L`acquisition d`EMI Recording par Universa Music autorisée sous

Transcription

L`acquisition d`EMI Recording par Universa Music autorisée sous
22 NOV 12
Hebdomadaire Paris
OJD : 3030
Surface approx. (cm²) : 1483
141 RUE DE JAVEL
75747 PARIS CEDEX 15 - 01 45 58 90 00
Page 1/5
ÉTUDE DROIT ÉCONOMIQUE
CONCURRENCE
Par une décision du 21 septembre 2012^, la Commission européenne a autorisé l'acquisition
par Universal Music des activités de musique enregistrée d'EMI Recording, sous réserve du
respect des engagements proposés, dont celui de ne pas insérer de clauses de la nation la
plus favorisée dans les contrats conclus avec les plates-formes numériques de distribution.
L'acquisition d'EMI
Recording par Universa
Music autorisée sous
conditions
Charlotte Tasso-de Panafieu est avocat associe, responsable du departement de Droit de la Concurrence
- LexCase Sociéte d'Avocats , Estelle Rigal Alexandre
est avocat a la Cour LexCase Societé d'Avocats
Étude rédigée par
Charlotte Tasso-de Panafieu
et Estelle Rigal-Alexandre
1 - II est toujours audacieux de commenter une decision dont le
texte pas même publie fait encore l'objet de confidentialisation
dc la part des parties dans Ic cadre de la protection du secret des
affaires2 II nous semble cependant que la decision de la Com
mission europeenne autorisant I acquisition par Universal Music
des activites de musique enregistrée de tMI Recording du 21 sep
tembie dernier (la « decision ») peut justifier cette gageure
2 - Dans cette decision, Universal Music a en effet notamment
souscrit un certain nombre d engagements pour dissiper les in
quiétudes, de la Commission qui craignait aux termes même du
communique de presse3 de cette derniere l'acquisition par la nou
yelle entité d'un « pouvoir excessif sur le marche vis a vis de ses
clients direct qui revendent au détail de la musique enregistrée
sur support physique et numerique » Au nombre de ces enga
gements figurent des cessions d actifs tres substantielles puisque
representant em iron 60 % du chiflre d allaires réalise par EM! en
Europe4 les cessions en cause incluent des labels emblématiques
LEXCASE
3955244300508/GTG/OTO/3
1
Comm Uk communique IP/12/999 21 sept 20/2 Decision non publiée
2
Com UE régi (CE) n° 139/2004 20 janv 2004 relatif au controle des concert
trations entre entreprises, art 20 2 et consid 42 JOUEn°L 24 24 tam 2004
3
Comm CE aff COMP/M6458 Unncrsa! Music Group/BMI Music
JOUE2012/C93/04 23 mars 2012
4
D apres les calculs réalises par la presse V not Le Monde Universal
Music acquiert une version allégée d BMI 21 sept 2012 Les Echos, EM!
