Semaine du théâtre francophone à la Havane

Transcription

Semaine du théâtre francophone à la Havane
La Compagnie du Labyrinthe
en partenariat avec
El Consejo Nacional de las Artes Escenicas de Cuba
La Oficina del Historiador de la Habana
L’Ambassade de France
L’Ambassade du Canada
L’Ambassade de Suisse
L’Ambassade de Belgique
à Cuba
présente
« Semaine du théâtre francophone à la Havane »
Création du premier Festival de Théâtre Francophone d’Auteurs Contemporains à Cuba
Direction artistique Serge Sándor
Parrain 2014
Philippe Adrien
Mars 2014 – Semaine de la Francophonie
La compagnie du Labyrinthe
14 allée des Pommiers, 93110 / Rosny-sous-Bois
Tél : 01 48 94 96 18 / [email protected]
http://cielabyrinthe.free.fr
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Le programme
Dimanche 16 mars 2014 au Théâtre José Marti (600 places)
5 pm : Inauguration de « La Semaine du théâtre francophone »
Présentation du programme par Serge Sándor
avec
Philippe Adrien,
Sylvia Bergé (sociétaire à la Comédie Française)
Eduardo Manet, (auteur, réalisateur)
Lise Martin (auteure)
Jennifer Herszman Capraru (metteure en scène canadienne),
Eusebio Leal (Historien de la Ville de la Havane)
Gisela Gonzalez, (présidente du Conseil des Arts Scéniques)
et les ambassadeurs.
Projection d’extraits de créations récentes de Philippe Adrien.
Dimanche 16 mars sur Radio Progreso
(plus d’un million d’auditeurs)
Une pièce radiophonique française « En el muelle » de Alain Gras
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Au théâtre Adolfo Llaurado (160 places)
Lundi 17 mars :
6 pm : Mise en espace de Carlos Diaz d’un texte suisse « Por ahora
dudo » de Marie Fourquet avec Oswaldo Doimeadios.
8 pm : Présentation de la Comédie Française par Sylvia Bergé.
Projection d’un film de Dominique Cabrera « Ca ne peut pas continuer
comme ça » produit par la Comédie Française et France 2. (sous-titré
espagnol)
Mardi 18 mars :
6 pm : Mise en espace de Serge Sándor d’un texte canadien « Juan y
Beatriz » de Carole Fléchette.
8 pm : « Les Bas-Fonds » un film de Denise Gilliand (production Suisse)
sur une création théâtrale de Serge Sándor à Chaillot avec des SDF.
(sous-titré espagnol)
Débat avec Serge Sándor
Mercredi 19 mars :
6 pm : Mise en espace de Flora Lauten d’un texte français « Las Monjas »
de Eduardo Manet
8 pm : Luciano Castillo présente un extrait de « Un dia en el solar » mise
en scène de Alberto Alonso et musique Toni Taño, réalisateur Eduardo
Manet.
Débat avec Eduardo Manet.
Jeudi 20 mars :
4 pm : Mise en espace de Carlos Celdrán d’un texte suisse « La prueba de
lo contrario » d’Olivier Chiacchiari.
6 pm : Avant première « Le testament de Vanda » (sur-titré) de
Jean-Pierre Siméon avec Sylvia Bergé
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Vendredi 21 mars :
6 pm : Mise en espace d’Isabel Bustos d’un texte français « El fruto
prohibido » en présence de l’auteure Lise Martin.
8 pm : « Le testament de Vanda » (sur-titré) de Jean-Pierre Siméon avec
Sylvia Bergé
Samedi 22 mars :
6 pm : Mise en espace de Jennifer Capraru d’un texte canadien
« Incendios » de Wadji Mouawad.
8 pm : « Le testament de Vanda » (sur-titré) de Jean-Pierre Siméon avec
Sylvia Bergé
Dimanche 23 mars :
4 pm : Mise en espace de Daniel Lana d’un texte belge « La pandilla » de
Xavier Carrar avec les acteurs de l’ISA (Instituto Superior de Arte).
6 pm : « Le testament de Vanda » (sur-titré) de Jean-Pierre Siméon avec
Sylvia Bergé
Peña à 8 pm
Clôture du Festival avec orchestre dans le jardin
du Théâtre Adolfo Llaurado.
Lundi 17 et mardi 18 mars : Deux ateliers d’Art Dramatique sous la
direction de Philippe Adrien à l’ISA (Instituto Superior de Arte) et l’ENA
(Escuela Nacional de Arte).
Mercredi 19 et jeudi 20 mars : Deux ateliers d’Art Dramatique sous la
direction de Jennifer Capraru à l’ISA (Instituto Superior de Arte) et l’ENA
(Escuela Nacional de Arte)
Mardi 18 et mercredi 19 mars : Deux répétitions publiques de « Le
testament de Vanda » de Jean-Pierre Siméon avec Sylvia Bergé avec les
élèves du Lycée Français de la Havane
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Un Festival francophone qui se veut populaire
Depuis 1997, je me rends régulièrement à Cuba où j’y ai fait 5 créations théâtrales,
« L’envol du Quetzal » en 2001 à la Baie des Cochons et Place de la Cathédrale lors du
Festival international de théâtre ou « le Chevalier de Paris » en 2010 avec 200 malades
psychiatriques et d’autres plus conventionnelles avec des acteurs de renom cubains
comme « Gueule de Mariée » en 1998 et « La Valse à 1000 ans » en 2005, toutes deux
au Théâtre National.
