Chapitre 8

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Chapitre 8
1984 CHAMPION D’EUROPE
CHAMPION DE PREMIERE DIVISION
VAINQUEUR DE LA MILK CUP
1985 DRAME DU HEYSEL
DALGLISH NOMME MANAGER
1986 CHAMPION DE PREMIERE DIVISION
VAINQUEUR DE LA COUPE D’ANGLETERRE
HUITIEME CHAPITRE
1984-1991
Triomphes et Tragédies
1987 VAINQUEUR DE LA SUPER COUPE
ARRIVEES DE ALDRIDGE, BARNES ET BEARDSLEY
1988 CHAMPION DE PREMIERE DIVISION
DEFAITE CONTRE WIMBLEDON EN FINALE DE LA COUPE D’ANGLETERRE
1989 DESASTRE DE HILLSBOROUGH
VAINQUEUR DE LA COUPE D’ANGLETERRE
CHUTE DU MUR DE BERLIN, REVOLUTION ROUMAINE
1990 CHAMPION DE PREMIERE DIVISION
LIBERATION DE NELSON MANDELA
1991 DALGLISH DEMISSIONNE
GRAEME SOUNESS NOMME MANAGER
GUERRE DU GOLFE
« IAN RUSH ETAIT LE PREDATEUR SUPREME. SES GRANDES QUALITES ETAIENT SA
VITESSE, SES CONTROLES A UNE TOUCHE DE BALLE ET UNE ESPECE DE COMPREHENSION
TELEPATHIQUE QUE TOUS LES GRANDS BUTEURS POSSEDENT. »
LA LIGUE DE FOOTBALL : « 100 LEGENDES DE LA LIGUE »
HUITIEME CHAPITRE 1984-1991 TRIOMPHES ET TRAGEDIES
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La réponse sauta aux yeux de tous les observateurs. En tant que serviteur de longue date
et numéro deux de Paisley, Joe Fagan connaissait toutes les ficelles du club. Il avait été
un vaillant membre de la Boîte de Chaussures depuis plus de deux décades. Il pouvait
mettre le doigt sur les forces et faiblesses au sein de l’équipe et, ce qui était crucial,
bénéficiait du respect ainsi que du soutien des joueurs.
« Lui et Bob étaient si proches depuis de si longues années qu’on ne pouvait que difficilement
les différencier, » écrivit le capitaine Graeme Souness. « Nous descendions dans les mêmes
hôtels, utilisions des méthodes d’entraînement identiques et les choses déjà en place restèrent
presque toutes inchangées. L’approche de Joe était similaire et, s’il y avait quelque chose de
particulier à en retirer c’est qu’il rendait le jeu encore plus simple que Bob. »
Avec une équipe composée de joueurs au sommet de leur art, la simplicité et la continuité
étaient les seules choses dont le club avait besoin. Liverpool réussit brillamment le triplé en
Championnat et finit la saison 1983-84 avec plus de trophées qu’ils n’en avaient jamais
obtenus en une seule campagne. Le système de « la promotion interne » avait fonctionné au
départ de Shankly. Maintenant, avec le retrait de Paisley, il était prouvé que cela serait un
nouveau succès retentissant.
Cela n’en prenait toutefois pas vraiment le chemin en début de saison. Après avoir été battu
par Manchester United lors du Charity Shield, Liverpool prit un lent départ en Ligue, faisant
match nul à domicile contre le néo-promu Wolves et permettant à Sunderland d’obtenir une
victoire à Anfield peu de temps après. Marquer des buts demeura un problème durant tout le
début de saison puisque l’équipe ne trouva le chemin des filets que 12 fois en dix matches.
Mais, alors que nous en étions à fin octobre, Luton Town débarqua à Anfield pour en repartir
avec une désillusion de 6-0. Ian Rush inscrivant dans la foulée cinq buts – devenant ainsi le
premier joueur de Liverpool à réaliser les cinq levées dans un match de Ligue depuis John
Evans en 1954. La fabuleuse performance du Gallois expédia l’équipe au sommet du
classement et prépara le terrain de la saison la plus prolifique de sa carrière.
L’équipe de Manchester United de Ron Atkinson fut le rival le plus sérieux de Liverpool
durant toute la campagne, avec Nottingham Forest et Southampton. Mais, au final, aucun de
ceux-ci ne put rattraper une équipe qui resta remarquablement constante en dépit de deux
blessures majeures. Privés dès le début de Ronnie Whelan pour plus de la moitié de la saison,
Fagan puisa Steve Nicol de l’équipe réserve – un jeune Ecossais dont la polyvalence fit de lui
un élément indispensable. Ensuite, afin de faire face à une indisponibilité temporaire de
Dalglish, le manager introduisit le buteur international de la République d’Irlande Michael
Robinson, un transfert de fin de saison de £200'000 en provenance de Brighton.
Mis à part ces deux victimes, Fagan pouvait s’estimer heureux de sa liste peu étoffée de
blessés. Cinq joueurs – Grobbelaar, Kennedy, Hansen, Lawrenson et Lee – disputèrent la
totalité des 42 parties, alors que Neal et Rush n’en manquèrent qu’une seule. Son équipe avait
souffert de revers singuliers – comme, par exemple, quand ils reçurent une fessée de 4-0
contre Coventry à Highfield Road. Mais, elle redressait la barre lors du retour alors que la
troupe de Bobby Gould se déplaçait à Anfield une semaine avant la fin de la saison. Leur
victoire 5-0 – dont quatre nouveaux buts inscrits par Rush – leur assurait virtuellement le titre.
Quand il fut acquis, lors d’un match nul 0-0 à Notts County obtenu cinq jours plus tard,
Liverpool devint le premier club à remporter trois titres successifs de champion depuis
Arsenal dans les années 30.
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Auparavant, ils étaient déjà entrés dans l’histoire en remportant une nouvelle fois la Milk
Cup. Ce fut un parcours périlleux, jalonné d’une équipe de Brentford facilement battue mais
surtout de succès obtenus à la suite de matches à rejouer contre Fulham, Birmingham et
Sheffield Wednesday. Il y eut un autre choc lors de la demi-finale disputée en deux manches
quand la petite équipe de Walsall revint deux fois au score pour obtenir un match nul 2-2 à
Anfield. Mais, Liverpool se rendit alors dans les West Midlands et remporta la partie de
manière confortable sur le score de 2-0.
Ce fut, au contraire, hors du terrain que la tragédie fut de justesse évitée. Alors que les fans de
Liverpool, qui s’étaient déplacés en nombre, célébraient le deuxième but de Ronnie Whelan,
un mur situé devant Laundry End s’écroula, entraînant avec lui des centaines d’entre eux au
bas des escaliers pour retomber sur le terrain. Les caméras de télévision montrèrent certains
supporters les mains posées sur leur visage en sang alors que les stewards et les services de
secours essayaient d’évacuer les tribunes. Les joueurs de Liverpool vinrent apporter leur aide
et Souness fut photographié en train de porter secours à un petit garçon après qu’il eut été
emporté par la bousculade. Après quelques minutes d’angoisse, il s’avéra qu’aucune des
blessures n’avaient été particulièrement graves. La police rétablit l’ordre derrière le but et
l’arbitre – qui avait renvoyé les joueurs aux vestiaires – fut suffisamment confiant pour
autoriser à reprendre la partie. Cet épisode servit de signal d’alarme au sujet de l’état de
certains stades de football et des dangers provoqués par de vieilles tribunes qui s’écroulent
sans crier gare. Les fans en réchappèrent cette fois-ci.
L’Union de la Mersey
La victoire contre Walsall aboutit sur une finale que toute la région de la Mersey avait appelée
dans ses prières : Liverpool-Everton à Wembley. Pour les supporters des Rouges, c’était là
une chance de démontrer leur supériorité sur la plus grande et la plus majestueuse des scènes.
Pour Everton, fraîchement ressuscité de ses cendres sous la houlette de Howard Kendall,
c’était une opportunité d’émerger de l’ombre de leurs voisins après 14 années misérables
sans aucun trophée.
En vérité, il fallait une finale alléchante pour susciter l’intérêt des fans cette année. La
récession qui se prolongeait avait entaillé plus profondément que jamais le niveau des
affluences dans les stades et la Milk Cup, qui était la moins prestigieuse des compétitions, en
avait le plus souffert. Seuls 11'638 spectateurs s’étaient aventurés au stade pour le match à
rejouer du quatrième tour contre Birmingham cette saison-là. Il en fut de même quand
Brentford débarqua à Anfield sur un score déficitaire de 4-1 à la suite du match aller, une
pauvre affluence de 9'902 personnes franchirent les tourniquets d’entrée du stade.
Comme prévu, la perspective du premier derby de la Mersey de tous les temps à Wembley
inversa cette tendance. L’excitation autour de ce match était intense et le fait d’allouer 35'000
billets par club ne fut de loin pas suffisant pour satisfaire la demande. La finale devait avoir
lieu le dimanche 25 mars, mais dès le samedi matin déjà, les autoroutes en direction du sudouest furent prises d’assaut par les fans de Liverpool et d’Everton, des supporter rivaux qui,
dans bien des cas, appartenaient à la même famille. Des milliers d’entre eux firent le
déplacement et la police des routes redoublait d’attention à la vue d’écharpes rouges et bleues
bien souvent fixées au même véhicule.
Mais, le jour du match à 15h00, cette fraternité laissa place libre aux rivalités usuelles. Lors
d’une après-midi de pluie battante, Everton domina la plus grande partie de la première mitemps, démontrant agressivité et confiance. Ils réclamèrent vigoureusement un penalty qui
leur fut refusé après qu’Alan Hansen eut apparemment touché le ballon de la main dans ses
propres 16 mètres.
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Les Bleus eurent trois occasions supplémentaires avant la pause et, malgré le fait que
Liverpool se montra plus entreprenant en deuxième mi-temps, ces derniers ne purent se frayer
un chemin au travers de la solide charnière centrale d’Everton composée de Kevin Ratcliffe et
de Derek Mountfield. Un but d’un côté comme de l’autre aurait probablement scellé l’issue de
la partie mais, alors que Rush décochait une puissante volée à mi-distance, le gardien
international Gallois Neville Southall était à la parade. Il en fut de même sur un centre qui
laissa Grobbelaar pantois à cinq minutes du terme. Graeme Sharp choisit alors de remettre le
ballon de la tête à un de ses coéquipiers au lieu de diriger directement ses efforts dans le but
vide. C’est ainsi que le match se termina sur un score nul et vierge à la suite duquel les deux
équipes effectuèrent en commun un tour d’honneur où l’on put entendre Wembley résonner
aux chants entremêlés de « Merseyside, Merseyside, Merseyside ». Les esprits fraternels
étaient de retour – l’espace de 72 heures.
