Nuit de Blosne

Transcription

Nuit de Blosne
NUIT DE BLOSNE
Q
uand la nuit prend son temps et que le soleil attarde ses rayons sur les
feuilles des arbres, de la mare du Triangle montent les croassements des
grenouilles et la grande halle de ferraille se change en volière dans le vacarme énorme
des oiseaux. Alors, la campagne reprend possession du Blosne. Derrière la fenêtre
ouverte d'un appartement, le dos à la télévision éteinte, une femme se souvient du temps
des fermes et des bois. Le bois des Ourmes qu'on disait bois des Allemands et où
demeurent encore ceux qui jamais ne rentreront chez eux, la ferme de Torigné dont il ne
reste aujourd'hui que deux grands sapins noirs et le chemin de chênes qui mène jusqu'au
bord du Landrel. Elle se souvient aussi de l'hiver 68, les deux pieds dans la boue quand
on menait les enfants à l'école en vélo, un tournevis dans le sac pour décrotter les roues
de flaque en flaque. C'était le bon temps des jeunes années dans le chantier et la ville à
construire. C'était la galère, mais une galère remplie à ras bord d'espérance. Elle ne sait
pas ce soir s'il faut s'en plaindre ou s'il faut en rire. Presqu'à portée de sa main, un
peuplier tend une branche brillante au bord de la fenêtre. En 25 ans les arbres ont
rattrapé le béton et poussent aussi haut que les immeubles. Derrière la fenêtre ouverte, le
dos à la télévision éteinte, la femme n'en finit pas de refaire un monde achevé depuis
longtemps. Elle n'a ni colère, ni regret. Elle possède la sagesse de ceux qui savent que
l'avenir se construit sur le socle dur des souvenirs qu'on s'inventent. C'est un beau soir de
juin dans la cour de Moravie et cela lui suffit.
A cette heure là, à cette heure qui sait si bien durer quand le ciel est clair à
l'approche de la Saint Jean, le Blosne respire et, pour qui sait l'écouter, on entend dans sa
respiration le souffle têtu des rêves qui l'habitent.
Alors, les jeunes quittent lentement le hall de l'immeuble qu'ils ont gardé,
fumaillant et causant toute la fin d'après midi. Les petits sont couchés, les dernières
larmes de protestation écrasées sur l'oreiller, sac à rêve qui les conduit en silence au pays
où les chat ne mangent pas les oiseaux, où des singes perdus trouvent refuge dans des
chaussettes pendues sur d'improbables fils à linge, au pays des songes qui pourraient
devenir vrais si, en grandissant on n'oubliait pas d'y penser chaque jour très fort, malgré
le ricanement des adultes.
Les grands...
Les grands, eux, ont filé par le 8 ou le 13 vers les boîtes du centre ville, les bars à
terrasses et les cinémas. Ils rentreront à l'aube, titubant un peu entre les poubelles, la tête
pleine de musiques et, pour les plus chanceux, la bouche encore étonnée du souvenir d'un
baiser, un palot, un patin, qu'ils brandiront demain comme un signe de gloire. Peut - être
même qu'on pourra voir le rire d'une fille bouger les feuilles des buissons du côté du
boulevard Léon Grimaud. La voix sourde d'un garçon y répondra dans le jour qui se
lève. Peut-être cette nuit-là verra venir ce que l'on attend pas, le vrombissement d'une
Mobylette sous les arbres ou l'éclat d'une bagarre étouffée. C'est une nuit à inventer le
monde. Et l'on dirait ce soir que tout le monde s'y est mis, chacun à sa manière.
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D
evant le centre culturel du Triangle, une poignée de flic surveille les
voitures à cocardes garées sur l'esplanade. A l'intérieur, sous la lumière
artificielle des projecteurs et pour les caméras de la télévision, les gens sérieux discutent
sérieusement de la construction d'un pays où leurs enfants vivront plus longtemps qu'eux.
