement, Louis XVI très bien intentionné et voulant faire le bonheur du
peuple comme Henri IV était faible et hésitant. Il était combattu par tous les privilégiés,
Noblesse et Parlement qui avaient intérêt à s'opposer aux réformes. Il avait capitulé devant les
Parlements qui s'étaient sortis de leur rôle d'exécuteurs des lois et qui avaient la prétention de
les dicter en les remettants en fonction.
Il capitulait tous les jours devant la Noblesse et devant son entourage de la cour que,
tout en faisant semblant de favoriser les nouvelles par "snobisme", se refusait sournoisement à
leur mise en application.
Abandonné de tous, le Roi abdique, s'en remettant à la masse inconsistante et
changeante du peuple pour la direction de l'Etat qui doit être le bien de tous. Il inaugura, sans le
vouloir, l'ère de la. Démocratie qui à tôt fait de glisser à la démagogie où tout le monde
gouverne et où nul n'est responsable ou le gouvernement d'hier. La politique de parti, dans les
premiers temps, et plus tard l'individualisme forcené présenté sous couleur de Liberté de chacun
d'autant plus redoutable que les mobiles intéressés en sont faciles à dissimuler à la masse
incomprenante, ont tôt fait de dissocier et de désagréger ce qui fait la force et l'unité d'une
Nation.
C'est ce qui est arrivé à la France, tantôt de façon violente et destructive avec à son actif
4 Révolutions dans moins de 100 ans, tantôt de façon plus lente et par un glissement progressif
vers l'anarchie irresponsable.
Cet abandon, continu et cette annihilation complète de l'autorité de l'Etat passe entre les
mains du plus grand nombre. Ce renoncement des gouvernements successifs à assurer la
pérennité de l'existence du pays ont eu pour trame la catastrophe dans laquelle nous nous
débattons encore pour le plus grand malheur de tous.
LES PRELUDES DE LA REVOLUTION A ARTHES
Quoi qu'il en soit, les idées subversives ou de désordre n'eurent aucune prise sur l'esprit
de notre population en 1769. Les mêmes hommes, travailleurs pacifiques plus habitués à
consolider qu'à détruire, continuèrent à administrer la commune. Tout au plus firent-ils
quelques timides concessions pour la forme à l'esprit de rénovation en vogue.
Pendant la période de préparation qui précéda la nomination des députés aux Etats
Généraux, notre Municipalité fut convoquée à une réunion de 3 Ordres à l'Hôtel de ville d'Albi
qui se tiendra les 10 et 11 Février 1789. Nos consuls désignent pour les représenter leur
nouveau Maire et 1er Consul, Jean Antoine Frances, approuvant d'avance tout ce que celui-ci
"dira fera et consentira dans les dites assemblées et toutes relever et le garantir". Plus de 200
représentants se réunirent dans la salle des Etats Albigeois.
On y prononça de beaux discours, on y exposa de belles formules en demandant par
exemple le vote par diocèse, mais on ne pût prendre aucune décision. L'édit de convocation
prévoyait en effet, un collège électoral pour chacun des trois ordres et par Sénéchaussée.
Or, le territoire d'Albi était à cheval sur trois Sénéchaussées : toute la rive gauche du
Tarn formant l'agglomération, faisait partie du temps immémorial de la Sénéchaussée de
CARCASSONNE ; toute la rive droite, ARTHES y compris, et le Gaillacois étaient rattachées à
la Sénéchaussée de TOULOUSE. Le Castelviel dépendant du Sénéchal de CASTRES. D'où
confusion inextricable pour les votes.
Les assemblées régulières, pour la Sénéchaussée de TOULOUSE dont dépend
ARTHES, tiennent dans cette ville à partir du 26 Mars. Deux des députés, élus par le Clergé
dépendant de TOULOUSE, sont de notre région : Jean Joachim GAUSSERAND, curé de
Rivières et futur évêque constitutionnel et Pal Augustin PONS curé de MAZAMET. Pour le
Tiers Etat, trois sont des Tarnais : Jean François CAMMAS, Docteur à Monestiés : Pierre
DE\/OISINS, avocat à Lavaur; et Jean Antoine de LABORDE, maire de GAILLAC.
Le Maire d'ARTHES, Jean FRANCES fût de nouveau mandé, le 22 Juin 1789, à une
deuxième séance solennelle des Etat Albigeois. C'était deux jours après la séance du Jeu de
Paume à Versailles. C'est là et bientôt à Paris que vont se dérouler les grands évènements.
Après les scènes sanglantes et tumultueuses qui marquèrent la prise de la Bastille, le 14
Juillet, une vague de révolte bien décrite par Taine, déferla sur toute la France. On incendiait les
châteaux, on pillait les récoltes à beaucoup d'endroits. Des bandes armées, des sordrez, grossis
par les imaginations, semaient la panique parmi les populations des campagnes restées malgré
tout paisibles et honnêtes. Nos vieux grands-pères se rappelaient encore avec frayeur les récits
de "L'annado de la poou".
Le trois Août 1789 au matin, dans toute notre région principalement, la rumeur se répandait que
les brigands allaient arriver. Ils venaient disait-on dans la direction de St-Grégoire. Aussi, tous
les hommes valides de s'armer : quelques uns avec des fusils, d'autres avec des faux
emmanchées à l'envers, quelques uns munis simplement de fourches. On se rendit
fiévreusement dans la région de Sérayet pour voir venir l'ennemi d'assez loin. Personne ne vit
rien et on redescendit, non sans quelque inquiétude malgré tout. Ces fausses alertes sont
signalées ce même jour dans tout l'Albigeois et le Toulousain et ont été étudiées avec détails à
l'appui par Monsieur CH. PORTA.
En application des décrets de l'Assemblée Nationale des 8 et 10 Octobre, le Conseil se
réunit le 20 Décembre pour établir les noms des contribuables passibles de la "Contribution
patriotique extraordinaire" qui venait d'être votée s'élevant au quart du revenu. Une commission
des principaux taillables est nommée et ceux-ci affichent devant la Mairie et sur la porte de
l'Eglise une liste de 126 Habitants. Ceux-ci sont néanmoins invités à produire leurs
réclamations qui seront discutées s'il y a lieu.
Le même jour, on établit une commission de Justice composée de 6 membres choisis en
dehors des 6 consuls en charge et déléguée pour être auxiliaire de la Justice comme adjoints à
l'instruction des procès criminels et devant veiller à maintenir l'ordre dans la juridiction du
présent lieu. Un procureur de la commune, qui va être Antoine CAMMAS, doit présider aux
enquêtes et aux réquisitoires. Cette attribution de pouvoirs de police étendus à des
personnalités, bien que ordonnée par l'Assemblée Nationale, était évidement une main mise sur
l'autorité du Maire, qui n'était plus prépondérante, surtout si celui-ci n'acceptait pas d'obéir
docilement aux ordres ou exigences du
comité du district.
