Sur les routes de la fortune.

Transcription

Sur les routes de la fortune.
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UNIVERSITE DE PARIS I11
- SORBONNE NOUVELLE
IñSTiTUT DES HAUTES ETUDES D’AMERIQUE LATINE
., ..
+..
?-..
THESE
Pour obtenk le grade de
i
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS 111
Discipline :ANTHROPOLOGIE
1
1
1
Présentée et soutenue publiquement
Par
Séverine DURIN
..-
le 28 Juin2003
IT-
Titre :
+-
Sur les routes de l a fortune.
Commerce
longue distance, endettement et solidarité
chez les Wixaritari (Huichol), Mexdque
Dkecteur de thCse :
M. Pierre-Yves JACOPIN
,-. .
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P-
2003
.-
.
1
1
Sur les routes de la fortune
REMERCIEMENTS
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-___x
,.
Cette recherche est le résultat d’une aventure qui n’aurait pu étre menée a bien
sans le soutien et l’amitié de nombreuses personnes et institutions.
La générosité avec laqueue mes amis wixaritari, Xaureme et ‘Akaima, m’ont
c-
c.
reque lors de ma premiere visite a été decisive : cette premiere porte m’en a ouvert
beaucoup d’autres. Je tiens a remercier l’ensemble des Wkaritari, de Santa
Catariria Cuexcomatitlán et d’ailleurs, pour leur hospitalité et pour les moments
,.-
partagés. Pampayusi !
Je suis extrémement reconnaissante envers mon directeur de recherche,
Pierre-Yves Jacopin, pour m’avoir accueillie avec enthousiasme dans son équipe de
recherche dés mes debuts. Ses encouragements noums et répetés m’ont convaincu
..,.
que ma décision d’entreprendre une seconde formation universitaire n’était pas une
folie, mais une vocation. Maxielie Pepin-Lehalleur m’a épaulé tout au long de mes
”_I
années de formation, en faisant preuve d’une grande générosité et d’une
disponibilité a toute épreuve ;je lui en suis infiniment reconnaissante. J’ai aussi eu
le privilege d’étre l’éleve de Guillermo de la Pena et, plus t a d , de fake partie de son
équipe de recherche. I1 m’a fait découwir la politique indigéniste sous un autre jour.
C”
Surtout, la justesse de ses propos, sa patience et ses precieux conseiis ont su créer
une ambiance de travail studieuse, amicale et joyeuse. Ce fut un vrai plaisir de
coliaborer avec les chercheurs de cette équipe et, en particulier, avec Angélica
Rojas, Paco Talavera, Regina Martinez et Rocio Moreno.
Mes remerciements vont également a 1’Knstitutdes Hautes Etudes d’Amérique
I,--
-
Latine et a ses professeurs, ainsi qu’au Rectorat de Paris pour m’avoir accordée une
allocation de recherche. Grace a celle-ci, j’ai pu réaliser ma recherche dans des
conditions maténelles privilégiées. De la méme maniere, j e remercie le Ministere des
Affaires Eirangeres et la Secretaría de Relaciones Exteriores du Mexique pour
_.*.
m’avoir attribué une bourse bilatérale. C’est dans ce cadre que j’ai été reSue au sein
du Centro de Investigaciones y Estudios Superiores de Antropología Social de
, ..
,--
Occidente, a Guadalajara. Au t e m e de cette bourse, cette derniere institution -avec
le soutien de Cecilia Sheridan (CIESAS, Programa Noreste, Saitiil0)- m’a renouvelé
son appui, ce qui m’a permis de terminer au mieux la rédaction de la these
doctorale. A ces institutions et aux personnes qui y travaillent, j’exprime ma
I-
profonde gratitude.
2
Sur les routes de la fortune
Pou fuiir, j’ai accumulé une graPidc deite vis
B vis
de proches, d’amis et
d’autres passionnés, qui m’ont accompagnée tout au long de ces années : ma soeur,
Valérie Durin, ma premiere lectrice et fidele correctrice ; les passionnés du micro
cosmos de la Sierra Madre Occidentale, Verónica Gonzalez Laporte, Denis
Lemaistre, OLivia Kindl et Neyra AlvaradoSolís; Reine-Line Chouan, Sophie
Hvostoff, Annie Blase et Lucile Mollet ; et mon mari, Efrén Sandoval Hemández,
dont l’amour traverse l’ensemble de ces pages. A tous, un grand merci !
3
lntroduction
I.
,_..
1)
La modernitá des áchrnges cérémonialr
En quoi les échanges cérémoniels réalisés par les Indiens Wixaritarl (Huichol) du
.--
Mexiquepeuvent-ils étre modemes? Les notions de modernité et de tradition
renvoient a l'existence ou non d'un état et sont fréquemment utilisées pour qualifier
r-
les sociétés soient de
U
u
traditionnelles u ou m simples B, soient de
n
modemes n
OU
complexes w. A titre d'exemple rappelons les propos de Clastres (1974 : 170) selon
lequel il existe des sociétés avec ou sans Etat :
e-.,
,
-.
Reduction &ve
puisque l'histoire ne nous ofire, en fait, que deux ty-pes
de société absolument irréductibles l'une a l'autre, deux macro-classes
dont chacune rassemble en soi des sociétés qui, au-del& de leurs
Wérences, ont en commun quelque chose de fondamental. I1 y a d'une
part les sociétés primitives, ou sociétés sans état, il y a d'autre part les
sociétés a état.
Par ailleurs, il existe une tendance a considérer que les échanges cérémoniels
pratiqués dans les sociétés dites
u
simples n sont investis d'un caractere ancestral
ou, en d'autres mots, traditionnel.
Nous affirmons cependant que ces pratiques peuvent tout autant W e
qualifiées de modemes, dés lors qu'elles participent a la dynamique des relations
sociales en favorisant l'appropriation des róles sociaux inter-ethniques. Un róle
social inter-ethnique correspond a la conduite d'un membre du groupe ethnique qui
est responsable de mettre en Oeuvre une action institutionnelle, politique ou
religieuse. A toute conduite correspondent des droits et des devoirs, établis par les
membres du groupe de référence, mais aussi par l'institution, le groupe politique ou
religieux concemés.
r
On peut penser que les Wixaritari s'accommoderaient bien de ne pas avoir a
entretenir des relations avec 1Etat mexicain, ses institutions, les groupes politiques
ou encore religieux. Néanmoins la réalité est toute autre : en tant que Mexicains, ils
sont les destinataires de politiques sociales, en qualité de membres de
communautés agraires, ils ont des droits garantis par la loi agraire, en tant
qu'indiens, ils sont concemés par le Zapatisme, etc. I1 s'agit donc d'une société qui
n'est que tres relativement autonome. Se pose aiors la question de savoir dans
quelle mesure les limites de la communauté agraire sont pertinentes pour définir
celles du systeme social.
,,
".,.
* Singulier : wixirika ; pluriel : wixaritari.
4
lntroduction
Nous soutenons que l’existence de 1’Etat est fondamentaie et coníére un
degré d’indétermination aux relations sociales ; indétermination qui complexifie, et
par-la méme dynamise, les rapports socia-.
Dans le cas du Mexique, la question
de la place des Indiens dans la société n’est pas récente et fut posée des la Colonie
espagnole ; époque a laquelle apparait la condition d’Indien. De fait, les autontés
dites u traditionnelles 8 sont une création de la Couronne espagnole, qui le temps
passant fut appropriées par les Indiens. En ce sens, la dynamique sociale indienne
ne peut étre comprise en faisant abstraction des relations qu’elle entretient avec les
institutions de 1’Etat et avec la société mexicaine.
1.1.
Les ichuiges
Le terme d’échange renvoie a une gamme ample de relations, qui ne sont pas
seulement marchandes. I1 inclut, par exemple, les relations entre les membres
d’une méme famille ou localité, celles existant avec des divinités, avec les membres
“..
,,,-.
d’institutions, d’autres groupes ethniques, d’associations, etc.. . Le terme d’échange
est commode parce qu’il ne distingue pas, a priori, les relations pertinentes, propres
a étre analysées, des autres, sans intéret pour l’observateur.
Les échanges a caractére marchand auxquels les Wixaritari prennent part
sont nombreux. La relation entre la production et la consommation des Wixaritari
ne permet pas de qualifier Ieur économie de modéle de subsistance, qui se
caracténserait par l’autosuffisance et l’autarcie. I1 est vrai qu’ils produisent du
mak, des courges et des haricots et que le mais est la base de leur alimentation. De
plus, ils élévent du bétail, principaiement destiné a étre sacrifié au cours de
cérémonies (seuls certains éleveurs plus fortunes en font le commerce). Cependant,
principalement au cours de la saison séche, les Wixaritari vendent leur main
d’oeuvre et sont employés en qualité de travailleurs journaliers dans les champs
agricoles de la région. 11s se rendent aussi en ville pour vendre leur artisanat. Ces
activités commerciales, et leur insertion au marché du travail, leur permettent
,I
d’acheter des biens qu’ils ne produisent pas eux-memes : du tissu, des sandales,
des aliments, des perles pour faire de l’artisanat, de la laine ou encore du maténel
,.”.
scolaire. finsi, la migration et la production artisanale sont des composantes
essentielles du fonctionnement de cette société. Du strict point de vue des échanges
marchands, cette société est interdépendante d’avec la société mexicaine, au travers
des relations avec les clients et fournisseurs, et donc du marché.
5
Introduction
Le type d’échange caractéristique du daiiiaine rimel, le théátre de relations
interpersonnelies relativement déterminées, est le don (Mauss, 1995). Le don est un
,..,.
acte tridimensionnel
U
donner, recevoir et rendren et aucune de ses trois
composantes n’est indipendante des autres. La part d’obligation implicite d a s le
geste volontaire du don est crucialez. La reprise a notre compte de cette
problématique permet d’aborder la question de la détermination des relations
sociales et du risque pris par la personne a chaque fois qu’elle décide de donner, de
recevoir ou de rendre, ou de ne pas vouloir donner, rendre ou recevoir. S’iiest exact
que le statut d’une personne est relativement déteminé, par exemple en fonction de
., ,
la position qu’elie occupe dans une fratrie, toute personne a la possibilité
d’exprimer l’état de ses relations sociales au moyen du geste du don ou du refus du
I--
don. L’observation de ces comportements, qui sont mis a jour lors des événements
rituels, permet d’analyser la dynamique des rapports sociaux.
_,
..
,--,
1.2.
Etre wixprika
Enoncer que la société wixárika est modeme est une provocation. Certes. Notre
propos vise a mettre en evidence que les modalités de l’orgdsation sociale sont en
partie fonction de la maniere dont ce groupe ethnique g6re sa situation de
dépendance, ou de subordination, avec l’Etat mexicain. Les membres de cette
société indienne doivent se différencier de la société dominante et des autres
groupes ethniques tout en réagissant aux défis que lui impose la modernité. Et ces
défis ne sont pas des moindres car les politiques sociales ont souvent eu pour
objectif explicite la transformation des facons de vivre et de penser. Au cours de la
deuxieme moitié du vingtieme siecle, l’institut National Indigéniste n’a eu de c e s e
que de mettre en place des programmes destinés a
H
acculturFr n les Indiens, a
organiser les communautés, a les développer, etc... En somme, a changer les
modalités de la vie sociaie et politique d i n d’amener ces populations a prendre part
au H Banquet de la civilisation *. Dans ce contexte ambigu, oü se melent l’assistance
sociale a la baque identitaire, o u les exigences de la modernité, notamment
,.
l’apprentissage de l’écriture, entrent parfois en contradiction avec l’éducation
~.
,.
,
dispensée par les plus agés, les Wixaritari savent jouer avec leurs mécanismes
sociaux pour réguler l’ordre social.
,.
.~.
2
La sphere priviiégiée du don dans les socié6s s modernes B est celle de la vie domestique ou de la
socialite primaire B parce qu’elle fonctionne sur la base de la loyau6 (Godboutet Caillé, 1992 : 37).
Lbbligation y est davantage presente et les partenaires ne sont pas choisis (Ibid : 40).
a
. .._
e
..--
6
Introduction
I1 est fort intéressant de noter qiie les sacrifices de taureaux auraient
augmenté au cours de ces demieres d é c e h e s . Nous considérons que í’acte
sacrificiel, le don de taureau Mawar¿Xa, est un mécanisme social pernettant de
gérer les conflits de pouvoir relatifs a la domination de 1’Etat mexicain. Le don de
taureau Mawar¿xa inscnt dans un schéma d’échanges loyaux les ancétres et
membres du groupe de référence, constituant ainsi une coopération aux travaw du
groupe ainsi qu’une reconnaissance de ses codes de conduite. Pour resoudre des
problemes d’un nouvel ordre, telle que la création de nouvelles responsabilités
d’ongine institutionnelle, offrir un taureau constitue pour le nouveau nommé une
conduite appropnée et une marque de loyauté. En tant que pratique propre au
groupe ethnique, elle permet de continuer a se différencier des autres, tout en
négociant les changements organisationnels. Faire avec 1’Etat en continuant d’étre
Wixárika. S’approprier de nouveaux róles sans se dénaturer.
2)
Les concepts d’Pnp1y.e
Choisir d’analyser le systéme social en ayant recours a l’observation des échanges
cérémoniels et des relations entre acteurs d’échanges, constitue une démarche
classique de l’anthropologie. Malinowski (1995) a établi que la rationalité indigene
en matiére de consommation et de production est différente de celle des sociétés
orientées vers la production capitaliste oü la sphere économique existe de facon
_..
relativement indépendante des autres. Pour reprendre les termes de Marcel Mauss
(1995), d a s les sociétés dites
a
traditionnelles I les échanges constituent un
a
fait
social total au sens oü ils touchent toute la mécanique sociale : mariage, cheffene,
I)
commerce, etc... De telle sorte que l’observation systématique des échanges permet
.-.
de mettre en évidence les institutions indigenes, les représentations, etc... ; c’est-adire les rapports sociaux. Passer la société a la loupe des echanges permet de
révéler le lien social.
Révisons quels sont les apports majeurs de l’anthropologie et de la sociologie
relatifs aux echanges, au don, a la dette et a l’endettement. Le concept d’échange
est connexe a ceux de réciprocité, de redistribution et d’autarcie. Le don fait
référence a l’obligation, la liberté, la volonté et a l’obligeance. La dette et
l’endettement sont associes aux concepts d’intérét, de risque, d’incertitude, de
confiance et d’usure.
c
-
,
7
Introduction
2.1.
Echanges, don et endettement
L‘ethnographie de l’échange intertribal Kula réalisée par Malinowski (1995) met en
évidence que la rationalité que l’on préte trop facilement au concept d’échange est
loin d’étre une caractéristique universelle de ce dernier. Dans le Kula, des centaines
dhommes échangent des colliers contre des bracelets de valeur identique et de
facon différée. L’absence de contre-don immédiat constitue une des normes de cet
échange et le temps qui passe n’est pas rémunéré. Le role de ces échanges
ritualisés dans la reproduction socioculturelle des iles de l’anneau du Kula est
..I
.
fondamental ; ils activent de multiples relations et institutions sociales: famille,
clan, groupes d’ailiés, chefferie. Le kula est l’un des sept types d’échanges que
Maünowski a classifies en fonction du caractere plus ou moins gratuit ou intéressé
des échangistes ainsi que du caractére symétrique de la dévolution. Ces échanges
varient du
I
cadeau pun au
a
commerce pur et simple x. Si tous les échanges sont
presentes comme effectués deux a deux,
ils
impliquent de nombreuses personnes
au-dela des seuls participants. Des relations commerciales peuvent s’établir entre
des membres d‘iles différentes grace a la médiation des allies du Kula Ces relations
sont étroitement inserées dans les relations sociales ; ces demiéres conférent un
...
ciimat de confance qui rend possible le commerce entre étrangers.
Remarquons qu’il existe un type d’échange, le pokal~, qui remplit une
importante fonction sociale: la reproduction des institutions du Kula, de la
cheffene et de la matriiinéarité3. Le p o m a est un échange a caractere asymétrique
qui genere, voire entretient, une situation d’endettement entre groupes4. Or, si la
communauté des échangistes est formée de ceux que l’on considere comme des
pairs, c’est-a-dire ceux que Yon reconnaít, elle détermine par-la méme les étrangers.
.-
Le pokala des Trobriands est a l’image du hau des Maoris : une institution sociale
qui confme, plus qu’elle ne rétribue, les x liens d ’ h e s w entre échangistes.
.. .
Le hau est la piece maitresse de 1’Essai sur le don de Marcel Mauss (1995).
Deux ans apres Malinowski, il s’intéressa lui aussi a la question de la fonction
sociale des échanges dans les sociétés dites primitives. Le hau serait le
I
lien
d ’ h e s n qui ferait revenir tout objet vers son premier donataire. Le hau oblige parce
qu’il veut revenir vers son premier donataire. Ce qui sembla incroyable a Mauss, fut
l’aspect obligé et pourtant volontaire de la dévolution. C’est pourquoi il préféra le
L
On.fait une p o m a pour solliciter la réception d’un collier, faire des offrandes a w esprits fondateurs
du Kulo, payer un tribut au chef ou payer la sorcellerie a l‘oncle maternel (Mahowski, 1995).
Les groupss concemés sont ceux des aiüés du Kula, la communauté des ancétres, les membres du
district et le sous-clan (Ibid).
8
Introduction
teme de don a celui d’échange ; faisant ainsi référence a la volonté plus qu’au
contrat. Le don implique trois gestes qui sont ceux de donner, recevoir et rendre.
, ”.
Avec l’analyse du Potlatch nord-américain, Mauss insista sur iiisure, la part
d’obligation. Les cérémonies du Potlatch se caractérisent par la destruction
somptuaire de biens préciew, le prestige qu’elle confére et le caractere agonistique
I.-
et instable de la hiérarchie des chefs. Ces chefs portent la
a
face n des diem,
auxquels ils doivent leur statut et autonté, et a qui iis rendent honneur. Le geste de
_,-..
rendre en donnant plus, avec usure, est fondamental car il est un gage de crédit, de
prestige.
Cependant, si la relation entre prestige et usure est présentée en termes
..,.
clairs par Mauss, le hau pose probleme : qu’est-ce que le lien d’ámes ? Pour Sahlins
(1976) ii s’agit de la productivité de la forét, sa fertilité, qui avait été déposée par les
pretres en son sein. Le hau est ce que l’échange a produit : c’est la croissance de la
forét. Le h u serait une catégorie indigene se référant a une productivité tant
maténelle qu’immaténelle.
,
’I
,..
._.
2.2.
La riciprocití
La classification des échanges réalisée par Malinowski dépendait du degré de
gratuité et de symétrie de l’échange. Ainsi il avait posé la question du degré de
réciprocité entre ce qui est donné et ce qui est rendu. Avec Mauss, ce schéma se
,L.,
complique parce que le geste est tridimensionnel et implique non seulement
((
donner n et a rendre mais aussi recevoir
I)
n.
Min d’analyser la transformation de la société anglaise en une société
industrielle et capitaliste, Karl Polanyi (1983) a eu recours aux travaux des
anthropologues et notamment ceux de Malinowski. I1 établit,que les individus
cherchent d’abord a satisfaire des intéréts sociaw, c’est-a-dire a garantir leur
position sociale, plutót que des intéréts économiques. Les hommes et l’économie
sont insérés dans les relations sociales. La production et la distribution sont
organisées en fonction de trois modeles institutionnels : la symétrie, la centralité et
l’autarcie. L’organisation sociale de type symétrique, o u la société est divisée en
moitiés, favonse la réciprocité. Ceile-ci est généralisee au sein du groupe et norme
le comportement social. Pour sa part, la redistribution s’appuie sur le modele
institutionnel de la centralité et permet l’existence d’un intermédiaire. C’est, par
exemple, le cas du chef qui organise la redistribution et accroit par-la méme sa
9
Introduction
clientéle. Le groupe clos, ou autarcique, est caractéristique des sociétés paysannes
ou prévaut l'administration domestique.
Sahlins (1976) établit sa théorie de la réciprocité a partir des apports de
Malinowski (1995) et Polanyi (1983). I1 combine le continuum des échanges, qui va
de la gratuité a l'intéret économique, avec la distance sociale ou généalogique entre
échangistes. La réciprocité varie en fonction de la distance sociale, de l'éthique ou
du code moral.
Fig. O : Sectcurs de réciprocité et sectaurs risidentiels de parenté
Marshall Sihlins (1976 : 253)
.
I
.
Le
I
don pur
n
de Malinowski correspond a la réciprocité générakée ou l'obligation
de rendre est peu astreignante et la solidarité est forte. La réciprocité équilibrée
caractérise les relations proches, par exemple viiiageoises ou tribales, qui sont
moins solidaires que celles de la famille. La contre-prestation tend a etre symétrique
dans un laps de temps relativement court. Enfin, la réciprocité négative empreint
les relations avec les étrangers ; elle est de l'ordre de l'appropriation et du profit
utilitaire, a l'instar du commerce ou du vol. La centraiité du modele explique le
loyalisme. Soit il est inscrit dans la structure, a l'instar du chef de famille qui
organise la distribution, soit il est acquis de haute lutte, comme c'est le cas du big,
..~
man. Le défaut d'équiiibre dans les transactions, ou asymétrie, est fondamental au
sens ou l'inégalité lie les personnes plus que l'équivalence. Far exemple, dans le cas
.
1
L I I . 4 -
10
introduction
des sceurs données en mariage, c’est l’incommensurabilíté du don qui assure le
défaut d’équivaience et pemet l’existence de la société.
...
2.3.
,
..
.~.
La moderniti du don
Karl Polanyi (1983) posa le probleme de l’existence de l’état et de la transformation
des rapports sociaux sur le long teme. A partir des années quatre-hgh les
auteurs de l’école du M.A.U.S.S., le Mouvement Anti U t i l i ~ s t edans les Sciences
Sociales, paracheverent la distinction entre les notions de don et d’échange. Dans
c
les sociétes modemes, le don s’inscrit dans le registre de la volonté, plus que dans
celui de la contrainte, et renvoie a un rapport social de type non marchand. Le don
se situe en dehors des spheres du marché et de l’état (Godbout et Caillé, 1992 ;
Caillé, 2000).
2.3.1. Le njet da I’équiwlance
A la diíférence de Polanyi, la transformation des rapports sociaw qu’implique
l’existence de 1’Etat conjointement a la création d’un marché de main d’ceuvre n’a
pas intéressé Malinowski et Mauss. On pourrait penser que 1’Etat assume la
fonction de redistribution. Mais attention ! disent Caillé et Godbout (1992 : go),
dans un Etat centralisé, la redistribution étatique ne renvoie pas a un systéme de
don. Le prélévement est obligatoire et n’appartient pas au registre de la volonté. Si
don modeme il y a dans nos sociétés, il n’est pas de l’ordre de l’état ou du marché.
C’est dans la sphere de la socialité primaire, et non pas secondaire, que le
don existe. Les relations sociales y sont interpersonneiles et vont de l’obligation
consentie dans la famiiie a la volonte de donner a des ~ ~ C O M U Spersonnifiés dans
les associations de bénévoles. Le don est du type M gagnant-gagnFt
B
et il n’est pas
réciproque. I1 dépasse la réciprocité et l’équivalence et rend quasi obsolete ces
concepts trop calculateurs, marqués par I’intérét.
Mais que faut-il comprendre par intérét 3 Selon Caillé (1994) intérét pour
n
intérét a Y ou
u
intéressement n,
interchangeables
a
désintéressement
w
désintérét
n
et
désintéressement
x
8,
ne sont pas
et s’opposent deux a deux : 1 ’ a intéret a u s’oppose au
et 1’
intérét pour
x
au N désintérét
n.
Si bien que l’on peut étre
désintéressé a partir du moment ou l’on éprouve de l’intérét pour une personne ou
une activité. I1 existe donc des dons gratuits, c’est-a-dire marqués par la
~
-.
.”
spontanéité et le plaisir. 11s sont d a t é r a u x et instaiient la dette, laquelle n’est pas,
contre toute attente, fondée sur l’attente d’un retour. C’est le fait méme de donner
11
Introduction
sans attente de retour qui caractérise le don modeme. CaiUé substitue au compiexe
U
donner, recevoir, rendre
U
quatre facettes du don : la liberté, l’obligation, i’intérét
pour soi et I’intérét pour autrui, ou gratuité.
2.3.2. Rapport de don et rapport marchand
Le don modeme comporte des risques, principalement celui du non-retour, et
s’alimente de la confiance. 11 crée et c o n f i e des liens. Le concept de
u
valeur de
lien I illustre le fait que la valeur des biens qui circulent se confond avec celle des
liens qu’ils alimentent (Godbout et Caiilé, 1992 : 244-247). L’onentation productive
de nos sociétés aurait fait oublier que le don spontané existe aussi.
Mais les sociétés traditionnelles ne sont-elles pas aussi modemes? Sont-
elles situées en marge des états et du marché? Ces u sociétés de don x ne sont-elles
pas idéalisées ? Ou sont-elles deja bien diíférentes de celles décrites par les auteurs
du debut du 2 0 l h c siécle ? Le refus du marché caractéristique du don modeme
révéle-t-il un probléme dans la circulation monétaire au sein des relations de don ?
Que se passe-t-il dans ces U sociétés de don
P
dont les membres vendent leur main
d’ceuvrecontre salaire? Queue est alors la sphere privilégiée du don dans ces
societés 7
Au sujet des
flux d’argent entre personnes, remarquons que le prét a intérét
n’est pour ainsi dire pas utilisé dans les relations sociales proches. Au contraire, le
paiement d’un intérét semble abolir la valeur du lien. L’usure étant souvent
présentée comme abusive, il convient donc de se demander si elle est seulement un
moyen de contrainte ou si, au contraire, elle peut permetbe de se libérer de
relations sociales contraignantes. En effet, il faut dissocier argent et rapport
marchand : le rapport marchand a une qualité libératoire o u d’&t que l’argent en
soi n’a pas. Dans les relations proches il n’est pas convenable de compter,
d’attendre un retour, parce que ce serait faire primer le bien sur le lien. Quand la
confiance s’effrite, le calcul entre parfois en scene. Le recours au calcui peut étre un
moyen de faire I’exit des relations sociales.
La situation de dette n’est donc pas toujours contraignante et elle peut étre
liberatrice. Le sentiment de dette qui existe par exemple entre parents et enfants,
grands-parents et petits-enfants, cousins germains, épow, etc. renvoie a des
relations sociales ou les personnes ne souhaitent pas compter, privilégient le lien et
éprouvent de la confiance mutuelle. I1 s’agit d t n e situation d’état d’endettement
mutuel positif (Godbout, 1993). Mais il est également possible que ces relations
Introduction
12
soient vécues comme des contraintes. L‘état d’endettement mutuel est alors
négatif: chacun pense avou donné plus qu’il n’a requ. Lorsque les personnes
comptent, elles se placent a nouveau dans la sphere symbolique du tam d’intérét et
de la réciprocité négative de Sahlins (1976), c’est-a-dire en dehors des réseaux de
loyauté et de confiance.
2.3.3.Risque et conjiance
Pour Godbout (1993 : 249), le risque consiste a accepter un don de quelqu’un dont
on veut demeurer indépendant. Accepter contraint, et l’état de dette ainsi créé
s’apparente aux acceptations négatives de 12isure. Ne dit-on pas que l’on se fait
user ou abuser ? La dette qui oblige serait le signe d’un manque de confiance dans
la relation. Le risque porterait alors sur
N
I’entrée par la liberté
P
et non pas sur
l’obligation de rendre. Le risque consisterait a accepter d’entrer dans le cycle du don
(Caillé, 1994 : 223).
Ainsi le risque est la conséquence d’une décision prise. I1 est aussi une facon
de lier des décisions présentes a des états futurs; c’est une projection dans le
temps différente a celle envisagée par la norme. Si la norme envisage le futur, la
décision n’a pas prise sur la maniere dont les autres vont réagir dans le futur, d’ou
l’importance de l’interaction dans la reproduction sociale (Luhmann, 1992). Faut-il
envisager la socialisation des rkques, c’est-a-dire leur partage ? Ou est4 important
qu’existent des professionnels du risque, par exemple des officiants rituels? La
question de la confiance en l’eficacité rituelle est fondamentale. Accepter de
participer ou d’entrer dans le cycle du don est certes une décision personnelle,
.
. *.
,
toujours risquée, mais encore faut-ii que la confiance dans le systeme social et
symbolique existe. Pour Luhmann (1996), la confiance se constpit par le biais de
deux facteurs : la répétition et la non-détermination des relations personnelles. Si
”’
les conditions de liberté dans la prise de décision personnelle sont respectées, on
peut penser que la répétition, caractéristique des rituels orchestrés régulierement
dans le temps, permettra la gestion collective de l’incertitude.
