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8 – La
Unfille
instant
en couv
s’il vous plaît [Interview]
Par Romain Cole | Photo Frédéric Stucin
BELLA
CIAO ?
Rendue plus « femme » dans le Café Society de Woody Allen,
Kristen Stewart y dit-elle pour autant adieu à sa légendaire
capacité à séduire en tomboy évanescent ? Pas sûr.
Par Anouk Brissac | Photos © Gravier Productions, Inc., Photographer - Sabrina Lantos
W
oody Allen l’a voulue plus
féminine que jamais. Les
jambes tantôt nues sous
des jupes très courtes,
tantôt drapées d’un fourreau, une étole de dame en fourrure à portée
de main. Dans Café Society, il est loin l’éternel sweat à capuche de Bella (Twilight), la
princesse gothique qui fit d’elle une étoile,
le même qu’elle arbore comme une seconde
peau dans la « vraie vie », préférant les oripeaux grunge aux tralalas de jolie fille. Mais
si Allen est parvenu à la relooker en poupée
coquette, il se heurte à une réalité qui colle
aux baskets – pourries – de l’actrice : celle
d’être parfaitement indifférente au bruit que
provoque sa beauté, pourtant assourdissant.
D’imposer, envers et contre tous ceux qui la
filment, un profil obstinément bas vis-à-vis de
sa capacité à séduire, en un clin d’œil couleur
menthe voilé d’une mèche noire, le moindre
spectateur. Alors oui, quand Vonnie fait son
apparition dans Café Society il est immédiatement entendu que l’objet du désir, ce sera
(encore) elle. Que les hommes de l’histoire
sombreront dans ses bras ou dans le chagrin
selon qu’elle les considèrera, ou pas. Mais très
vite la nature discrète et passive de l’actrice,
qu’on aime et qu’on guettait, reprend le dessus. Et l’on retrouve alors le garçon manqué au
regard inquiet, cette allure gauche et juvénile
et ce sourire gentil qui confèrent à Stewart un
pouvoir qui vire à l’envoûtement, au sortilège,
et même à la douleur qu’implique toute claque
esthétique. D’autant plus retentissante qu’elle
est inoffensive.
« K-Stew » est la nouvelle égérie de Mister Woody, qui fait d’elle l’appât irrépressible de Café
Sociéty, confirmant au passage l’implantation
de la mégastar de 26 ans dans le cinéma d’auteur.
Illimité lui a passé un coup de fil à Los Angeles,
histoire de débriefer. C’est parti ma Kiki.
Vous voilà chez Woody Allen !
La consécration et la légitimation
ultimes non ?
— Quand j’ai passé l’audition, mon premier
gros challenge a été de vaincre mon manque
d’assurance. J’étais tétanisée à l’idée de bosser
avec un tel monument, et dans son univers si
singulier, avec son propre vocabulaire « allénien ». Si tu t’en sors pas avec ses codes, c’est
mort. J’ai auditionné sans avoir lu le script, sans
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10 – La fille en couv
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avoir la moindre idée du sujet du film. On m’a
juste donné une feuille volante avec quelques
dialogues. Mais bon, c’est tellement bien écrit
un film de Woody Allen, tellement malin…
Il vous a bichonnée, genre « la petite
nouvelle » ?
— Ses films, c’est de l’artisanat de luxe, de
l’orfèvrerie de grand maître. Sur le plateau, il
t’emmène dans son monde. Il fait tout pour
que tu te sentes à l’aise, pour t’amuser, si bien
que, à la fin de la journée de tournage, tu n’as
pas du tout le sentiment d’avoir travaillé.
Je voudrais revenir sur ce que vous
avez dit : vous auditionnez encore pour
décrocher un rôle ?!
— Oui ! Mon personnage, Vonnie, on ne peut
pas faire plus éloigné de ceux que j’ai incarnés
avant. Elle est légère, pétillante, des qualités
que je ne dégage pas naturellement. J’imagine
qu’il voulait s’assurer que j’étais capable de les
jouer. Vous savez, ça ne me pose aucun problème de passer des auditions. C’est rare mais
ça m’irait qu’on me le demande plus souvent.
J’aime me prouver que je mérite ce que j’ai. Et
ça donne confiance d’être choisie après avoir
été « jugée sur pièce ».
En effet, Vonnie est souriante et candide,
elle virevolte dans de petites robes avec
un nœud dans les cheveux. Ça va faire
drôle au public qui vous connaît surtout
énigmatique et taiseuse…
— Encore une fois, c’est si bien écrit que je n’ai
pas eu beaucoup à faire pour me glisser dans
ses jupes. J’ai travaillé mon accent californien,
tout en veillant à rester naturelle, pas « cartoonesque ». Et surtout j’avais comme partenaire
Jesse (Eisenberg), avec qui j’ai déjà beaucoup
tourné (Adventureland : un job d’été à éviter
en 2008 et American Ultra en 2015). On est
amis, on s’est vus grandir sur ces trois films.