Le match à rejouer à Maine Road était programmé le mercredi soir – une rencontre disputée
devant 52'000 supporters qui firent encore plus de bruit que les 100'000 spectateurs qui
avaient assisté à la rencontre de Wembley. Everton entama à nouveau la rencontre de façon
remarquable et faillit même prendre l’avantage après 12 minutes quand Grobbelaar s’étendit
de tout son long sur sa ligne pour stopper une frappe puissante de Peter Reid. Toutefois, dix
minutes plus tard, survint un mouvement collectif de grande précision impliquant Neal, Lee,
Johnston et Dalglish. La balle tomba ensuite dans les pieds de Souness qui évita un tacle de
Ratcliffe avant d’armer un tir terrible du pied gauche qui trompa Southall.
Everton démontra un esprit combatif et passa bien près de l’égalisation à plusieurs reprises
avant que le coup de sifflet final retentisse. Mais Liverpool avait joué avec plus de conviction
que ceux-ci lors du premier match et ils méritaient leur victoire malgré l’absence de but de la
part de Rush qui avait marqué lors de tous les tours précédents. Il y eut un prix de consolation
pour l’équipe de Kendall quand ils revinrent à Wembley deux mois plus tard pour remporter
la Coupe d’Angleterre, complétant ainsi la première main mise de la Mersey en matière de
trophées domestiques depuis 1966. Mais, de par le fait que les Rouges étaient toujours en
course, il y avait bien plus à gagner encore ailleurs.
Tous les Chemins Mènent (à Nouveau) à Rome
Après deux saisons de déception, Liverpool était déterminé à revenir dans l’élite Européenne.
Ils commencèrent leur quête de manière impériale en battant BK Odense 1-0 au Danemark
avant de trouver cinq fois le chemin des filets sans concéder le moindre but lors du match
retour à domicile. Toutefois, quand le champion d’Espagne Athletic Bilbao obtint un match
nul et vierge à Anfield, la plupart des observateurs ne donnèrent guère de chance à Liverpool
d’aller plus loin dans la compétition. Il fallut une brillante performance d’équipe – et une
reprise de la tête de Ian Rush – pour rendre les critiques silencieux et ainsi s’adjuger une
qualification pour le troisième tour.
Benfica, le champion du Portugal, fut le prochain adversaire – battu 1-0 à Anfield et massacré
4-1 devant 70'000 fans au Stade de la Luz. En demi-finale, ce fut au tour de Dinamo Bucarest,
une équipe qui empêcha une victoire plus large de Liverpool qu’un modeste 1-0 à Anfield au
moyen d’une série odieuse et exagérée de tacles et de fautes dangereuses. Lors du match
retour en Roumanie, ils furent encore plus brutaux. Ils infligèrent à leurs visiteurs une quantité
de coups de pieds, de chutes provoquées et de coups de coudes et cela dès le coup d’envoi.
Souness, qui avait été pris dans une violente mêlée lors du match à Anfield, était le sujet du
plus terrible des traitements. A la fin du match, ses chaussettes étaient en lambeaux, ses
protèges-tibias fendus et ses jambes meurtries du haut en bas. Mais il n’en avait cure.
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Il était à l’origine d’un but ponctué d’une superbe volée de Rush, avait contribué à l’obtention
d’une victoire mouvementée 2-1 de son équipe et avait aidé les siens à s’assurer une nouvelle
place de finaliste d’une Coupe Européenne.
Ce match allait les aider en Italie, au Stade Olympique, terrain de l’AS Rome. L’adversaire de
Liverpool allait précisément être… l’AS Rome. En 1977, du temps où les Rouges avaient
remporté le trophée, les Liverpooliens avaient fait de la capitale Italienne leur propriété. Mais,
cette fois-ci, face à la fierté de Rome, ils allaient être jetés en pâture aux lions. Les 20'000
supporters qui avaient fait le voyage depuis la Mersey entrèrent dans une cité en transe. Des
drapeaux qui prédisaient la victoire flottaient bien en vue depuis tous les appartements des
différents bâtiments et la plupart des Italiens ne parvenaient pas à comprendre pourquoi leurs
adversaires s’évertuaient malgré tout à faire le déplacement. Dans leurs esprits, la Coupe était
déjà gagnée. Sur l’écharpe la plus vendue aux alentours du stade était écrit la
légende : « Rome – Champion d’Europe 1984. »
L’atmosphère fiévreuse qui régnait dans les tribunes se communiqua jusque dans les
vestiaires. Mais, comme Alan Kennedy le dévoilera plus tard, les joueurs de Liverpool
découvrirent leur propre moyen de surmonter la pression : « Je parviens à me rappeler ce que
Craig Johnston disait : « Hé, nous semblons quelque peu nerveux, alors pourquoi ne pas
chanter une chanson quand nous sortirons d’ici ? » Nous avons alors chanté le tube de Chris
Rea « I Don’t Know What It Is, But I Love It » comme nous passions devant les vestiaires des
Romains. Ils n’arrivaient pas à y croire. Subitement, nous nous sommes sentis comme si nous
mesurions 3 mètres de haut et nous sommes entrés sur le terrain en chantant. Je pense que cela
s’est remarqué lors des 15 premières minutes parce que nous avons pratiqué le meilleur
football possible – et nous avons alors marqué un but par l’intermédiaire de Phil Neal. »
Cette ouverture du score fut le résultat d’une leçon classique de réalisme – elle survint à la
suite d’un dégagement maladroit de l’adversaire qui heurta Rush pour retomber dans les pieds
de Neal à environ six mètres des buts. Cela donna à Liverpool un avantage certain et, alors
que la partie s’acheminait bientôt vers la pause, Rome s’évertuait en vain à trouver un moyen
de revenir au score. C’est alors que, sur le coup de sifflet signalant la mi-temps, Roberto
Pruzzo obtenait l’égalisation de la tête et expédiait les fans Italiens en plein délire. Si
Liverpool avait bien besoin de conserver son sang froid légendaire, c’était maintenant.
Et c’est ce qu’ils firent. Mais, leurs efforts ne permirent que de conserver le 1-1 ce qui allait
inévitablement déboucher sur un test de nervosité encore plus important que jusqu’alors : une
série de tirs au but devant 70'000 fans – et une couverture télévisée suivie par des millions
d’entre eux. Fagan savait que la pression de ses joueurs était descendue. Quand il arriva sur le
terrain, il leur dit : « Vous avez été superbes, vous n’auriez pas pu mieux faire. Je suis fier de
tout ce que vous avez accompli quoiqu’il puisse maintenant se passer. » Tout ce qui lui restait
à faire était de nommer les cinq tireurs de penalties : Neal, Souness, Rush, Nicol et Kennedy.
Alors que Kennedy fut choisi pour tirer le premier, Nicol insista pour en assumer la
responsabilité. Il paraissait confiant au moment de s’avancer – mais fut atterré lorsqu’il vit
son tir passer au-dessus de la barre transversale. Souness convertit le second avant que le
Romain Bruno Conti n’envoie le sien haut et loin du cadre, ce qui ramena le score à égalité.
Le gardien Italien Franco Taredi – qui avait sauvé la moitié des 16 derniers penalties tirés
contre lui – n’eut aucune chance face à Neal et Rush qui exécutèrent des tirs parfaitement
placés. Quant à Grobbelaar, les traits tirés, il faisait mine d’avoir les jambes en coton et
semblait jouer avec les nerfs de Francesco Graziani. Une poignée de secondes plus tard,
l’international Italien frappa le ballon et il fut immédiatement évident que son envoi allait
heurter la barre transversale.
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Alors que le gardien de Liverpool s’enfuit de sa ligne de but en jubilant, tous les regards se
focalisèrent sur Kennedy. Il était rarement décisif dans l’obtention du gain d’une partie mais,
après avoir assuré la Coupe d’Europe à Paris, il avait maintenant l’opportunité de le faire une
seconde fois : « La pression était sur mes épaules mais j’étais discrètement confiant, » ditil. « Je savais que je donnerais le meilleur de moi-même et que si je cadrais mon tir, je
marquerais. » Et c’est ce qu’il fit – d’un tir du pied gauche, il expédia le gardien Taredi du
mauvais côté et ramena le titre le plus convoité d’Europe à Anfield pour la quatrième fois.
C’était une incroyable fin pour une incroyable saison. Joe Fagan avait remporté un triplé à son
premier essai et reçut en personne l’accolade destinée au Manager de l’Année. Ian Rush fut
nommé Footballeur de l’Année et Meilleur Joueur de l’Année PFA ainsi que vainqueur du
très convoité Soulier d’Or Européen – avec 49 buts marqués pour son club et son pays.
Liverpool avait surmonté le vide laissé par Paisley et, à peine une année après son départ, il
semblait que le beau temps allait s’installer pour toujours. Mais, le ballon allait bientôt éclater
de la pire et de la plus tragique des façons.
L’Horreur du Heysel
Fagan entra dans sa seconde campagne sans les services de Souness qui avait été transféré au
club Italien de Sampdoria pour £500'000. Il le remplaça par John Wark, un compatriote et
international Ecossais qui avait impressionné le boss de Liverpool par l’habitude qu’il avait de
marquer depuis le milieu de la portion de terrain adverse alors qu’il évoluait encore avec
Ipswich, une équipe rivale de Première Division. Wark ne remplaça jamais l’influence
dirigeante au sein de l’équipe de l’ancien capitaine mais il prouva être extrêmement efficace
devant le but. Ses jaillissements du milieu du terrain apportèrent une nouvelle dimension à
l’attaque de Liverpool. Et, à sa première année au club, il devança Rush en atteignant la cible
à 27 reprises, toutes compétitions confondues.
Toutefois, sa forme ne fut qu’une seule des petites étincelles trop peu nombreuses qui
illuminèrent une saison 1984-85 misérable. Quatre années d’invincibilité en Milk Cup
trouvèrent leur épilogue suite à une élimination au troisième tour à Tottenham. En Ligue, ils
terminèrent la course au titre à 13 points d’Everton, les futurs champions. Quant à la Coupe
d’Angleterre, ils furent éliminés en match à rejouer des demi-finales par leurs rivaux de plus
en plus acerbes du nord-ouest, Manchester United. En addition de cela s’ajouta encore une
défaite à Wembley face à leurs voisins de la Mersey lors du Charity Shield ainsi qu’une
déconvenue en Championnat du Monde des Clubs face aux Argentins d’Independiente. Dès
lors, il sembla que les espoirs d’une nouvelle saison à succès seraient rapidement expédiés
aux oubliettes.
