Le Christ cosmique : une spiritualité de l`univers
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Le Christ cosmique : une spiritualité de l`univers
p. 1 p. 3 p. 5 Le Christ cosmique : une spiritualité de l’univers Leonardo Boff (auteur de El Evangelio del Cristo cósmico, 2010) Article publié dans “atrio, lugar de encuentro” le 29 septembre 2016 L’un des sujets de recherche les plus fréquents parmi les scientifiques, plus particulièrement les spécialistes des sciences de la Terre et des sciences de la vie, c’est l’unité du Tout. Ils disent : “Il nous faut identifier la formule qui explique le tout, c’est ainsi que nous comprendrons l’esprit de Dieu.” Cette recherche porte les noms de “Théorie de la Grande Unification” ou “Théorie quantique des Champs”, ou de façon plus pompeuse “Théorie du Tout”. Malgré tous leurs efforts, au bout du compte, ils sont frustrés ou, comme le grand mathématicien Stephen Hawking, se retrouvent abandonnés, car cette ambition se révèle impossible. L’univers est beaucoup trop complexe pour qu’une seule formule puisse l’appréhender. Cependant, en analysant les particules subatomiques, dont le nombre dépasse la centaine, et les énergies primordiales, on est arrivé à percevoir qu’elles sont toutes en liaison avec ce que l’on appelle “le vide quantique”, qui n’a rien de vide parce qu’il s’agit de toutes les potentialités, dans leur plénitude. De ce Fond sans fond ont surgi tous les êtres et tout l’univers. On le présente comme sans limites, un vaste océan d’énergie et de virtualités. D’autres l’appellent “Source originelle des Êtres” ou “Abîme qui nourrit le Tout”. Il est curieux de constater que Brian Swimme, l’un des principaux cosmologues, l’appelle l’Ineffable et le Mystérieux (The Hidden Heart of the Cosmos, 1996). Eh bien, ce sont les caractéristiques que les religions attribuent à la Réalité Ultime, à laquelle on donne mille noms, Tao, Yahvé, Alà, Olorum, Dieu. Le Vide qui engendre l’Énergie, s’il n’est pas Dieu (Dieu est toujours plus grand) en est la meilleure métaphore et la meilleure représentation. Ce qui est fondamental ce n’est pas la matière, mais c’est ce vide père de l‘énergie. La matière est une des émergences de cette Source Originelle. Thomas Berry, ce grand écologue/cosmologue nordaméricain a écrit : “Nous avons besoin de sentir que nous sommes chargés de la même énergie qui a fait surgir la Terre, les étoiles et les galaxies. Cette même énergie a fait apparaître toutes les formes de vie et la conscience réfléchie des hommes. C’est elle qui inspire les poètes, les penseurs et les artistes de tous les temps. Nous sommes immergés dans un océan d’énergie qui dépasse notre entendement. Mais en dernier ressort, cette énergie nous appartient, non pas dans un but de domination, mais d’invocation” (The Great Work, 1999, 175), c’est-à-dire, en nous ouvrant à elle. S’il en est ainsi, tout ce qui existe est une émergence de cette énergie originelle : les cultures, les religions, le christianisme lui-même, y compris des personnages comme Jésus, Moïse, Bouddha, et chacun de nous. Tout est advenu, engendré à l’intérieur du processus cosmogénique, dans la même mesure où apparurent les ordres plus complexes, toujours plus intériorisés, et interconnectés avec 2 tous les êtres. Lorsque le niveau d’accumulation de cette énergie de fond devient déterminé, c’est alors que se produit l’émergence des faits historiques et de chaque personne en particulier. Celui qui a vu cette gestation du Christ dans le cosmos fut le paléontologue et mystique Teilhard de Chardin (mort en 1955), lui qui a réconcilié la foi chrétienne avec l’idée d’évolution élargie, et avec la nouvelle cosmologie. Il a distingué le “christique” du “chrétien”. Le christique se présente comme un fait objectif à l’intérieur du processus de l’évolution. Ce serait le maillon qui unit tout au tout. Parce qu’il était à l’intérieur de l’évolution, il a pu faire irruption un jour dans l’histoire dans la personne de Jésus de Nazareth, celui de qui toute chose tient son existence et sa consistance, selon les mots de Saint Paul. C’est pourquoi, quand le christique est reconnu subjectivement et fait partie de la conscience d’un groupe, il se transforme en “chrétien”. Alors apparaît le christianisme historique, fondé par Jésus, le Christ, incarnation du christique. D’où il découle que l’on ne découvre pas ses origines ultimes dans la Palestine du premier siècle, mais dans le processus de l’évolution cosmique. Saint Augustin, écrivant à un philosophe païen (Epître 102), pressentit cette vérité : "La religion qui, aujourd’hui, reçoit le nom de chrétienne existait déjà et n’était pas absente à l’origine du genre humain, jusqu’à ce que le Christ prenne chair ; ce fut alors que la vraie religion, qui existait déjà, commença à être appelée chrétienne". Dans le bouddhisme, on fait un raisonnement semblable. Il existe la bouddhéité (être capable d’être illuminé) qui se forgeait peu à peu au fur et à mesure du processus évolutif jusqu’à ce que l’interrompît Siddhârta Gautama, qui devint Bouddha. Ce ne fut possible que dans la personne de Gautama parce que la bouddhéité existait déjà dans le processus évolutif. Il devint alors Bouddha comme Jésus devint le Christ. Quand cette façon de comprendre est intériorisée jusqu’à transformer notre