C’est drôle d’ailleurs, de voir l’évolution dans
le temps des trois couples qu’on a formés, des
gosses innocents jusqu’à la dure réalité de la
vie, les mauvais choix sentimentaux… Entre
nous, ça colle et ça décolle ! On peut vite avoir
un côté nerd tous les deux. Du coup, je suis à
l’aise avec lui. Je n’ai honte de rien, c’est LE
partenaire qui sait me détendre.
D’autant que vous n’avez aucune
technique à laquelle vous raccrocher en
cas de loupé. Vous revendiquez n’avoir
jamais pris de cours de théâtre, ne pas
travailler avec un coach et préférer
l’impro…
— Je ne suis pas contre, c’est juste que, jusqu’à
présent, aucun de mes rôles ne nécessitait de
coach. Si j’en décrochais un qui me demandait d’accéder à des zones émotionnelles que
je n’ai jamais explorées, j’y penserais. Mais
même les répétitions en amont me gênent.
Elles flinguent ce que je peux donner dès que
la caméra tourne, le vertige de la première
prise. Elles tuent le réel, l’instant, on tombe
dans l’imitation de la vie, et alors je ne pense
plus qu’au fait que tout est « pour de faux ».
Être coachée, c’est comme faire une thérapie.
Tu finis par te connaître si bien que, face à une
situation, tu sais quel levier actionner pour
avoir la bonne réaction. Cet aspect intentionnel me gêne. Moi j’ai besoin de trembler de
peur, de nerfs, d’énergie, pas d’être bien pré▶▶
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12 – La fille en couv
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Café Society
parée et confiante. C’est pas très pro ? Faux,
c’est ainsi que j’ai construit ma carrière donc
c’est que ça fonctionne avec moi. Jusqu’à présent du moins (rires) !
Sortie
le 11 mai.
Café Society épingle la cruauté
d’Hollywood, la célébrité, le star system,
des impondérables de votre métier que
vous déplorez publiquement. Déjà, dans
Sils Maria d’Olivier Assayas, en vous
glissant dans la peau de l’assistante d’une
star de cinéma, vous leur disiez,
en substance, un gros « Merde »…
— Je ne dis pas « Fuck you » à la célébrité.
J’adore mon métier et, oui, je déplore ses àcôtés mais, vous savez, les films et ce qu’on y
dit, c’est de la fiction hein, c’est faux…
Certes, mais quand même. Robert
Pattinson et vous êtes devenus des
stars planétaires avec Twilight. La saga
achevée, lui joue un chauffeur de stars
hystériques dans Maps to The Stars
tandis que vous faites Sils Maria et qu’on
vous verra cet automne dans Personal
Shopper, toujours d’Assayas, où vous
serez encore au service d’une célébrité.
Ça ne raconte rien ça, selon vous ?
— Peut-être que ces personnages dans la peau
d’une autre actrice n’auraient pas sonné si
pertinents, en effet. Si un metteur en scène veut
parler de ça, alors oui, ça raconte quelque chose
qu’il confie ces rôles à des gens qui connaissent
bien de quoi il retourne, qui ont vraiment mais
alors vraiment mis les mains dedans. Olivier et
Woody Allen ont compris ça…
Après Twilight, ce genre de cinéastes,
vous avez pris conscience que vous
vouliez vous en rapprocher, histoire
d’effacer un peu l’impact Bella Swan-teen
idol-saga young adult ?
— Je n’ai jamais rien fait dans ce but précis,
même si j’ai conscience que cet impact est
très fort. Dans mes choix il y a aussi l’aspect
« vie ». Même un film moyen, s’il me permet
de vivre une expérience forte, je fonce, sans
prendre à chaque fois la précaution de vouloir
être dans un chef-d’œuvre. Pas de choix de
carrière stratégiques ou trop précautionneux.
Mais c’est important tout de même d’être
adoubée par l’intelligentsia…
— Je suis consciente que c’est cool d’être associée à ce type de cinéastes. En tant qu’actrice
américaine, travailler hors de chez soi c’est
une chance. Il y a une vraie différence avec
les États-Unis, c’est la prise de risque et la
motivation. À l’image d’Olivier ils ne vendent
pas leur âme. En France les gens ne font pas
des films pour l’argent et devenir célèbres, ils
les font par passion, tout entiers, par nécessité
et sans concession.
Merci pour elle. Elle vous le rend bien,
Cannes a sélectionné Café Society et
Personal Shopper…
— C’est mon tapis rouge préféré entre tous les
tapis rouges du monde ! Vous savez pourquoi ?
Vous n’êtes obligée de parler à personne, personne ne vous parle et vous ne montez pas
seule mais avec tout le casting et le réalisateur. Vous regardez le film et comme dans la
salle on sent tous les fantômes prestigieux du
passé, même si tout le monde déteste le film,
ça se passe bien. C’est cool.
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