On parle de l'Europe du côté du square de Bosnie, à deux pas du bosquet Slave et de la
place du Monténégro. Les optimistes y verront une raison d'espérer, les ricaneurs
ricaneront à leur habitude. Ceux qui croient qu'il n'y a que dans les journaux et le cadre
étroit des écrans de télés que les noms des pays saignent et souffrent, ceux-là seuls n'y
verront aucun signe.
La dame de la cour de Moravie a longtemps hésité devant sa bibliothèque où
s'aligne, comme au premier jour, la collection complète des "Mystères de l'Univers" en
16 volumes. Jusqu'à aujourd'hui, l'univers a gardé ses mystères. Elle tire un livre au
hasard et l'ouvre sur la table. C'est une carte du ciel sur la toile cirée.
Ce soir il fait bon. Tout est calme. Chacun est à sa place. La femme sous la
lampe, le ministre sous les spots et les veilleurs des halls sur la pelouse du bosquet Slave
d'où aucun gardien ne saurait les chasser. Les veilleurs des halls, ce sont les adolescents
légers entre l'enfance et le travail qui jettent l'ancre aux portes des immeubles quand le
collège ferme bien avant que tombe la nuit. Quand le soir descend, ils se retrouvent au
Bosquet Slave. Là, le cul dans la rosée qui monte et la tête dans les étoiles, ils aiment
refaire le monde, assis par terre, dos à dos ou en cercle. Les immeubles disparaissent à
leurs yeux derrière les arbres; et avec eux disparaissent le collège, la famille, le temps
compté et tout ce fatras raisonnable qu'on appelle réalisme et qui n'est qu'une machine à
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éclater les rêves comme on éclate un tag sur un mur trop massif. Assis par terre, on ne
voit plus l'avenir qui vous tire certains jours une sacrée gueule de déjà vu. Assis par terre,
on ne voit pas plus loin que le bout de son nez, c'est vrai, mais on sent beaucoup mieux
tout ce qui bouge à l'intérieur de soi.
Ils s'assoient donc, les veilleurs de halls, ils s'assoient et ils causent. Leurs voix
sont basses, entrecoupées de rires qui ne dérangent pas plus les grenouilles de la mare du
Triangle que les orateurs des colloques officiels. Leurs mots portent jusqu'où portent
leurs regards. Ils s'arrêtent aux murs des maisons où les téléviseurs bavards ont tué le
silence. Ils savent aussi se taire, parce que parfois la nuit parle mieux qu'eux et qu'ils
savent bien qu'entre amis, ce n'est pas parce qu'on a fini sa phrases qu'on a plus rien à
dire. Ils se moquent des plans, des perspectives et des projets qui engagent, comme on
dit dans les journaux, l'avenir de la nation, leur avenir. Ils parlent chacun leur tour.
Quelqu'un dit quelque chose. Un autre dit autre chose. Cela ne peut avoir aucun rapport
et c'est sans importance. Ils ne cherchent pas à se répondre, ni à mimer le dialogue
comme savent faire les clowns qui parlent chacun pour soi. Les questions sont faites
pour être posées et le monde qu'ils inventent se passe fort bien de réponses. Il se
construit peu à peu de couches successives de paroles, d'interrogations et de phrases sans
liens. Il ressemble aux coupes géologiques qu'on affiche au tableau du collège quand on
étudie de quoi est faite la terre, ses montagnes et ses fonds marins. Ils sont capables de
parler longtemps, sans rimes ni raison, sans logique et sans plan, mais il faudrait être
sourd pour prétendre qu'ils ne disent rien. Ils parlent et la nuit les protège.
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Là-haut derrière les arbres, dans les appartements, les parents dorment depuis
longtemps. Il suffira au matin de venir discrètement défaire le lit dans la chambre pour
qu'ils refusent de croire que les gosses sont restés encore une fois toute la nuit dehors.
C'est joli, une nuit blanche. C'est comme une page blanche, un chèque en blanc,
une carte blanche. Tout peut arriver. Cette nuit-là, c'est arrivé.
