La Ressourcerie ressuscite le mobilier cabossé

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La Ressourcerie ressuscite le mobilier cabossé
AIX - PAYS D'AIX
Pays d’Aix
LUNDI 22 FÉVRIER 2016
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Lundi 22 Février 2016
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La Ressourcerie ressuscite
le mobilier cabossé
GARDANNE 60 tonnes ont été récupérées l’an passé par l’entreprise d’insertion. Elle répare et
revalorise les meubles, projette une gamme de mobilier de bureaux... Écolo, social, et solidaire
U
n comptoir de bar trouvé
dans la rue revisité pour
le coin salon ; une table
repolie et repeinte, agrémentée
de poignées vintage, elles aussi
trouvées dans des fonds de placards à vider ; un tambour de
machine à laver devenu lampadaire et chaise haute. "Avec ça,
on va s’amuser ", anticipe
Jean-Denis Bourgeois devant
un meuble de toilettage pour
chiens flanqué de son pédalier.
"Là, en plus de ces bureaux métalliques, un chef d’entreprise
qui va s’installer au puits Morandat a flashé sur cette bibliothèque des années 70 : on va en
faire une cloison de séparation
pour sa salle de réunion".
A la Ressourcerie de Gardanne, "rien ne se perd, tout se répare" affiche le slogan. Installée
depuis deux ans à Biver, à la
"Pour 150¤, je viens de
meubler entièrement
la chambre d’une mère
de famille."J.D.-BOURGEOIS
maison de la formation, cette
émanation de l’entreprise
d’insertion aubagnaise Evolio-La Varappe a trouvé les locaux qu’elle cherchait et ne cesse de s’agrandir, entre les hangars d’entrepôt, celui où on retape, et le "show-room".
Calquées sur une initiative
québecquoise, les ressourceries se développent en France à
la faveur à la fois d’une prise de
conscience environnementale
et de la crise. Avant, le mobilier
acheté en kit, mais aussi le
vieux buffet de la grand-mère
désuet, on le jetait quand on
s’en était lassé, ou que la charnière fatiguait. "Dans le département, on jette 800 kilos de dé-
60 TONNES
RÉCUPÉRÉES
Les gens apportent soit
eux-mêmes le mobilier, le
déposent dans un container apposé à Septèmes, où
les salariés vont les chercher au porte à porte à Gardanne. La Ressourcerie
doit récupérer pour remise
en état 15 % des encombrants de Gardanne. L’an
dernier, elle a "détourné"
de l’enfouissement ou de
l’incinération 60 tonnes
d’objets auxquels elle a redonné vie. L’entreprise
d’insertion travaille avec
des éco-organismes qui rémunèrent les objets collectés non récupérables à partir d’un certain tonnage.
Jean-Denis Bourgeois dans l’espace d’exposition, à Biver, où l’on vient chiner la pièce atypique, où
l’on vient aussi entièrement se meubler quand on est sans le sou.
/ PHOTO C.B.
chets par an, chiffre M. Bourgeois. Cela représente pour les
collectivités une dépense de
250¤ la tonne annuelle."
À La Ressourcerie, on jongle
avec le social et l’écologie puisque ce sont des emplois aidés
(voir encadré) qui contribuent
à la fois à débarrasser ces meubles indésirables ou cabossés et
à leur donner une nouvelle vie.
Depuis que Jean-Denis a recruté une jeune webmaster qui
met en image sur "Leboncoin"
les objets recyclés, les ventes
suivent une courbe croissante.
Avec une fourchette de prix qui
reste, selon le cahier des charges, largement accessible. "Cette commode Louis Philippe, un
SIX EMPLOIS AIDÉS
La Ressourcerie fournit des emplois aidés à des personnes très éloignées du monde du travail, souvent,
des chômeurs de longue durée. Elle emploie actuellement six personnes en contrat de six mois renouvelable âgées de 20 à 57 ans. Les équipes procèdent à la
collecte des encombrants, la réparation et la revalorisation, la vente et à la sensibilisation. "J’essaye de faire tourner les salariés sur tous les postes pour leur remettre le pied à l’étrier. Il s’agit de renouer avec le
monde du travail : arriver à l’heure, comprendre un
ordre, s’intégrer à une équipe, respecter les consignes de sécurité…" En deux ans, l’expérience est
concluante, une sortie sur deux ayant débouché sur
un CDI.
66790
brocanteur la voulait, commente Jean-Denis. Il aurait pu la
vendre cinq fois plus cher. Pour
400¤, j’ai préféré la céder à un
mineur retraité qui voulait
l’offrir à son fils".
Ici, la clientèle se compose
"d’écolos bobos et d’écolos tout
court", de retraités aux revenus
modestes, surtout, de ménages
peu fortunés. En vertu d’une
convention avec les services sociaux de la ville, La Ressourcerie peut équiper entièrement
une famille dans le besoin.
"Pour 150¤, je viens de meubler
la chambre d’une mère de famille qui m’a été adressée : lit,
chaise, bureau, armoire...." Des
cas de détresse, il en a vu quel-
ques-uns, ayant dû à plusieurs
reprises dépanner des femmes
isolées, ayant fui la violence
conjugale, se retrouvant dans
un logement de fortune avec
pas même un fauteuil pour se
poser.
La petite entreprise a de
l’imagination. Elle vient de sortir sa gamme, "Hemat’home" :
un design épuré et joyeux,
blanc laqué, qui insère dans un
coin de table, un pied de chaise, une partie métallique représentant la pièce qui a été remplacée. Et La Ressourcerie ne
s’arrête pas là. Jean-Denis est
en train de conclure avec
l’ex-communauté d’agglo
d’Aubagne la réservation d’un
vaste entrepôt qui lui permettra de lancer la revalorisation
du mobilier de bureaux. Dans
son hangar s’amoncellent déjà
d’élégantes armoires qu’il a débarrassées à Euromed, des
vieux bureaux de la mairie des
Pennes. "On va s’attacher les services d’un designer. On imagine
construire à partir de palettes et
créer notre propre marque.
L’objectif : absorber 2 000 tonnes
par an et en détourner 500 !"
À côté des caissons de bureaux, une rangée de bancs
d’église donnés par la paroisse
voisine qui ont déjà trouvé preneurs chez une Gardannaise
qui les imagine dans son jardin,
l’autre partie équipera une maison d’hôtes dans les Alpes.
Rien ne se perd...
Carole BARLETTA
Ressourcerie, 7 avenue des Anémones,
Gardanne, du lundi au vendredi de 8 à
12h et de 14 à 18h. 06 32 44 76 85