A Marseille, un réveillon au service des plus démunis

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A Marseille, un réveillon au service des plus démunis
A Marseille, un réveillon
au service des plus démunis
MARSEILLE
De notre correspondante régionale
À l’accueil de nuit Saint Jean de Dieu, impossible d’ignorer que le réveillon de Noël se tient
aussi au plus près des hébergés. Dans le hall
d’entrée, une grosse boule dorée pend au plafond
où scintillent de grandes guirlandes or et argent.
À l’accueil, chaque nouvel arrivant est sommé
de remballer les 50 centimes qu’il débourse
d’ordinaire pour dormir dans cette structure
d’urgence marseillaise. « C’est gratuit ce soir,
monsieur car c’est Noël. Bonnes fêtes ! », tonne
avec plaisir Chantal, agent d’accueil, l’une des
56 salariés. À 16 heures, les 289 lits affichent
complet, une heure après l’ouverture.
Comme chaque 24 décembre, salariés et bénévoles de l’accueil de nuit se mobilisent pour
offrir aux hébergés un réveillon synonyme « d’espérance dans une vie bien rude » selon les termes
de Georges Kammerlocher, son directeur : « Certains sont seuls, d’autres loin de leur famille ou
en rupture avec leurs proches. Nous souhaitons
leur mettre un peu de baume au cœur, leur dire
qu’ils ne sont pas seuls. »
Une tradition depuis 140 ans, date de l’ouverture de l’œuvre hospitalière, par François Massabo, un commerçant marseillais. Un an plus
tard, il organisait un banquet auquel assistaient
l’évêque et le maire de Marseille à titre de commémoration. Les Frères de Saint Jean de Dieu,
qui gèrent l’œuvre depuis 1897 ont poursuivi
cette tradition. Jean-Claude Gaudin, le maire
de Marseille aussi. « Je viens saluer les hébergés
depuis 48 Noël. C’est un moment de fraternité et
de générosité envers les plus démunis qui montre
que dans cette ville on accueille l’étranger. »
Avant le repas, Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, lit un passage de l’évangile
de Saint Luc relatant la naissance de Jésus. Puis,
le supérieur de la communauté, le frère Fortunat,
s’adresse aux convives : « Noël doit être un temps
d’espérance et de joie même si la vie n’épargne
pas beaucoup d’entre vous. C’est la main tendue
de Dieu à ceux qui n’ont plus confiance en rien
ni personne. » Des « mercis » s’élèvent dans la
salle.
Tablier autour du cou, Mgr Pontier distribue
à chacun une terrine de Saint-Jacques, un morceau d’espadon et son gratin dauphinois ainsi
qu’une bûche au
chocolat. Il accompagne le service d’un sourire
ou d’un commentaire footballistique… Une
façon pour lui de
« se faire frère en
servant ceux qui
ont besoin de sentir qu’ils ont une Mgr Pontier, le soir du 24 décembre, s’est fait « frère en servant
ceux qui ont besoin de sentir qu’ils ont une dignité ».
dignité ».
Chantal fait
partie de la vingtaine de bénévoles venus ce et dansent sans retenue. Julien, 23 ans, apprésoir-là. Cette secrétaire de 46 ans, catholique cie l’instant. Sans ressources, ce jeune Toupratiquante occasionnelle dit vivre un moment lonnais dort depuis quatre mois rue de Forbin.
« sympa » avec les SDF : « Pas de grands discours Cette année, il fête Noël, seul, sans son père,
mais des petits mots réciproques. Je craignais incarcéré depuis cinq mois à la prison marqu’ils ne soient agressifs ou alcoolisés. En fait, seillaise des Baumettes. Ce soir-là, il « oublie
ils sont calmes et gentils. » Une surprise pour tout ». Comme Khalil, 27 ans, originaire d’Oran,
Camille, étudiante de 18 ans, venue à la de- sans papiers ni ressources depuis trois mois.
mande de son grand-père, bénévole fidèle. Ce soir, il va se coucher empli d’« une joie ex« Avant je détournais le regard à la vue d’un traordinaire ». Au contact des bénévoles, il
SDF. Désormais, j’essaierai de leur glisser un s’est « senti être quelqu’un comme les autres ».
petit mot en passant. »
« Cette chaleur humaine inattendue, dit-il,
À la fin du repas, le réfectoire se transforme m’apaise et me donne envie de me battre. »
CORINNE BOYER
en discothèque. Hébergés et bénévoles rient
CORINNE BOYER
d Le 24 décembre au soir, une vingtaine
de bénévoles ont servi un repas à près
de 300 personnes sans domicile fixe
fréquentant l’accueil de nuit des frères
de saint Jean de Dieu à Marseille.