Toutefois, la Coupe d’Europe offrait une possibilité de sauvetage. En contre-pied de leur
forme domestique, Liverpool avait joué avec style et confiance lors de ces joutes, se
débarrassant des champions de Pologne Lech Poznan, des Portugais de Benfica, de FK
Austria Memphis et des détenteurs du titre en Grèce, Panathinaikos. Pour atteindre la finale,
ils avaient inscrit 18 buts dans cette compétition et n’en avaient encaissé que quatre. Ils ne se
trouvaient plus éloignés que de 90 minutes de leur cinquième succès dans la plus prestigieuse
des compétitions Européennes – n’ayant plus alors que la Juventus, le géant de la Serie A
Italienne, comme obstacle sur leur chemin.
Le lieu choisi pour cette rencontre fut le vieux et vétuste stade Belge du Heysel, situé au cœur
de Bruxelles. Les officiels de Liverpool avaient exprimé leurs craintes à propos de sa
fonctionnalité lors des semaines qui précédèrent le match.
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Mais, les soucis à propos de la sécurité et les signes apparents de ségrégation entre fans furent
balayés par l’UEFA et les autorités du football Belge. De ce qu’ils avaient pu constater, le
stade était en parfait état : la 30ème finale de Coupe d’Europe pourrait bien avoir lieu comme
prévu le mercredi 29 mai 1985.
Cette décision allait être fatale. Les supporters débarquèrent à Bruxelles dans un stade délabré
dont la sécurité était chaotique et les installations dans les tribunes inadéquates. Une quantité
de fans de Liverpool passèrent au travers des tourniquets situés aux entrées sans avoir besoin
de montrer leur billet. Une fois à l’intérieur, ils sentirent les tribunes trembler sous leurs pieds
et les barrières compressées commencèrent à céder sous le poids de la masse. Et, le plus
surprenant de tout, ils s’aperçurent qu’une section de leur tribune avait été laissée à des fans
Italiens. La seule chose qui les séparait était une longue et fragile clôture de fils de fer
métalliques.
Sans aucun steward pour soutenir l’interdiction d’alcool, l’atmosphère entre les Anglais et les
Italiens devint désagréable. En l’absence de police pour les maintenir séparés, les fans rivaux
commencèrent à s’envoyer de part et d’autre des insultes et des coups. A environ une demiheure du coup d’envoi, une longue barrière fut abattue et les partisans de Liverpool poussèrent
en direction de la section de la Juventus. Dans leur espoir de se réfugier en lieu sûr, les
Italiens tentèrent de s’enfuir ce qui provoqua une immense pression qui entraîna la rupture
d’un mur situé devant l’enceinte des gradins. Des millions de gens furent témoins de cette
scène à la télévision et entendirent le bruit qui accompagna cet effondrement. Quelques
minutes plus tard, ils purent apercevoir les premiers corps des 39 victimes être évacués sur
des brancards.
A la surprise générale, la finale fut maintenue. D’ailleurs, la plupart des fans présents dans
l’enceinte du stade furent dans l’incapacité totale d’imaginer l’ampleur de la tragédie. Les
officiels de l’UEFA craignaient qu’il y ait plus de troubles si le match était annulé. Les
joueurs de Liverpool, hébétés par ce qui venait juste de se produire devant leurs yeux,
acceptèrent à contre cœur. Mais, pour la plupart de ceux qui se trouvaient sur le terrain, la
défaite 1-0 passa pour une grande confusion.
La tragédie du Heysel mit un point final écoeurant à un bilan Européen fier et sans défaut.
Forces de l’ordre sous-représentées, mauvaise répartition des billets, un stade en décrépitude
agrémenté d’un assaut donné par une minorité de « fans » de Liverpool furent les éléments
qui jouèrent un rôle dans ce désastre. Quand les enquêteurs Belges identifièrent les meneurs,
les deux clubs et la police de la Mersey offrirent leur aide et leur coopération. Dans le but
d’établir un examen de conscience à la suite de ces événements, certains fervents supporters
jurèrent qu’ils n’assisteraient jamais plus à un match. Certains joueurs, comme Grobbelaar,
envisagèrent sérieusement de se retirer. Et c’est un Joe Fagan complètement anéanti qui
confirma également qu’il en avait assez.
Encouragée par des politiciens de l’Europe entière, l’UEFA infligea une interdiction jusqu’à
nouvel ordre à l’encontre de tous les clubs Anglais de prendre part à une compétition sur le
Continent. Ils imposèrent également à Liverpool une sanction complémentaire de trois ans
d’exclusion à dater de la levée de la sanction. Le club accepta cette sentence. Mais, au regard
d’une réputation souillée et de finances potentiellement mal en point, le futur n’avait jamais
semblé si incertain.
Retour de Manivelle
Au cœur de la tourmente, les directeurs d’Anfield mirent un de leurs plans les plus intrépides
à exécution. Ils décidèrent de veiller sur le malade convalescent du Heysel en offrant le poste
de manager à Kenny Dalglish, rompant ainsi la tradition de la Boîte de Chaussures qui les
avait si bien servi par le passé.
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La nomination apparut comme une surprise pour beaucoup et Dalglish provoqua un choc bien
plus conséquent encore quand il annonça qu’il allait également rester dans le cadre des
joueurs de l’équipe. Au travers de toutes ces années, il avait toujours reçu un respect illimité
de la part des fans et la plupart d’entre eux étaient prêts à jeter leur dévolu sur lui. La
nomination par ses soins de Bob Paisley en tant que « conseiller inofficiel » ne fit
qu’accentuer cette confiance.
Dalglish fut rapide en matière de changements. Dans les semaines qui suivirent le début de
son nouveau régime, Steve Nicol et le jeune Irlandais Jim Beglin devinrent tous deux
titulaires aux postes de défenseurs centraux. Jan Molby, un milieu de terrain Danois qui avait
été engagé pour aider à palier le vide laissé par Souness, reçut un rôle d’arrière volant opérant
derrière les quatre défenseurs. Craig Johnston, qui n’avait pas eu les faveurs de la cote sous
l’ère de Fagan, devint titulaire incontesté. Au milieu du terrain fit irruption Steve McMahon
l’ancien homme fort d’Everton et d’Aston Villa. Ceux qui se retrouvèrent ainsi marginalisés –
comme Alan Kennedy et Phil Neal – durent accepter l’idée que Dalglish effectuait ces
changements pour le bien du club. Pour une moitié de saison, il se remplaça lui-même,
préférant la fantastique habileté balle au pied de Paul Walsh.
Son équipe débuta la nouvelle saison relativement bien mais se retrouva rapidement dans
l’ombre de Manchester United qui remporta ses dix premiers matches. Liverpool refit son
retard quand United se liquéfia mais il était toujours placé derrière Everton, qui obtint une
remarquable victoire 2-0 à Anfield en février. Il n’y eut pas que la presse écrite pour estimer
les chances de succès de Liverpool réduites à néant à la suite de cette défaite. Cette opinion
fut également partagée par le nouveau capitaine Alan Hansen qui avait même affirmé à son
manager que c’était « l’équipe de Liverpool la plus limitée » dans laquelle il avait pu évoluer.
Toutefois, le capitaine était en passe d’être spectaculairement démenti. Liverpool récolta la
bagatelle de 31 points de leurs 11 matches suivants grâce à une attaque retrouvée qui frappa à
six reprises contre Oxford, cinq fois contre Coventry et Birmingham et quatre fois contre
Queens Park Rangers. Leurs prestations furent superbes, avec Molby qui distillait des passes
parfaites au millimètre dans toutes les directions, Rush qui retrouvait sa forme la plus
meurtrière et Dalglish, en personne, qui transperçait les défenses les plus imperméables.
Kevin McDonald, un Ecossais venu de Leicester City en 1984, devint une autre révélation. Il
saisit sa chance lorsqu’il fut sélectionné pour remplacer McMahon blessé et fut assez efficace
pour conserver sa place jusqu’au dernier match. Même si McDonald ne posséda jamais un
style de jeu capable de faire de lui un des favoris du public, ses coéquipiers purent rapidement
apprécier ses talents de travailleur infatigable et son habileté dans le jeu de passe. Comme
Hansen l’écrivit plus tard : « Je dirais simplement qu’en toute fin de saison 1985-86, il fut, et
de très loin, le joueur le plus influant de notre équipe. »
Le magnifique sprint final des Rouges permit à ceux-ci d’avoir le titre à portée de main. Mais,
pour pouvoir empoigner définitivement le trophée, ils avaient encore besoin d’une victoire à
Stamford Bridge lors de la dernière journée de la saison. « Liverpool devra passer sur mon
cadavre s’il désire gagner le championnat, » déclara Ken Bates, le président de Chelsea lors
d’une interview d’avant match. Mais, ce n’était pas la première fois que ce type de
psychologie fut contredite. Une formation de Liverpool motivée à l’extrême entra sur le
terrain et Dalglish – qui préféra laisser parler son talent en guise de réponse – obtint le seul
but de la partie. Alors que Bates pouvait rentrer chez lui les lèvres scellées, les fans de
Liverpool célébraient un 16ème titre sans précédent en Ligue.
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Rush Pour un Doublé
Une semaine plus tard, ils étaient de retour à Londres pour voir leur équipe fouler la pelouse
de Wembley. Dalglish, à sa première saison aux commandes de l’équipe, était sur le point de
réaliser le seul doublé Ligue/Coupe d’Angleterre de l’histoire du club. Everton était la seule
équipe à pouvoir encore l’en empêcher.
Ces derniers possédaient la meilleure équipe formée à Goodison depuis des années. A dater de
leur défaite de 1984 en Milk Cup, ils avaient remporté la Coupe d’Angleterre, le Championnat
et la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupes. Peter Reid, Trevor Steven et l’ancien joueur
de Liverpool Kevin Sheedy formaient l’un des partenariats les plus efficaces du pays au
milieu du terrain. Et, avec Gary Lineker à la pointe de l’attaque, Everton possédait dans ses
rangs le seul buteur de Grande-Bretagne à pouvoir rivaliser avec Rush en matière de vitesse et
d’efficacité d’exécution.
Lors d’une après-midi très chaude, ce fut le centre-avant de l’équipe d’Angleterre qui frappa
le premier, résistant à une intervention d’Hansen, il poursuivit son action par un tir que
Grobbelaar ne put qu’effleurer. Il manqua l’exécution d’une volée et ainsi une opportunité
d’inscrire un deuxième but avant la pause. Sheedy et Steven virent également tous deux leurs
essais échouer de peu en début de deuxième mi-temps. Liverpool semblait bien incapable de
retrouver son rythme et son jeu collectif. Leur frustration devint apparente quand Grobbelaar
et Beglin échangèrent quelques politesses suite à un cafouillage défensif.
