La Voie Beechwood #38

Transcription

La Voie Beechwood #38
LA VOIE BEECHWOOD
BEECHWOOD, LE CIMETIÈRE NATIONAL DU CANADA
Grete Hale : Plus de 20 années dans mon rétroviseur
Grete Hale
Présidente émérite
La Fondation du cimetière Beechwood
J e me sens vraiment choyée d’avoir fait
partie de l’équipe du cimetière Beechwood pendant 20 et quelques années,
qui ont vu ce cimetière local devenir le Cimetière national du Canada. Ce fut une
saga tellement mémorable et réconfortante.
Le chemin n’a pas été facile. Il y a eu de
nombreux moments laborieux mais, grâce à
notre personnel et à notre Conseil bénévole, à nos avocats, à nos bâtisseurs et à nos
bénévoles, nous avons pu les surmonter un
à un. Je ne peux pas commencer à énumérer, vous savez qui vous êtes, qui nous a
aidés à franchir les obstacles pour réaliser
notre rêve de devenir le cimetière national
de notre pays. Je vous remercie tous et chacun.
Je retourne en 1873 vers ce groupe
d’hommes locaux qui ont eu l’inspiration et
la vision de créer le cimetière Beechwood.
Nous leur devons une gratitude éternelle
pour leurs actes. J’ai des centaines de souvenirs de mes jours à Beechwood. J’en ai sélectionnés seulement une douzaine pour les
partager avec vous.
Le premier est l’appel téléphonique inattendu, un samedi après-midi, du
Dr J. David Roger me demandant de l’aider
à résoudre un problème de terrain au cimetière Beechwood. Il siégeait au Conseil à
l’époque. Il avait demandé en premier à ma
sœur, Jean Pigott, qui était à la tête de la
Commission de la capitale nationale mais,
étant donné que le problème concernait le
terrain, elle avait répondu à David qu’elle
ne pouvait pas intervenir et lui avait suggéré
de me demander de m’impliquer. De là est
venu le coup de téléphone qui a changé ma
vie.
Le souvenir suivant est celui des cinq administrateurs bénévoles et du directeur général du Cimetière Beechwood de l’époque,
assis autour de la table dans la salle du
Conseil pendant des heures et des jours
innombrables, mois après mois, année après
La Voie Beechwood
Photo : Carolyn Burd
Mme Hale se préparant pour sa randonnée annuelle à moto dans Beechwood après la cérémonie de
la Randonnée commémorative nationale (RCN) le 7 juin 2015. ‘Radar’, membre de la RCN, l’emmène sur
sa moto à trois roues depuis les débuts de la cérémonie en 2009.
année, en s’efforçant de trouver des moyens
et des façons de résoudre la multitude de
problèmes auxquels nous étions confrontés.
Je me souviens du général Hillier, alors
chef de la Défense nationale, nous remettant un chèque très substantiel pour la
construction de notre Centre commémoratif national Beechwood. Il déclara : « Les
militaires canadiens sont reconnaissants car
nous avons dorénavant un endroit où nous
pouvons enterrer nos morts, mais nous
n’avons pas de lieu de rencontre où nos
familles peuvent se retrouver après l’inhumation pour s’étreindre, prendre une tasse
de café ou une bière, alors voici un chèque
pour commencer à bâtir ce vaste lieu de
rencontre, pas seulement pour les militaires
mais aussi pour tous les Canadiens ». Et
c’est ainsi que le projet se réalisa.
Après les évènements tragiques du 11
septembre 2001, le personnel de Beechwood décida de prendre l’initiative d’honorer les 26 Canadiens tués ce jour-là et trouva la façon et les moyens de le faire à Beechwood. Aujourd’hui, près de la section des
anciens combattants du Cimetière militaire
national, la grande plaque commémorative
apposée sur une grosse pierre se dresse pour
Publié par la Fondation du Cimetière Beechwood
rendre un hommage silencieux et concret à
ces femmes et à ces hommes.