Nicolas a commencé à délirer le premier. Il a pointé son doigt vers la butte pavée
de l'aire de jeu du bosquet Slave et il a dit "Regardez, les gars!". Tous les autres ont suivi
le doigt et ils ont vu. Ils ont tous vu le monde parfait que Nicolas racontait.
A
u commencement, ce n'était qu'un léger tremblement comme un
fourmillement de terre au sommet d'une taupinière. Peu à peu, les pavés
de la butte ont cédé dans une explosion silencieuse de sable et de ciment. La chose est
apparue. Un plancher d'acier luisant sous la lune, un miroir du ciel surgit du tréfonds de
la terre, quelque chose de calme et vrai comme un étang glacé. Sans plus de bruit qu'un
froissement de feuilles la dalle s'est élevée sous la poussée d'un énorme vérin. C'était une
tour, un immeuble nouveau qui montait sous leurs yeux dans la nuit claire du Blosne, un
champignon d'acier, de métal et de verre plus moderne que la gare de Rennes, un chef
d'œuvre de la pensée léger comme une vue de l'esprit. La tour noire et claire se hissa
lentement plus haut que les buisson, plus haut que les arbres et plus haut que les maisons.
Bien plus haut que la Tour Prague. Au loin on entendait toujours le chant des grenouilles
dans la mare du Triangle. Les oiseaux se sont tus sous leur volière de métal.
Quelle force pousse donc cette chose nouvelle des entrailles de la terre? Quel feu
en a fondu l'alliage? Les questions ont faites pour être posées. Elle grimpe accrochée aux
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regards des jeunes qui la portent. Tous leurs regards pour une fois réunis sur un même
point magique poussent la tour des rêves au plus haut de la nuit. C'est sans doute
stupide, n'empêche que c'est ce que tous ont senti. C'est certainement vrai aussi. Aussi
vrai que parfois le monde ressemble plus à ce que nous sentons qu'à ce que nous tentons
de comprendre. Ce qui est incontestable, c'est que si un seul avait détourné le regard, la
tour aurait stoppé sa progression vers les étoiles. Ce qui est évident, c'est que si tous
ensemble ils avaient fermé les yeux, la construction de verre et d'acier aurait
irrémédiablement disparu dans la nuit. Les vrais rêves ne se portent pas à bout de bras.
Ils naissent sous les paupières closes de la nuit et grandissent au fond de nos yeux grands
ouverts.
L
es veilleurs des halls ont monté la tour aussi haut que leurs regards ont su
la porter puis la lumière est venue. C'était une lumière propre et nette
comme la découpe d'un écran avant que commence le film, une lumière sans bavure,
aussi précise qu'un laser et pourtant vivante comme le soleil.
Ils se sont levés. Ils ont marché lentement vers la lumière qui les appelait et, sans
porte, sans serrure, sans interphone ni code, ils sont entrés dans le pays que leurs regards
avait bâti. L'intérieur bruissait de tous les mots de toutes les langues de la terre et chaque
langue était une musique, chaque langue était une couleur, une odeur, la couleur et
l'odeur d'un pays. On entendait des mots de safran et de cannelle, des mots de vanille sur
des rythmes rasta, des mots rivières sur fond de musette, des mots tambours aux parfums
de colombo et des phrases coulantes et heurtées comme le cours d'un ruisseau dans un
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pays sans eau. C'était la langue de la terre réconciliée, une langue que personne ne parlait
et que tous comprenaient sans crainte. Il n'est pas nécessaire de comprendre pour aimer.
Des ascenseurs légers comme des cheminements d'araignées montaient et
descendaient sur des fils invisibles. On dansait au premier étage, on mangeait au second,
ailleurs encore on courait pour le simple plaisir de courir, on lançait des ballons, on
causait entre amis ou bien encore on ne faisait rien ou tout ce qu'on voulait. Les peuples
les plus divers se côtoyaient dans l'harmonie la plus parfaite, ceux qui n'étaient d'accord
sur rien échangeaient d'amicales poignées de mains sans plus de façon que ceux qui était
d'accord sur tout. Tout ce que l'homme peut désirer était là, à portée de la main et
chacun pouvait y trouver ce qui ferait son bonheur sans jamais en déposséder quiconque.
