Objets santé connectés : gadgets aujourd`hui
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Objets santé connectés : gadgets aujourd`hui
DOSSIER Objets santé connectés : gadgets aujourd’hui, indispensables demain ? 8 Respire N° 31 rentrée 2015 DOSSIER Objets santé connectés : gadgets aujourd’hui, indispensables demain ? >P AR AGNÈS BOUCHAUD-CHABOT, RHUMATOLOGUE Les objets santé connectés existent déjà (bracelets, balances, montres,…) et sont en plein développement. Le « quantified self », que l’on peut traduire par « auto-mesure de soi », est cette tendance qui consiste à tirer parti de technologies numériques de plus en plus communicantes et miniaturisées pour mesurer son état de santé. Mieux suivre ses propres indicateurs de santé permet en théorie un diagnostic précoce des maladies et un traitement plus adapté. Plus en amont encore, les objets connectés sont potentiellement de formidables outils de prévention santé. Associant une fonction ludique et pratique afin d’avoir un regard sur sa santé, et la possibilité d’utiliser les plateformes des réseaux sociaux pour partager ses données, le consommateur en est friand. Mais sontils vraiment utiles, ou bien ne faut-il y voir qu’un effet de mode ? > Qu’est-ce qu’un objet connecté ? C’est un objet composé de capteurs qui envoient des informations vers une application mobile ou un service web. Certains objets connectés ont un usage purement personnel (évaluer sa forme, progresser dans un sport, maigrir...), d’autres s’intègrent dans une stratégie de prise en charge globale (bien prendre son traitement, contrôler sa tension, sa fréquence cardiaque, mesurer sa glycémie,...). Dans tous les cas, les objets connectés permettent de mieux se connaître, de surveiller et d’améliorer sa santé. Ils permettent d’enregistrer automatiquement nos propres données de santé (compter le nombre de pas effectués dans une journée, mesurer sa tension...) et les suivre facilement. A noter qu’un célèbre fabricant de chaussures de sport a inclus un « traqueur d’activité » dans ses modèles dédiés à la course à pied, popularisant ainsi cet outil. 11 % des français sont déjà équipés d’un objet connecté (sondage Ifop réalisé en novembre 2013). Il s’agit le plus souvent de la balance (6 %) et d’une montre ou d’un bracelet (2 %). À noter également que 12 % des français envisagent d’acquérir un tel objet dans les trois ans à venir. >Q uels sont les différents objets santé connectés pour mieux suivre sa santé ? 0 Les objets « forme » > La balance connectée Elle a été le premier objet santé commercialisé, à un prix moyen de 120 €. C’est une balance « intelligente » qui permet de suivre son poids et son Indice de Masse Corporelle (IMC). Les informations sont automatiquement envoyées à un smartphone ou un ordinateur. Grâce à ce type de balance, on peut suivre sa courbe de poids, se fixer des objectifs à atteindre et mesurer les progrès accomplis. > Les bracelets et les montres connectés Les bracelets connectés se portent en permanence. Certains renseignent sur le niveau d’activité physique (nombre de pas et de kilomètres parcourus, vitesse et type de déplacements, calories brûlées, etc.) et indiquent si l’on atteint ou non ses objectifs. D’autres enregistrent les battements cardiaques, ou la qualité du sommeil. Les montres connectées, plus perfectionnées, sont en plein essor. > La brosse à dents connectée Cette invention transmet de nombreux paramètres sur la façon dont on se brosse les dents. Les capteurs qui équipent cette brosse à dents renseignent notamment sur la durée de chaque brossage et sur les zones les moins bien nettoyées. En retour, des conseils d’amélioration personnalisés sont délivrés : mouvements, où insister, etc. > Les capteurs de sommeil Ils se glissent sous le matelas et enregistrent divers paramètres : mouvements, habitudes, cycles de sommeil, rythme cardiaque, etc. D’autres capteurs, insérés dans un objet à poser sur la table de nuit, enregistrent la température, la luminosité, le bruit. On obtient en retour des consignes pour améliorer le sommeil et pour programmer son réveil dans les meilleures conditions avec la diffusion d’une lumière ambiante d’intensité progressivement croissante au moment le plus propice du cycle de sommeil. Respire N° 31 rentrée 2015 9 DOSSIER > La fourchette minceur Cette fourchette a été développée pour aider à diminuer la vitesse à laquelle on mange et ainsi limiter les apports caloriques (réglée sur une bouchée toutes les 10 secondes). Elle a été créée à l’origine dans le cadre d’un programme médical à destination des personnes souffrant d’obésité. 