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QUI ÊTES-VOUS ANTHONY BROWNE ?
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Son enfance
Anthony BROWNE naît le 11 septembre 1946 à Sheffield (Angleterre). Très tôt, il partage
avec son père Jack et son frère aîné Michaël la passion du dessin.
Son père est boxeur professionnel, professeur de dessin, batteur de jazz… Il encourage ses fils
à pratiquer les sports collectifs : rugby, football, cricket. C’est la figure paternelle qui sert
d’inspiration à Anthony Browne pour ses personnages de gorilles sympathiques. « Cet
homme grand et fort (…) était très physique. Et les gorilles sont un peu comme ça. Ce sont
d’énormes créatures puissantes à l’aspect féroce, qui sont en fait des animaux doux, délicats
et sensibles »*.
Durant trois ans, Anthony BROWNE suit les cours du Leeds College of Art ; il pense devenir
peintre.
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Sa carrière
Il commence à gagner sa vie en travaillant comme artiste médical : il fait des compte-rendus
d’opérations et d’autopsies peints au pastel ou à l’aquarelle. Il apprend beaucoup pendant
cette période, notamment dans la façon de raconter des histoires en images.
La création de cartes postales l’aide à vivre pendant quinze ans. Puis, il fait une rencontre
déterminante : l’éditrice qui publiera son premier livre, Julia MacRae.
Son épouse Jane, musicienne et artiste, a illustré trois albums : La marâtre, Le petit et Petit
clandestin. Ils ont deux enfants.
Anthony BROWNE travaille dans une petite maison plantée au fond de son jardin du Kent.
En 2000, il reçoit la plus haute consécration pour un illustrateur d’albums pour la jeunesse : le
Prix Hans Christian Andersen, pour l’ensemble de son œuvre.
* Information prélevée dans le discours prononcé par Anthony Browne lors de la remise du prix Hans Christian
Andersen 2000, texte publié dans le n°197 de février 2001 de la Revue des Livres pour Enfants, traduit par Isabel
Finkenstaedt, directrice des éditions Kaléidoscope
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LA FAMILLE
Dans les albums d’Anthony BROWNE, la structure familiale est toujours présentée de
façon restreinte, sans grands-parents ni oncles et tantes. La famille vit repliée sur elle-même,
sans voisins ni amis. L’image de la famille souvent négative au début de l’album, évolue
généralement vers une relation un peu plus chaleureuse et positive.
Dans Tout change, Anthony BROWNE n’hésite pas à mettre en scène sa propre famille.
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Types de famille
Dans la famille traditionnelle ( un couple avec deux enfants ou un enfant unique), la
communication passe mal :
- Eric préfère parler au coucan de nuit plutôt qu’à ses parents (Le coucan de nuit).
- Les parents de Joseph Kah n’ont pas su préparer leur fils à la naissance imminente de
sa petite sœur (Tout change).
- Karine est harcelée d’injonctions de sa mère tandis que son père préfère s’enfermer
dans sa cabane au fond du jardin.
- La discussion est difficile avec le père (Zoo, Le jeu des formes).
Dans la famille traditionnelle, les adultes y sont généralement plus père et mère que hommes
et femmes. La mère est souvent opprimée et isolée (sujet central de A calicochon) exception
faite dans Le jeu des formes où c’est elle qui est à l’initiative de la journée au musée et qui
anime la visite.
Dans Hansel et Gretel, la marâtre est le personnage négatif qui se confond avec celui de la
sorcière ; elle se montre dominatrice et préfère visiblement sacrifier les enfants à son bienêtre, à ses bijoux ou à ses produits de beauté.
Le père est le plus souvent mis en scène comme un personnage terne et effacé ou au contraire
grossier et démonstratif. Les garçons y sont représentés à son image.
La famille monoparentale semble un moindre mal par rapport aux autres familles rigides et
étouffantes :
- Une forme d’organisation perçue comme une source d’harmonie règle la vie de Katy
(Des invités bien encombrants).
