Interview - Thierry Libaert

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Interview - Thierry Libaert
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dimanche Ouest-France
17 avril 2011
France
« La transparence absolue est impossible »
Entre l’accident nucléaire de Tchernobyl et celui de Fukushima, les autorités ont changé de stratégie
de communication. Décryptage avec un spécialiste de la communication de crise.
du politique n’est plus crédible du fait
d’un lourd passif.
Entretien
Thierry Libaert, spécialiste en communication, directeur scientifique de l’Observatoire international des crises.
Qui reste crédible ?
On fait confiance aux associations
de consommateurs et de protection
de l’environnement, au secteur médical, aux scientifiques, aux experts. La
sécurité civile et les pompiers bénéficient d’une très forte crédibilité parce
qu’ils ont les compétences et surtout,
gros atout par rapport aux autres, ils
ne sont pas juges et parties. Quant
aux entreprises, comme les politiques,
elles sont dans les tréfonds de ce classement.
Que pensez-vous de la
communication des autorités
françaises sur l’accident nucléaire
de Fukushima ?
Je ne sais pas si cela a été réfléchi,
mais il y a une bonne répartition des
rôles, avec un discours qui rassure sur
la filière nucléaire côté ministère de
l’Industrie, et un discours un peu plus
ouvert aux associations de protection
de l’environnement côté ministère du
Développement durable. Mais c’est
bientôt le 25e anniversaire de Tchernobyl et nos politiques savent qu’ils
seront interrogés sur les déclarations
rassurantes effrénées qu’ils ont faites
à l’époque. Ils surcommuniquent donc
sur Fukushima pour montrer que cela
a évolué.
De quoi se souvient-on par
exemple ?
Dans le naufrage du pétrolier Erika,
on se rappelle de Total qui déclarait
qu’il n’était pas juridiquement responsable. Le souvenir de Tchernobyl, c’est
le nuage qui s’est arrêté aux frontières.
Dans l’esprit de l’opinion publique,
la communication de crise renvoie
au sang contaminé, à l’amiante, à la
vache folle… À chaque fois à des phénomènes graves, où la première réaction des pouvoirs publics a été de dire :
« Ne vous inquiétez pas, la situation est
sous contrôle, on s’occupe de tout ».
DR
Quels sont les changements
depuis Tchernobyl ?
Les pouvoirs publics ont compris qu’il
faut être présent dans les médias pour
au moins « donner l’illusion », avec tous
les guillemets qui s’imposent, d’être
ouverts et un minimum transparents.
Ils ont compris que le plus important,
dans la perception d’une crise, ce n’est
pas son intensité, mais la manière dont
ils communiquent. C’est cela qui reste
dans la mémoire collective.
En situation de crise, que
conseillez-vous aux autorités ?
La première chose, c’est de se mettre
dans la peau des citoyens et de se demander de quel type d’information ils
ont besoin, plutôt que de se mettre en
défensive et en alerte. Les gens peuvent être inquiets, et leur inquiétude,
même si elle n’est pas fondée, est légitime.
« Ce dont on se souvient, c’est la manière dont les politiques communiquent. »
Quelle est la crise à l’origine du
changement ?
La prise de conscience n’a pas
été provoquée par un événement
unique, mais plutôt par une suite de
ratages et un déclic, la canicule de
2003. Une fois de plus, on a vu que
l’absence de réaction du politique
pouvait se retourner contre lui. Cela
a abouti à la création, en 2005, d’un
département Communication de
crises au sein du service d’information du gouvernement.
Le dirigeant de Tepco* a présenté
ses excuses aux Japonais. Ce
serait imaginable en France ?
Je ne le vois pas à court terme !
(Rires) L’argument « excuses » ne
vous fait pas apparaître meilleur aux
Guéant veut réduire l’immigration légale
AFP
Pour le ministre de l’Intérieur, le nombre d’étrangers admis chaque
année en France doit passer de 200 000 à 180 000.