Eléments de recherche : LEXCASE : cabinet d'avocats d'affaires, toutes citations
22 NOV 12
Hebdomadaire Paris
OJD : 3030
Surface approx. (cm²) : 1483
141 RUE DE JAVEL
75747 PARIS CEDEX 15 - 01 45 58 90 00
Page 2/5
tels que Parlophone et Mute, maisons de disques d'artistes qui
ne le sont pas moins (Pink Floyd, David Bowie ou Gorillaz pour
n'en citer que certains), des labels de musique classique d EMI ou
encore 50 % de la participation détenue par EMI dans la filiale
commune entre les deux parties a l'opération New ' That's What
I Call Music, entité notoire dans la réalisation de compilations5
3 Aussi attendus que commentes, en cours de procedure et au tur et
a mesure de leur revelation ou des rumeurs les concernant, ces enga
gements sont effectivement a la fois consistants et structurels ils fa
çonnent le paysage de l'industrie de l'édition musicale des prochaines
annees en tentant de contenir l'ampleur de catalogue de la nouvelle
entité issue de la fusion face aux deux autres majors du secteur et surtout, aux labels independants En se plaçant strictement sur le terrain
du droit de la concurrence, ces engagements sont cependant relati
vement « classiques » comme I indique tres clairement la Commis
sion europeenne dans sa communication concernant les mesures
correctrices recevables en matiere de controle des concentrations6,
« l'objectif premier des engagements est de garantir des structures de
marche compétitives En conséquence, les engagements a caractère
structurel, tel que l'engagement de vendre une activite, sont généralement préférables » Et de fait fréquemment adoptes
4 En revanche, la communication de la Commission indique de
maniere tout aussi claire que « les engagements relatifs au com
portement futur de I entité issue de la concentration ne peuvent
etre recevables qu'exceptionnellement, dans des circonstances tres
spécifiques »7 C'est pourtant ce type d'engagements que la Commission a accepte en l'espèce, en entérinant la promesse d'Uni
versai « de ne pas insérer de clauses de la nation la plus favorisée
[ci-après « MPF »] en sa faveur dans les contrats renégocies ou
nouvellement conclus avec ses clients du secteur numerique situes
dans l'EEE [acronyme désignant F« Espace economique euro
peen»], et ce pendant dix ans »
5 Du fait de son caractère relativement exceptionnel, ce seul enga
gement fera l'objet des commentaires qui suivent, afin d'examiner
son insertion (I) dans la doctrine de la Commission europeenne
et (2) dans le paysage contractuel et reglementaire français
1. L'engagement comportemental de
la future entité issue de la concentration : un type d'engagement qui
s'insère dans la pratique de la Commission...
6 Dans sa communication concernant les mesures correctrices
recevables en matiere de concentration8, la Commission effectue
une distinction entre trois types d'engagements « les cessions »,
d une part, les « autres mesures correctives a caractère structurel,
[tel] que I octroi d'un acces aux infrastructures cles ou aux ma
tieres premieres sur une base non discriminatoire », d'autre part, et
« les engagements relatifs au comportement futur de l'entité issue
de la concentration », enfin9.
7 La preference de la Commission europeenne envers les engagements a caractère structurels est rappelée dans sa doctrine, la
Commission indiquant ainsi que « des types de mesures correctives a caractère non structurel, tels qu'un engagement de la part
des parties a ne pas adopter certains comportements commerciaux ( ) ne feront généralement pas disparaitre les problèmes de
concurrence résultant de chevauchements horizontaux »10 Cette
preference est confortée par sa pratique décisionnelle Ainsi, sur
les concentrations ayant donne heu, a l'instar de l'opération commentée, a une autorisation a l'issue d'une « phase II » au cours
des quatre dernieres annees, 44 % comportaient des engagements
structurels souscrits par les parties notifiantes Ce chiffre est déjà
important II le devient d'autant plus lorsque l'on sait que toutes les
decisions ayant conduit a l'adoption d'engagements comportaient
