Entretien avec Eric DJ Tango Faut-il être fou pour
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Entretien avec Eric DJ Tango Faut-il être fou pour
Entretien avec Eric DJ Tango Faut-il être fou pour être DJ ? Incontestablement. DJ, tu danses moins que les autres, tu vois les autres danser avec ton/ta partenaire préféré(e). Et en plus, c’est surement la programmation sur laquelle tu préfèrerais danser entre toutes (à tort ou à raison). Mais voilà, il faut s’occuper de faire tourner le bal, préparer la suite, etc. Heureusement avec l’ordi, les manipulations sont plus réduites et moins chronophages. Donc on peut s’échapper de temps en temps et apprécier le fonctionnement du bal de l’intérieur. Ca donne un autre regard sur la programmation d’ailleurs. Sinon, si. Il faut être de toute façon un peu fou. Fou de musique au moins. Etre barge au point de traquer les inédits, d’avoir des milliers d’heure de musique en magasin, pour pouvoir musicaliser un truc de 5 heures. Et si on ne l’est pas, on le devient. N’importe quelle musique qu’on entend et qui ne serait pas du tango, on finit par se demander systématiquement si ça ne pourrait pas faire une bonne cortìna. Te souviens-tu de ton premier bal en tant que DJ de tango ? J’ai un peu honte à l’avouer, mais non, pas tellement. Pas précisément en tout cas. Je me rappelle du lieu de mes premiers bals, mais sans le rattacher à des souvenirs précis. A l’époque, on manipulait des tonnes de CDs avec des notes dans tous les coins de pochette. J’ai par contre beaucoup de souvenirs des milongas où j’aimais bien danser et où un jour on m’a demandé de musicaliser. Et bien sur un souvenir amusé de certains loupés. Comment tu t’organises pour un bal ? Keep your secret secret… Mais il n’y a pas tellement de règle. Sauf quand on programme lors d’un concert, il faut avoir la playlist de l’orchestre pour ne pas passer les mêmes morceaux que ceux qu’ils jouent. Idem, quand on partage la soirée avec un autre DJ et qu’on passe en second, il faut avoir l’œil sur ce que le précédent a programmé. Quels sont les orchestres incontournables pour toi ? D’Arienzo, Canaro, Di Sarli, Malerba, Donato, Tipica Victor, Biagi, Alfredo de Angelis, Pugliese, Fresedo, Calo, Enrique Rodriguez. Eux, ou un orchestre qui travaille dans le même type d’arrangements. Quelle place accordes-tu aux années 40 dans ta programmation ? Variable, suivant l’ambiance du bal. Une proportion de musique des années 30 me semble toutefois absolument indispensable. Un poil d’électro, des orchestres contemporains, une petite tanda de zamba une ou deux fois dans la soirée ça peut donner une coloration différente et donc rehausser les contrastes. Et aux orchestres plus actuels ? Variable. J’aime bien des orchestres travaillant « dans le style de ». Le son est souvent meilleur. La Tìpica Imperial, Color Tango, le Sexteto Milonguero reviennent souvent chez moi. Pour ce qui est de l’électro, généralement je passe de 1 à 3 par soirée. Et de l’électro tango, t’en penses quoi ? Au début, je pensais que c’était une nouvelle voie qui s’ouvrait. Mais avec le recul, je me rends compte que ça tient de l’impasse. La production a augmenté en volume mais la qualité n’y est pas. Il y a trop de types qui jouent aujourd’hui une partition de tango au synthé sans aucune sensibilité avec une boite à rythme boum boum en essayant de faire croire qu’ils sont modernes. Et je trouve que les deux ou trois meilleurs orchestres du genre ont tendance à s’essouffler. Il y a des trucs que j’aime beaucoup dans le genre mais on ne peut pas surdoser la programmation en électro sous peine de programmer de la daube ou de se répéter. Il y a d’autres choses musicales à chercher ailleurs à mon avis. Mais attention, je n’ai pas une volonté messianique de forcer sur le bizarre. Trop d’alternatif pour faire genre moderne, c’est souvent inadapté (et pas toujours dansable pour le plus grand nombre). Il y a des fondamentaux à ne pas perdre de vue. A quoi penses-tu quand tu programmes ? Difficile à dire. L’homme est peut être un roseau pensant, mais le vent c’est le vent qui l’incline. Enfin, normalement, il vaut mieux penser à comment on oriente la suite. Tu préfères le début ou la fin d’un bal ? Instinctivement je dirais la fin, parce que l’énergie est montée et que la soirée a pris son rythme. On peut prendre plus de risques, et tenter des propositions un peu hors des sentiers battus. Ce qui est excitant, bien sûr. Mais le lancement d’un bal comporte aussi sa dose d’adrénaline avec le défi de faire monter la mayonnaise. Tu es plutôt tango chanté ou plutôt tango instrumental ? Au début j’étais plutôt instrumental, mais j’ai largement évolué ; chanté/ instrumental, c’est un faux débat. La question c’est : est ce que le chanteur chante pour lui, en faisant des effets de voix, ou bien dans le rythme, pour le danseur ? Se priver d’une partie de Tanturi de Rodriguez, de Canaro, de D’Agostino/Vargas , de la moitié de D’Arienzo, c’est vraiment du gâchis. Tu es plutôt valse ou plutôt milonga ? Plutôt milonga. En tant que danseur. Parce que, en tant que DJ, c’est plutôt le public qui me dit si je dois être plus l’un ou l’autre. Ton lieu de bal idéal ? Une bonne acoustique, un parquet pas trop glissant, idéalement dans une forme carrée ou rectangulaire pas trop allongée, une belle lumière, des gens qui viennent pour danser dans un esprit de partage. Ca fait beaucoup de conditions, alors il faut s’adapter. Que t’inspire Tangopostale ? C’est un des noms les plus classe que je connaisse pour un festival. Et particulièrement adapté à Toulouse. Et s’il ne devait en rester qu’un tango parmi tous, un seul, ce serait lequel pour toi ? Hors de question de choisir. Il y a trop de belles choses qu’on ne peut éliminer.