Johnny Guitar » de Nicholas Ray

Transcription

Johnny Guitar » de Nicholas Ray
Ciné-club Lycée Montaigne
Cycle « Panorama du western »
« Johnny Guitar » de Nicholas Ray
Des clés pour comprendre
Le cycle « western » :
Le western est un cinéma de genre, comme les films de guerre, les films d’horreur, les
films biographiques (« biopics »), les films de vampires, etc.
A ce titre un western doit répondre à certains « codes » propres au genre : des cowboys,
bien sûr, des indiens, des saloons, des diligences, des duels, des desperados, des sheriffs,
etc. On y retrouve aussi des thèmes récurrents : des problèmes de territoires entre grands
propriétaires et nouveaux immigrants dans l’Ouest, la fin de la « Frontière » (la Conquête
de l’Ouest américain au dépend des « native people », les Indiens, tout au long du XIXème
siècle), des amitiés viriles, la trahison, la vengeance, etc.
La particularité du cinéma de genre est que dans le cadre qu’il définit, il laisse toute liberté
au réalisateur de développer un propos qui, en deuxième lecture, peut aller au-delà de
l’intrigue proprement dite et en dire beaucoup par exemple, sur le réalisateur lui-même ou
aussi parfois sur la société de l’époque où a été tourné le film.
« Johnny Guitar » est un western que certains qualifient de « baroque » ou de
« surwestern » dans la mesure où il a été tourné en 1954, après la période des westerns dits
« classiques » (ceux de John Ford, Howard Hawks et même Fritz Lang dans les années
quarante). C’est un western dans lequel Nicholas Ray se joue des codes du genre pour les
détourner et aborder différents problèmes « hors champ ».
Le féminisme tout d’abord: « Johnny Guitar » est très original à ce titre. Contrairement au
titre du film, ce n’est pas vraiment Johnny qui est le personnage central mais plutôt deux
femmes, ce qui est inédit dans un western. Le duel final entre Emma et Vienna est
d’ailleurs le seul de l’histoire du cinéma ! En poursuivant dans cette direction, on peut
aussi souligner l’aspect psychanalytique du film où la crise des virilités est frappante :
Sheriff incapable de gérer les conflits, cowboy en lutte avec son démon des armes
(Johnny), le séducteur (Dancing Kid) désemparé face à Vienna, etc. Bref, l’image des
hommes dans ce film est bien loin des clichés du héro de western.
« Johnny Guitar » c’est aussi un film très romantique dans lequel le réalisateur nous parle
peut-être des ses amours perdus à travers celui liant Vienna et Johnny.
On ne peut aussi, sans le réduire à cela, ne pas aborder la dimension politique d’un film
qui se déroule en plein maccarthysme au Etats-Unis (la « chasse aux sorcières » :
dénonciation et exclusion des circuits de production cinématographiques d’Hollywood des
artistes soupçonnés de sympathie pour le communisme). Nicholas Ray, artiste engagé à
gauche, se place résolument du côté des marginaux, des aventuriers (Vienna, Johnny et le
Dancing Kid) face aux bien pensants avec à leur tête Emma, monstre de haine pour
l’Autre.
Emma qui est d’ailleurs un personnage intéressant car très ambivalent : femme rongée par
la haine de Vienna, on l’a dit, mais aussi femme de résistance dans un monde d’hommes
où les femmes ont peu de place dans la prise de décision.
Enfin « Johnny Guitar » est aussi un film très mélancolique, comme presque tous les
grands westerns d’ailleurs. Johnny fait en effet partie de ces héros (ou antihéros ?) poussés
à la marge par une civilisation qui avance au rythme de Conquête de l’Ouest. Il incarne le
cowboy qui vit comme un déclassement son entrée contrainte et forcée dans un monde
moderne dont il se sent exclu et auquel il n’est pas adapté.
- Christophe Sanson – 2011 -