- Réglisse soutient et réconforte son père par sa bonne humeur et son dynamisme (Une
histoire à quatre voix).
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Anna souffre de solitude aux côtés de son père mais lui apporte finalement un peu
d’humanité.
La famille s’agrandit
C’est moins la naissance d’une petite sœur que l’annonce sibylline de son père que quelque
chose allait changer qui angoisse Joseph Kah ( Tout change) : aussi essaie-t-il avec
imagination de se représenter ce changement. Des métamorphoses aussi envahissantes que
surréalistes illustrent l’interrogation de l’enfant. L’image finale montre cependant l’image
d’une famille unie autour du bébé.
Dans Des invités bien encombrants, la famille s’agrandit avec l’arrivée de Marie et de son fils
qui bouleverse la vie bien réglée et sereine de Katy, seule avec son papa. Katy les trouve
encombrants et indésirables. La fin laisse cependant entendre que la famille pourrait bien
quand même se recomposer.
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Les membres de la famille
Le papa est l’un des personnages favoris de l’artiste : fragile, balourd ou immature,
exubérant ou effacé, adoré par son enfant ou ne sachant lui parler. Il peut être
caricaturé mais en laissant la porte ouverte à une éventuelle évolution de son
comportement comme le montre l’humanisation du père de Anna à la fin de Anna et le
gorille.
Dans Mon papa, les illustrations sont pleines d’humour et de dérision. Elles
accompagnent un texte faisant l’éloge d’un père par son enfant.
Du côté de la figure maternelle, la condition de mère joue un rôle plus important que
la mère elle-même. Elle est triste, effacée ou sous la domination de son mari.
Parfois elle est simplement absente de l’histoire :
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Dans Des invités bien encombrants, Katy ne rend visite à sa mère que « de
temps à autre ».
-
Le cadre vide sur le bureau du père d’Anna illustre l’absence de relation avec
sa mère.
-
Dans Le Tunnel, on ne voit de la mère qu’une main qui intime aux enfants
l’ordre d’aller dehors !
Quand elle est représentée, la mère est peu valorisée :
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Elle s’occupe des tâches ménagères sans en tirer la moindre considération de la
part du mari et des fils (A calicochon).
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-
Dans le quotidien de Karine, elle arbore le tablier de la ménagère ou celui de la
caissière de supermarché. Ses efforts pour améliorer son image sont réduits au
port du bigoudi !
Contrairement aux représentations habituelles dans la littérature jeunesse , la mère
n’est ni aimante ni aimée :
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Dans Une histoire à quatre voix, la mère de Charles est une bourgeoise
hautaine, froide et fermée. Même à la fin de A calicochon, quand le père et les
deux garçons font pénitence, on sent que la famille s’est plus re-formée autour
d’un nouveau modus vivendi que sur l’amour et le respect de l’autre.
Relations parents-enfants
Quand la famille n’est pas complète, les relations sont croisées, soit de père à fille, soit de
mère à fils. L’adulte n’est jamais un antagoniste puisque le conflit ouvert est inexistant. Les
parents ne sont jamais un recours ou un soutien pour leur enfant.
L’enfant ne peut donc se construire à travers lui ou en opposition avec lui : il se
construit seul, souvent dans un monde imaginaire (Le coucan de nuit, Ce que Karine
savait).
Au sein des familles traditionnelles, les garçons sont à l’image de leurs pères soit
physiquement, soit dans leur personnalité, soit dans leurs postures. Pourtant,
contrairement aux deux fils dans A Calicochon, Julien et Georges dans Zoo ont honte
des pitreries de leur père (« Tout le monde a ri sauf Maman, Julien et moi »). Par
contre les filles au sein des familles monoparentales sont souvent le ressort optimiste
de la relation.
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La fratrie
Dans les albums d’Anthony BROWNE, il n’existe pas de famille nombreuse : les
enfants ne sont jamais plus de deux. On peut établir deux schémas fraternels.