des engagements structurels La réciproque n'est bien évidemment
pas vraie, puisque sur la même période, seules trois decisions d'autonsation de concentrations en « phase II » (sur les 25 prononcées)
prévoyaient des engagements autres que des cessions d'actifs11 Et
dans ces trois affaires, il s'agissait pour la nouvelle entité créée par
la fusion de concéder un « octroi [a ses concurrents] d'un acces
aux infrastructures cles ou aux matières premieres sur une base
non discriminatoire12 », e est a-dire, aux termes de la Commis
sion de consentir a des engagements a caractère structurel
8 En l'espèce, tout porterait ainsi a écarter l'adoption d'engagements comportementaux s agissant de la concentration EMI/Universal elle est de nature horizontale, donc entre deux concurrents
directs, elle conduit a une concentration encore plus forte du secteur - passant de quatre a trois majors Pour autant, cet engage-
feu vert sous condition de Bruxelles fl Universal
21 sept 2012
Cette dernière cession s accompagne de
I engagement de continuer a concéder a cette
entreprise des licences d exploitations du re
pertoire de la nouvelle entité pendant dix ans
afin d en assurer la viabilité economique
LEXCASE
3955244300508/GTG/OTO/3
Comm CE communication concernant les me
sures correctrices recevables conformément au
reglement (CE) n° 139/2004 du Conseil et au
règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission
JOUE 2008/C 267/01 22 oct 2008 pt 15
10 Ibid ffs 17 et 69
Ibid
11 Commission aff COMP/M5046 Fnesland
Foods/Campma JOUE 2009/C75/06 17 dec
2008 COMP/M 5335 Lufthansa/SN Airholdmg
(Brussels Airlines) JOUE 2009/C 295 W 22 rum
2009 COMP/M5440 Lufthansa/Austrian Air
Unes JOUE 20W/C16/07 28 aout 2009
Comm CE communication prec pt 17
12 Comm CE communication prec note 6 pt 17
Ibid pt 17
Eléments de recherche : LEXCASE : cabinet d'avocats d'affaires, toutes citations
22 NOV 12
Hebdomadaire Paris
OJD : 3030
Surface approx. (cm²) : 1483
141 RUE DE JAVEL
75747 PARIS CEDEX 15 - 01 45 58 90 00
Page 3/5
ment est lom d'être saugrenu il est probablement nécessaire dans
son contenu, contrôlable dans son execution et le seul de nature a
assurer, sur le marche intermédiaire, une certaine concurrence sur
le marche de l'exploitation des droits d'édition musicale
A. - Un engagement nécessaire compte
tenu de la structure du marché
9 - Dans son contenu, l'engagement comportemental souscrit
par Universal concerne les relations contractuelles nouées avec
ses clients en aval que sont les distributeurs de musique en ligne
La structure de ces relations est complexe car intrinsèquement
déséquilibrée
10 - En effet, et comme le soulignait la Commission dans une deci
sion concernant déjà Universal Music lors de son rapprochement
avec SMG Music Publishing13, « la plate forme d'un fournisseur de
musique en ligne ( ) sera d'autant moins attrayante et viable que
le répertoire pertinent absent de son offre sera important Si [un
editeur] dispose d'un répertoire suffisamment important de droits
d'édition [ce dernier] peut être considère comme incontournable
et représente donc un element indispensable étant donne que la
taille et la couverture nécessaires d une plate forme en ligne ne
pourront pas etre obtenues sans le répertoire de [cet editeur] »14
11 Cette analyse était confirmée dans la decision Sony/BMG15 ,
la Commission y considérait en effet que « les consommateurs
n'accordent aucune importance aux labels les fournisseurs de
musique en ligne et mobile doivent obtenir des licences auprès
de toutes les grandes maisons de disques afin de pouvoir offrir
un répertoire aussi complet que possible Les grandes maisons
de disques contrôlent les produits qui sont essentiels pour les de
taillants de musique numerique [Ces] derniers doivent pouvoir
accéder aux répertoires des quatre grandes maisons de disque pour
assurer leur viabilité (en particulier pour les albums figurant dans
les classements officiels de ventes, dont environ 90 % sont produits
par les grandes maisons de disques) »16
12 Autrement dit, les distributeurs de musique en ligne sont dans