J’aime beaucoup notre Service commémoratif annuel de Noël fréquenté en plein
air par des centaines de personnes le premier dimanche de décembre. C’est une
rencontre bilingue et multiculturelle durant
laquelle chacun reçoit une bougie pour se
souvenir des êtres chers qui sont décédés.
C’est un moment magnifique pour entonner des chants ensemble en français et en
anglais.
Je chéris les évènements au marais Macoun, cette magnifique terre humide d’origine que Beechwood a réservée pour enseigner aux jeunes élèves les merveilles et les
bienfaits du contenu de cette minuscule
parcelle de terre sur notre propriété. J’emmène toujours des invités pour qu’ils s’émerveillent devant cet intéressant projet
silencieux.
J’attends toujours avec impatience notre
rencontre de septembre avec la communauté chinoise qui honore ses morts à la
magnifique pagode construite grâce à des
dons. Ils font rôtir un porc qui est honoré
avec des libations et des fleurs et ensuite
(Voir « Grete Hale » à la page 2)
Volume 10, Numéro 38
Grete Hale (suite)
tout le monde est invité à manger. Feu le
Dr Roger était toujours invité à parler lors
de la cérémonie, généralement sous un soleil splendide.
Une occasion heureuse pour moi a toujours été la présence des divers clubs de
motocyclistes qui viennent parcourir le
cimetière un dimanche après-midi de juin
sur leurs motos pour honorer nos anciens
combattants canadiens lors d’un service
multiculturel simple et bilingue. C’est toujours un honneur d’être invitée à parcourir
le cimetière avec eux sur une moto à trois
roues.
Je me souviens du premier service funéraire organisé dans notre Espace sacré pour
un soldat canadien tué en Afghanistan –
c’était pour le capitaine Jonathan Sutherland Snyder âgé de 25 ans. Il fut tué lors
d’une patrouille de nuit en tombant dans
un puits. Je ne connaissais pas le jeune
homme mais je tenais à être là pour lui. Je
suis restée debout au fond du hall. Son père
est venu me voir et a posé son bras sur le
mien avec des larmes qui roulaient sur ses
joues en me disant : « Je suis tellement reconnaissant envers Beechwood pour la tenue des funérailles de mon fils dans cet
endroit magnifique. Cela a contribué à guérir mon cœur brisé ».
Un moment que je chérirai toujours a été
la cérémonie de bénédiction de notre Espace sacré. Nous avions invité un représentant
de chacune des 29 religions pratiquées à
Ottawa à être présents dans leurs habits de
cérémonie. Comme nous sommes sur un
terrain algonquin, nous avions invité un
représentant de la réserve de Kitigan Zibi
près de Maniwaki, au Québec, pour exécuter une cérémonie de purification autour du
gros rocher au centre de la pièce, pendant
que nous marchions tout autour. Je me suis
dit à ce moment-là : « C’est fantastique,
nous représentons là toutes les religions du
monde, dans leurs tenues variées, mais nous
adorons le même Dieu ». Quel moment de
délectation et de gratitude.
La communauté franco-ontarienne d’Ottawa a recueilli 163 000 $ pour faire ériger
une statue en l’honneur de Mère Élisabeth
Bruyère qui a fondé le premier hôpital
d’Ottawa, la première école bilingue au
début des années 1800 et les Sœurs de la
Charité d’Ottawa. Ce fut un moment mémorable lorsque ce magnifique monument
fut dévoilé à Beechwood, en présence de
nombreuses sœurs. Elles n’ont jamais cessé
Volume 10, Numéro 38
Photo: Lipman Still Pictures
Mme Hale et son successeur à Beechwood, le général Baril, à la cérémonie de bénédiction du MNCB le 28 novembre 2007.
Photo : Le ministère de la Défense nationale
Mme Hale et feu le Dr J. David Roger déposant une couronne au nom de Beechwood au MNC le Jour du Souvenir.
de sourire durant l’évènement, conscientes
de l’importance que leur fondatrice soit
ainsi reconnue et honorée.