Il suffisait de vouloir pour qu'aussitôt se mette en place un désir à peine effleuré. De
l'argent, des voitures, le soleil et la mer, des filles, des amis, des motos, des montagnes et
partout des sourires. Le sourire tranquille de l'insouciance, la certitude absolue d'être
toujours à sa place et qu'aucune place n'était interdite, partout des sourires qui vous
prenaient la main et vous conduisaient exactement où vous vouliez. Partout la liberté,
l'égalité et la fraternité pour de vrai, la tolérance, le respect et tout cette sorte de choses
si belles qu'on préfère les garder dans les livres de peur de les abîmer. De mots en mots,
de phrases en phrases, le cul sur la pelouse où montait la rosée et la tête dans les étoiles
où les savants traquent la naissance du monde, les veilleurs des halls étaient entrés dans
un monde si parfait qu'il était impossible de dire non.
Longtemps ils se promenèrent dans ce rêve d'harmonie d'où tout conflit était
exclu. Aussi confiant que des enfants, ils saisirent les mains qui se tendaient et suivirent
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les amis qui les guidaient. Tout était si parfait, si achevé qu'il n'y avait rien à redire. Rien
à dire. Ils se turent.
L
e premier, Nicolas bailla. De bonheur peut-être, n'empêche que la tour
frémit sur ses bases fragiles. Un étrange sommeil les envahissait peu à
peu, une douce torpeur engourdissait leurs membres et leurs esprits. Bientôt, la langue
de la terre qu'ils avait pris pour du miel leur sembla une langue mielleuse. Alors, les
sourires innombrables se muèrent en rictus, sangsues poisseuses et collantes dont aucun
geste de pouvait les délivrer. Nicolas secoua la tête et la tour trembla de la base au
sommet.
La sortie! On ne trouve plus la sortie! La peur les a pris, peur de tout, de rien,
peur de la gentillesse et du sommeil de coton. Le monde n'a pas changé, mais leurs
regards sont différents. Les mains naguère amicales et tendues étaient des tentacules; la
lumière trop vive et trop nette éteignait dans les regards les moindre parcelles d'ombre,
de secret et de révolte. Ils se sentirent nus, nus comme au commencement des temps, nus
et flottants sans volonté dans un univers liquide de sucre et de sirop. Ils se sentirent
bientôt perdus, inutiles. Ils étaient là par hasard, ils auraient pu être ailleurs ou bien
encore nulle part sans que le monde en soit changé d'aucune sorte.
Ils se regardèrent les uns les autres, le cul dans la rosée et la tête sous les étoiles,
ils se regardèrent au fond des yeux et au fond des yeux de chacun, ils virent la tour idéale
s'effacer peu à peu.
— Je me suis planté, dit Nicolas. Si tout est trop facile, plus rien n'a d'intérêt. Ce
qu'il faudrait, ce qui serait vraiment bien, c'est qu'on arrête de nous prendre par la main.
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Ce qu'il faudrait, ce qui serait vraiment super, c'est qu'on existe. Faudrait qu'on nous
écoute, faudrait qu'on nous entende. Faudrait qu'on nous écoute et qu'on nous entendent
avec de vraies oreilles humaines...
L'éternelle litanie des jeunes incompris... Y en a marre de parler dans l'hygiaphone
des professionnels de la jeunesse.
Hélas, personne ne sait de quelle manière on gagne le droit d'exister à la face du
monde, Alors, Nicolas s'est agenouillé sur la butte pavée de l'aire de jeu et, le cou tendu
vers le ciel, il s'est mis à hurler comme hurlent les chiens de campagne les nuits de pleine
lune. C'était à crever de rire. Tous les autres s'y sont mis en attendant que s'allume la
première lumière aux fenêtres des immeubles.