J’ai donc au fil du temps tissé des amitiés avec les artistes du théâtre cubain; j’ai
toujours bénéficié de l’appui du Ministère de la Culture et le Conseil des arts
Scéniques de la Havane et du Bureau de l’historien de la Ville. Nous pouvons donc
compter sur leur totale collaboration quant à la création de ce premier Festival.
Les cubains ont une vraie passion pour le théâtre, ce qui se confirme lors du
Festival de Théâtre International de la Havane où la plupart des salles se remplissent,
que ce soit pour des créations nationales ou internationales. (voir article de René Solis,
Libération, Nov 2013)
Les cubains ont une vraie passion pour la culture française qui a créé un lien privilégié
avec leur pays que ce soit dans son histoire récente ou dans son passé plus lointain. Ce
Festival mettra donc en avant la culture de langue française contemporaine, son
écriture comme ses questionnements sur notre société au travers de mises en
espace théâtrales dont la plupart avec des artistes cubains de renom.
Ce premier Festival du Théâtre Francophone à Cuba se veut populaire et pérenne, il se
consacrera principalement à la mise en espace d’auteurs vivants de langue française ;
ce qui permettra aux cubains de découvrir des œuvres remarquables d’auteurs
méconnus dans leur pays, français, belges, suisses, canadiens...
«Radio Progreso » compte sur 2014 continuer ses dramatiques avec des auteurs
francophones qu’ils traduiront via le catalogue des EAT
Certaines de ces mises en espace aboutiront à des productions cubaines
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7 mises en espace, une pièce de théâtre une dramatique radio, des
ateliers, des projections, des master class, lectures…
Ce festival se veut populaire et accessible à tous les cubains, c’est la raison pour
laquelle les mises en espace seront jouées en langue espagnole et donc déjà traduites.
Les metteurs en scène cubains qui participent à ces lectures sont tous de grandes figures de
la vie théâtrale à Cuba.
Sera jouée « Le Testament de Vanda » (sur-titré) de Jean-Pierre Siméon avec
Sylvia Bergé (sociétaire à la Comédie Française) mise en scène Julie Brochen,
créé en octobre 2009 au Vieux-Colombier.
Chaque année, un homme de théâtre prestigieux sera invité pour parler de son
travail lors de master class et de projections et dirigera des ateliers aux Conservatoires de
la Havane, cette année notre parrain est Philippe Adrien.
Ce premier Festival se déroule sur huit jours.
Des lectures mises en espace en espagnol d’extraits de textes dramatiques se feront
avec différentes compagnies de théâtre cubain et en français à l’Alliance Française.
Des projections de films de théâtre, de captations… auront lieu dans un théâtre du
Vedado, le théâtre Adolfo Llaurado.
Une pièce radiophonique avec la complicité d’une radio nationale, Radio Progreso. (plus
d’un million d’auditeurs) qui compte sur 2014 prolonger sa coopération avec les auteurs
francophones. Les traductions se feront à la Havane.
Autour de ce festival, 4 ateliers d’art dramatique sont envisagés avec Jennifer Herszman
Capraru et Philippe Adrien dans un conservatoire d’arts de la Havane, l’ISA (Instituto
Superior de Arte).
Ce premier festival aura donc lieu à la Havane et pourrait aussi être imaginé dans un
deuxième temps à Santiago de Cuba.
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Les auteurs joués ou invités :
Jean-Pierre Siméon
Eduardo Manet
Olivier Chiacchiari
Lise Martin
Wadji Mouawad
Xavier Carrar
Marie Fourquet
Carole Fléchette
Alain Gras
Serge Sándor
Philippe Adrien
Les partenaires :
L’ambassade de France à Cuba
Les ambassades du Canada, Belgique et Suisse
Les EAT, Ecrivains Associés du Théâtre
La SACD (en cours)
Le Conseil des Arts Scéniques de la Havane
Le Bureau de l’Historien de la Vieille Havane, Eusebio Leal Spengler
Radio Progreso
Air France
Les metteurs en scène :
Flora Lauten, Teatro Buendia
Carlos Diaz, Teatro El público
Carlos Celdran, Argos Teatro
Isabel Bustos, Retazos Danza teatro
Daniel Lana, Institut Supérieur des Arts
Serge Sándor, directeur artistique de la compagnie du Labyrinthe.
Jennifer Herszman Capraru, directrice artistique du Theatre Asylum Canada et Isôko
Theatre Rwanda, (www.isoko-rwanda.org www.theatreasylum.com
www.youtube.com/watch?v=N6YoNN6RyKU
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Serge Sándor a débuté, en tant que comédien, au théâtre en 1975 avec R. Girard puis D.
Mesguich. En 1977, sa première mise en scène est une adaptation d'un texte d'Emma Santos à
Paris et Avignon. Entre 1977 et 1979, il parcourt le monde en écrivant des nouvelles et poèmes
puis prend durant un an la direction artistique de la «Cour des Miracles» avant de s’installer au
Mexique où il monte en français et en espagnol, Beckett, Vian, de Obaldia, Courteline... En 1984,
il réalise le premier spectacle avec des détenus dans une prison mexicaine.
De retour en France en 1986 il crée la Compagnie du Labyrinthe et monte dans les prisons
françaises et suisses certains de ses textes : “ Que Faire en Cas de Copropriétaires ? », mais
également des textes en écriture collective et quelques classiques dont le "Dom Juan" de
Molière.
Parallèlement, dans des théâtres sur Paris et ailleurs, il crée "Un Revolver pour Deux", "Abus de
Mémoire", "Not'Bon Louis" au Château de Vincennes, puis "Scène à Scène" à Lisbonne... "La
Valse à Mille Ans" est montée par une Compagnie Lausannoise en 1993 et "Pygmées" en
octobre 95, à Villeurbanne mis en scène par Patrick Pineau et Sylvie Orcier.