Veléz-Ibañez (1993) met l’accent sur l’incertitude et les inventions culturelles
c.
visant a la réduire. Les Associations Rotatives de Crédit (ARC) sont une de ces
inventions. Les ARC sont basées sur la confiance initiale ; confiance qu’elles
i
-
consolident, développent et inscrivent au sein de réseaux interpersonnels élargis. La
confiance est une disposition a s’engager dams une relation de réciprocité
I-
généralisée avec d’autres, ce pourquoi cet auteur parle de “codiance géneraiisée
-
1
. ,
.-y-
13
Introduction
mutuelle”. La seule condition nécessaire et suffisante a l’appetion de la confiance
est l’incertitude et l’indétermination des relations.
Le caractere agonistique du Potlatch en est une manifestation fort
significative. Rappelons que les sociétés du nord-ouest américain se caractérisaient
par l’instabilité chronique de la hiérarchie des chefs. Or il est fort probable que la
situation coloniale et, en particulier, la lutte a laquelle se livraient Britanniques,
Russes et Américains pour le controle des ressources (Dupuy, 2001 : 40), ait été un
facteur d’instabilité et d’indétermination des relations sociales. De la méme
maniére, la Colonie espagnole a profondément modiíié les rapports sociaux entre les
..-
-
populations de la Nouvelle Espagne, qu’elle a transformé, de fagon indéterminée, en
Indiens H. La conquéte espagnole jeta les natifs dans l’incertitude, le chaos, et son
expansion engendra de nouveaux statuts et de nouvelles alliances.
3)
Le déroulement der djourr de t e m i n
Des
mes
premiers
séjours
dans la
Sierra
sont
apparus les
premiers
questionnements. L’observation d’un certain nombre de comportements, qui me
parurent alors problématiques, a été l’objet de mes mémoires universitaires et
foment le ceur de ma recherche doctorale. I1 me parait donc nécessaire de revenir
brievement sur le déroulement de mes difíérents séjours de terrain, a
fim de retracer
les questions qui ont surgi au fü de ce travail et qui structurent son développement.
3.1. k premier v o p g e dam la Sierra :l’école et Icl traáition
C’est en 1996 que j’ai entendu parler pour la premiere fois des Indiens Wixaritari,
.”
soit pres de deux ans apres m’étre rendue au Mexique pour travailler dans une
association a Acapulco, dans l’état de Guerrero. J’étais diplómé: en économie de
l’üniversité d’Orléans et je n’avais alors aucune idee précise sur le champ de
l’anthropologie, qui était a mes yeux aussi exotique que les Indiens eux-mémes. Ce
long séjour mexicain m’a amené a m’intéresser davantage a ce pays et a ses recoins
les plus insolites. Ce pourquoi j’ai entrepris un voyage le long de la cóte pacifique,
vers les impressionnants Sierras et canyons de la Sierra Madre Occidental.
A Tepic, dans l’état de Nayarit, j’ai rencontré un franqais qui revenait de la
communauté wixárika de Guadalupe Ocotan. Avec lui, je suis alors partie en avion
a San Andrés Cohamiata depuis la petite ville dlxtian del Río. La discrétion qui
caractérisa notre arrivée nous permit de connaitre les autorités traditionnelles en
une dizaine de minutes, quelle efiicacité ! Elles s’exprimerent d’abord en wixárika
Introduction
14
puis nous demanderent de laisser nos appareils photos en consigne et de payer une
cotisation de 150 pesos5 par personne pour les six jours oÜ nous pensions rester.
Le climat était plut6t tendu ce jour-la car la Police s’était rendue dans la zone suite
a la mort violente d’une personne. Autant dire que la présence d’étrangers etait
malvenue. Le Capitaine nous assigna un lieu pour dormir : la cour qui servait de
lieu de réunion. Les propnétakes de la boutique ne souhaitaient visiblement pas
nous vendre de noumture. La visite commencait bien... Néanmoins, optimistes et
fascinés par l’exotisme du lieu, nous attendimes patiemment que lhonzon
s’éclaircisse... Le jour suivant, je me rendis a l’école, discutais avec les cuisinieres
,.__
et jouais avec les enfants. Un parent d’éleve était en train de construire une
nouvelle saile de classe. I1 me confa que d’autres parents préféraient envoyer ieurs
enfants a l’école des franciscains ; pour sa part ii y était opposé. Puis un maitre
d’école s’adressa a moi alors queje passais devant la direction de I’école. I1 proposa
de nous emmener dans sa localité, a plusieurs heures de marche, la ou un
anthropologue réalisait un reportage pour la BBC de Londres. I1 nous demanda de
”.
faire comme si nous appartenions a l’équipe de tournage afin de lui éviter d’avoir a
fournir des explications au sujet de notre venue. I1 nous mit l’eau a la bouche
*-
lorsqu’ii nous informa que la-bas ailait avoir lieu une cérémonie. Ravis, nous nous
embarquámes a l’aniére d’une camionnette pick-up et dans la nuit nous
I
-
atteignirent sa maison en repétant une chanson wixárika qu’il nous avait
enseignée.
Durant la dizaine de jours ou nous séjoumámes a Tierras Blancas, mes yeux
resterent grand écarquillés: l’immensité du paysage, la couleur de la terre rouge qui
contrastait avec le bleu profond du ciel et le vert flamboyant des champs de mais et
< .
des pins, les yeux des enfants, les couleurs de la féte, le sang du pureau, les rires
des femmes qui éclataient lorsqu’elles preparaient ensemble les gaiettes de mais, la
langueur du violon et la répetition incessante du rythme monotone du tambour me
conquirent. Une tres forte émotion qui subsiste encore aujourd’hui. Pendant mon
voyage, j’avais coutume d’écrire un journal de bord, dans lequel je consignais un
certain nombre d’impressions. Ces quelques notes, ma mémoire et les lectures
anthropologiques me servirent a l’heure de rédiger mon premier mémoire
universitaire en anthropologie.
Ce premier travail porta sur un fait qui avait aiors ataré mon attention.
Durant notre séjour a Tierras Blancas avait eu lieu une céremonie, la féte du
150 pesos equivalent a 20 Euros environ.
..
_.
.
Introduction
15
tambour, qui avait été filmée par l’anthropologue de la BBC. Celui-ci prenait soh, a
chaque prise de vue, de nous demander de nous situer en dehors du champ de sa
caméra. I1 avait visiblement envie que le public pense que les Indiens vivaient seuls
d a s la Sierra, éloignés de tous. I1 fallait faire comme si la caméra etait invisible.
Or, tant l’anthropologue que nos hótes indiens nous avaient explique les
négociations qui avaient précédé le tournage. I1 avait s’agit de ménager la
susceptibilité des autontés et des Indiens en général. Parce que les habitants de
Tierras Blancas souffraient de graves problemes d’invasion temtoriale -raison pour
I.
laquelle ils avaient presenté, avec I’aide d’une ONG, une requéte aupres de
I’Organisation Internationale du Travail (0IT)-, il avait été demandé au cinéaste de
parler de ce probleme dans le reportage. En outre, ce demier avait du verser une
somme d’environ 6000 dollars, destinée a mettre en place un systeme d’anívée
d’eau dans la localité. Le cinéaste ne nous cacha pas son mécontentement lorsqu’il
lui fut demandé d’acheter, en plus, des biens qui serviraient a l’occasion de la fete
qu’il allait f b e r .
u
C’est une féte riche x d i t 4 avec un ton de dédain. C’est notre
hóte indien qui avait semi de médiateur entre les habitants de la locaiité et l’equipe
.-.
. -.
de tournage. C‘est grace a sa médiation que le reportage avait finaiement eu lieu.
En qualité de maítre d’école et de coilaborateur de I’ONG en matiere de défense
temtoriale, il avait une vision globale des problemes indiens. Or, au cours de la féte
il dút sacrifier un taureau devant l’ancienne école. Un autre bureau fut sacri&$
devant le centre cérémoniel. Je n’y comprenais nen. Pourquoi faire un sacrifice
. -<
devant une école? Qu’est-ce que l’école peut avoir a faire avec les traditions
indiennes ? Cette question ne cessa jamais de me hanter.
3.2. VouZoit devenir une anthrupologue :les voleun de cultup
Quelques semaines plus tard je retournais en France. Je décidais de reprendre des
études mais cette fois-ci en anthropologie. J’étais bien décidée a repartir au
Mexique afii de visiter de nouveau la Sierra. La rencontre avec mon actuel
directeur de recherche fut décisive ; il considera que le fait de m’Etre déja rendue
u
sur le terrain w était une bonne raison pour me faire confiance. Durant les deux
années qui séparerent ce premier voyage en temtoire wixárika du second, je suivis
avec enthousiasme les cours et séminaires de l’institut des Hautes Etudes de
..I
1’Amérique Latine. Je gardais égaiement le contact avec mon hóte huichol. Nous
eümes l’opportunité de parler au téléphone a deux reprises et de nous revoir en
aoüt 1998 alors qu’il repartait au Mexique depuis Geneve. I1 s’était rendu a I’OIT
16
Introduction
pour appuyer la demande de restitution des temtoires de Tierras Blancas. A cette
occasion, nous avons décidé de nous rencontrer a la mi-septembre suivante dans la
localité de Huejuquilla située aux abords de la Sierra. Ce voyage serait mon premier
séjour de terrain offciel. Au mois de juin précédent, j’avais soutenu mon premier
mémoire en anthropologie a Un rituel sacrifciel huichol ou une facon d’évoquer un
conflit temen
)t
(Dunn, 1998). J’y exposais les événements survenus au cours de
ma visite de 1996. J’avais conclu que mon ami indien avait dü sacrifier un taureau
pour continuer a exercer sa fonction de médiateur de facon légitime. Pourtant je
n’avais toujours pas mis au clair la question du role de l’école.
.
..
”.
M v e r dans la Sierra en qualité d’anthropologue, en lieu et place de touriste
aux d u r e s d’exploratrice, me posa un cas de conscience. En 1996 j’avais et6
échaudée par le contact avec l’anthropologue cinéaste et son épouse, une
anthropologue africaniste qui avait passé son temps a prendre le solei1 au bord de
la riviere en maillot de bain. Pourtant, j’avais entrepris de revenir dans la Sierra en
quaiité d’anthropologue, pour comprendre... Je savais queje n’étais pas la premiere
anthropologue a etre entrée dans la Sierra et j’avais conscience queje ne serais pas
la derriere ! Or les Indiens expnment souvent une attitude de rejet envers ces
x
voleurs de culture *. Investie de ce nouveau róle, j’avais du mal a expliquer aux
autres et a moi-méme ce queje faisais parmi eux. En somme, j’avais l’impression
d’étre une voyeuse malhonnite. Ce probléme était inédit car la premiére fois queje
m’étais rendue dans la région, je m’étais présentée aux autorités comme une simple
cuneuse de passage. De plus, j’etais cette fois-ci dans une communauté wixárika
”
r
.
difiérente de celle que j’avais visitee deux ans auparavant. La diffxulté a entrer
dans la peau de l’anthropologue, qui prend des notes et pose des questions dirigées,
.
*
.
I
ne s’est pas résolue d’un coup de baguette magique. Je mis, non pas des semaines,
mais deux ans a l’assumer. Durant ce séjour de deux mois, je pris des notes tous
les soirs et je vivais principalement avec les beaux-parents de mon ami huichol, sa
femme et ses enfants. Mes hótes m’avaient fait comprendre qu’il ne fallait pas trop
frequenter les lieux publics, dm qu’ils n’aient pas a justifier ma presence. Maigré le
malaise que j e ressentais, j’écrivis avec régularité et consignais toutes mes
discussions. L’une d’entre elles constitua le point de départ d’une réflexion sur la
dette. Un jour, un jeune homme m’a expliqué qu’un de ses oncles était endetté
aupres des ancétres et devait leur faire des offrandes avant chaque féte. Je fus
ensuite invitée par un chamane, rencontré dans le village de Huejuquilla, a assister
a deux fetes : cene du tambour de Keuruwitia et celle d’une famille pour laquelle il
17
Introduction
oficiait. Par la suite, j’ai a nouveau eu l‘occasion d’accompagner cet homme a une
cérémonie organisée par des membres de 1’Eglise native nord-améncbe dans l’état
du Michoacán. Une fois mon séjour terminé, je suis rentrée en France pour
préparer le Diplome d’Etudes Approfondies. Mon mémoke, intitulé
offrandes et sacrifices panni les Huicholes de Jalisco
.*.
x
<I
Dettes,
(Durh, 1999), visait a
anaiyser le concept de dette et de la relation existant entre la maladie et le défaut
d’offi-andes aux ancétres. Les discussions avec ce jeune homme avaient eté
__.
déterminantes. I1 m’avait introduit a un aspect fondamental de la conception du
..
monde wixaiika : la relation entre la maladie et les offrandes. La thématique du
don, que j’avais étudiée a l’université, me permettait de comprendre de nombreuses
observations faites sur le terrain. A cette époque, la question du sacrifice du
taureau devant l’école passa a un second plan dans ma réflexion. Par aiileurs, je
n’avais croisé aucun autre anthropologue durant mon séjour de terrain. La
communauté de Santa Catarina est souvent présentée comme plus traditionnelle
que celle de San Andrés, le lieu de ma premiere visite a la Sierra. Et j e commenqais
a le croire séneusement.
,...
3.3. Les appnntissages du terrain
En 1999, j’ai eu la chance de recevoir l’allocation d’étude du Rectorat de Paris et
_
,^
I
.,
une bourse de dix mois des Ministeres des Affaires Etrangeres francais et mexicah.
Grace a ces financements, je suis retoumée au Mexique des le mois de décembre
1999, pour me consacrer a plein temps a ma recherche. A partir de cette pénode, et
jusqu’en juin 20016, j e me suis rendue régulierement dans la communauté de
Santa Catarina, pendant des pénodes de deux a trois semaines entrecoupées d’une
dizaine de jours de battement. L’obtention de la bourse franFo-mexicaine m’a
permis d’étre accueillie au CIESAS7, une institution au sein de laquelle je fus invitée
a participer a un projet de recherche national relatif aux politiques sociales
destinées a w indigenes, et coordonné par Guiliermo de la Pena. J’ai profité de ces
pénodes de battement pour enregistrer mes notes de terrain sur ordinateur, faire
,-
.”
i
,
,.
._
b Ensuite je me consacrais a l’écriture d’un article et de la these. En septembre 2001 je me rendis
pendant une semaine dans la localité de Rawepa avec Francisco Taiavera a I’occasion d’une cérémonie
de sacrifice de iaureau. En décembre je rendis visite a mes amis pour présenter mon futur mar¡ et les
inviter a noire mariage. En janvier 2002, notre relation changea définitivement lorsque mon arnie
wixárika la plus proche s’installa durant un mois chez nous. Elie était venue dans notre ville, a
Monterrey, pour essayer de vendre son artisanat. Les informateurs sont avant tout des amis et ces
relations ne s’arrétent pas avec la recherche doctorale. C’est pourquoi je considere inapproprié de
parler d’informateur.
.
c
18
Introduction
des recherches bibliographiques, rencontrer des collegues travaillant dans la Sierra,
des membres d’ONG et d’institutions et assister aux réunions de l’équipe de
recherche du CIESAS.
J’ai
,.
<L
considérablement amélioré la
qualité
de
ma
pnse
de
notes
ethnographiques a partir du moment ou j’ai décide de consigner le plus fidelement
possible les discussions avec mes interlocuteurs, c’est-a-dire en respectant la forme
*^.
de dialogue. Toutes les citations présentées dans ce travail sont traduites de
l’espagnol au franqais et constituent un rapport fidele de ce qui a été dit:
enchainement des idées, seniiments, expressions, etc... Je n’ai jamais utilisé
..
d’appareils enregistreur ou photographiques ; les conditions ne sy prétant pas. Les
Indiens soupqonnent souvent les visiteurs de faire du commerce avec les données
. ..
recueillies. J’ai eu recours a la langue wlxanka pour travailier la parenté et un
lexique ciblés elaboré avec mes deux meilleurs amis : une femme et un jeune
homme. Avec cette femme, la grande confiance qui caractérise notre relation m’a
permis de connaitre sa famille, ses sentiments a l’égard de ses parents et une foule
dhistoires personnelles. J’ai également pu vérifer avec elle le schéma visant a
systématiser sa généalogie et la résidence des membres de sa famille. En ce qui
conceme le jeune homme, notre relation s’est amorcée lorsqu’il entrepnt d’entrer a
l’université a Guadalajara. Son pere me chargea alors d’étre a l’écoute de ses
besoins, non pas seulement matériels, mais sociaux et famiiiaux : il s’agissait pour
moi d’assurer le lien entre lui et sa famille. Comme il n’avait pas de revenus, je lui
.
.
I
.
proposais de travailier avec moi la linguistique et le r6munérais a hauteur de 25
pesos lheure de travail9. Rapidement la sympathie se transforma en une belle
relation d’amitié et je devins une sorte de grande soeur, une confidente, quelqu’un a
qui demander conseil. Indéniablement mes rencontres avec ce? deux personnes
furent capitales tant du point de vue émotionnel qu’anthropologique : les amis sont
précieux.
Et ils le furent réellement car j’ai également eu des ennemis. Comme je le
,.
mentionnais auparavant, j’ai mis du temps a assumer mon role d’anthropologue et
.-
d’autant plus en raison de l’animosité que me manifesterent ceriaines personnes,
)I,
,
-.
en pariiculier les autontés traditionnelles et agraires en fonction en 2000. Bien que
cette attitude soit une marque d’ethnocentrisme, l’anthropologue est une personne,
_..-.
.I)_.,
7 Centro de Investigación y de Estudios Superiores en Antropología Social, sede Occidente,
Guadalajara.
8
Donner, áchanger, devoir, la santé, la croissance, le travail, etc...
Soit environ 3 Dollars.
Introduction
19
qui vit ces fausses notes en chair et en os et qui a parfois du mal a y faire face. En
mars 2000, je passais des heures noires a l’occasion de la rédaction d’un statut
communal. I1 avait été décidé de rédiger ce document afui que la communauté se
-..
dote d’un instrument juridique lui permettant de contrecarrer les attaques en
justice de voisins indiens convertis a l’évangélisme. Ces derniers avaient accuse les
autorités de l’année précédente d’avoir bafoué leur liberté religieuse. Préalablement,
en janvier 2000, j’avais négocié ma présence dans la communauté aupres des
autorités communautaires grace au soutien de deux hommes respectables que
j’avais connus en 1998. J’avais alors choisit de dire la raison de ma présence, din
“..
que tout le monde sache que j’étais une étudiante intéressée par la culture íocaie.
Cette option devait m’éviter d’avoir a me justifier en permanence. Les autontés
avaient accepté. Elles m’avaient demandé de ne pas prendre de photos, de ne pas
réaiiser de vidéo et de donner une copie de mon travail une fois celui-ci terminé. Le
,--
climat tendu qui caracténsa la période de conflit religieux ne facilita pas mon
travail. Au cours de la réunion de mars 2000, il fut décidé que les visiteurs
étrangers qui auraient l’intention de commercer ne pourraient plus venir dans la
communautélo. Par ailleurs, le commissaire des biens communaux chargé
d’organiser la rédaction de ce document, gérait aussi les questions de demande de
restitution de temtoires illégalement occupés par des voisins métis, et subissait la
pression de ses concitoyens qui attendaient de lui que les terres soient rendues au
plus vite. I1 devait faire preuve de charisme, montrer qu’il savait trancher et ne pas
se laisser impressionner. La tension était a son comble et j’en tis les frais. I1 fut
décidé queje ne pouvais pas continuer a faire mon travail. Apres avoir salué mes
amis de Nueva Colonia, lesquels manifestérent leur désaccord face a la décision
pnse par le commissaire, je retoumais a Guadalajara. J’y retrouvais mon directeur
de these et nous partimes a Jésus María, en temtoire Cora, pour rejoindre durant
une quinzahe de jours une collégue anthropologue. A mon retour a Guadalajara,
un ami anthropologue me fit parvenir un message de mes amis de Keuruwitia : ils
,
-.
m’invitaient a assister a la féte du peyotl. C’était le jour de mon anniversaire et cela
fut le plus beau cadeau que je recus ! Je partis le coeur léger et contente de les
,
’-
~.
revoir. Durant la cérémonie j e m’amusais comme jamais et ce fut le meilleur terrain
‘uL’idée selon laquelie les anthropologues font du commerce avec la culture est répandue dans de
nombreuses sociétés indiennes. Par exemple, parmi les Coras de Nayarit, la publication des ouvrages
de Benitez c Los Indios de México % ou encore la réalisation d’un reportage il y a plusieurs décades sont
fréquemment cités. Les tournages posent apparemment plus de problirnes que les livres. Notons qu’au
début de l’année 2000, un équipe de la BBC, difíerente de celle de 1996, avait négocié avec les
membres d’un centre cérémoniel de Santa Catarina de réaliser un reportage.
....
20
Introduction
réalisé jusque la.
Les personnes manifesterent leur plaisk
de me voir,
m’interpellaient sur les chemins de la Sierra, plaisantaient, etc... C’est alors
seulement que j’ai assumé mon róle d’anthropologue.
Si j’avais compris que le contexte politique était des plus dXiciles, c’est a
cette époque que j’ai réalisé que les autorités communautaires n’étaient pas toutes
,‘..
.-.
puissantes. Celles-ci n’ont qu’une autorité relative et seuls les patriarches des
ranchos sont souverains. Ce fut la cié que m’offrit cette expérience. L’ami qui
m’invita a participer a la cérémonie était un homme influent, le füs d’un membre du
Conseil des Anciens. Pour lui, il était clair que les autontes en fonction n’avaient
pas le droit d’interdire la venue d’amis des famiiles. Je formulais alors une
hypothese décisive : l’autonomie des ranchos.
3.4. & redéjtnition dc ce qui m M t e d’étre o b s c d
Durant mes séjours de terrain dans la communauté de Santa Catarha
Cuexcomatitlán, Tuapurieii, je partageais mon temps entre trois residences
principales. Je vivais chez une amie, en compagnie de ses enfants et de son mari.
En altemance, j’étais également hébergée chez sa mere et son beau-pere, avec ses
,<e-
. ..
r.^
demi-freres et smurs. Les deux maisons étant situées aux alentours de la localité de
Nueva Colonia. Enfin, je résidais a temps partiel dans le rancho patemel de mon
jeune ami’2, établi a cóté du centre cérémoniel de Keuruwitia. I1 s’agit d’un rancho
regroupant plusieurs maisonnées, une pour chacune des deux épouses du pere et
des fils nés de la premiere épouse, aujourd‘hui décédée. Ce rancho possede un
temple knki des ancétres familiaux. Je m’y suis rendue a diverses occasions et y ai
résidé a l’occasion de chaque féte du centre cérémoniel.
De plus, j’ai eu l’opportunité de partager le toit avec les “fapilles d’accueil“ de
deux autres amis anthropologues, Angélica Rojas Cortés et Francisco Talavera
Durón, a Pueblo Nuevo et a cóté du centre cérémoniel de Rawepa, ainsi que dans la
communauté voisine de San Andrés Cohamiata, Tateikie, dans la localité de San
Miguel Huaixtita. Avec Francisco Talavera nous avions baptisé la localité de San
Miguel la
U
capitale académique ”13 en raison du grand nombre de professeurs
bilingues qui y résidant. Au premier abord, le niveau de vie y est plus élevé, les
,..-..
11 Nom
12
13
vemacuiaire de la communauté.
C‘est son pere qui m’invita a assister a la fete du peyotl.
En espagnol a capital magisterial Y ,
21
Introduction
personnes y sont plus accueillantes qu’i Santa Catarina et cette localité s’apparente
a un petit village.
Les données consignées d a s cette recherche sont principalement issues de
mes séjours dans le district14 du centre cérémoniel de Keuruwitia au sein duque1 se
trouve la localité de Nueva Colonia, du district de Rawepa et du chef-lieu cabecera
Tuapune. Les experiences vécues dans la communauté wixárika voisine de San
Andrés Cohamiata, Tateikie, m’ont permis d’observer les
similitudes et les
différences notables d’avec Santa Catarina. La meme démarche caracténsa ma
visite en temtoire Cora, dans le village de Jésus Maria, o u vivent des Indiens Coras,
des métis, et oü transitent des Indiens Huicholes et Tepehuanes. Des le début, j’ai
consideré que mes séjours a Guadalajara et dans les villes environnantes de
Zacatecas, Fresnillo, Colotlán, ou encore a Mexico, constituaient également des
expériences de terrain. Les Indiens vivent ou transitent en ville, pour vendre de
l’artisanat, d e r a I’hópital, rencontrer le personnel des institutions et des
Organisations Non Gouvernementales, assister a des événements tels qu’un forum
sur la question indigene, etc. Au cours de mes séjours en ville, j’ai donc consigné
une séne de notes relatives a ces situations inter-ethniques. Les frontieres
”~-
temtoriales de la communauté ne sauraient constituer une limite a l’obsemation.
..
Enfin, dans le cadre du projet sur les politiques sociales destinées aux indigenes,
.-
j’ai realisé avec mes collegues anthropologues Angélica Rojas et Francisco Talavera,
,
ainsi qu’avec notre assesseur Guillermo de la Peña, une série d’intemiews de
*I
fonctionnaires. Toutes ces entretiens ont eté enregistrés, mis par écnt et rediscutés
en groupe.
4)
Coníiits de prindpes et attitudes pragmatiquea
.-
Les questions abordées dans cette recherche ont trait a un certain nombre de
manifestations qui m’ont semblé problématiques des ma premiere visite dans la
Sierra. Le déroulement des sejours de terrain montre de quelle maniere ma
perception des Indiens et de moi-méme a évolué durant ces années de recherche.
De la méme maniere, les questions et les problemes ont été reformulés au fd du
temps et des situations.
La question centrale porte sur le caractere moderne des pratiques
céremonielles des Wixaritari. Des mes débuts, le sacrifice de taureau devant
l’ancienne école a soulevé une épineuse contradiction. L’école, la scolarisation, les
Introduction
22
politiques sociales en général, relevent de la modernité, de l’intervention de 1’Etat.
Pour sa part, le sacrifice du taureau renvoie a la sphere ritueue, aux conceptions
indiennes de la vie et de la mort, a la tradition. Cette étrange association entre
l’école et le sacrifice est devenu un fd conducteur de ma réflexion : obsédant,
,,,”..
fascinant, parfois agapnt o u encore objet d’admiration. Existe-t-il un conflit entre
modernité et tradition qui ait trait au role de l’école et des professeurs dans la
communauté indienne ?
.,,.
Un certain nombre de manifestations m’ont amené a penser que cette société
indienne vit un processus accéléré de transformation des modaiités de son
organisation sociale et de sa culture. Par exemple, l’importance de la migration au
cours de la période séche, les reproches prononcés par certains Indiens et
anthropologues envers les migrants qui dépenseraient tout leur argent dans les
bars le dimanche, fut une source d’inquiétude. La migration est-elle une
manifestation de la prolétarisation des Indiens ? Parce qu’ils ne résident pas dans
leur communauté alors qu’ils sont employés comme travdeurs journaiiers, viventils un processus d’acculturation? Toutefois, la o u un grand d’entre eux est employe,
sur la cóte de Nayatit, se trouve justement un des plus importants lieux de culte
des Wixaritari. 11s ont pour habitude d’ailer y deposer des offrandes durant la
période migratoire. Quelle relation existe-t-il entre cette migration et les pélerinages
vers la cote du Nayarit ? Le travail de Francisco Talavera, a cette heure non publié,
sur la migration w i x W a indique qu’il s’agit d’un phénomene multidimensionnel ou
..
.-.
l’économique et le culture1 sont inseparables. Pour ma part, j’ai remarqué que
pendant la période séche le travail agricole est mis entre parentheses dans la Sierra
et que les Indiens sortent des communautés pour travailler et se rendre en
pelerinage. Qu’implique l’altemance des pénodes seche et pluvieuse en terme
,..
d’organisation productive et sociale?
D’autres manifestations m’ont également conduis a penser que la société
indienne dépend non seulement du marché mais aussi de la société mexicaine. Que
ce soit l’afflux de visiteurs de tous types -anthropologues ou new agers-, le nombre
d’institutions présentes dans la Sierra -ministere de la santé ou institut national
indigéniste-, ou bien encore l’action des organisations non gouvernementdes :
I’impact des relations entre les Indiens et ces personnes qui traversent ou résident
quelques temps dans la Sierra ne saurait étre nul. Migration, visiteurs, institutions,
.,.-
tous ces phénomenes interferent avec la vie indienne. Pourquoi les Indiens tendentI?
Le district est un ensemble de localtés qui dipendent d’un meme centre cérémoniel.
Introduction
23
ils a sataniser l’action des visiteurs et des institutions gouvernementales si par
ailleurs ils se rendent au centre de santé, envoient leurs enfants a 1’6cole et invitent
des amis a assister a des cérémonies ?
...
