La mise à part de l`argent

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La mise à part de l`argent
4 STRATÉGIES FISCALES POUR MÉDECINS NON INCORPORÉS
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La mise à part de l’argent
Fonds communs structurés en corporation
L’assurance vie universelle
Un don récompensé par le fisc
CONSEILS
profession. En supposant un taux marginal d'imposition combiné de 48,2 %,
la déduction d'impôt pour Jacques sera
de 3313 $, et le coût net d'impôt de son
hypothèque sera de 3562 $. En somme,
Jacques économisera 2688 $ (6250 $ 3562 $) lors de l'année 5, si on néglige
l'effet de l'intérêt payé durant les 5 premières années. Cette économie s'amenuisera avec le temps, à mesure que
l'hypothèque est remboursée.
42 La responsabilité médicale en milieu informatisé
EN COUVERTURE
PAR BENOÎT GAUMONT D.FISC., PL. FIN.
[email protected]
ASSOCIÉ ET FISCALISTE, GAUMONT GROUPE CONSEIL
LA MISE À PART
DE L’ARGENT
La mise à part de l’argent permet de
transformer des dépenses d’intérêts non
déductibles d’impôts (les intérêts payés
sur un prêt hypothécaire personnel, par
exemple) en dépenses d’intérêts déductibles. Cette transformation se
traduisant tout simplement en une réduction de l’impôt à payer sur votre déclaration fiscale personnelle.
À prime abord, il faut comprendre que les
dépenses d’intérêts engagées dans le but
de gagner un revenu sont déductibles
d’impôts, ce qui n’est pas le cas pour les
intérêts payés sur des dettes personnelles, comme un prêt automobile, une
marge de crédit personnelle, un solde de
carte de crédit ou une hypothèque sur
une résidence principale ou secondaire.
Ainsi, la mise à part de l’argent ne
s’adresse principalement qu’aux travailleurs autonomes non incorporés (un
médecin, par exemple), aux propriétaires
d’entreprises enregistrées ou aux associés de sociétés en nom collectif.
En pratique, il s’agira d’isoler les revenus
des dépenses d’entreprise (ou de profession). Voici les différentes étapes du
processus de la mise à part de l’argent:
1. Ouvrir deux comptes distincts dans
une institution financière, un pour les
revenus de profession et l’autre pour les
dépenses de profession.
2. Ouvrir une marge de crédit commerciale qui sera liée au compte de
dépenses de profession (les intérêts de
cette marge commerciale sont déductibles d’impôts, puisqu’ils sont en-
32 Santé inc. novembre / décembre 2008
Il faut souligner que ces résultats approximatifs sont valables pour une hypothèque
de 125 000 $. Bien évidemment, si l'hypothèque de Jacques avait été plus importante, par exemple 250 000 $ ou
500 000 $, ses économies auraient été
proportionnellement plus intéressantes.
gagés dans le but de réaliser un revenu.
Dans le cas des médecins, il s’agit des
honoraires médicaux).
3. Déposer tous les revenus de profession dans le compte ouvert à cet effet.
4. Utiliser les sommes disponibles dans
le compte revenu de profession uniquement pour payer les dépenses personnelles et rembourser les emprunts
personnels. Il faudra chercher à rembourser le plus rapidement possible
toutes dettes: les prêts les plus coûteux
en intérêts seront à éliminer en priorité.
Pour les prêts hypothécaires, les spécificités du contrat devront être étudiées
attentivement afin de connaître les
modes de remboursement accélérés
(paiements hebdomadaires accélérés,
paiements périodiques doublés, remboursement à la date anniversaire du
prêt, plafond annuel de remboursement,
etc.). Au renouvellement, ou avant si
possible, vous devrez choisir un prêt hypothécaire ouvert qui n’impose aucune
limite aux remboursements.