perception des choses, de la nature, de la Terre et de l’univers, alors s’ouvre la voie vers une expérience spirituelle cosmique, une communion avec le tout et avec tous. Grâce à ce cheminement spirituel, nous réalisons ce que les scientifiques cherchaient dans la science : un chaînon qui unifie tout et qui l’attire en avant. -:- 3 Cosmic Christ: a spirituality of the universe Leonardo Boff (Author of El Evangelio del Cristo Cósmico, 2010) An article published in “atrio, lugar de encuentro” 29th September 2016 The unity of the Whole is one of the most frequent subject of research among scientists and, more particularly, among experts in Science of the earth and science of life. They say : “We have to identify the formula which can explain the whole, this is the way we will understand the spirit of God”. This research is called “the Theory of the Great Unification” or “The quantum theory of fields”, or in a more pompous way “The theory of the whole”. In spite of their efforts, they are eventually frustrated or, as the great mathematician Stephen Hawking, they feel forsaken because this ambition proves to be impossible. The universe is much too complex for just one formula to apprehend it. However, when analysing subatomic particles, the number of which is beyond a hundred, and primordial energies, it became understood that they are all linked which what is called “quantum vacuum”, which is in no way a void because it means all the potentialities in their entirety. From these bottomless depths all beings and the whole universe have emerged. It is presented as without limits, a vast ocean of energy and potentialities. Others name it “The original Source of being” or “The Abyss which provides for the Whole”. It is strange to observe that Brian Swimme, one of the best cosmologists, names it the Ineffable and the Mysterious (The Hidden heart of the Cosmos, 1996). Well, these are the characteristics religions assign to the Ultimate Reality, to which a thousand names are given, Thao, Yahve, Alà, Olorum, God. The Vacuum which begets Energy, if it is not God (God is always greater), is its best metaphor and its best representation. What is essential is not matter but this vacuum, father of energy. Matter is one of the emergences of this Original Source. The great North-American ecologist / cosmologist, Thomas Berry, has written: “We need to feel that we are charged with the same energy from which the Earth, the stars and galaxies have sprung. Thanks to this same energy all form of life and the reflexive conscience of men have emerged. Poets, thinkers, and artists of all times have been inspired by it. We are immersed in an ocean of energy beyond what we can imagine. But eventually this energy is ours, not as a means of domination but of invocation, (The Great Work, 1999, 175), that is to say by opening up ourselves to it. If it is so, everything existing is an emergence of this original energy: cultures, religions, Christianity itself, including characters such as Jesus, Moses, Buddha, and each one of us. Everything has come about, was brought into life, within the cosmogenic process, in as much as more complex orders, more and more internalized and interconnected with all beings, appeared. When the level of accumulation of this fundamental energy is specified, then the emergence of historical facts and of each individual person occurs. The palaeontologist and mystic Teilhard de Chardin (who died in 1955) was the one who saw this gestation of Christ in the cosmos, he who reconciled Christian faith with the idea of a widened evolution, and with the new cosmology. He distinguished between the “christic” and the “Christian”. The christic being an objective fact within the process of evolution. It would be the link uniting everything to the whole. Because it was within the evolution he could emerge at a certain time in History, as the person of Jesus of Nazareth, He, thanks to whom, everything can exist and be consistent, as Saint Paul says. 4 That is why, when the christic is subjectively acknowledged and becomes part of a group of people’s conscience, it is transformed into the “Christian”. Then historical Christianity founded by Jesus occurs, Christ being the incarnation of the christic. It follows from this that the ultimate origin of Christ cannot be found in the first century Palestine but in the process of cosmic evolution. Saint Augustine, as he was writing to a pagan philosopher (Epistle 102) had a foreboding of this truth: ”The religion which today is named Christian already existed and was not absent at the origin of mankind, until Christ became flesh; it was at that time that the true religion, which already existed, started to be named Christian”. The same reasoning is made in Buddhism. Buddheity existed (the capacity to be illuminated) which was forged little by little as long as the evolutive process was going on, until Siddhartha Gautama, who became Buddha, interrupted it. This was only possible in Gautama’s person because Buddheity already existed in the process of evolution. He then became Buddha as Jesus became Christ. When this way of understanding is internalized, allowing us to change our perception of things, nature, the Earth and the universe, then is opened for us an access to a cosmic spiritual experience, a communion with the whole and with everyone. Thanks to this spiritual progress, we realize what scientists were looking for in science: a link which unifies the whole and draws forward. 