Mais, tout changea subitement. Après approximativement une heure de jeu, Rush s’en alla
réceptionner une passe parfaitement dosée de Molby avant de contourner le gardien d’Everton
Bobby Mimms et d’expédier la balle dans le but vide. Six minutes plus tard, il trouva Molby
sur le flanc gauche avant de pouvoir admirer le centre exécuté par le grand Danois qui
retomba dans les pieds de Johnston qui fusilla le gardien à moins de huit mètres du but.
La moitié Rouge du public de Wembley explosa. Alors qu’Everton flétrissait sous le soleil,
les fans de Liverpool regardaient MacDonald et Molby conserver le ballon au milieu du
terrain, Johnston occuper chaque parcelle de gazon et Rush se faire menaçant sur chaque
percée vers l’avant. Alors qu’il restait six minutes de jeu, leur destinée du jour fut scellée.
Ronnie Whelan se lança à la poursuite d’un ballon sur le flanc droit avant de le transmettre
dans les pieds de Rush. Le tir du Gallois fut si puissant qu’il brisa la caméra de télévision
placée derrière le but de Mimms.
Liverpool avait réussi son doublé et toutes les personnes impliquées dans le club ressentirent
l’étrange expérience d’un mélange de joie et de soulagement. Douze mois après le Heysel, les
joueurs s’étaient une nouvelle fois hissés de leurs propres moyens au sommet du football
Anglais et avaient ainsi commencé à restaurer la fierté de leur ville. Les supporters, bien loin
de délaisser leur équipe, commencèrent de retourner au stade augmentant ainsi la
fréquentation à Anfield à son niveau le plus haut depuis cinq saisons. Et Dalglish, qui fut
probablement le meilleur joueur de tous les temps à Liverpool, prouva qu’il était également
un formidable patron. Après à peine 12 mois passés à la barre, il fut désigné Manager de
l’Année.
Les Artistes
Il était encore très conciliant avec les joueurs dont il avait hérité et ce n’était qu’une question
de temps avant qu’il puisse mettre sur pied une équipe qu’il pourrait vraiment définir comme
étant la sienne. Une campagne 1986-87 vide de titre accéléra probablement le processus, mais
également une série de blessures et de départs. Parmi ceux qui mirent effectivement fin à leur
carrière à Liverpool cette saison-là on trouva Jim Beglin et Kevin MacDonald, qui souffrirent
tous les deux d’une jambe cassée. Sammy Lee, qui avait lutté pour une place en première
équipe sous le règne de Dalglish, décida de partir à Queens Park Rangers.
HUITIEME CHAPITRE 1984-1991 TRIOMPHES ET TRAGEDIES
129
Il en fut de même pour John Wark qui retourna dans son ancien club d’Ipswich après s’être
remis d’une succession de blessures.
Mais, le vide le plus important fut laissé par Ian Rush, dont le transfert de £3,2 millions à la
Juventus constituait le record pour Liverpool. Les Italiens avaient démontré leur intérêt peu
après sa démonstration face à Everton lors de la finale de la Coupe d’Angleterre. Mais, les
deux clubs acceptèrent de reporter l’accord d’une année. Rush s’en alla avec la manière,
comptabilisant 30 buts marqués en Ligue et inscrivant le but de son équipe lors de la finale de
la Coupe de la Ligue perdue 2-1 face à Arsenal, épreuve rebaptisée dès cette année-là
Littlewood Cup. Il continua également à persécuter Everton, obtenant le but égalisateur à 1
partout lors de la finale du Charity Shield, inscrivant le but qui les élimina de la Coupe
d’Angleterre et figurant deux fois sur la liste des buteurs lors du match de Ligue gagné 3-1 à
Anfield. Pour couronner le tout, il disputa les deux manches de la finale de la Super Coupe
sponsorisée alors par Screen Sport et marqua à cinq reprises lors d’une victoire sur le score
total de 7-2 de Liverpool sur leurs voisins.
Son départ aurait pu être désastreux mais il fut, au contraire, un catalyseur. John Aldridge, un
Liverpoolien au physique ressemblant à celui de Rush, avait été engagé dans le but de le
remplacer vers la fin de la saison 1986-87 pour la somme de £750'000. Mais, durant la
période allant de l’été à l’automne, le manager opéra des changements radicaux dans la
manière dont son équipe serait composée et évoluerait.
Avec l’argent reçu de la Juventus qui lui brûlait les doigts, Dalglish dépensa £900'000 pour le
joueur de Watford John Barnes, un éblouissant attaquant né en Jamaïque, qui exécuta un coup
franc magistral contre Liverpool l’année précédente et qui avait ainsi été candidat pour figurer
au palmarès du But de la Saison. Mais, ce coup de patte n’était rien à comparer à celui qui fit
sa réputation – une course époustouflante suivie d’un tir qui passèrent en revue toute la
défense Brésilienne pour être considéré encore de nos jours comme le plus beau but inscrit par
l’équipe d’Angleterre.
Quatre semaines après la signature de Barnes, le manager pulvérisa le record des transferts de
toute la Grande-Bretagne réunie en engageant Peter Beardsley à Anfield, en provenance de
Newcastle. Le buteur de poche, originaire du Tyneside, avait illuminé la Première Division
par sa sublime dextérité suivie d’un rôle de tout premier ordre avec l’équipe d’Angleterre lors
de la Coupe du Monde de 1986 au Mexique. Rapide, rusé, solide et doté d’un tir foudroyant, il
était le joueur le plus convoité du pays – même au prix de £ 1,8 million. Mais, malgré cela, la
folie des grandeurs n’était toujours pas terminée. Deux mois après le début de la nouvelle
saison, Dalglish dépensa le solde de l’argent disponible pour s’octroyer les services de Ray
Houghton, un vif milieu de terrain et international Irlandais, coéquipier d’Aldridge du temps
où il évoluait à Oxford United, capable de déchirer les défenses adverses – et d’inscrire autant
de buts qu’il en créait.
Les quatre nouveaux garçons aidèrent à former une équipe débordante de dynamisme et
d’imagination. A la mi-saison, ils avaient dépassé la barre des 50 buts marqués. Ils
enregistrèrent également une série de 29 matches sans défaite, égalant ainsi un record établi
14 années auparavant par Leeds United. Enhardis par le spectacle présenté, les fans de
Liverpool revinrent en nombre sans cesse croissant. Ainsi, les 40'000 spectateurs qui
assistèrent aux rencontres disputées chaque quinzaine furent comblés autant par le résultat que
par la manière : « On parlait d’invincibilité à notre sujet quand nous sortions des vestiaires
pour jouer à Anfield, » se rappelle Houghton. « Tu sentais qu’avec le football extraordinaire
que nous pratiquions, nous ne pouvions pas être battus.
HUITIEME CHAPITRE 1984-1991 TRIOMPHES ET TRAGEDIES
130
Lors de la plupart des matches, nous ne pénétrions pas sur le terrain en nous demandant si
nous allions gagner. La question était en fait de savoir avec quelle différence de but nous
allions l’emporter. »
Beardsley tenu largement toutes ses promesses, inscrivant 15 buts en Ligue et occupant une
place prépondérante sur une quantité d’autres. Barnes et ses chevauchées fantastiques
faisaient vibrer les stades de tous les coins du pays, ce qui lui rapporta la récompense de
Footballeur de l’Année et il fut élu par ses paires Joueur de l’Année de la PFA. De plus,
Aldridge compensa la déception due au transfert de Rush en inscrivant 29 buts, toutes
compétitions confondues, remportant ainsi le Soulier d’Or Européen. « John savait
généralement où j’allais expédier le ballon avant que je n’aie eu le temps de le faire, » dit
Barnes. « J’essayais juste de pénétrer dans les seize mètres et, la plupart du temps, il parvenait
à anticiper ce qui allait se passer et ainsi devancer les défenseurs adverses avant de marquer. »
La formation rêvée composée par Dalglish s’adjugea le Championnat dès le mois d’avril –
devenant la première équipe à remporter le titre avant que la finale de la Littlewoods Cup
n’ait été disputée. Ils ne perdirent que deux rencontres, inscrivant 87 buts et terminant à un
total de 90 points en 40 matches disputés. Leur performance la plus remarquable fut la
destruction pure et simple de Nottingham Forest à Anfield sur le score de 5-0, dont deux buts
d’Aldridge et d’autres réussites de Beardsley, Houghton et du défenseur central Gary
Gillespie. Au milieu des superlatifs qui fusèrent de toutes parts pour décrire cette soirée, on
mettra en évidence cette observation du légendaire footballeur de l’équipe d’Angleterre Tom
Finney, « C’était la plus extraordinaire démonstration de tous les temps à laquelle il m’ait été
donné d’assister aussi bien en tant que joueur qu’en tant que spectateur. Vous n’auriez pas pu
voir meilleur spectacle ailleurs – même pas au Brésil. Les actions qu’ils concoctèrent étaient
fantastiques. »
Ses compliments furent diffusés au travers des médias. Durant les nombreuses années de
succès de Liverpool, les reporters avaient – souvent injustement – qualifié l’équipe comme
étant une « machine ». Mais aujourd’hui, tout le monde applaudissait l’inventivité et le style
qui faisaient même passer les équipes les plus réputées pour de simples faire-valoir. « Nous
possédions des joueurs d’une telle qualité que Kenny aurait pu aligner deux équipes en
Première Division » dit Houghton. « Et elles auraient probablement terminé première et
seconde. » Personne ne pu nier que Dalglish avait assemblé une équipe de battants de niveau
mondial. Seul un fou aurait parié contre eux pour l’obtention d’un nouveau doublé.
Mais, ce fou aurait remporté le pactole. Lors de l’une des plus grandes sensations de tous les
temps vue à Wembley, Liverpool perdit la finale de la Coupe d’Angleterre contre Wimbledon
– une équipe longtemps considérée par les puristes du football comme étant une bande de
plaisantins. Douze années plus tôt, le club ne figurait même pas dans les tabelles de la Ligue
de Football. Mais, grâce aux apports financiers d’un riche businessman local, les hommes de
Plough Lane se frayèrent un chemin jusqu’au sommet de la hiérarchie au moyen de sévères
agressions, d’une tactique simpliste à l’extrême et d’un esprit d’équipe redoutable.