Les évènements des décennies qui se sont
déroulées au cimetière Beechwood me submergent. Il y en a tant à se rappeler. Je terminerai ce récit avec une histoire très réconfortante. Un petit groupe du Club des
femmes universitaires visitait Beechwood et
remarqua une vieille pierre tombale intitulée ‘Le Foyer des femmes sans ami-e-s’. Les
conditions météorologiques avaient rendu
les lettres quasiment illisibles au fil des ans.
Elles firent immédiatement une collecte
parmi le groupe, bon nombre d’entre elles
étaient des femmes d’ambassadeur, et nous
remirent suffisamment d’argent pour faire
refaire les lettres du monument, ainsi que
des monuments homologues (marquant les
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concessions pour l’Orphelinat protestant et
le Foyer protestant pour personnes âgées),
et pour les rendre plus lisibles. Une autre
amie me déclara par la suite : « Grete, qui
sont ces femmes sans ami-e-s, y a-t-il un
moyen de connaître leurs noms? » Notre
personnel parvint à consulter les vieux dossiers et enregistra les noms de toutes ces
personnes inhumées dans ces trois concessions et une amie me donna de l’argent
pour faire réaliser une magnifique plaque
portant 87 noms. Les femmes ne sont dorénavant plus sans logis.
Il y a des dizaines d’autres anecdotes à
raconter sur l’histoire de Beechwood, le
patrimoine et les gens qui ont contribué à
faire de Beechwood ce qu’il est aujourd’hui,
mais je les raconterai plus tard. Je chéris le
passé et j’attends l’avenir.
Été 2015
Entre Amis
Ian Guthrie
Amis de Beechwood
D
ans la vie, nous avons la chance de
rencontrer quelques personnes vraiment
remarquables et c’est le cas du Dr J.
David Roger, décédé le 14 juin. On pourrait rédiger une élégante biographie de sa
longue vie (près de 99 années) bien remplie.
Dans cet espace, je vais lui rendre un bref
hommage : médecin militaire durant la
Deuxième Guerre mondiale dans l’ARC en
Angleterre et en Europe; à son retour au
Canada, une carrière comme interniste,
radiologue et consultant à Ottawa, des deux
côtés de la rivière des Outaouais, et dans
l’Arctique; un homme dévoué à son épouse,
ses enfants et ses petits-enfants; un jardinier
‘scientifique’; un ami apprécié. Comment at-il pu trouver le temps d’être tout cela?!
Pour Beechwood, on se souviendra de lui
avec les fondateurs car, en tant que membre
du Conseil depuis 1977 et président de
1993 à 2002 (administrateur émérite
jusqu’à maintenant), il fut une inspiration
pour sauver la propriété contre ceux qui
voulaient en amputer une partie pour réaliser un projet de développement immobilier.
Sous son leadership, il préserva l’intégrité
de la propriété et s’assura que Beechwood
devienne l’atout formidable qu’il est pour
notre ville et notre pays. L’hommage
‘concret’ et approprié au Dr Roger est le
beau jardin, actuellement dans toute sa
splendeur estivale, nommé en son nom à
l’extérieur du Centre commémoratif national dans le cimetière Beechwood.
Un hommage plus complet et plus digne
à J. David Roger figurera dans le prochain
numéro de LA VOIE BEECHWOOD.
Entre-temps, je vous recommande de trouver votre voie vers Beechwood cet été et de
vous arrêter devant le jardin du Dr Roger
pour vous souvenir d’une personne remarquable, d’un Canadien éminent.
Comme l’indique la rubrique d’Ian, nous
envisageons de consacrer une grande partie du prochain numéro de LA VOIE BEECHWOOD au souvenir du Dr Roger et de ses
remarquables contributions à notre pays, à
notre ville et à notre cimetière. Pour celles et
ceux d’entre vous qui ont eu la chance de le
connaître, nous vous invitons à nous envoyer vos bons souvenirs et nous les inclurons assurément dans son hommage.