La relation entre frères s’exprime surtout par des chamailleries, des petites bagarres
et des taquineries propres à ce type de relation .
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Dans Zoo et Le jeu des formes, l’auteur a choisi de mettre en scène la même
famille dans deux lieux différents, le zoo et le musée. Zoo est raconté par
Georges tandis que dans Le jeu des formes, le narrateur est Julien, son frère.
Dans les deux histoires, les frères se plaignent respectivement l’un de l’autre et
leur regard vis-à-vis des parents est identique.
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-
Dans A calicochon, les deux frères ne sont pas traités comme des personnages
individualisés ou autonomes : ils sont assimilés au père, en reproduisent les
travers et laissent craindre une pérennité de ce comportement machiste dans la
famille !
La relation frère et sœur accuse le trait du stéréotype masculin/féminin :
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C’est Hansel qui trouve une solution à la tentative des parents de le perdre avec
Gretel dans la forêt. C’est lui qui rassure sa sœur quand la situation s’aggrave.
Gretel pleure quand, séparée de son frère par la sorcière, elle n’a d’autre
recours que d’implorer Dieu.
-
Dans Le tunnel, le garçon fait preuve d’un tempérament actif, dynamique,
voire agité. Jack joue à l’extérieur de la maison et il est mis en scène avec un
ballon au pied. Rose, elle, est représentée comme une enfant calme et
introvertie dont l’activité favorite est la lecture. Elle est associée à l’intérieur
domestique et aux mondes imaginaires.
-
Pourtant dans ces deux albums, c’est la fillette qui agit avec force et courage et
sauve finalement son frère. De l’acte quasi héroïque de Rose, naît une
reconnaissance et une complicité entre le frère et la sœur ; dans Hansel et
Gretel en revanche, cela débouchera sur la mort de la marâtre et un
renouement chaleureux entre le père et les deux enfants.
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LES LIEUX
Les lieux dans lesquels évoluent les personnages d’Anthony BROWNE sont variés et font
partie de notre quotidien. L’extérieur est le plus souvent un décor urbain : parc, zoo, musée,
rue ou plus occasionnellement, stade, piscine, cinéma, bibliothèque. L’intérieur de maison est
aussi largement représenté. L’espace y est truffé de détails, accessoires inattendus ou
représentations insolites, porteurs de sens sur l’histoire et sur le comportement des
protagonistes.
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Les décors urbains
La ville porte les marques du décor urbain anglais avec ses murs de briques.
Elle n’est pas mise en scène comme un lieu idyllique mais est plutôt présentée par :
- des usines désaffectées aux vitres brisées (Marcel le magicien)
- une palissade en bois qui cache sans doute un chantier ( Marcel la mauviette)
- un terrain vague qui sert d’espace de jeux (Le tunnel)
- des murs couverts de graffitis
Si la population n’est pas vraiment représentée, Anthony BROWNE nous livre quelques
indices : les pères sont parfois touchés par le chômage (pères de Réglisse et de Karine) et une
bande de voyous agresse Marcel.
L’habitat individuel et résidentiel apparaît occasionnellement. Il n’inspire pas vraiment le
bonheur : la vie de Charles avec sa mère n’est pas tellement enviable bien qu’elle soit sans
doute plus confortable que celle de Réglisse (Une histoire à quatre voix) !
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Les décors naturels
Le parc est un élément récurrent dans l’environnement urbain d’Anthony BROWNE.
Il incarne une nature maîtrisée : allées, jardins topiaires. Les bancs, arbres, arbustes sculptés,
statues et réverbères sont sujets de détournement et permettent à l’auteur de créer un univers
fantaisiste, insolite voire surréaliste.
Le parc est un lieu de vie sociale à l’anglaise où s’exercent de multiples activités : on y fait
son jogging , on y promène son chien, on s’arrête sur un de ses bancs, on y pique-nique…
Inversement, la solitude et l’exclusion de Marcel y apparaissent plus fortement encore : dans
Marcel et Hugo, Marcel marche seul dans l’allée tandis que de nombreux personnages ont
investi la pelouse, formant des groupes diversement occupés.