R é d u i re
le
nombre de titres
de séjour accordés chaque année aux étrangers arrivant en
France, c’est l’objectif de Claude
Guéant, le ministre de l’Intérieur. Vendredi, au journal de TF1,
il a annoncé vouloir faire passer ce
nombre de « 200 000 à 180 000,
dans un premier temps ». Selon son
entourage, le ministre fera connaître
ses « moyens » et sa « méthode »
pour y parvenir « dans les prochains
jours ».
Claude Guéant a justifié cette annonce en assurant qu’en France,
« l’intégration est en panne ». Une
expression utilisée par Nicolas Sarkozy en novembre 2010. Selon le ministre, « 24 % des étrangers non européens qui se trouvent en France
sont des demandeurs d’emploi.
C’est presque trois fois plus que le
taux national. »
Face à cette annonce, Terre d’Asile,
l’association de défense des droits
des étrangers, s’est montrée dubitative. De son côté, la présidente du Medef, Laurence Parisot, a plaidé pour
que la France reste « un pays ouvert,
qui accueille de nouvelles cultures
et profite du métissage ».
yeux de l’opinion publique. Beaucoup
de consultants le conseillent, mais,
à terme, le risque, c’est de perdre
toute crédibilité. Et le pire pour une
communication de crise, c’est justement de n’apparaître que comme de
la communication.
Cela concerne la forme mais ne
règle pas le fond du problème…
Oui, c’est sûr, mais quand on communique, une première étape est franchie : on ne joue pas à l’autruche.
Après, sur le fond, cela varie. En cas
de crise, le public dit : « Vous refusez
sciemment de nous donner de l’information. On exige d’être informés ! ». Et
le paradoxe, c’est que, dans le même
temps, il prévient : « Dans tous les cas,
on ne va pas vous croire ». La parole
La transparence a ses limites
quand il s’agit de protéger des
intérêts…
La transparence, c’est un argument
de communiquant. Il faut arrêter de
mettre ce mot à toutes les sauces, le
terme est galvaudé. Elle est juste impossible dans le monde industriel et
notamment dans le domaine du nucléaire. Elle est toujours relative et temporelle.
Recueilli par
Pascale LE GARREC.
*Entreprise qui gère les centrales nucléaires de Fukushima au Japon.
« La communication sur
Fukushima est différente de celle de Tchernobyl parce que l’information est différente. Aujourd’hui, on ne peut plus cacher des
choses longtemps. »
Marek HALTER.
La politique en bref
Radio, télé : les invités politiques
Luc Chatel, ministre de l’Éducation,
sera sur Europe 1, à 10 h. Henri Guaino, conseiller du président de la République, sera sur Canal +, à 12 h 45.
Claude Allègre, ancien ministre de
l’Éducation, sera sur France 5, à
17 h 40. Le Grand Jury RTL/Le Figaro/
LCI reçoit, à 18 h 30, Xavier Bertrand,
ministre de l’Emploi.
Les jeunes radicaux de Borloo
quittent l’UMP
Les jeunes radicaux (2 000 adhérents) ont annoncé hier leur départ de
l’UMP et leur engagement dans la future Confédération des centres. Leur
président, Jean-Louis Borloo a salué un moment « enthousiasmant et
rare » dans l’action publique.
Gérard Longuet en Afghanistan
Le ministre de la Défense accomplit
une visite de quelques jours en Afghanistan, auprès des troupes françaises,
à partir d’aujourd’hui. C’est sa première visite depuis sa prise de fonction, fin février. Aucune autre précision
sur ce déplacement n’a été apportée
pour des raisons de sécurité.
Le projet Villepin « totalement
irresponsable » selon l’UMP
Le secrétaire général adjoint de l’UMP,
Marc-Philippe Daubresse, juge « totalement irresponsable » et « déconnecté de la réalité » le projet présidentiel
de Dominique de Villepin. Il critique la
mesure phare du projet : la création
d’un revenu « citoyen » de 850 € pour
les majeurs sans ressources.

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