Été 2015
Photo : Les familles endeuillées d’Ottawa
Les Familles endeuillées d’Ottawa ont partagé leur deuil
Denise Smeaton
Beechwood staff
A
u cours des quatre dernières années,
Les Familles endeuillées d’Ottawa ont
organisé un hommage commémoratif annuel spécial avec la libération de papillons et
la marche commémorative annuelle dans
Beechwood. Cette année, j’ai eu le privilège
de participer à la libération des papillons et
de passer du temps avec Mme Hale, qui a
prononcé le mot de bienvenue.
La cérémonie a débuté dans l’Espace sacré.
Mme Hale a pris le temps de partager ses
pensées sur Beechwood avec les quelque 200
personnes rassemblées ici. Elle a partagé sa
vision initiale visant à rendre Beechwood
accessible à tous les Canadiens, un endroit à
découvrir lors d’une visite dans la capitale du
Canada et un hommage à tous ceux qui
nous ont précédés. De bien des façons, elle a
fait simplement cela et ce fut évident pour
nous tous.
La harpiste et la flutiste ont empli l’Espace
sacré avec une magnifique musique calme.
Lorsque chacune des personnes se levait
pour recevoir ses papillons, emballés sécuritairement dans de petites boîtes triangulaires, elle avait l’occasion de décliner le nom
de son être cher au micro. Une certaine tristesse était palpable et pourtant ce même sentiment, partagé par tant de gens, reflétait la
beauté de la célébration, le caractère poignant du souvenir commun et le deuil partagé.
Selon une ancienne légende autochtone, « Si
quelqu’un désire qu’un vœu se réalise, il doit
capturer un papillon et lui chuchoter ce
vœu. Comme il n’émet pas de sons, il ne
peut pas le raconter à quiconque sauf au
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Grand Esprit, si bien qu’en faisant le vœu
tout en relâchant le papillon, il sera emporté
au Paradis et exaucé ».
Après avoir reçu leurs papillons et
prononcé le nom de leurs êtres chers, tous les
membres du groupe sont sortis en silence par
les portes arrière de l’Espace sacré et ont
marché vers les jardins botaniques de crémation. Toujours en silence, les gens ont pris
leur temps pour faire leur vœu et ont relâché
lentement les papillons. Pendant que
Mme Hale et moi-même étions assises ensemble sur le banc et regardions avec plaisir
nos papillons prendre leur envol, d’autres
personnes étaient éparpillées partout dans les
jardins, chuchotant leurs vœux, libérant leurs
papillons tout en se souvenant de leurs êtres
chers. Plusieurs personnes prirent le temps
de remercier Mme Hale pour ses paroles et
pour son travail acharné en vue de faire de
Beechwood l’endroit qu’il est aujourd’hui.
Elles partagèrent aussi les souvenirs de leurs
êtres chers en disant combien cette cérémonie les avait aidées.
Beechwood organise tant d’évènements
magnifiques et chacun ajoute à la beauté et à
la grâce du cimetière, mais celui-ci est définitivement mon préféré. Il permet à des gens
d’origines différentes de se réunir en croyant
qu’un deuil partagé pèse un peu moins
lourd. Transportés sur le dos de ces magnifiques papillons belles dames se trouvent les
vœux de tant de gens différents qui survolent
dorénavant les terrains de Beechwood. Ce
fut un honneur de participer à cette célébration. Merci aux organisateurs des Familles
endeuillées d’Ottawa et à Nicole Bedard,
coordonnatrice du développement à Beechwood, pour leur engagement envers un si bel
évènement au cimetière Beechwood.
Volume 10, Numéro 38
Jack Cook : La vie remarquable d’un homme qui a poursuivi ses rêves
George Popadynec, avec des recherches
complémentaires de Jacques Faille
Les Amis de Beechwood
J ohn Cook, communément surnommé Jack, est né à Virden, au Manitoba,
le 26 octobre 1922, fils de Charles et
Mary Cook. Il était le second de trois
garçons, Alex, Jack et Lorne. Son enfance
a ressemblé à celle des enfants qui ont
grandi dans les Prairies pendant la Dépression.