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La plage, représentée au début Des invités bien encombrants comme un espace naturel
préservé et désert, est investie à la fin de l’album par l’activité humaine, comme le parc. Une
parodie du tableau « Le déjeuner sur l’herbe » y est représentée. Ici cependant les activités
sont individuelles, parfois narcissiques et l’humain y est tourné en dérision.
La forêt (Hansel et Gretel, Le tunnel) et la jungle (Ourson et les chasseurs) sont les seuls
milieux naturels « sauvages ». Il s sont souvent inquiétants et dangereux.
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Les intérieurs de maison
Quasiment toutes les pièces de la maison sont représentées dans l’œuvre d’Anthony
BROWNE.
- la cuisine : souvent exagérément géométrique et rectiligne, d’une propreté et d’une
froideur chirurgicale où l’on ne peut y associer ni odeurs, ni bruits ni couleurs liées
aux réalisations culinaires ordinaires. Les enfants y sont le plus souvent seuls ou face à
une adulte plongé dans la lecture du journal ! Seule Anna face à son ami gorille
partage un plantureux repas.
-
le salon : représenté avec un canapé, un fauteuil et souvent une télévision. C’est un
lieu de lecture et de rêve pour Marcel. C’est aussi l’endroit où le père de Réglisse se
laisse gagner par les idées noires et où les mâles Porchon se laissent aller à leur
penchant machiste. Les parents d’Hansel et Gretel sont trop pauvres pour disposer
d’un vrai salon. Des motifs à fleurs sur les tissus d’ameublement ou les tapisseries
murales ouvrent un peu la porte à la fantaisie, à l’imaginaire.
-
la chambre des enfants : endroit où Eric laisse apparaître le coucan de nuit, où Anna
se sent parfois seule mais y trouve aussi un sommeil peuplé de rêves, où Rose y voit
un lieu de contes.
Dans ce territoire préservé, les enfants rêvent et lisent. Hormis quelques peluches, les
jeux y sont peu présents. La chambre n’est pas un lieu de vie majeur.
-
la chambre des parents : peu représentée. Dans Hansel et Gretel, les parents la
partagent avec les enfants tandis que chez Karine, elle est réduite à l’emplacement que
son père, chômeur, occupe toute la journée dans le lit pendant que la mère travaille.
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LES PERSONNAGES SIGNIFICATIFS
« Je me rends compte que la grande majorité de mes livres ne traitent pas, comme certains
semblent le croire, de gorilles ou de chimpanzés : ils parlent d’émotions et d’enfants
solitaires » (Anthony BROWNE)
Si l’on exclut les humains, les personnages sont à classer en deux catégories : les chimpanzés,
et les gorilles.
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Les chimpanzés
♦ Marcel
Sa tenue vestimentaire et son prénom, lui donnent un air ringard : pull jacquard sans
manche, chemise boutonnée jusqu’au cou, cravate ou nœud papillon, pantalon trop court à
rayures qui laisse apparaître ses chaussettes et souliers bien cirés. Sa coiffure est en décalage
avec son jeune âge : une raie au milieu du crâne avec des cheveux lissés et plaqués. Sa
posture voûtée lui donne l’allure d’un vieillard. Il est chétif et vulnérable ce qui n’est pas
sans lui poser de problème relationnel avec les gorilles.
C’est un cœur tendre (Marcel le champion), un grand rêveur (Marcel le rêveur), un
méticuleux et un superstitieux (Marcel le magicien). Il est également appliqué et persévérant
(Marcel la mauviette) quand il décide de ne plus être une mauviette. Il n’est jamais agressif
même quand il affronte Pif la terreur : il est courageux avec innocence et candeur.
Il est solitaire, n’ayant ni famille ni amis (sauf Mimi et Hugo) ni groupe auquel se rattacher.
Il aime la lecture mais ne brille dans aucun sport. Il peint à l’occasion et fréquente les musées
(Les tableaux de Marcel).