Il réalise en résidence une pièce de théâtre jouée par des enfants de Villeurbanne, met en scène
un conte contemporain dans les hôpitaux pour enfants malades et un spectacle dans le cadre
des Rencontres Urbaines avec des jeunes de Créteil.
Depuis lors, il a écrit d'autres textes édités pour le théâtre et travaillé sur certaines adaptations
dont “ les Bas-Fonds ” de Maxime Gorki qu'il crée au Théâtre National de Chaillot avec des
"SDF" en octobre 98.
Il monte dès 1998 dans les cafés parisiens et en province : « Un carré de dames », 4
monologues de femmes joués en Suisse, Espagne, Cuba et Mexico. En 1999, il est invité au
Festival International de la Havane pour y reprendre “ Gueule de mariée ” en espagnol.
En mai 2000, il monte “ Le Concile d’amour ” au Théâtre de la Tempête avec des acteurs
malades du SIDA.
En 2001, il crée « L’Envol du Quetzal » lors du Xème Festival International de la Havane et en
tournée à Cuba. En 2002, il crée “ A la tombée de la nuit ” de J.Disla au Centre Cervantés de
Paris.
En 2004, il crée deux spectacles théâtre et musique « Une comète à Cuba » de C. Monsarrat au
Théâtre du Chaudron et « L’Opéra des Gueux » au Théâtre de Vidy de Lausanne, et en
espagnol « La Valse à Mille ans » au Théâtre National de La Havane. En 2005 à l’Opéra
Comique, un spectacle musical inspiré de Nicolas Guillen et « Poubell’s Land » à la Tempête,
spectacle en 18 langues. En 2007, il monte « La fin des hasards prévus » de B. Hammond au
Théâtre Tallia. Il tourne en 2008, son premier documentaire « La Mariée fugitive » à Mexico
(CNC et PROCIREP) Il écrit en 2009 « Il était encore une fois… » à la prison de Fleury Mérogis
pour des femmes détenues et monte un carnaval théâtre à La Havane fin 2009 avec 200
patients psychiatriques. De ces créations, il réalise ses trois premiers documentaires.
En 2011, il créé dans le Morvan « Les enfants des Vermiraux » à Avallon, Quarré-les-Tombes et
la prison de Joux-la-Ville.
En 2012-2013, il réalise 7 courts métrages avec des jeunes de foyers et de centres éducatifs en
Bourgogne.
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Philippe Adrien
C’est à la fin des années 60 que Philippe Adrien, alors acteur, se fait connaître comme
auteur dramatique : La Baye montée en 1967 par Antoine Bourseiller, avec Jean-Pierre
Léaud et Suzanne Flon – puis trente ans plus tard par Laurent Pelly – met en situation
une famille : satire sociale bien sûr, mais l’enchevêtrement des répliques et la
dynamique intensive du dialogue révèlent un goût et un art du désordre qui mèneront
Philippe Adrien vers des auteurs « irrévérencieux » : Jarry, Gombrowicz, Witkiewicz,
Cami ou encore Copi…
Le metteur en scène s’affirmera dans les années 70 au sein d’un travail collectif
d’expérimentation, aux côtés un temps de Jean-Claude Fall : L’Excès d’après Georges
Bataille ;L’Œil de la tête – effet Sade (auteur qu’il retrouvera en 1989 avec le texte
d’Enzo Cormann Sade, concert d’enfers) ; Le Pupille veut être tuteur de Peter Handke
(partition sans dialogue) ; La Résistance : ces spectacles se donnent comme autant de
questions ou provocations au théâtre, à son cadre, à ses contenus, à sa capacité
de Représentation(titre d’une œuvre de 1976).
C’est en Allemagne, paradoxalement, qu’il aborde son premier auteur du répertoire :
Molière, qu’il ne quittera plus : ce seront Dom Juan, George Dandin, puis une pièce qu’il
lui consacre en 1979 : Le Défi de Molière, sur trois moments clés de la vie de
Jean-Baptiste Poquelin.
Le début des années 80 va constituer une charnière : Jarry (Ubu roi et Ubu cocu),
Witkiewicz (La Poule d’eau) prolongent le geste libérateur et provocateur du cycle
précédent : le théâtre y reste défini comme transposition scénique de processus
mentaux, et c’est avec l’œuvre de Kafka que ce mouvement va ensuite cristalliser : Une
Visite, adaptation du chapitre 7 de L’Amérique en révèle la dimension loufoque et
jubilatoire puis, trois ans plus tard, Rêves de Kafka place l’activité onirique au cœur de
la création.
Nommé en 1981 directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry, à la suite d’Antoine Vitez,
Philippe Adrien y présentera Monsieur de Pourceaugnac (toujours Molière), Homme
pour homme de Brecht, La Funeste Passion du professeur Forenstein dont il est
l’auteur, La Mission de Heiner Müller.
C’est en 1983 qu’il est pour la première fois invité à mettre en scène à la
Comédie-Française où il monte Amphitryon et Le Médecin Volant de Molière puis, dans
la décennie 90, au Vieux Colombier, Maman revient, pauvre orphelin de Jean-Claude
Grumberg, Point à la ligne de Véronique Olmi, L’Incorruptible de Hugo von
Hofmannsthal, Monsieur de Pourceaugnac de Molière, Extermination du peuple de
Werner Schwab. Il signe en 1995 une mise en scène des Bonnes de Genet et
de Arcadia de Tom Stoppard, que le succès conduira à reprendre à la salle Richelieu
les saisons suivantes.