J’ai vécu ces contradictions en diverses occasions et d’autant plus fortement
lorsque les visiteurs, soupsonnés de faire du commerce, furent mis sur la méme
iiste noire que les convertis a l’évangélisme! Jxi présence de l’ordre religiew
franciscain dans la Sierra est ancienne et les conilits avec les franciscains ont &té,
-..
et restent, nombreux. Cependant, de nombreux leaders indiens ont été scolarkés
dans l’internat franciscain de la communauté de San Andres. Quant aux
__,
évangélistes, leur présence est plus récente. EUe a débuté dans les années
cinquante avec l’entrée des linguistes de llnstitut Linguistique dEté. Dans la
’._
communauté de Santa Cabina, le confiit qui a éclaté en 1998 avec les convertis
semble aujourdhui encore sans issue. Ces demiers refusent de participer au
,.
systeme de charges et les non convertis insistent sur l’immoraiité de leur conduite.
Les positions sont radicalisées et la libre participation au systeme de charges tend a
,..”
-
se transformer en une obligation. Mais est-il tenable d’obliger quelqu‘un a y
participer? Comparons ce cas avec celui du comportement d’abstention des
électeurs en France ou aux Etats-Unis. Pourrait-on obliger une personne a se
rendre aux urnes lors d’élections sous peine d’étre sanctionnée si elle s’y refuse ? Le
futur est incertain et certaines questions se posent : faut-il s’attendre a un exii des
LI
convertis 3 La violence éclatera-t-elle ? Les modalités de la participation seront-elles
modifiées ?
Findement, ce confiit met a jour, une fois de plus, le lien existant entre la
..
participation rituelle et la sacralisation de la terre. C’est en ayant recours a la loi
agraire que les indiens non convertis ont tenté d’écrire leur us et coutumes din
qu’ils soient reconnus par les instances mexicaines. En tant que membres d’une
..-
communauté agraire, ils y ont explicité le lien les unissant a travers la réaiisation
de pratiques ritueiies. D’une certaine maniere, c’est le lien sacré avec la terre qui
,.
..
unit les membres de la communauté. Mais, paradoxalement, ils ont eu recours a
des instniments juridiques mexicains pour essayer de régler un conflit interne ;
dhabitude ce type de recours est utiiisé pour résoudre des confiits temtoriaux
.,-.
, ..
entre communautés wixaritan et ejdataeos’5 métis. Notons qu’il existe aussi des
confiits entre communautés indiennes. Du point de vue interne, les sacrifices de
IS
Le teme de ejidntano se refere aux personnes qui ont des droits d’usage sur une parcelie de terre
ejido dont la propriéte est sociaie (elle appartient a la nation).
Introduction
24
taureaux sont habituellement le mécanisme par lequel les personnes d'une meme
zone réiterent le lien qu'elles entretiennent avec la terre et par-la meme avec les
autres habitants de la zone. Quelle est la relation entre terre et sacrifice ? Entre
sacrifice et ordre social ? Entre sacrifice et construction identitaire ?
Par aiileurs, le sacrifice de taureau est l'une des multiples offrandes qui sont
destinées aux divinités. Ces offrandes sont réalisées dans dxérents endroits de la
Sierra mais aussi a l'exténeur de la zone. Dans quelle mesure ces pratiques
participent-elles d'un processus de reconstmction des limites du temtoire ? OU
bien encore de la reconstruction permanente des normes de conduite, des
representations, de la morale ? Que1 róle jouent-elles dans la reproduction sociale
I ,<
ou la dynamique des relations sociales ? De quelle maniere la réalisation d'échanges
..
de caractere coopératif, cérémoniel, etc... participe-t-elle de la redéfinition des
limites du groupe ethnique ? Pourquoi et comment les personnes acceptent-elles de
prendre part a ces échanges cérémoniels? Le font-elles de facon volontaire ou
contrainte ? Si les échanges ont une fonction de redistribution, s'agit-ií de répartir
... .
des biens ou statuts ou privileges ou responsabilités? Dans queile mesure les
échanges cérémoniels limitent ou définissent les modaütés de la participation de
,-.
._
groupes politique ou reügieux non indigenes ?
En somme, ii existe des problemes qui, sous bien des aspects, prennent la
forme de conflits entre des principes, des normes de conduite, des normes
juridiques, or certains problémes ont des solutions dbrdre pratique. Une démarche
pragmatique permet parfois de les surmonter.
,*..
..
.
5) A la croiaée de l'hiatoire, de la aociologie et de l'inthropologie
Pour expliciter la dynamique sociale des membres de la comrpunauté de Santa
Catarina Cuexcomatitlán, Tuapune, nous avons recours a diverses disciplines des
sciences sociales : l?iistoire, la sociologie et l'anthropologie.
Les défis auxquels sont confrontés, aujourdki, les membres de cette
,
communauté sont en partie la conséquence de processus macro observables sur le
long terme. Par exemple, la défrnition des limites des communautés agraires ou
encore la création des autontés traditionnelles constituent un legs histonque. Pour
comprendre les problemes agraires actuels, il est donc nécessaire de connaitre les
tenants de la réforme libérale de Juarez au 19'eme siecle ou encore ceux de la
réforme agraire post-révolutionnaire (chapitre 1). Cependant, a ces dynamiques
d'ordre macro les lndiens de la Sierra Madre Occidental ont répondu de diverses
Introduction
25
maniéres, sur la base de leurs conceptions du monde, modes d’organisation,
nomes, etc.. . Quant aux Espagnols, üs ont aussi dii aussi s’adapter aux
spécificités locales. L’exemple le plus signifcatif est sans doute celui des
négociations dites de II pacification n entre les chefs guemers indiens et espagnols a
la fin du 161”~ siecle, sur la frontiére nord de la Nouvelle Espagne. La guerre etait
alors une des principales institutions assurant la cohésion entre les différents
groupes ethniques de la region. Les espagnols furent inclus dans cette dyriamique
inter-ethnique et durent apprendre a conclure des alliances ntuelles avec des chefs
indiens avant de pouvoir commencer a exploiter les gisements miniers de la zone
_ -
(chapitre 3). Ainsi, jusqu’a la fin du premier siecle de la colonie espagnole, la guerre
et les échanges étaient des institutions incontoumables, mettant en relation des
populations nombreuses, voisines ou éloignées. L’analyse sur le long t e m e des
échanges inter-ethniques, selon la méthode substantiviste16 propre a un courant de
l’anthropologie économique, montre que les actuelles destinations de pélennage des
wixaritan! sont d’anciens l i e u o u les Indiens réalisaient des échanges entre eux
mais aussi avec les espagnols. La structure régionale des échanges inter-ethniques
a évolué au cours des siécles, comme par exemple lorsque l’économie miniére devint
*.
.I
-
.,
I’axe recteur de I’économie coloniaie et impliqua la mobilisation de main d’oeuvre et
de ressources stratégiques (chapitre 3).
Le point de vue sociologique, voire démographique, pennet de mettre en
évidence la mobilité de cette population et les déplacements fréquents des Indiens
vers les villes ou vers les zones agricoles des environs. Les destinations de la
migration, comme celles des pélerinages, délimitent le temtoire uécu (chapitre 2).
I
Les Wixaritari ne vivent donc pas isolés, contrairement a ce que peut laisser croire
I’accés difficile a leurs communautés. Aujourd‘hui, les cadres et modes de vie de
cette population sont multiples. Aussi nous est-il apparu nécessaire de mettre en
avant la pluralité des situations ainsi que les modaiités et symboles de la
différenciation sociale, telles qu’elles s’expnment a l‘heure actuelle (chapitres 2 et
4). De plus, la méthode sociologique est fort utile pour presenter l’ensemble des
acteurs non indigenes qui interagissent avec les membres de la communauté :
institutions, organisations non gouvernementaies, groupes religieux et politiques.
Les relations que ces acteurs entretiennent avec des Indiens se situent dans la
Karl Polanyi (1983) est l’un des peres de ce courant. 11 considere que les rapports économiques sont
encastres embedded dans d‘autres types de rapports et que le systerne économique est une simple
fonction de l‘ozganisation sociale. Les différentes konomies peuvent etre classiííées en fonction des
formes d’echange et de distribution des biens. Cf. paragraphe 2.
l6
26
Introduction
sphere des relations interpersonnelles -il ne s’agit donc pas seulement de relations
entre groupes- et elles participent ainsi directement de la dynamique sociale
(chapitres 4 et 8).
La combinaison des méthodes sociologique et anthropologique nous pemet
d’aborder la question de la parenté et de l’organisation lignagere de facon
.,
dynamique. Pour expliquer les généalogies, le recours aux histoires de vie présente
L
.-
._.
de nombreux avantages : mettre en valeur les systemes de représentations, fake la
part belle aux émotions et eviter de surdéterminer les relations sociales. Notre
hypothese est que le lignage, temtonalisé autour d’un rancho qui dispose d’un
temple
xiriki
des ancétres lignagers, constitue l’unité socio-politique de base
(chapitre 5). Le patriarche, l’ainé du lignage, est un personnage clé de l’orgdsation
sociale. I1 n’est pas situé hiérarchiquement en deca des autontés de la
communauté. Au contraire, celles-ci sont subordonnées aux intéréts divergents des
lignages et centres cérémoniels. C’est en leur sein que sont désignées les personnes
qui occupent les charges de la hiérarchie indigéne (chapitre 6).
,.~...
Enfin, l’analyse systématique des multiples rites, touchant au cycle de vie de
la personne, aux centres cérémoniels et a la communauté, montre que la
sociahation des personnes et le champ politique s’inscnvent dans un cycle
étroitement lié avec la culture du mais (chapitres 5, 6 et 8). Une analyse des
rapports économiques étant inséparable de celle des rapports socia-,
nous avons
choisi d’aborder la question de la production a travers les représentations relatives
a la
fortune BB ou N vie
dite tukan (chapitres 2 et 7). C’est a partir de l’étude de ces
conceptions, et des pratiques qui leur sont associées, que sont rendus inteiiigibles
le role des chamanes et la facon dont ils participent a la construction de la morale
(chapitre 7).
r
6) Les limites du territoire et de I’organiration sociale
Dans la premiere partie, nous définissons quelles sont les limites temtonales
pertinentes pour procéder a une analyse de l’organisation sociale et de sa
dynamique. Bien que les limites des communautés agraires aient été définies au
‘ .~
...
cours d’un long processus histonque, les communautés de la Sierra ne sont pas
l’unique espace de vie des Wixaritari. Au contraire, leur mode de vie se caracténse
par une forte mobilité tenitonale laquelle est fonction de l’alternance entre saisons
séche et pluvieuse-, ainsi que par une ntualisation de leurs déplacements. En effet,
les Indiens ont pour coutume de se rendre dans des l i e u sacrés, situés en dehors
21
Introduction
des temes communales, ou ils déposent des offrandes et collectent des eaux. Ces
pratiques p d c i p e n t de la sacralisation d’un vaste temtoire, le territoire uém, au
sein duque1 les W¿uari&
transitent etJou résident de facon temporaire.
Historiquement, les limites de ce temtoire ont été modifiées en fonction de
,
_-
circonstances sociales, économiques et politiques, tant régionales que globales : la
nécessité de soumettre les Indiens du Nayarit, l’expansion de l’économie miniere, la
participation des Indiens au commerce du sel, etc... Les limites territoriales sont
. ..
flexibles et, a lheure actuelle, l’importance d’étre mobile se manifeste, par exemple,
.
par le succes rencontré par certaines initiatives gouvemementales. Les projets qui
ont eu trait au contróle communautaire du temtoire, tant communal que regional,
ont été rapidement appropnés par les membres de la communauté de Santa
Catarina. C’est par exemple le cas de l’achat a credit de bus ou encore de la
création d’une aciérie.
_..
De la méme maniére que les limites du temtoire sont flexibles et vont bien
au-dela de celles de la communauté agraire, nous verrons dans la seconde partie
x
que les limites de l’organisation sociale dépassent le cadre du systéme de charges.
Les responsabilités que celui-ci integre sont sans c e s e renégociées. Les groupes
lignagers, organisés autour de la figure d’un patriarche et d’une füiation commune,
,e-
..
,.*.
sont la base de la socialisation primaire. La relation existante entre personnes de
deux générations est vitale. Les grands-parents, et plus particulierement ceux en
ligne patemelle, ont la responsabilité de sociaiiser leurs petits-enfants. Le don de
vie tukan qu’ils transmettent constitue une dette de vie pour les récipiendaires et
impliquent des devoirs futurs. De plus, chaque lignage est tenu de coopérer a la vie
des centres cérémoniels. Le fondement de la coopération est la participation de
couples d’adultes, pendant cinq années consécutives, en tant que porteur de coupe
...
votive du centre cérémoniel. &si
sont mis en relation divers lignages d’une méme
zone, le district. De plus, les centres cérémoniels constituent le siege du conseil des
Anciens qui integre des chamanes prestigieux. Ceux-ci proposent les candidats a
,‘
,
I
-
,,.,.“.
l’occupation de responsabilités dans les centres cérémoniels et dans la
communauté. Les chamanes, en quaiité d’autorités morales et de porte-parole des
ancétres, ont la responsabilité de diagnostiquer quelle dette d’offrande est
responsable des maux dont souffre un malade. Leurs discours et leurs pratiques
réitérent les termes d’un endettement entre les générations. 11s exercent ainsi un
important controle social. Toutefois, le fait de se sentir endetté envers les ancétres
n’est pas inné ou prédétermine. Pour étre légitime, la morale de lbndettement doit
Introduction
28
étre partagée par une majorité de concitoyens. Or, les Wixaritari disposent d’une
palette d’options qui s’offrent a eux. Beaucoup vivent a temps p d e l en Ville, ieurs
enfants sont dans leur grande majorité scolarisés, ils participent a des actions
-..
._^I
institutionnelles, etc... 11s pourraient bien décider de faire la sourde oreille a la
moralisation des comportements que prónent les chamanes. Les options qu’offre
l’appartenance a la société mexicaine posent un certain nombre d’interrogations.
Cependant, elles n’impliquent pas forcément une remise en question des conduites
considérées comme étant appropriées. D’ailleurs, ces situations nouvelles font
parfois l’objet de solutions négociées. Le sacrifice, ou don du taureau aux ancctres,
est une conduite considérée appropriée. C’est une maniere de coopérer aux activités
des centres cérémoniels et un mécanisme social par lequel la personne exprime son
sentiment d’ctre en dette. Accepter de perpétuer le cycle du don, par l’offrande du
taureau, est une maniere d’assumer d’ctre wixárika. La modemité de ce geste tient
c-
a la capacité de négocier, d
i
n de trouver des solutions aux dilemmes posés par
l’appartenance a la société mexicaine, et d’intégrer au systeme de charges des d e s
*e-,
..
sociaux jusque la inédits. Les limites du systeme social sont, a l’instar des limites
territoriales, flexibles. L’endettement entre générations est certes une morale
contraisante, mais elle n’est légitime qu’a une seule condition, celle d’assumer le
sentiment d’étre en dette envers les siens.
..
r-.
PARTIE 1
^I
....,...
,,...
.
.~.
,.
...
-.
,
.,,-.
LES CONFINS DU TERRITOIRE
..-
e
-
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
30
La formation historique des communautés agraker
L’organisation socio-temtonale wixárika que nous connaissons a l’heure actuelle
est le fruit d’un processus historique de déstmcturation et de recomposition des
rapports sociaw indiens régionaw, en interaction avec les institutions de la
Couronne espagnole. Des le 17emc siecle, le temtoire indien et sa sacralisation
constituent un élément central de l’identité wixárika. Ce phénomene n’est pas
propre aux Indiens Wixaritari; par exemple, a partir de la fin du 16-
siecle,
s’opere un processus de recomposition ethnique au sein de différents groupes
indiens de Oaxaca, ce qui leur permit de freiner la déstructuration générée par la
Conquéte espagnole (Cannagnani, 1988 : 13). La nouvelle identité générée fut le
fruit d’une volonté collective qui tendait a préserver un ensemble de valeurs et
d’attitudes nécessaires a la définition du soi. Le temtoire indien, en tant que
prolongement de l’espace divin, constitue la maténalisation de l’alliance entre les
hommes et les diew. C’est la subordination a ces divinités, congues comme les
”.,
vrais propnétaires de toutes les choses de ce monde, qui assure l’unité du groupe
(Ibid : 15).
Notre hypothese est que l’identité Wixárika s’est reconstmite a partir de la
seconde moitié du 17*e siecle autour de la sacralisation du temtoire. Des lors, les
Indiens principales, chefs guemers a l’instíu du puissant chef guemer de la Mesa
del Nayar, ont peu a peu été remplacés par de nouvelles autontés civiles chargées
de gérer les questions temtonales aupres de la Couronne espagnole. Au 171hc
siecle, alors que les Cons restaient insoumis a la Couronne, les Wixaritari étaient
devenus des Indiensfrontaliers membres du district de Colotlim. La guerre, qui, en
tant que rapport social, avait lié les groupes indiens de la région pendant plusieurs
siecles, ne pouvait plus éire perpétuée. Les anciens chefs guemers perdirent leur
.. ~.
qualité de représentants des intérets des lignages devant les autres groupes locaux.
Le démantélement de l’organisation sociopolitique régionale et la création du district
de Colotlán favonserent la création de communautés wixaritari reconnues par les
autontés espagnoles et l’instauration d’autontés civiles indiennes.
La pression sur la terre et la nécessité d’obtenir une reconnaissance écnte
des étendues territoriales se frent sentir des la fin du 17enic siecle. A partir du 18em
siecle, alors que les Coras avaient intégré l’ordre colonial en 1722, la protection des
temtoires des communautés wixaritari n’était plus garantie et ses membres se
31
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
tentérent d' obtenir des titres de propnété émis par la vice-royauté, titres qu'ds
reprent a partir de la fin du 1 8 " ~ siécle.
Une fois le Mexique devenu indépendant, la croissance des haciendas,
associée a la politique de démembrement des terres commundesi, contribuerent a
la réduction des étendues occupées par les WiXaritari, ce qui favorisa leur
participation aux grandes insurrections nationales pour défendre leurs intéréts
locaux : la révolte de Manuel Lozada, la révolution, la Guerra Cristera. Les conflits
agraires actuels sont le fruit de ce long processus de reduction temtonale qui fut
amplifié au cours du 1 9 e m e siecle. L'avenement de la réforme agraire rendit
"x
ineluctable l'établissement de relations avec l'état et instaura de nouvelles autorités,
lesquelles remplacerent peu a peu les anciennes autorités civiles en charge de la
f.
médiation temtoriale. Pendant ces deux d e f i e r s siecles, qui furent marqués par
I'augmentation de la pression sur la terre, I'identité wixaiika se consolida autour de
la sacralisation du temtoire.
La relation que les Wixaritari entretiennent avec leur temtoire, concu comme
une prolongation de l'espace divin, fonde le lien social et établit les droits et devoirs
de chaque membre des communautés agraires indiennes. Dans ce contexte, itre
. ..
wu<arika c'est participer aux activités recréatrices permanentes qui sont organisées,
et qui prennent leur sens, autour de la sacraiisation du temtoire.
1) Le rhgne der chef8 guerrier8 : l e * - 17h* siSc1es.
.
,
,...
L'un des traits marquants de l'organisation sociale régionale durant la période qui
s'étend du
13cmc
au
17eme
siecl , +'est-a-dire
bien avant l'entree des Espagnols en
Nouvelle Gaiice et encore un s cle aprés celle-ci- est la prédominance des chefs
des iignages. Les sociétés indicii les qui composaient le tissu social plunethnique de
cette époque étaient constamment en guerre en méme temps qu'elles commerpient
et s'alliaient de facon temporaire. Le lien social était aiors hiérarchisé autour de
chefs guemers qui incarnaient eux-nsernes le sarré. A partir de la dewrieme moitié
du
17eme
siecle, la recompositioii des
c e s a d'étre
&tés indi nnes fit que cette caractéristique
une constante organ,. *tionnelle
guemers devenaient insoutenables et que 1c
,
I
.
I
lors que les rapports sociaux
i
probléme de reconnaissance
Le t e m e de démembremeni se réfere au pas *ge de la propr .$técommunale de la terre a sa propnété
individuelle. Dans l'état de Jalisco, le processtis de démembri rnent avait commencé plusieurs décades
avant la promulgation de loi Lerdo en 1856 (I :eyer, 1986). V c k paragraphe 2.2.
Chapitre 1 : La formation histonque des communautés agraires
32
temtonale occupait le centre des débats politiques et devenait la responsabilité des
gouvemeurs des communautés.
1.1.
.. ,..
~.
Une région pluri-ethnique oU se rencontrent 1’Ocddent et le Nord
La région d’ongine des actuelles communautés wixaritari de Nayarit, Jalisco,
Durango et Zacatecas était pluriethnique au moment de l’amivée des premiers
conquiStadores en 1530. Gerhard (1996 : 56) répertona plus d’une q u i n h e de
langues indiennes alors parlées en Nouvelle Galice.
Les ancétres des Wixaritari appartenaient a un vaste groupe hétérogene,
...
dénommé Nayaritas, et occupaient la frange onentale du temtoire. Les Nayaritas
entretenaient des relations guemeres et commerciales avec les autres groupes
ethniques de l’aire culturelle de l’occident méso-améncain. Leurs voisins onentaux
étaient les Caxcanes, Zacatecos et Guachichiles, lesquels offrirent une résistance
ardue aux armées espagnoles durant une cinquantaine d’années. En 1542, apres la
défaite caxcane de la guerre du Mixtón, une partie des vaincus fut déplacée au sud
e-
,-,
.._,
de Guadalajara alors que deux chefs caxcanes, accompagnés de leurs armées. se
refugerent dans les temtoires escarpés des insoumis Nayaritas. A la fin du l6bm
siecle les groupes de l’orient furent pacifiés. Durant cette pénode, les populations
wixaritari se réorganiserent en communautés autour de Cabecera, bien avant que
les Nayaritas occidentaux ne soient pacifies en 1722.
Pour Weigand et Garcia (1993, 1997, 1998, 2000), la guerre des Nayaritas.
.”
qui pnt fin en 1722, est indissociable de Iliistoire des populations caxcanes. Elle
est le fruit d’un processus histonque dont le premier théátre fut les aires culturelles
du nord, durant la pénode classique tardive (600-900) et la premiere partie du
., *.
,
...
postclassique (900-1200), puis de l’occident du Mexique a pariiq du postclassique
tardif (1200 - conquéte).
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
33
Fig. 1 : Les civilisations du clauique tudif m¿so-am¿ric.in (600-900)
Extrait de la revue Arqueología Meñlcanaa
,<.
,,-,
I _
2 M
,,'"
Atla:. del ?léxico Prehispánico x , numero special n'3, 2000, Editorial Raíces, INAH, ;~';'xico,pp. 3:.
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
34
1.1.1. Trcidition de Chalchihuites et formation des ¿tats cwccanes : 3 b
13”
-
siicles.
Les populations pré-caxcanes appartenaient a la civilisation de Chalchihuites. Elle
se développa a partir de 200 ap. jc., connut son apogée de 400 a 800, et s’étei&
en 900. Ses membres se consacraient a l’extraction de la turquoise qu’ds
échangeaient par ailleurs. Cette civilisation occupait une position strategique entre
l’occident et le centre du Mexique et appartenait a un vaste ensemble commercial
qui reliait le sud-ouest du Nouveau Mexique a la partie nord du centre du Melcique
...
et a l’est (Concepción del Oro). Durant son apogée, des centres cérémoniels furent
construits, a l’instar de celui d’Alta Vista3 qui était doté d’autels formes de cránes et
d’un symbolisme associé a Tezcatlipoca. A partir de 800 les activités minieres et
commerciales furent abandonnées et les populations se déplacerent vers le sud.
Aux dentours de 900, la citadelle de La Quemada4, dont la construction
avait débuté au
7cmc
siecle, constituait la plus grande fortification du Mexique. Elle
tronait au cceur de la vallée de Malpaso, qui était largement reliée par un systeme
d’environ 200 kilometres de chemins. Les populations de La Quemada
appartenaient a un vaste systeme d’échanges commerciaux, orienté vers le sud et le
sud-est, auquel participait la cité de Juchipila. En sus du commerce, l’organisation
..
sociale de La Quemada se caractérisait par sa hiérarchie militaire et son orientation
guemere. A partir du 1 3 c m e siecle, des expéditions guemeres furent organisées vers
le sud et. quelques décennies plus tard, la citadelle fut incendiée.
Les centres caxcanes de Juchipila, Tlatenango et Teul, se développerent a
l’occasion des mouvements de population vers le sud qui commencerent des le
9Cme
siecle. Teul était le centre religieux du complexe culture1 caxcan et percevait un
..*,
tribut de Juchipila et Tlatenango. Au
13cme
siécle, a l’occasicm des expéditions
organisées depuis La Quemada, un gouverneur fut envoyé a Teul et les centres de
Juchipila puis de Tlatenango furent soumis. L’expansion se prolongea a Teocaltiche
puis Nochistlán. I1 est fort probable qu’a cette époque des réfugiés pénétrerent a
Vest du temtoire nayarita, c’est-a-dire l’actuel zone wixárika. Teul devint alors le
centre névralgique des etats caxcanes, qui étaient perpétuellement en guerre. Dans
‘_.’-
le temple de Teul, les populations caxcanes rendaient un culte commun a
Tezcatiipoca, déja remarqué parmi la civilisation de Chalchihuites, et pratiquaient
I
Alta Vista est situé a la limite des actuels états de Jalisco et de Zacatecas.
La Quemada est située au sud-est d‘Alta Vista, a une quarantaine de kilometres au sud de la ville de
Zacatecas.
3
”
4
Chapitre 1 : La formation histonque des communautes agraires
35
le jeu de pelote. L‘expansion des Caxcanes vers le sud continua jusqu’a l’arrivée des
Espagnols.
Fig. 2 : L’expansion des &tats Cacames
Selon Weigaind et Garcia de Weigand (ao00 : 12)
,
..
. ..
._
.
.,..
.
36
Chapitre 1 : La formation histonque des communautés agraires
1.1.2. L'organisation guerriire et commercia& des *@bu
du 13"
si&&
h 1530
En 1530, les langues indigenes parlées en Nouvelle Galice étaient au moins au
nombre de seize : Tepehuan, Zacateco, Totorame, Cora, Huichol, Tecual, Nahua,
Cazcán, Tecuexe, Guachichil, Guarame, Coca, Tepecano, Tecoxquin, Tarasco,
Sayulteco, Otomi (Gerhard, 1996:56). La majeure partie de la population vivait dans
les plaines fertiles de la cóte et il y avait peu de centres urbains. La population était
divisée en une multitude de petites communautés disposant chacune d'un territoire
fute et, en général, les coalitions contre un ennemi commun étaient temporaires. Le
volume commercial, notamment de sel, fut considérable (lbid: 58).
Fig. 3 : Les langue8 p u l i o s en Houvolle Gdice en 1530
Gorhard (1996 : 56)
Chapitre 1 : La formationhistorique des communautés agraires
37
En 1530, lorsque le conquérant Nuño de Guzm6.n entia dans la region occidentaie
pour soumettre les populations, créer la Nouvelle Galice et repartir les
encomiendas, la cité de Teul était la plus importante. Le paysage ethnique etait
hautement varié et avait été esquissé des 1524, a l’occasion d‘une visite
préliminaire de repérage de Francisco Cortés.
Les ancetres des Wixaritari vivaient dans la zone montagneuse du nord et
constituaient l’une des quatre provinces Nayaritas. Ce terme regroupe la majeure
partie des groupes qui ne furent pas soumis au début de la conquéte au 162mc
siecle, et qui résidaient au nord du Río Grande de Santiago, a l’ouest des états
caxcanes, au sud des Tepehuanes et a l’est des villes de la cóte Pacifique
d’Acaponeta, Centispac et lxcuintia. Ce terme inclut, entre autres, les Indiens Coras
et Wixaritari (Weigand et García, 2000 : 13). Par ailleurs,
.--
,_.
1.1
--
the Nayarita zone was completely embedded in a regional system which
involved a well-developed Mesoamerican ceremonial and symbolic cycle,
large-scale sites and settlement systems, trade and exchange routes, and the
regional political expressions of d a r e and territorial conflict (Ibid22).
La zone Nayarita était complétement encastrée dams un systeme régionai qui
comportait un cycle cérémoniel et symbolique tres développé, des sites de
grande envergure et des systemes dhabitat, des routes de commerce et
d‘échange, et des expressions regionales de guerre et conflits temtoriaux.
Chaque province Nayarita était dotée d’un temtoire, d’une hiérarchie sociale, d’une
structure politique et d’institutions formelles de pouvoir. La province Nayarita
dominante était celle Tzacaimuta et les trois autres étaient Hahuanica, Mimbres et
”.
..,
,, ,I
Hueitzolme, cette demiere province étant celle des Huicholes-Wixaritari (Arias &
Saavedra, 1990 [1673]: 288,in Weigand & García, 2000 : 28-29).La province de
Tzacaimuta était basée a la Mesa del Nayar, une zone actuellement peuplee
d’indiens Coras. A cette époque, ce lieu abritait un cornplexe cérémoniel ou les
provinciaux venaient payer leur tribut (Ibidem). A lheure actuelle Tzacaimuta est
un important lieu de culte oü se rendent les Wixaritari pour réaliser des offrandes a
leurs ancetres. L’organisation politique de la zone était dominee par une série de
,
...