À l’école secondaire, son professeur de
musique détecta son talent musical inné
et sa forte voix de baryton. Il le persuada
de jouer le rôle principal dans une production scolaire de « The HMS Pinafore ». Après ce premier essai dans le divertissement musical, les albums de Cook
contiennent de nombreux bulletins paroissiaux et coupures de journaux démontrant qu’il fut actif dans le chœur paroissial et participa à de nombreux récitals. Sa
passion pour le chant fut donc déclenchée
et enracinée dans son cœur pour le reste
de sa vie.
En 1942, Cook entra à la GRC et devint gendarme aux services généraux. Il
eut toute une série d’affectations dans des
villes en Saskatchewan et en Alberta au
cours des dix années suivantes. En plus
des fonctions relatives au maintien de
l'ordre, les gendarmes devaient s’impliquer dans la communauté qu’ils desservaient. Cook le fit en continuant à chanter dans des chœurs paroissiaux, ainsi que
dans les nombreux festivals de village
dans toute la province, qui à l’époque
étaient parrainés par le gouvernement. Il
remportait régulièrement les premiers
prix, les récompenses et les bourses décernés à ces festivals. Dans la mesure du possible, il travaillait à la radio locale et pour
la CBC.
À l’époque, les salaires des gendarmes
de la GRC n’étaient pas très élevés comparativement aux normes actuelles. Cette
réalité, couplée aux affectations fréquentes dans des endroits éloignés, poussait indubitablement les jeunes gendarmes à rester célibataires. Cook accepta ces faits,
mais il aspirait à améliorer sa voix. Il utilisa ingénieusement les bourses et ses honoraires pour perfectionner sa voix et continuer à étudier la musique avec des professeurs de chant éminents, notamment BerVolume 10, Numéro 38
Photos tirées des albums personnels de Jack Cook, gracieuseté de Lela Ghaffari
En haut : Cook respectait tout particulièrement le travail soigné des Premières nations et des Inuits du
Canada. Sa vision consistait à créer une institution reflétant la fierté, l’esprit et les talents de ces artistes.
En bas : Jack Cook fut nommé premier soliste vocal de l’Orchestre de la GRC en 1958. Par la suite, il fut
chargé de créer et de diriger un chœur de seize chanteurs-instrumentistes avec l’orchestre.
nard Diamant à Montréal et Edgar
Schœfield à New York et San Francisco.
Cook pouvait gérer sa formation musicale avancée uniquement en arrangeant
des cours d’un mois durant ses congés annuels afin de ne pas interférer avec ses tâches à la GRC. Sa détermination fut
payante car il obtint en 1949 la plus haute note pour le chant de niveau 10 accordée par un examinateur du Royal Conservatory of Music (alors le Conservatoire de
Toronto). En 1952, Cook fut admis comme membre de l’Ontario Registered Mu4
sic Teachers Association. Il enseigna le
chant jusqu’à tout récemment et se qualifiait avec ironie de plus vieux professeur
de musique. Pendant qu’il étudiait à
Montréal, Cook obtint également son titre de « Performers ARCT » du Royal
Conservatory of Music.
En 1952, Cook fut affecté à Ottawa. Il
épousa Betty McHattie, une journaliste,
et ils eurent un fils, David. Après 16 années de travail policier sur le terrain,
Cook eut l’occasion de se joindre à l’Orchestre de la GRC lors de sa formation
Été 2015
comme unité distincte en 1958. Il jouait
à la fois du trombone et de la caisse roulante. Étant donné ses aptitudes impressionnantes pour le chant, le surintendant
Lyoll le nomma premier soliste vocal et,
peu après, il lui demanda de créer et de
diriger un chœur de seize chanteursinstrumentistes. L’ajout du chœur rendit
l’Orchestre de la GRC unique parmi les
135 orchestres policiers et militaires actifs
dans le monde.
