Itinéraire spirituel - Hélène Dixmier o Déléguée aux Relations avec

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Itinéraire spirituel - Hélène Dixmier o Déléguée aux Relations avec
Itinéraire spirituel - Hélène Dixmier
o Déléguée aux Relations avec les musulmans sur le 91,
o Ancien professeur dans le public dans l'Essonne,
o Syndicaliste au Sgen-Cfdt,
o active dans l'Eglise catholique depuis mon adolescence
Quand Khaled m’a proposé de faire un itinéraire spirituel avec un ami musulman, j’ai tout de
suite pensé à un seul ami parmi tous et pensé aussi que mon parcours a été tellement guidé par
Dieu que je n’avais aucune raison de ne pas le faire. C’est avec « crainte et tremblement »
comme dirait St Paul que je le fais.
Au départ, il me faut situer ma famille : mon père était franc maçon Rose Croix et ma mère
catholique à sa manière : elle arrivait à la fumée des cierges chercher ses filles à la messe.
Mais, elle a sans doute obtenu de mon père que je suive le catéchisme et fasse ma communion
solennelle. Mais je passais mon temps à la messe à bavarder avec mon amie.
Pourtant, j’ai le souvenir vers l’âge de 10 ans d’avoir accompagné Maman voir une amie
sculpteur qui résidait dans un monastère de femmes, le temps de son ouvrage. Je ne me
rappelle pas des contemplatives, ni des offices mais du soir où dans la nuit étoilée nous allions
dans le jardin devant une grotte de Lourdes prier Marie. C’est peut-être le premier moment où
j’ai vraiment prié. Marie va jalonner ma vie.
A 12 ans, Maman m’a proposé au choix « le tennis ou le scoutisme» pour le Jeudi. Sportive
comme je le suis, j’ai choisi les Guides de France .Aujourd’hui encore je rends grâce à ce
mouvement pour ce qu’il m’a apporté : la prise de responsabilité, le souci des autres, la
patience, la sociabilité etc. En tout cas, au niveau de ma foi, il y a eu 2 moments importants :
j’avais 13 ans et une guide allait faire sa promesse : elle a demandé qu’on prie pour elle. Les
cheftaines ont organisé une veillée de prières. C’est la première fois que je restais longtemps
en silence pour prier. J’en ai encore le souvenir dans mon cœur.
Je suis devenue chef d’équipe à 15 ans et j’ai trouvé que c’était sérieux comme responsabilité
non seulement humaine mais aussi spirituelle. J’ai donc lu …la Bible en entier. Je ne vais pas
vous dire que j’ai tout compris mais j’ai eu la conscience d’appartenir à un peuple de croyants
qui venaient de loin dans le temps. Et j’avais envie d’être avec eux ! Je me suis mise alors à
prier tous les soirs. Nous partagions la même chambre avec ma sœur plus jeune que moi de 2
ans, j’ai demandé à mon père de me faire des étagères pour que je puisse mettre mes livres (je
ne lui ai pas dit la Bible et mon carnet de chants). Mais le fait est que personne ne parlait ou
ne venait dans la chambre quand je priais.