,,.~
lignages bien défmis et institutionnatisés en maisonnées, et c’était le plus puissant
des anciens, et a la fois chef de lignage, qui dirigeait la province. Le plus puissant
chef des provinces, qui était a l’époque du contact avec les Espagnols le chef de la
Maison du Nayarit, dirigeait les expéditions gueméres. Les relations entre provinces
Nayaritas étaient guemeres et le pouvoir n’était pas centralisé (lbid :30). C’etaient la
38
Chapitre 1 : La formation histonque des communautés agrakes
guerre et les sacrifices qui constituaient le fondement du lien social entre ces
provinces (Hers, 1989).
Selon Weigand (1993 : 372), en ce qui conceme les Nayaritas de l’onent,
c’est-a-dire les ancétres des Wixaritari, les données archeologiques indiquent un
développement
in
situ qui recut les influences méso-améncaines du nord
(Chalchihuites), de l’onent (Malpaso), du sud (Teuchitlán et Ixtlán del Río) et des
centres de la cóte Pacifique de l’occident. La province ou habitaient les ancétres des
Wixaritari fut une zone de refuge des Caxcanes qui fuirent ceux de La Quemada au
..”
13eme siecle, puis les Espagnols a l’occasion de la guerre qui surgit aprés la
conquete (1540-1590). Cette province était une société formée de lignages,
gouvemée par des anciens Kawitemtsixin et onentée vers la guerre et les sacrifices
(Weigand et García, 2000 :29-31). Par ailleurs, cette société etait partie prenante
d’un vaste systéme d’échanges commerciaux. I1 est probable que l’actuel pélennage
~..
des Wixaritari dans l’état de San Luis Potosi pour récolter du peyotl constitue une
,
ancienne route de commerce préhispanique qui unissait les cotes du Pacifique a
celles du Golfe du Mexique (Weigand & Garcia, 1996 : 10-1 1, in Torres, 2000 : 42).
De la méme maniére, la route commerciale du se1 qui unissait la Sierra au port de
,
..”
San Blas, Nayarit, constitue, de nos jours, une route de pélerinage et de migration
-
saisonniéres. Dans le chapitre 3, nous analyserons et discuterons ces hypotheses a
la lueur des données de l‘histoire socio-économique de la Nouvelle Espagne et du
Mexique indépendant.
..I-
....
.I
r
1.1.3. Im conquéte & Nuño de GuzrnÚn et la Guerre du XixtÓn :15301542.
La conquéte de l’occident fut particulierement brutale et sangiante. Les populations
de la Nouvelle Galice opposerent rapidement une forte résistance aux Espagnols qui
engeaient en
encomiendas leurs temtoires, au sein desquels etaient concentrés les
Indiens, et qui réclamaient le paiement de tributs extrémement élevés, notamment
en main d’oeuvre. Cette résistance se combina avec celle que les
Caxcanes
opposerent et, en sus des differents entre responsables espagnols, elle mit en échec
les tentatives de soumission générale. Conjointement, un mouvement de
i
revitaiisation religieuse souda les efforts des lndiens des différentes populations.
En 1541 les Espagnols perdirent la bataille dans le Peño1 del Mixtón, pres de
Juchipila puis firent assassiner le chef caxcan local. En 1542, l’inquiétude du ViceLes Wixaritari se rendent sur la cóte du Nayarit tant pour aUer deposer des offrandes a San Bias que
pour itre embauchés dam les plantations de tabac.
i
Chapitre 1 : La formation historique des communautes agraires
39
Roi Mendoza le conduisit a diriger la seconde bataille du Mixton a laquelle il
convoqua une grande quantité d’Indiens soumis du Centre du Mexique. Les
Caxcanes perdirent la bataille et les chefs caxcanes Guaxicar et Tenamaziie se
réfugierent dans la Sierra des Nayaritas. Les populations caxcanes vaincues furent
déplacées au sud de Guadalajara (Gerhard, 1996 : 57). Le passage était désormais
ouvert pour conquérir la zone trans-tarasque et le nord-est.
De 1530 a 1550, la population indienne fut disséminée et chuta de 77%
(Ibid : 67). Au cours des décades suivantes, les vagues d’épidémies et de violences
accrurent la baisse dramatique de la population indienne. En 1650 elle avait été
diminuée de 92% par rapport a son effectif initial de 1530. Elle restait pourtant
majoritaire et représentait plus de 50% de la population totale ; la moitié restante
était composée de deux-tiers de métis et d’espagnols et d’un tiers de mulatres et
d’esclaves noirs (Ibid : 68).
*...
1.2. La fin des chat. indiems scelle la créstion des autoritbs commundes
C’est dans ce contexte marqué par la violence que furent découvertes les mines
d’argent de Zacatecas et celles de Bolaños, au cceur des temtoires des Indiens
Chichimeques ; ils vivaient a l’est de la Sierra des Nayaritas et restaient insoumis.
La résistance a l’installation des chercheurs de métaux précieux fut grande,
particulierement sanglante et longue : elle dura cinquante ans.
De 1549 a 1589, alors que les Indiens volaient les convois de marchandises
et tuaient les voyageurs le long des routes qui traversaient leurs temtoires, les
colons espagnols de la frontiere nord capturaient et vendaient les Indiens en tant
qu’esclaves. De 1590 a 1600, cette situation changea lorsque la tactique de guerre
a feu et a sang D fut abandonnée. Une politique de pacification axée vers une
,..”
diplomatie patemaüste lui fut substituée. Elle se fondait sur la remise de cadeaux
et la protection des Indiens par les autorités du Vice-Roi (Powell, 1997).
De 1600 a 1722, date a laquelle succomba le demier chef guemer nayarita,
les sociétés indiennes entamerent un processus de recomposition sociale et
politique. Avec la creation du district de Colotlán et l’entrée des missionnaires
franciscains dans la zone wixárika vers 1650, les trois nouvelles communautés
Wuraritari furent dotées d’autorités civiles et ecclésiastiques et s’organiserent autour
de chefs-lieux cabeceras ou furent éngées des églises de fortune. Les lignages furent
restructurés au sein de districts autour de centres cerémoniels tukite. En tant que
membres du District de Colotián, les membres des communautés wixaritari
Chapitre 1 : La formation historique des communautes agraires
jouissaient d'un statut parüculier d'indiens frontaiiers
40
indios fronterizos
et étaient
exempts du paiement du tribut. Pour les autorités coloniales, il s'agissait de
proteger l'avancée des colons vers le nord et les routes de transport des métaux
précieux, alors que les Indiens Coras restaient insoumis. Des la venue de Caldera
dans la Sierra a la fin du
16'me
siécle, les chefs Indiens principales avaient négocié
le respect de l'inté@té de leur terntoire, l'exemption de paiement du tribut contre
reconnaitre la Couronne espagnole et devenir des soldats de la frontiere.
1.2.1. &s W i r c v i M d d e n n a n t membres du district de C o l o t h
"Igual en impoflamia a la d i p l o m ' a depnz yparte integral de ella em, desde luego, el
alimentos, mpas y gran Vanedad
elemento sedudor de los regalos,fuesen comunes o &ms:
de otrospresentes. En realidad, aquí en losprimems meses de la Paz Chichimem se ennrentm
el primer intento estruciumdo en gran e s d a por el gobierno, p a n hacer que el "M tan noble
saiwje"dependiern de los dorudiws que quisieran hacerle los de una culturn mc<s avaMad4.
esteproceso min M hatenninado en el continente. Aquelfue, en reaiidad, UM de iosprimems
pmgmmns de beneficenciaparn las naciones subdesanolladas. Yfue como suelen seriales
esfuenos, UM mezcla de interés pmpio y de verdadem humanitm.srno:pongamosfnia la
guermpam que podamos seguir con nueshas minas y con muchas otms empresas;
complaurunos a Dios y al rey dando los donesflsims y espiritualesde nuestra superior
ciinlizon'bn cristiana ct lospobrespaganos desnudos yprimiliws"6.
Philip Wayne Powell, "Camüín mestizo: Miauel Caldern u la frontern ~ l t e i l a '
pp. 185, 1997, FCE, Mttrico.
_,..
,*
Les temtoires situés en dehors des limites nord-est et sud-est de la Sierra des
Nayaritas étaient riches en minéraux précieux. En 1548, furent découvertes les
riches mines d'argent de Zacatecas puis en 1550 las Minas del Tepeque, plus
tardivement nommées mines de BolGos (Rojas, 1993: 29). Toutefois, leur
,.--
exploitation fut rendue difficile en raison de constantes attaques des Indiens
Chichiméques le long des routes qui reliaient Zacatecas aux villes de México et
I)
r--
de Guadalajara. Ces populations semi-nomades occupaient l'immense temtoire
~
,..*..
appelé I La Grande Chichiméque u, qui s'étendait de Querétaro a Durango. Le teme
de
...
u
Chichiméque x fut utilisé pour dénommer, sans distinction, un ensemble de
groupes indiens qui guerroyaient nus et armés d'arcs et de fleches : Guamares,
Tecuexes, Cocas, Caxcanes, Guachichiles, Zacatecos, Otomies et Pames. A l'ouest et
r-
I
-
t -
a Egal en importance a la diplomatie de pair et partie intégrante de celie-ci était, bien súr, I'élément
séducteur des cadeaux, qu'ils soient communs ou exotiques : aliments, vetements et une grande
variété d'autres présents. En réalité, durant les premiers mois de la paU chichimeque eut lieu le
premier essai structure et a grande échelle du gouvernement pour faire que le e pas aussi noble
sauvage x dépende des dons que voudraient bien lui faire ceux d'une culture avancée ; ce processus
n'a pas encore terminé dans le continent. Celui-ci fut, en réalité, le tout premier programme de
bienfaisance en faveur de nations sous-développees. Et il fut comme ont l'habitude d'6tre de tels
programmes, un mélange d'intérets propres et de veritable humanisme : mettons fm a la guerre pour
que nous puissions poursuivre avec nos mines et nombreuses autres entreprises, faisons plaisir a
Dieu et au Roi en faisant des dons materiels et spirituels de notre superieure civilisation chrétienne
aux pauvres paiens nus et primitifs n.
.*--..-&-<__l>-b_..r__.___.
~
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
41
au nord-ouest de cet immense temtoire, soit a l’est de l’actuelle Sierra Huichol, se
trouvaient les Caxcanes et les Zacatecos (Powell, 1996 :49).
Fig. 4 : La Grande ChichimLque
Powell (1996 : 49)
1
LA9
“NACiONEW DEL NORTE
,-”-
Y,
-.
*-
.
I
.
,
Chapitre 1 : La formation histonque des communautés agraires
42
A partir de 1549, la fievre de l’argent se propagea et de nombren visiteurs se
rendirent a Zacatecas pour tenter leur chance. En réponse a ce défilé d’hommes
u
vétus
8,
les Indiens w nus Y attaquaient sans cesse les convois chargés de tissus et
de noumture et tuaient les voyageurs selon des procédés particulierement
effrayants pour les Espagnols7. I1 devint impératif de protéger les routes et, dans un
premier temps, les colons s’organiserent en milices pour se défendre. En vain.
,...,
....,
,
I
.
~
..
A la demande du Vice-Roi Martin Enríquez, furent créés des Presidio@ le long
de la route d’acheminement des métaux, entre autres a Colotlán. Les milices locales
restaient chargées de la protection de la population et, comme la Couronne n’était
pas a méme de financer les frais de guerre et payait des salaires rachitiques, ses
membres s’auto-rémunéraient en vendant les Indiens capturés, bien que l’esclavage
fusse illégal. Par ailleurs, ils espéraient profiter de la découverte de gisements
*-
(Powell, 1997 : 45).
A partir de 1583, le capitaine d’une milice nommé Miguel Caldera, n i de mere
,,.-
indienne Zacateco ou Guachichil et de pere espagnol, originaire de Zacatecas et
parent de colons de Colotlin, mit en place une nouvelle stratégie diplomatique. Elle
fut des plus eficaces et se basa sur la négociation en téte a tite avec les chefs
indiens et la remise de présents a ces demiers. Caldera avait remarqué le gotit des
Indiens u nus * pour les tissus qui chargeaient les convois qu’ils attaquaient. Les
vetements volés permettaient aux
u
Chichimeques m de se constituer un butin
destiné a commercer, former des alliances et obtenir des femmes, et, cet intérét
L
pour l‘habillement devint un facteur basique de la diplomatie et des offres de paix
(Ibid : 3 1). La pacification, d’abord organisée de facon locale par Caldera, poursuivit
une route bien défmie :
Su estrategia contra los Desnudos siguió un eje de este a oeste, que pasaba
a través del pais cazcán, asediado por guachichiles desde el este, por coras,
tepeques y nayaritas y otros indios hostiles ocultos en las escarpadassierras
occidentales que dominaban los vailes de Tlatenango - Colotlán y Juchipiia
(lbid, 137)
Sa stratégie contre les dénudés suivit un axe d’est en ouest, qui passait au
travers du pays caxcan, assiégé par les Guachichiies a l’est, et par les Coras,
Tepeques et Nayaritas et autres Indiens hostiles qui se cachaient dans les
sierras escarpées de l’occident lesqueiies surplombaient les vailées de
Tlatenango - Colotlán et Juchipila
,.^.
,. ..
,-.,
...
7 Powell (1997 : 32) relate par exemple comment ils arrachaient le cuir chevelu et le visage des
vicümes. Ensuite ils les exhibaient tels des trophees.
8 Poste de garde fortiiié.
Chapitre 1 : La formation historiqus des communautés agraires
,...
,
<-
43
En 1585, il traversa les sierras occidentales et la zone Nayarita. Le 4 aoút de cette
année, les Indiens de la Sierra
de Nayarit tuerent deux prétres franciscahs a
Guaynamota et brúlerent le couvent qui y était instailé depuis 1580. La rébellion se
propagea a l’ensemble de la province de Guaynamota. En réponse a cette révolte,
l’Audience de Guadalajara envoya des compagnies militaires. Parmi l’une d’elles se
trouvait Caldera, qui était accompagné d’environ deux milie ailiés indiens. Une fois
dans la Sierra, le chef Nayarit demanda a rencontrer Caldera pour lui proposer de
s’allier contre ceux de Guaynamota. Caldera scella cette alliance inespérée en lui
offrant son épée et, en échange, les Coras lui offrirent des erifants destinés a Etre
”
.~.
,.-.
mangés. Les Espagnols, honiflés, leurs proposerent de suivre une instruction
religieuse a Tepic. Certains furent baptisés et le chef Nayarit fut nommé Don
Francisco Nayari par Caldera9. Finalement les Espagnols soumirent les Indiens de
,.^“.
Guaynamota et capturérent 900 d’entre eux qu’ils emmenerent a Guadalajara, o u
ils furent jugés, exécutés ou rendus en esclavage (Ibid, 138 ; Rojas, 1993 : 52-53).
#.‘-.
..
Cependant, a cette époque, les méthodes de Caldera, de 1’Audience de Guadalajara
et du Vice-Roi ne convergeaient pas encore.
En 1586, l’esclavage fut considéré comme la principale raison de la
prolongation des hostilités et il fut établi que les milices locales, sous-payées, en
étaient les premiéres responsables. L’esclavage fut interdit par le Vice-Roi
Villamamique. A partir de 1589 la politique ofiicielle fut orientée vers la recherche
de l’amnistie :
,.-.
.I,”’~
, ,.
,..,
<”.
I.-
*,*.
Ahora se prometía amnistia, alimentos, ropas y otros regalos, buenas tierras
para establecerse, aperos agrícolas, enseñanzas de agricultura, preparación
religiosa y protección de sus personas y derechos a cambio de que renuncien
a la guerrq acepten la enseñanza cristiana y afirmen su leaitad a la corona
(Ibid 156).
Maintenant on promettait l’amnistie, des aliments, des vetements et auires
cadeaux, de bonnes terres o u s’iistaller, des outils agricoles, des lecons
d’agriculture, une préparation religieuse et la protection des personnes et
des droits en échange du renoncement a la guerre, l’acceptation de
l’enseignement chrétien et l’allümation de leur loyauté a la Couronne.
C’est alors que le tenant de la diplomatie a cheval, le Capitaine Miguel Caldera, fut
nommé Justicia mayor par le Vice-Roi en 1590. I1 lui fut assigné la zone de Colotlán
,.-
et la táche de superviser les zones chichimeques de la frontiére nord-occidentale.
9Du nom de Saint Franpis, ou Francisco, fondateur de l’ordre reiipieux alors chargé de
I’évangéiisation.
Chapitre 1 : La formation historique des communautes agraires
44
C'est a cette pénode que les populations Nayaritas, et donc les W k d t h ,
commencerent a appartenir officiellement au district de Colotlán.
,-_
. ..
Fig. 5 : Le District de Colotlin
(Gerhud, 1996 :98)
I..
I -
,-.
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-
et il poursuivit ses voyages pour rencontrer les chefs indiens et parlementer avec
eux. En 1590, il traversa de nouveau les sierras occidentales escarpées et, a en
"I-
.
Caldera s'était formé une solide réputation auprés des populations indiennes
.
.,--
croire le récit d'un franciscain, la p a k régnait : "todos los indios
de las sierras del
Tepeque y de todas partes, hasta las minas de San Andrés, y los indios de
Chapitre 1 : La formation historique des cornmunautés agraires
45
Guaynarnota, se les acercaron en paz durante este viaj810 (Powell, 1997 : 180). A
cette occasion, ou peut etre lors d’un autre voyage en 1592, Caldera croisa, a
Tenzompa, des WiVaritari auxquels ils prornis la reconnaissance de leurs temtoires
en échange de leurs christianisation et soumission a la Couronne (Rojas, 1992,
1993).
Son systeme de diplomatie s’appuyait sur la protection des lndiens pacifiés,
]a remise de cadeaux (tissus, cacao, tabac, etc.), l’approvisionnement (charnies,
bmufs), l’enseignement des techniques agricoles et la chnstianisation par les
,
r
“.
franciscains qui devaient par ailleurs témoigner de ces progres (Powell, 1997). Par
d e u r s , a la demande de Caldera, des Indiens Tlaxcaltecas furent déplacés pour
I-
consolider le processus de peuplement des villages frontieres, entre autres aux
abords de Zacatecas et a Colotlán. En échange, il incombait a Caldera de les
I
.-
I
protéger ainsi que leurs concitoyens x chichiméques w pacifiés. Les Tlaxcalteques,
pour ce service rendu a la Couronne, obtinrent de nombreux avantages comme
,-.
..
I’exemption de paiement de tribut et d’impot, la distinction de quartier entre
Espagnols et Indiens pacifiés, l’annulation de dettes envers la Couronne, entre
autres privileges qui leur furent concédés a leur demande (Ibid : 196). A partir de
1592, la paix régnait a Zacatecas. Des 1597, la route qui acheminait l’argent a
Guadalajara et a Mexico devint totalement sure.
Quelques attaques ponctuelles entacherent la pacification, comme celle de
_<-.
San Andrés Teúl en 1592 a laquelle participerent Wixaritari et Tepehuanes (Rojas,
...
<
1993 : 58). Néanmoins la rébellion s’acheva selon le procédé habitue1 des cadeaux
(Powell, 1997 : 220-234). Durant plusieurs années et de faqon réguliere, les u biens
de paix 8 furent donnés di que la paix ne soit pas menacée. Pourtant, en 1602.
ces populations se rebellerent de nouveau (Ibid : 334) puis, en 1617, se fut le tour
des Tepehuanes et des Wixaritari de Huajimic. Les Tepehuanes, alors jug&
responsables des faits, furent durement réprimés.
En conclusion, la premiére partie de la pacification des actuelles populations
Wixariimi eut lieu a partir de 1585 et semble s’etre confinnée peu a peu apres les
r<-
évenements de 1617, dans un mouvement depuis les abords de la Sierra vers la
vallée du fleuve Chapalagana, a l’aide des promesses d’autonomie et des cadeaw.
I^’
,,.^,.
Néanmoins, elle ne fut consolidée que lorsque les Coras furent soumis a l’ordre
colonial. c’est-a-dire en 1722.
Tous les Indiens des sierras du Tepeque et de mutes parts, jusqu’aux mines de San Andrés, et les
lndiens de Guaynarnota, se sont approchés en p& durant ce voyage n.
10
,.-,.
.,
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
,
._
46
1.2.2. Cawc da !iiuapurla rsqoiwnt las terres d’un Cora bqptir6 ocimboci
.-
La domination regionale exercée par les Coras a cette époque peut &e attestée au
..-*
moyen d‘un court récit qu’un homme wixárika raconta lors d’un séjour de terrain”.
aors qu’il évoquait le projet d’écrire un livre d’histoire wixdka, lime consacré aux
personnages de la communauté de Tuapurie qui se sont illustrés en matiere de
protection temtoriale, il mentionna que le premier d’entre eux était un Cora
denomme José Maria Gamboa. Ma surprise fut grande. Je n’avais jamais entendu
p a r k de cet homme. Ce serait en se mariant avec une femme de Tuapurie qu’il
aurait offert les terres qui forment maintenant la communauté de Santa Catarina
Cuexcomatitlán, Tuapurie. Sa famille vivrait encore de nos jours dans une localité
appelée Muxrata ou Muruatal? Dans les documents historiques (Rojas, 1992,
1993)je rencontrai a trois reprises le nom de Gamboa.
En 1707,un Don Juan de la Torre Gamboa fut invité par les Coras a venir
parlementer et, au sujet de cette invitation, Don Juan de la Torre Gamboa précisa
que cette offre lui fut faite parce que
a
lo apreciaban por ser descendiente de Miguel
3
1993 : 96).Plusieurs années plus tard, en 1722,il prit la téte de
Caldera ~ 1 (Rojas,
.“I
I
la campajpe du Nayarit en 1722,accompagné de Wixaritari des trois communautés
(Rojas, 1992 : 63).Par ailieurs, dans le récit de fondation de Tenzompa en 1592 il
I-
apparait que :
Es que viniendo el Capitán Miguel Caldera de las partes de Naiarit, cuando
andaba en la pacificación de esta tierra y habiendo juntado en el n o de
Atenco a todos los indios Zacatecos, (...) que dicho capitán Caldera les decía
por su interprete el capitán Juan de la Torre, (...) les prometió él volver
hacerles la fundación y traerles papeles del señor virrey de México (...) en
que el señor Virrey en nombre de su majestad, les concedía muchos
privilegios haciéndolos fronterizos y concediéndolesmerced de las tierras que
poseían y poseen (Rojas, 1992: 39-40).
,-.
,
..
*..
C’est en venant des terres du Nayarit que le Capitaine Miguel Caldera,
quand il était occupé a la pacification de cette terre et qu’ilavait réuni dans
le fleuve Atenco tous les Indiens Zacatecos, (...) que le dit capitaine Caldera
leur disait par le biais de son interprete le capitaine Juan de la Torre, (...)
leur promit de revenir pour déclarer la fondation et leur rapporter des
papiers du Vice-Roi de Mexico (...) dans lesquels le Vice-Roi au nom de sa
majesté, leur concédait beaucoup de privileges en les faisant frontaiiers et en
leur concédant les terres qu’ils possédaient et posedent.
,..,,.
+I-
i
.
de terrain, 21 mars 2001.
Cette localité est située au sud de i’éiat de Durango dans la municipalit6 de Mezquital et a l’extreme
nord-ouest de la communauté de San Andrés Cohamiata. Dans cette zone résident principalement des
Tepehuanes et on compte aussi des Coras (Santa Teresa), des Wixaritari (San Antonio de Padua,
Banco de Caiitique) et des Mexicaneros (San Pedro Jicoras, Santa Mana Ocotan).
* 11s le considéraient comme un descendant de Miguel Caldera .
‘1
e-
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12
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Journai
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.
41
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
De telle sorte qu’il est fort probable que l’homme, qui parlementa avec le Tonati de
la Mesa del Nayar en 1707, Don Juan de la Torre Gamboa, fiit un descendant de
l’interpréte de Caldera, Juan de la Torre. Plus surprenant encore est le nom du
.”
capitaine qui fut chargé de mesurer les terres des Wixaritari de Tuapune en 1784 a
l’occasion de l’émission du titre vice royal qui reconnaít l’étendue de leur temtoire :
Gamboa (Rojas, 1992 : 87-89). Ce titre de propriété, les Wixaritari de Tuapurie l’ont
encore en leur possession, il a été numérisé en 2000 par les soins de l’association
Conservacion Humana A.C. et le nom de Gamboa y est inscritl4.
Deux hypotheses peuvent étre formulées. La premiere est que la mémoire
wixárika assimile l’identité du Capitaine Gamboa de 1784 a celle d‘un indien Cora.
,-
La seconde est que l’interprete de Caldera en 1592 était un indien Principal Cora
baptisé Juan de la Torre Gamboa. Sa famille aurait participé au pacte des
Wixaritari de la frange orientale avec les autorités de Colotlán et aurait scellé cette
ailiance lors d’une cérémonie de mariage entre famiiles dlndiens principales. Dans
,.I,”
l’un ou l’autre cas, il apparait que les Coras dominaient la zone et que la mémoire
indienne concoit les Coras d’alors comme des a donneurs n. De plus, ce récit évoque
le róle central de la cabecera Tuapune et rappelle qu’il s’agit du lieu de fondation de
la communauté modeme a laquelle elle donna son nom vernaculaire.
1.2.3. La chute áu Tonati de la Mesa del Nag-
c.-’
, I”.
Dans ce contexte de domination régionale des Indiens Coras, la consolidation de
l’intégration a la Couronne des Wixaritari ne put etre totalement effective qu’apres
.,..
la soumission définitive des Coras en 1722.
1.2.3.1.
,_
’.
.
...
Las Wixdtari se dorganisent en communautés
Des 1559, les premiers missionnaires franciscains fvent leur entree sur le versant
occidental de la zone Nayarita, a Centispac. A partir de 1580 fut organisée leur
premiere incursion dans la Sierra depuis le couvent de Tlatenango. Au regard du
grand nombre d‘indiens non christianisés qui vivaient dans la zone, les franciscains
obtinrent la méme année l’autorisation de fonder un couvent et se rendirent a
Huaynamota. Apres les événements de 1585, le travail missionnaire diminua et
reprit en 1600, date a laquelle ils fonderent le couvent de Huajimic.
i-
‘4 Je n’ai pas vu le titre vice-royal mais le document cité par Rojas (1992 : 87-89) est un extrait du
titre vice-royal.
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
48
En 1592 le village de Huejuquilla fut créé a l'occasion d'une nouvelle visite de
Miguel Caldera dans la Sierra des Nayaritas (Rojas, 1993 :64-66). Durant cette
pénode, les Indiens de Nostic et de Tenzompa déciderent de créer leurs villages, sur
....
les conseils des deux accompagnateurs wixaritari de Caldera. C'est certainement a
/.-
cette époque que Caldera acquit des terres dans le village de Huejuquilla. Mais la
. ..
frontiere était loin d'étre consolidée et des lndiens Tepehuanes, qui s'allierent a
P
ceux de la Sierra de Nayarit, se rebellérent en 1617 et la fronde s'étendit jusqu'a
."
Huajimic, Acaponeta et Fresnillo. De peur que Zacatecas ne soit de nouveau
menacée, la repression fut grande (Ibid :67).
En 1622, les populations de Mezquitic et de Nostic disposaient d'un
I-
gouvemeur, et, ceux de Huejuquilla et de Tenzompa disaient avoir regu leurs terres
de Miguel Caldera (Gerhard, 1996 : 101). Par la suite furent crees les villages
/-
wixaritari de Soledad et de San Nicolas. Selon Gerhard, en 1649 la vallée du fleuve
Chapalagana était Cora et wixárika et encore non pacifée (lbid : 101). Tous les
I-
,,--
-.
villages cités sont situés sur la frange onentale de l'actuelle Sierra huichol et sont
limitrophes de la communauté de Santa Catarina Cuexcomatitl6n. Cette demiere
aurait été fondee a w alentours de 1650, ainsi que San Sebastián, apres que le
Vice-Roi a autorise en 1651 le déplacement d'indiens de la Sierra vers la vallée de
Huejuquilla, lequel déplacement avait été demandé en 1649 (Rojas, 1993 :71-72).
Or, la mémoire indienne surprend de nouveau. Selon un homme de la
í-
communauté de Santa Catarina, les centres cérémoniels tukitel5 de sa communauté
ont été créés a cette période. Le premier tuki fut fondé au chef-lieu Tuapurie en
1655, puis a Tierra Azul16 en 1656, a Keuruwitia en 1661 et a Rawepa en 1665'7. I1
...
n'est pas possible d'expliquer comment cet homme connait ces dates, d'autant plus
que les tukite n'arborent pas de date de construction, néanmoins l'anthropologue
n'en a pas vérifié tous les recoins. Le fait que cet homme soit un patnarche respecte
nous invite a croire en sa parole et a ne pas mésestimer la puissance de la tradition
orale. La concordance entre les données foumies par les historiens et celles
récoltées sur le terrain invite a confirmer l'hypothése selon laquelle les Wixaritari de
la frange orientale se réorganisérent en communautés a partir de la seconde moitié
_-..
