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Ketamine a faible dose pour les
actes douloureux chez l’enfant
Pr Daniel Annequin
Unité Fonctionnelle de lutte
contre la douleur
Hôpital d'enfants Armand Trousseau
75012 Paris
Une suture aux urgences
Phobie iatrogène
Spirale infernale du conditionnement
négatif
Renforcement à chaque nouveau soin
Enfant inexaminable
Perte de chance pour les soins
« Stress post traumatique »
Les situations à risque
Les urgences
Echecs MEOPA (10 – 30 %)
Les plus jeunes
Les déficits cognitifs (autiste…)
L’induction anesthésique
Soins intensif
Examen, actes ORL
Soins dentaires
Les actes douloureux répétés
Pansements
Effractions cutanées
Le problème de la sédationanalgésie
petites doses de morphiniques ou de sédatifs, en
théorie peu de danger, peu d’effets indésirables
mais des posologies plus fortes et des associations
médicamenteuses : effet sédatif plus important
majoration des risques respiratoires.
Pour une sédation analgésie puissante optimale
anesthésiste réanimateur ou un réanimateur pédiatre
Incompatibles avec la réalité quotidienne de l’ensemble
des hôpitaux (Doyle and Colletti 2006)
Le médicament « idéal »
rapidité d’action et d élimination
niveau de sédation, d’analgésie et d’anxiolyse suffisant
réduit ou limite les mouvements du patient lors du soin
maintien d’une ventilation spontanée
récupération rapide
effets indésirables limités y compris en cas de
surdosage
protocoles souvent insatisfaisants
variabilités individuelles de pharmacocinétiques et de
pharmacodynamiques
insuffisances ou des excès de sédation
Kétamine seul produit actuellement qui
semble s’approcher de cette description
Un produit original
Réflexes de protection laryngée maintenus voire
amplifiés
Respiration spontanée, le système cardio-vasculaire ne
sont pas déprimés
Déconnexion thalamo corticale associée à une activation
du système limbique Green and Krauss 2004
Dissociation de l’état de conscience
le patient garde les yeux ouverts et ne réagit pas aux
stimulations sensorielles notamment nociceptive
(analgésie puissante).
Axel 2,5 ans Myélogramme n° 3
15 kg Ketamine 10 mg IV
0,66 mg/kg
Manon 3 ans 18 kg PL 15mg + 10 mg
Différentes posologies, différentes utilisations
anesthésie générale : 2 à 3 mg/kg par voie IV et de 5 à 10 mg/kg pour la voie
IM (Lockhart and Nelson 1974).
très haut niveau de sécurité ,produit de référence pour l’AG dans les situations
précaires et dans les pays pauvres (Green et al. 1996)
épargne morphinique: doses très basses ( 0,15 mg/kg)
en post opératoire
anti NMDA (N methyl D Aspartate) en douleur chronique (Subramaniam et al.
2004)
Actes douloureux, posologies inférieures de
moitié à celles de l’ AG
première injection IV de 0,33 à 1 mg/kg
puis réinjections pour obtenir le niveau de sédation
et d’immobilité nécessaires à la réalisation du soin.
Analgésie des gestes douloureux chez l’enfant (Krauss and Green 2006)
Lancet (126 références)
la grande sécurité de la kétamine à petites doses
aucune inhalation pulmonaire du contenu gastrique n’a été
signalée en 30 ans d’utilisation régulière
utilisation par des médecins non anesthésistes possédant les
compétences nécessaires (connaissance du mécanisme d’action,
des contre indications. de la gestion des effets indésirables…)
Recommandations :
Injection IV 1 à 1,5 mg/kg en injection lente (>1 minute);
possibilité de réinjecter toutes les 10 minutes
IM : 4-5 mg/kg ; possibilité de réinjection (2-4 mg/kg) après 10
minutes
Il faut privilégier l’utilisation de kétamine (par rapport aux
autres agents sédatifs.) pour réaliser des soins douloureux en
urgence
Conférence de consensus sur les délais de jeûne nécessaire à
respecter avant une sédation aux urgences (Green et al. 2007)
4 critères :
·
l’état clinique de l’enfant
·
le type de prise orale dans
les 3 dernières heures
·
le type et la profondeur de
la sédation
·
le niveau d’urgence de l’acte
Dans cet algorithme, la sédation
« dissociative » (celle obtenue avec
la kétamine) peut être pratiquée
chez un enfant non à jeun dans la
grande majorité des cas.