Leur rythme et leur cadence militaires
caractéristiques lors des cérémonies ont
rehaussé la fierté des membres de la GRC
en service sur le terrain. En 1958, l’orchestre fit une tournée en ColombieBritannique pour célébrer son centenaire
et il joua pour des dignitaires en visite
comme les présidents Eisenhower et
Charles de Gaulle. L’orchestre fit aussi des
tournées dans des communautés partout
au Canada et ses concerts se sont révélés
très populaires. Cook prit sa retraite de
l’orchestre et de la GRC en 1963 avec le
grade de sergent. Malheureusement, les
mesures d’austérité provoquèrent le démantèlement de l’orchestre et du chœur
de la GRC en 1993.
Pendant les tournées avec l’Orchestre de
la GRC, Cook admirait la qualité des œuvres d’art et d’artisanat réalisées par les
nombreux artisans qu’il rencontrait. Il
respectait tout spécialement le travail des
Premières nations et des Inuits du Canada. Cook remarqua également que très
peu de magasins vendaient des produits
confectionnés au Canada au début des
années 1960. À sa retraite, Cook et son
frère Alex se lancèrent ensemble dans le
commerce de détail avec Canada's Four
Corners. En 1963, leur premier magasin
ouvrit dans l’hôtel Château Laurier, suivi
par un autre sur la rue Bank et d’autres à
Edmonton et à Toronto.
Sa vision consistait à créer une institution reflétant la fierté, l’esprit et les talents
de ces artistes. Lorsqu’il apprit que Pinecraft, fabricant de meubles de qualité à
Almonte, fermait son usine, il acheta l’entreprise. Il réussit à redresser Pinecraft et
ses magasins proposaient un éventail des
beaux meubles qu’ils produisaient, ce qui
préservait les techniques traditionnelles de
travail du bois de la vallée de l’Outaouais.
En 1968, Cook et ses partenaires
consolidèrent leur entreprise et ouvrirent
l’actuel magasin Canada's Four Corners
au 93 de la rue Sparks, un des plus anciens immeubles d’Ottawa. Cook en deÉté 2015
Photo : The Associated Press
Maureen Forrester, la célèbre contralto d’opéra canadienne, avec son ami Jack Cook,
ont donné un cours spécial dans le studio situé au-dessus de Canada’s Four Corners.
meura le propriétaire pendant les 50 dernières années de sa vie. Au deuxième étage, au-dessus du magasin, il créa Gallery
93. La galerie servait à réunir la communauté des artistes musicaux et à leur fournir un espace pour se rencontrer, chanter
et jouer. Pendant 14 ans, des récitals mensuels furent présentés à l’heure du midi
par le Vocal Art Trio of Ottawa avec les
chanteurs Bernice Oak, Jean Tickner et
Cook, tandis qu’Evelyn Greenberg les accompagnait au piano. Cook donna un
cours de maître avec Maureen Forrester
dans ce studio pour les chanteurs intéressés. On pouvait entendre aussi dans le
magasin les récitals de ses étudiants du
chant vocal.
À un moment, Cook fut membre de
Musica Antica E Nuova sous la direction
de Celia Bizony. Il enregistrait également
des émissions hebdomadaires au réseau
français de la Société Radio-Canada
(SRC) comme un des trois membres du
Vocal Art Trio et fut récipiendaire d’un
prix comme meilleur soliste à l’émission
de la SRC « Nos futures étoiles ». Il continua à travailler chez lui comme professeur
de chant jusqu’à son décès, avec des
membres de la GRC parmi ses élèves.