/*-
.".
du 17eme siecle. Des lors, ils disposerent d'autorités chargées de la mediation avec
%ici : centre cérémoniei ; tukite : centres cérémonieis.
Cette locaiité est situie a la limite des communautés de San Sebasiián et de Santa Catarina, c'est-adire pres de la localité de Tuapurie. et appartient dorénavant a la premiere des deux.
17 Journal de terrain 5 janvier 2000.
Is
l6
I.--
....
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
49
les Espagnolsis et réorganisérent les relations entre les différents lignages autour de
centres cérémoniels tukite, lesquels étaient présidés par les Indiens principales.
Nous croyons que c’est a cette époque que les W M t d onentaux ont c e s é
d’entretenir des liens politiques ofticiels avec les Coras et ont créé des tukite o u
siegent les patriarches des groupes lignagers de la zone. La lettre que le chef Nayarit
aurait écnte a lhréque de Guadalajara en 1649 confirme que les Coras
n’entretenaient aiors pas ou plus de relations avec les W M t a x i ainsi qu’avec les
Tepehuanes (Santoscoy, 1899 :2).
Cette rupture fut décisive et marqua la fin de la médiation des Indiens
principales avec les autorités espagnoles et l’avenement des autorités civiles
communautaires. Les Indiens principales ne perdirent pas leurs prerogatives de
chefs lignagers et conseillers, mais ils n’étaient alors plus les responsables de
diriger les relations interethniques et les questions relatives au temtoire. La relation
entre les Indiens et leur temtoire se transforma et, a l’instar du cas des Indiens
Zapoteques et Mixteques de Oaxaca (Carmagnani, 1988 : 89), le dépositaire de la
sacralisation du temtoire cessa d’étre basé sur le lignage royal. Dans notre cas, il
s’agissait du lignage du Tonati de la Mesa del Nayar. En absence d’un chef a
respecter et vénérer, d’un chef qui serait l’ultime instance, le détenteur du temtoire
au nom des ancétres, ce sont le temtoire et ses fruits - ses ressources - qui furent
sacralisés. Désormais, le temtoire et ses fruits sont concus comme appartenant a la
communauté et a ses membres. Les droits sur leur temtoire ne dépendaient plus
exclusivement de la relation avec des ancétres déifiés mais aussi de la relation avec
les autorités de la Couronne. De telle sorte que la naissance du sentiment
d’appartenance communautaire est intimement liée a ce phénomene d’insertion
dans l’ordre colonial.
i.a.3.a.
...etpadcipent a la chute & Tonati
La guerre, en tant que rapport social unissant les Coras aux Wixaritari, cessa
défuitivement d’etre au début du 1 7 “ ~ siecle ; la pratique du commerce a longue
distance continuait encore a cette époque. Le séjour du Pere Arias Saavedra, de
1656 a 1672 sur le versant oriental de la Sierra, montre que les Indiens
descendaient de la Sierra
pour réaliser des échanges, a la recherche de sel,
viandes, poissons, mais, haricots, miels et vins (Rojas, 1993 :73). En 1790, soit un
siecle plus tard, les rapports du Coronel Felix Calleja au Vice-Roi et celui de 1’Alcade
’* Les autorités civiles étaient les fonctions de gouverneurs, maires alcal&s
et juges dgum’les
. . ... . , .~..~.
.. ..
.
.I.”
...____
-,
”
.
-.
_-
f’
Chapitre 1 : La formation historique des cornmunautés agraires
50
Mayor de Jerez nous confirment que les Wixaritari étaient connus pour ieurs
fonctions de saiiniers :
(...) le (el pueblo de Santa Catalina) habitan trescientas cincuenta y una
personas, poseen trese leguas y media quadradas de terreno, la media de
pan llevar, dos de pasto, y diez de Sierra, su género de vida, costumbres y
religión son las mismas que los de San Sebastián, pero estos hacen aigUn
comercio de sal que cargan en el puerto de San Blas, y conducen a los
Reales de minas, robando a la buelta en los caminos quantos ganados
encuentran (Rojas, 1992: 103)
(...) y (communauté de Santa Catalina) habitaient trois cent cinquante et une
personnes, qui possédaient t r e k leguas et demi au carré de terrain, cette
moitié s’utilisait pour le pain, deux pour le páturage, et d k de sierra, son
style de vie, coutumes et religion sont les mimes que celies de San
Sebastián, mais cew-ci font une peu de commerce de se1 qu’ils chargent au
port de San Blas, et qu’ils conduisent aux mines royales, volant au passage
sur les chemins autant de bétail qu’ils rencontrent.
et:
Las de San Andrés del Teul, San Sebastián, Santa Catalina, Camotlán,
Ascatlan, y San Andrés Coadmiata que habitan lo áspero de la sierra,
siembran muy poco, viven de la caza y pesca de que abundan muchísimo
sus Ríos y de un cortisismo tráfico de Sal que cargan de la costa del Sur y a
su buelta roban en los caminos cuantos ganados encuentran (Rojas, 1992:
107)
..
Ceux de San Andrés del Teul, San Sebastián, Santa Catalina, Camotlán,
Ascaüan, et San Andrés Coadmiata qui habitent dans la partie la plus
austere. de la sierra, Sement trés peu, vivent de la chasse et de la péche dont
abondent teliement leurs fleuves et d’un petit trdc de se1qu’ils chargent sur
la cote du sud et a leur retour ils volent sur les chemins autant de bétaii
qu’ils en rencontrent.
Au retour de la cote du Nayarit, les Wixaritari ne passaient pas en temtoire Cora.
mais empruntaient la route du sud qui conduisaient aux mines royales de Bolaños.
Les vols de bétail qu’ils proféraient a cette occasion sont mentionnés a deux
reprises par Calleja en 1790 et attestent du caractére négatif des échanges, qui se
m d e s t e par le vol, entre les éleveurs de bétaii locaux et les Wixaritari.
Le bétaii avait justement été la monnaie de reglement d’un conflit qui explosa
en 1702 a l’initiative de ceux de Nostic. Ces demiers se rebelierent aiors qu’un
Capitaine leur avait usurpé le titre de propriété de leurs terres. Le Vice-Roi, une fois
,,--
informé de la menace de propagation du mécontentement a l’ensemble de la Sierra
Nayarita, écrivit aux populations de San Andrés, San Sebastián, Santa Catarina et
Nostic, destitua le Capitaine et promit la venue d’un juge pour mesurer les terres et
-
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
51
les doter de titres de proptiété. Au cours de son voyage dans les communautés
escarpees de la Sierra, le nouveau responsable de la pacification fut accompagné
d’hdiens de Tenzompa, Guazamota et de Huejuquilla. I1 en profita pour envoyer des
émissaires dans les terres des insoumis Nayaritas. En échange il fut demandé aux
Indiens, dont les veux avaient été exaucés par le Vice-Roi, de promettre fidéiité au
Roi et de rendre le bétail volé. Ce qui fut fait (Rojas, 1993 : 89-93).
. ~.
La pacification de la zone fut effective vingt ans plus tard lorsque les Indiens
Coras furent intégrés a l’ordre colonial en 1722. Plusieurs tentatives de négociation
r-
-.
,
avaient été mises en échec, a l’instar des discussions entre le Tonati de la Mesa del
Nayar et le Vice-Roi en 1720 et, en 1721 le gouvemement colonial se p r é p m pour
employer la force. A cette occasion. les populations de San Andrés et Santa
~.,
Catarina furent convoquées pour clarifier l’état de leurs relations avec les Coras. 11s
reconnurent avoir resu une convocation récente du Tonati, mais déclarerent ne pas
I.”..
y avoir répondu, a l’exception de deux personnes qui furent remises a w autorites
espagnoles. En tant que membres du district de Colotlán, ils devaient effectuer
*-
leurs services de miliciens a la Couronne, en échange de quoi ils étaient exempts de
paiement de tribut, ils étaient autorisés a porter des armes et possédaient une
,-,.
extension ample de temtoire reconnue des autorités royales (Ibid : 98). Si bien
qu’en 1722, plusieurs d’entre eux participerent aux cótés des Espagnols a la
I
conquéte du Nayarit. Une fois les Coras soumis, les Jésuites devinrent responsables
de leur évangélisation.
<--
Reynoso (1982 :207) propose une autre interprétation de la reddition des
Indiens du Nayarit, bien plus pacifique. Une des raisons pour laquelle les Nayaritas
,,.,-
se seraient soumis s’explique par la fermeture de leurs routes commerciales vers la
cote pacifique. Pendant longtemps, ils avaient entretenu un commerce pacifique,
I
principalement de sel, avec leurs voisins. Mais le manque de sel, en raison de la
I--
fermeture des routes, devint insupportable au fur et a mesure que le temps passait.
C’est pourquoi ils eurent recours a la médiation de Don Juan de la Torre Valdéz y
,’”
’,
Gamboa de Jerez auquel iis déclarerent leur intention de se soumettre a la
Couronne espagnole. Ce dernier en informa le Vice-Roi et le Tonati se rendit a
Mexico accompagné d’une délégation en février 1721. I1 donna son accord pour
reconnaitre la Couronne espagnole a la condition suivante : que soit reconnue la
<*-
possession de leurs terres, que soient respectées leurs lois coutumieres fueros et
privileges, qu’ils n’aient pas a payer de tribut, que le Vice-Roi soit leur unique juge,
I-
qu’ils aient le passage libre vers les villages d’Acaponeta et Mescaltitlán pour
Chapitre 1 : La formation historique des communautes agraires
52
s’approvisionner en se1 et ce sans payer d’impót alcabala ou quelque autre rente
commerciale, que soient libérés leurs prisonniers et que leur soit concédée une
escorte pour les protéger lors de leur retour dans la Sierra
(Ibid : 208). Les
réclamations furent acceptées le 20 mars 1721 et les troupes arrivérent a
Huejuquilla en septembre de la méme année. Cependant, ce mouvement de troupes
favorisa la révolte des Indiens de la région et en novembre, Zacatecas et Durango
étaient menacées (Ibid : 2 10-211). L’entrée en temtoire Cora se fit alors par la force
et la place-forte Cora fut pnse en 1722.
L’intérét de présenter ces deux versions est de montrer que la route du se1
depuis le temtoire Cora était fermée et qu’il est probable que les Wixaritari aient
bénéficié de sa fermeture. Cette demiére version conforte l’interprétation de
I’éloignement qui s’opéra entre les Coras et les Wixaritari au 1 7 ” ~ siecle. Alors que
les premiers étaient assiégés, les seconds, en qualité d’Indiens frontaiiers.
jouissaient du libre passage dans la région. L’asphyxie du commerce de longue
I
II
,
,.-.
distance et la mise a mal du rapport social guemer entre les anciens Nayaritas
étouffa peu a peu les Coras. Dans ce contexte, la conquéte du Nayarit de 1722 fut
plus un coup de gráce qu’une action militaire de grande envergue. Cette operation
conclut une guerre de basse intensité entre les Espagnols et les Indiens insoumis
.,
.
de la Sierra Madre Occidentale, guerre qui avait duré pres de deux siécles.
,?...
1.2.3.3.
r-
Les m¿rites drs gouwrnsurs wixaritari
Durant le 17ismc siecle, les Indiens principales ont peu a peu été évincés par les
autontés communautaires de la médiation avec les autorités coloniales, en
I.-.
particulier quant a la reconnaissance des territoires indiens.
Auparavant, les chefs de lignages en qualité dlndiens principales servaient
de médiateurs (Rojas, 1993 :65). Par d’exemple, deux Indiens principales de la
nation guisola participerent aux cótés de Caldera a la fondation de Tenzompa en
i
”’“
.~
,
1592. De 1656 a 1672, lorsque le franciscain Arias Saavedra se trouvait a
Acaponeta, les Indiens principales étaient encore les représentants pnvilégiés de
leur groupe et c’est aux anciens que le missionnaire faisait d’abord appel, les
baptisaient en échange de donesillos de que los veía necesitados x 19(Ibid : 73).
r-
A partir de 1702 les congrégations wixaritari étaient réorganisées et intégrées
a l’ordre colonial: chacune d’elles avait un gouvemeur, en plus des Indiens
/-
principales, et on sait qu’il y avait un alcalde a Santa Catarina (Rojas, 1993 : 94 ;
I
l9 x
“I‘
de dons dont il voyait qu‘iis en avaient besoin
I),
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
53
98). En 1731,une fois les Indiens Coras soumis, l’indien principal wkárika qui
fonda San Cristóbal de la Navidad devint Capitán a Guerra y Gobernador de cette
localité, puis de San Nicolas, Tenzompa et enfin San Andrés, Santa Catarina et San
Sebastián. Pour obtenir ce titre, il compila la liste de ses mérites personnels et fit
,.-.
état des services qu’il rendit a la Couronne espagnole, notamment lorsqu’avec ses
hommes, ii participa a la campagne du Nayarit en 1722.L’obtention de témoignages
,,._
relatifs aux services rendus pouvait aider a la conservation de terres indiennes
(Ibid, 1933 : 100-102).Ce cas constitue un précédent et, au cours du 18emc siecle,
,,.. .
les gouverneurs des communautés firent appel a leur statut d’indiens frontaliers, et
par la-meme aux services qu’ils rendirent a la Couronne durant la conquéte du
,.
Nayarit, pour faire valoir leurs droits temtonaux. Ce fut le cas du gouvemeur de
San Sebastián en 1783 qui, en tant que Gobernador de los Indios, Soldados
Fronterizos situados en
,.”
la
Cabecera del de Colotlán, demanda l’arbitrage du Juge
Privatií des Ventes et Compositions de Terres a l’occasion de l’invasion des terres
communales (Rojas, 1992 : 84). Néanmoins, nous meconnaissons quelles étaient les
procédures de nomination aux fonctions de gouvemeur, maire et juge jusqu’au
,-
181‘me siecle. I1 est possible que, d a s un premier temps, les Indiens principales se
soient charges des fonctions civiles. Les documents relatifs a cette question
r-*
manquent.
Au début du 19‘me siecle, le franciscain qui participa a la fondation de
Guadaiupe Ocotán et organisa le regroupement des families autour d’une égiise de
fortune, mentionna que ses nouveaux habitants avaient nommé leur Gobernador et
Alguacil selon leurs lois (Ibid : 130).Trois siecles apres l’entrée des Espagnols, les
gouvemeurs étaient devenus des autorités traditionnelles et étaient nommés selon
des coutumes locales. 11s avaient définitivement remplacé les Indiens principales
.-.
-
,.-.
pour le reglement des affaires extemes.
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
54
2) La sacrdisation de la terre
Le processus de pacification des temtoires des anciens groupes Nayaritas devint
effectif a partir de la reddition des Coras en 1722. L'ancienne organisation en
provinces s'effondra définitivement avec la fin du regne du Tonati de Mesa del
Nayar, scellant ainsi le processus de fragmentation en groupes ethniques
independants.
I-
Du
,
_,<
18Cmc
siecle a nos jours, les groupes ethniques en présence iutterent pour
la reconnaissance et la préservation de leurs temtoires. La dynamique agraire fut le
fi rouge des relations inter et intra-ethniques. Le recours des natifs aux institutions
?"._
coloniales et républicaines fut régulier et se caracténsa par la recherche de
médiateurs disposés a arbitrer des confits locaux. Et lorsque ces institutions du
,
I
-
pouvoir central ne répondirent pas, les Wixaritari s'engouffrerent dans la révolte,
comme ce fut le cas au cours de la révolte de Manuel Lozada. La terre fut le nerf de
la guerre et le fondement du lien social indien communautaire : le temtoire fut
-<,
sacraiisé.
L'environnement géopolitique des communautés se modifa profondément au
cours de la période libérale. D'une part, le démembrement des terres communales
r-
"..
généra un processus de séparation entre les communautés wixaritari situées aux
abords de la Sierra et les autres. D'autre part, les haciendas s'étendirent et
c--
empiéterent sur les limites des communautés de la Sierra. De plus, sous
l'impulsion de la révolte lozadiste, la Sierra fut dorénavant partagée entre deux
états, Nayarit et Jalisco, puis entre quatre, Durango et Zacatecas. A cette meme
époque, deux autres communautés wixaritari furent fondees : Guadalupe Ocotán et
Tuxpan de Bolaños.
La fragmentation temtoriale paracheva le processus de démantelement des
,
provinces Nayaritas, parallelement a la reconstruction identitaire autour de la
,
'-
question temtonale. A partir de la fin du
18'me
siecle, le rapport a l'état en matiere
temtonale s'intensifia et devint inéluctable a partir du 20'mc siecle.
2.1.
i--
La fin des privil2ges des aoldats irontdiers
Suite a la visite d'un envoyé du Vice-Roi en 1689, charge d'établir un rapport sur
I'état des &aires du royaume, les Wixaritari commencerent a se préoccuper de la
protection de leurs temtoires, lorsqu'ils observerent les mesures adoptées par ce
bureaucrate et les répartitions territoriales qu'il concéda a des colons dans la zone
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
55
de Colotlán. Des lors, les demarches destinées a obtenir la reconnaissance des
étendues territoriales se multiplierent. Certaines communautés wixaritari obtinrent
puis perdirent leurs titres de propriété (San Andrés). Parfois, le fait de les presenter
ne leur permettait pas de faire valoir leurs droits (San Antonio de Padua,
Huejuquilla). En ce qui conceme Santa Catarina, cette communauté obtint son titre
de propriété en 1784 (Rojas, 1993 : 106).
Les étendues des temtoires du district de Colotlán étaient relativement
vastes, en raison des avantages obtenus en échange de leur pacification plusieurs
decades auparavant. Les Indiens louaient des terres a des Espagnols qui
observaient jalousement l’étendue des terres wixaritari. Une fois les Coras pacifiés,
c..
.
aux yeux des bureaucrates. les privileges concédés aux Indiens du district de
.,
Colotlán avaient perdu leur raison d’etre (Velázquez, 1961 ; Rojas, 1993 : 112).
,.,..
Par ailleurs, a la fin du 186me siecle se firent maniíestes les premieres
..
,
*-..
. ...
distinctions entre les populations de la Sierra, de San Andrés, Santa Catatina et
San Sebastián, et celles des versants onentaux de San Nicolas, Tenzompa, et La
Soledad. Les premiers parlaient leur langue vernaculaire, faisait commerce du sel,
possédaient beaucoup de bétail et etaient dhabiles archers. Les seconds parlaient
tous espagnol et avaient cessé de shabiller comme ceux de la Sierra (Rojas, 1993 :
113).Le travail missionnaire dans la Sierra avait rendu de maigres fruits : les
Indiens restaient polygames, hostiles a l’entrée d’Espagnols en leurs terres et fideles
a leurs divinités ancestrales. Pourtant les missionnaires avaient mis du coeur
,..-.
.-._
- ou
de la rage - a l’ouvrage, et en 1728,au cours d’une de leurs multiples opérations de
destruction des temples indiens20, ils bnilerent le centre cerémoniel de Tenzompa
qui abritait un cadavre assis dans une chaise cérémonielle (Rojas, 1992 : 73-76).
En conclusion, bien que les Wixaritari aient joui des privileges lies au statut
d’indiens frontaliers, tous n’avaient pas pour autant embrassé l’entreprise
colonide, et en particulier, évangélisatrice. L’évangélisation franciscaine avait
échoué en grande partie et l’obtention du statut d’indiens frontaiiers avait au
contraire contribué a la reconstruction ou au renforcement de l’identité ethnique
(Shadow, 2000(a)).
Bien auparavant, en 1600, un franciscain zélé rapporta avoir détruit 1400 temples et monuments
(Rojas, 1993 : 142).
20
._I
~
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
2.2.
56
Indépendance et libéraiisma : la terre menade
Les événements du
192m~ siécle marquerent profondément l’organisation
géopolitique actuelle des communautés. Deux autres communautés wixaritari,
Guadalupe Ocotán et de Tuxpan, furent créées dans la Sierra. Pendant la révolte
lozadiste, l’état de Jalisco perdit son septiéme canton et l’état de Nayarit fut ainsi
créé. Par ailleurs, la croissance des haciendas contribua a gangrener les terres
communales et est a l’origine des actuels problemes agraires.
I1 est probable qu’un certain nombre de Wixaritari participérent a la guerre
d’indépendance comme miliciens, aiors que d’autres suivirent l’insurgé Indien de
Nayarit nommé Cañas. Les raisons de cette participation sont iiées a leurs
préoccupations, telles que la protection de leurs terres et leur attitude ambivalente
en regard de la présence de franciscains. En 1811 et 1812,un franciscain entra
dans la Sierra pour tenter de calmer les insurgés et, en 1815,les gouvemeurs et
alcaldes des trois communautés de la Sierra signérent un acte d’adhésion au
gouvemement espagnol. Par ailleurs, les communautés de la Sierra servirent
certainement de refuge aux insurgés et autres personnes affectées par la violence
(Rojas, 1993 : 117).
Avec la proclamation de l’indépendance, le district de Colotlán resta inchangé
en termes d’organisation et fut nommé huitiéme canton de l’état de Jalisco. En
1825 fut créé la municipalité de Mezquitic au sein de laquelle furent regroupées les
communautés wixaritari (Robles Romero, 1999: 218). A partir de 1842, les
franciscains, qui avaient quitté la Sierra a l’occasion de la guerre, s’installerent de
nouveau au sein de la mission de San Sebastián. En 1848 un franciscain organisa
un regroupement de natifs originaires de Huajimic et fonda la communauté
wixárika de Guadalupe Ocotán sur les terres occidentales de San Andrés
Cohamiata.
Dans l’état de Jalisco, le démembrement des terres communales21 fut
ordonné dés 1822 et, a la différence des communautés escarpées de la Sierra, ceiies
situées le long de ses versants orientaux reprent de plein fouet la reforme. De 1822
a 1856 les populations de Nostic, Tenzompa, La Soledad et San Nicolás furent
démembrées. Ce ne fut qu’a partir de 1891 que ce procédé affecta réellement la
Sierra. Par ailleurs, durant les années quarante. l’expansion des haciendas affecta
les villages de Mezquitic et de Huejuquilla ainsi que la communauté de San
Le Décret de Cadu fut promulgué avant Ilndépendance et fut repris par les ripublicains. I1 stipuiait
la fm du r W m e de possession communale de la terre au profit de la possession individuek.
21
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
57
Sebastián (haciendas de Tule et Camotlán). Dans ce contexte de gangrene des terres
cultivables, des familles entieres migrerent de facon périodique vers la cote du
Nayarit a la recherche de travail (Rojas, 1993 : 134).
En raison de la pression sur la terre, le mécontentement fut grand et, en
1854, les populations de Tenzompa et de Guadalupe Ocotán répondirent
favorablement aux propositions d’insurrection de Manuel Lozada a l’encontre du
pouvoir central. Néanmoins d’autres appuyerent le gouvemement. La révolte dura
vingt ans et enregistra un premier succes avec la prise de la ville Colotlán par les
lozadistes en 1861. La rébeliion s’étendit au septieme canton de l’état de Jalisco,
c’est-a-dire celui de Tepic, et en 1869 ce canton fut déclaré independant. Le
huitieme canton
de
Jalisco,
Colotlán, insurge
et hors de
controle, fit
momentanément partie de Zacatecas. En 1872 Lozada gouvernait un large temtoire
qui incluait Huejuquilla et Bolatios. Des troupes furent envoyees a Tepic et Colotlán
en 1873 et les chefs miiítaires chercherent i‘appui des Wixaritari. La partie orientale
de la Sierra fut soumise en premier, et, en juillet, Lozada fut capturé et fusilié. La
Sierra
était de nouveau paciiiee. Néanmoins, les problémes de fond restaient
irrésolus et les membres de San Nicolás et de Tenzompa se rebellerent de nouveau,
sans succes. Parallelement, ceux de Guadaiupe Ocotán souffrirent des exigences de
Tepic qui réclamait la possession de leurs terres, de telle sorte qu’une violence
désorganisée et latente perdura dans cette zone durant une dizaine d’années (Ibid,
147). Jusqu’a lheure actuelle, ils nient appartenir a l’état de Nayarit et clament leur
ascendance a San Andrés Cohamiata, Jalisco.
Les lois de la Refoxme rendirent difíkile le travail des franciscains et, aux
alentours de 1861, ils quitterent la mission de San Sebastián et s’instalierent a
Bolatios. La mission passa aux mains du clergé séculier. Néanmoins les lois de
démembrement et de nationalisation des communautés restaient inappliquées.
Le processus commenca en 1882 et les problemes surgirent de suite, a
l’occasion de la reconnaissance des terres de Tenzompa, Nostic, Huejuquilia et
Santa Catarina. Les habitants de Tenzompa tenterent d’inclure des terres de Nostic
et de Santa Catarina au sein des leurs. Par ailleurs, les communautés de la Sierra
ne s’entendirent pas entre elles sur leurs limites respectives, s’accuserent
mutuellement de tentative d’usurpation, s’affronterent et finalement, en 1888, ceux
de Santa Catarina eurent recours au gouvemeur de l’état de Jalisco et solliciterent
sa médiation. Un émissaire fut envoyé pour fmer les limites et émettre des actes.
Par ailleurs, les compagnies chargées du démembrement entrerent dans la zone, ce
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
58
qui provoqua une forte fronde. En 1890, les Indiens eurent de nouveau recours a la
mediation, et, cette fois-ci, elles frent appel au president Poñkio Díaz. Ce demier
recut leurs emissaires a México et demanda le retardement du processus.
Finalement, il semble que les compagnies ne soient pas parvenues a démembrer les
terres des communautés de la Sierra.
En 1885, au sud de la Sierra, une partie des habitants de l’ancien Ostoque
(400 personnes) qui s’étaient instailés parmi ceux de San Sebastián a la fm du
..~...
18emc siecle, déciderent de retoumer vivre aux abords des anciennes terres
d’Ostoque dans un endroit nommé Tuxpan. Des lors, Tuxpan constitua la
cinquieme communauté wixárika de la Sierra.
En plus des problemes précédemment cités, pendant la présidence de Porfkio
Diaz l’entrée d’étrangers en terres wixaritari augmenta et contribua a augmenter la
tension entre Wixaritari, métis et étrangers en général. D’une part, les
communautés devaient payer une contribution annuelle aux autontés de l’état de
Jalisco pour la possession de leur temtoire, un impót predial. Celles qui ne
payerent pas cet impót, comme ce fut le cas de Santa Catarina en 1901 et 1902, se
virent dépossédées de terres, lesquelles furent pnses en gage?’. D’autre part, des
,
A-
minéraux furent découverts dans la communauté de San Sebastián et une
compagnie nord-améncaine s l instaila pour exploiter les ressources minérales.
.,,.
Dans cette mEme communauté, les terres des haciendas de Camoüán et de Tule
furent nationalisées en 1890. Quant aux terres de San Andrés et de Santa Catarina
,.
(Peña Colorada), elles souffnrent des incursions perpétuelles de voisins métis qui
venaient y faire paitre leur betail.
En conclusion, l’ongine des actuels problemes agraires des communautés
,
.-.
s’explique principalement au regard des événements du 19‘m~siecle. A l’aube de la
revolution, les limites des communautés de la Sierra avaient subi les conséquences
de l’expansion des haciendas (Camoüán, Tule, San Juan Capistrano) ainsi que les
~.
tentatives d’appropriation des voisins métis23. Par ailleurs, le démembrement
contribua a la perte définitive de l’appartenance de ceux de Tenzompa, San Nicolás
et Soledad a l’ethnie wixárika.
22
23
I1 s’agit de adeudospredides (Rojas, 1993 : 156 ;Aldana, 2000 : 306).
Une centaine de métis vivaient a San Andrés en 1908 (Ibid : 157).
59
Chapitre 1 : La formation histonque des communautés agraires
2.3.
L’aoinement des C o m m i d r e s des biens communaux
2.3.1.
La h l u t i o n pennet l’uepulsion temporclire des envrrhiueurs
Les Wixaritari ne savaient plus comment organiser la defense de leurs temtoires et,
d’une certaine maniere, la Révolution constitua une opportunité de reprendre le
contróle de la zone. Des 1912 les communautés furent prises dans la spirale de la
violence, laquelle propulsa les envahisseurs a l’extérieur des terres communaies.
D’abord plutót en faveur d’Orozco, a la mort de Madero, les Wixaritari de San
Sebastián appuyerent les Villistas et ceux de San Andrés, le gouvernement. Comme
la violence ne cessait pas, en 1917 le gouverneur de Jalisco ordonna l’envoi de
troupes pour en fmir avec les Villistas, ce qui eut notamment pour conséquence
d’augmenter la violence et de favoriser l’abandon des temtoires par les Indiens.
