Dossier Promo avr-10
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Dossier Promo avr-10
...Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust. A Glam Project / Renaud Cojo / Ouvre le Chien http://www.youtube.com/watch?v=jO4jx7vSerM To be played at maximum volume. Conception, Mise en scène, Images, Interprétation : Renaud Cojo Avec : Romain Finart, Eliott Manceau, Un(e) Invité(e) en Alternance. Montage Images : Benoit Arène, Renaud Cojo Son : Sylvain Dumoulin Lumières : Eric Blosse, Véronique Bridier, Emmanuel Bassibé Costume : Odile Béranger Construction : Jean-François Huchet Régie Générale : Emmanuel Bassibé Diffusion / Production : Florence Bourgeon Administration : Thierry Rousseau Comptabilité : Anne Dulucq Production : Carré des Jalles / Ouvre le Chien / « Hybrides » CDN Montpellier / OARA / IDDAC / Isolar / The Beckenham Arts LAb Avec L’aide de : Festival Garden Nef Party (Angoulême) A Glam Project Ziggy Stardust est né le 3 février 1972, à Lancaster, sur scène. Il est mort le 3 juillet 1973, sur scène à nouveau, au Hammersmith Odeon de Londres. Pendant son éphémère et fulgurante existence, il créé un album avec les Araignées de Mars, et donne de centaines de concerts sur la planète entière, alors que sa phobie ne lui permettait pas de prendre l’avion, lui, créature de l’espace. Une Rock’n’Roll Star, un monument excentrique frisant la folie à chaque instant, un avatar maquillé, à qui l’Ailleurs est vital. Un être venu de Mars : l’Espace comme une possibilité, un terrain d’aventure et d’expression où l’étrange devient réel, où l’impossible existe telle l’invention de soi. by Renaud Cojo De cette forme «transgenre», dont la figure de Ziggy Stardust (alter ego créé par David Bowie en 1972) est l’axe, Renaud Cojo propose une réflexion sur le geste artistique, le dédoublement de la personnalité et la résonance que met en mouvement l’acte de création dans la sphère de l’intime. Au centre du plateau parsemé de moniteurs vidéos, la cabine téléphonique de l’album «The Rise And Fall of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars» est le pivot central de cette performance. Au fil des rencontres et des situations que l’artiste a provoquées, (y compris une séance de psychanalyse), un casting improbable s’est mis en place autour de son double - personnage : Romain, stagiaire perspicace, Elliot, fan de David Bowie rencontré sur Youtube, quelques invités mystères... La fascination fascinée tel est le ressort qui témoigne de cette entreprise artistique. La Possibilité d’un « Il ». Qu’ils se choisissent comme nom, Clatty Brown, Guitarad, Eliminazi, ou Eddie The Kook, dont ils sont plus de 300 à avoir « posté » leur reprise personnelle sur le site communautaire Youtube, le mythe Ziggy Stardust n’en finit pas de subir la réappropriation d’un temps toujours plus élastique. Ziggy est l’autre parti d’un « moi » interstellaire, satellisé à jamais dans la mémoire d’un possible. Il suffit par exemple de jeter un œil sur la conviction investie de Harvest Moon (http://fr.youtube.com/watch?v=KoK0CfpAQbg), dont on ne connaîtra rien à l’avance du drame qui se joue dans cette salle à manger pourvue d’une vitrine renfermant les mystères d’une collection de verre en cristal, pour deviner dans cette transfiguration, une échappée en solitaire vers des galaxies meilleures. Le phénomène fascine. Non pas l’objet de fascination comme étude empirique de « l’être à part » inventé par la création de David Bowie, mais le rapport au fascinant, la fascination fascinée. De ce probable Illinois où il exerce en secret seul face à sa caméra numérique, témoin complice d’une évasion offerte à cette fenêtre ouverte sur la globalité du monde, Harvest Moon donne à voir l’autre partie d’un lui-même inaccompli. Dans une autre vie, il aurait été, lui aussi une « Rock’N’Roll Star ». Pour le moment, c’est un agent comptable qui nous fait croire à la possibilité d’un « Il », une identité neuve. .. Sur le plateau, c’est Eliott « Stardust » que j’ai choisi d’inviter, convaincu par sa reprise investie de « Rock’n’Roll Suicide » sur Dailymotion. L’expérience du metteur en scène de théâtre à ce moment de son histoire, assiste à cet autre interprétant l’Autre. Ce « moi » metteur en scène se reconnaît précisément là, dans l’impossibilité de son ubiquité. Ziggy Stardust l’aura mené sur les champs de son expérience. Tout son travail de théâtre aura versé vers le trou noir dans lequel Ziggy aura montré la lumière. Une étoile suspendue comme d’autres portent des éléphants à leur cou. A un moment où les doutes d’un théâtre à inventer pérennisent une certaine angoisse du temps figé, il était temps non pas de lui rendre hommage, mais de le retrouver avec ce « nous » réunifié. Tous ceux qui à travers leurs vies dissoutes auront permis à Ziggy de se cacher, les « posteurs » de Youtube, les collectionneurs « fous », les arpenteurs infatigables de Heddon Street, les « lad in sane »... Enfin le souvenir de cette répétition sur Elephant People où justement puisqu’il s’agissait de répéter, je me trouvais dans l’impasse de l’instant qui s’échappait parce que trop renouvelé, incapable d’être à la luminescence du présent...Et puis, j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust. Renaud Cojo, fin mai 2008. Romain FINART 48, rue Camille Pelletan Résidence Daubigny Appartement 17 A 33 400 TALENCE Tél : 05 56 37 38 12 - Mobile : 06 84 53 72 02 Mail : [email protected] Talence, le 15 Octobre 2008 A l’intention de : la compagnie Ouvre le Chien Objet : demande de stage Je suis étudiant en Master 2 Théâtre à Bordeaux 3 et je souhaiterais pouvoir suivre avec vous le processus de création de votre prochain spectacle. La période de disponibilité prévue pour les stages s’étend de Janvier à Juin, ce qui est je crois compatible avec le moment où vous serez en travail. Pour me présenter brièvement, je dirai que j’aime le jeu et les comédiens, mais plus largement, je suis passionné par le spectacle en train de se faire. A l’université, j’ai cherché à approfondir l’endroit du jeu, de ce que cela voulait dire concrètement que d’être sur un plateau. Avoir conscience d’être devant des gens, et de vivre ça au présent, contrairement à beaucoup de spectacles qui sont de grosses machines, suivant leurs rails quoiqu’il arrive, ne cherchant aucunement à établir un lien, voir à déranger le spectateur. Il me semble important que le théâtre permette d’amener les spectateurs à une réflexion sur le monde dans lequel nous vivons. A ce titre, je suis resté très marqué par Sniper, que j’ai vu il y a 3 ou 4 ans maintenant au TNT. Je crois que pour la première fois, j’ai compris que le théâtre pouvait aussi faire que le spectateur dérangé, pris à parti en nous mettant en face des yeux la violence du monde dans lequel nous vivons, afin de porter un autre regard sur lui et sur nous, puisque nous faisons partie intégrante de ce monde. C’était aussi le cas, même si j’ai plus de réserve cette fois, avec Elephant People La démarche que vous engagez me semble importante, et trouve des résonances dans ma pratique et la façon dont j’envisage le théâtre. Le fait de proposer un point de vue autre me parait fondamental à l’heure où le mot « d’ouverture » est à la mode chez nos dirigeants et où c’est l’effet inverse qui se fait sentir tous les jours un peu plus. Je précise que je suis en fauteuil roulant manuel, ce qui ne m’empêche pas tout à fait autonome, la question de la singularité est donc manifeste chez moi. Pour toutes ces raisons, je trouverai très cohérent de pouvoir effectuer mon stage avec vous. Comme convenu, j’appellerai Renaud vendredi. Je