C
'est une nuit au Blosne qui n'est pas le paradis et bien loin de l'enfer, une
bande de grands gosses qui s'amuse à gueuler parce qu'il arrive parfois
qu'on ait si peur de ce que l'on désire que les mots sont trop petits pour le dire, parce
qu'il importe à dix sept ans de réveiller les vies endormies derrière les volets trop
étanches
Et pourquoi pas? pourquoi on ne gueulerait pas la nuit sous la fenêtre des braves
gens? Quand l'enfant crie en salle de travail au sortir du ventre de sa mère, la famille
attendrie, le médecin et la sage femme qui en ont pourtant vu bien d'autres écrasent une
larme d'émotion. Pourquoi faudrait-il, quand un adolescent au sortir de l'enfance pousse
sa gueulante sur un square à minuit que les seuls mots qui viennent à l'esprit soient ceux
de "p'tit con"?
— P'tits cons! Qu'est-ce que c'est que ce bordel?
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L'injure n'est pas venue d'où on pouvait l'attendre. Aucune fenêtre ne s'est
illuminée dans les immeubles. C'est un homme qui a parlé, un petit homme presqu'aussi
large que haut qui s'avance vers les jeunes, un gourdin de bois à la main.
— Ce n'est pas du bordel, monsieur, c'est une expérience. On est en train de
refaire le monde.
— Refaire le monde, grommelle le vieux en avançant toujours. Ses deux mains
serrées sur le gourdin sont épaisses et lourdes du souvenir de tonnes et de tonnes de
sable et de terre pelletés. Refaire le monde, vous me faites bien rigoler. Vous n'avez
encore rien fait et vous voulez déjà tout refaire! Moi, je l'ai fait, le monde. Quand je suis
arrivé ici, il n'y avait rien, des fermes et des champs. Rien. J'y ai passé ma vie, moi, à faire
le monde. Et pas avec des parlotes ou des hurlements de clébards à réveiller le quartier.
Je vous préviens que je ne descendrai pas deux fois. Le prochain coup, j'appelle les flics.
Les jeunes ont battu en retraite devant le vieux, plus intimidé sans doute par son
assurance de maçon que par son arme de bois. Qui oserait affronter celui qui prétend
avoir fait le monde? Le vieux s'en est retourné dans le noir et les veilleurs des halls se
sont assis de nouveau sur l'herbe, le cul dans la rosée et la tête dans les étoiles. Plus
personne ne parle. Le monde est fait, fini, terminé. Circulez, il n'y a rien à voir. Il n'y qu'à
attendre que se lève le soleil sur le Blosne. Avec quoi refera-t-on le monde? Avec des
pelles de terrassier, avec les mots savants des colloques officiels, avec les souvenirs de la
dame derrière sa fenêtre qui regarde pousser un peuplier depuis 25 ans? Avec quoi?
Avec le jour qui vient, peut-être, avec le jour qui vient et qui éclaire sur la pelouse l'arme
du vieux abandonnée. Ce n'est pas un gourdin. C'est un pieux de bois surmonté d'une
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planche. Sur la planche, quelqu'un a collé une affiche de papier kraft. Les veilleurs de
halls se sont penchés ensemble sur l'affiche. C'est un texte, tout simplement des mots les
uns derrières les autres, c'est un poème qui se moque des rimes et des vers:
"Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont
préférés aux buts lointains.
La vérité attend l'aurore à côté d'une bougie. Le verre de fenêtre est négligé.
Qu'importe à l'attentif.
Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.
Il n'y a pas d'ombre maligne sur la barque chavirée.
Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays.
On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.
Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches
sont libres de ne pas avoir de fruits.
On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.
Dans mon pays, on remercie."
"On n'emprunte que ce qui peut être augmenté" dit l'affiche ramassée sur la
pelouse. Le monde n'est pas à changer, il est à prendre et à rendre plus grand.
C'est signé René Char.
Et tant pis si René Char n'est pas du Blosne.
C'est un joli programme pour atteindre la cinquantaine sans devenir un vieux con.
Le colporteur © Éditions l'Harmattan 1995
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