A 18 ans j’ai eu un prof de philo marxiste remarquable et du coup j’ai décidé de faire une
pause, alors que j’avais été cheftaine de jeannettes!! Mais je voulais choisir entre les religions
ou les philosophies. Mon père m’a emmenée une fois chez les Rose Croix mais autant ce que
j’avais lu me séduisait, autant le contact avec le secret m’a révulsée. Alors j’ai lu Marx, des
livres sur le bouddhisme. Or je posais à tout ce que je lisais 3 questions : Comment vous vivez
en paix ? Comment vous vivez pauvrement ? Comment vous êtes responsable dans la
société ? J’ai écarté Marx à cause de la lutte des classes, le bouddhisme parce que, m’a-t-il
semblé ,il n’avait pas de prise sur la société. Alors je me suis dit qu’il fallait quand même que
je vois le catholicisme avant de l’écarter. Le prêtre que je suis allée voir était très ami avec les
profs athées du Lycée : c’était pour moi une garantie. C’était en 1964 et l’Eglise vivait depuis
2 ans le Concile Vatican II. Je lui ai expliqué mon parcours et mes demandes en exigeant de
lui un immense respect. Ce qu’il a fait : il a travaillé avec moi sur la paix, sur la pauvreté, puis
il m’a passé Ecclesiam Suam ou l’Eglise en dialogue (ce qui m’allait pour mon exigence par
rapport à la société). Puis il m’a invité à une récollection d’élèves du Lycée sur le thème «
nous sommes tous des assassins » Entendez : quel regard portons-nous sur les autres ? que
faisons-nous de notre langue dans les conversations ? Etc. Ce qui a été ma « conversion »,
c’est la demi-heure devant le St Sacrement en silence. J’ai compris « par le cœur » l’Amour
du Christ et le peuple qu’est l’Eglise. J’étais un « assassin »mais Dieu me donnait son Amour
pour aimer les autres. De plus, je n’étais pas seule et l’Eglise était dans le monde, sans
supériorité aucune, mais elle était là pour aimer. Je suis sortie de la chapelle : j’étais
profondément heureuse.
L’année suivante j’étais en classe prépa et je m’occupais le jeudi après midi à faire jouer les
petits gitans dans leur camp, puis j’ai lancé une troupe de louveteaux dans ma paroisse. Je
priais le soir dans ma chambre longtemps quand tout le monde dormait .Je faisais partie d’un
groupe de jeunes où tous les samedis nous dansions et le lendemain nous animions la messe.
J’ai été draguée et j’ai alors compris qu’en fait, Dieu me voulait pour Lui. Malgré l’amitié, je
sentais le vide d’une existence fondée sur le plaisir . Alors, j’ai fui Dieu, j’ai fui, j’ai fui
comme si on pouvait s’éloigner de Dieu !. La directrice du Lycée a proposé à celles qui le
voulaient d’aller en prépa à Versailles. J’ai tout de suite dit oui et j’ai abandonné les
louveteaux et je suis partie en pension. Sauf que là je me suis fait rattraper par Dieu : je me
suis rendue compte qu’être chrétienne posait de grosses questions à mes camarades. Je n’étais
pas prosélyte, je ne disais pas grand-chose et on me posait des questions !!! A 21 ans je
m’étais dit que « tout cela serait résolu » Un voyage à Lourdes avec les guides de France et
tout a basculé : je disais OUI, je disais Oui grâce à Marie. Toujours elle.
Je continue à penser que les moments de non-foi et de fuite n’ont pas été négatifs : ils m’ont
aidée à être plus consciente que, si je me laissais aimer Par Dieu, c’était Pour les gens autour
de moi, pour qu’ils soient aimés par Dieu par mon intermédiaire, et pas que les chrétiens mais
les athées, les francs-maçons, les communistes etc. J’ai rencontré alors une vocation
particulière, ni religieuse, ni laïque consacrée mais laïque envoyée par l’évêque pour
manifester l’Amour de Dieu à son diocèse. Cela nécessite une vie intérieure importante (
messe quotidienne, oraison d’au moins une heure, temps de prière de 24h tous les mois ,
solitude priante une semaine par an)
Je voulais être professeur mais il me fallait une bourse pour suivre mes études. Je n’ai pu
l’obtenir de l’enseignement public. Je me suis donc tournée vers l’enseignement catholique
qui m’a octroyé une bourse pendant 2 ans .Au moment du Capes, je me suis rendue compte
que, pur produit de l’enseignement public, je ne pouvais pas entrer dans l’enseignement
catholique.
En 1975, me voilà prof et je suis nommée à Grigny .Au bout de 5 ans de galère avec la SNCF
(car ça existait déjà) je décidais d’aller habiter l’Essonne. Mon curé priait pour que je ne
trouve pas de logement. Après 2 jours de recherche, je suis revenue là où il n’y avait aucun
appartement mais c’était en face du collège ! et devant la grille fermée du gardien, le
téléphone a sonné et quand le gardien a ouvert, il était lui-même sidéré : une personne venait
de refuser le studio qu’elle pensait prendre !!! Je l’ai vécu comme un signe du Seigneur. Je me
suis installée à Grigny. Et là, j’ai vite compris que ma foi me faisait considérer l’autre d’une
autre culture comme mon frère. J’ai appris à me faire expliquer des choses par des femmes
africaines : on ne regarde jamais les gens dans les yeux en Afrique, sinon c’est de l’arrogance.