Sans qu'il y ait eu démission préalable du Maire en fonction Jean Antoine FRANCES
régulièrement nommé par le Conseil du 29 Septembre 1788, et sans qu'il soit procédé à une
nouvelle élection, une nouvelle Municipalité désignée d'office entre en fonction au mois d'avril
1790. Le sieur François PFYRE dit NADAL est déclaré de plain-pied Maire du dit lieu. Il lui
est adjoint 3 nouveaux officiers municipaux, 6 Notables et le procureur de la Commune
susnommé Antoine CANNAS. Les autres officiers municipaux et notables, quoique dûment
convoqués, ne se sont pas présenté.
Le Maire évincé, Jean FRANCES, assiste à la séance et va faire fonction de greffier
provisoire, en attendant la nomination d'un secrétaire Greffier en titre et sans doute pour
transmettre officiellement ses pouvoirs.
Dans cette séance du 20 avril 1790, le nouveau maire PEYRE, se conformant au décret
de l'Assemblée Nationale ordonne qu'il sera fait dans la Communauté un recensement des
"Biens privilégiés", exemptés d'impositions. Il est décidé que pour établir la liste de ces biens et
pour contrôler les déclarations des bénéficiaires, il sera désigné, pour assister la Commission
Municipale, un arpenteur et un calculateur. Le sieur Jean FRANCES, père et Antoine
MARTEL dit "La Treille", tous deux habitants d'ARTHES, sont nommés pour ces emplois. En
cas de contestation sur les droits de chacun, Il leur est adjoint le sieur GARDES d'ALBI,
feudiste.
En Juillet 1790, après la fixation des nouvelles circonscriptions terri-toriales, il est créé
un chef lieu de canton à St JUERY, auquel sont rattachées les communes d'ARTHES et de
LESCURE. Le notariat de Lescure, tenu par METGE, cède la place à celui de St Juéry
représenté par CLARENC.
Le budget communal de 1790 s'élève à 7 061 Livres 5 sols 6 deniers. Avant de clôturer
sa délibération du 25 juillet 1790, le conseil ordonne que le banc de la Municipalité, installé en
bonne place à l'église et qui avait été enlevé sans doute en signe de protestation, soit réintégré
en son lieu habituel. Il est décidé que le Maire et tous les officiers Municipaux seront munis de
nouvelles écharpes comme marque distinctive de leur dignité.
LA CONSTITUTI0N CIVILE DU CLERGE
À la fin de 1790 fut promulguée une loi qui allait jeter le trouble et l'agitation dans tout
le pays. Cédant à la mode du jour, l'Assemblée Nationale avait décrété, le 12 Juillet, que toutes
les fonctions ecclésiastiques seraient soumises à l'élection. C'était renverser toute la hiérarchie
de l'Eglise dont le pouvoir vient d'en Haut, le dogme lui-même n'aurait pu résister à une pareille
constitution. Le Pape ne pouvait souscrire à une telle abdication de son autorité, contraire à la
tradition plusieurs fois séculaire.
Louis XVI, roi très chrétien, non seulement, selon la formule consacrée, mais aussi de
coeur et d'esprit, opposa pendant 6 mois son droit de veto. Mis en demeure de s'exécuter, il
sanctionna le 26 décembre 1790, le Décret de la Constitution Civile du Clergé, la main forcée et
avec l'arrière pensée d'en entraver ou d'en retarder l’application. Pour donner l'exemple de la
soumission aux lois, les 309 prêtres, membres de l'Assemblée furent invités à prêter le serment
civique du haut de la tribune. 65 renégats s'empressèrent, avant la date fixée, de répudier tout
leur passé. Tous les autres, soit 24, le jour ultime fixé pour la prestation du serment, le 4 envier
1791 , refusèrent de se soumettre et se dispersèrent plutôt que de trahir leur conscience.
Parmi ceux qui s'étaient courbés avec enthousiasme et qui ambitionnaient de profiter du
nouvel ordre des choses qu'ils allaient instituer, se trouvait Jean Joachim GAUSSERAND, futur
évêque constitutionnel d 'ALBI.
Comme GAUSSERAND touche de très près de plusieurs côtés à l'histoire d'ARTHES,
nous ne manquerons pas d'exposer son curriculum vitae.
L'ABBE GAUSSERAND DEPUTE A LA CONSTITUANTE
Il était né en 1749. Comté, sur la paroisse des Avalats, communauté alors indépendante,
qui fut rattachée en 1790 à la communs de St Juéry quand celle-ci fut érigée provisoirement
chef lieu de canton.
Il était le 2ème de trois frères, dont l'aîné resta comme cultivateur à la propriété du
Comté. Son frère puîné Louis, né de mère différente, formera la souche des GAUSSERAND
d'ALBI.
L'abbé GAUSSERAND, qui avait auparavant occupé un poste de confiance auprès de
Mgr de BERNIS cardinal-archevêque d'ALBI était, en 1790, curé de Rivière près de Gaillac.
Comme il était mal remuant, il avait été délégué par le bas-clergé de l'Albigeois pour le
représenter à l'Assemblée du Clergé pour la Sénéchaussée de TOULOUSE qui se tint le 26
Mars 1798.
Il réussit À se faire nommer représentant, conjointement avec l'abbé Paul Augustin
PONS, curé de MAZAMET.
Le coadjuteur de neveu du cardinal de BERNIS, François de BERNIS, représente le
clergé pour la sénéchaussée de CARCASSONNE et, subsidiairement, pour la sénéchaussée de
CASTRES.
À la journée du 2? juin 1789, après le Serment du jeu de Paume, GAUSSERAND est
des 149 membres du clergé qui viennent se ranger à l'Église de Saint Louis de Versailles, au
milieu des députés du Tiers État.
Le voilà déjà en opposition avec son coadjuteur évêque. Cet antagonisme s'accentue
lorsque GAUSSERAND, à la suite de l'abbé Grégoire et de quelques autres abbés ambitieux,
eût voté la Constitution Civile du Clergé et, à plus forte raison, lorsque le 21 décembre 1790 il
monta solennellement à la tribune pour prêter serment de fidélité à la nouvelle organisation
conférant la nomination des ministres du culte à l'élection populaire.
Comme il avait été établi qu'il n'y aurait qu'un seul évêque par département, les trois
diocèses de Castres, Albi et Laveur allaient être fondus en un seul.
Les électeurs, membres du clergé furent convoqués à CASTRES le 1 4 mars 1791 ;
Castres, chef-lieu de Sénéchaussée ayant été choisi comme chef-lieu du département du Tarn,
prééminence qu'il gardera jusqu'en 1797.