0 Les objets « santé » > Le pilulier intelligent Il s’agit simplement d’une boîte à médicaments qui s’allume et envoie un signal d’alerte (sonore, SMS...) si on oublie de prendre son traitement. Sur le même thème, une entreprise américaine travaille sur une gélule qui, une fois avalée, se positionne dans l’estomac sans être digérée et détecte si le traitement a bien été pris. Ainsi, tous les patients qui oublient leur traitement en sont avertis. > Un tensiomètre connecté pour les hypertendus Un quart de la population mondiale souffre d’hypertension. Alors, quand un petit objet permet de suivre en permanence sa tension, d’imprimer des rapports à transmettre à son médecin traitant, le suivi des patients en est facilité. > Les lentilles de contact pour diabétiques Google travaille actuellement sur un projet de lentilles de contact permettant de mesurer le taux de glucose dans les larmes, ce qui aiderait les diabétiques à mieux surveiller leur glycémie et ainsi faire moins de malaises. > Un patch connecté pour les patients Alzheimer SACHA est un projet français : la création d’un patch dont les capteurs géolocalisent les patients souffrant de dépendance (Alzheimer entre autres). Le patch émet un signal d’alerte en cas de chute ou de fugue accidentelle afin de secourir la personne le plus rapidement possible. De la télémédecine à la santé connectée Avec les objets santé connectés, les données collectées sont traitées pour les patients et non pas destinées aux professionnels de santé comme en télémédecine. Mais les patients ont la possibilité de les transmettre facilement à leur médecin dans le but d’améliorer ensemble leur prise en charge. La confidentialité des données est une préoccupation importante : avant d’être accessibles à l’individu et à son réseau social, ces informations transitent par les serveurs des acteurs économiques qui commercialisent ces services. La constitution de vastes gisements d’informations qui échappent au contrôle, voire à la connaissance de l’individu, et risquent d’être utilisées à des fins de publicité ciblée, de vente de services, de mises à la disposition 10 Respire N° 31 rentrée 2015 de tiers, porte sur des données sensibles car elles touchent à l’intimité. Quand la collecte est initiée par les acteurs « traditionnels » du monde de la santé, elle a vocation à s’insérer dans des règles de protection et des procédures d’agrément existantes (dispositifs médicaux, hébergeurs de données de santé). Lorsque les éléments sont recueillis par l’individu lui-même, l’une des difficultés est de savoir si ce sont des données de santé qui doivent être confidentielles. Certains ont trait à la santé (la tension, par exemple), d’autres, apparemment plus anodins (la qualité du sommeil ou le poids) peuvent, reliés entre eux, révéler des données sur l’intimité voire l’état de santé d’une personne. Il faut ainsi sensibiliser les utilisateurs et leur conférer les moyens techniques de contrôler leurs données. Le défi est d’accompagner l’innovation, tout en veillant à ce qu’elle ne se fasse pas au détriment de la vie privée. La CNIL travaille sur ce sujet et recommande : > d’utiliser, si possible, un pseudonyme pour partager les données, > de ne pas automatiser le partage des données vers d’autres services (notamment vers les réseaux sociaux), > de ne publier les données qu’en direction de cercles de confiance, > d’effacer ou de récupérer les données lorsqu’un service n’est plus utilisé. La santé connectée va devoir encore surmonter quelques freins. Parmi les obstacles évoqués à l’achat, on relève le doute sur la fiabilité des mesures, l’impression d’une intrusion dans le quotidien, la méfiance quant à l’utilisation des données, la peur de ne pas savoir se servir de l’objet, la peur d’une dépendance comme celle des smartphones. Les objets connectés sont d’ores et déjà très présents, et leur aspect ludique associé au partage d’informations sur les réseaux sociaux en font des gadgets appréciés des consommateurs (plus de deux tiers des américains déclarent suivre au moins un indicateur de forme ou de santé). Pouvoir suivre simplement son activité physique, son sommeil voire son alimentation aide certainement à prendre conscience d’un mode de vie parfois trop sédentaire, et donc de tenter de le modifier en augmentant son activité physique. Une utilisation plus médicale, chez des malades et pas seulement chez les bien-portants, est sans doute à prévoir dans les prochaines années. La sécurisation et la confidentialité des données seront alors des préoccupations au premier plan.