souhaiterais pouvoir vous rencontrer afin que nous discutions plus précisément du stage et de votre travail et que nous puissions mettre cela au point. Merci à vous, à bientôt j’espère, Romain «Le psychanalyste en dit...» En l’époque où la question de l’identité virtuelle s’impose à la fois comme truchement « cathartique » et « aventureux », le spectacle de Renaud Cojo tranche par la volonté de réifier cette question, de la rendre tangible à l’aide des éléments théâtraux qu’il propose. C’est devant une mosaïque que nous sommes. Mais devant une mosaïque en profondeur. Imaginons une nostalgie présentifiée, en premier lieu par le recours au passé, ajoutons à cela un réseau de significations dont le sens lui-même est en devenir, et fabriqué par le spectateur ; mélangeons le tout en nourrissant le travail de commentaires divers, et nous avons par-là, un canevas spectaculaire. Pour notre plaisir, Renaud Cojo présentifie sur le plateau un passé-présent, aoriste du travail antécédent, des recherches de mise en scène et des scories-matériau. Renaud en sa véritable identité, alias Renaud Cojo, alias Ziggy Stardust consulte un spécialiste, à savoir un psychanalyste, afin de formuler ses questions sur sa propre tendance à prendre la peau d’un autre, et s’en revêtir. Conjointement, ce dans le même entretien, mais pas uniquement, il livre son admiration pour David Jones, alias David Bowie, alias Ziggy Stardust (qui parle? demande le psychanalyste) lequel Ziggy est recherché à Londres, recherche dont la preuve toute virtuelle est produite par la caméra de Renaud qui, à Londres, n’en peut mais. Tout cela en images montées, mais démontant la lente introduction du squelette spectaculaire. Pour cela, tout est en place. Les écrans vidéo, une caméra stylo, des personnes sur scène : Renaud Cojo en Pechum, metteur en scène, acteur, et dérisoire imitateur des poses Bowienne et autres, Laurent Potreau qui nous lit des extraits de textes psychanalytiques comme s’il s’agissait des contes d’Hoffmann, Eliott Manceau en chanteur-fan-prêtre et superbe de David Bowie Stardust, et Romain Finart stagiaire égaré sur le plateau, magnifique de présence simple, sans l’affèterie estudiantine requise. Dans ce spectacle monstration, aucune argumentation, aucun lien apparent sauf une machine totalitaire. Impossible, à supporter, à maîtriser, à quantifier, à qualifier, la mémoire et la pire des ses fonctions, la réminiscence. Alors Renaud Cojo, tente un fracas du miroir par l’interprétation du virtuel et du réel. Le passé est montré pour ce qu’il est chez tout être humain, jamais existant puisque reconnu qu’au présent. Aussi, c’est bien le souvenir lui qui se désintègre lorsqu’il est confronté à l’impact du présent, seule réalité en cours. La réalité c’est ce dont nous sommes témoins. Elle n’est rien d’autre. Eh bien, faisons donc que ce qui importe soit réalité dans un spectacle. Alain Rudefoucauld, Psychanalyste « Et il faisait froid et il pleuvait et alors je me suis senti comme un acteur, un fils brave qui donna sa vie pour sauver des slogans. Garde ton œil électrique sur moi bébé, ne le dis pas à ton papa sinon il nous fera enfermer dans la peur. Ce n’est pas facile d’atteindre le paradis quand tu t’enfonces. Des femmes fatales sont sorties de l’ombre, je pourrais jouer une mutation délirante si j’étais une rock star, et bien l’amertume jaillit mieux sur une guitare volée en faisant l’amour avec son ego. Ce poussin aux cuisses moelleuses m’a déplacé la colonne vertébrale. Donne moi tes mains parce que tu es merveilleux. » (All lyrics from « The Rise and Fall of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars) L’étoile glamour d’une ère schizophrénique Olivier Mouton Un musicien martien venu de nulle part débarque sous la peau réelle de David Jones, mieux connu sous le nom de David Bowie. Et devient une légende. 