Dans le même temps, Philippe Adrien met en scène Tennessee Williams à deux
reprises : Un tramway nommé désir, avec Caroline Cellier, au Théâtre Eldorado (1999),
puis Doux oiseau de jeunesse, avec Claudia Cardinale, au Théâtre de la Madeleine
(2005).
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Une étape marquante sera la longue période d’ateliers, puis d’enseignement régulier
(1989-2003) au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. La transmission
pédagogique va indéniablement rapprocher Philippe Adrien de la littérature théâtrale.
De nombreux projets naîtront « dans la classe », constituant une traversée du temps :
Shakespeare (Hamlet, puis Le Roi Lear), Marivaux (Les Acteurs de bonne foi et La
Méprise), et pour le XXe siècle Claudel (L’Annonce faite à Marie), Brecht (La Noce chez
les petits bourgeois), Beckett (En attendant Godot), Vitrac (Victor ou les enfants au
pouvoir), Gombrowicz (Yvonne, princesse de Bourgogne), Copi (L’Homosexuel),
Armando Llamas (Meurtres de la princesse juive)…
Ses relations avec le continent africain - son histoire et sa mémoire - ont conduit
Philippe Adrien à monter Kinkalid’Arnaud Bédouet (Molière du meilleur spectacle de
création en 1997) ; à aborder la question de la colonisation avec Mélédouman de
Philippe Auger d’après La Carte d’identité de Jean-Marie Adiaffi (création à Brazzaville),
puis Le Projet Conrad, adaptation de la nouvelle Un Avant-poste du progrès ; enfin, à
porter à la scène le roman d’Amos Tutuola L’Ivrogne dans la brousse et à réaliser
récemment au Bénin Rêver à Cotonou, création collective.
Par ailleurs, une fructueuse collaboration avec Bruno Netter (acteur aveugle) et la
Compagnie du Troisième Œil, composée de comédiens handicapés et valides, a donné
une perspective et une résonance inédites au Malade Imaginaire de Molière en 2001,
puis au Procès de Kafka, àŒdipe de Sophocle, à Don Quichotte de Cervantès et
auxChaises de Ionesco en 2011.
On ne saurait dissocier le parcours artistique de Philippe Adrien du Théâtre de la
Tempête, sis à la Cartoucherie, dont il est depuis vingt ans le directeur et le
programmateur : lieu d’accueil et de création, ouvert aux jeunes compagnies comme
aux metteurs en scène confirmés, aux propositions les plus contemporaines comme au
vaste trésor du répertoire.
Ces dernières années, La Mouette puis Ivanov (2006 – 2008) ont placé Tchekhov parmi
les auteurs de référence de Philippe Adrien, aux côtés de Claudel - dont il monte en
2012 Partage de midi mais aussi une farce mythologique oubliée : Protée qui sera
repris en 2014 au Théâtre de la Tempête -, et de Molière encore, dont il mettra en scène
L’École des femmes en septembre 2013.
Ce répertoire dramatique ne saurait cependant éluder l’inquiétude et la curiosité quant
au présent : qu’il s’agisse d’auteurs contemporains et de leurs paraboles sur l’histoire Mayorga La Tortue de Darwin ou Werner SchwabExcédent de poids, insignifiant
amorphe -, de situations vécues, privées - Exposition d’une femme, lettre d’une
psychotique d’après Blandine Solange -, ou publiques voire politiques - L’Affaire, suite à
l’événement DSK : le projet reste bien d’interroger le monde et son envers. Bug ! vaste
fresque coécrite avec Jean-Louis Bauer en 2011 se proposait, sous la forme d’un
périple rêvé à travers notre mémoire et les enjeux scientifiques et artistiques actuels, de
«  faire un point  » sur notre civilisation.
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Eduardo Manet
Né à Cuba, Eduardo Manet est citoyen français depuis 1979.
De 1952 à 1960, jeune étudiant, il parcourt l’Europe et séjourne en France. A Paris, il
suit les cours de Tania Balachova et de Pierre Bertin, et entre dans la compagnie de
Jacques Lecocq, (joue dans ce cadre un spectacle qui tourne en France et en Italie).
De retour à Cuba (1960/1968), il devient directeur du Centre Dramatique Cubain,
réalisateur et scénariste à l’Institut du Cinéma Cubain (ICAIC), à l’intérieur duquel il
réalisera 4 longs métrages et 6 courts métrages (le public français a pu voir
« Portocarrero » présenté en 1989 à CANAL PLUS dans l’émission « Hommage au
cinéma cubain »
Eduardo Manet a été fait officier des Arts et des Lettres en 1998.
Et chevalier de l’Ordre du Mérite en 2001.
ROMANS
Une vingtième de romans parmi lesquels.
- La Mauresque. NRF Gallimard. Prix Jouvenel de l’Académie Française 1982
Finaliste au Goncourt.
- Zone interdite. NRF Gallimard, 1984.
- L’île du lézard vert. Flammarion, Prix Goncourt des lycéens 1992.
- Rhapsodie cubaine. Grasset, 1996. Prix Interallié, finaliste au Goncourt.
- D’amour et d’exil. Grasset. 1999. Prix Relais H.
.- Maestro ! Robert Laffont, 2002. Grand Prix du Télégramme de Brest
- Mes années Cuba, Grasset, avril 2004
- La Conquistadora, Robert Laffont, 2006. Prix Corbet lycéen des Antilles.-Marrane ! Hugoroman édition, 2007
- La Maîtresse du commandant Castro. 2009. Robert Laffont.
