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32 – Le
Ungrand
instantpapier
s’il vous[Leplaît
mec en
[Interview]
couv]
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Par Romain Cole | Photo Frédéric Stucin
18/08/2016 16:43
33
Nouvelle
Donne
Peut-on être une star de cinéma française sans passer systématiquement par la case comédie ?
Depuis un peu plus de trente ans la réponse était évidemment non, jusqu’à ce que déboule
Pierre Niney, un garçon qui s’est fait connaître avec une comédie (romantique, certes) avant de bien
faire comprendre à tout le monde que son champ de vision était beaucoup plus vaste que ça.
Trois ans et un César plus tard, Pierre Niney est à l’affiche de Frantz un mélo à la fois exigeant et
étonnament accueillant qui pourrait l’installer comme l’acteur mâle le plus hot du moment.
Et si « populaire » n’était enfin plus un gros mot ?
Par Romain Thoral | Photos Romain Cole (remerciements Pierre Frey) et DR
C
’est quoi déjà un acteur populaire ? En France on a longtemps cru, disons depuis que
la génération Belmondo/
Delon a passé la main, qu’un
acteur populaire c’était un mec (ou une fille)
qui jouait exclusivement dans des comédies.
C’était la jurisprudence Louis de Funès : populaire = marrant. Parfois, ces rigolos font un
film sérieux, la presse dit que c’est leur Tchao
Pantin, ils sont parfois nommés aux Césars,
et puis ils retournent illico à leurs gaudrioles
d’antan parce qu’il faut bien payer les traites
des résidences secondaires. Résultat, trente
ans plus tard : plus grand monde ici n’est
désormais bankable. Et puis, un beau jour, a
débarqué Pierre Niney, cursus balèze (il vient
de la Comédie Française), gueule de minet,
physique androgyne, aussi à l’aise chez Racine
que dans des pastilles comiques diffusées sur
Canal. Depuis 20 ans d’écart, il y a trois ans :
quatre longs et autant de hits ciné. Dans le
lot, deux comédies, un thriller et un biopic.
Tellement peu étiqueté « rigolo de service »,
le Niney, que personne n’a songé a évoquer
Tchao Pantin lorsqu’il est venu remercier,
avec beaucoup de bienveillance, tout le
cinéma français de lui avoir remis un César
pour son rôle dans Yves Saint Laurent. Pour
cette rentrée 2016, il enquille avec deux projets éminemment populaires, qui ne sont pas
là pour faire rire grand monde. En octobre,
ce sera L’Odyssée, où il interprète Philippe
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Cousteau, fiston aventurier et émasculé par
un papa qui se comporte comme une rockstar
des fonds marins, et là, maintenant, tout de
suite, Frantz, mélo tordu et en noir et blanc
signé François Ozon, dans lequel un ex-troufion frenchy de la Première Guerre mondiale
va tomber amoureux d’une jeune allemande,
la délicieuse Paula Beer, qui a perdu son fiancé
au front. Derrière son noir et blanc ascétique,
le film, en compétition à la Mostra de Venise
et sélectionné au Festival international du
film de Toronto, tente de résoudre une drôle
d’équation en catapultant un pur paysage
auteurisant à l’intérieur d’une rythmique
de cinéma populaire parsemé de twists bien
sentis et d’émotions qui nouent la gorge. C’est
là où Niney finalement excelle, crédible à la
fois comme égérie chic pour cinéaste « art et
essai » et suffisamment iconique et sensible
pour arracher quelques sanglots aux spectateurs du samedi soir. En décidant qu’on pouvait être populaire sans avoir forcément à se
trimballer en slip ou en grimaçant à longueur
de films, ce jeune homme de 27 ans propose,
mine de rien, un nouveau deal au star-system
à la mode de chez nous. La jurisprudence
Niney commence ici et maintenant.