♦ Mimi
C’est l’amie de cœur de Marcel qui la protège et prend soin d’elle (Marcel la mauviette).
Dans Les tableaux de Marcel, elle apparaît aux côtés de son ami, baigneuse à la Grande Jatte,
éplorée auprès de Saint Georges terrassant le dragon, ou épouse malgré elle du terrible Pif la
terreur alias l’époux Arnolfini.
Elle est, comme Marcel , toujours habillée de la même façon : robe blanche à pois rouges,
rouge à lèvres assorti à la couleur de son foulard, chapeau de paille garni de fleurs et de fruits,
collants rayés verts et chaussures rouges. Comme son ami, elle dégage un look désuet.
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Les gorilles
Ils sont partout : à la piscine, à la bibliothèque, au cinéma, au stade, au parc, dans la rue etc…
On peut les distinguer en deux catégories incarnées respectivement par Pif la terreur et Hugo.
♦ Pif la terreur
C’est un mâle dominateur que Marcel doit affronter. Il est le stéréotype du voyou avec son
blouson clouté en cuir noir, son jean et ses bottes. Il est le symbole de la force nuisible et de la
méchanceté gratuite dont Marcel a très peur. Il le hante au point d’apparaître de façon
récurrente dans les albums sous des formes plus ou moins déguisées. Tout le monde le craint,
même les gorilles. Il est solitaire et n’appartient à aucune bande.
♦ Hugo
Fort et puissant, c’est un personnage positif sur le modèle de King Kong. Il est redouté pour
sa force potentielle (y compris de Pif) mais il se montre avec son ami Marcel à la fois poli
quand il le bouscule par mégarde et protecteur quand celui-ci est agressé par Pif.
Physiquement, il est l’homologue de Pif sans la tenue de voyou. Il s’initie avec Marcel au
plaisir de la lecture et va avec lui au zoo. Il a aussi ses craintes et ses phobies comme
l’araignée dont Marcel le débarrasse.
♦ Le gorille d’Anna
Le gorille visiteur nocturne d’Anna ressemble à Hugo : Anna est passionnée de gorilles,
omniprésents dans son univers. En même temps, elle souffre de la solitude dans laquelle son
père la laisse au profit de son travail. Quand le gorille arbore les attributs vestimentaires du
père, ou celui de Superman au cinéma, il endosse tout ce que ces personnages représentent
d’humanité et de protection.
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LE PETIT MUSEE :
OBJETS ET ACCESSOIRES
L’œuvre d’Anthony BROWNE regorge de petits détails visuels, d’objets insolites, de clins
d’œil au monde de la peinture ou du cinéma et d’effets graphiques. Certains objets
apparaissent de façon redondante et pourraient être assimilés à la « signature » de l’auteur.
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Les incontournables
-
La banane apparaît sous différentes formes :
 Dans le registre réaliste, c’est la nourriture du singe : Marcel entreprend
un régime de bananes pour ne plus être une mauviette !
 Dans le registre symbolique, elle apparaît dans la poche du père d’Anna
et marque la continuité entre celui-ci et l’animal idéalisé.
 Dans le registre surréaliste, elle fleurit dans Marcel le rêveur et prête sa
forme à de nombreux éléments de l’illustration.
-
Le débardeur jacquard représente Marcel et ses caractéristiques psychologiques.
Marcel peut bien rêver qu’il est Charlot, un géant ou la Bête, son accessoire fétiche
est là pour entretenir le lien avec la réalité.
Le motif jacquard habille tout accessoire associé à Marcel. Il apparaît aussi sur
d’autres personnages (Yann, le père de Katy, Hansel et le héros de Through the
magic mirror). Le débardeur, connoté comme un peu désuet renforce l’impression
de vulnérabilité liée au personnage de Marcel.
-
L’œuf : Katy se régale d’un œuf à la coque présenté dans un ravissant coquetier à
fleurs; ensuite elle devra se contenter d’un œuf au plat racorni, signe que les intrus
sont dans la maison et sèment le désordre (Des invités bien encombrants).