Au début des années vingt, la lutte pour la récupération des terres reprit, et,
les Wixaritari de San Andrés demanderent la restitucon des terres de I’Hacienda de
San Juan Capistrano en 1921 et ceux de Santa Catarina formulerent une demande
de dotation. Ces demandes resterent sans réponse. I1 n’existait pas de veritable
volonté politique permettant d’outrepasser la jalousie des bureaucrates métis qui
considéraient que les Wixaritari possédaient de grandes extensions de terres
insuffisamment cultivées.
2.3.2.
Et la Sierra sombre de nouwau d m la violence pendant la Guerra
crisUr~l(l926-1938)
Une seconde vague de violence affecta la Sierra a partir de 1926, et de nouveau le
mécontentement des Indiens favorisa leur participation a la guerre civile. Les
reformes constitutionnelles en matiere de culte religieux constituerent une
P
opportunité pour manifester leur désaccord en matiere agraire. Les rebelles furent
emmenés par Juan Bautista, un Wixárika onginaire de San Sebastián. Les hommes
de Bautista volerent et détruisirent de nombreux ranchos, notamment dans la
communauté de Santa Catarina. Ceux de Tuxpan, qui appuyaient le gouvernement
et s’étaient séparés de San Sebastián durant le siecle passé, capturerent et
fusillerent Juan Bautista (Torres, 2000 : 53).
Par ailleurs, de nombreux rebelles entrerent dans la Sierra pour se cacher.
En 1929 le calme revint de faqon momentanée, mais les troubles reprirent avec plus
de violence en 1933. De nouveau, les Indiens abandonnerent leurs temtoires et se
réfugierent en lieu sür, notamment dans les communautés des Indiens Coras.
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
60
2.3.3.k multiplication des démarches aupds das autorit6a rrgrcrires
La guerre civile s'acheva en 1938, et aux environs de 1940 une tranquiliité relative
s'instaila dans la Sierra, soit six ans apres que n'ait commencé la reforme agraire
du President Cardenas. La désolation régnait dans les communautés. En 1940
Santa Catarina obtint la reconnaissance partielle (15 837 Ha#)
des terres qu'elle
réclamait.
Durant les années quarante, la pression des métis de Tenzompa, Mezquitic et
Huejuquilla fut constante : ils faisaient paitre leur bétail et coupaient du bois dans
les terres communales. De plus, ces derniers demanderent la dotation en ejidos sur
des temtoires déja réclamés par les Wixaritari. Pendant cette période, les demandes
présentées aux autorités agraires par les métis et Wixaritari se multiplierent.
Par ailleurs, les conflits de limites entre états voisins perduraient : entre ceux
de Jalisco et de Nayarit et de Jalisco et Zacatecas.
Tab. 1 : Requiter agraire8 de8 communaute8 r i x u i t u i et de ieurr misins
RO]U
'' Has : hectares
(1993 179)
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
61
2.3.4. Les unn/es dnquante :d&esp&mce et violence
Durant les années cinquante, en raison de la multiplication des invasions et de la
difiiculté a obtenir la reconnaissance de leurs temtoires, la violence pénétra de
nouveau dans la Sierra.
En 1947 les terres de Camotlán furent dotées en ejidos25 a des métis. Alors
divisées, les communautés de Tuxpan et de San Sebastián s‘unirent. En 1948,
dirigés par Pedro de Haro, les Indiens demandérent une résolution présidentielle
qui garantirait la reconnaissance de leurs temtoires. Les problemes entre états
compliquérent le processus, néanmoins, apres plusieurs voyages de Pedro de Haro
a Mexico, en 1953, Tuxpan et San Sebastián obtinrent une résolution présidentielle
commune. Or, deux mois plus tard, l’état de Jalisco donna sous forme d’ejidos les
terres de Tule a des métis, amputant ainsi San Sebastián de 4 020 Has (ancienne
Hacienda del Tule). Par ailleurs, la résolution prévoyait que les voisins de Huajimic
installés a Puente Camotian (alors formés en petits propriétaires sur une étendue
de 40 O00 has) aient la possibilité d’obtenir la reconnaissance de leurs droits
agraires. En 1954, les Wixaritari se révoltérent et étaient bien décidés a expulser les
envahisseurs. Les autorités mexicaines empnsonnerent leur leader, Pedro de Haro,
et la violence se propagea alors a toute la Sierra.
Elle rencontra un echo favorable a San Andrés lorsque la Secretaria de
Reforma Agraria26 amputa les terres communales de San Andrés de 23 O00 Has
qu’elle donna aux métis de Tulillo, la Purísima et el Refugio pour former des ejidos.
La presence des métis en terres indiennes s’accrut, et en 1955 l’anthropologue
Fabila recensa 14 242 tétes de bétail appartenant a des métis qui psturaient dans
la Sierra, soit 60% du bétail présent dans la zone (Rojas, 1993:191). En 1959 ceux
de San Sebastián et de Tuxpan lutterent ensemble, armés de fleches, pour expulser
les envahisseurs.
C’est dans ce contexte que Santa Catarina obtint en 1960 une nouvelle
résolution présidentielle. En usant de la force, les Indiens chasserent les
envahisseurs de Tenzompa et de Villa Guerrero qui s’étaient instaiiés a Chonacata
et aux abords de la zone de Nueva Coloniaz7. Cette résolution était néanmoins
partielle et n’incluait pas les 3 007 Has envahis par la famille Nuñez de Tenzompa
25
Parcelle de terre qui est propriété de la nation et dont l’usufruit est concédé a une personne qui ne
ourra pas la transmeme en heritage, la vendre ou la déposer en garantie.
Ministere de la Réforme Agraire
27 Cette colonie fut créée pour éviter une possible invasion future suite a l’wrpulsion des métis. Ce
processus fut renforcé avec l’ouverture d’une clinique et d’un intemat scolaire au début des années
soixante-dix.
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
62
qui y faisait paitre son bétail28. Les invasions continuerent et, durant les années
soixante, une familie d’éleveurs de Villa Guerrero s’installa a Chonacata sur une
extension de 12 200 Has, déboisa et sema du mais et des fourrages (Torres, 2000 :
57).
En 1965, San Andrés et de Guadalupe Ocotán, cette derniere communauté
ayant été fondée sur les terres de la premiére, obtinrent une résolution
présidentielle, néanmoins partielle : San Andrés recut seulement 74 940 Has des
129 O00 Has réclamés29.
En conclusion, dans les années soixante chaque communauté a dispose d’une
résolution présidentielle, néanmoins partielle. Pour répondre aux normes des
institutions mexicaines chargées de la réforme agraire, de nouvelles autorités furent
alors créées, les commissaires des biens communaux, chargées d‘assurer la
mediation entre les intéréts agraires des communautés et les institutions de l’état
mexicain.
Ceux qui
dirigerent la
lutte pour l’obtention des résolutions
présidentielles étaient Pedro de Haro a San Sebastián et hucpan, ainsi que Antonio
Carrillo a Santa Catarina. 11s furent les premiers commissaires des biens
communaux. A ce poste prestigieux, d’une durée de trois ans, ils eurent comme
successeurs d’autres hommes capables de négocier avec les fonctionnaires des
institutions.
2.4.
L’entrée des ONWO et la formation de 1’Union des Communautés
Indighas Huicholes de Jalisco
Les années suivantes furent marquées par le début de la politique indigéniste et les
grands travaux de mise en place d’infrasúuctures, ce durant les présidences de
Echevema et de López Portillo. Néanmoins, les problémes agraires resterent
irrésolus et ce processus s’inversa a partir de 1994. En effet, au cours des années
quatre-vingt, des membres de la société civile développerent un certain nombre
d’actions destinées a favoriser l’autogestion des communautés et participerent a la
lutte pour la récupération des temtoires. En 1991, la création de 1’Union des
Communautés Indiennes Huicholes de Jalisco (UCIHJ) par l’institut National
Ces territoires sont situés aux limites des états de Zacatecas et de Jalisco en désaccord au sujet de
leurs limites respectives.
29 Cette resolution n’inclut par exemple pas les territoires de BMCOS de Calitique, dans I’état de
Durango, isolés au nord des terres communales (Torres, 2000 : 60)
30
Organisation Non Gouvernementale.
28
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
63
Indigéniste (INI) et son appropriation par les communautés favorisa la défense sur
la scéne politique régionale de leurs intéréts agraires.
2.4.1. Stiatégáes der communautis au cours des trente demiSrea annier
Selon Carlos Chavez31, l’un des membres fondateurs de l’association AJAGI32, les
stratégies des communautés wixaritari, dans les années suivant l’obtention des
résolutions présidentielles, connurent trois grandes périodes.
Dans les années soixante-dix, les communautés suivirent l’école de Pedro de
Haro. Elles recherchaient la conciliation en faisant preuve de ténacité et d’une
attitude présidentialiste. En 1975, d i n de réaliser les politiques de grands travaux
(Plan HUICOT et COPLAMAR), fut créé le Conseil Supreme Huichol au sein duque1
se réunirent les trois grands dirigeants agraires des communautés, dont Pedro de
Haro et Antonio Carillo. Selon Negrín33, cité par Torres (2000 : 64), cet organisme
favorisa la lutte entre les dirigeants agraires souhaitant son contróle, un
phénomene qui porta préjudice aux intérets agraires des communautés.
Pendant les années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, la
-.
...
voix politique gouvemementale tenta de réduire les invasions territoriales a des
problemes sociaux, c’est-a-dire a ne pas les reconnaitre comme des violations de
droits. Elles considéraient que seulement 18% des terres de la zone appartenaient
aux Wixaritari et 82% aux propriétaires de bétail. A ce sujet, il est intéressant de
faire référence a l’ouvrage du financier Gonzaiez (1987) de la banque Banco de
Occidente34 pour connaitre les tenants de la politique indigéniste des années
soixante-dix et quatre-vingt. Par le biais de cet organisme de crédit, lequel prétait
des sommes d’argent principalement destinées a financer des projets d’élevage
bovin, 1’iNI achetait le bétail et les installations des ranchos situés dans des zones
en conflit, qu’il revendait ensuite a crédit aux Indiens. De 1976 a 1984, le
processus qui avait débuté dans un rancho de Tuxpan s’étendit a une quinzaine
d’autres lieux de la communauté de San Sebastián, et concemait 88 O00 Has (Ibid :
42). Néanmoins, aucune solution de fond ne fut apportée.
.-.
.~
~~
Entrene entre Carlos Chavez et Francisco Talavera, 2000. Je remercie Francisco Taiavera pour
avoir partagé ces informations.
3:
Asociación Jaiisciense de Apoyo a los Grupos indígenas.
33 Fondateur de la premiere Organisation Non Gouvernementale dans la Sierra, ADESMO A.C.
(Asociación para el Desarrollo Ecológico de la Sierra Madre Occidental).
34 BANRURAL fut créé en 1975 et fut transformé en Banco de Occidente en 1977.
31
.
..__I”
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
-
...
64
Fig. 6 : Etat des invasions territoriales pendant les annóes quatre-vingt
(Negrín, 198524)
Au debut des années quake-vingt-dix, la partie gouvemementaie reprit la
négociation via la mediation de la Commission Nationale des Droits de 1’Homme
~.
65
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
(CNDH). L’anthropologue Arturo Warman était alors a sa tete et eut recours a une
stratégie qui visait a rechercher un consensus entre les parties et qui insistait sur le
partage des informations. Un dossier minutieux fut élaboré et la proposition finale
fut le partage par moitié des terres aux Wixaritari et aux propnétaires de bétail.
En 1990 fut formée l’association MAGI et, en accord avec les autontés des
communautés, ses membres initierent un processus d’assistance jundique des
conflits agraires. 11s diagnostiquerent qu’environ 80 O00 Has de terres communales
étaient envahies (Arcos, 1998 : 22).
En 1994, apres les désillusions passées, le processus s’inversa lorsque la
communauté de San Andrés Cohamiata récupéra les 2 500 Has de terres de Arroyo
Fierro face aux membres de l’ejdo El Refugio, qui prétendaient s’étendre jusqua
San José, et ils furent sommés de payer une amende de 15 O00 pesos. Toutefois,
dans les communautés de Santa Catarina et de San Sebastián, les institutions
continuaient a considérer que la raison de leurs problémes était la location de
terres aux métis et exploitants forestiers. Bien que cette vision générale soit
erronée, dans le cas particulier de Santa Catarina, il s’avéra qu’un commissaire des
biens communaux signa en secret un accord avec les métis de Tenzompa et les
autorisa a faire páturer leur bétail moyennant fmance. En 1993, lorsque les natifs
eurent connaissance de cet accord, l’assemblée sanctionna le responsable et le
destitua de sa charge, ce qui constitua un événement jusque la sans précédent.
En 1996, les membres de la UCIHJ, qui avait été créée en 1991 sous l’impulsion de
I’INI, déciderent de participer a une rencontre avec l’EZLN35, événement qui marqua
un changement radical de la relation entre les communautés et IINI. L’UCIHJ, dont
les représentants étaient les autontés agraires de trois communautés de Jalisco,
devint l’instrument pnvilégié des revendications temtonales. Cette méme année, les
autontés de San Andrés formulérent une requete aupres de 1 ’ 0 I P pour défendre
leur droit a la possession ancestrale des terres de Tierra Blanca. Par ailleurs, la
responsable régionale de I’INI élabora un projet pour établir une reserve de la
biosphere dans la Sierra, l’argument étant que, de cette facon, les terres seraient
protégées. L’INI organisa un rassemblement sur le theme du
e
Développement
durable II a Guadalajara, auquel furent invités des experts, pour présenter les
resultats de l’étude intitulée “Rasgos biofisicos, socioculturales y productivospara el
ordenamiento temtorial de la nación WWáriW et appuyer la proposition de réserve
3s
36
Ejercito Zapatista de Liberación Nacional
Organisation Internationale du Travail.
Chapitre 1 : La formation historique des communautés agraires
66
de la biosphere. A cette occasion, le Procureur des Affaires Indiennes de l’état de
Jalisco, le wixárika Antonio Carrillo, assista sans invitation a cette réunion et
s’indigna du fait que le futur des communautés soit décidé en l’absence de leurs
représentants. Les représentants des communautés écrivirent a I’INI et déclarerent
que I para la cultura occidental los recursos naturales significan bienes que producen
dinero, desde que la cultura occidental gobierna en México se nos han quitado
tierras“37, et ils insisterent sur le fait que les ressources naturelles sont pour eux les
“essences de la vie”. Finalement, le projet fut rejeté, scellant un nouveau type de
relations entre llNI et les communautés. En 1997 un grand regroupement fut
organisé a Mesa del Tirador, Tuxpan de BolaÍios, et un ultimatum fut lancé au
gouvemement de l’état de Jalisco pour que les problemes agraires soient
solutionnés. La tension était a son maximum.
2.4.2.
Lea restitutions de l’année u)(M et les doaaicrs en attente
En 1998, le gouvernement fédérai et celui de l’état de Jalisco declarerent qu’iis
allaient travailler a la recherche d’une solution au probleme agraire de Barranca del
Tule. 11s proposerent d’acheter ces terres aux métis et de les dormer en retour aux
communautés wixaritari.
En janvier
2000, six mois avant les élections
présidentielles et dix mois avant les élections au poste de gouvemeur de l’état de
Jalisco, la communauté de San Sebastián obtint la restitution des territoires de
Barranca del Tule.
Cette meme année, les 3 O00 Has en dispute de la communauté de Santa
Catarina furent récupérés et le depart effectif des envahisseurs eut lieu en octobre
2000. Depuis, les terres de Los Organos ont été peuplées d’indiens qui se
consacrent a l’élevage bovin car ces terres ne sont pas propices aJa culture.
Néanmoins, les terres en dispute restent nombreuses et le confit de Puente
de Camotlán38, situé entre Jalisco et Nayarit, reste sans solution et affecte les
communautés de San Sebastián et de Tuxpan de Boiaños39. En ce qui concerne San
Andrés, les terres objets de litige concement les zones de Bancos de Calitique,
37
u Pour la culture occidentale les ressources naturelles signifient des biens qui produisent de l’argent,
depuis que la culture occidentale gouverne au Mexique on nous a dépossédé de nos terres n
38 Ce dossier conceme plus d’une centaine de petits propriétaires métis.
39 Comme nous i‘avons mentionné auparavant, ces deux communautés possedaient chacune leurs
autontés et étaient hostiles I’une a l’autre avant de s’unir a la fin des années quarante pour obtenu
une resolution présidentielle et préserver leurs territoires. Une fois obtenue cette résolution
presidentielle commune, elles formerent une seule communauté agraire. Néanmoins elles sont
constituées en deux communautés traditionnelles, c’est-a-dire que chacune d’elles dispose d’un
gouvemement traditionnel, l‘une comprise dans la municipalite de Mezquitic (San Sebastián) et l’autre
dans celle de Bolaños (Tuxpan de Bolaños).
*
A
Chapitre 1 : La formation historique des communautes agraires
-67
Tierras Blancas et Santa Rosa, également situées au niveau des frontiéres entre
états.
2.5. La u c d i a a t i o n de l a terre : l a rédaction du atatut commund
L’une des expressions de la sacralisation de la terre, un processus qui a débuté
depuis la
fin
du
176me
siecle, fut la rédaction pendant l’année 2000 d’un statut
communal dans la communauté de Santa Catarina, Tuapurie. Nous pounions
également l’illustrer par d’autres exemples, comme la reconnaissance de certains
sites sacrés wixaritari sous l’impulsion de la lutte des organisations non
gouvernementaies.
En 1998, des personnes de cette communauté se convertirent a l’évangélisme
baptiste. L’année suivante, au cours d’une assemblée communale, il fut décidé que
le Wixárika devenu Pasteur devait occuper une charge du centre cérémoniel
hcki
pour une durée de cinq ans. Devant son refus de coopérer au fonctionnement du
””-
systeme de charges, le gouverneur demanda a ce qu’il soit placé quelques heures au
cep040. En réponse a ce que le Pasteur détenu concut comme une atteinte a sa
.>^l
..,
liberté individuelle de culte, il porta plainte aupres de la Secretaría de
Gobernación41. Un representant de cette institution, les membres du Centre
Coordinateur Indigéniste de Mezquitic et les autorités municipales se déplacerent
,...
dans la communauté en vue d’essayer de réconcilier les parties en conflit. Les
indigénistes proposerent d’organiser au début de l’année 2000 une réunion dans les
locaux de la Présidence municipale.
Au cours de cette réunion, les autorités agraires et traditionnelles
..~X.
i
argumenterent qu’il existe une relation privilégiée entre la terre et les Wixaritari de
telle sorte que chacun est censé coopérer aux activités communales. Elles mirent
l’emphase sur le fait qu’avoir des droits communaux suppose la réaiisation d’un
certain nombre d’activités a caractere coopératif, et notamment celle de porteur de
r...
coupe votive. Les évangélistes refuserent de participer au systeme de charges, mais
proposerent alors de prendre part aux activités du conseil de santé des cliniques du
Ministére de la Santé ou aux travaux de reparation des édifices communautaires
(De la Peña, 2002). Or, pour les autorités indiennes présentes, il était clair que ces
” ”
activités n’ont pas de lien direct avec la tradition qui se fonde sur une relation
40
dl
I1 s’agit d’un endroit qui sert gineralement a dégriser les personnes violentes et alcooiisées
Ministere qui est notamment charge de faire respecter l‘ordre public.
68
Chapitre 1 : La formation historique des communautes agraires
priviiégiée avec le temtoire. I1 fut donc décidé d’étudier cette question durant une
prochaine assemblée.
Les autontés agraires déciderent de recourir a un moyen jundique sans
précédent. Quelques années auparavant, d i n de remplir les obligations légales
prévues par la Loi Agraire, les juristes indigénistes avaient commence a rédiger un
statut communal destiné a étre enregistré au Registre Agraire National (FUN). Les
autorités agraires, avec l’aide des junstes de MAGI, convoquerent plusieurs
réunions préparatoires a une assemblée destinée a élaborer un statut communal a
la facon wixárika. Le statut communal est un document qui établit les droits,
devoirs et sanctions des membres de la communauté agraire comuneros. 11s
l’élaborérent d’un point de vue ethnique et incorporerent a la section relative aux
devoirs des comuneros une liste de l’ensemble des charges a caractere coopératif.
Ainsi, étre porteur de coupe votive n’était pas un acte nreligieux~ mais
a
socioculturel W. Pendant le processus, les junstes de MAGI, puis c e w de l’INI,
vériiiérent la constitutionnalité du document qui fut finalement enregistré aupres
du FUN et accepté.
Au cours d‘une des assemblées de preparation du statut communal, j e
restais tres impressionnée par ce qui se déroulait sous mes yeux : ils étaient en
train de mettre par écnt leurs us et coutumes ! Le statut communal incluait méme
un schéma de l’organisation sociale : gouvernement traditionnel, commissaires,
autorités agraires et les anciens qui présidaient le tout.. . ! De vrais anthropologues !
Cette situation montre a que1 point le temtoire est le fondement du lien social et
que ces hommes et ces femmes, ces chemins, ces arbres, ces parcelies, ces fleuves
sont autant de veines du corps social. Cette identité collective indienne, ce e nous x
que les membres de cette assemblée s’employaient a définir et a mettre par écrit,
c
s’appuie sur une conception sacrée de la terre qui s’est forgée au cours d’ une
longue pénode.
La perspective historique met en évidence cette conception sacralisée du temtoire,
construite dans le cadre de l’interaction des Wixaritari avec d’autres groupes
indiens, les autorités espagnoles, les institutions du Mexique indépendant au cours
des périodes libéraie et post-révolutionnaire ainsi qu’avec les recentes organisations
non gouvemementaies. Durant environ trois siécles, les autorités civiles se sont
chargées de gérer les questions temtonales et d’assurer la médiation avec le
pouvoir central, puis, au cours du siécle passé. fut instituée la fonction de
Chapitre 1 : La formation historique des communautes agraires
69
commissaire des biens communaux, de telle sorte que la relation avec le pouvoir
central et l’état soit devenue inéluctable et ait pris part au processus de
construction identitaire. Par ailleurs, le caractere sacré du temtoire n’est pas
spécifique a l’idéologie wixárika et est généralement attesté dans les sociétés
amérindiennes. Dans le chapitre suivant, nous montrerons que la maniere de
U
vivre le temtoire
n
constitue un marqueur de l’identité qui s’appuie sur des
pratiques quotidiennes. Et nous verrons que les limites des communautés agraires
ne concordent pas forcément avec les confins du temtoire concu comme étant
sacré.
...
.”..
.
x
.
i
-
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
70
Sur les routes de la fortune
Le processus de sacraiisation du temtoire a débuté des l’instauration de nouvelles
autorités civiles indiennes. Celles-ci furent chargées d’assurer la médiation avec la
couronne espagnole et, au nom des membres de leurs communautés, de faire valoir
les droits des Indiens sur leur temtoire. Le 2O‘m~ siecle, a l’instar des deux siecles
qui le précéderent, fut marqué par la lutte pour obtenir la reconnaissance légale des
temtoires indiens et par l’inéluctabilité de la relation avec le pouvoir central.
Cependant, le temtoire au sein duque1 les Indiens vivent, transitent et
travaillent, leur tenitoire uécu, est bien plus vaste que celui des communautés
agraires et s’étend de la cóte de Nayarit a I’état de San Luis Potosi et du sud de
Durango a la ville de Mexico. En effet, les Indiens Wixaritari ne vivent pas reclus
dans des communautés et sont indiscutablement de grands voyageurs qui
sillonnent non seulement la Sierra Madre Occidentale mais aussi les états
alentours. Durant la saison seche, une grande partie de la population migre vers les
zones agricoles ou les centres urbains d i n d’étre employés a la journée ou de
vendre de l’artisanat, de telle sorte que la population wixárika est extrémement
mobile et ne reside pas exclusivement dans les communautés de la Sierra. De plus,
ces temtoires qu’ils traversent et ou ils résident de faqon temporaire, sont
parsemés de lieux de culte o u ils réalisent des échanges avec leurs ancetres déifiés,
c’est-a-dire qu’en des l i e u précis, ils formulent des vaeux de bonne santé et de
prospénté, collectent des eaux sacrées et déposent des offrandes. Certains de ces
l i e u de culte sont plus importants que d’autres - a l’instar du célebre lieu de
pelennage au peyotl, Winkuta, qui est situé pres de Real de Catorce, San Luis
Potosí - et délimitent le temtoire que le groupe ethnique wixárika considere comme
étant sacré. Le temtoire qui est délimité par ces sites sacrés se nomme lciekan
(Liffman, 2002).Le probleme qui se pose alors est de savoir quelles limites du
temtoire, et donc de l’organisation sociale, correspondent aux conceptions et
pratiques indiennes.
Un groupe ethnique se caractérise par une maniere de s’organiser et suppose,
de la part de ses membres, l’existence d’un sentiment d’appartenance et le partage
de certaines valeurs qui different de celles d’autres groupes. Pour Barth, les
relations interethniques, qui se manifestent notamment au cours de la migration,
ne minent pas les valeurs du groupe mais participent aussi a sa consolidation, de
telle sorte que l’isolement ne constitue pas une garantie de la pérénité
..
-
1
.1
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
71
socioculturelle (Barth, 1969). Au contraire, l’identité ethnique se définit dans
l’interaction avec d’autres et la mobilité de la population peut étre un facteur de
cohésion socioculturelle. Bonfil Batalla reprend cette perspective seion iaquelle
l’identité se construit de facon dynamique et considere que le contrdfe des
*-.
ressources cuZture22es joue un role fondamental dans le processus de construction
identitaire. Le temtoire, en tant que ressource culturelle au méme titre que les
._-.
....
”
valeurs ou les savoirs, n’est pas délimité une fois pour toute et ce sont les pratiques
des membres du groupe qui favorisent les processus d’appropnation temtonale, et
en général, de contrdie culture2 (Bonfil, 1987).
Dans le cas des Wixaritari,la dispersion et la mobilité de la population entre
les communautés de la Sierra, les centres urbains et les champs agro-industriels,
,, -.
.
_-
est un phénomene important de par sa magnitude et participation au processus de
construction identitaire. En effet, seule une faible partie de la population native est
sédentaire et réside exclusivement dans les villes ou communautés; dans leur
grande majonté les Wixaritari réalisent des allées et venues constantes entre leurs
différents lieux de résidence. De plus, la mobilité de la population varie en fonction
de la saison.
La migration a pnncipalement lieu au cours de la saison seche et, durant les
pluies, la Sierra est le théátre d’une intense activité agricole. Maigré la diversité des
cadres et des modes de vie, la culture du mais constitue un élément central du
processus de construction de l’identité et de l’espace-temps wixárika. Le
..
qu’il fait
et le
K
“ temps
temps n dans lequel on vit se construit autour de la culture du
mais ; le lien vital et identitaire que les Wixaritari entretiennent avec la terre et le
mak s’exprime notamment au cours de rituels agricoles. C’est une fois la récolte
achevée que de nombreux Wixaritari se rendent dans les états qqi circonscnvent la
I-”
,..
,
.II
Sierra pour travailler comme artisans ou saisonniers et obtenir des ressources
monétaires. Ces déplacements sont aussi l’occasion de visiter des lieux sacrés o u ils
réalisent des offrandes aux ancetres déifiés et collectent des eaux sacrées. Plus
/-
tard, ces eaux sont réunies au cours des rituels agricoles, de teile sorte que ces
pratiques participent a l’expansion et a la contraction du temtoire, ainsi qu’a la
construction du temps et de l’espace wixárika. Ainsi, toute personne qui va et vient,
en se souciant de perpétuer sa relation avec les siens au travers de la terre, prend
part a ce processus d’appropriation temtonale. Les frontieres du culturel, a l’image
des frontieres temtonaies, sont flexibles et incluent tant la production agricole que
1-
‘ _
la vente artisanale et la migration.
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
12
1) Qu’est-ca qu’un gmupe ethnique ?
Avant de parler des Wixaritari et de poser comme axiome qu’ils sont un gmupe
ethnique, il est nécessaire de définir ce concept. Pour Fredrik Barth, au lieu de
chercher a circonscrire la culture pour détenniner quelles sont les limites des
groupes ethniques, mieux vaut s’intéresser aux limites de ceux-ci en termes
d’orghsation et, considérer que la culture est une résultante de celle-ci plut6t
,,.-
qu‘une caracténstique pnmaire. Ainsi, il est possible qu’existent d’importantes
variations culturelles au sein d‘un groupe ethnique sans que cela indique une
future division du groupe. Barth met ainsi en échec les interprétations qui insistent
., .“
sur la persistance des limites a partir d’une conception de l’isolement comme
conséquence des differences raciale et culturelle, du séparatisme social, des
..
barrieres de langage, de l’inimitié organisée ou spontanée (Barth, 1969: 12). Un
groupe ethnique est une forme d’organi’sation sociale et la variable pertinente est
l’auto-affiliation et l’affiiiation par les autres au groupe. Lorsque les acteurs utilisent
les identités ethniques pour s’inscni-e et inscrire les autres, a des fuis d’interaction,
C“
ils forment des groupes ethniques (Ibid : 15).