Pierre, avec Frantz, c’est ta première vraie
incursion dans le cinéma d’auteur depuis
que tu es devenu célèbre. Sortir du carcan
du cinéma popu, c’est une stratégie de
carrière ou un besoin intellectuel ?
Ni l’un ni l’autre. Disons que c’est ma curiosité
qui me pousse à chercher de bons scénarios.
Et il y en a peu. Frantz, c’était un script très
agréable, avec beaucoup de surprises. Et
puis évidemment, au bout, il y a la promesse
de travailler avec quelqu’un du calibre de
François Ozon. Je suis pas du tout du genre
à compartimenter : film populaire… film art
et essai… mouais… Ce sont des distinctions
pas très signifiantes à mes yeux. Si Yves
Saint Laurent n'avait pas fait d'entrées, ça
aurait été un film d'auteur ?... En tout cas je
ne comprends pas ce clivage.
On peut l’envisager juste du point de vue
industriel, si tu préfères. Avec un film de
Ozon, de fait, on n’est pas dans la même
gamme de cinéma…
— Oui et non, regarde les films d’Ozon. Ce
sont des films qui sortent dans beaucoup de
salles. Sur autant d'écrans ou même plus que
certains autres films que j'ai faits avant, et que
tu appelles « populaires ». Donc quelle est la
réelle définition ? C’est là où la frontière est
parfois très floue.
Certains dispositifs de Frantz, c’est à dire
le noir et blanc, les dialogues en allemand,
l’ascèse formelle, en font un film moins
accueillant que certains autres Ozon. Ce
▶▶
n’est pas 8 Femmes quoi…
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34 – Le grand papier [Le mec en couv]
▶▶
— C’est sûr. Celui-là est « apparemment »
plus pointu. Mais y a quelque chose de très
rassembleur, je trouve, dans les rebondissements
et les twists qui émaillent le film. C’est quand
même assez divertissant, non ?
Oui, oui, mais on n’a jamais dit le
contraire en même temps.
— Bon super, alors on se comprend (sourire).
Et puis sans trop en révéler, le film est très
ironique, sur les attentes que tu peux avoir
d’un film d’Ozon. Il y a une forme de mise
en abyme du mensonge tout le temps, et on
sait tous que le mensonge est un motif très
cinématographique…
Et c’est un thème qui caractérise
beaucoup de tes personnages d’ailleurs…
— Oui. je ne sais pas à quel point c’est dû au
hasard, ça. En tout cas c’est une thématique
qui est plus liée à l’image qu’au texte. C’est
pour ça que je disais que ça marche très bien
au cinéma. Ça produit des grincements très
intéressants.
Pour en revenir au registre des
« premières fois », je dois avouer que je
ne t’avais jamais vu dans un registre aussi
introspectif. Tu es connu pour être une
sorte de pile électrique, autant sur les
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planches qu’au ciné, et là tout d’un coup
tu bascules dans une vraie intériorité…
— En fait j’ai commencé au théâtre en
travaillant des textes assez sombres. Mes
professeurs m’ont initié à ça très tôt. Donc j’y
ai vu une forme de continuité avec mon travail
des débuts. J’ai envisagé mon rôle dans Frantz
comme quelque chose de très naturel, très
logique, sans aucune cassure. Et puis tu peux
aussi tracer des ponts entre Saint Laurent et
Adrien, mon personnage dans le film. Ils ont
un truc un peu fêlé, fébrile, torturé, un salut
par l’art aussi, qui les rassemblent.
Oui mais dans Yves Saint Laurent,
il y avait un désir de composition
extrêmement prononcé. Ici, moins…
Il y a une forme de mise
en abyme du mensonge tout
le temps, et on sait tous que
le mensonge est un motif
très cinématographique…
— Oui, bien sûr. Adrien est un personnage
beaucoup plus désespéré que Saint Laurent.
C’est un jeu plus intime, c’est sûr.