Le terrain ayant été soigneusement préparé par quelques collègues influents, notamment
le Chanoine constitutionnel de RABASTENS, Rolland DUPIN, nommé président le
l'Assemblée GAUSSERAND est nommé évêque du Tarn par 122 voix sur 208 votants après un
troisième tour de scrutin, le 15 mars 1791. Piètre majorité si l'on compte que le Tarn est formé à
ce moment de 613 paroisses, comptant un nombre encore plus élevé de prêtres.
GAUSSERAND EVÊQUE DU TARN
Cependant, GAUSSERAND tout heureux apprend le 26 mars la nouvelle de son
élection, à Paris. Le 27, il s'empresse de remercier ses électeurs et, aussitôt, il se met en
mouvement pour trouver deux collègues dévoués à le sacrer. Le sacre a lieu le 3 avril 1791 en
l'Église Notre-Dame de Paris qui, deux ans après, va devenir le Temple de la déesse RAISON,
personnifiée sous la forme d'une actrice de l'Opéra.
Il arrive le 20 avril à TOULOUSE où il se procure tous les attributs de sa nouvelle fonction et
où il séjourne quelques jours pour laisser passer les fêtes de Pâques, au cas où quelque
opposition violente se manifesterait contre lui parmi le Clergé. Le 27 avril, il se met an route et
s'arrête par étapes à St Sulpice, Rabastens, Lisle, Gaillac et Marssac. Partout il est reçu en
triomphe par les sociétés populaires, avec musiques et fanfares, comme pour une fête votive. À
Rivière, arrêt spécial pour permettre à ses anciens paroissiens de donner libre cours à leur
admiration. Une vache est offerte par l'ancien curé devenu évêque et savourée dans une agape
fraternelle pour manifester la satisfaction réciproque.
Le soir, arrivé à ALBI, au son de toutes les cloches de ville. Le 1er mai, festin a été
donné par la Municipalité, suivie de danses. Le soir, réception à l'évêché, des dames qui sont
félicitées à la fois sur leurs idées d'émancipation et sur les "vertu".
Le cardinal de BERNIS, qui était ambassadeur à ROME, de même que le coadjuteur,
son neveu, ayant refusé de jurer obéissance à la constitution, venaient d'être privés de leur
archevêché et de ses bénéfices le 22 mars précédent. L'omnipotence de GAUSBERAND
semble devoir être incontestée.
Cependant, dès le mois de mai, le cardinal lance de ROME un cinglant mandement
contre l'intrus, le proclamant "aussi incapable d'occuper le siège d'Albi que de le faire vaquer".
La grande masse des fidèles se rallie aux anciens prêtres. Parmi ceux-ci, une part infime,
environ 1/8ème dans le Tarn qui compte comme un département particulièrement réfractaire,
accepte après beaucoup d'hésitations de prêter serment.
Le curé de Lescure, Louis RESPLANDY qui exerce son ministère depuis 22 ans,
abandonne sa paroisse plutôt que de se courber. Luc Defos, vicaire de Pouzounac, succursale de
Lescure, prend sa succession. Il prête serment devant la Municipalité le 30 Septembre 1792,
promettant fidélité à la Nation et jurant de défendre la Liberté et l'Égalité. Aussitôt après,
jugeant son traitement peu honorable, il demande aux administrateurs du district d'ALBY, par
l'intermédiaire du Maire et de l'adjoint, une augmentation conforme à l'étendue de la population
de ses deux paroisses : Lescure 1060 habitants et ARTHE5 500 habitants.
ARTHES est, en effet, desservi par un vicaire dépendant du curé de Lescure et résidant
sur place. À la même date, septembre 1792, il vient également prêter serment devant le Conseil
Municipal d'ARTHES réuni en séance plénière et Louid CROS, vicaire, promet d'obéir à la
Nation. À cause du petit nombre d'assermentés, la plupart des paroisses manquent de
desservants. Aussi, étend-on sa juridiction à Bezellé et Magrin. Ces deux églises sont d'ailleurs
désaffectées et vendues aux enchères, trois ans après au mois de Ventôse, an III. Celle de
Magrin, dont la portée se voit encore, est englobée dans les bâtiments d'une ferme. Celle de StMartin de Bezellé est entièrement démolie et les débris forment un tumulus aujourd'hui
recouvert de gazon. Les réfractaires de plus en plus traqués ou s'exilent ou continuent leur
ministère en cachette, se dissimulant dans les granges ou dans les bois. Dans la forêt de
Sérénac, près de Valence, un groupement de prêtres, avec la complicité des habitants du
voisinage, habite dans une misérable chaumière en plein bois, célèbre la messe sur un tertre où
l'on voyait encore naguère une statuette de la Vierge. Découverts, ils jettent tous les ustensiles
de cuisine en cuivre dans le puits voisin espérant les y retrouver plus tard. Mais ils sont amenés
à Albi et exécutés. La sinistre machine au triangle sanglant, inventée par le Dr GUILLOTIN
dans un but soi-disant humanitaire, est dressée sur place du Castelviel et attend tous les jours de
nouvelles victimes.
À CASTRES, les prêtres réfugiés dans les montagnes de Lacaune ou de Murat sont
suppliciés à l'angle de la place de l'Albinque devant 1'église St-Jean-St-Louis. L'emplacement
des exécutions surmonté d'une croix et entouré d'une balustrade en fer porte le nom de "Place
des Martyrs". Une trentaine de prêtres et beaucoup de nobles ou de leurs partisans sont ainsi
supprimés. Les vieux ecclésiastiques, perclus d'infirmités, qui n'ont pu échapper par la fuite aux
édits de proscription, sont entassés dans la chartreuse de Saïx aux trois quarts démolie et
beaucoup y meurent de misère et de faim.
GAUSSERAND lui-même ne trône plus à la cathédrale Sainte-Cécile qu'il n'a pas
essayé de défendre contre le projet de destruction, heureusement inexécuté grâce à
l'intervention providentielle de l'ingénieur MARIES. En 1793 et 1794, la magnifique nef sert de
grange à foin et à fourrage pour les armées de la République. Les fines peintures de la voûte,
protégées par leur élévation ne sont pas atteintes et les figurines des saints et saintes dessinés
par les peintres italiens de Bologne doivent être bien surprises de servir d'ornements à un pareil
spectacle. Il n'en est pas de même des sculptures du porche Dominique de Florence, du
baldaquin et du Jubé "vraie dentelle de pierre" dont les saints sont descendus de leur niche à
coup de piques, dont les capuchons ciselés sont effondrés ou les nervures écornées. Les
précieuses archives de la sacristie, le mobilier, les objets d'art sont brûlés en autodafé sur la
place du Vigan le 21 Décembre 1794.
Les barbares ont passés par là...