Laryngospasmes
11589 administrations de kétamine ; 97 articles
risque de laryngospasme = 0,02%
seulement 2 intubations ont été réalisées, sans qu’il soit possible
d’en préciser la pertinence de l’indication (Green and Krauss
2004)
L’incidence de 0,4%; 431 enfants recevant 4 mg/kg de kétamine
IM (Green et al. 1998)
Parmi 3 cas (Gloor et al. 2001), 2 avaient ou avaient eu dans les
semaines précédentes une infection respiratoire
Incidence (9,5%) ; 636 sédations ; fibroscopies digestives
hautes. (Green et al. 2001)
Aucun enfant n’a inhalé ou eu des effets graves persistants. exacerbation
des réflexes laryngés dus à la kétamine
Autres effets indésirables
Apnée
Quelques cas exceptionnels avec ketamine IM (Jonnavithula et
al. 2008;Litman 1997;Smith and Santer 1993)
Surdosage
5 fois (n= 3), 10 fois (n=5) et 100 fois (n=1) la dose habituelle, et
avec un maintien de la fonction respiratoire (Green et al. 1999)
Association médicamenteuse
Pas de bénéfice à associer atropine et kétamine (Brown et al.
2008)
Pas de bénéfice à associer benzodiazépine et kétamine
(Sherwin et al. 2000).(Tamminga et al. 2000).(Wathen et al.
2000)
Juillet 2009
AFSSAPS 2009
Lorsque le MEOPA est insuffisant pour réaliser
dans de bonnes conditions, un geste douloureux,
la prise en charge optimale est anesthésique
(avis d’experts).
le seul médicament potentiellement utilisable
par un médecin formé, sans la présence d’un
médecin anesthésiste (Grade A).
La kétamine IV à petites doses (< 2 mg/kg) est
efficace pour les actes douloureux ; (niveau A).
l’injection initiale de 0,5 à 1,5 mg/kg doit être
réalisée en 1 minute (niveau A)
Si la dose initiale est insuffisante, il faut utiliser des
réinjections de 0,5 mg/kg (niveau B)
Indications
Echec du MEOPA
Actes douloureux de courte durée nécessitant
une immobilisation de l’enfant (suture sur le
visage, pansement de brûlure, réduction de
fracture, incision drainage d’abcès, pose de
cathéter central…)
Contre indications
Absolues (les risques sont toujours supérieurs aux bénéfices)
· Enfant de moins de 6 mois
· Enfant psychotique (suspicion ou diagnostic avéré)
Relatives (les risques peuvent être supérieurs aux bénéfices)
· Enfant de 6 à 12 mois
· Acte impliquant une stimulation du pharynx postérieur (risque
de laryngospasme)
· Airway instable ou potentiellement obstructif (macroglossie,
chirurgie trachéale, sténose trachée)
· Infection des voies aériennes
· Maladie cardio vascualire (insuffisance cardiaque, HTA…)
· Traumatisme crânien avec perte de connaissance
· Hypertension intracrânienne
· Glaucome, traumatisme du globe
· Porphyrie, maladie thyroïdienne.
Recommandations d’experts
Il est souhaitable de développer des études permettant
de préciser l’efficacité et la tolérance de l’association
MEOPA / kétamine à des doses inférieures à 1.5 mg/kg
IV et à 3 mg/kg IM.
La potentialisation des effets de la kétamine par le
MEOPA devrait pouvoir en diminuer la posologie.
Les compétences médicales requises pour la détection
et le traitement des effets indésirables rares mais
potentiellement graves ne sont partagées que par les
réanimateurs et les urgentistes pédiatriques peu
nombreux actuellement
Les bonnes pratiques de la
sédation
évaluation clinique préalable de l'enfant
état clinique: la perméabilité des voies aériennes
supérieures…
les médicaments associés
administration du produit sous couvert d'un médecin
compétent
respect des règles de jeûne pour la sédation profonde
Les bonnes pratiques de la sédation
surveillance adaptée (infirmière, monitorage minimum
oxymètre de pouls, pression artérielle)
formation minimum de l'équipe
savoir reconnaître et traiter les effets indésirables des
produits utilisés
savoir pratiquer les gestes d'urgence élémentaires: luxation
maxillaire, ventilation au masque
pouvoir assurer surveillance correcte après la sédation.
Fixer des critères de sortie précis
Utilisation de la kétamine
pour les soins douloureux
Trousseau
(2010 - 2014)
Objectif
Préciser les conditions optimales
de sécurité
d’efficacité
kétamine à faible dose
(posologie, délai, réinjection…)
utilisation régulière par des
médecins senior (non anesthésistes)
de l’hôpital Trousseau
Méthodologie
Etude prospective, observationnelle
enregistrement vidéo de l’ensemble du geste pour
chaque administration.
Recherche d’éventuelles contre-indications
HTIC, airway obstructif, médicaments associés,
infection aigue voies aériennes sup…
DA indique la posologie
selon le poids,
niveau d’anxiété
posologies utilisées précédemment
DA décide des posologies et des réinjections
selon l’effet observé et la durée du geste.