C’était un mélange peu attractif qui fournit toutefois à la saison jusque-là spectaculaire de
Liverpool un bien humiliant épilogue. Soutenu par une poignée de 10'000 supporters,
Wimbledon se défendit désespérément dès le début de la partie, comptant sur son grand
gardien de 1,90 mètre, Dave Beasant, qui effectua une succession de parades superbes.
Toutefois, après 36 minutes de jeu, Beardsley glissa le ballon victorieusement sous celui-ci
après avoir résisté à une charge d’Andy Thorne. L’espace de quelques secondes, une victoire
de Liverpool semblait inévitable.
HUITIEME CHAPITRE 1984-1991 TRIOMPHES ET TRAGEDIES
131
C’est alors que tout le monde réalisa que l’arbitre avait sifflé un coup franc au lieu de laisser
continuer l’action selon le principe de la règle de l’avantage.
Ce but refusé fut le tournant du match. Une minute plus tard, Wimbledon prit l’avantage par
Lawrie Sanchez. Alors qu’il restait une demi-heure à jouer, Beasant arrêta un penalty tiré par
Aldridge. Dès cet instant-là, la défense compacte des Dons résista à la pression soutenue de
Liverpool. Ce fut un bien curieux dénouement et – sans vouloir renier les mérites de l’entrée
dans l’histoire de Wimbledon – il convient de se remémorer l’analyse personnelle d’après
match de l’arbitre : « Je suppose que toutes les circonstances étaient requises pour faire valoir
la règle de l’avantage et, en y repensant, peut-être aurais-je dû l’appliquer. »
Ce fut une triste fin pour une saison exaltante mais celle-ci s’effacera rapidement des
mémoires. Le jour où Liverpool disputera sa prochaine finale de Coupe d’Angleterre, les
joueurs, les fans et les officiels observeront le football au travers d’une nouvelle perspective.
Une simple défaite sur le terrain n’est rien à comparer d’une tragédie dans les tribunes.
Le Jour le Plus Sombre
La campagne de Liverpool 1988-89 allait contenir assez de matière à discussion pour
alimenter un livre entier – y compris une bataille à couteaux tirés en Championnat ponctuée
par un but de dernière minute d’Arsenal inscrit devant le Kop médusé. Celle-ci enregistra
également une rentrée prodigue au bercail – l’heureux retour de Ian Rush après une saison
seulement passée en Italie. Mais aussi l’événement sportif le plus dramatique qui fit de
l’ombre à toutes ces nouvelles. Ce fut la saison où Liverpool se trouva lui-même au centre de
la plus grande polémique du monde.
Elle fut suivie par des millions de téléspectateurs en direct du stade de Hillsborough à
Sheffield, à l’occasion de la demi-finale de Coupe d’Angleterre contre Nottingham Forest.
Aux partisans de Liverpool – un club qui attirait habituellement une moyenne de 39'000
spectateurs – on réserva le secteur de Leppings Lane situé à l’une des extrémités du stade. A
ceux de Forest, qui attirait à domicile une foule dépassant péniblement 20'000 spectateurs de
moyenne, on attribua le « Kop » situé à l’autre extrémité du terrain – une tribune d’une
capacité deux fois plus élevée que celle de Lepping Lane.
Il était 2h30 de l’après-midi approximativement, il y eut une poussée impliquant des fans de
Liverpool qui essayaient d’entrer dans le stade à temps pour assister au coup d’envoi. Un
quart d’heure plus tard, la foule avait gonflé de 5'000 personnes supplémentaires, ce qui rendit
impossible l’entrée par les tourniquets du stade. Les plus hauts gradés parmi les officiers de
police, qui observaient la scène depuis des moniteurs TV, décidèrent que quelque chose devait
être entrepris afin de surmonter le chaos. Mais, au lieu d’ordonner un report du coup d’envoi,
la décision fut prise d’ouvrir une large et unique porte située dans le mur d’enceinte du stade.
Le résultat fut une ruée des fans au travers des allées qui menaient aux Entrées no Trois et
Quatre de Leppings Lane – deux secteurs centraux qui avaient déjà atteint leur pleine
capacité. Quand les équipes firent leur apparition sur le terrain à 14h54, l’excitation provoqua
une poussée vers l’avant qui causa une pression suffocante. Ceux qui arrivèrent en retard
furent dans l’impossibilité d’imaginer l’écrasement qui s’exerçait tout devant. Pour ceux qui
avaient pris leurs places plus tôt dans l’après-midi, il n’y eut plus aucune possibilité de
s’échapper – leurs visages et leurs corps furent compressés contre les barrières en métal
destinées à prévenir les invasions du terrain. Dans les minutes qui suivirent le coup d’envoi,
une offensive de Liverpool provoqua alors une autre poussée. A ce moment-là, la pression
était devenue si insupportable que les fans désespérés commencèrent à être soulevés en
direction du secteur des places assises situé au-dessus des rangées debout.
HUITIEME CHAPITRE 1984-1991 TRIOMPHES ET TRAGEDIES
132
A 15h06, une partie de ceux-ci se fraya un chemin au travers d’un espace très étroit pour
aboutir sur le terrain. Comme la police ignorait les appels au secours provoqués par la
pression, certains de ces supporters se précipitèrent au devant des joueurs de Liverpool en
hurlant. Les uns après les autres, ils délivrèrent la terrifiante nouvelle : « Des gens sont en
train de mourir là-derrière. »
Tout à coup, l’énormité du problème apparut. Un policier s’élança sur la pelouse et ordonna à
l’arbitre d’interrompre la partie. Des corps furent soulevés vers l’avant et déposés sur la piste
cendrée. Et, alors que les joueurs furent priés de regagner les vestiaires, la BBC coupa en
direction du présentateur Des Lynham qui se trouvait au bord du terrain : « Des gens sont en
larmes ici. Sans qu’il n’y ait eu aucune violence à déplorer de la part des supporters de
Liverpool. Ils affirment qu’ils ont été dirigés du mauvais côté du stade, les entrées étaient
ouvertes et les billets n’étaient pas contrôlés. Ils reprochent aux autorités d’avoir ouvert les
portes. »
Dans les minutes de confusion qui suivirent, certains fans arrachèrent les panneaux
publicitaires pour construire des brancards de fortune. Les officiers des Ambulances St John
se dépêchèrent alors d’administrer les premiers secours et le bouche à bouche. Des quantités
de supporters en détresse déambulaient en titubant dans tout les sens à la recherche d’air. Sur
le terrain, des douzaines d’enfants, d’adolescents, d’hommes et de femmes étaient étendus
sans vie ou sur le point de mourir. Au total, 94 supporters de Liverpool perdirent la vie le 15
avril 1989. Lee Nichol, 14 ans, mourut deux jours plus tard. Tony Bland, âgé de 17 ans au
moment du désastre, resta dans le coma durant presque 4 ans avant que le système de
respiration artificiel qui le maintenait en vie soit finalement débranché.
La région de la Mersey était submergée par un mélange d’indignation, de chagrin, de colère et
de dégoût. D’indignation par l’ampleur de la tragédie, de chagrin pour ceux qui étaient
décédés et pour leurs familles et amis dans le deuil, de colère contre les autorités qui
planifièrent les aménagements dans les tribunes – et contre la police pour leur perte totale du
contrôle de la situation, de dégoût enfin à l’attention des médias qui étaient déterminées, en
dépit de toutes les évidences, à faire porter le chapeau aux fans eux-mêmes. La cruauté de
certains reportages – particulièrement envers les proches des victimes au moment où elles
étaient encore accablées de chagrin – est toujours difficile à accepter et encore plus à
pardonner. Malgré ses excuses tardives, le Sun doit, encore de nos jours, reconquérir sa part
de marché perdue à l’époque du côté de la Mersey.
Malgré le fait que la tragédie avait eu lieu à Sheffield, Anfield devint rapidement le point de
ralliement de toute l’affliction de la ville. En fin de nuit, l’Allée Shankly était recouverte de
fleurs. Au levé du jour, des milliers de fans prirent le chemin du stade pour apporter leur
soutien et montrer leur indignation et leur peine. Le club ouvrit ses portes au public et la
portion du terrain située devant le Kop devint un lieu de pèlerinage, tapissé de bouquets,
d’écharpes, de poèmes et de témoignages poignants. Kenny Dalglish demanda aux joueurs
d’être présents ce dimanche-là, en signe de soutien. Ray Houghton décrivit plus tard la scène
dans son carnet de saison : « Il est difficile de retranscrire l’atmosphère d’Anfield. Cela ne
ressemblait en rien à ce que j’avais pu ressentir jusqu’alors – un mélange de douleur, de
confusion et de calme. Tous les joueurs étaient présents et nous nous sommes rendus sur le
terrain à la rencontre de certains fans. Aucun d’entre eux ne parlait réellement, procédant juste
par des signes de tête en nous serrant la main. Tout était silencieux, si silencieux. Les abords
du terrain devenaient habituellement de bruyants chaudrons quand les fans se trouvaient nez à
nez avec les joueurs mais ce n’était de toute évidence pas un jour à faire la fête. Le but avait
été transformé en mémorial en l’honneur des disparus.
HUITIEME CHAPITRE 1984-1991 TRIOMPHES ET TRAGEDIES
133
Des fleurs recouvraient la zone des six mètres et d’autres couleurs avaient été enroulées
autour des poteaux et de la barre transversale. Nous étions justement en train de regarder dans
cette direction quand une voix esseulée venue de nulle part résonna dans le Kop : « N’ayez
crainte, nous vous aimions tous. » Tout à coup, nous nous sommes regardés l’un l’autre
éclater en sanglots ou cacher nos visages autour de nos mains. »
Lors de la quinzaine qui suivit, le manager et ses joueurs entretinrent des liens serrés avec les
fans, assistant aux messes commémoratives, rendant visite aux blessés à l’hôpital et
réconfortant les familles en deuil à domicile. Le club s’arrangeait pour qu’il y ait au minimum
un joueur présent à chaque funérailles dont certains de ceux-ci – comme Hansen, Dalglish et
Barnes – assistèrent à plusieurs cérémonies. Quelques membres de la première équipe se
firent un devoir de refuser des convocations en équipe nationale pour préférer se joindre au
deuil. Leurs épouses, emmenées par Marina Dalglish, fournirent l’hospitalité à Anfield,
offrant thé, dialogue et conseils aux proches des victimes qui le demandait. Même d’anciens
joueurs accoururent dans la région de la Mersey pour amener l’aide et le réconfort qu’ils
pouvaient apporter. C’est ainsi que John Toshack arriva en avion de l’Espagne. Craig
Johnston, qui avait cessé de jouer l’année auparavant, fit le voyage depuis son domicile
Australien. Un nombre de personnes estimé à un quart de million franchit les grilles d’Anfield
lors des jours qui suivirent le désastre. Le dimanche suivant, à 15h06, le stade fut bondé à
l’occasion d’une minute de silence spéciale qui vit Steve Nicol se joindre aux supporters du
Kop, à l’unisson avec ses coéquipiers rassemblés tête baissée autour du rond central.