Pendant ce temps, l'évêque élu du peuple se terre. Il a fui à Comté Qui a semé le vent
récolte la tempête. Pour éviter le sort de ses congénères, les Gobels, archevêque de Paris, les
Lamourette, archevêque de Lyon et tant d'autres qui trahirent leur foi, il se cache le jour dans
une misérable cabane dans le ravin de Soumes, près de Kassarade, où ses neveux viennent la
nuit pour l'approvisionner, d'après la tradition restée vivace dans le pays. L'orage apaisé, il fait
bâtir à Comté un pavillon assez vulgaire, relié à la ferme par un escalier en bois formant
balustrade aujourd’hui vermoulue, mais qui mène encore à la «chambre de l'Evêque" que dans
le pays on a toujours appelé même de son temps "l'Évêque de paille". Encore en 1850, on
montrait là aux intimes la crosse et la mitre soigneusement enfermées dans une armoire de cette
grandeur éphémère.
Le 12 Septembre 1795, Sainte-Cécile ayant été rendue au culte, GAUS5ERAND rentre
dans sa cathédrale. Il adresse un mandement à ses rares fidèles. Mais la voix populaire se
détourne de lui, qui avait juré fidélité éternelle au peuple souverain et, le 9 juillet 1797, il est
publiquement insulté dans sa ville épiscopale. Malgré ses velléités de remettre sa robe violette
et d'arborer sa croix pectorale, on lui fait comprendre que son rôle est fini et qu'il n'a plus qu'à
aller mourir obscurément à TOULOUSE, le 12 Février 1820.
LES NEVEUX DE GAUSSERAND S'ÉTABLISSENT À ARTHES
Voyons comment le nom de GAUSSERAND se rattache intimement, comme nous
l'avons dit, quoique indirectement, à l'histoire d'ARTHES. Rappelons-nous que FRANCOIS
PEYRE devint Maire d'ARTHES en 1790. Il conserva ce titre pendant toute la période
révolutionnaire et la première partie de l'Empire jusqu'au 20 septembre 1806 où il meurt à l'âge
de 55 ans. Il faut reconnaître que, ni lui-même, ni ses collègues de la Municipalité d'ARTHES
ne partagèrent les idées subversives qui éclatèrent principalement dans certains milieux urbains.
Quoique collaborateurs de par leur fonction, des administrateurs du district d'Albi dont il
recevaient les ordres et qui avaient des opinions soi-disant beaucoup plus avancées, ils
remplirent leur charge avec discrétion et modération.
Nous en avons la preuve dans l'application de la Loi dite "des suspects" promulguée le
17 septembre 1793 et qui resta en vigueur jusqu'au 4 Octobre 1795. Etait titré "suspect" toute
personne qui ne manifestait pas assez ouvertement ses sentiments révolutionnaires ou qui était
soupçonnée de sympathie envers les ci-devant seigneurs. "L'arbitraire le plus complet présidait
aux arrestations, au gré des rancunes personnelles. Les suspects étaient enfermés dans des
prisons nationales et devaient supporter les frais de leur subsistance. La plupart de ces prisons
étaient l'antichambre de la guillotine."
Sommée de dénoncer les "suspects" résidant sur le territoire de la commune,
l'Assemblée Nationale, répondit par une délibération unanime qu'il n'y avait pas de "suspects"
sur son territoire et que tous les citoyens faisaient preuve de zèle révolutionnaire.
Par crainte d'être soupçonnés de tiédeur, les Municipaux ajoutaient dans un codicille
comme pour excuser leur dénégation qu'il y avait bien à ARTHES le ci-devant seigneur (M de
RLOQUEFEUIL) mais que celui-ci n'avait jamais manifesté aucune hostilité à la nation et avait
fait preuve de sentiments humanitaires et en tout cas n'avait fait acte "d'incivismet". C'é-tait le
sauver au moins de la prison, peut-être de la mort.
Beaucoup de personnes savaient à ARTHES que Monsieur Pierre de ROQUEFEUIL
tenait caché chez lui son frère, l'abbé de ROQUEFEUIL ex-curé de Lagarde en Rouergue,
celui-là même qui avait avancé 1900 Livres pour l'édification de l'église et qui s'était refusé de
prêter serment. On montrait encore, il y a quelques années dans une annexe de la maison
CAUSSE, la cachette souterraine qui lui servit de refuge pendant plus de trois ans. Il y avait un
certain courage pour le Maire et ses assesseurs à ne pas vouloir jouer le rôle de délateurs, à cette
époque que l'histoire appelle "la Terreur" car le silence passait alors pour une complicité.
Cette discrétion de la population doit être retenue comme la preuve qu'elle n'avait eu
qu'à se louer de ses anciens seigneurs et l'attitude généreuse du Maire, François Peyre, est tout à
fait à son honneur.
Celui-ci habitait à la maison qui fait face au portail de l'Église et s'étendait le long du
chemin de Lescure jusqu'au ruisseau de Fresquet qui marque la séparation avec le square actuel
dédié aux Morts de la Grande Guerre. La maison a été refaite vers 1815, par le gendre et
successeur JEAN LOUIS GAUSSERAND.
Ce Jean-Louis Gausserand était le fils du frère aîné de l'évêque et avait hérité de la
propriété du Comté. Il épousa la fille du Maire d'ARTHES, François Peyre. Le 30 prairial an
XIII (Mai 1905) donc 15 mois avant la mort de son beau-père. À son mariage, il vint habiter à
ARTHES, quittant sa terre de Comté qui restera à sa descendance jusqu'en 1908, époque où elle
fut vendue, une de ses sœurs, Françoise épouse Louis FABRY de Bellegarde. Il est à remarquer
que tous ces neveux et nièces vivaient à la maison paternelle quand l'évêque constitutionnel vint
aussi s'y réfugier de 1792à 1795. À la génération suivante, Augustin Fabry, fils de Bellegarde,
épouse sa cousine germaine Françoise Gausserand, le 26 octobre 1837 à ARTHES où il vient se
fixer également.
Les deux propriétés de Comté et de Bellegarde se réunissent dès lors dans une même
main et vont être l'apanage de la famille FABRY, d'ARTHES, qui va faire suite.
La nièce de l'évêque François, devenu veuve, continue à vivre seule à la maison de
Bellegarde et garde précieusement jusqu'à sa mort en 1853, la gravure sur cuivre du portrait de
son oncle représenté à l'époque où il était député du Clergé aux Etats Généraux.
L'aîné des neveux, Jean-Louis GAU5SERAND, continuant la tradition de son beau-père
fut Maire d'ARTHES de 1807 à 1814, c'est-à-dire jusqu'à la chute du Premier Empire. Le
second neveu était venu habiter chez son frère aîné, époux de Françoise Peyre, et se marie lui
aussi à, ARTHES le 1er Frimaire an XIV (1806) avec Marianne FRANCES, demeurant à la
Sérinié. Une autre sœur cadette s'unit le 10 février 1808 à Jean-Pierre PALAZY de la Calmette,
prés Vidal, dans la Commune d'ARTHES. C'est ainsi que 3 ou 4 des branches collatérales de
l'Evêque GAUSSERAND viennent, en qualité de neveu, faire souche à ARTHES.