-
Les boîtes de céréales se parent d’images signifiantes pour le récit : gorille pour
Anna qui aime les gorilles (Anna et le gorille), cochon pour les Porchon qui sont
des « cochons » (A calicochon), squelette pour Yann qui adorent les farces et
attrapes (Des invités bien encombrants).
-
Le papillon illustre la liberté et le pouvoir de l’imagination (Ce que Karine
savait). Il est annoncé dès la page de titre par la présence d’une chenille. Il prend
quelquefois la forme de nœud papillon.
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Autres objets
- les pommes et les chapeaux empruntés à Magritte
- les chaussures, chaussettes et autres formes de pied
- les objets liés au personnage du père : les pantoufles, la robe de chambre et le
journal
- les livres
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Les références artistiques
Anthony BROWNE place souvent dans ses livres des références artistiques connues :
tableaux, sculptures, imprégnations d’un artiste ou d’un courant. Pour exemple :
-
les parodies de tableaux (Van Eyck dans Les tableaux de Marcel, Manet dans Des
invités bien encombrants, Van Gogh dans Tout change)
-
les incrustations d’objets issus d’œuvres de Magritte ou Dali (lampadaires et chapeaux
pour l’un, horloge dégoulinante pour l’autre)
-
l’emprunt aux pratiques surréalistes (fusion de deux objets en un dans Tout change)
Il met aussi en scène des personnages et des univers graphiques empruntés à la bande
dessinée (Superman), au cinéma (King-Kong) et au cinéma d’animation (Tarzan, Mickey,
Superman).
De même, il pratique l’auto-citation : un personnage d’une histoire peut intervenir de façon
anecdotique dans une autre histoire.
Enfin, il s’inspire de l’art des jardins pour créer des décors extérieurs et des univers
particuliers (Une histoire à quatre voix).
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LES METAMORPHOSES
ET AUTRES TRANSGRESSIONS DE LA REALITE
Anthony BROWNE se plait à détourner la réalité. Il utilise très souvent le procédé de la
métamorphose qui interpelle l’imaginaire du lecteur et le rend acteur de l’histoire qu’il lit. Les
métamorphoses traduisent son amour de la peinture et de l’histoire de l’art, mais aussi sa
fascination pour la face cachée des personnages et le mystère humain. Cela enrichit
l’histoire et peut se lire à différents degrés selon les acquis et l’âge des lecteurs. Il utilise
également le jeu des ombres, des reflets et des silhouettes.
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Les métamorphoses
Métamorphose des objets
Il s’agit à la fois de créer une ambiance étrange et de stimuler l’imaginaire du lecteur. Cela
renforce l’impression de rêve et d’irréalité. Certaines métamorphoses sont très inspirées du
surréalisme (art du 20ème siècle, utilisant le rêve et l’imaginaire plutôt que la réalité)
lorsqu’elles combinent deux objets en un seul. Le peintre surréaliste Salvador DALI est très
souvent cité dans ces illustrations.
♦
Bouilloire = chat (Tout change)
Ballon = œuf et cigogne (Tout change)
Lune = ballon de foot (Marcel le Magicien)
♦ Métamorphoses des personnages
La métamorphose du corps est la plus flagrante. Pour les personnages, c’est un moyen
d’échapper à la réalité et de se révéler sous un autre jour : la métamorphose du papa en
poisson dans Mon papa.
Dans la métamorphose du comportement, on voit le caractère du personnage évoluer du
début à la fin de l’histoire même si sa représentation physique ne change pas. Dans Marcel la
mauviette, Marcel semble manquer de confiance en lui ; à la fin de l’album, il a une allure
triomphante et fière.