Methodologie 2
Ampoule de 50 mg de kétamine diluée avec 5 ml de
physio dans une seringue de 1O ml soit (5 mg/ml)
bolus de kétamine injecté directement (au niveau
de la « souris » pour les cathéters centraux) et
suivi immédiatement d’un rinçage de physio pour
que le produit atteigne sans délai le lit
vasculaire
Aucune consigne de jeune donnée.
Monitoring : uniquement observation clinique
continue visuelle (DA), pas d’utilisation de scope
et d’oxymètre.
Résultats
mars 2010 - janvier 2014
68 enregistrements (durée totale 10
h)
36 enfants ont été concernés
1 enfant a refusé à 2 reprises
l’enregistrement vidéo
Tous les parents ont donné leur
accord pour l’enregistrement video à
visée pédagogique
L’exhaustivité estimée à plus de 95 %
Calendrier
42 (61 %) administrations ont été
réalisées en 2013
36 (52 %) administrations ont été réalisés
dans les 6 derniers mois de 2013
Année
Nb actes sous Kétamine
2010
6
2011
5
2012
13
2013
42
Nb d’actes par enfant sous
Kétamine
Services
Neuro : 2 administrations (PL pour enfant avec tr
comportement)
Nephro : 1 PBR en radiologie
Visceral : 6 (biopsie rectale, sonde vésicale,
sonde urétérale, pansement hypospade, abcès)
Hematologie :
43 PL (34 % en position latérale)
19 myelo
4 associations myélo + PL
5 autres associations :
3 pansements de cathéter
1 examen clinique abdominal
1 IM d'asparaginase
Voie d'administration et posologie
1 Intra Rectale
3 IM : posologie moyenne de 2,94
mg/kg
63 Intra Veineuse
Posologie IV initiale de la première
injection
Posologie IV finale après éventuelle réinjection
• 36 enfants avec une injection unique m : 0,63 mg ± 0,19
• 19 enfants avec 2 injections moyenne : 1,19 mg ± 0,70
• 2 enfants avec 3 injections moyenne : 1,30 mg ± 0,70
• 2 enfants avec 5 injections moyenne : 2,50 mg
la dose minimale est de 0,40 mg/kg et la maxima et de 2,50
mg/kg
MEOPA
44 % ont reçu du MEOPA
Durée du geste
Moyenne SD Médiane
Mini
Max
8,89 min
7,34 7 min
1 min
45 min
Délai d’émergence, de « réveil »
95 % des enfants se sont réveillés en moins
de cinq minutes
31 % ont eu un réveil immédiat ou se sont
réveillés avant la fin du geste
4 enfants ont eu un délai de réveil sup à 5
minutes mais tous réveillés dans les 25
minutes suivantes
Satisfaction
Tous les parents (présents à 95 %)
ont exprimé leur grande satisfaction
et leurs remerciements
Quelques rares parents ont exprimé
leur « peur » devant l’état de leur
enfant « déconnecté, les yeux grands
ouverts en permanence ».
Visionnage (DA) des vidéos
« Très bien » 79 %
« Bien » 18 %
« Insuffisant » 3 %
Un certain nombre d’enfants lors de l’effraction
cutanée, lors de l’aspiration médullaire ont
« gémi » « vocalisé » sans réaction de retrait ;
une fois réveillés, ils déclarent ne pas avoir eu
mal et ne pas se souvenir du geste. Une enfant de
4 ans a dit avoir eu mal contrairement aux données
comportementales observées.
Effets secondaires
1 vomissement (avec plus de 20 min de MEOPA) sans incidence
clinique
3 épisodes d’augmentation de la salivation sans incidence
clinique (pas de toux)
1 épisode isolé de pâleur (PL en position assise)
nécessitant d’allonger l’enfant pendant quelques minutes
Quelques enfants (une dizaine) ont eu un réveil anxieux lié
aux distorsions sensorielles (hallucinations, diplopie,
impression de cécité …) de la kétamine.
Toutes ces manifestations ont été courtes (moins de 20 min)
et ont bien répondu aux réassurances parentales.
Quelques enfants ont présenté un certain degré d'hypotonie
ce qui peut poser problème en position assise
DA est intervenu activement une fois (épisode de pâleur)
Conclusion
Cette étude pilote réalisée à Trousseau, confirme
les résultats de la littérature sur l’efficacité et
la sécurité de faibles doses de Kétamine.
Ces premières données vont permettre d’élaborer un
protocole précis d’utilisation pour les pédiatres
seniors (critères d’inclusion, d’administration, de
surveillance, de réinjection…)