François Ozon n’est plus très loin de
la cinquantaine et il a déjà réalisé une
bonne quinzaine de longs métrages. Or
jusque-là, on t’avait beaucoup vu tourner
avec des réals plutôt très jeunes, et pas
du tout établis. T’avais besoin de changer
d’air, un peu ?
— En fait j’aime bien l’énergie des premiers
films, l’énergie des gens qui cherchent et qui
te poussent à chercher avec eux. Ceci étant
dit, le fait de travailler avec Ozon c’était
l’occasion de découvrir quelqu’un qui connaît
extrêmement bien les plateaux de cinéma,
qui a un bagage technique impressionnant,
une vision de son découpage incroyablement
précise. Il m’impressionnait rien qu’en
plaçant un rail de travelling !
Justement, cette précision formelle dont
tu parles, est-ce qu’elle peut finir par
corseter le jeu des acteurs, leur laisser
moins de liberté ?
— J’aime bien la théâtralité du film, mais Ozon
nous offrait une liberté incroyable dans le jeu
pour éviter que notre jeu soit théâtral en fait.
Le fait qu’il cadre lui-même t’offre aussi un
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Frantz
sentiment de communion avec le metteur en
scène – un truc qui était totalement inédit pour
moi. En plus il te parle pendant les prises… Du
coup ça casse complètement ce cadre, qui peut
paraître rigide, du film d’époque, en noir et
blanc, situé en Allemagne, etc. J’ai toujours eu
l’impression de faire un film moderne quand je
jouais, alors que je voyais la facture classique de
l’objet. C’était très impressionnant.
Trouves-tu un plaisir narcissique à te
balader la même année dans des films aussi
différents que Five, Frantz et L’Odyssée ?
— Je le vis comme un truc de jeunesse, en fait.
J’ai 27 ans, tout me paraît nouveau, j’essaie
d’établir mes désirs, qui se porteront forcément
sur certains genres, plutôt que d’autres. Donc
là j’essaie de goûter à tout. C’est une période
très agréable, dont il faut savoir aussi profiter.
Après, les acteurs que j’admire sont connus
pour leur capacité à aller dans plein de registres
différents ; je pense à Christian Bale, Mathieu
Amalric, Matt Damon. Donc je dois être
inconsciemment imprégné de cette culture-là…
[Identité visuelle 17e Biennale de la danse] Design Marie Gatti | Photographie Falling and Flare ©Ryan McGinley, Courtesy of the artist and Team Gallery
Sortie le
7 septembre.
OUVERTURE BILLETTERIE LE 9 JUIN
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Tu te poses la question du « un film pour
moi puis un film pour le public » ?
— C’est un truc que les ricains font, mais
en France on ne peut pas penser les choses
comme ça.
Ça t’exciterait du coup de passer à la mise
en scène, histoire d’avoir plus d’idées sur
l’allure du produit fini, comme tu dis ?
— J’y pense, j’y pense. J’attends de trouver
la bonne histoire…Ça peut passer aussi par
la production. J’ai monté ma boîte d’ailleurs.
On développe un long qui est en écriture,
dont j’aimerais jouer le rôle principal. Mais
j’aimerais aussi développer des projets pour
des gens que j’aime. J’ai besoin d’être plus en
amont des projets, d’accompagner le bébé au
fur et à mesure. On manque cruellement de
bons scripts ici comme je vous le disais au
début, alors qu’on ne manque vraiment pas de
talents. Donc autant se retrousser les manches
et y aller dès maintenant.
SAISON
LA
ANDE HA
GR
LLE
Pourquoi ?
— Pour plein de raisons, mais je crois qu’ici on
ne peut fonctionner qu’au coup de cœur, qu’à la
prise de risque. Ici tu as moins d’idées sur l’allure
du « produit fini » quand tu t’engages sur un film,
parce que l’industrie est peut-être plus fragile. Il
n’y a pas de coup sûr, comme il peut y en avoir
là-bas, donc t’y vas à l’affect, avec tes convictions.
Impossible de faire autrement.
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