La perspective que propose Barth ne discrimine pas les Wixaritati qui, du
point de vue de l’anthropologie culturaliste, sont les plus problématiques, les soi,^”
disant Indiens acculturés. Ces demiers seraient ceux qui migrent et les professeurs
bilingues. Barth insiste sur le fait que I’interaction et le contact prolongé avec des
membres d’autres groupes ethniques, porteurs de valeurs culturelles différentes,
n’impliquent pas forcément la perte de l’appartenance ethnique. Bien au contraire :
Las distinciones etnicas categorides no dependen de una ausencia de
moviüdad, contacto o información ; antes bien, implican procesos sociales de
exclusión e incorporación por los cuales son conservadas categorías discretas
apesar de los cambios de participación y afiliación en el curso de las historias
individuales (Ibid : 10)
’
,.,*.
Les distinctions ethniques catégorieües ne dépendent pas d’une absence de
mobiiité, contact o u information ; au contraire eiles impliquent des processus
sociaux d‘exclusion et d‘incorporation par lesquels sont conservées des
catégones discretes rnalgré les changements en termes de participation et
d‘afñliation qui traversent les histoires individueües.
,....
Auteur de critiques formulées envers la politique indigéniste intégrationniste, un
,
.
i
l
k
courant de I’anthropologie mexicaine des années soixante-dix a mis l’emphase sur
le caractére politique du terme de groupe ethnique. Comme Barth, parce que la
,*”
...
culture est en perpétuel changement, Bonfil Batalla (1987) questionne la pertinence
73
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
du critere culturel pour déñnir l’appartenance au groupe ethnique et lui préfere
celui d’exercice du contrdle culturel :
-
I.
Participar significa algo más que tener una cultura o compartirla. significa
U M relación especiñca con esa cultura. Y en tanto la cultura es un
fenómeno colectivo y no individual, significa también una relación específica
con la colectividad, el grupo que es el portador histórico de una determinada
cultura. Es la colectividad que define un “nosotros” distinto de los ‘otros”, a
partir del reconocimiento de una cultura propia diferente. Es una cultura
propia porque el grupo tiene un cierto grado de control sobre los elementos
que la constituyen, es decir, porque tienen la capacidad social de decidir
sobre el uso que se da a los recursos culturales. Esto implica
necesariamente que un grupo culturalmente diferenciado mantiene y genera
proyectos propios, a largo y corto plazos, explícitos o implícitos; particulares,
en función de metas inmediatas, y generales, civilizatorios, en cuyo seno
alcanzan coherencia los proyectos particulares. Es porque existen esos
proyectos que se da la lucha por mantener y acrecentar el control cultural,
que es la única posibilidad de poner en juego los recursos culturales
necesarios para alcanzar metas sociales propias (Ibid, 103-104).
Participer signiñe davantage qu’étre porteur d’une culture et la partager.
Cela signüie une relation spécifique avec cette culture. Et la culture en tant
que phénomene collectif et non pas individuel, signifie aussi une relation
spéciiique avec la collectivité, le groupe qui est porteur historique d’une
culture déterminée. C’est la collectivité qui définit un nous B distinct des
autres *, a partir de la reconnaissance d’une culture propre diaérente. C’est
une culture propre parce le groupe a un certain degré de contróle sur les
éléments qui la constituent, c’est-a-dire, parce qu’il a la capacité sociale de
décider de l’usage qu’il fait des ressources culturelles. Cela implique
nécessairement qu’un groupe culturellement mérencié maintienne et
génére des projets propres, a long et court termes, explicites ou implicites,
particuliers, en fonction d’objectifs immédiats, et généraw, civilisateurs, au
sein desquels les projets particuliers apparaissent cohérents. C’est parce
qu’existent ces projets qu’a lieu la lutte pour maintenir et augmenter le
controle culturel, qui est l’unique possibilité de mettre en jeu les ressources
culturelles nécessaires a la concrétisation d’objectifs sociaux propres.
-
c-.
. ..~
Et cette problematique du controle culhtrel que pose Bonfl est cruciale pour
i
comprendre la situation des Indiens dits acculturés et, plus généralement, celle de
la gestion collective de la circulation des personnes et des ressources dans le
processus de la construction de l’identité wixárika. Dams un contexte de domination
.-
exercée sur les groupes ethniques, notamment au moyen des politiques
.
institutionnelles, les membres de ces groupes ont la faculté de s’approprier certains
éléments culturels de 1’ U autre
n sans
pour autant cesser d’étre indiens. Bonfil cite
l’exemple des systemes de charges civiles et religieuses (ibid: 106) qui font
,.
désormais partie des cultures indiennes, parce que les groupes ethniques ont
..
acquis le contróle de ceux-ci. Les ressources culturelles de 1’ autre x peuvent donc
étre appropnées, c’est-a-dire devenir des ressources culturelles propres, a partir du
moment ou les personnes qui exercent le contróle culturel le font de maniere
74
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
légitime. Les ressources culturelles constituent l’ensemble des éléments d’une
culture qui doivent étre mis en jeu pour définir un projet social et le concrétiser. Par
exemple, pour obtenir la récupération de terres, il peut étre nécessaire de mobiliser
certaines ressources culturelles : connaitre la législation dominante, la langue
officielle, savoir faire des démarches administratives, pouvoir se déplacer en ville,
etc. (Ibid : 107). Ainsi, l’identité ethnique se défuiit dans l’alténté, de faqon
dynamique, et est :
...una ideología que se manifiesta a nivel individual y colectivo, y que
expresa la pertenencia (y la aceptación correspondiente) a un determinado
gnipo étnico, entendido como un conjunto delimitado de individuos que se
reproduce biológica y socialmente, y que participa de un mismo ámbito de
cultura autónoma, es decir, que ejerce en fonna legítima el control sobre el
repertorio de recursos culturales propios (...) Es en el ejercicio de esa cultura
autónoma donde se recrea constantemente el p p o mismo como unidad
étnica diferenciada (Ibid 112).
...une idéologie qui se manifeste au niveau individuel et collectif,qui exprime
l’appartenance (et l’acceptation correspondante) a un groupe ethnique
déterminé, concu comme un ensemble délimité d’individus qui se
reproduisent biologiquement et socialement, et qui participent a une meme
culture autonome, c’est-a-dire, qui exercent de facon légitime un controle
sur le répertoire de se8 ressources culturelles propres (...) C’est par l’exercice
de cette cuiture autonome que se recrée constamment le groupe c o m e
unité ethnique diñérenciée.
Observons dorénavant la complexité du panorama de ceux qui s’auto-Sient
Wixaritari. Que leurs cadres de vie soient multiples et varies, que leurs vaieurs
culturelles soient en mouvement, qu’il existe des distinctions socioéconomiques
entre eux, montre la capacité ethnique, autant dire organisationnelíe, d’exercer le
controle culturel.
a)
2.1
Les W i x u i t u i constituent une population mobile
Mal@
l’amélioration des méthodes de reconsernant, la popuhtion
rix&ika reste diíiicile i
capter
Tous les cinq ans, par le biais de l’institut National de la Statistique (INEGI)l’état
mexicain organise un recensement de population. Face aux difikultés rencontrées
pour disposer de données représentatives des soixante-deux populations indiennes
qui composent cette nation pluriethnique, deux nouveaux criteres ont été employés
au cours des recensements de 1995 et 2000. Au seul critére hguistique
vous une langue indigene ?
x
M
Parlez-
a été ajouté deux autres parametres. Dorénavant le
recensement inclut un cntere d’auto affiliation
u
Etes-vous membre d‘un groupe
75
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
ethnique et lequel ?
u
et prend en compte les enfants de moins de cinq a n dont
~
l’un des parents parle une langue indigene. De plus, en février 2000 l’INEGI a
déployé des moyens humains et logistiques importants et a formé des Wkaritari
lettrés pour réaliser les enquétes dans la zone de la Sierra’.
Les débats autour de la qualité des recensements restent cependant
importantsz. Par exemple, dans le cadre urbain. les personnes interrogées prefkrent
parfois nier leur appartenance ethnique tant la discrimination envers les Indiens est
forte. De plus, bien qu’il existe un format d’enquéte dit
e
développé n destiné a
évaiuer la migration transnationale - qui fut appliqué dans la zone wluárika -, la
migration interne au Mexique n’est pas prise en compte. En 2000, la période de
recensement choisie pour réaliser le recensement coincida avec celle o u les
communautés sont le moins peuplées. En effet, apres la période de récolte du mais,
les travaux agricoles sont suspendus et, a partir du mois de janvier environ, un
nombre important de Wixaritari part travailler sur la cóte du Nayarit dans les
plantations de tabac alors que d’autres se rendent en pelerinage dans l’état de San
Luis Potosí. Par conséquent, a l’occasion de la visite du recenseur, un homme
résidant dans la localité de Keuruwitia de Santa Catarina me confia qu’il évaluait a
environ 600 le nombre de personnes alors absente+.
Bien que les méthodes utilisées par ITNEGI impiiquent que les personnes qui
, .
.
ne sont pas comptées dans leur lieu de résidence le soient dans leur lieu de
destination‘, se pose le probleme de la corrélation entre les l i e u de recensement et
de résidence. Cette question de la mobilité est fondamentale et constitue le ressort
central de notre argument : les Wixaritari forment une population extrémement
mobile. Ce qui est a premiere vue une limite de la méthode de recensement utiiisée
par ITNEGI constitue, apres coup, une indication précieuse, et révele une forme
d’organisation sociale propre au groupe ethnique wixárika. Une premiere anaiyse
des données du recensement en 2000 conforte notre hypothése relative a la
mobilité.
En 2000, la population totale estimée des personnes qui parlent Huichol fut
de 38 020 dont 7 334 enfants &gés de moins cinq ans.
,-
,,.-
Entrevues avec deux fonctionnaires de ITNEGI, a Guadalajara et a Colotlan, Jalisco, en février 2000.
Voir -Las imprecisiones d e s en Itumoí Le- et al. (1995 : 107-109).
3 Journal de terrain du 15 février 2000.
4 Les recenseurs de llNEGl sont censes enregistrer toute personne présente dans leur aire de
recensement.
1
2
76
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Tab. 2 : Population p&t
le Huichol p u 8exe nu Hexiqrie en 2000*
Personnca pulant le Huichol
30 686
&gksde plus de 5 am
Hommes
15 052
Femmes
15 634
E n h t s de moliu de 5 ana dont
7 334
l’un des parents parle le Huichol
Popuiation tot& pulant le HuichoP
38 020
Pres de 36% des personnes parlant le Huichol furent recensées dans l’état de
Jalisco et 55% d a s l’état de Nayarit. Dans les états voisins de Durango et de
,.>.-.
Zacatecas furent comptées respectivement un peu moins de 5% et un peu plus de
1% des personnes declarant parler Huichol. Dans ces quatre états, qui constituent
la vaste région d’origine des Wixaritari, vivrait l’immense majorité de sa population,
..I”.,,
c’est-a-dire pres de 97%.
>-
I,
,..
5 Ce total comptabilise les * personnes parlant Huichol ágées de plus de cinq ans x et les M enfants de
moins de cinq ans dont I’un des parents parle Huichol m. Faire la somme de ces deux populations comme si eües etaient equivalentes- pose néanmoins probleme. En effet, rien ne nous permet de savoir
si les enfants -apes de moins de cinq ans dont l’un des parents parle Huichol- parlent eux-mkmes
Huichol et le parleront a I’avenir. Cependant, au regard des critiques formulées par les ONG et les
anthropologues envers 11NEGI dont les recensements ne permettaient pas de comptabiliser la
population d’enfants indiens ágés de moins de cinq ans, a partir de 2000.ITNEGI décida de prendre en
compte la population infantile indigene via la criation de cette catégorie a enfants dont l’un des
parents parle une langue indigene n. A lheure actueüe seule cette catégorie nous permet d’estimer le
nombre d‘enfants indigenes et c‘est pour cette raison que j’ai opté pour faire la sommc de ces deux
populations, pourtant non équivalentes.
77
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Tab. 3 : Rópartition de la population p u h t Huichol
dan8 les &at. de la fédération mdcc.kie*
w de la rsdérition
TOtd6
Fédération M d c r k i e
38 020 I
35,96%
J&eO
13 671
54,79%
napit
20 831
sous-total
Dur~ngo
90,75%
4,71%
1789
sous-total
DF
96,570A
98
0,26%
Sonora
110
0,29%
sinaloa
130
0,34%
I..
Toutefois, seulement 63% de la population totaie se trouve dans la zone des quatre
communautés agraires de la Sierra de Nayarit et de Jalisco'.
Plus de 9% de la
population vit d a m la capitale de l'état de Nayarit, Tepic, o u a été créé un quartier
wixárika nommé Zitakua. A Guadalajara ont été recensés plus de 500 Wixaritari
,-
(1,40%). I1 y aurait une centaine de Wixaritari a Mexico, ce qui constitue a mon
sens un chiffre faible, soit O, 26% de la population totale. Dans les états de Sinaloa
et de Sonora, ou les exportateurs de légumes emploient la main d'euvre indienne a
bon marché, a été répertonée 0,63% de la population totale wixárika. Au moins
11% de la population vit a Tepic et Guadalajara.
Ce total comptabilise les M personnes parlant Huichol igées de plus de cinq ans s et les e enfants de
moins de cinq ans dont i'un des parents parlent Huichol X.
7 Dans l'état de Jalisco se trouvent les communautés agraires de Santa Catarina Cuexcomatitián, San
Andrés Cohamiata et San Sebastián Teponahuastián. Dans l'état de Nayarit existe une seule
communauté, ceile de Guadalupe Ocotan, qui faisait anciennement partie de San Andrés Cohamiata.
Les municipalités correspondantes sont Mezquitic et Bolaños (Jalisco) ainsi que La Yesca (Nayarit). 11
convient d'ajouter la municipalité de El Nayar, Nayarit, o u vivent des indiens Coras et Huicholes.
6
78
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Tab. 4 : Rbpartition de h popuiatlon p u t n t le Huichol
entre h wne de h Siem et lea grand. centurbahu'
TOWS
Communautá8 de 1. S h m
Putdehpopuhtbn
M.l.pukntHiiichol
Jalisco : Mezquitic et Bolatios
11855
3 1,18%
Nayarit : El Nayar et La Yesca
12 185
32,05%
Totd de 1. w n e S i e m
24 ü40
63,23%
Conurbation de Guadalajara9
53 1
1,4Ooh
Mexico
98
0,26%
4 193
11,03%
D.F.
TOWGrand. Centres Urbp1p.
I
* Source : Censo de Población y Vivienda,2000,INEGI
Plus de 12% des Wixaritari sont repartis dans des villes de moindre
., .-
importance de Nayarit (10Yo)'O et de Jalisco (2,5%)11, de telle sorte que le cadre de
vie d'un quart de la population totale est urbain. A f n d'affiier ces chiffres, il est
,,..I
utile de les comparer avec ceux présentés dans les travaux consacres aux artisans
urbains.
2.2
Une population mobile aux mode. de vie varica
Knab (1981) reaiisa un travail fort pertinent sur les artisans Wixaritari de la ville de
Mexico entre 1973 et 1974. I1 estime qu'un peu moins de 1000 Wixaritari vivaient
r
alors a Mexico, soit dix fois plus que les chiffres avancés trente ans plus tard par
17NEGI. Ce qui caractérise cette population urbaine est sa grande fluctuation
numérique. Sur 400 artisans sur qui il disposait d'une information suffsante,
seulement le dixieme vivait de facon permanente a Mexico. Ces personnes vivaient
depuis au moins trois ans a Mexico et n'avaient pas l'intention de retoumer dans la
Sierra. La majonté de son échantiilon (52%) correspondait a une population semi,,-.
* Ce total inclut les personnes Agces de plus de cinq ans pariant Huichoi et les enfants de moins de
cinq ans dont i'un des deux parents parle Huichoi.
La conurbation de Guadalajara comprend les vilies de Tonala, Tlaquepaque et Zapopan.
10 Ces villes de moindre importance de l'etat de Nayarit qui comptent au moins dix résidents parlant
Huichol sont Santiago, Ixtlán, Compostela, Rosamorada, Ruiz. San Blas, Santa María et Xalisco.
11 Les villes de moindre importance de Jalisco, villes comptant au moins dix résidents pariant Huichol
sont par ordre d'importance Huejuquilla, Villa Guerrero, Puerto Vallarta, Colotlán, Villa Corona, San
Martin Bolaños, Totatiche, Chinaltitin, Hostotipaquilio, El Salto, Cihuatlán et Chapala.
9
Chapitre 2 : Sur les routes de
79
la fortune
permanente, c'est-a-dire qui résidait plus de 6 mois par an a Mexico et voyageait
fréquemment dans la Sierra a l'occasion de fetes et des travaux agrkoles. Les
autres fonnaient un groupe de migrants sporadiques a la recherche de ressources
dans l'attente des travaux agricoles.
Vingt ans plus tard, Guzmán (1998) c o n í i i e la volatilité de la migration
huichole a la capitale et son existence de longue date (années cinquante). Les deux
motifs pnncipaux de la migration sont le manque de ressources vitaies dans la
Sierra et le financement d'une prochaine cérémonie de sacrüice. L'auteur
mentionne l'existence d'au moins six lieux de travail. mais malheureusement ne
fournit pas de données chiffrées.
I1 apparait clairement que les données de I'INEGI sous-estiment largement la
population urbaine wixárika, certainement du fait de son extreme volatiiité. Ce qui
constitue un indicateur précieux : les va-et-vient sont perpétuels. Les cadres de vie
sont donc multiples. I1 y aurait trois cadres de vie, la Sierra, les champs agricoles et
les villes, et trois modes de vie possibles.
lndiens urbains
semi-permanents
I
^"
10%
lndiens nuaux
sédentaires
migrants
53%
Si 63% de la population vivait dans la Sierra au moment du recensement, la
Sierra reste le premier lieu de résidence. La majorité des Indiens ruraux (53%)
,
I
..
,'"-
combine la vie communautaire a la migration agricole et urbaine temporaire
(Indiens ruraux migrants) et une minorité sont sédentaires (10%). Les séjours de
terrain ont été l'occasion de comprendre que cette population indienne rurale ne
sortant pas des communautés (Indiens ruraw sédentaires) est largement féminine
et généralement monolingue. Si je compare le taux de sédentarité rurale estimé a
celui de monoiinguisme féminin, j'obsenre une forte corrélation. Le taux de femmes
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
80
igées de plus de 15 ans qui ne parlent pas espagnol, par rapport a la population
totale qui parle Huichol dans les municipalités de Mezquitic et de Tuxpán, était de
11,61 YO pour l’année 200012. L’image des femmes indiennes sédentaires teiles
qu’elles sont vues par les Indiens urbains m’apparut en miroir au cours d’une fete.
J’essayais alors de moudre du mak a l’aide d’un metate, sous le regard ironique des
femmes, lorsqu’un homme, qui vécut a plusieurs reprises a Durango et Tijuana, dit
a mes spectatrices hilares qu’elles seraient incapables d’utiiiser la licuadora13 le jour
o u elles iraient en ville. I1 opposa l’outil de cuisine de base de la ménagere
mexicaine contre le molcajete et le metate de l’indienne. A cet instant il associa
clairement la vie urbaine avec l’apprentissage technologique.
,.-
Les Indiens, qui resident de facon semi-permanente dans les villes,
combinent leurs activités artisanales avec la participation aux travaux agricoles et
,,.-
.
cérémoniels dans la Sierra. Certains se rendent dans les champs agro-industriels
,.-.
pour y travailler de maniere occasionnelle. Au regard des estimations de Knab selon
.
.’,.“.
lesquelles 10% des familles wixaritari de Mexico y résidaient de facon permanente
en 1973 et 1974, il est possible d’estimer a environ 10% les personnes qui ont fait le
choix de vivre en ville (sédentaires), soit prés de 4000 personnes. La population
,
r
.
.-
urbaine de Tepic et de Guadalajara enregistrée correspond a 11% de la population
totale, ce qui montre la cohérence du propos. Par conséquent 27% de la population
vivrait de facon semi-permanente dans les villes de petite, moyenne et grande taille,
et se rendrait fréquemment dans les communautés de la Skrra.
, .,
Les sédentaires, tant urbains que ruraux, sont donc une minonté. Peut-étre
constitueraient-ils 20% de la population totale, c’est-a-dire les 10% de résidents
.,.
,
permanents des villes et 10% de sédentaires ruraux (16% de la population de la
Sierra) ? Cette population sédentaire est constituée de femmes qui vivent coupées
du monde métis ainsi que des artisans et ouvriers urbains. Le corps de ces demiers
..
.
est généralement plus gros que la moyenne et ces personnes sont souvent dépeintes
par les habitants de la Sierra comme étant de mauvais marcheurs. En effet,
......
.~
l’absence d’activité physique intense favorise la pnse de poids et devient l’une
caractéristique des Indiens urbains vus par les Indiens ruraux. De plus, leur
lexique inclut un grand nombre de mots espagnols qui les différencient a l’heure de
s’expnmer.
...
..,
~.
12 Source : Censo de Población y Vivienda, INEGI, 2000, México. Les données du recensement sont de
9540 personnes qui parlent le Huichol dans les municipalités de Mezquitic et de Bolanos dont 1108
femmes ágées de plus de 15 ans qui ne parlent pas espagnol.
13 La = licuadora m est un appareil de cuisine qui sert a faire les sauces piquantes qui accompagnent
les repas.
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
2.3.
81
La Sierra, les villes et les champs agro-industriels formed le territoire
vócu
Un te1 constat invite a nous interroger sur l’univers hautement pluriethnique dans
lequel sont immergés les Wixaritari. Loin de vivre isolés dans leurs communautés,
dont l’acces est pénible pour les non Indiens et la sortie est relativement aisée pour
ceux-ci, les Wixaritari se fondent dans le monde apparemment métis, et pourtant
pluriethnique, des centres urbains du Mexique. I1 est raisonnable d’estimer que
80% de sa population totale se déplace au moins une fois a l’année pour travaüler,
fmancer une fete et déposer des offrandes. Notons que ces activités sont
dinicilement séparables et qu’il est habitue1 que les Wixaritari migrent pour
travailler et en profitent pour déposer des offrandes, et inversement.
La migration aux Etats-Unis est marginale parmi les W-tari
de Santa
Catarina Cuexcomatitlán, communauté dans laquelle j’ai réalisé mon travail de
terrain. A l’occasion d’un séjour d’une quinzaine de jours a Jésus Maria, Nayarit,
j’ai remarqué que cette attitude differe de celle de leurs voisins Indiens Coras de
l’état de Nayarit.
2.3.1. &s communcrutés de i
a 81-
Les cinq communautés traditionnelles de la Sierra Huichol, c’est-a-dire dotées d’un
gouvernement traditionnel reconnu par les autontés mexicaines, sont réparties
entre les états de Nayarit, Jalisco, Durango et Zacatecas. Les communautés
indiennes se trouvent donc a la jonction de quatre états de la fédération mexicaine
et les limites des espaces de vie ne coincident pas toujours avec les limites
administratives. Ces communautés sont Guadalupe Ocotan (Nayarit), San Andrés
Cohamiata, San Sebastián Teponahuastlán, Tuxpan de Bolaxios et Santa Catarina
Cuexcomatitlán dans l’état de Jalisco. Selon les données du Plan L e m a de
Asistencia
Técnica Operación H u i d de 1966, la supeficie totale est de 4
(Torres, 2000 :72).
107,5 Km2
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
82
Fig. 8 : Locdisation das communautés agraires de l a S i e m Huichol.
I
...
...........
1~“.
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Source :Man Hipinen, I Mapas de la W M h á n k a en Jalism y Mexico, AJAGL 2000
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.,
~
La communauté de Santa Catarina (Tuapune), dans laquelle j’ai réalisé mon travail
...
de terrain, est la troisieme communauté en termes de superficie (767,2Km*).Elie
,.--
est située a l’extréme nord-est de la zone. A l’ouest de celle-ci se trouvent San
Andrés Cohamiata (Tateikie) puis Guadalupe Ocotan (Xatsitsarie), au sud San
,,-.
_.
Sebastián Teponahuastlán (Wautia), qui constitue avec Tuxpán de Bolaños
(Tutsipa) une seule communauté agraire, et, vers l’est et le nord sont situés les
villages a prédominance métisse de Tenzompa, Nostic, Mezquitic et Huejuquilla el
,
Alto.
rl.”.
La communauté traditionnelle de Santa Catarina, ainsi que de celles de San
Andrés et de San Sebastián, appartiennent a la municipalité de Mezquitic. Quant
..
aux habitants de Tuxpán, ils sont membres du municipalité de Bolaños. Ceux de
Guadaiupe Ocotan dependent de La Yesca, Nayarit. Par ailleurs, une quantité
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
importante de Wixaritari vivent dans la municipalité de El Nayar ou
83
ils cohabitent
avec des Indiens Coras et des métis.
2.3.1.1.
Las centres commerciaux et a d m i n i d m ~ sde Maquitic et
Huejuquilla.
Mezquitic est le chef-lieu de la municipalité la plus étendue de Jalisco et la seconde
de par la taille au niveau national. Les principales institutions du village sont la
mairie, l'église, le centre de santé et le centre coordinateur indigéniste (CCI). I1 y a
,. .,
plusieurs dizaines de boutiques et de petits restaurants. Mezquitic a connu un fort
déclin démographique au cours des demieres années et la migration aux Etats-Unis
e*,.
. ..
y est importante. I1 y aurait prés de 2000 personnes originaires du village vivant a
Chicago14.
_-._
Les autontés traditionnelles indiennes se rendent régulierement a la maix-ie
de Mezquitic, notamment en début d'année pour se présenter aux autontés
,f-"
,'"
,-
municipales, et environ une a deux fois par mois pour rencontrer le Maire et son
Secrétaire. Dans chaque communauté, une personne enregistre provisoirement les
naissances et les déces et ceux qui ont besoin d'un acte de naissance doivent se
rendre a la mairie. Par ailleurs, les responsables wixaritari de la realisation des
programmes de llnstitut National Indigéniste (INI) se rendent régulierement au CCI.
Avec le développement des routes qui relient la zone nord-est de la Sierra aux
I-*
-
bourgades métisses, la petite ville de Huejuquilla a connu un essor démographique
et commercial depuis les années quatre-vingt, époque a laquelle fut constmite la
route terrassée qui relie la population de Nueva Colonia, située au nord de Santa
*.--
Catarina, a Huejuquilla, via Tenzompa. Depuis 1994 la localité de Nueva Colonia
est reliée quotidiennement en bus a Huejuquilla et il est possible de faire l'allerretour dans la méme joumée. Du cóté sud-est de la communauté, une route
terrassée relie Pueblo Nuevo a Mezquitic et, une fois par semaine, un bus se rend a
,
!
..
Mezquitic et repart a Pueblo Nuevo le jour suivant. Un troisieme bus a été acheté en
2001 de facon a faciliter le transport vers Mezquitic et Huejuquilla au départ de
Pueblo Nuevo.
~~~
l4
Selon le discours annoncé par le maire le 29 décembre 1999 a I'occasion de la Foire de im d'année.
84
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Fig. 9 : Toponymie des communautés .p;raires rixuitui*
,.*.-.
x
.
r-
I "'"
-.
I-
-
"Source : ñUmoz et al., fl Reflexiones sobre la identidad t!lnica
1995,pp. 52, Guadaia-
Y,
Uniwmdad de Guadalc&lm,
85
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Huejuquilla est une petite ville commerqante ou les WiVantari de Santa
Catarina ont l’habitude de se rendre pour acheter de la noumture, des boissons,
des tissus, des sandales, etc. Sa place centrale est en permanence occupée de
Wixaritari qui vendent de I’artisanat, discutent, boivent un veme, font des courses
...
ou jouent de la musique en groupe. Les trios de musique wiuárika (contrebasse,
violon et chanteur) qui chantent les Comdos de la Sierra sont populaires et font
recette.
Les voitures aux plaques américaines circulent inlassablement dans les rues
de Huejuquilla, et surtout Iors des vacances de Piques et de Noel lorsque les
...
migrants viennent rendre visite a leurs familles. En effet, la migration de
e
l’autre
cóté n y est importante. Depuis Huejuquilla, il est possible de se rendre en bus
,..,I.
it
dans n’importe que1 lieu de la république ainsi qu’aux postes frontieres les plus
importants (Ciudad Juarez, Nuevo Laredo, Tijuana). Les trajets passent par
’
,I..
-.
Fresnillo, dans I’état de Zacatecas, qui se trouve au carrefour de plusieurs grandes
mutes nationales. Par exemple, un voyage a Guadalajara dure 9 heures et a
Zacatecas, la capitale de l’état voisin qui porte le méme nom, requiert 4 heures.
-.