Enfin, la métamorphose la plus spectaculaire ne serait-elle pas celle d’Anthony BROWNE
lui-même en Marcel ? L’auteur s’amuse à semer le doute à la fin de l’album Les Tableaux de
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Marcel : un homme non identifiable sort d’une pièce où un masque de Marcel est posé sur la
table…
♦ La métamorphose des lieux
Le décor et l’espace des histoires subissent aussi des métamorphoses. La frontière entre la
réalité et le rêve devient floue. La vision de ces paysages oniriques interpellent l’imaginaire
du lecteur : il est acteur de l’histoire qu’il lit.
LIVRE
Hansel et Gretel
AVANT
METAMORPHOSE
APRES
METAMORPHOSE
La maison (début) :
La maison (fin) :
- 4 arbres hauts et alignés sont
plantés derrière la maison
(comme des barreaux)
- la porte du débarras à côté
de la maison est sale et
abîmée
- des tuiles du toit sont
cassées
- le carreau de la fenêtre du 1er
étage est brisé et les rideaux
sont gris
- les arbres derrière la
maison ont été abattus
- la porte du débarras est
blanche et rénovée
- les fenêtres sont ouvertes et
habillées de nouveaux rideaux
propres
- les tuiles cassées du toit ont
été remplacées
 La maison est triste, grise  La maison semble gaie,
et délabrée
pimpante et pleine de vie
 Cette transformation montre que les jours seront désormais meilleurs et que la disparition
de la marâtre libère le père et les enfants du malheur et de la pauvreté.
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LIVRE
AVANT
METAMORPHOSE
APRES
METAMORPHOSE
Vision réelle de la classe Vision rêvée de la classe :
comme une salle de classe
ordinaire
- le paysage vu de la fenêtre
est paradisiaque (île et
Le texte sous l’image indique cocotiers à la place des
que Karine s’ennuie. Elle va maisons ternes et grises)
donc se mettre à rêver et - les dessins accrochés au mur
montrer au lecteur sa vision s’animent et sortent du cadre
de la réalité.
(le chat poursuit la souris et
Ce que Karine savait
l’oiseau)
- les objets de l’étagère se
transforment
en
objets
insolites issus de l’imaginaire
de Karine (les pots à crayons
deviennent cornets de glace)
- le cahier d’une élève prend
la forme d’un papillon
- le globe terrestre se déforme
en tête de Prune
 Toutes ses transformations montrent le besoin de Karine de s’évader du réel. Le papillon
en est le plus flagrant symbole. Par contre, une ombre plane toujours en la personne de Prune.
Sa présence (globe terrestre) stigmatise les inquiétudes de Karine.
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Ombres, reflets et silhouettes
♦ Les ombres
Certaines ombres sont différentes de leur « propriétaire » : cela renforce le sens de
l’histoire ou montre que le personnage n’est peut-être pas celui qu’on croit.
Alice : un chat (Alice aux pays des merveilles)
L’ombre en forme de chat montre à la fois que les personnages (oiseaux, souris…) voient en
Alice un prédateur et que Alice se languit de sa chatte qu’elle craint de ne plus revoir.
D’autres ombres sont fidèles à leur « propriétaire », mais un détail a été rajouté pour donner
l’impression d’une évolution du personnage ou de l’objet. Cet indice permet de solliciter
l’imaginaire du lecteur en complément du texte : le chapeau de magicien dans Marcel le
magicien.
On trouve aussi des ombres sans « propriétaire ». Cela créé une atmosphère à la fois
angoissante et ludique : le crocodile dans Une histoire à quatre voix, le loup dans J’aime les
livres.
♦ Reflets et silhouettes
Le reflet est un moyen pour Anthony BROWNE de rendre accessibles au lecteur les
sentiments et pensées du personnage, sans avoir à les écrire : le visage apeuré de
Charles comme parodie du tableau « Le cri » dans Une histoire à quatre voix. Cela peut aussi
introduire un élément de la suite de l’histoire.
Les silhouettes sont surtout l’occasion d’un jeu avec le lecteur. Elles permettent de s’amuser
à repérer les invraisemblances : la silhouette de la ville sur la couverture de Anna et le
Gorille.
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