I / Les produits dérivés et leurs marchés
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I / Les produits dérivés et leurs marchés
I / Les produits dérivés et leurs marchés L e monde des marchés dérivés semble en perpétuelle mutation. Offrant les produits les plus simples comme les plus sophistiqués, il connaît, depuis une dizaine d’années, une progression fulgurante tant au niveau de son volume de transactions que de la nature des risques qu’il permet de couvrir. Pour mieux le comprendre, nous présenterons dans une première partie le principe de la gestion du risque par la fixation d’un prix à terme, ferme ou optionnel, sur lequel se fondent les trois types de produits dérivés existants : contrats d’échange ou swaps, contrats à terme ou futures, et options. Nous montrerons en quoi ceux-ci permettent à tout opérateur des marchés financiers de mettre en œuvre des stratégies de gestion des risques auxquels il est soumis. Après avoir présenté les produits, nous nous attacherons dans une deuxième partie à décrire les marchés sur lesquels ces instruments sont négociés : qu’est-ce qu’un marché de gré à gré ou OTC (over-the-counter) ? En quoi est-il fondamentalement différent d’un marché organisé ? Les produits négociés sur un marché organisé sont-ils strictement identiques à ceux échangés sur un marché OTC ? Quel est, au sein de ces différents marchés, le plus actif ou le plus prometteur ? Quelles sont, enfin, les places financières les plus dynamiques au regard de leurs activités sur les produits dérivés ? LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS Des produits dérivés aux multiples facettes Un produit dérivé financier (il ne s’agit pas de traiter ici des produits dérivés commerciaux) peut se définir de façon très générale comme un contrat financier négociable portant droit sur un autre actif. Le Conseil national de l’information statistique (CNIS) définit en effet les produits dérivés comme des « contrats dont la valeur dépend (ou dérive) de celle d’un actif ou d’un indice sous-jacent » [Haas, 1987]. Il existe fondamentalement trois types de produits dérivés : les options, les contrats à terme ou futures, et les contrats d’échange ou swaps. Les opérations à terme (ou forward) sont parfois considérées comme des produits dérivés (à l’instar de la Banque des règlements internationaux qui inclut les opérations à terme dans ses statistiques sur les produits dérivés [voir BRI, 2003, 2004]), mais cette définition est toutefois extensive car ces opérations ne portent pas sur l’échange d’un contrat portant sur un autre actif mais bien sur l’actif lui-même. Des produits dérivés : pour quoi faire ? La vocation principale des produits dérivés est la gestion du risque économique ou financier. Comme en témoigne le tableau ci-contre, les risques affectant un agent économique peuvent être de nature très variée. Quelle attitude adopter face au risque ? — Il apparaît, au regard des définitions précédentes, que l’existence du risque demeure le plus souvent liée à la variation d’un prix, que ce soit celui d’une monnaie contre une autre (le cours de change), d’une action ou d’un indice boursier, d’un taux d’intérêt ou, depuis peu, d’un indice climatique. Aucun agent économique ne peut réellement s’y soustraire (particulier, entreprise, banque, collectivités locales ou État). Ainsi, dans le seul domaine économique et financier, un particulier risquera de voir le cours des actions sur lesquelles son épargne est investie s’effondrer à la suite de l’éclatement d’une bulle spéculative ; un agriculteur de subir une baisse des cours du blé ou du maïs ; une entreprise de voir s’envoler les cours du LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS Les risques économiques et financiers couverts par les produits dérivés Nature du risque Définition Risque de taux Risque d’une évolution défavorable du taux d’intérêt lorsqu’un agent économique est engagé dans une opération financière à taux variable : celui d’une hausse pour un emprunteur ; celui d’une baisse pour un créancier. Risque de change Risque d’une modification de la contre-valeur en monnaie nationale d’un flux de devises à payer ou à recevoir. Une dépréciation de la monnaie nationale pénalisera l’agent économique qui doit honorer une dette libellée en monnaie étrangère tandis qu’une dépréciation de la monnaie étrangère pénalisera un agent devant recevoir une créance libellée dans cette même monnaie. Autres risques de prix — Sur actions ou sur indice boursier : risque d’une modification de la valeur d’un portefeuille à la suite d’une baisse du cours des actions ou de tout titre indexé sur un indice boursier (trackers) ou d’une hausse des cours lorsqu’un agent économique cherche à se porter acquéreur de ces titres. — Sur matières premières : risque lié, comme son nom l’indique, à la variation du prix des matières premières. Ce risque est important et impose des techniques de couverture spécifiques. Risque de crédit Risque pour un créancier que l’un ou plusieurs de ses débiteurs soient dans l’incapacité de rembourser tout ou partie de la dette qu’ils ont contractée. Risque climatique Risque d’une variation de l’activité économique d’une entreprise et donc d’une variation de son chiffre d’affaires à la suite d’une variation des températures. cuivre dont elle se sert abondamment pour produire des appareils électroniques ; une banque de voir son risque de crédit s’envoler consécutivement à la faillite d’entreprises clientes ; l’État, enfin, de voir augmenter la prime de risque imposée par les marchés financiers pour toute nouvelle émission obligataire. Quels qu’ils soient, ces risques sont liés à la nécessité pour un agent de réaliser une opération commerciale ou financière dans le futur à un prix ou, d’une façon plus générale, à des conditions qu’il ne maîtrise pas. LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS Il y a, face à ces risques, trois attitudes possibles [Bourguinat, 1999 ; Stephens, 2001] : tenter de les éluder, les ignorer, ou bien mettre en place un mécanisme d’assurance. Une autre stratégie est techniquement possible : la diversification des risques. Bien connue des gestionnaires de portefeuille, cette stratégie n’est pas facilement applicable à tous les risques financiers. La première solution est évidemment la meilleure : quoi de mieux pour éviter un accident de voiture que de ne pas prendre son véhicule ! Elle est cependant rarement possible. Une entreprise pourra tenter de facturer les produits qu’elle exporte en monnaie nationale pour éviter de subir une dépréciation de la monnaie étrangère, ou rationaliser ses flux de devises par le recours à des techniques de gestion interne du risque de change (techniques de netting consistant à compenser, pour une entreprise multinationale, les créances et les engagements de même montant et de même échéance afin de limiter l’exposition au risque de change ; voir Plihon [2001]) ou à des centres de refacturation, mais que pourra-t-elle faire face à un risque qu’elle ne sait contrôler ? En principe, l’ignorer ou tenter d’agir, non pas sur le risque luimême, mais sur ses effets induits. Certaines institutions offrent des polices d’assurance permettant de couvrir certains de ces risques. C’est notamment le cas de la COFACE en France qui accompagne les entreprises principalement dans la gestion des risques liés aux activités d’exportation. Les polices d’assurance traditionnelles ont le plus souvent pour inconvénient de ne pas être renégociables, ce qui peut être un handicap lorsque l’exposition au risque de l’agent considéré varie amplement. Les marchés financiers offrent, de la même façon, des mécanismes assurantiels et ce, à tout agent économique et pour tout type de risque, mais dont la particularité est de pouvoir être rachetés ou revendus à tout moment lorsqu’ils sont échangés sur un marché organisé. Par quel mécanisme les produits dérivés permettent-ils de gérer le risque économique et financier ? Pour répondre à cette question, il convient de préciser au préalable la notion de « position ».