la dependance des majors du disque dont ils doivent pouvoir dis
tnbuer les répertoires Aux termes mêmes de la Commission, il
s agit d'une question de viabilité Pour revenir au vocabulaire utili
se dans la communication précitée concernant les mesures correc
tnces en matiere de concentrations, les répertoires des majors sont
donc des « infrastructures cles » ou des « matières premieres » ,
le remede préconise a leur concentration devrait alors être d'en
13 Comm CE dec COMP/M4404- Universal/
SMG Music Publishing 22 mai 2007 /OC/F
n° 1230 I sept 2007
14 Comm CE, dec Universal/ SMG Music Pu
bhshmg frée § 270 soulignements ajoutes
15 Analyse confirmée par Comm ( E dec
COMF1 M 3333 - Sony/BMG 3 oct 2007 § 22
et s dans laquelle elle identifiait un marche
de gros pour I octroi de licences de distribu
LEXCASE
3955244300508/GTG/OTO/3
garantir l'accès « sur une base non discriminatoire »17 Cependant,
a la lecture des decisions de la Commission précitées, rendues dans
le secteur de l'industrie musicale, on s'aperçoit bien que ce n'est
alors pas tant le principe de I acces aux répertoires d'Universal que
ses modalités qu'il conviendrait d encadrer S'agissant d'un acces
a une ressource immatérielle, on mesure l'ampleur - si ce n'est
l'impossibilité - de la tâche
13 L'engagement propose en I espèce permet probablement de
repondre a cette preoccupation en encadrant précisément les
conditions dans lesquelles Universal peut licencier son catalogue
aux distributeurs de musique en ligne Plus que de fixer un curseur
sur les conditions commerciales de licence, il interdit a Universal
par le biais des clauses dites « de la nation la plus favorisée », de
s'octroyer automatiquement des avantages dont pourraient bénéficier ses concurrents Ce faisant, cet engagement correspond,
paradoxalement, aux conditions posées par la Commission dans
sa communication, puisqu'elle y souligne que « l'objectif premier
des engagements est de garantir des structures de marche compe
titives »18 En l'espèce, puisque le marche est par nature ohgopohstique, puisqu'il est divise en quatre (et désormais trois) majors,
le seul moyen de préserver une structure compétitive est probablement, au moins et en sus des cessions d'actifs, de favoriser une
diversite contractuelle et donc d'interdire une uniformisation des
pratiques contractuelles au benefice de l'acteur le plus puissant
14 - La Commission favorise ainsi non pas tant un acces uniforme
de tous les distributeurs au répertoire d'Universal que la possibi
lite, pour chacun des distributeurs, d'obtenir des conditions de
distribution différenciées d'une major a I autre La Commission
semble ainsi considérer que, des lors que le principe d'un acces
aux répertoires des majors est acquis - ou nécessaire, au sens du
droit de la concurrence, comme le laissent entendre les decisions
précitées - la concurrence sur le marche intermédiaire entre distri
buteurs peut s'exercer dans leur possibilité de négocier des conditions d'accès différenciées les uns vis a vis des autres et vis a-vis
des editeurs Cette diversite contractuelle serait ainsi garante ou
synonyme d une structure de marche compétitive
B. - Un engagement contrôlable dans sa
mise en œuvre et partant, cohérent avec la
doctrine de la Commission
15 Dans sa communication précitée concernant les mesures cor
rectives, la Commission justifiait sa réticence a accepter des remedes
lion de musique numerique » Egalement re
prise par DGCCRF lettre IS avr 2008 à SFR
relative a une concentration dans le secteur des
télécommunications (C2007/181) p 23
16 § 54 soulignements ajoutes La Commission
rappelait d ailleurs quèlques paragraphes
avant que suite aux refus d acces a leur cata
logue opposes par les majors aux distributeurs
de musique en ligne < les autorites anti trust
américaines ont enquete sur le comportement
restrictif des [majors] en matiere d octroi de
licences ( ) a la suite de quoi les grandes
maisons de disques ont commence a partir de
2003 a concéder leurs répertoires numeriques
en licence a des tierces parties » (§47)