5 El Cristo cósmico: una espiritualidad del universo Redacción de Atrio, 29-septiembre-2016 Una de las búsquedas más persistentes entre los científicos que vienen generalmente de las ciencias de la Tierra y de la vida es la de la unidad del Todo. Dicen: «debemos identificar la fórmula que explica todo y así captaremos la mente de Dios». Esta búsqueda tiene como nombre “la Teoría de la Gran Unificación” o “la Teoría Cuántica de los Campos”, o por el pomposo nombre de “La Teoría de Todo”. Por más esfuerzos que hayan hecho todos acaban frustrándose o como el gran matemático Stephen Hawking, abandonando, por imposible, esta pretensión. El universo es por demás complejo para ser aprehendido por una única fórmula. Sin embargo, investigando sobre las partículas subatómicas, más de cien, y las energías primordiales, se ha llegado a percibir que todas ellas remiten al llamado «vacío cuántico» que de vacío no tiene nada porque es la plenitud de todas las potencialidades. De ese Fondo sin fondo han surgido todos los seres y todo el universo. Se representa como un vasto océano, sin márgenes, de energía y de virtualidades. Otros lo llaman “Fuente Originaria de los Seres” o el “Abismo alimentador de Todo”. Curiosamente, uno de los mayores cosmólogos, Brian Swimme, lo denomina lo Inefable y lo Misterioso (The Hidden Heart of the Cosmos, 1996). Pues bien, estas son características que las religiones atribuyen a la Realidad Última, que es llamada con mil nombres, Tao, Yavé, Alá, Olorum, Dios. El Vacío grávido de Energía si no es Dios (Dios es siempre mayor) es su mejor metáfora y representación. Lo fundamental no es la materia sino ese vacío grávido. Ella es una de las emergencias de esta Fuente Originaria. Thomas Berry, el gran ecólogo/cosmólogo norteamericano, escribió: «Necesitamos sentir que nos carga la misma energía que hizo surgir la Tierra, las estrellas y las galaxias. Esa misma energía hizo surgir todas las formas de vida y la conciencia refleja de los humanos. Ella es la que inspira a los poetas, los pensadores y los artistas de todos los tiempos. Estamos inmersos en un océano de energía que va más allá de nuestra comprensión. Pero esa energía en última instancia nos pertenece, no por la dominación sino por la invocación» (The Great Work, 1999, 175), es decir, abriéndonos a ella. Si es así, todo lo que existe es una emergencia de esta energía fontal: las culturas, las religiones, el propio cristianismo e incluso las figuras como Jesús, Moisés, Buda y cada uno de nosotros. Todo venía siendo gestado dentro del proceso cosmogénico en la medida en que surgían órdenes más complejos, cada vez más interiorizados e interconectados con todos los seres. Cuando se da determinado nivel de acumulación de esa energía de fondo, entonces ocurre la emergencia de los hechos históricos y de cada persona singular. 6 Quien vio esta gestación de Cristo en el cosmos fue el paleontólogo y místico Teilhard de Chardin (+1955), aquel que reconcilió la fe cristiana con la idea de la evolución ampliada y con la nueva cosmología. El distingue lo «crístico» de lo «cristiano». Lo crístico se presenta como un dato objetivo dentro del proceso de la evolución. Sería aquel eslabón que une todo con todo. Porque estaba dentro de ella pudo irrumpir un día en la historia en la figura de Jesús de Nazaret, aquel por quien todas las cosas tienen su existencia y consistencia, en el decir de San Pablo. Por eso, cuando lo crístico es reconocido subjetivamente y se transforma en contenido de la conciencia de un grupo, se transforma en «cristiano». Entonces surge el cristianismo histórico, fundado en Jesús, el Cristo, encarnación de lo crístico. De aquí se deriva que sus raíces últimas no se encuentran en la Palestina del siglo primero, sino dentro del proceso de la evolución cósmica. San Agustín escribiendo a un filósofo pagano (Epistola 102) intuyó esta verdad: «La que ahora recibe el nombre de religión cristiana existía anteriormente y no estuvo ausente en el origen del género humano, hasta que Cristo vino en la carne; fue entonces cuando la verdadera religión que ya existía, empezó a ser llamada cristiana». En el budismo se hace un razonamiento parecido. Existe la budeidad (la capacidad de iluminación) que venía forjándose a lo largo del proceso evolutivo hasta que irrumpió en Sidarta Gautama que se volvió Buda. Este solo pudo manifestarse en la persona de Gautama porque la budeidad estaba antes en el proceso evolutivo. Entonces se volvió Buda como Jesús se volvió Cristo. Cuando esta comprensión es interiorizada hasta el punto de transformar nuestra percepción de las cosas, de la naturaleza, de la Tierra y del universo, entonces se abre el camino a una experiencia espiritual cósmica, de comunión con todo y con todos. Realizamos por esta vía espiritual lo que los científicos buscaban por la vía de la ciencia: un eslabón que unifica todo y lo atrae hacia delante. Leonardo Boff es articulista del JB online y escribió El Evangelio del Cristo cósmico, 2010. <small>Traducción de Mª José Gavito Milano</small> Tema: Ecología, Espiritualidad, Jesús de Nazaret, Teología