- Un Cubain à Paris, Ecriture. Jean-Daniel Belfond, 2009.
- Pour avoir du panache à tout âge. Hugo et cie. 2009
-Les Trois frères Castro. Ecriture. Jean-Daniel Belfond 2010
-Quatre villes profanes et un paradis. ( Nouvelles) Editions Bouclats. 2010
-Le Fifre. Ecriture. Jean-Daniel Belfond. 2011
THEATRE
Une vingtaine de pièces de théâtre, parmi lesquelles :
- Les Nonnes, NRF Gallimard, collection « Le manteau d’Arlequin » Prix Lugné Poe
1969.
Cette pièce a été traduite en 21 langues.
- Eux ou la prise du pouvoir, NRF Gallimard, collection « Le Manteau d’Arlequin »
1971
Création à la Comédie Française.
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- Holocaustum, ou le borgne, NRF Gallimard, collection « Le Manteau d’Arlequin »
1972
Présenté à l’Athénée, dans une mise en scène de Michel Fagadau
- L’autre Don Juan, NRF Gallimard, collection « Le Manteau d’Arlequin » 1974
- Madras, la nuit où… NRF Gallimard, collection « Le Manteau d’Arlequin » 1975,
- Lady Strass, L‘Avant-Scène Théâtre, 1977, création au Poche-Montparnasse, mise
en scène de Roger Blin.
Version anglaise présentée à l’UBU Théâtre de New York, octobre-décembre 1996.
- Un balcon sur les Andes / Mendoza, en Argentine…/ Ma’déa, NRF Gallimard.
1985
« Un balcon sur les Andes » a été présenté dans une co-production Nouveau Théâtre
de Nice -Théâtre de l’Odéon dans une mise en scène de Jean-Louis Thamin.
- Le jour où Mary Shelley rencontra Charlotte Brontë. L’Avant-Scène Théâtre, 1979
Création au Petit Odéon, en co-production avec la Comédie Française
- Histoire de Maheu, le boucher. Gallimard, collection Papiers 1986
Prix du Off à Avignon, 1987.
- Monsieur Lovestar et son voisin de palier. Actes Sud Papiers, 1995
Première mondiale à la Comédie de Genève, en 1996, reprise au TILF (Théâtre de la
Villette)
Jouée à Beyrouth, Liban.
- Viva Verdi ! suivi de Mare Nostrum. 1998, Actes Sud Papiers.
- Viva Verdi ! Création mondiale à Fontainebleau (co-production Act-Emploi), 2004.
- Les Chiennes, création mondiale à Saintes dans une mise en scène de Domnique
Biton. 2008.
OPERA
- Cécilia, livret d’Eduardo Manet, musique de Charles Chaynes, mise en scène de
Jorge Lavelli. Première à l’Opéra de Monte Carlo, le 19 mai 2000, Théâtre de
l’Opéra de Nancy et de Liège en 2001. A L’opéra d’Avignon en 2003. Diffusé sur
Arte à deux reprises.-Mi amor, livret E. Manet, composition et musique Charles Chaynes, Opéra de Metz
En projet une présentation à l’opéra de Madrid et le San Carlos de Buenos Aires.
En novembre 2008 Eduardo Manet participe comme acteur dans un spectacle inspiré
par son livre Mes années Cuba. Sous le titre de « Comment je suis devenu une agence
de tourisme cubain sans le vouloir », cette pièce a été présentée à Evry et Boulogne
Billancourt dans une
Mise en scène de Camila Saraceni.
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Sylvia Bergé
1982-1986 : Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris.
Ses professeurs sont : Viviane Théophilidès, Pierre Vial et Gérard Desarthe, elle
commence sa formation vocale avec L.-J. Rondeleux qu'elle poursuit avec N. Fallien à la
Comédie-Française puis Jean-Pierre Blivet en 2000.
•
En 1988, elle intègre la Comédie-Française en tant que pensionnaire
•
En 1998, elle devient la 496 ème sociétaire de la Comédie-Française
Elle y interprète aussi bien des auteurs du répertoire classique comme :
-
Molière : "le Misanthrope" (1989) , "les femmes savantes" (1998) mises en scène de
Simon Eine , «Amphitryon» mise en scène de Jacques Vincey (2011)
-
Racine : "Iphigénie" mise en scène de Yannis Kokkos (1991), «Phèdre» mise en
scène d’Anne DELBÉE (1995)
-
Victor Hugo : Le roi s'amuse" mise en scène de Jean-Luc Boutté (1991)
- Schiller: "Intrigue et amour" mise en scène de Marcel Bluwal (1995)
Marivaux : « les sincères »mise en scène Jean Liermier (2006) et « La
dispute »mise en scène Muriel Mayette (2009)
Des auteurs contemporains comme :
-
Michel Vinaver: "L'émission de télévision" mise en scène de Jacques Lassalle (1990)
et « L’Ordinaire » mise en scène par l’auteur ( 2009)
-
Nathalie Sarraute : "Le silence" mise en scène de Jacques Lassalle (1993)
-Topor : « L’hiver sous la table » mise en scène C.Confortès (1997)
-
Jean-Pierre Siméon écrit pour elle « Le testament de Vanda » mise en scène de
Julie Brochen (2008 )
Au sein de la Comédie-Française les spectacles dans lesquels elle joue et chante sont :
•
En 1997, "La vie parisienne" (Métella ) de Jacques Offenbach mise en scène. de
Daniel MESGUISH, ce qui la conforte dans son envie de lier ces deux passions
chant et théâtre.