A elles, j’ai pu, par exemple, expliquer que l’éducation des enfants ne regarde en France que
les parents de l’enfant. Grâce à elles, j’ai pu aussi dire que les parents africains n’étaient pas
irresponsables mais souvent peu scolarisés. Toutes ces rencontres m’ont rendue plus ouverte,
plus souple, et certaine que notre civilisation n’est pas la meilleure !!!
Petit à petit, les musulmans sont arrivés à Grigny et eux aussi étaient mes frères.
Curieusement je ne m’intéressais pas à leur religion mais à leur pays d’origine. Quand, au
moment de ma retraite, Mgr Dubost m’a demandé d’être déléguée aux Relations avec les
musulmans, j’ai été sidérée. Je lui ai dit qu’il me fallait une formation. Et j’ai commencé par
la session d’Orsay, qui m’a posé en clair la question : dans la Bible, on suit le parcours
d’Isaac mais on a eu le temps de voir Ismaël qui reçoit une bénédiction et la prophétie d’être
un grand peuple. Qu’en faisons-nous ?.... Puis j’ai fait 2 ans de formation à la Catho qui m’ont
permis de rencontrer de nombreux musulmans. J’ai alors compris que ma foi devait bouger et
qu’en acceptant cela pour moi, je le souhaitais pour d’autres. Je ne ferai pas de conférences
sur l’islam comme si je parlais des Incas. Mais je créerai des groupes de dialogue entre
croyants. Mgr Dubost a été d’accord.
Alors aujourd ‘hui, qu’en est-il de ma foi ?? D’abord mes frères musulmans ont réveillé ma
foi en Dieu Créateur et l’adoration de Dieu tellement tellement grand. C’est devenu très très
important. Les périodes d’Avent et de Carême ont pris plus d’intensité : jeûne, prière, lecture
de la Parole de Dieu, partage. Pour moi, entre autre, jeûner c’est dire à Dieu que j’ai faim de
Lui. Par ailleurs, j’ai conscience que ma tâche est d’être aux rencontres et à l’ordinateur et que
tout le reste (et c’est le principal) est fait par Dieu . Par voie de conséquence je prie beaucoup.
Par ailleurs, cela m’a permis de creuser davantage encore ma propre foi : le Christ Homme et
Dieu, mort et ressuscité, la Trinité, l’eucharistie, l’Eglise sont réellement ce qui me fait vivre.
Mais surtout, je crois_et c’est là ma foi_ que Dieu veut sauver tous les hommes, toute
l’humanité. Comment cela se fera-t-il ? Dieu seul sait et je ne suis qu’une créature. Pourquoi
devrai-je savoir comment cela se réalisera ? Mais j’y crois fermement et je veux au Paradis
être avec mes frères musulmans. En tout cas je peux dire qu’après chaque rencontre, je jubile
parce que j’ai rencontré des croyants, parfois tout simples, parfois plus cultivés comme mon
ami. Je ne dis pas que je suis comprise partout mais je peux ainsi m’unir à la croix du Christ et
je pense que je suis la petite goutte d’eau qui rend la société et l’Eglise plus ouvertes, plus
humbles, plus pacifiques, plus accueillantes.
Finalement mes désirs de jeune fille ont été comblés. Dieu a répondu à mes 3 questions et
aujourd’hui, Il me permet d’être plus consciente de Sa Présence. Je travaille aussi en quelque
sorte dans et pour la société. Il me permet enfin, à travers ces petits groupes, d’essayer de
construire la Paix. Il me rend plus consciente encore de ma pauvreté devant la tâche à
accomplir et c’est Lui qui fait tout. Je n’oublie pas Marie : elle m’accompagne partout