1972: «Ziggy Stardust» Récit Avec un peu de recul, David Bowie se dit qu’il fut à deux doigts de perdre la raison. En 1972, après quatre albums au succès assez confidentiel, le dénommé de naissance David Jones débarque sur la planète musicale avec un personnage haut en couleurs: Ziggy Stardust. Une invention pure et simple appelée à grimper au firmament du rock’n’roll. C’est un martien de la musique, un androgyne maquillé, une star venue du ciel se comparant à Dieu avant de s’en aller comme il est venu: dans un éclair. Victime de son succès, il se suicidera symboliquement au bout d’une tournée de concerts qui reste gravée dans les livres de l’histoire musicale.. La santé en danger David Bowie lui-même analysera cinq ans plus tard ce grand spectacle théâtral avec des frissons dans le dos: «Je considérais alors que je pouvais tout aussi bien emmener Ziggy avec moi lors des interviews. Pourquoi le laisser sur scène? Quand je regarde en arrière, je me dis que c’était complètement absurde. Cela est devenu très dangereux. Je ne peux pas nier le fait que cette expérience m’a affecté de façon exagérée. J’ai réellement eu des doutes au sujet de ma santé mentale.» La schizophrénie n’était pas loin, au sens clinique du terme. OEuvre d’avant-garde, Ziggy Stardust rallie, bien avant tout le monde, le territoire virtuel qui s’imposera plus tard, au croisement des millénaires. Plus directement, David Bowie réagit avec ce personnage mythomane à l’évolution de la musique en ce début des années septante: le business a récupéré ce filon juteux et donne naissance aux supergroupes. La virtuosité devient un must. Au risque d’être froide comme un glaçon. «C’était définitivement une réaction au caractère trop sérieux de la fin des années soixante, et la qualité trouble dans laquelle sombrait le rock», commentait David Bowie en 1991. Et de poursuivre avec un dribble inattendu: «Je me souviens avoir dit à l’époque que le rock devait se prostituer. Si tu vas travailler dans une maison close, autant être la plus séduisante de toutes...» L’homme ne sera jamais à l’abri d’une provocation. Ni, à l’époque, d’une ambiguïté, se disant tour à tour gay ou bisexuel, photos controversées à l’appui... Le «glam rock», comme on l’a nommé, joue sur tous les artifices pour dérouter le public. Ses plus illustres représentants, outre le Bowie de Ziggy Stardust et Aladdin Sane, sont Iggy Pop et ses Stogges ou le T-Rex de Marc Bolan. Pour la première fois, le rock entre en phase avec la création vestimentaire - les vêtements de Ziggy Stardust sont l’oeuvre du styliste japonais Kansai Yamamoto - et développe une excentricité sans pareil. Ces artistes revêtent des habits provocants et se maquillent de façon outrancière. Quatre ans plus tard, le punk déchirera le train-train musical en s’inspirant directement de leur influence. A la source de cette fureur étrange, on retrouve un film culte, dont la violence empoigne les salles obscures en 1971: «Orange mécanique», de Stanley Kubrick. C’est une vision effrayante du XXIe siècle, la terre étant devenue une jungle sans loi ou règnent la terreur et le cynisme. Bowie, encore, en 1993: «J’étais convaincu alors que nous faisions la musique de la génération d’Orange mécanique et je m’habillais souvent en conséquence.» Ziggy Stardust vient de Mars ou de toute autre planète. Au début des années septante, le monde entier a toujours la tête dans les étoiles depuis le premier pas posé par l’homme sur la Lune, le 21 juillet 1969. En 1971, les astronautes d’Apollo 15 n’explorent-ils pas la surface du satellite de la Terre à bord d’un véhicule baptisé Luna Rover? Pour la petite histoire, le nom de Stardust vient d’un chanteur de musique country et western qui était un des premiers représentants du petit label