•
En 2001, "la Visite inopportune" (Regina Morti) de Copi mise en scène de Lukas
HEMLEB dans lequel elle chante des extraits de "La Traviata", "Andrea chénier",
"La Wally", "il Trovatore", "le Barbier de Séville", "Manon Lescaut"
•
En 2004, « Les Bacchantes" d'Euripide mise en.scène par André WILMS à la salle
Richelieu dans une musique originale
•
En 2007, « Vie du grand Dom Quichotte et du gros Sancho Pança » d’Antonio da
14
Silva mise en scène d’Émilie Valantin et Éric RUF musique originale de Vincent
LETERME
au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, elle conçoit, dirige et interprète :
« le cabaret de mers » avec quatre acteurs et trois musiciens.
•
En 2008, « Le voyage de M.Perrichon » (Anita) d’Eugène Labiche mise en scène de
Julie BROCHEN musique originale de Denis CHOUILLET
•
En 2009, « Le loup » d’après le conte de Marcel Aymé mise en scène Véronique
VELLA, musique originale de Vincent LETERME
•
En 2010, « Les oiseaux » ( Belle espérance) D’Aristophane mise en scène d’Alfredo
ARIAS musique de Bruno COULAIS
« L’Opéra de quat’ sous « (Jenny) de Bertold Brecht mise en scène Laurent
PELLY musique Kurt WEILL dirigée par Bruno FONTAINE
•
En 2011 Cabaret « chansons déconseillées » dirigé par Philippe MEYER
•
En 2012 « Rituel pour une métamorphose » (Warda) de Saadallah WANNOUS mise
en scène Sulayman AL-BASSAM
•
En 2013, dans la salle éphémère de la Comédie-Française en janvier puis salle
Richelieu en septembre-octobre, elle conçoit, dirige et interprète : « 4 femmes et 1
piano » avec Osvaldo CALO au piano.
«Psyché» ( Vénus) de Molière et Corneille mise en scène de Véronique VELLA
musique de Vincent LETERME
Activités hors Comédie-Française
•
En 2000, elle chante le "Stabat Mater" de Pergolèse en l'Église St Germain- des-Prés
à Paris avec les musiciens de la Prée
•
Elle intervient régulièrement en milieu scolaire et dirige des ateliers de théâtre (Lycée
Molière à Paris et Romain Rolland d'Argenteuil, cours Florent) ce qui lui donne
envie de se confronter à la mise en scène.
En 2000, elle monte à Oissel repris au festival de Dinan un spectacle musical "Logic
Lewis" tiré des "Jeux de Logique" de Lewis Caroll qui mêle vidéo, musique, chant et
théâtre dont elle réalise également la scénographie et les costumes avec une musique
originale composée par Laurence GARCETTE
.
• En 2003, salle Gaveau à Paris elle est récitante pour "L'histoire du soldat" de
Stravinsky avec l'orchestre d’Ile de France
• En 2004, à l'Opéra d'Oslo elle est la récitante du "Perséphone" de Stravinsky sous la
direction de Frédéric Chaslin
• En 2004, au festival de Mondétour (Normandie), elle donne un récital d'airs du
XVIIIe ( Mozart, Rameau, Gluck et Grétry)
• En 2006, au festival de Fénétrange elle est Sarah Bernhardt dans « Sarah B. ou le
cœur indomptable » de Marc-Fabien Bonnard musique Jean-Marie SÉNIA
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Jennifer Herzman Capraru est Directrice Artistique du Théâtre Asylum,
www.theatreaslym.com, une compagnie nominée pour son travail au Canada. En 2008,
elle fonde la compagnie ISôKO, www.isoko-rwanda.org dans le but de développer un
théâtre contemporain inter-culturelle au Rwanda. La compagnie a été nominée pour le
Freedom to Create Priz 2010, http://www.freedomtocreate.com/isoko-theatre-rwanda.
Dans ce cadre, elle met en scène deux oeuvres - Littoral de Wajdi Mouawad (en
Français), nominé pour la meilleur mise en scène aux Grand Prix Théâtre Francophone
Africain 2013 à Brazzaville, et The Monument de Colleen Wagner (en Kinyarwanda), qui
tourne en Europe, Canada et le Rwanda.
http://www.harbourfrontcentre.com/worldstage1011/themonument.cfm
http://dialogfestival.pl/en/spektakle/the-monument/
Jennifer est titulaire d'un Master en Theatre & Performance Studies (York University,
Toronto) et a suivi une formation de metteur en scène en Allemagne auprès du
Landestheater Tübingen et du Volksbühne Berlin. Elle a été Associate Dramaturg au
Factory Theatre Toronto, et a été nominée pour les prix Hirsch et McGibbon pour ses
mises en scène, artiste invitée par Schloss Solitude Allemagne, et metteure en scène
invitée aux Lincoln Centre's Director's Lab, New York.
Ses productions dans le cadre du Theatre Asylum - BéBé, The Trials et My Mother's
Courage - ont été montées à travers le Canada en partenariats avec le Theatre Centre,
National Arts Centre, l'Intrepid Theatre, Segal Centre, Harbourfront, et Banff Centre.
Parmi ses autres mises en scène on trouve: 24 Exposures (Serge Boucher) pour
Canadian Stage, Lullaby (Thelon Oeming) pour Dark Horse (Dora Nomination,
Outstanding Production), The 7th Seal (Ingmar Bergman) au DB Clark Theatre,
Metamorphoses (Mary Zimmerman) pour le Phoenix Theatre et L'Illusion (Tony
Kushner après Corneille).