LA PREMIERE MOITIE DU XIX SIECLE
Pendant toute la période de l'épopée impériale, rien d'important ne se passa à ARTHES.
Dans les actes de l'Etat Civil on ne relève que des annonces successives de décès survenus sur
les théâtres lointains de la guerre.
Après un court retour à la Mairie, en 1915 pendant les Cent Jours, , de Jean Louis
GAUSSERAND, divers maires se succèdent mais ne font que passer pendant les premières
années du règne de Louis XVIII.
Le dernier des seigneurs d'ARTHES, Pierre de ROQUEFEUIL s'éteint le 20 Novembre
1820 à l'âge de 91 ans. Son frère, l'abbé de ROQUEFEUIL, retiré depuis environ 25 ans à son
domicile de naissance, le suit quelques mois après dans la tombe.
La descendance continue cependant à ARTHES, car M. de ROQUEFEUIL avait pris
pour gendre Monsieur CAUSSE, venu des Camps, Commune de Saussenac, qui apporta en
mariage trois grosses propriétés situées au sud du Puy-Saint-Georges, qui furent récemment
vendues (vers 1927) par les successeurs de la famille G0RSSE.
Monsieur CAUSSE, devint Maire d'ARTHES pendant la Restauration et donna sa
démission un an après la Révolution de Juillet, en Octobre 1831.
C'est en 1830 que fut commencé le pont actuel d'ARTHES dont les assises furent solidement
Appuyées sur le roc et formèrent un débouché sur l'autre rive à la partie basse d'ARTHES,
antérieurement dénommé "Lou Cantou-Bas".
L'ouvrage, entrepris au nom de trois particuliers, MM CAUSSE d'ARTHES et
C0MPAYRE et JUERY d'Albi, coûta au prix de l'époque 30.000 francs.
Il resta sujet à péage jusqu'en 1899 et fût racheté à cette date moyen-nant 300.000 francs
payés par le Département, les Communes d'ARTHE5 et SAINT-JUERY et l'usine du Saut du
Tarn. La commune d'ARTHES reçut comme dédommagement de sa contribution au rachat, la
maison du passeur, actuellement Bureau de Tabac, démolie en 1956.
Le bac d'ARTHES, situé à 100 mètres en aval du pont et débouchant par la rue du Bac à
Saint-Juéry, cessa d'être mis en adjudication en 1833, époque à laquelle les travaux du pont
étant terminés, celui-ci fût ouvert à la circulation. L'élargissement avec les trottoirs en
encorbellement date de 1927.
Après la Révolution de 1830, l'opinion publique escomptait que le fils de PhilippeEgalité, issu lui-même de l'émeute serait emporté par le flot révolutionnaire et ne pourrait se
stabiliser au pouvoir.
Monsieur Auguste CAMMAS, fût désigné comme Maire d'ARTHES en Novembre
1831 et garda cette place pendant 4 ou 5 ans. Mais les divers gouvernements de Louis &
endash; Philippe, en établissant un cens élevé pour donner droit au suffrage, rassurèrent pour un
temps la bourgeoisie effarouchée encore par les souvenirs de 1793. Monsieur CAUSSE reprit le
pouvoir qu'il conserva jusqu'à la République du 24 Février 1848.
Le règne de Louis-Philippe, s'il ne fût pas de longue durée, eût au moins le mérite de
sauvegarder la Paix à tout prix et inaugura une ère de prospérité dans les villes et les
campagnes.
On ouvrit partout de nouvelles routes départementales et de nombreux chemins de
communication.
Les grandes routes de Toulouse à Lyon par Rodez, de Toulouse en Auvergne par le
Vivarais avaient été en grande partie amorcées dans nos régions dans la seconde moitié du
XVIIIème siècle. Elles avaient été complétées par la Révolution et l'Empire pour servir aux
grands déplacements de troupes.
On profita des années de tranquillité de la monarchie de juillet pour développer les
réseaux secondaires.
Ainsi, le 27 mars 1839, il est procédé devant le tribunal d'Albi à l'expropriation des
terrains pour asseoir le chemin de grande Communication d'ARTHES au Pélencas, qui s'ouvre
en 1840.
En 1847-48, on fait la route d'Albi à Valence par Saint-Grégoire, la Gautherie,
contournant la forêt de Sérénac et Valence et comprenant comme principal ouvrage d'art, le
pont de Corbière.
On rectifie, en 1846, le chemin d'ARTHES à Lescure, débouchant par un crochet à
l'angle de la boulangerie FOURNIER.
En créant les deux ponts marquant chaque angle du square Gabriel DELMAS, on établit
une voie directe pour se rendre à Lescure. Le pont sur le ruisseau de Riols allant à Lescure, qui
était auparavant an bois et dont l'entretien incombait aux deux municipalités toujours trop
négligentes, est refait en 1847, bien qu'un peu étroit, en bonne maçonnerie. La route à ALBI par
St-Juéry est élargie et le petit pont au ras du ruisseau de la Renaudié, qu'on voit encore à gauche
en direction d'ALBI, est remplacé par le pont moderne et surélevé en remblai qu'on voit
aujourd'hui. Le chemin de Saint-Juéry aux Avalats, longeant la rive gauche du Tarn, est de la
même époque. Celui de la rive droite, allant vers Crespinet est de 1880. Celui d'ARTHES à la
Longagne, un peu délaissé aujourd'hui, est aménagé en 1865.
Bientôt, au début du second Empire, les trois lignes de chemin de fer reliant ALBI en
cela bien tenu en écart aux grands réseaux Nationaux, virent fournir d'importants débouchés
aux produits agricoles et miniers.
L'industrie maraîchère, principale ressource du pays, prit après 1830, un essor
extraordinaire. Les transports, au lieu de la double à bât portée à dos de mulet à travers des
chemins cahoteux, purent se faire avec de lourds charrois, lestés par-dessus des ails, de légumes
et de fruits sur des routes très carrossables. Le rayon d'action se trouve accrût et les Arthésiens
approvisionnèrent pendant plus de cent ans toutes les foires et marchés des départements
limitrophes, principalement le Castrais et l'Aveyron jusqu'aux confins de la Lozère. C'est à cette
expansion commerciale, continuée à travers 3 ou 4 générations, que les vieilles familles
Arthésienne doivent aujourd'hui un peu de bien-être et d'aisance.
Poursuivant l'embellissement de la cité, la Municipalité CAUSSE, le 14 octobre 1838,
vote un emprunt destiné à la réfection et à l'exhaussement du clocher, le précédent datant
seulement de 54 ans étant asymétrique et manquant de solidité. Le nouveau Beffroi, construit
en avant corps sur l'ancienne église, fût édifiée par MIAILLE, entrepreneur à Lescure, l'année
suivante. Il fût conservé, lors de la reconstruction avec agrandissement de l'église actuelle en
1874, tel que nous le voyons aujourd'hui.