Toutefois, la tristesse et le chagrin ne se confina pas uniquement à Liverpool mais également
chez tous les fans de football qui étaient conscients, instinctivement, que cette tragédie aurait
pu également leur arriver. Ils observèrent leur propre minute de silence, organisant des
collectes et expédiant des messages de soutien de toutes les régions du pays. L’Europe, elle
aussi, fut touchée par ces disparitions. Bayern Munich et Napoli, qui disputaient la demifinale de la Coupe UEFA, firent chacun don d’un montant de £17’000 aux familles des
victimes. Les Allemands de Borussia Dortmund offrirent quant à eux la recette des entrées
d’un match amical exhibition disputé contre Dynamo Moscou. En Italie, le stade de San Siro
fut le témoin de l’un des plus grands mouvements de solidarité jamais vu de la part de fans.
70'000 fidèles de l’AC Milan et du Real Madrid entonnèrent ensemble l’hymne de Liverpool
« You’ll Never Walk Alone ».
La tragédie affecta les membres de l’équipe d’Anfield de différentes manières. Les joueurs
locaux comme John Aldridge et Steve McMahon eurent des difficultés à surmonter cette
peine subite. D’autres, comme Dalglish, démontrèrent une dignité inébranlable lors des
événements mais souffrirent d’effets émotionnels à long terme. Liverpool avait toujours joui
d’une relation spéciale avec ses supporters particulièrement depuis l’arrivée de Bill Shankly et
les suites du désastre de Hillsborough allaient balayer définitivement les quelques sentiments
persistants du style « eux et nous ». Le service commémoratif annuel d’Anfield et la « flamme
éternelle » sont des lieux de pèlerinage où ceux qui périrent sont continuellement rappelés à la
mémoire du club, des joueurs, des fans – et de la ville – en une seule et même affliction.
Le Football Reprend ses Droits
Pour ceux qui ne furent pas directement affectés par la tragédie, la vie normale reprit son
cour. Le 30 avril, Liverpool disputa un match amical à Glasgow contre Celtic destiné à
récolter des fonds devant une foule de 60'000 spectateurs. Dalglish lui-même se rappela dans
l’équipe et réussit à marquer lors d’une victoire des Rouges obtenue sur le score de 4-0 contre
son ancien club. Trois jours plus tard, ils rencontrèrent Everton lors d’un derby en Ligue
chargé d’émotion. En temps normal, un match nul 0-0 n’aurait satisfait personne à Goodison
Park.
HUITIEME CHAPITRE 1984-1991 TRIOMPHES ET TRAGEDIES
134
Mais, après ce qui venait tout juste de se passer du côté de la Mersey, il semblait que ce
résultat était le plus approprié aux yeux des 45'000 personnes qui s’amassèrent dans le stade.
C’est alors que les officiels d’Anfield eurent à résoudre un dilemme au sujet du retrait ou non
de leur équipe de la Coupe d’Angleterre. Cela avait provoqué de nombreux débats et
d’examens de conscience mais, en fin de compte, ce furent les fans qui répondirent de la
façon la plus claire possible en affirmant qu’ils désiraient que le club continue son chemin.
Ainsi, trois semaines après Hillsborough, Liverpool rencontra à nouveau Forest lors d’une
rencontre des demi-finales rejouée à Old Trafford. Une autre minute de silence, un autre
rugissement assourdissant – avant une performance pleine de détermination, d’habileté et
d’agressivité contrôlée. Liverpool remporta la partie 3-1 grâce à un auto-goal et à deux
réussites d’Aldridge. Ils avaient atteint le droit de disputer la dernière étape de la Coupe
d’Angleterre pour la deuxième année consécutive – et cette fois-ci, ils allaient rencontrer
Everton lors d’un match qui sera par la suite mieux connu sous le nom de la « Finale du
Souvenir de la Mersey ».
Et, de toutes les dates où les deux clubs se sont rencontrés, le 20 mai 1989 demeurera l’une
des plus mémorables. Un mois plus tôt, une chaîne formée d’écharpes rouges et bleues avait
relié les stades d’Anfield et de Goodison – et le jour de la finale de la Coupe, cette
démonstration d’unité commune sans précédent continua. Les supporters se tenaient les uns
aux côtés des autres, chantaient ensemble et se renvoyaient mutuellement le respect. Et, alors
que le soleil se couchait, ils avaient pu assister à la finale la plus passionnante de toutes celles
disputées à Wembley depuis de nombreuses années.
Aldridge, qui se rattrapa de son penalty raté l’année précédente, donna l’avantage à son
équipe après à peine quatre minutes de jeu. Alors que le match entrait dans les arrêts de jeu, il
semblait que cela devait demeurer le but décisif. C’est alors que, à quelques secondes du
terme de la rencontre, le remplaçant des Bleus Stuart McCall exploita parfaitement un tir de
Dave Watson pour égaliser. Au début des prolongations, Dalglish fit rentrer Rush en lieu et
place d’Aldridge. Il n’était sur le terrain que depuis cinq minutes quand son tir trompa le
gardien adverse Neville Southall – restaurant ainsi l’avantage de Liverpool et battant du
même coup le record de 19 buts marqués lors de derbies entre les deux clubs établi il y a fort
longtemps par Dixie Dean. Etonnement, Everton revint à nouveau au score quand McCall
rabattit de la poitrine un dégagement de Hansen avant d’expédier une volée synonyme
d’égalisation. Toutefois, à peine deux minutes plus tard, Barnes adressa un centre à basse
altitude – Rush se pencha en avant et obtint ainsi le but victorieux de la tête.
Ce fut Ronnie Whelan, promu capitaine à la suite d’une blessure d’Hansen, qui brandit le
trophée, permettant aux fans de Liverpool de se noyer dans un tourbillon d’émotions. Rien ne
pourrait jamais effacer la tragédie que certains venaient juste de subir mais un sentiment fut
partagé par l’ensemble du monde du football à savoir que Wembley avait rendu le bon
verdict.
La Gueule de Bois d’Arsenal
Liverpool termina la saison en cours dans un grand silence, c’est-à-dire de la même façon
qu’il acheva la précédente. Six jours après la finale de la Coupe, ils rencontrèrent Arsenal à
Anfield. Les Rouges étaient demeurés invaincus durant 25 matches et possédaient trois points
d’avance sur leurs rivaux du nord de Londres, avec une meilleure différence de buts. Alors
que la première mi-temps se termina sans le moindre but, il devint presque impossible
d’imaginer Arsenal l’emporter avec les deux buts d’écart nécessaires à l’obtention du titre.
Malgré le fait que ces derniers marquèrent sur un coup franc indirect très controversé, il ne se
trouva que bien peu de monde pour croire que la défense de Liverpool allait craquer à
nouveau.
HUITIEME CHAPITRE 1984-1991 TRIOMPHES ET TRAGEDIES
135
Mais, alors que le Kop donnait de la voix afin d’obtenir le coup de sifflet final, Michael
Thomas, le joueur d’Arsenal, fut à la réception d’une balle envoyée en profondeur par Alan
Smith avant de s’engouffrer à l’intérieur des seize mètres de Liverpool et d’expédier le ballon
hors de portée de Grobbelaar. Le Championnat s’était décidé sur ce qui était virtuellement le
dernier coup de pied de l’ultime rencontre. Et le rêve de doublé de Liverpool était ainsi réduit
en poussière.
Il n’y avait qu’une seule et unique façon de répondre : à la suite d’un été fait de triturations de
l’esprit et de grincements de dents, l’équipe de Dalglish revint avec la ferme intention de
ramener le titre à Anfield. Mais, il apparut rapidement que cela devrait se faire sans la
participation d’Aldridge, meilleur buteur des deux saisons précédentes. Il était l’homme qui
avait fait plus que quiconque oublier le vide temporaire laissé par Rush. C’était le retour du
Gallois qui provoqua son départ. Incapable de proposer une place de titulaire aux deux
buteurs, Dalglish fut enclin d’accepter une offre des Espagnols de Real Sociedad. Un mois
après le début de la nouvelle campagne, Aldridge fit sa dernière apparition sous le maillot de
Liverpool, entré comme remplaçant pour inscrire un penalty lors de la démolition de Crystal
Palace sur le score de 9-0 (voir page 142).
Ce match permit à Liverpool de passer la vitesse supérieure après une entrée en matière
hésitante lors de laquelle ils remportèrent deux victoires et concédèrent deux matches nuls. En
moins de quinze jours, ils se hissèrent au sommet du classement, démontrant le style de forme
qui avait dynamité la Première Division quelques saisons auparavant. La défense présentait un
nouveau visage grâce à l’introduction du défenseur-central et international Suédois, Glen
Hysen, qui avait été acheté au club Italien de Fiorentina. Whelan, McMahon et Molby
continuaient ensemble de soutenir le milieu de terrain alors que devant, Beardsley et Rush
formaient un partenariat efficace qui réalisa 41 buts, toutes compétitions confondues.
Mais, la star de la saison 1989-90 fut John Barnes. Au sommet de son art, il terrorisait les
défenses adverses à chaque fois qu’il le désirait. En dépit du fait qu’il attirait souvent
l’attention de deux hommes au marquage, Barnes se débrouillait toujours pour s’en
débarrasser. En profondeur ou en changeant d’aile, il utilisait un mélange détonnant de vitesse
et de puissance qui laissait tous ses adversaires sur place. Ses chevauchées, sa capacité au tir
et son habileté dans le jeu lui permirent d’inscrire 28 buts cette saison-là – et il méritait plus
que quiconque d’hériter du titre de Footballeur de l’Année détenu auparavant par Steve Nicol.