Jennifer enseigne également le théâtre (York University) et a été conférencière invitée
pour Haifa University (Israel), plusieurs universités Canadiennes (Brock, Western
et Laurier), Macalaster College et Brown University (USA). Ses essais ont été publiés
dans Methuen Drama, Palgrave-MacMillan et Liaison.
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Libération - mardi 26 Novembre 2013 à 18:26
Le théâtre cubain lève le rideau de fer
Le festival de La Havane a révélé une scène en plein renouveau,
irrévérencieuse et inventive.
Par René Solis, Envoyé spécial à La Havane
Pour Ana Karenina, présenté par le théâtre Vakhtangov de Moscou, le Teatro Nacional de
La Havane est plein à craquer. Et l’annonce demandant d’éteindre les portables est faite d’abord
en russe. La machine à remonter le temps est en marche. Avec son grand rideau plissé marron et
ses murs jaunâtres, la salle monumentale a des allures 100% soviétiques. Drôles de retrouvailles
: la majorité des jeunes comédiens de la troupe du Vakhtangov n’ont pas connu le communisme
et le voyage à Cuba constitue pour eux une excursion à l’époque de leurs parents. Les
spectateurs cubains de plus de 40 ans ont pour leur part presque tous appris le russe au lycée.
Magnifique, le spectacle est d’une implacable tristesse. Le roman de Tolstoï a été transposé en
pantomime par la chorégraphe et metteuse en scène Angelica Kholina. La sobriété du décor trois lustres et quelques chaises - renforce l’élégance d’un procédé qui restitue l’essence du
roman, sans que jamais un mot ne soit prononcé. Le suicide d’Anna - un grincement de roues et
un coup de vent qui fait voler des feuilles mortes - vient clore une deuxième partie où, vêtus de
noir, tous les interprètes portent d’avance le deuil de l’amour manqué. Et le frisson glacé qui
étreint à cet instant la salle ne doit rien à l’air conditionné soufflant au maximum.
Rien ne change à Cuba, surtout pas l’impression du temps suspendu, comme si le deuil de la
révolution n’en finissait pas. Et pourtant… Le festival de théâtre de La Havane qui s’est tenu du
25 octobre au 5 novembre a multiplié les signes d’une évolution encore impensable il y a peu.
L’héroïne de Tolstoï est aussi l’affiche du Trianón, l’un des nombreux théâtres qui bordent
Línea, l’une des principales avenues du Vedado, le quartier qui concentre une bonne part de la
vie culturelle de La Havane.
Liberté. Pièce de Nilo Cruz, auteur américain d’origine cubaine écrivant en anglais, Anna in the
Tropics a obtenu en 2003 un prix Pulitzer pour le théâtre. L’œuvre a pour cadre une manufacture
de tabac en Floride dans les années 30 et raconte l’arrivée d’un homme embauché par des
travailleurs pour leur faire la lecture à haute voix pendant les heures de travail. Les ouvriers
écoutent donc des pages d’Anna Karénine, tandis que la famille propriétaire de l’usine se
déchire. L’intérêt du spectacle réside d’abord dans ses conditions de production : après sa
création à La Havane, fin octobre, cette version d’Ana en el Trópico vient d’être présentée,
du 22 au 24 novembre, au Colony Theater de Miami, et la distribution rassemble des acteurs
vivant à Cuba et d’autres installés aux Etats-Unis. Un cas de figure qui illustre le comblement
progressif du fossé entre Cubains «du dehors» et du «dedans». Ce soir-là, les actrices Mabel
Roch et Lilian Rentería, qui ont quitté l’île depuis vingt ans, sont ovationnées au moment du
salut et nul n’aurait l’idée de les traiter de gusanas («vers de terre» - entendre «vermine» -, le
mot qui désigne les Cubains ayant quitté l’île).
A l’affiche avec elles, Osvaldo Doimeadiós vit toujours à La Havane. Célèbre pour ses rôles
dans des telenovelas et ses émissions humoristiques, Doime, comme tout le monde l’appelle, a
été invité en 2010 à animer une émission sur Mega TV, une chaîne américaine en espagnol
basée à Key West, en Floride : «A Cuba, tout le monde était persuadé que j’allais rester là-bas.
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Mais je ne voyais pas pourquoi il fallait que je choisisse entre un pays ou l’autre. La guerre
froide est finie ! Il y a quelques années, combiner les deux aurait été impensable. Aujourd’hui, les
artistes peuvent faire des choses sans attendre les décisions politiques. Les temps changent.»
Un «changement» qu’illustre aussi l’étonnante liberté de ton, tant sur le fond que sur la forme,
de plusieurs spectacles. Dans Fichenla, si Pueden («Chopez là si vous pouvez»), adaptation de
la Putain respectueuse de Sartre, le metteur en scène Carlos Celdrán, fondateur de l’Argos
Teatro, transpose la pièce dans le Cuba d’aujourd’hui et met les deux pieds dans plusieurs sujets
brûlants : racisme, arbitraire policier et corruption politique, le spectacle tourne au brûlot
d’actualité. Par sa rigueur, son intensité et la qualité des interprètes, la pièce est cousine des
productions argentines de Daniel Veronese et Claudio Tolcachir, qu’on a pu voir ces dernières
années en France, notamment au Festival d’automne. Metteur en scène expérimenté, Carlos
Celdrán sait très exactement jusqu’où pousser le bouchon : «Je monte des textes qui permettent
de dialoguer avec la réalité urbaine d’aujourd’hui. Que ce soit Ibsen, Strindberg, Beckett,
Sartre, ou Virgilo Piñera [poète «fondateur» du théâtre contemporain cubain mis à l’index dans
les années 70 et mort en 1979, ndlr]. Il s’agit toujours pour les acteurs de parler d’eux-mêmes et
du présent. Quand on sort les textes de leur contexte original - lieu ou époque -, on peut donner
la sensation qu’ils se passent ici et maintenant sans même avoir besoin de dire : "Ça, c’est
Cuba." C’est une stratégie relativement subtile. Le théâtre dispose d’un espace de dialogue que
n’ont pas le cinéma ou la télévision. Nous profitons de cette brèche.»
