IRC diagnostic et thérapeutique

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IRC diagnostic et thérapeutique
Thème n°9
Urologie et
néphrologie
RPC B Insuffisance rénale chronique :
diagnostic­, thérapeutique
Recommandation
L’insuffisance rénale chronique devrait être systématiquement recherché chez le
chat âgé (à partir de l’âge de 10-12 ans).
La suspicion repose sur l’observation de signes d’appel, comme la polydipsie
et/ou un amaigrissement. En présence de ces signes, l’élévation de la créatinine
plasmatique renforce cette suspicion.
Lors de créatininémie élevée, il convient de :
1) D’abord, identifier et traiter toutes les causes réversibles comme une déshydratation (azotémie pré-rénale), une hypokaliémie, une infection urinaire.
2) Puis, déterminer le stade de la maladie en se référant à une classification (par
exemple la classification IRIS détaillée dans le tableau) destinée à standardiser
les démarches diagnostiques et thérapeutiques.
Dans l’idéal, l’ensemble des examens suivants peut être proposé au propriétaire :
- u n examen clinique rigoureux ;
- u ne analyse d’urine (comprenant la densité urinaire) ;
- u ne évaluation de la protéinurie et un ECBU ;
- u ne numération et formule sanguine ;
- u n bilan biochimique complémentaire (urée, créatinine, potassium,
bicarbonates­, calcium, phosphates) ;
- u ne mesure de la pression artérielle systolique (méthode Doppler) ;
- d es radiographies et échographies abdominales.
3) Enfin, le traitement comprend, dans tous les cas, des modifications du régime
alimentaire (teneur abaissée en phosphates et augmentée en acide oméga-3).
Il associe éventuellement :
- u ne dihydropyridine à longue durée d’action (amlodipine), seule ou associée à
d’autres médicaments) lors d’hypertension artérielle ;
- u n inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine en présence d’une
protéinurie ;
- d es chélateurs du phosphore lors de baisse insuffisante de la phosphatémie.
Une surveillance clinique et biologique régulière sera instaurée afin de prévenir
ou d’identifier la survenue de complications et d’évaluer l’efficacité du traitement.
Compte-rendu des débats : voir Le Point Vétérinaire n° 273 - Mars 2007
Thème n°9 Urologie et néphrologie
RPC B Insuffisance rénale chronique : diagnostic­, thérapeutique
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Tableau.
Classification IRIS.
La classification IRIS est basée principalement sur la valeur de la créatinine plasmatique :
ÿ b ien respecter les conditions de prélèvement : chat à jeun depuis environ 12 heures ;
ÿ p référer la méthode Vitros (méthode enzymatique dosant exclusivement la créatinine)
pour le dosage de la créatinine ;
ÿ les seuils de créatininémie préconisés sont surtout valables chez le chat âgé (plus de
12-13 ans).
Le suivi de la protéinurie et de la créatininémie doit s’effectuer avec la même méthode de mesure.
Stades principaux basés
sur la créatinine plasmatique
Créatinine plasmatique
(µmol/l)
I
non azotémique
< 140 (16 mg/l)
(avec signe atteinte rénale)
II
azotémie modérée
141 – 250 (16 – 28 mg/l)
III
azotémie moyenne
241 – 440 (29 – 50 mg/l)
IV
azotémie sévère
Sous-stades basés sur la protéinurie
> 440 (> 50 mg/l)
Rapport protéine/créatinine urinaire
(méthode de mesure reconnue)
NP
non protéinurique
< 0,2
BP
protéinurie limitée
0,2 – 0,4
P
protéinurique
> 0,4
Sous-stades basés sur l’hypertension Pression artérielle systolique (mmHg)
(méthode de mesure standardisée)
NH
non hypertendu
BH
faiblement hypertendu
HC
hypertendu avec complications
HNC hypertendu sans complication
HND pression artérielle non déterminée
< 150
150 – 179
> 150
(présence de signe extra-rénal
d’hypertension­)
> 180
(absence de signe extra-rénal
d’hypertension­)
Thème n°9 Urologie et néphrologie
RPC B Insuffisance rénale chronique : diagnostic­, thérapeutique
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Argumentaire
Dominique Pechereau
CES de Biochimie et Hématologie Clinique Animales
Ancien Président de l’ESVNU (European Society Veterinary of Nephrology and Urology­)
Praticien à Pau
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est une maladie fréquente dont la prévalence
augmente de façon marquée avec l’âge : un chat sur trois est atteint à l’âge de 15 ans
selon certaines études, proportion qui croît encore chez les chats plus âgés.
1. Evaluation initiale
L’IRC est une maladie progressive ; plusieurs stades peuvent être identifiés. Tous
les individus ne doivent donc pas être pris en charge de la même façon. L’IRIS
(International­ Renal Society) propose un système de classification (voir tableau 1)
permettant de standardiser les démarches diagnostiques et pronostiques. Les
chats sont regroupés en quatre stades en fonction de la valeur de leur créatinine
plasmatique­ et de facteurs péjoratifs (protéinurie, hypertension artérielle).