A ce moment-là, tout laissait à supposer que Liverpool était une nouvelle fois en course pour
le doublé. Ils débutèrent leur périple afin de conserver la Coupe d’Angleterre par une victoire
record sur le score sans appel de 8-0 contre Swansea City lors d’un match à rejouer du
troisième tour disputé à domicile. Ils prirent ensuite le meilleur sur Norwich, Southampton et
QPR avant de faire match nul contre Crystal Palace en demi-finale. Après tout ce qui s’était
déjà passé plus tôt dans la saison, les Rouges semblaient assurés de parvenir jusqu’à
Wembley. Mais, à Villa Park, Palace démontra qu’il avait tiré les leçons de leur humiliation
d’Anfield. En dépit du fait qu’ils concédèrent des buts de Rush, McMahon et Barnes, ils
terminèrent la rencontre sur une victoire par 4-3. Il ne restait alors plus que le Championnat à
disputer et, cette fois-ci, ce fut Aston Villa et Arsenal – à nouveau – qui leur donnèrent le plus
de fil à retordre. Liverpool avait obtenu une petite revanche contre l’équipe de George
Graham en remportant la victoire 1-0 lors du Charity Shield au mois d’août passé. Deux mois
plus tard, les Gunners frappèrent à nouveau, boutant les Rouges hors de la Littlewoods Cup
lors d’une rencontre du troisième tour disputée à Highbury. Et maintenant, à l’entame des
quelques semaines de la saison encore à disputer, ils étaient de nouveau menacés. A la
différence toutefois que cette fois le manager de Liverpool possédait une arme secrète.
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Elle portait le nom de Ronny Rosenthal, un international Israélien obtenu en prêt du club
Belge de Standard Liège. Un ailier puissant et malin qui possédait une entière confiance en
son tir quel que soit l’angle de frappe. Rosenthal enhardit le secteur offensif de Liverpool qui
commençait à être défaillant à l’approche du sprint final. Il fit quelques apparitions en tant
que remplaçant, puis marqua de son empreinte son premier match disputé dans son entier en
inscrivant un coup du chapeau lors d’une victoire 4-0 obtenue contre Charlton à l’extérieur. Il
joua lors de huit rencontres au total, marquant sept buts et insufflant à Liverpool la force
nécessaire à l’obtention de leur 18ème titre en Championnat.
Au moment de disputer leur dernier match à domicile, le titre était déjà assuré. Liverpool
obtint une victoire grâce à un seul but inscrit contre Derby County et Dalglish fit une petite
faveur au Kop au moment d’entrer sur le terrain en tant que remplaçant pour jouer les
quelques minutes encore à disputer avant l’attribution du trophée. En tant que joueur, ce fut sa
dernière apparition en première équipe pour Liverpool. De même, bien que personne ne s’en
douta le moins du monde, son règne en tant que manager tirait également sur sa fin.
TOP 10
BUTEURS EN LIGUE
1. Ian Rush
2. John Barnes
3. John Aldridge
4. Peter Beardsley
5. Jan Molby
6. Steve Nicol
7. Steve McMahon
8. Ronnie Whelan
9. John Wark
10. Paul Walsh
107
61
50
46
34
29
28
27
26
25
1984-1991
COUPS DU CHAPEAU
NOMBRE DE MATCHES EN LIGUE
1. Ian Rush
6
2. John Wark
4
3. Paul Walsh
3
4. John Aldridge
3
5. Ronnie Whelan
2
6. Steve McMahon
2
7. Gary Gillespie
1
8. Steve Nicol
1
9. Ronny Rosenthal
1
10. John Barnes
1
11. Peter Beardsley
1
12. Jan Molby
1
13. Steve Staunton
1
(Toutes compétitions confondues)
1. Bruce Grobbelaar
2. Ronnie Whelan
3. Steve Nicol
4. Ian Rush
5. Alan Hansen
6. Steve McMahon
7. Jan Molby
8. Gary Gillespie
9. John Barnes
10. Peter Beardsley
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137
243
228
215
207
197
189
157
156
140
131
MANAGER
JOE FAGAN
Joe Fagan choisit un balai pour procéder au nettoyage des vestiaires visiteurs de Notts
County avant de déclarer : « Je n’ai jamais considéré Manchester United comme étant
une menace. » C’était le 12 mai 1984 et son équipe venait juste de remporter le
Championnat suite à un match nul 0-0 et gagnait ainsi la bataille contre United qui
venait de subir un effondrement de dernière minute pour terminer quatrième.
Ce fut le second triomphe de Fagan lors de sa première saison en tant que manager, reprenant
alors la succession du collectionneur de trophées qu’était Bob Paisley. La Milk Cup avait déjà
été assurée et, moins de trois semaines après ce titre récolté à Meadow Lane, l’équipe de
Fagan allait conquérir sa fameuse victoire de Rome. Lors d’un dramatique dénouement aux
tirs aux buts dans l’antre même de l’adversaire, ils allaient rapporter la Coupe d’Europe à
Anfield pour la quatrième fois.
Cela fait, Smokin’ Joe – appelé ainsi à causes de son penchant pour la cigarette – âgé alors de
63 ans, fut le premier manager de toute l’histoire du football Anglais à obtenir un triplé, un
fait qui semblait devoir être effacé du livre des records au vu de l’enthousiasme des médias
dédié entièrement à Sir Alex Ferguson qui remporta trois trophées avec United 15 années plus
tard.
La photographie de Fagan qui se relaxe dans une chaise-longue à côté d’une piscine à Rome,
posant derrière la Coupe d’Europe et entouré de deux carabinieri en uniforme, fait partie
intégrante de la légende d’Anfield. Elle capturait aussi l’homme, un professionnel ayant les
pieds bien ancrés au sol et doté d’une tête bien dure, un de ceux qui avait, à cet instant précis,
également la capacité d’être allongé de manière décontractée. Son réalisme éclata au grand
jour quand il accepta le challenge de succéder à Paisley avec qui il avait fondé par le passé la
fameuse Boîte de Chaussures d’Anfield. « Personne ne peut succéder à Bob. Si vous pensez
que c’est possible, cela vous rendra complètement dingue, » dit Fagan. « J’ai ma propre
personnalité, je fais de mon mieux et je le fais à ma manière. »
Sa façon ressemblait beaucoup à celle de Liverpool, surtout si l’on pense qu’il avait rejeté une
proposition de signer à Anfield en tant que demi-centre prometteur, il expliqua : « Pour
certaines raisons, les gars de la région qui évoluaient à Everton et à Liverpool tendaient à être
des boucs émissaires si l’équipe n’était pas performante, c’est ainsi qu’après avoir joué pour
Earlstown Bohemians, j’ai rejoint Manchester City en 1938. »
Ses débuts en Ligue furent retardés jusqu’en janvier 1947, mais il devint ensuite capitaine de
City, récoltant 158 sélections en équipe senior et inscrivant deux buts. Il partit ensuite pour
Nelson en 1951 suivi d’une brève apparition de trois matches à Bradford Park Avenue. En
1953, il devint entraîneur à Rochdale, travaillant sous les ordres du futur manager d’Everton
Harry Catterick, dont les vives recommandations assurèrent à Fagan un poste au sein de
l’équipe des entraîneurs de Liverpool. C’était en 1958, 18 mois approximativement avant
l’arrivée de Shankly qui donna le signal de la « révolution » d’Anfield.
Fagan acquit de grandes connaissances lorsqu’il fit partie des membres du personnel
technique et il devint le successeur automatique quand Paisley mit fin à son incroyable règne
en 1983. « Il existe un homme nommé Fagan qui me succédera – et il n’aura pas besoin de
l’aide d’un quelconque tire-au-flanc pour ramasser tout ce qui brille, » annonça Paisley lors
d’un banquet à Londres.
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138
Fagan donna rapidement confiance à son équipe en engageant Gary Gillespie et Michael
Robinson lors de ses premières semaines en tant que manager et recrutant plus tard John
Wark, Paul Walsh, Jan Molby et Kevin McDonald.
Ils rejoignirent ainsi le vestiaire au sein duquel les joueurs avaient déjà un profond respect
pour Fagan qui avait lui-même osé, à une occasion, écarter le grand Kenny Dalglish ! « Nous,
les joueurs, espérions que Joe allait obtenir le succès parce que nous savions à quel point il y
avait contribué auparavant, » dit son capitaine Graeme Souness. « Joe atteignit le sommet une
seule année durant mais ce fut suffisant. Quand il y parvint, personne n’osa plus jamais le
regarder droit dans les yeux. »
Malheureusement, les yeux de Fagan furent remplis de larmes en 1985 quand, après avoir
informé le club de son retrait quelques mois auparavant, son dernier match à la tête de
l’équipe se trouva être le tragique gâchis du Heysel.
Lors de l’été 2001, peu après avoir été le témoin d’un autre triplé de Liverpool sous l’ère de
Gérard Houllier, Fagan mourut à l’âge de 80 ans, d’ores et déjà assuré d’occuper une place à
demeure au panthéon des légendes d’Anfield.
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JOUEUR
IAN RUSH
Lors d’une demi-finale de Coupe d’Angleterre très tortueuse disputée en 1980 contre
Arsenal, qui déboucha sur quatre confrontations ainsi que deux périodes de
prolongations et qui se déroula sur environ trois semaines, un jeune buteur de 18 ans
était sur le point de finaliser un transfert de £330'000 en provenance de Chester. Celui-ci
se déroula dans l’ombre de ce marathon disputé par le club.
Mais, alors que Liverpool perdait finalement contre Arsenal, ils furent au contraire les grands
vainqueurs au moment de s’assurer les services de leur propre coureur de marathon, Ian Rush,
un buteur de légende imbattable sur les longues échappées et qui effectua une carrière sur
deux périodes bien distinctes à Anfield, ce qui fit de lui une icône du Kop.
Le montant déboursé par le manager Bob Paisley était, pour l’époque, le record payé pour un
adolescent et Rush admit « avoir été mortellement effrayé » quand il se rappelait aux bons
souvenirs de sa vie du temps de la semaine de £50 en Troisième Division jusqu’au prestige
d’un club qui s’apprêtait à conserver son titre de champion d’Angleterre.
« J’avais déjà refusé une offre de Liverpool quand ils sont venus me voir quelques mois plus
tôt parce que je ne pensais pas honnêtement être assez bon, » dit Rush. Mais, l’œil affûté du
responsable du recrutement à Liverpool, Geoff Twentyman, flaira une brillante prospection
quand il le visionna une nouvelle fois et ses évaluations furent partagées par Paisley ainsi que
par son manager assistant Tom Saunders.
Malcolm Allison et Tony Book de Manchester City faisaient partie de ceux qui démontraient
de l’intérêt pour Rush mais Liverpool remporta la course et signa l’Evertonien d’enfance qui
démontrait un réel instinct de buteur provenant de ses jeunes années.
A l’âge de 11 ans, il inscrivit 72 buts pour l’Ecole Primaire de Deeside ce qui leur permit de
remporter la totalité de leurs 33 matches de la saison. C’est son habileté meurtrière de
finisseur qui alerta l’ancien défenseur de Manchester City et du Pays de Galles, Cliff Sear,
alors qu’il était le patron de la section junior de Chester.