17 Comm CE communication free pt 17
18 Ibid,ptl5
Eléments de recherche : LEXCASE : cabinet d'avocats d'affaires, toutes citations
22 NOV 12
Hebdomadaire Paris
OJD : 3030
Surface approx. (cm²) : 1483
141 RUE DE JAVEL
75747 PARIS CEDEX 15 - 01 45 58 90 00
Page 4/5
Universal s'engage à
ne pas insérer de clause
de la nation la plus
favorisée avec les distributeurs numériques
pendant dix ans
comportementaux
en
raison
notamment de leur difficulté de
controle La Commission indique
ainsi etre particulièrement reti
cente a accepter la promesse d une
entreprise de ne pas se comporter
en acteur dominant, notamment dans la mesure ou de tels engage
ments nécessitent « des mécanismes de surveillance efficaces afin de
garantir que leur effet n est pas lunite, voire annihile par les parties »19,
la Commission soulignant a cet égard la difficulté pour « d'autres ac
leurs sur le marche ( ) d'établir avec le degré de certitude voulu si
les parties satisfont aux conditions de I engagement en pratique >^°
16 En l'espèce cependant, l'engagement comportemental sous
cnt par Universal semble apnori contrôlable, tant par la Commis
sion que par les tiers
17 - Tout d'abord cet engagement est une obligation de ne pas
faire, obligation de resultat par essence21 Ce type d obligation est
en effet théoriquement plus aise a mettre en oeuvre et a contrôler
qu une obligation de faire, davantage sujette a interprétation Bien
plus, en l'espèce, il s'agit d'une obligation de ne pas insérer une
clause - celle de la nation la plus favorisée Autrement dit, toute
clause de « NPF » figurant dans un contrat entre Universal et l'un
de ses distributeurs de musique en ligne situe dans IEEE devient
suspecte, a condition toutefois que l'accord en cause ait ete « renégocie » ou « nouvellement conclu », excluant ainsi la remise en
cause des contrats en cours
Cependant, l'adéquation de cet engagement aux questions de
concurrence identifiées par la Commission dépendra, en large
partie, de sa redaction Fn l'état du communique de presse, il est
simplement indique que « Universal a promis de ne pas insérer de
clauses de la nation la plus favorisée dans les contrats renégocies
ou nouvellement conclus, avec ses clients du secteur numerique
situes dans l'EEE et ce pendant dix ans » Le diable sera necessai
rement dans les détails de la redaction que se passera t il notam
ment pour les contrats contenant a I heure actuelle une clause de la
nation la plus favorisée, et reconduits selon les mêmes termes ? A
lire le communique de presse, on pourrait penser qu'il ne s'agit pas
d'une « insertion » maîs uniquement d un maintien, et donc que
cette pratique tombe hors du champ de I engagement
19 Ibid pt 13
20 Kid pl 69
21 Terre dimier et Lequette Précis de droit civil
des obligations f ed $ 58S i I obligation
dc ne pas faire est toujours une obligation de
resultat Elle consiste dans I interdiction d un
fait précis ( ) Le débiteur s engage a ne pas
deplojer telle activite a ne pas accomplir tel
acte le débiteur ne s engage pas seulement a
faire son possible pour eviter ces faits
22 En droit communautaire la disposition dero
geant a un principe doit taire I objet d une
interprétation stricte \ a titre d exemple
LEXCASE
3955244300508/GTG/OTO/3
18 - Cette position pourrait etre
d autant plus soutenue que les
engagements sont d'mterpretation stricte22 En droit français, ce
principe a ete rappelé de la ma
mere la plus claire par l'Autorité
de la concurrence soulignant que « le principe d'interprétation
stricte des, m/onctions s étend aux engagements ( ) Fn effet, le
Conseil rappelle que 'les engagements, comme les injonctions,
sont d'interprétation stricte, ainsi que la cour d'appel de Paris l'a
rappelé dans un arret du 10 septembre 1996, (societe mediterra
neenne de beton) (' ( ) une injonction, constituant par nature
une mesure contraignante pour celui qui la subit est d interpre
tation stricte ( ) ) »23
19 - En l'espèce, si tel était le cas, l'engagement manquerait sa cible
Cet engagement est en effet suppose aux termes du communique