Cependant, avant de classer un chat selon ces critères, il faut rechercher tous les
facteurs­ potentiellement réversibles comme une déshydratation (son évaluation
précise­ est souvent délicate chez le chat âgé) ou une autre cause d’insuffisance prérénale, qui modifie les résultats de laboratoire, une infection urinaire, pouvant faire
suspecter une pyélonéphrite, ou la présence d’une obstruction des voies urinaires. Les
infections urinaires sont fréquentes chez le chat âgé insuffisant rénal, en particulier
chez les femelles avec un risque important d’atteinte du haut appareil urinaire souvent
peu symptomatique.
Un bilan minimum est nécessaire pour évaluer de façon satisfaisante un chat suspect
d’insuffisance rénale chronique (voir tableau 2). Il devra être renouvelé si des causes
réversibles d’IRC ont été mises en évidence, une fois celles-ci traitées. Ceci permet
non seulement d’évaluer précisément le stade de l’IRC mais aussi de prescrire un
traitement adapté à chaque chat atteint. Les éléments les plus importants de ce bilan
sont l’analyse d’urine avec la mesure de la densité urinaire, une évaluation précise de
la protéinurie et un ECBU, la mesure de la pression artérielle (surtout systolique), un
profil biochimique complet (créatinine, urée, phosphates, calcium, potassium, bicar­
bonates), une radiographie et une échographie abdominale.
2. Traitement
Le traitement initial des troubles a pour but de restaurer un équilibre stable en traitant
les causes réversibles : traitement d’une déshydratation (perfusion intraveineuse ou
sous cutanée), de troubles digestifs (anti-vomitifs et/ou anti-acides) ou d’une infection
urinaire (antibiothérapie pendant plusieurs semaines).
Le traitement de l’IRC a pour but de ralentir l’évolution naturelle de la maladie (si une
maladie causale a pu être identifiée, son traitement spécifique doit toujours être entrepris). En premier lieu, il fera appel­ à un régime alimentaire rigoureux, ayant pour objectif principal de maintenir la phosphatémie dans les valeurs usuelles basses (ce qui
nécessite parfois d’adjoindre des chélateurs du phosphore) ainsi que de lutter contre
l’hypertension capillaire glomérulaire avec des acides oméga-3. Lors d’hypertension
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artérielle, un traitement anti-hypertenseur sera aussi prescrit. Les dihydropyridines,
dont l’amlodipine est le chef de file, se révèlent particulièrement efficaces chez le chat
pour abaisser la tension artérielle. En présence d’une protéinurie marquée (rapport
protéine sur créatinine urinaire supérieur à 0,4), lutter contre celle-ci permet de ralentir la progression de l’insuffisance rénale. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion
sont efficaces à cet effet. Le bénazépril a été validé dans cette indication.
3. Suivi
Un suivi régulier du chat est particulièrement important. Sa fréquence sera déterminée
en fonction du stade de l’IRC, des facteurs de risque et de la survenue de complications. Il aura pour but de vérifier l’efficacité du traitement, en particulier le maintien
d’une pression artérielle (PA) satisfaisante (PA systolique inférieure à 160 mmHg) et
de la phosphatémie dans les valeurs usuelles basses, la diminution de la protéinurie,
mais aussi l’absence de complications comme une infection urinaire infra-clinique,
plus souvent observée chez les femelles.
Références
(1) BARBER PJ, RAWLINGS JM, MARKWELL PJ et coll. Effect of dietary phosphate on renal secondary hyperparathyroidism in the cat. J Small
Anim Pract. 1999;40:62-70.
(2) BROWN SA, BROWN CA, JACOBS G et coll. Effects of the angiotensin converting enzyme inhibitor benazepril in cats with induced renal
failure. Am J Vet Res. 2001;62:375-383.
(3) ELLOTT J, BARBER PJ, SYME HM et coll. Feline hypertension : clinicals findings and response to antihypertensive treatment in 30 cases.
J Small Anim Pract. 2001;42:122-129.
(4) ELLIOTT J, RAWLINGS JM, MARKWELL PJ et coll. Survival of cats with naturally occurring chronic renal failure : effect of dietary
management­. J Small Anim Pract. 2000;41:235-242.
(5) FRANCEY T. L’insuffisance rénale chronique chez le chat. Waltham Focus. 2005;15:28-30.
(6) LULICH JP, O’BRIEN TD, OSBORNE CA et coll. Feline renal failure : questions, answers, questions. Compend Contin Educ Pract Vet.
1992;14:127-152.
(7) PECHEREAU D. Infections urinaires chez le chat. Dans : Urologie et néphrologie clinique du chien et du chat. Point Vet. 2001;32:112-115.
(8) SYME HM, BARBER PJ, MARKWELL PJ et coll. Prevalence of systolic hypertension in cats with chronic renal failure at initial evaluation.
J Am Vet Med Assoc. 2002;220:1799-1804.