La metteuse en scène Nelda Castillo, fondatrice en 1996 de la compagnie El Ciervo Encantado
(«Le cerf enchanté»), n’y va pas non plus avec le dos de la cuillère. Dans la chapelle désaffectée
qui abrite son théâtre, elle est du genre à veiller sur les spectateurs comme sur des enfants
potentiellement turbulents («toute sortie est définitive»). Solo interprété par Mariela Brito,
Rapsodia Para el Mulo («Rhapsodie pour la mule», titre inspiré d’un poème de Lezama Lima)
est un spectacle au premier degré d’une rare violence. Nue, harnachée et entravée comme un
véritable animal, l’actrice tourne en rond pendant une heure en traînant une carriole, Mère
Courage muette et harassée fouillant dans les poubelles de la révolution, au pied d’une
silhouette du Che en ombre chinoise et d’un slogan, «Del combate diario a la victoria segura»
(«Du combat quotidien à la victoire assurée»). Combat et victoire résumés par ce personnage à
l’état de bête, qui accumule ses «richesses», tomes dépareillés des œuvres de Marx, Engels et
Lénine, plateaux-repas en étain cabossé, cartes de rationnement déchirées, panneaux de «tâches
révolutionnaires» maculés de rouille et de boue. Le tout au rythme d’une bande-son pimpante :
des extraits d’émissions de Radio Enciclopedia, station culturelle grand public, égrenant, au gré
d’un jingle stressant, des «infos» façon Sélection du Reader’s Digest : «Les fourmis ne dorment
jamais» ; «Les éléphants sont les seuls mammifères incapables de sauter». Et pour solde final
des lendemains qui chantent, l’actrice s’arrête pour uriner sous elle. Impossible d’être plus
explicite.
La nouvelle génération a l’irrévérence plus légère. Dans La Mujer de Carne y Leche («La femme
de chair et de lait»), les jeunes artistes du collectif MCL, réunis autour de Leire Fernandez,
partent à l’assaut de quelques incontournables de la culture nationale - notamment le machisme
-, via des micros-trottoirs aussi édifiants qu’hilarants, la gaîté n’occultant pas une forme de
colère sourde.
Fil. Dans la même veine, en plus déjanté et plus écrit, Perros que Jamás Ladraron («Chiens qui
n’ont jamais aboyé»), du jeune dramaturge Rogelio Orizondo, s’inspire de témoignages souvenirs d’enfance, expériences amoureuses - souvent glaçants de ses acteurs. Et les insère
dans un show interactif avec le public (invité à envoyer des SMS à l’un des acteurs, qui les lit en
direct). Le tout dans un bordel qui revendique sa filiation avec le «théâtre allemand
contemporain».
L’autre fil suivi par les jeunes dramaturges cubains passe par un retour aux héros du théâtre
grec. Ils s’inscrivent en cela dans la lignée de Virgilio Piñera, dont Electra Garrigó (1948)
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constitue l’une des œuvres majeures du théâtre cubain du XXe siècle. Un retour aux classiques
qui est aussi un raccourci vers l’actualité que certains ont payé cher. Tels Antón Arrufat, auteur
en 1968 d’une réécriture jugée «contre-révolutionnaire» des Sept contre Thèbes d’Eschyle, qui
lui valut mise en accusation et interdiction professionnelle, ou José Triana, auteur de Médée
dans le miroir, qui vit à Paris depuis plus de trente ans.
L’époque n’est plus aux procès staliniens et les deux Antigone présentées au festival ne font
l’objet d’aucune censure. Antigona de Yerendy Fleites transforme Créon en bureaucrate borné et
fait d’Antigone une jeune fille d’aujourd’hui : les enjeux du texte original - l’enterrement du
corps de Polynice, le défi d’Antigone à Créon, la punition - sont comme dilués dans une société
où règne l’ennui, encore plus que l’arbitraire.
Plus ambitieux et maîtrisé, Antigonón de Rogelio Orizondo (l’auteur de Perros que Jamás
Ladraron) part d’Antigone pour passer en revue certains héros de l’histoire cubaine, comme
José Marti, le père de l’indépendance, dont les bustes et les représentations sont encore plus
nombreux à Cuba que ceux de Che Guevara. Le metteur en scène Carlos Díaz (celui d’Ana en el
Trópico) déploie tout son savoir faire et son sens de l’humour, dans un spectacle aussi
réjouissant visuellement - avec des clins d’œil appuyés au cabaret de travestis - que pertinent
théâtralement, sur le fil entre dérision et poésie, dans un enchaînement de questions qui en
appellent toujours d’autres. Une façon, comme dit Carlos Díaz, de «repousser les limites». «La
nouvelle génération, ajoute-t-il, se fiche de la vieille rhétorique. Elle se situe déjà demain.» Un
demain qui ne chante pas, mais auquel le théâtre cubain commence à donner une voix.
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