Vers 1840, la foire du 2 novembre n'avait pas cessé d'être très populaire et ramenait
chaque année, outre les marchands de chèvres et de nèfles, les jeunesses voisines,
principalement de Lescure et d’Albi. Les vieilles rivalités de clocher divisaient les deux camps
de Lescure et d'ARTHES et leurs querelles se donnaient libre cours aux fêtes de la St-Martin, à
Bezellé, le 11 novembre et le 2 novembre à la foire d'ARTHES.
Ce dernier rassemblement était, comme l'on pense, le plus important. Chaque année, à
l'occasion de plantureuse ripailles, les uns chez GORSSE au Couderc, les autres chez
CHIPOULET près du pont, ripailles dont un, le marché aux chèvres, se tenait encore il y a
quelques années, à l'angle Nord-est du Couderc, tout près du Presbytère.
Comme c'était aussi l'époque où l'on dégustait le vin nouveau, nos jeunes gens en deux
groupes adverses, la cervelle sans doute un peu échauffée, en venaient régulièrement aux mains.
La foire se terminait chaque année par des rixes et des pugilats. La maréchaussée intervenait et
l'épilogue de ses bagarres se passait très souvent en prison. Nous avons en mains une pièce
datée de 1847, par laquelle les jeunes turbulents ont été convoqués "le dix-sept décembre à 10
heures du matin à l'audience du tribunal de Police correctionnelle d'Albi, au Palais de Justice
pour y répondre du délit de rébellion et outrages qui leur sont imputés par le Ministère Public".
La condamnation qui suivit fût de 3 mois de prison, pour refroidir l'ardeur combattive des 8 ou
10 délinquants. En même temps qu'eux se trouvaient incarcérés à ALBI, 3 condamnés à mort
qui furent guillotinés à Carmaux sur la Place aujourd'hui Gambetta, le jour de la foire du 21
janvier 1820. Un des jeunes facétieux d'ARTHES, que nous avons connu, en guise de passe
temps dans la cour de la prison faisait passer la tête de l'un des condamnés, GAYRARD, entre
deux barreaux de chaise et abattait la main pour lui donner un avant - goût de la sensation qu'il
était appelé à éprouver.
C'est une de ces échauffourées de la foire du 2 Novembre qui servit de thème
évidemment enjolivé et amplifié au poème héroï-comique "La Guerre dé las Crabos" (voir page
I). L'auteur Monsieur Faramond de Montels, qui avait des lettres et de l'imagination, transplanté
à ARTHES, avait plus de 70 ans. Les vers, comme on a pu l'apprécier, sont bien frappés. Bon
nombre d'entre eux pourraient passer pour des modèles d'harmonie imitative. Les expressions
sont pittoresques, les personnages sont saisis sur le vif, le légendaire Sabo quand il sort de
dessous son rocher, que muni de sa longue-vue tel un général, il dirige le combat auquel
finalement il prend part directement armé d'un fémur de chèvre en guise de sabre. Les mots
patois ont une saveur particulière venant directement du latin : la "paret" dérive en rive droite
de "paries", qui veut dire muraille, "rescoundut" vient de "réabsconditus" qui signifie "recaché,
etc..." On sent le maître habitué à transposer en patois l'alexandrin classique.
Il eût été vraiment dommage que ce petit poème local tombât dans l'oubli. Pour en
conserver le texte, recueilli à la fois de la tradition orale et de la transmission écrite, nous le
publions sous forme d'appendice à l'histoire d'ARTHES, suivi de la biographie de Monsieur de
FARAMOND de Montels. Celui-ci mourut à ARTHES, le 19 mars 1853.
Les évènements de 1848 eurent leur retentissement à ARTHES. La première application
du suffrage universel suscita un grand enthousiasme parmi toutes les classes. On supposait le
règne de la fraternité humaine enfin arrivé. Quelques apôtres du nouveau système de
régénération de la société par le bulletin de vote, venus d'Albi, se rendirent chez certains
adeptes d'ARTHES. Dans les agapes fraternelles et bruyantes, ils essayèrent d'exalter le zèle des
partisans du partage des biens, mais le mouvement révolutionnaire s'arrêta là dans notre
commune.
Le Maire Monsieur CAUSSE, hostile au nouvel ordre de choses, républicain, s'empressa
de donner sa démission et fût remplacé par Monsieur Louis RESPLANDY de la Violette.
Pour ne pas effaroucher les esprits, hantés par les souvenirs de 1793 le clergé fût invité à
s'associer à l'instauration du régime nouveau.
On planta un arbre de la Liberté sur la place du Couderc, à l'endroit où se dresse la croix
actuelle érigée en 1854. Au même emplacement se voyait, avant 1793, une autre croix en bois
tombée en vétusté. Le curé de la paroisse, entouré de tout le Conseil Municipal et avec un grand
concours de population, procéda à la bénédiction solennelle du mat de la Libération à
l'emplacement même où il avait été le symbole de la Rédemption.
L'inauguration du nouveau mode de scrutin qui paraissait alors merveilleux par sa
simplicité, "puisqu"il s'agissait seulement de compter les voix au lieu de les peser", eût lieu le
dimanche 23 Avril 1848. L'élection avait lieu au chef-lieu de canton. Pour faciliter l'exode du
corps électoral, le curé avait avancé les vêpres. Il se mit, avec le Maire, en tête du cortège et la
caravane, précédée du drapeau communal et d'un tambour et composé de plus d'une centaine de
votants, arriva vers 16h30 à l'Hôtel de ville d'Albi.
Le premier député élu par le Peuple souverain fût GISCLARD. Il avait fondé une
banque et une manufacture dont les bâtisses abandonnées se voient encore à la Mouline, vers
l'embouchure du ruisseau de Caussels, au-dessous du Loirac. L'une et l'autre sombrèrent dans la
faillite. Il siégea à l'Assemblée Constituante qui eut une durée éphémère de 10 mois.
La loi du Nombre désigna, dans les mêmes conditions en mars 1849, comme
représentant Edmont CANET qui entra à l'Assemblée Législative. Celle-ci fut expulsée par la
force le jour du coup d'État du 2 décembre l1851. Les députés récalcitrants, dont CANET furent
jetés en prison et la loi changeante du nombre, jouant toujours mais cette fois en sens inverse,
donna raison par un plébiscite triomphal au violateur de la Constitution. Ce fût le second
EMPIRE.
SECONDE MOITIE DU X1Xème SIECLE
Dans les grandes villes, le Maire fût nommé par l'Empereur. À ARTHES, comme dans
les autres campagnes, le Maire fût nommé par le Préfet. Monsieur Auguste CAMMAS reprit
son titre de Maire et resta au pouvoir jusqu'en l1869, époque ou fût inauguré " l'Empire
LIBERIAL".