« Je l’ai vu jouer pour l’équipe de Flint des moins de 14 ans et j’ai immédiatement été
impressionné par son impitoyable efficacité, » se rappelle Sear. « Il pouvait jouer le ballon des
deux pieds, courrait à grande vitesse et débordait de confiance en lui. Il était à surveiller
comme la peste ! » Chester l’engagea tout d’abord en tant qu’écolier puis, en tant qu’apprenti.
Par la suite, comme professionnel à plein temps, ce footballeur élancé d’un mètre quatrevingt-cinq ne fit que 38 apparitions en équipe senior lors desquelles il inscrivit 17 buts. Il
rejoignit les rangs de Liverpool le 28 avril 1980, un an exactement après ses débuts à Chester.
Mais, il dut démontrer patience et persévérance avant d’obtenir une place de titulaire à
Liverpool. Une année passée au sein de l’équipe réserve au cours de laquelle il obtint sa
première convocation, sur un total de 73 sélections, en équipe senior du Pays de Galles. Il ne
manqua sa cible que lors de neuf sélections. Au début de la saison 1981-82, un entretien
houleux avec Paisley amena le long et avide buteur sur le chemin de la raison.
« J’ai frappé à la porte du manager avant d’entrer et de lancer : « Pourquoi ne fais-je pas
partie de l’équipe ? Que s’est-il passé ? » Bob me dit alors que je ne réussissais pas à mettre la
balle au fond des filets et que je me concentrais trop à pratiquer un football de possession
avant de passer systématiquement le ballon à quelqu’un d’autre. Cela m’agaça profondément
et l’entretien se termina sur une réplique de ma part où je disais que j’aurais meilleur temps de
quitter Liverpool ! Mais, peu après cette entrevue, tout changea. »
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Paisley fit entrer Rush en jeu comme remplaçant de David Johnson en seconde mi-temps lors
du match retour de la Coupe d’Europe contre Oulu Palloseura à Anfield… et il vaincu son
manque d’efficacité en moins de quatre minutes. Deux buts supplémentaires lors de la
rencontre de Coupe de la Ligue contre Exeter suivis d’une entrée en matière convaincante en
Première Division contre Leeds démontrèrent que Rush avait trouvé le moyen d’ouvrir les
vannes.
Cela se transforma en torrent. Rush forma un partenariat à couper le souffle avec Kenny
Dalglish qui allait participer à la récolte d’un total record de 346 buts inscrits pour le club en
660 apparitions en première équipe. Ceci au cours de deux périodes passées à Liverpool
entrecoupées d’une année à la Juventus lors de la saison 1987-88.
Il revint pour renouer avec son habitude de marquer des buts et de remporter des médailles.
Son palmarès complet comprend cinq victoires en Championnat, une Coupe d’Europe, trois
Coupes d’Angleterre et cinq Coupes de la Ligue. Son total de 44 goals marqués en Coupe
d’Angleterre demeure le meilleur résultat individuel enregistré depuis le 19ème siècle et ses
cinq buts lors de finales de Coupe d’Angleterre est le record de tous les temps. Il partage
également le record de 49 buts inscrits en Coupe de la Ligue avec Geoff Hurst.
Rush atteint le record jamais battu de 28 buts pour le Pays de Galles ainsi que le taux de
réussites le plus élevé de tous les temps lors de derbies avec 25 goals. Son remarquable total
de 47 buts en première équipe lors de la saison 1983-84 est le plus élevé qu’un joueur de
Liverpool n’ait jamais réalisé en une seule saison. La même année, il fut élu Footballeur de
l’Année et Joueur PFA de l’Année.
Il inscrivit cinq goals contre Luton et atteignit à trois reprises le total de quatre buts marqués
dans un seul match. Il collectionna également 16 coups du chapeau pour devenir le héros
porte-bonheur de Liverpool. La finale de la Coupe de la Ligue de 1987 perdue contre Arsenal
mit fin à une série de 144 matches sans défaite lors desquels Rush marquait au moins un but.
Pour les fans qui l’adoraient il était simplement Rushie, mais ses coéquipiers l’appelaient
Tosh. « Malgré le fait que je n’étais pas le meilleur dans le jeu aérien, c’était en l’honneur
d’un but marqué de la tête contre Benfica dont John Toshack lui-même aurait été fier ! »
expliqua-t-il.
La carrière magnifique de Rush à Liverpool lui valut l’honneur d’être Membre de l’Ordre de
l’Empire Britannique et elle se termina en tant que capitaine du club lors de la finale de la
Coupe d’Angleterre de 1996 contre Manchester United. Il rejoint par la suite Leeds et, plus
tard, Newcastle et Wrexham. Après avoir obtenu le badge d’entraîneur attitré de la FIFA, il
fonda la Ian Rush Finishing School. « Bob Paisley m’enseigna de ne pas avoir peur de rater, »
dit l’homme qui terrorisa toutes les défenses d’Europe.
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MATCH
LIVERPOOL 9 CRYSTAL PALACE 0
LIVERPOOL 9 CRYSTAL PALACE 0
ANFIELD, PREMIERE DIVISION, 12 SEPTEMBRE 1989
ARBITRE: Keren Barratt (Coventry)
EQUIPES
LIVERPOOL: Grobbelaar, Hysen, Burrows, Nicol, Whelan, Hansen, Beardsley (Aldridge,
68), Gillespie, Rush, Barnes, McMahon (Molby, 79).
CRYSTAL PALACE: Suckling, Pemberton, Burke, Gray, Hopkins, O’Reilly, McGoldrick,
Thomas, Bright, Wright, Pardew. Remplaçants : Shaw, Dyer.
Ce fut la soirée de tous les records pour Liverpool quand ils dépassèrent le total de huit
buts marqués et expédièrent leurs fans dans le délire le plus total – et John Aldridge
fondit en larmes quand il prit congé du Kop de manière très émotionnelle. Ce fut sa
dernière apparition avant son transfert de £1,1 million au club Espagnol du Real
Sociedad. Le buteur de la République d’Irlande fit ses adieux dans un style tiré en droite
ligne des pages d’une fiction de bande dessinée.
Fraîchement promu, Palace reçut une sévère leçon de vie au sommet. Steve Coppell, leur
manager, né à Liverpool et supporter d’Anfield durant son enfance, ne put que grimacer
quand son équipe fut submergée par une vague déferlante rouge. La déroute commença après
huit minutes de jeu seulement, grâce à un exploit individuel du Footballeur de l’Année Steve
Nicol. Après 16 minutes, Steve McMahon expédia un tir qui loba le gardien de Palace Perry
Suckling et l’avantage de Liverpool avait déjà doublé.
Quelques secondes avant la pause, Barnes lança Beardsley en profondeur et, alors que les
défenseurs de Palace se précipitèrent sur l’aventurier Anglais, la balle parvint à Rush qui
inscrivit le 3-0. La deuxième période n’était vieille que de 11 minutes quand Liverpool ajouta
une unité au compteur par l’intermédiaire de Gary Gillespie qui reprenait victorieusement
d’une tête plongeante au premier poteau un corner botté par Beardsley prolongé de la tête par
Barnes.
Palace paya ensuite un lourd tribut suite une faute de Geoff Thomas sur Rush à la 63ème
minute. Sur le coup-franc qui suivit, Whelan trouva Beardsley qui, après un une-deux avec
Rush, envoyait un boulet de canon pour marquer le numéro cinq. L’arbitre, Keren Barratt,
accorda un penalty à Liverpool cinq minutes plus tard pour un fauchage en règle de Hopkins
sur Whelan ce qui provoqua une réaction immédiate du Kop qui scanda alors : « Aldo,
Aldo. »
Dalglish répondit à la clameur du public en introduisant en jeu la star et ancien joueur
d’Oxford et de Newport en lieu et place de Beardsley avec, comme premier objectif, la
mission d’exécuter le penalty devant le Kop. Aldridge, le meilleur buteur de Liverpool lors
des deux saisons précédentes, garda la tête froide après avoir été plongé dans une telle
fournaise émotionnelle et battit irrémédiablement Suckling pour inscrire le 6-0.
« Je savais que j’allais partir et je désirais tirer ce penalty, » dit Aldridge. « Le seul penalty
que j’avais manqué pour Liverpool était celui de la finale de la Coupe d’Angleterre l’année
précédente et, même si l’émotion m’envahissait, j’étais déterminé à faire mes adieux en
inscrivant celui-ci contre Palace.
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J’ai jeté mon traditionnel coup d’œil furtif en direction du gardien puis j’ai placé mon tir dans
les filets sur son côté gauche. Ce fut un moment merveilleux. »
Deux minutes plus tard, Palace se vit accorder un penalty pour une charge de Nicol sur Alan
Pardew. Mais, en parfait accord avec cette soirée de tourments pour ceux-ci, Thomas envoya
son tir bien au-dessus de la barre transversale du désoeuvré Bruce Grobbelaar.
Liverpool passa à sept à la 79ème minute, grâce à un coup-franc de Barnes qui s’envola dans la
lucarne. Et, alors qu’un corner du dernier nommé fut repris avec succès de la tête par Glen
Hysen après 82 minutes, Liverpool avait battu le record de sept buts marqués lors du massacre
de Tottenham enregistré 11 ans auparavant.
Nicol, le joueur qui avait commencé le carnage, termina le travail deux minutes avant la fin
du match en inscrivant son deuxième but et le neuvième de Liverpool. Il assurait ainsi la
victoire la plus nette du club obtenue dans la ligue reine et égalait la victoire en Ligue obtenue
avec la plus grande différence de buts… un 10-1 enregistré contre Rotherham Town en 1896
lors d’une rencontre de Deuxième Division.
C’était la première fois que huit joueurs de Liverpool parvenaient à marquer lors d’un match
de Championnat. Seuls Ronnie Whelan, David Burrows, Alan Hansen et le remplaçant Jan
Molby avaient manqué d’inscrire leurs noms sur la liste des buteurs.
Mais, la nuit appartenait à Aldridge qui fit ses adieux en enlevant son maillot flanqué du no
12, ses chaussettes et ses souliers avant de les lancer dans le Kop qu’il avait autrefois occupé
en tant que petit garçon idolâtrant Roger Hunt. « J’ai dû essuyer quelques larmes et mon
cœur s’est envolé en direction des fans. Ils sont vraiment exceptionnels, » affirma l’homme
qui inscrivit 63 buts en 104 apparitions sous les couleurs de Liverpool.
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