de presse, rendre « les conditions de concurrence entre Universal et
ses concurrents ( ) plus équitables » Cette equite sera mesurée a
I aune de la mise en oeuvre de cet engagement et de l'absence de latitude laissée a Universal a cet égard Le droit français de la concur
rence est pour sa part emaille de cas d obligations de faire qui n ont
pas ctc réellement suivies d effets, dcs lors qu elles laissaient un forte
latitude aux entreprises chargées dc les mettre en œuvre24 On peut
espérer que tel ne soit pas le cas d une obligation de ne pas faire
2. ... comme dans le cadre national
français
A. - La possibilité d'appliquer en France
l'interdiction des clauses dè « MPF »
20 En France, I article L 442 6, II, d° du Code de commerce
interdit per se les clauses de « NPF », quelle que soit la position
- dominante ou non - des cocontratUnts « Sont nuls les clauses
ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant [etc]
la possibilité ( ) de bénéficier automatiquement des conditions
plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant » L engagement duniversal de ne pas introduire de
telles clauses dans les contrats conclus a\ec les plates formes nu-
C/CE 29 sept 2011 Commission d Irlande
JOUE C 82/10
23 Ant urne dec n° W D 21 30 juin 2010 rela
five au respect par les societes Neopost France
et Satas des engagements pris dans la decision
du Conseil de la concurrence n° 05 D 49 du 25
juillet 2005 $69 V aussi CA Paris 10 sept
1996 Ste Mediterraneenne de Beton rendil sur
recours contre la decision n° 95 D 82 CA Pa
ris 29 mars 1996 SA Tuileries reunion du Ras
Rhin sur recours contre la decision n° 95 D 47
24 V notamment les décisions suivantes du
Conseil et de [Autorite de la concurrence
Eléments de recherche : LEXCASE : cabinet d'avocats d'affaires, toutes citations
dans le secteur des communications electro
niques Cons cône dec n° 02 D 41 26 juin
2002 relative au respect de I injonction pronon
cee a I encontre de la societe Fiance Telecom
par la cour d appel de Paris dans son arret du
29 juin 1999 ~ Cons cône dec n° 04 D 18
13 mai 2004 concernant I execution de la dea
sian n° 00 MC OI du IS fevrier 2000 relative a
une demande de mesures conservatoires presen
tee par la societe 9 Telecom Reseau Ant cône
dec n° 12 D 05 24 janv 2012 relative au res
pea par la société SRR del injonction prononcée
par la decision n" 09 MC-02 du 16 septembre
2009
22 NOV 12
Hebdomadaire Paris
OJD : 3030
Surface approx. (cm²) : 1483
141 RUE DE JAVEL
75747 PARIS CEDEX 15 - 01 45 58 90 00
Page 5/5
menques semble donc, au premier abord, présenter un intérêt
limite pour les distributeurs français ou implantes en France
21 - La réalité contractuelle est cependant bien différente dans
la négociation contractuelle, le choix du for et du droit apph
cable est l'apanage de la partie en situation de force Dans le cas
de la négociation entre un distributeur français et une major,
il est plus que vraisemblable que le for et le droit applicable
soient étrangers, faisant échapper par la même l'ensemble du
contrat a nombre de regles protectrices du droit français
22 - Les contrats de distribution de musique en ligne a desti
nation du public français conclus avec les majors échappent
donc actuellement, pour la plupart, a l'interdiction française
des clauses de « NPF » et a la competence des juridictions françaises Le droit français, tres protecteur des parties « faibles »
en matiere de distribution, s'avère ainsi d'un intérêt limite
pour ces parties, des qu'elles se trouvent dans un rapport de
force tres inégal vis-a-vis de leur cocontractant
23 - A l'heure actuelle, les distributeurs français souhaitant
s'opposer a l'exécution d'une clause de « NPF » se heurtent
ainsi à l'article 48 du Code de procedure civile en application
duquel « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux regles de competence temtonak est réputée non ecrite
à moins qu'elle n'ait ete convenue entre des personnes ayant
toutes contracte en qualite de commerçant et qu'elle n'ait ete
spécifiée de façon tres apparente dans l'engagement de la partie