À 50 ans, Jack décida d’assouvir une autre passion : voler. Il obtint son brevet de
pilote commercial et ses qualifications
comme instructeur. Il aimait voler et travailler avec de jeunes hommes qui apprenaient vite et étaient avides de devenir des
pilotes de ligne. Durant sa carrière de pilote, Cook fut le chef instructeur de vol
aux aéroclubs de Rockcliffe Bonavair et
d’Almonte. Il était capable de piloter des
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avions multimoteurs, ainsi que des avions
à skis et des hydravions. En plus de 25
années de vol, il enregistra plus de 6 000
heures d’enseignement du pilotage de niveau basique et avancé. À Rockcliffe, il
qualifia le chiffre record de huit stagiaires
pour devenir des pilotes instructeurs cotés. Cook fut influencé par un chef instructeur bien connu, Don Henderson,
surnommé ‘l’homme de fer’. En tant
qu’ancien membre de la GRC, Cook
connaissait la discipline. Pour inculquer la
discipline, la sécurité et le professionnalisme nécessaires dans ses écoles de formation de pilotes, il faisait porter à ses instructeurs un pantalon bleu, une chemise
blanche, une cravate bleue et un blouson
bleu. Transmettre ses compétences constituait sa satisfaction, que ce soit le chant
ou le pilotage. Bon nombre de ses étudiants se sont souvenus affectueusement
de lui et lui ont exprimé leur gratitude
pour leur avoir ouvert un tout nouveau
monde.
John “Jack” Cook fut inhumé dans le
Cimetière commémoratif national de la
GRC le 10 mai 2015 en présence de son
épouse Grace, de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, de la famille Ghaffari* et de membres de la GRC avec à leur
tête l’ancien commissaire Giuliano Zacardelli. Dans un hommage approprié,
Garth Hanson, qui reprit le chœur à la
suite de Cook, chanta un hymne à la fin
du service.
*Au fil des ans, Jack Cook transféra la gestion et
l’exploitation du magasin Canada's Four Corners à
la famille Ghaffari, dont il était devenu ami en
1987.
Volume 10, Numéro 38
La‘Voie’des souvenirs…Procès-verbaux de la compagnie :
Mark Sunderland
Amis de Beechwood
S
ur le calendrier de LVB, nous sommes
actuellement à l’automne de 1925. L’ajournement estival est terminé et le Conseil de
Beechwood est revenu dans la salle de conférence. Ethel est repartie dans sa minuscule
cuisine et la petite Meg est de retour à l’école.
Le premier point à l’ordre du jour, après les
retrouvailles et la fraternisation, fut de remercier
le surintendant pour l’organisation d’une agréable soirée estivale dans une clairière de Beechwood. En raison des conditions physiques,
l’évènement avait été strictement social et, à cet
égard, tout le monde a mentionné combien il
avait apprécié le panier de sandwiches et de
gâteau – « à répéter en 1926 »!
Dans le monde du surintendant, les choses de
la cuisine étaient un mystère qu’il n’avait jamais
exploré. Les sandwiches et le gâteau apparaissaient toujours sur demande et, peut-être pour
la première fois, il pensa que, sans Ethel et la
petite Meg, personne n’aurait eu à manger.
Préoccupé par son échec total en vue de reconnaître leurs efforts et par la perspective d’organiser seul le repas de la soirée de 1926, il décida
de rentrer vite à la maison et de leur transmettre
les remerciements de tous et chacun et sa profonde appréciation et gratitude personnelle
pour leur contribution au grand succès de la
soirée de 1925.
Le Conseil remercia aussi le jeune M. Dewar
pour avoir conduit les gens en toute sécurité
dans la nouvelle camionnette de la compagnie
(même à l’arrière) et le jeune M. Dewar remercia le Conseil pour l’achat de la camionnette et
pour le plaisir d’avoir soulevé le capot pour leur
montrer le moteur. Mais, parmi les présents, il y
avait ceux qui continuaient à pleurer la mémoire de Dobin, le vieux cheval fidèle de race
Clydesdale qui tirait le chariot durant les étés
précédents. La beauté du cheval et du chariot
n’était plus là. Ils pensaient plutôt : « Nous
avons des moteurs et du métal qui roulent sur
nos terrains sacrés. Quelle horreur! C’est un
signe précurseur de la fin du monde ». Pas tellement, pensait le jeune M. Dewar et, saisissant le
moment propice pour rouvrir son dossier afin
d’obtenir un concasseur mécanique, il fut
promptement détourné du sujet par une communication du juge McKinley.