Monsieur CAUSSE, l'ancien Maire et gendre de Monsieur de ROQUEFEUIL, était mort
vers l851. Son fils, Gaspard CAUSSE, avocat à la Cour d'appel de Toulouse ne fit que de rares
apparitions à ARTHES, mais ayant conservé tous ses biens dans le pays, fût nommé à deux
reprises Conseiller Général du Canton de Valdéries.
La sœur de celui-ci, Mademoiselle CAUSSE, continua à rester à ARTHES et, ne
s'occupant que d'œuvres pieuses, vécut dans une austérité janséniste jusqu'à l'heure de sa mort
qui survint en 1887.
Pendant la durée de l'Empire, Monsieur CAMMAS exerça sa fonction avec Justice et
autorité. La commune, n'ayant comme hôtel de ville qu'une vieille maison délabrée, sise dans la
rue CAUSSE, dès le début de son mandat le nouveau Maire fit construire un édicule tout en
briques au lieu dît "Le COÙSTOU", à l'entrée du chemin conduisant au Bac. Cet édifice de
4m5O en carrés, bâti avec parcimonie, suffisait à peine aux réunions du Conseil Municipal. Les
élections qui avaient lieu désormais à la maison communale, en démontrèrent bientôt la ridicule
exiguïté. Tout le monde reconnut qu'il faudrait quelques jours pour la ville d'ARTHE5. Une
construction plus grandiose en rapport avec le chiffre croissant de sa population, par suite de
l'extension de l'usine du Saut du Tarn.
Le Maire avait encore conservé, à cette époque, certaine attributions de Police judiciaire
concédées par la Charte de 1328. Ainsi, nous savons que pour des larcins vulgaires, outre la
restitution, il condamnait les délinquants à faire amende honorable à genoux, entre les deux
rangs de fidèles sortant le dimanche de la messe. Et le coupable n'essayait pas de se soustraire à
la pénitence, par crainte de sanctions plus graves. C'était une réminiscence de la coutume
salutaire du Moyen Age qui obligeait à demander pardon, prosterné "inter lionnes", entre les
deux lions de pierre gardant l'entrée du porche.
En 1859, mourût Louis FONTES dont le père titré "briquier" avait recouvert la toiture
de l'église en 1784. Son testament pour tout dicté par une pensée généreuse, fût l'origine d'un
procès qui allait être ruineux pour la Commune. .Il donnait sa maison et les bâtiments annexes
ayant servi de briqueterie, ainsi qu'un jardin y attenant, à la Commune d'ARTHES, dépourvue
de presbytère, à charge par celle-ci d'édifier une maison convenable pour le logement du curé.
La donation fût acceptée avec toutes ses conditions, mais la réalisation comportant un délai de
30 ans, fût différée pendant une dizaine d'années. En attendant, la commune payait en location
un local acceptable pour le logement du curé. Ainsi, l'abbé J.B. BLANC qui desservit la
paroisse pendant plus de 30 ans, et qui mourût le 1er Janvier 1879, habitait la maison GORSSE,
au Pont.
Son successeur, Monsieur l'abbé BESOMBES habita d'abord la maison GAUREL, à
l'angle du chemin de Lescure puis la maison CAMMAS, Rue du Saltré. Vers 1872, l'habitation
affectée par FONTES pour être un presbytère fût entreprise sur l'emplacement désigné. Mais au
cours des travaux, Monsieur RESPLANDY, Maire, approuvé par son Conseil Municipal,
décida d'affecter l'édifice pour en faire une Mairie. Les choses en étaient encore là en 1865 et
les délais devant être bientôt écoulés, le presbytère restait toujours à construire. Les choses
s'envenimant, la Municipalité, aux idées avancées, demanda et obtint du Préfet la suppression
du tractement concordaire du curé, sous prétexte d'ingérence dans les luttes politiques locales.
L'archevêque, Mgr. FONTENAU, retira le curé et ARTHES resta pendant deux ans sans
ministre du Culte.
Pendant ce temps les héritiers de FONTES attaquent la Commune en restitution de biens
pour inexécution des clauses du testament. Procès en appel à Toulouse. La commune ayant
perdu l'affaire, fût condamnée à payer tous les frais qui furent très onéreux et à construire dans
le jardin annexe affecté à la cure, un presbytère convenable qui coûta 30.000 Francs, selon
devis.
Plus heureuse avait été l'administration de M. RESPLANDY lorsque de concert avec le
curé M. BLANC, en l1874, il rédifia l'ancienne église devenue trop exigüe et tombant de
délabrement. Le clocher de 1839 fût conservé et incorporé à la nouvelle construction.
Au mois D'août 1884, mourût presque centenaire (97 ans) Monsieur Auguste
CAMMAS, qui avait été Maire d'ARTHES pendant 2O ans. Un de ses frères, Médecin major de
l'Armée venu prendre sa retraite dans son pays d'origine, était mort en 1872 dans sa maison de
campagne de RIOLS. Un autre frère, l'abbé CAMMAS, vint également se retirer à ARTHES et
mourût en l1879, dans la maison qu'il avait fait édifier, rue du Saltré. Une sœur, Mélanie, avait
été la mère de Monsieur DESPRATS, avocat conseil à Paris. Une autre sœur, Rosalie, restée
célibataire, morte en 1908, doit être mentionnée à cause de sa générosité pour les œuvres
paroissiales
Après l'interrègne de deux ans (1835-1887) pendant lequel l'église d'ARTHES resta
privée de Ministre du Culte, l'abbé PONTIE vint renouer la tradition religieuse. Il ne resta guère
plus d'un an.
Puis, vint lui succéder, en 1887, Monsieur l'Abbé PRAT qui occupa la cure pendant 6
ans. Ils inaugurèrent leur nouveau presbytère mais leur passage ne fût marqué par aucune œuvre
importante. ARTHES était alors considéré comme un poste de disgrâce.
En février 1894, Monsieur l'Abbé QUEREL fût désigné pour restaurer les œuvres
culturelles à ARTHES. Après divers appels à la générosité des fidèles, en 1887, il fit peindre les
quatre chapelles latérales, ce qui coûta 1.200 francs. Satisfait des talents de l'artiste, Monsieur
GUY en 1896, lui confia la peinture de la nef, de la voûte et du chœur. La toile du sanctuaire
représentant "Jésus remettant les clefs de son église à St-Pierre" est l'œuvre de Monsieur Henri
RACHOUX, peintre toulousain qui devint par la suite directeur de l'Ecole des Beaux Arts de
cette ville. M. l'abbé QUEREL resta 12 ans à ARTHES. M. l'abbé LACROUX prit la suite de
son apostolat en février 1906. Son ministère s'exerça pendant 32 ans jusqu'en 1938. C'est alors
que fût créé, vers 1912, le patronage attenant au presbytère grâce à l'initiative et à la générosité
de l'abbé Léon SALINIER, enfant de la paroisse, et de quelques autres donateurs. L'abbé
SALINIER fût enterré à ARTHES dans son tombeau familial en 1939.
