Prélude : « Un homme avait deux fils. De toutes les paroles de Dieu
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Prélude : « Un homme avait deux fils. De toutes les paroles de Dieu
Prélude : « Un homme avait deux fils. De toutes les paroles de Dieu C’est celle qui a éveillé l’écho le plus profond. C’est la seule que le pécheur n’a jamais fait taire dans son cœur. Ainsi elle accompagne l’homme dans ses plus grands débordements. C’est elle qui enseigne que tout n’est pas perdu. Il n’entre pas dans la volonté de Dieu Qu’un seul de ces petits périsse. Quand le pécheur s’éloigne de Dieu, mon enfant, à mesure qu’il s’éloigne, à mesure qu’il s’enfonce dans les pays perdus, à mesure qu’il se perd, Il jette au bord du chemin, dans la ronce et dans les pierres comme inutiles et embarrassantes et qui l’embêtent les biens les plus précieux. Les biens les plus sacrés. La parole de Dieu, les plus purs trésors. Mais il y a une parole de Dieu qu’il ne rejettera point. Sur laquelle tout homme a pleuré tant de fois. On n’a pas besoin de s’occuper d’elle, et de la porter. C’est elle qui s’occupe de vous et de se porter et de se faire porter. C’est elle qui suit. Dans la fausse quiétude un point d’inquiétude, un point d’espérance. Toutes les autres paroles de Dieu sont pudiques. Elles n’osent point accompagner l’homme dans les hontes du péché. Elles ne sont pas assez avant. Dans le cœur, dans les hontes du cœur. Mais celle-ci en vérité n’est pas honteuse. On peut dire qu’elle n’a pas froid aux yeux. C’est une petite sœur des pauvres qui n’a pas peur de manier un malade et un pauvre. Elle a pour ainsi dire et même réellement porté un défi au pécheur. Elle lui a dit : Partout où tu iras, j’irai. On verra bien. Avec moi tu n’auras pas la paix. Et c’est vrai, et lui le sait bien. Et au fond il aime son persécuteur. Tout à fait au fond, très secrètement. Car tout à fait au fond, au fond de sa honte et de son péché il aime (mieux) ne pas avoir la paix. Cela le rassure un peu. Un point douloureux demeure, un point de pensée, un point d’inquiétude. Un bourgeon d’espérance. Une lueur ne s’éteindra point et c’est la parabole troisième, la tierce parole de l’espérance. Un homme avait deux fils. » Charles Péguy Homélie : Un homme avait deux fils. Péguy a écrit des lignes magnifiques sur cette parabole Un homme avait deux fils, pour lui c’est en quelque sorte le joyau, la quintessence de l’Evangile « De toutes les paroles de Dieu, écrit Péguy, C’est celle qui a éveillé l’écho le plus profond. C’est la seule que le pécheur n’a jamais fait taire dans son cœur. Ainsi elle accompagne l’homme dans ses plus grands débordements. C’est elle qui enseigne que tout n’est pas perdu. » Oui, et Péguy le sait d’expérience, où que nous soyons, quels que soient les errances de notre vie, cette parabole demeure, tout au fond de notre cœur le plus profond et nous enseigne…que tout n’est jamais perdu. Un homme avait deux fils, cette parabole, avec sa célébrissime représentation par Rembrandt, est devenue l’icône de la miséricorde. Il y a trois personnages dans cette parabole, le père et ses deux fils. Le plus jeune, nous le connaissons bien, il part, il est flambeur, il gaspille la fortune de son père et le texte nous dit qu’il finit gardien de cochons, le plus abject des métiers pour un juif. Et lui, le fils du peuple qui, au désert a été nourri par Dieu lui-même, en est réduit à manger ce que mangent les plus impures des animaux ! Quand Paul dans la seconde lecture a cette parole étrange : Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. Ou dans une traduction plus abrupte : Dieu l’a fait péché pour nous, que nous dit-il ? Simplement qu’en Jésus, Dieu rejoint le pécheur au plus bas, au plus abject, au plus souillé de lui-même, c’est là et nulle part ailleurs que s’exerce la miséricorde du Père révélée et communiquée par Jésus. Oui Jésus qui, dès son baptême, s’est rangé parmi les pécheurs, vient rechercher l’homme blessé parmi les porcs, pour le ramener à la maison, à la maison du Père. C’est en ce point exact que la parabole rejoint le cœur de l’homme, en ce point le plus abîmé, le plus envenimé de son cœur comme l’a si bien compris Péguy. Et réciproquement il n’est pas de point du cœur humain, aussi malade et tordu soit-il comme le dit Jérémie, que la parabole, que Jésus ne puisse rejoindre. Et le jeune fils s’est finalement laissé rejoindre. Dans une fresque de frère Yves, un moine, qui est aussi un grand artiste que je voyais cette semaine à la Pierre qui Vire, on voit le Père repérsenté comme un roi, avec une couronne sur la tête, eh oui, il était riche, très riche, et l’héritage que le jeune fils a gaspillé était colossal, mais un roi grimpé en haut des remparts de sa ville et qui guette, avec une longue vue. L’image est belle, Dieu désire, guette notre retour. Et à peine les retrouvailles faites, le père ordonne qu’on lui remette une tunique de fête. Son corps amaigri est recouvert par la tunique royale. L’image du recouvrement et de la tunique est lourde de sens. C’est la tunique de peau dont Dieu, pris de pitié, a revêtu la nudité d’Adam et Eve après la chute, c’est la tunique de Joseph, le fils préféré du vieux Jacob, c’est la tunique sanas couture, rouge du sang de nos fautes, qui a recouvert le corps meurtri de Jésus. Recouvrir le corps d’une tunique de fête, c’est dans la Bible recouvrir, non pas effacer, mais envelopper la faute du grand manteau de la miséricorde. C’est ce qui arrive au plus jeune fils. L’image, peut-être l’avez-vous remarqué, est inversée pour Jésus, c’est lui, le seul juste, qui est recouvert de la tunique rouge du sang de tous nos crimes. Oui Dieu l’a fait péché pour nous, afin que, comme le dit Paul, en lui, nous devenions justes, de la justice même de Dieu. Mais il y a l’autre fils, l’aîné. Et nous connaissons sa colère, son incompréhension, et la réponse magnifique du Père : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! » Là s’arrête la parabole, nous ne savons pas ce qu’il fera, ce qu’il décidera. S’en ira-t-il ou partagera-t-il la joie du retour de son frère ? La parabole est ouverte. Pour nous aussi, qui ressemblons au moins autant à l’un qu’à l’autre des deux fils, il nous faut choisir. La miséricorde est toujours disponible, toujours offerte, le Carême est même fait pour cela….Un homme avait deux fils, lequel seronsnous ?