au sein duquel Bowie a fait ses débuts, Mercury. Norman Carl Odom - c’est son patronyme - se présentait comme «The Legendary Stardust Cowboy». Cet artiste, qui serait resté inconnu sans Ziggy, disait avoir trouvé son nom en creusant dans sa mémoire: petit, il regardait la lune avec l’espoir que l’homme y arriverait un jour - mais lui, à vrai dire, était davantage attiré par Mars. Stardust. Poussière d’étoile... Un modèle nommé Taylor Ce loser comique n’est pas la principale figure à laquelle se réfère David Bowie, même si ce dernier avoue être «tombé amoureux» de la simplicité décalée de ses singles. Deux aventures, deux chocs constituent la toile de fond de cette aventure extraordinaire ayant connu un succès foudroyant. Paru en Angleterre le 6 juin 1972, Ziggy Stardust est vendu à 8000 exemplaires la première semaine, un chiffre plus que significatif à l’époque. Il est 19e dans le hit parade, atteindra la 5e position et restera classé deux années pleines. Aux Etats-Unis, il restera classé un an, sans atteindre les mêmes sommets. Tous les concerts sont sold out et rentrent dans la légende. La première inspiration de Ziggy est musicale au sens propre du terme. Elle vient de New York et détermine bien des courants novateurs qui surgiront par la suite. C’est le Velvet Underground. Lou Reed, John Cale et les autres entament leur carrière en 1965 et sont rapidement couvés par Andy Warhol. C’est du «pop art rock» aux sonorités pas toujours évidentes d’accès, mais longues en bouche. «Je voulais absolument les voir lorsque j’ai été pour la première fois aux Etats-unis en 1970», raconte David Bowie en 2000. A la fin du spectacle, il va parler avec le chanteur. De retour à Londres, il se vante d’avoir eu une longue conversation avec Lou Reed. Un de ses amis sourit: «Ce n’était pas lui, il a quitté le groupe l’année passée. Tu as parlé à son remplaçant, Doug Yule.» Bowie: «J’ai réalisé alors que cela n’avait pas d’importance pour moi que ce soit le réel ou un faux. C’est une partie du puzzle pouvant expliquer Ziggy Stardust - est-il réel ou artificiel?» Le second choc est plus profond encore. Psychiatrique, là aussi. Le véritable modèle de Ziggy Stardust se nomme Vince Taylor. Rocker des premières heures, cet Anglais incarne, à la fin des années 1950, le prototype même du chanteur en cuir se déhanchant avec quantité de «yeah» bien appuyés. Mais la drogue et l’alcool vont s’emparer de lui. Au début des années 1960, il perd lentement la raison et passe d’un club à l’autre en prétendant qu’il est le fils de Dieu. «Je l’ai rencontré plusieurs fois au milieu des années soixante», se souvenait David Bowie en 1996. «Il était complètement à côté de ses pompes.» Le rocker défait se promenait avec des cartes qu’il déposait sur le sol pour déterminer l’endroit où les Ovnis atterriraient, quand il ne voulait pas trouver l’Atlantide. «Il est toujours resté en moi comme l’exemple même de ce qui peut arriver avec le rock’n’roll», poursuit David Bowie. «Je ne sais pas si je le considérais comme une idole ou plutôt comme ce que je devais absolument éviter de devenir.» Vince Taylor «est» Ziggy Stardust. En 1972, l’année de la parution de la météorite de Bowie, il vit en France et sort un nouvel album: «Vince is alive, well and rocking in Paris». Un flop. L’homme passera le reste de ses jours dans des prisons et des hôpitaux psychiatriques avant de mourir d’un cancer en 1991. Il avait 52 ans à peine. l’Or devient noir Ziggy Stardust est un monument excentrique frisant la folie à chaque instant. C’est une aventure humaine et musicale pleine de créativité, ancrée dans la provocation pour dénoncer en le raillant un monde qui devient fou. Déjà... Toujours... Objet volant non identifié venu de Mars, la créature de David Bowie assiste aux bombardements massifs sur le