5. Payer les dépenses de profession à
même la marge de crédit commerciale
reliée au compte de dépenses de profession. Tel que dit précédemment, c’est ici
que les emprunts à intérêts non déductibles deviendront progressivement
déductibles, au fur et à mesure que la
marge de crédit commerciale augmentera. Plus les dépenses de profession sont importantes, plus la conversion
sera rapide. Il faut aussi tenir compte de
l’horizon de temps disponible pour effectuer la stratégie, c’est-à-dire qu’un
particulier désirant mettre fin à ses activités professionnelles dans sa forme
actuelle (par exemple en s’incorporant)
ou de façon définitive (par exemple la retraite) devrait évaluer la rentabilité effective au préalable.
6. Lorsque les emprunts personnels
auront été complètement remboursés,
convertir la marge de crédit commerciale en prêt ou marge hypothécaire
afin d’obtenir des coûts d’emprunt
plus avantageux.
EXEMPLE
Jacques est un médecin non incorporé.
Ses revenus annuels de profession sont
de 250 000 $ alors que ses dépenses afférentes sont de 25 000 $. Du côté per-
sonnel, il a un prêt hypothécaire ouvert
de 125 000 $. En franchissant les six
étapes décrites précédemment, ses
dépenses de profession s’accumuleront à
raison de 25 000 $ annuellement sur sa
nouvelle marge de crédit commerciale
pour atteindre 125 000 $ après cinq ans.
Pendant la même période, il fera un remboursement supplémentaire de 25 000 $
annuellement sur le prêt hypothécaire
présentant un solde de 125 000 $ aujourd’hui et l’éliminera complètement au
plus tard dans cinq ans. Ainsi, il n’aura
plus d’hypothèque après cinq ans (les intérêts de cette hypothèque personnelle
ne sont pas déductibles d’impôts), mais
aura contracté une dette commerciale
équivalente (les intérêts de cette dette
commerciale deviendront progressive-
ment déductibles puisqu’ils serviront à
gagner des revenus de profession).
Si Jacques avait un taux d’intérêt de 5 %
sur son hypothèque personnelle, il se
retrouverait à payer 6250 $ en intérêts
non déductibles la première année. Après
cinq ans, il pourra alors approcher son
banquier pour donner sa résidence en
garantie contre la marge de crédit de
façon à diminuer le taux d'intérêts de
celle-ci. Cela fera en sorte que sa nouvelle dette commerciale sera soumise à
des conditions semblables à un prêt hypothécaire standard. Aux fins de l’exemple, prenons un taux de 5,5 %. À ce taux,
Jacques paiera 6875 $ en frais d’intérêts
sur sa marge commerciale, intérêts entièrement déductibles de ses revenus de
LA LOI DE L’IMPÔT
Cette technique s’appuie sur l’article
20(1)c) de la Loi de l’impôt sur le
revenu fédérale qui traite de la déduction des intérêts payés pour gagner un
revenu d’entreprise ou de bien. Deux décisions de la Cour suprême du Canada
(Ludco et Singleton) portant sur la déductibilité des intérêts ont ouvert la voie
à la mise à part de l’argent en 2001. Le
bulletin d’interprétation IT-533 publié le
31 octobre 2003 par l’Agence du revenu
du Canada (ARC) portant sur la déductibilité des intérêts fait clairement
état de la mise à part de l’argent. De
plus, l’ARC a confirmé la validité de la
mise à part de l’argent telle que décrite
dans ce bulletin d’interprétation lors du
Congrès annuel de l’Association de
planification fiscale et financière (APFF)
en octobre 2007 de même que dans
plusieurs interprétations techniques.
Il sera important toutefois de vérifier d’ici la
fin de l’année 2008 le dénouement d’une
autre décision de la Cour suprême, dans
l’affaire Lipson, afin de voir quel impact
cela pourrait avoir sur cette stratégie.
EN TERMINANT…
Bien que cette stratégie soit des plus intéressantes d’un point de vue fiscal, il
est important de souligner que le remboursement des prêts personnels augmentera la masse partageable du
patrimoine familial pour les gens mariés
ou unis civilement. Il est donc important
de valider la solidité du couple avant de
mettre en place une telle stratégie. ⌧
novembre / décembre 2008 Santé inc. 33