Si nous envisageons les améliorations communales réalisées pendant les dernières
années du XIXème siècle et le premier tiers du XXème, il faut rappeler comme nous l'avons
déjà dit, la libération du péage du Pont.
LE NOUVEAU SIECLE ET L'AVANT GUERRE
L'an 1900 avait marqué l'apogée de la prospérité matérielle atteinte par le pays. C'est à
1900 que remonte l'extension du village dans les diverses directions, notamment la création au
levant du quartier qui fût appelé trop prétentieusement sans doute "le Petit Paris". Les années
qui suivirent jusqu'en 1910 - furent exécutés d'importants travaux d'amélioration ou
d'embellissement. En 1905 la Société Pyrénéenne creusa le canal souterrain qui devait amener
l'eau à la station électrique et cette même année fût inauguré l'éclairage public et privé. De 1908
à 1910, de nouvelles écoles furent édifiées derrière l'église, sur un emplacement il est vrai peu
aéré et beaucoup trop étroit.
La période qui suivit l'année séculaire vit se prolonger un ou deux lustres encore, le
courant de la vie facile et des illusions.
Mais bientôt allait commencer l'ère de décadence, préparée par les luttes religieuses et
par les conflits économiques et sociaux sans cesse renaissants, préconisés par la théorie de la
"Lutte des Classes"
Au dogme consacré par l'expérience des siècles de l'amélioration du bien être général
par le travail et par l'épargne allait se substituer la doctrine du moindre effort et de toutes les
dissipations.
Il y eût bien le sursaut de la Grande Guerre ...... dû aux générations anciennes de
combattants et à la sympathie que la France avait conservé dans l'ensemble des Nations. Mais le
relâchement et la démagogie allaient recommencer leur action néfaste.
APRES GUERRE
Après la Grande Guerre, l'année 1923 allait voir à ARTHES la création du magnifique
"Square Gabriel DELMAS" et, 1924, l'érection du monument aux morts de la Guerre 19141918, destiné à commémorer le sacrifice des enfants de la Commune morts pour la France. La
donation du terrain est due à la générosité de Monsieur Prosper DELMAS, en l'honneur de son
fils capitaine du génie, tué le 28 mars 1918. Le monument est en granit de Bretagne, les deux
plaques latérales comprenant 34 noms sont en granit rouge de Finlande. Il coûta 16.000 francs,
les soubassements, le mur de clôture, la grille et l'aménagement du jardin 9.000 francs, soit en
tout 25.000 francs. L'inauguration solennelle, par suite d'oppositions politiques injustifiables,
n'eût lieu que 12 ans plus tard, soit en mai1936.
Un progrès considérable fût réalisé en 1926 par l'organisation des fontaines alimentant
en eau potable l'agglomération Arthésienne. Cette amélioration avait été amorcée par les
Municipalités précédentes qui avaient obtenu de la société Pyrénéenne, la concession gratuite
de 30 m cubes d'eau par jour. Il est sans doute regrettable que le projet initial n'ait pas prévu une
canalisation de plus gros calibre en vue de l'extension ultérieure du réseau d'irrigation.
L'église paroissiale depuis 40 ans, principalement depuis les lois de la séparation, n'avait
reçu aucune réparation d'entretien. Les voûtes et le beffroi étaient voués à des détériorations et à
une destruction irrémédiable. Les édifices du culte étant le bien de tous ne serait-ce que par
respect du souvenir des ancêtres qui les ont édifiés et par l'usage qui en est fait, au moins dans
les grandes circonstances de la vie par la quasi unanimité des habitants, même par ceux qui en
renient l'emploi, méritaient d'être conservés.
C'est ce que fit la Municipalité, présidée par Émile ROQUEFEUIL en 1933, qui
commença la restauration des toitures et du clocher. Les réparations indispensables ont été et
seront continuées par l'administration qui a pris la suite sous la direction impartiale de Monsieur
Ludovic VIALAR.
En 1929, un procès avait été malencontreusement engagé pour l'expulsion du curé de
son presbytère, malgré l'affection expresse de son donateur à cet effet. Cette spoliation,
réprouvée par toute la population ne fût pas consommée. Une transaction intervint après une
sorte de plébiscite par lequel une nouvelle municipalité accéda au pouvoir. Des conditions
raisonnables furent acceptées par Mgr l'Archevêque et un bail fût signé pour une période de 18
ans. Dans un but de pacification des esprits, las de querelles stériles, il serait à souhaiter qu’à
l’avenir les sommes versées en location soient à nouveau remployées à l’entretien ou à
l’amélioration de l’habitation du presbytère.
Ainsi serait préparée l’union de tous les habitants en dehors de toute tendance
particulariste du sectaire, pour le plus grand bien matériel et moral de tous les enfants d’Arthès.
Au lendemain de la terrible défaite, subie par les pays qui est sans exemple depuis toute
l’histoire de France, défaite due aux divisions intestines périodiquement entretenues par un
mode de suffrage qui consacre la suprématie de toutes les incompétences et de toutes les
compétitions de parti, il est indispensable pour le salut commun de rallier toutes les bonnes
volontés.
Pour s’opposer aux forces de dissociation savamment entretenues par l’étranger, le
pouvoir doit venir d’en haut et être confié au plus digne ayant déjà fait ses preuves, pour
maintenir la continuité de ce qui fût et doit rester la France ? Au chef suprême doivent
appartenir l’autorité indiscutée, la responsabilité qui garantit la rectitude de tous ses actes et la
durée complète par le pouvoir à lui reconnu d’organiser sa succession pour prolonger son action
dans l’avenir.
Le droit de conseiller et contrôler reviendrait à une élite sélectionnée, désignée par
chaque corps de métier non-rémunérée par le pouvoir central ; cette clause étant un gage de son
incorruptibilité. En revanche, le chef de l’Etat aurait toute liberté de décision.
De la sorte seraient écartées toutes les rivalités individuelles, d’hommes ou de partis, qui
ont amené la France au fond de l’abîme.
Espérons qu’elle se relèvera par la collaboration de tous, à la condition que chacun dans sa
sphère et dans le plus humble village fasse sienne la devise du Maréchal Pétain « servir au lieu
de se servir ».
Il faut, pour que la France revive, qu’à l’individualisme stérile et dissolvant, facteur de
dégénérescence et de mort, se substitue le culte indiscuté des valeurs spirituelles et morales
source de régénération et de vie.
C’est là l’effort vers lequel doivent tendre toutes les bonnes votés.