Vietnam, en 1972, un an avant qu’un accord ne soit signé pour mettre fin à cette boucherie sans nom. Cette guerre a donné naissance à la protest song. Mais d’autres raisons de s’engager vont rapidement voir le jour. Sur le plan économique, les Golden Sixties sont finies. La stagflation fait son apparition: un ralentissement de l’économie accompagné par une hausse des prix. En 1973, l’Egypte et la Syrie attaquent Israël par surprise, mais la réaction ne se fait pas attendre. Au bout de ces tensions, il y a la première crise pétrolière. L’Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep) décide une augmentation sensible du prix du baril en 1974 et l’économie met définitivement genou à terre. La période des dimanches sans voiture est une ère de remise en question. Quel est le sens d’une société ne reposant que sur le matériel? La télévision ronfle dans les foyers. Les répondeurs téléphoniques deviennent des jouets permettant d’être présent tout en étant absent. Richard Nixon met en place un réseau d’écoutes et tombe suite à une enquête journalistique couronnée par le prix Pulitzer: le Watergate est un moment d’histoire, on en fera un film. La guerre froide est entrée dans une période de détente marquée par des rencontres au sommet et des accords de désarmement - mais elle s’assoupit pour mieux se réveiller à la fin de la décennie avec la guerre d’Afghanistan. Estce parce que la réalité devient plus complexe que l’on ressent le besoin de jouer avec elle? La schizophrénie de Ziggy Stardust est-elle précisément le fruit d’une ère où les repères vacillent? Les Beatles se sont séparés deux ans plus tôt et ses membres ont entamé des carrières solos avec des succès divers. Pink Floyd se prépare à devenir un mythe avec un album - «Dark Side of the Moon» - qui restera classé dans les charts pendant quinze ans. La musique éclate, se diversifie, devient peu à peu un mélange des genres. Ziggy Stardust est une charnière, une porte vers d’autres univers. Un tableau expressionniste se moquant de toute l’imagerie chic et kitsch des stars du show-business en la caricaturant à l’extrême. Une oeuvre sincère au point que son créateur fut à deux doigts de ne pas lui survivre. Le 3 juillet 1973, au Hammersmith Odeon de Londres, Ziggy est là, sur scène, avec son groupe, the Spiders from Mars, les araignées de Mars. Mick Ronson à la guitare, Trevor Bolder à la basse et Woody Woodmansey à la batterie donnent tout ce qu’ils ont dans leur cour. Le public délire. Les morceaux s’enchaînent. «Hang on to yourself», «Suffragette city», «Moonage daydream»... En plus de ses propres succès, Bowie chante plusieurs reprises: «My death», d’après une chanson de Jacques Brel, «White light white heat» de Lou Reed - qu’il admire - et «Let’s spend the night together» des Stones. Personne ne se doute encore qu’à la fin de ce concert inoubliable, David Bowie donnera la mort à son alter ego. Rideau. Un film de D.A. Pennebaker, sorti pour le trentième anniversaire, retrace désormais la légende. Avec Ziggy Stardust, David Bowie entre, lui, dans l’histoire du rock. Il se façonne une image de caméléon s’adaptant à toute période et ouvrant de nouvelles lignes sinueuses. Le punk lui dédiera ses messes révoltées. Le gothique s’inspirera de ses fards énigmatiques, à l’image des dernières glissades folklorico-kitsch de Marilyn Manson. On retrouve sieur David Jones dans les années 1980 hyper commerciales avec un «Let’s dance» chaloupé et des chaussures rouges. Dans les années 1990 avec un «Outside» plus cérébral et plus osé. Et au XXIe siècle, l’homme sort un «Reality» respecté unanimement tout en faisant de la publicité pour une célèbre marque d’eau minérale. Ziggy Stardust, bien dans sa peau, se prépare à devenir éternel. (c) La Libre Belgique 2004 Portfolio photographies : © Marc Ginot