a qui elle est opposée » II ne leur reste alors qu'a tenter une ac
lion devant le juge des réfères, de nombreuses jurisprudences
précisant en effet qu'« une clause attributive de competence
territoriale est inopposable a la partie qui saisit le juge des refe
res », notamment lorsqu'il s'agit d'une procedure d urgence25
Encore leur faut-il, ensuite, démontrer que la clause en cause
constitue un trouble manifestement illicite
24 - Désormais, et ainsi que la Commission le rappelle dans ses
lignes directrices, l'interdiction faite pour Universal d'insérer
des clauses de NPF met a sa charge des « obligations contrai
gnantes » dont l'absence de respect est susceptible d'entraîner
l'imposition d'amende ou d'astreinte, voire la dissolution de
la concentration, si une telle sanction était attachée au non
respect de l'engagement dans la decision26 De maniere plus
pragmatique, le distributeur qui serait confronte a une tenta
live duniversal d'imposition d'une telle clause pourrait sans
aucun doute saisir le juge des réfères français en annulation
de la clause insérée dans le contrat, peu important alors que
ce dernier donne competence aux juridictions d'un autre
25 CA Lyon 16 dec 1994 confirme par Cass
f av 17 juin 1998 n° 95 10563 Juns
Data n° 1998 002732 V également Cass
com 25 juin 2002 n° 99 14761 Cass 2e
av 19nov 2008 n°08 ll 646
LEXCASE
3955244300508/GTG/OTO/3
Etat Le juge des réfères pourrait alors condamner le trouble
manifestement illicite que serait la violation d'un engagement
volontairement souscrit, auquel la Commission europeenne a
donne force obligatoire pour Universal en amortissant la decision d'autorisation de la concentration de cette condition A
nouveau, la redaction des engagements sera déterminante
tout flottement ou ambiguïté pouvant en effet être considère
comme fondement d'une contestation sérieuse par le juge des
réfères
B. - Un complément à la régulation
sectorielle française
25 En France, l'industrie musicale avait déjà adopte en 2011
les « 13 engagements pour la musique en ligne », charte ela
borée sous l'égide du ministere de la Culture ayant pour but
« d'assurer l'essor en France de la musique en ligne », dans
l'optique de remédier a certaines difficultés et points de ten
sion rencontres de maniere récurrente lors de la négociation et
renégociation des contrats de distribution entre distributeurs
et editeurs de musique27
26 - Ces engagements visent, en substance, a préserver la valeur de la musique sur Internet pour l'ensemble des acteurs de
la filiere, a savoir les producteurs, les editeurs et les artistes in
terpretes Assez logiquement, ces engagements ne comportent
aucune disposition relative aux clauses de la nation la plus
favorisée, pratique interdite per se en droit français
27 L'engagement comportemental adopte par Universal
vient donc compléter efficacement ce dispositif français, dont
la sanction est plus complexe a obtenir en justice, ne s'agissant
pas d'un engagement au sens du droit de la concurrence, maîs
d'une « charte de bonne conduite de l'industrie », qui devra
etre réexaminée dans les vingt-quatre mois de son adoption
Le suivi de sa mise en oeuvre, confiée a La Haute Autorite pour
la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet
(HADOPI) pourrait être affaibli par les critiques et reserves
actuelles que suscite, quels qu en soient les mentes, la Haute
Autorite de la part du nouvel executif
28 - On peut donc espérer que les engagements souscrits par
Universal, destines a rendre les conditions de concurrence
« plus équitables » entre Universal et ses concurrents et a le
ver les craintes de la Commission sur les futures conditions
de licence de son catalogue, viennent utilement proteger les
acteurs de la filiere, au benefice de l'ensemble de la chaine de
valeurs, de l'innovation et, rn fine, du consommateur
26 Cotis UE régi (CE) n° 139/2004 prec,
art 8 4, 14 2 et 15
27 http //www dgmic culture gouv fr/IMG/
pdf/signature_accord_musique_en_ligne
pdf
Eléments de recherche : LEXCASE : cabinet d'avocats d'affaires, toutes citations

Documents pareils