Nous admettons que nous avons chamboulé
la chronologie des procès-verbaux de la compagnie. Nous avons rapporté antérieurement
que le Conseil avait accédé à la demande d’aide
du juge pour le coût de l’enterrement d’un
jeune homme, mais ce n’est que maintenant,
90 ans plus tard, que nous avons trouvé et lu la
requête du juge à laquelle le Conseil avait accédé. Elle se lit comme suit :
Messieurs,
Durant la semaine écoulée, le Ottawa
Boys’ Camp a eu le malheur de perdre un
de ses garçons – Arnold Ferguson – décédé
d’une maladie plutôt rare. Lors de l’enquête
à son domicile, le personnel judiciaire constata une situation horrible en autant que la
misère noire existe, car ses conditions de vie
étaient à peine imaginables.
Le garçon fut enterré dans votre cimetière
et des frais de 10 $ demeurent en suspens
pour l’ouverture de la tombe. Étant donné
que je m’efforce personnellement de recueillir des fonds pour assumer les frais d’inhumation, je me demande si votre Conseil
pourrait renoncer à cette dette dans ce cas et
je peux vous assurer que, si vous le faites, ce
geste sera grandement apprécié par toutes
les personnes concernées.
Selon les procès-verbaux de la compagnie, la
communication précédente concernant le juge,
les dix dollars pour la tombe (environ 130 $ de
nos jours) et les frais d’inhumation du garçon,
atteignit son objectif même si, à la lecture d’aujourd’hui, nous estimons que tout cela a plutôt
l’air d’un conte de Dickens. Espérons qu’Arnold était entouré de ses petits amis lorsqu’il est
mort – et loin de la misère noire de son domicile.
Enfin, nous devons achever une histoire que
nous avons commencée durant la soirée estivale. Nous avions remarqué que l’attirance
d’Ethel pour Joshua, le jeune garde de sécurité
musclé, était tout sauf passive et, à la fin de la
soirée, les allées et venues des deux étaient inconnues. Nous pouvons seulement imaginer
que, peu importe leurs agissements, tout cela
était vraisemblablement étranger à la rubrique
de la compagnie et, par déférence pour les lecteurs de cette revue, nous, au bureau de LVB,
ne nous lancerons pas dans une spéculation
lubrique. Nous tournerons plutôt nos pensées
de nouveau vers la glorieuse contribution du
Conseil de Beechwood et non pas vers la glorieuse expérience de la femme du surintendant.
Merci.
Conseil d’Administration de la Fondation du Cimetière Beechwood
Général (retraité) Maurice Baril, Président; Carol Beal; GRM commr. Adj. (retraitée) Ghyslaine Clément;
Stephen Gallagher; Cathy Gray; Ian Guthrie; Grete Hale; GRC s-commr. (retraité) Tim Killam;
Brigadier-général (retraité) Gerald E. Peddle; David Wallace; Richard Wagner; Robert White
Volume 10, Numéro 38
6
Évènements à venir
Service commémoratif annuel
Centre commémoratif national Beechwood
Dimanche 20 septembre à 15 h
Jour de Souvenir
Cimetière militaire national
Mercredi 11 novembre à 10 h 30
Des couronnes au Canada
Cimetière militaire national
Dimanche 6 décembre à 13 h 30
Service de Noël à la chandelle
Centre commémoratif national Beechwood
Dimanche 13 décembre à 18 h
Publication trimestrielle de la
Directeur exécutif : Roger Boult
Rédacteur en chef: Jacques Faille
Mise en pages : Nicole Bedard
Traduction française : Jean-Luc Malherbe
Collaborateurs à la rédaction : Grete Hale, Denise
Smeaton, Ian Guthrie, George Popadynec,
Jacques Faille et Mark Sunderland
ISSN 2368-545X, 2368-5476
Le bulletin LA VOIE BEECHWOOD est une
publication gratuite indépendante et, à moins
d’indication contraire, ses articles n’appuient aucun
produit ou service.
La Fondation du cimetière Beechwood est un
organisme de bienfaisance canadien enregistré qui
émet un reçu pour fins d’impôt
pour tout don d’au moins 20 $.
Numéro d’enregistrement 88811 2018 RR0001.
Nos coordonnées :
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Été 2015