I
Plus de 300 Wixaritari vivent a Huejuquilla, et la plupart sont originaires de Santa
Catarina. 11s y travaillent comme macons ou artisans. Une anthropologue nord-
,. ..
améncaine, mariee puis divorcée d’un wixárika orighaire de Nueva Colonia, a établi
,.
une entrepnse de production d’objets artisanaux vendus aux Etats-Unis. Elle
...
emploie de nombreux Wixaritari qu’elle rémunere a la piece. Par ailleurs, certains
jeunes Wixaritari assistent aux cours du college de Huejuquilla. Enfui, Huejuquilla
.”
dispose d’un hópital, c’est le plus proche de Santa Catarina, et dans certains cas,
les patients sont transférés en ambulance jusqu’a Fresnillo, Zacatecas.
.~.
. ..
,
,.
,
..
2.3.1.2. Les localit& institutionnelles de Pueblo Nuevo et Nueva Colonia
La population totale estiméel5 de la communauté de Santa Catarina est de 2 685
habitants. Le recensement par localité de 1994 indique que 675 personnes vivent
dans la zone de Las Latas, Keuruwitia, qui inclut la localité de Nueva Colonia, soit
un quart de la population totale. I1 existe en effet un important regroupement aux
abords de Nueva Colonia, du fait de la concentration de services en son sein.
..
.,
,.
Nueva Colonia a été créée au début des années soixante-dix lorsque I’INI, qui
coordonnait alors les actions des différentes institutions gouvernementales, y
implanta une clinique et une école primaire dotée d‘un internat. Depuis, la nouvelle
colonie s’est peuplée, une route a été construite ainsi qu’une piste d’attemssage. De
15
Voir Universidad de Guadalajara (1997).
86
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
nombreuses maisons sont regroupées autour de l’agence municipale, de l’école et
de l’intemat, de la clinique, de l’arrét de bus et des boutiques. Au
moins
une
centaine de personnes vivent a Nueva Colonia. De nombreux ranchos sont situés
aux alentours, de telle sorte qu’au moins cinq cents personnes vivent a proximité de
la route et des services.
Pueblo Nuevo se trouve au sud-est de la communauté et cette localité a été
créée selon un procédé identique a celui de Nueva Colonia. En 1994 cette zone
comptait 253 habitants. La seule différence notable avec Nueva Colonia est la plus
faible fréquence des transports et, la présence, une quinzaiiie de jours par mois,
d’un fonctionnaire de I’iNI, le micro regional, dont la fonction est de coordonner les ’
actions de 1’iNI. Depuis l’année 2000, dans la localité de Jukuta, au sud-est de
,”-
_.
Pueblo Nuevo, vivent de facon temporaire la quarantaine de travailleurs de l’aciéne
communautaire, qui sont parfois accompagnés de leurs épouses et enfants. Un
auxiliaire de santé est present pour réaiiser les premiers soins en cas d’accident16.
2.3.1.3. Les ranchos familiarxu
Ces localités institutionnelles sont récentes et, pendant de nombreuses années, la
principale forme dhabitat fut la vie au sein des ranchos familia-
dispersés, ainsi
que l’altemance de résidence entre la saison seche et humide. Bien qu’il soit
nécessaire de considérer le regroupement de la population autour de Nueva Colonia
et de Pueblo Nuevo, ce mode de vie reste prépondérant.
Le tenne génénque de Sierra Huichol regroupe cinq types d’écosystemes
r-
. ”.
décnts par Weigand (1992 : 40-43) et, a des fins de simplification, nous n’en
présenterons que trois. La partie haute et plane correspond a la Sierra et c’est la o u
se trouvent les localités de Nueva Colonia et de Pueblo Nuevo. L’aititude y est
d’environ 2500 metres et les températures sont fraiches. La région naturelle est
,,*.I”,
parsemée de bois (chénes, résineux, etc.), les terres sont planes et permettent
l’usage de la charrue. Pendant la période des pluies, c’est-a-dire de juin a octobre,
le bétail páture dans la Sierra, aux limites de la communauté. Les terres de la
Sierra sont moins fertiles que celles de la zone internédiaire qui constitue aussi la
traditionneile zone dhabitat selon un mode dispersé. L’ensemble du temto&e est
quadnllé de ranchos situés a plusieurs centaines de metres les uns des autres. Les
seuls points de concentration sont les plate-formes naturelles ou ont été éngés les
centres cérémoniels
%kite.
A l’occasion des cérémonies, ils constituent des póles
‘6 Une troisieme locaiité (Cajones], situee a l’ouest de la communauté, dispose d’une école dotée d’un
internat scolaire. Toutefois, a la différence de Nueva Colonia et de Pueblo Nuevo. il n’existe ni clinique
ni réseau routier reliant Cajones a un village métis proche.
87
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
d’attraction de la population dispersée. Dans cette zone, les cultures sont reahsees
a l’aide du baton a fouir dans des champs escarpés. Pendant la &son séche, de
novembre a mai, le bétail páture dans cette zone et, lorsque les semailles
commencent, il est déplacé dans la
Sierra. Afm de le surveiller, pendant quatre
mois une partie de la famille s’installe dans son
w
rancho des pluies
D
. Enfin, la
région naturelle symétrique aux terres planes de la S i m a est celle des canyons. De
profonds précipices strient la région et rendent les trajets longs et pénibles. Ces
lieux sont inhospitaliers, chauds, et inhabités. Cependant, de nombreux l i e w de
culte sont situés dans cette zone. Pendant la pénode des pluies, le niveau des eaux
monte et les rivieres sont parfois intraversables, comme il arrive par exemple a la
riviére Chapalagana qui est la plus importante.
Le caractere accidente du paysage rend dificile la communication par voie
terrestre entre communautés wixaritari. A lheure actuelle, pour tenter de relier les
cammunautes vaisines, il est plus commode de prendre le bus en direction des
bourgades métisses environnantes que de vouloir traverser les canyons successifs.
Quoi qu’il en soit, certaines personnes les traversent d’est en ouest pour se rendre
sur la cote de Nayarit et travailler dans les plantations de tabac. Le irajet a pied,
pour se rendre au premier bus, dure environ sept jours.
Enfin, il y a peu d’eau dans la toute la zone et l’hydrographie varie en
fonction de l’alternance entre saison seche et pluvieuse. Au mois de juin, avec la
chute des pluies, les sources d’eau grossissent et, a partir d’octobre, avec le retour
de la secheresse, leur niveau s’amenuise peu a peu. Les ranchos sont construits
pres des sources et ce sont les femmes qui approvisionnent quotidiennement leur
foyer en eau en portant sur leur tete des réserves d’eau qui pesent jusqu’a 20 kilos,
une táche qu’elles ont appris depuis leur plus jeune age. Bien que quelques
canalisations aient été construites pres des centres cérémoniels et dans les localités
institutionnelles, en général, aller chercher de l’eau implique de marcher et porter
de lourdes charges.
2.3.2. Les centres urbains
La residence dans les centres urbains peut étre sporadique, temporaire ou
definitive. La principaie activité des Indiens en ville consiste a fabriquer et vendre de
l’artisanat. De plus, quelques jeunes Wixaritari se rendent en ville pour étudier,
ainsi, par exemple, en 2000 il y avait moins d’une dizaine d’étudiants wixaritari qui
résidaient a Guadalajara.
x -
---_ __-
-
-^
Chapitre 2
’
88
Sur les routes de la fortune
La principale zone dhabitat urbah permanent est Tepic, Nayarit, et les
Wixaritari qui y sont instailés sont originaires de Nayarit. Les autres destinations et
l i e n de résidence urbahs se trouvent dans les états de Nayarit (Santiago et
alentours), Jalisco (Guadalajara, Puerto Vallarta), Zacatecas (Plateros, Zacatecas) et
la métropole de Mexico.
Le mode d‘habitat urbain est familial (Knab : 1981 ; Guzmán : 1998). Parfois,
plusieurs familles originaires d’une méme communauté partagent une méme
residence. Dans les villes, les Wixaritari ne sont pas regroupés dans un seul
quartier, mis a part dans la colonie wixárika
Zitakua de Tepic.
Elle a été constmite
__.._.
avec l’aide des institutions de l’état de Nayarit a la suite de la création en 1989 de la
. ..
presse hydraulique de Aguamilpa (Nayarit), creation ayant nécessité le déplacement
I
..
de ses habitants (Pacheco, 1999 : 240). Les Indiens urbains qui travaillent comme
artisans arborent leur tenue ethnique, brodee et multicolore, et sont facilement
..”
I,
reconnaissables, a la difference de leurs enfants lorsqu’ils se rendent a l’école, vétus
de leurs uniformes.
/-*.
..
e-
..*
....
2.3.3. Les champs agro-industrials
Les principales destinations de la migration agricole” sont les champs de tabac
situés sur la cóte de Nayarit, la premiere destination migratoire, ahsi que les
exploitations d’avoine de la frange qui s’étend de Colotlán a Tlatenango (Jalisco,
Zacatecas), les vergers de goyaves de Calvillo (Aguascalientes) et les champs de
haricots de Fresnillo (Zacatecas)le.
.I.
La migration agricole wixairika se caracténse par son caractére saisonnier,
son importance numérique et, par la coutume qui est de se rendre a la récolte du
tabac depuis des genérations. Les activités agricoles salariées sont généralement
combinées avec la vente d’artisanat, la production agricole et l’élevage dans la
communauté. Les personnes migrent le plus souvent en famille, c’est-a-dire que les
femmes et les enfants travaillent aussi, et dorment, soit au
/-
..”
sein des exploitations
dans des conditions parfois extrérnement précaires, soit dans une chambre de
location. La convivialité avec les ouvners agricoles métis permet de se tenir informé
des autres sources d’emplois agricoles dans la zone. Souvent, les migrants profitent
*.-
..-. ..
.,,.
aussi du voyage pour se rendre dans les sanctuaires situés en dehors de la Sierra,
17 Les données concernant la migration ont été obtenues au cours de discussions informelles avec des
migrants ainsi qu’avec Francisco Talavera qui effectue une recherche sur la migration wixárika. En
octobre 2000 nous avons visité les champs agricoles (haricots) proches de Fresnillo.
I s Les Wixaritari des communautés de Nayarit travaillent aussi a l’occasion de la récolte du caí@
(Nayarit) et du piment (Jalisco et Nayarit). Communication personnelle Francisco Talavera.
_.
- _." -.-"-.--.--'
,
I
!
Chapitre 2 : Sur les rout-
89
de la fortune
comme par exemple a San Blas, Nayarit, d
i
n de déposer des offrandes et collecter
des eaux sacrées.
I
~
i1
Dans la section suivante, nous verrons que ces visites dans les lieux sacrés
"
"'
qui parsément les chemins et zones de destination des migrants wixaritan
, *
participent a un phénomene plus général de contraction et d'expansion périodique
du temtoire. La construction du temps et de l'espace social, ainsi que la réitération
',
I
du caractere sacré du temtoire, passent par la réalisation de certaines pratiques
. .
rituelles dans les communautés de la Sierra mais aussi dans ce vaste temtoire qui
.. ..
les englobe, leur tem'toire uécu.
,. ."
3) Mobiliti et contróle culture1 du territoire
.. .
3.1.
Dis-moi
u
que1 temps il fait
>I
et je te dirais u
quelle époque on vit
n
A l'époque o u I'INEGI organisa le recensement de la population du Mexique, la
Sierra Huichol était peu peuplée, et dans la communauté de Santa Catarina
..~
,n.
plusieurs centaines de personnes étaient absentes. Un grand nombre d'entre elles
travaülaient dans les champs de tabac sur la cóte du Nayarit, d'autres s'étaient
rendues dans les villes pour vendre leur artisanat, quant aux personnes chargées
.
,,c.
.-
des activités cérémonielles du
tuki de Keuruwitia, elles étaient parties en pelerinage
dans l'état de San Luis Potosí pour déposer des offrandes, collecter du peyotl et
rapporter des eaux sacrées. Les abords du centre cérémoniel de Keuruwitia étaient
.-
vidés de leur population. En effet, une fois la récolte du mais terminée, a partir des
mois de décembre et de janvier, il est temps d'aller travailler hors de la Sierra et de
I,-
gagner de l'argent sonnant et trébuchant pour s'alimenter, acheter du tissu et des
* ..
~
...
,_
.^
~
I
.-
sandales, etc. La saison seche constitue une époque de migration et de pélerinage,
deux activités qui ne sont pas exclusives l'une de l'autre. En effet, nombreux sont
ceux qui vont sur la cóte du Nayarit et qui en profitent pour déposer des offrandes
et rapporter des eaux sacrées des différents lieux de culte qui parsément les
chemins menant aux champs de tabac. Cette situation change radicalement avec
l'arrivée des pluies. Des les mois d'avril et mai, les migrants du tabac et les
résidents urbains semi-permanents retournent peu a peu dans leur communauté et
.
brúlent ieurs parcelles. A l'occasion des premieres chutes de pluie, les paysages
. .,
changent et la terre shabille de son grand manteau vert alors que le bétail reprend
_-
de jolies rondeurs et se délecte des heures durant a manger de lherbe fraiche. Les
..
vaches produisent alors du lait qui est utilisé pour faire un savoureux fromage salé
*-
~..
qui releve la saveur quotidienne des haricots. Mi que le bétail ne mange pas les
90
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
jeunes pousses de mais, il est déplacé vers les parties les plus éloiGées de la
Sierra, a w abords du
rancho des eaux
b,
ou quelques membres de la famille
restent pour les surveiller et aider a mettre bas les vaches du cheptel familial. Les
récits suivants illustrent la maniere dont les localités de la Sierra se vident ou se
gorgent de leur population en fonction du clivage entre périodes seche et pluvieuse.
Au mois de juin 2001, je fus surprise et émerveillée a la fois lorsque je me
rendis a Keuruwitia aiors que les premieres pluies venaient de tomber. Les
paysages étaient magnifiques, les versants étaient couverts d’un beau manteau vert
et les sentiers que j’avais l‘habitude d’emprunter avaient été effacés par les pluies.
_.
.
J’étais venue en bus depuis le village de Huejuquilla et, en l’attendant, j’avais
discuté avec une femme wixárika qui, a ma plus grande surprise, m’avait adressé la
parole en premier... Ce comportement si étonnant de la part d’une femme fit sens
lorsqu’elle me raconta qu’elle travaillait depuis plus de dix ans avec son mari
comme femme artisan dans la ville de Mexico. Elle me confia que
w
maintenant la
vente n’est pas bonne car oü que l’on aüle, il y a quelqu’un qui vend de l’artisanat
/-
(wixárika) a c6té
u
et c’est pourquoi ils avaient décidé de revenir semer dans la
Sierralg. Dans le bus, j’écoutais ce couple parler dans un langage wixárika-espagnol
des plus hétérodoxe. Plus tard j’appris que le commissaire des biens communaux
ne semblait pas décidé a leur concéder un terrain pour semer car il y avait fort
longtemps qu’ils n’avaient pas contribué aux activités communautaires et
notamment cérémonielles.
En arrivant, j’appns qu’au centre cérémoniel avait déja eu lieu la féte des
r”””
..
r-
semailles Namawita NeuCra qui precede ladite activité. Une amie s’y était rendue et
me raconta qu’a la moitié de la nuit eurent lieu des sacrifices bovins. Elle me donna
ainsi une indication Claire sur le caractere d’inversion de ce rite car, au cours de la
saison seche, les sacrifices ont normaiement lieu une fois le soleil-levé ou a la mijoumée. En arrivant dans la localité du centre cérémoniel, j e remarquais une
grande quantité d’allées et venues, un aífairement peu commun et emprunt de
bonne humeur. Jamais j e n’avais vu autant de monde en ce lieu, mis a part a
,-
l’occasion de cérémonies. De loin un homme me reconnut et me saiua de la main. I1
portait sur ses épaules un pulvérisateur de fertilisant. I1 était occupé aux semailles
avec sa famille et s’inquiéta de ne pas m’avoir vu au cours de la fete passée :
Pourquoi ne t’ont-ils pas prévenue ? Tu aurais dú me donner ton téléphone pour
I-
te prevenir D. J’avais négligé le fait que le dendrier des fetes est extrémement
‘9
Journal de terrain du 13 juin 2001.
91
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
flexible, et cette année, la pluie était tombée tot et je n’etais pas anivée a temps
pour participer a la fete.
Je partis pour rendre visite a des amis. Je trouvais leur rancho quasi désert.
Y étaient restées trois jeunes femmes pour surveiller le rancho pendant que les
autres membres de la famille étaient partis plus bas vers le fleuve pour remonter le
bétail : le patriarche, ses deux femmes, ses enfants et l’une de ses soeurs. Plus tard
ils revinrent avec plus de 80 bétes -vaches, mules, chevaux et ines- que les fils
emmenerent au
u
rancho des eaux
I)
le jour suivant, et la derniere épouse du
patriarche y resta pour les garder. Pour cette famille, les semailles pouvaient enfin
commencer.
D’autres familles avaient déja commencé a semer. Je partais rendre visite a
un vieil homme en contrebas du centre céremoniel. En chemin, ]e rencontrais un
pere de famille occupé a préparer un petit lopin autour de sa maison. I1 était
visiblement préoccupé : un de ses jeunes enfants était malade. Bien qu’il ait été
invité a se rendre au Chiapas le 12 et le 13juin, il décida de ne pas y d e r . I1 fallait
préparer la terre et semer, avant l’assemblée, et surtout avant que lherbe ne pousse
trop haut. L’année passée, vers les 22 et 23 juin, il avait assisté a un atelier
organisé dans la communaute wixárika voisine de San Andrés Cohamiata et,
lorsqu’il était revenu chez lui lherbe avait tellement poussé qu’il lui fut tres difficile
de semer. Cette année, la maichance avait frappé plus tót : il avait appns a faire
pousser
des legumes hors saison, une
activité dont il
est fier, mais
malheureusement en mars, il avait gelé de maniere imprévue et le froid avait eu
raison de ses efforts et avait brülé son potager.
Je repris mon chemin et trouvais la maison du vieil homme quasiment vide.
Sa petite-fille m’emmena dans le champ ou son grand-pere était en train de
travailler. Je remarquais que son diabéte l’avait énormément affaibli. Mais il était
loin d’étre seul et je comptais au moins 25 personnes dans le champ. En a h 1 ils
avaient fait brüler les branchages et les herbes seches qu’ils avaient précédemment
coupes. Maintenant ils étaient occupés a ouvrir des sillons a l’aide d’une araire tirée
par un h e , a y déposer les graines de mais, de haricot et de courge, et a traiter le
terrain a l’aide d’un vaporisateur.
Sur le chemin du retour, je croisais un ami chamane et son épouse. 11s
revenaient de leur rancho familial oü l‘homme avait chanté a l’occasion de la fete
des semailles. Puis je rencontrais l’un des musiciens du centre céremoniel. I1 me
raconta qu’il espérait aller vendre son artisanat a Monterrey, Nuevo León, apres les
semailles et revenir travailler au désherbage des champs en aoiit ou en septembre.
92
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Comme il a une charge dans le centre cérémoniel, et que cela implique une grande
I-
disponibiiité, il me confia que c’est le seul moment ou il pouvait vendre son
artisanat et gagner un peu d’argent. Autant de rencontres m’avaient retardées et je
r-
rentrais au rancho -situé a une heure de marche- au pas de course pour avoir le
temps de me laver a la riviere avant que le solei1 ne se couche.
Durant les jours suivants, mon amie sema avec ses trois fdles du ma%
devant sa maison a l’aide d’une longue perche en fer qui fit office de baton a fouk
Wih. Cette année, elle n’allait semer que trés peu de mais car les deux récoltes
précédentes avaient été mauvaises. En 2000 elle avait dépense une grande quantité
d’argent pour acheter des fertilisants et payer le labourage. En 1999, avec son mari.
elle avait semé 3 hectares de mais. Son mari -qui est professeur a l’école de Nueva
Colonia- avait acheté l’engrais, et pour sa part, elle avait payé 1000 pesos pour faire
labourer sa parcelle avec le tracteur de la communauté. Comme la récolte avait et6
tres mauvaise, son mari décida qu‘ils n’allaient plus semer. Mais en 2000 elle sema
quand meme, sans le consulter, dans une petite parcelle que son beau-pere lui
préta. Avec l’argent qu’elle avait gagné en vendant de l’artisanat, elle acheta 700
pesos d’engrais, paya quelqu’un 1000 pesos pour labourer, sillonner et refermer les
sillons. Ce fut moins cher que de louer les services du tracteur : pour labourer,
r-
ouvrír les sillons et les refermer, il faut compter trois tours de tracteur, et pour une
superficie de 3 Has, chacun coüte 900 pesoszo. Malheureusement la récolte fut
relativement mauvaise et son mari lui demanda de ne pas semer a nouveau. Elle
decida de ne pas entrer en conflit avec son mari et se contenta de semer devant
..
chez elle,
juste histoire de goüter au mais tendre
n
dit-elle. Elle projetait de
consacrer les mois d’été a préparer son artisanat d i n d’aller le vendre en ville a
partir du mois de novembre.
Quant a sa mere et a son beau-pere, lorsque je leur rendais visite, ils étaient
occupés avec leurs enfants adolescents et une niece matemelle a semer du mais et
refermer les sillons, a mesure que l‘homme y déposait l’engrais. Ce dernier avait
acheté 400 kilos d’engrais, a 300 pesos les 100 kilos. Cela lui avait coiité cher. Mais
dans la zone plane de la Sierra, si l’on n‘utilise pas d’engrais, les rendements sont
trop faibles, et pour s’assurer que la production soit sufíisante, il faut compter un
sac de 50 kilos par hectare.
,,/
-
Une fois mon séjour dans la communauté achevé, je me rendis a Guadalajara
oÜ
je rencontrais un jeune ami wixárika qui étudie a l’université depuis une année.
Sa famille m’avait chargé de lui donner un message. Je l’avais vu avant de me
I2o
Journal de terrain du 15 mars 2001.
93
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
rendre dans la communauté et il m’avait aiors raconté qu’avec les autres étudiants
wixaritari résidants a Guadalajara, ils allaient semer du m a k dans la zone de la
Barranca de Guadalajara”. A tour de role, ils se relaieraient pour surveiller les
plans de mais. Méme en viile, il ne semble pas étre question de laisser la culture du
mais de coté.
Contrastant avec la pénode seche durant laquelle l’INEGI realisa le
recensement de la population, une époque marquée par la migration et les
pelerinages, il apparait que la pénode qui débute a partir des mois de mai et de juin
sonne le reflux des personnes vers les communautés de la Sierra. Apres la chute
des premieres pluies peuvent commencer les semailles. Les artisans et travailleurs
saisonniers reviennent pour prendre part aux activités agricoles. Le cas du couple
d’artisans de la ville de Mexico met en évidence que pour avoir des droits
communaux il est nécessaire de semer et de participer a des ntuels collectifs avec
régularité. Qui arrete de semer durant un temps long coupe le lien qui l’unit avec
les membres du groupe et risque de perdre ses droits communaux. En plus des
devoirs et des obligations des comuneros, on entrevoit que l’affirmation de l’identite
passe par l’activité de semer du mais, te1 que nous le rappelle l’anecdote des
étudiants universitaires de Guadalajara ou de l’épouse qui resiste a l’idee d’arréter
de semer. Le dénominateur commun a toutes ces situations est la nécessité vitale et
identitaire de perpétuer la relation avec le mais, et son lit, la terre, et affirmer ainsi
son appartenance au groupe.
3.2.
Culture du mais et construction sociale de l’espace-temps
Les efforts réalisés par ces différentes personnes évoquent l’importance de
perpétuer la relation avec le mais, en le semant et en sillonnant la terre, année
apres année, génération apres génération. De plus, ce récit suggére la maniere dont
la vie sociale s’organise autour de l’aitemance entre saisons pluvieuse et séche : la
réalisation d’activités productives et le choix du lieu de résidence varient en
fonction du
11
temps qu’il fait
u,
climat qui a son tour indique
w
le temps durant
lequel on vit a. Ainsi, l’agriculture, l’élevage, la migration rurale ou urbaine sont des
activités complémentaires qui se combinent dans le temps et l’espace autour de la
,
..
culture du mais.
Les Wixaritari sont les cultivateurs du mais aux cinq couleurs, et ils sont
L.
_-,_
aussi connus pour étre de taientueux artisans qui confectionnent de jolis bijoux,
tableaux et autres objets de decoration extremement colorés. Ces deux facettes de
.-
2‘
Journal de terrain du 12 juin 2001
_ _ .- - - -
7
.
I
_
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
94
/r
l’image des Wixaritari suggérent l’interdépendance entre ces activités. Pour les
Wixaritari ruraux, l’agriculture du mais ne permet pas d’assurer leur autosufkance
alimentaire, et, la vente artisanale -ainsi que le commerce et la migration
saisonniere- en sont des activités complémentaires. Du point de vue de ceux qui
resident la plus grande partie de leur temps en ville, c’est la culture du mais qui est
une activité complémentaire de la confection et la vente de pieces artisanales. Mais
le fait que la réalisation de ces différentes activités pendant l’année soit organisée
en fonction de la période de travail agricole dans la Sierra met en évidence
l’importance de la culture du mais dans la construction de l’espace-temps social.
En guise d’introduction, nous mettrons l’accent sur le caractere vital et
@“”.
identitaire que les Wixaritari attribuent a la culture du mais. Or, sachant que les
Wixaritari ne sont pas les seuls Indiens a lui attribuer ce double caractére, nous
centrerons ensuite notre intérét sur la facon dont ils cultivent le mais, c’est-a-dire,
le moment, les techniques, les endroits, les autres activités productives et
I’organisation des groupes de travail. Ce sont ces formes qui distinguent les
>“I
Wixaritari des autres groupes ethniques, y compris des métis.
I -
3.2.1. Les noma.?diminins du mafs
,-.....
Le caractere vital du mais peut étre évoqué de facon fort simple : les galettes de
mais papayhi, accompagnées des haricots m ú m e et du piment cucuri, constituent
le repas quotidien de la grande majorité des Wixaritari. De plus, la production de
mais, combinée avec celíe du haricot et de la courge, est destinée a la seule
consommation familiale et sa vente est relativement rare entre Wixaritari et
inexistante avec les métis.
Quant a son caractere identitaire, il peut étre attesté de maniere aussi
simple: les termes relatifs aux mais sont multiples et varias, tout comme sea
couleurs. Le mais n’est pas seulement jaune ; il peut aussi étre bleu, tacheté, blanc
et violet (ou rouge, ou noir, tout dépend qui le regarde). Le mais a cinq couleurs,
enfm pour les Wixaritari, parce que moi j e vois plus de couleurs qu’eux. Une
anecdote a ce sujet: un jour je commentais a un jeune ami wixárika que l’arc-enciel a sept couleurs. Eh bien lui, il en voyait cinq I Eh bien pour le mais c’est la
9
mEme chose, il a cinq couleurs, parce que le chiffre cinq est celui de la complétude
tant temporelle que spatiaie. Le mais a donc plusieurs couleurs, cinq, et des noms
n’en plus finir. Tout dépend de son stade de croissance, c’est-a-dire du moment de
sa vie : graine itsa, jeune pousse wenima, épi qui s’ouvre tikiema, épi qui a des
cheveux
kipaima, etc. Et une grande partie des noms donnés aux petites faes sont
95
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
les noms du mais. Le mais, dont le nom génénque est 'iku, est une entité féminine,
et par la-méme, est associé a ce qui est aquatique et humide. Pour croitre, les plans
de mais requierent d'étre arrosés d'eau de pluie, et les variétés bleue et rouge-violet
/
'
I
'
nécessitent plus d'eau que les autres et leur grain est plus tendre. De plus, ces
deux variétés s'adaptent mieux aux territoires de la zone internédiaire et sont
semées sur les flancs escarpés a l'aide du baton a fouir Wika.
Fig. 10 : Les diñárents noms du m d s
(Toms, 2000 : 141)
I
""'
I-'
c
I..-'
..
...
96
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Quant au mais jaune, il se seme a I’aide de la charrue dans les terres planes de la
Sierra et certains préferent I’utiliser pour alimenter les animaux domestiqueszz.
Indissociables du mais, les graines de courge et de haricot sont semées avec celles
du mais, et les tiges de haricot grimpent le long de celle du mak, alors que celles de
la courge courent le long du
sol.
3.2.2. Lar culture ratsonniire áu ma&
Le mais se cultive selon deux techniques qui sont employees en fonction des
caracténstiques morphologiques des zones cultivables : le báton a fouir et l’araire
o u le tracteur. Les territoires des communautés sont particulierement accidentés et
zones intermédiaires surplombent les canyons
et sont situées en aval de la partie haute, ou Sierra, qui est formée de plateaux.
Le systeme de culture sur bnilis wika’etsiya a l’aide du báton a fouir wika
traversés par de longs canyons. Les
s’utilise dans les parties escarpees de la zone intermédiaire. Dans les parties hautes
et planes de la Sierra, c’est le systeme de rotation ou a charrue
kwietsananya qui
est en vigueur : les sols y sont labourés et les terres sont utilisées deux ou trois
années consécutives puis laissées en jachére durant un laps de temps équivalent”.
De nouvelies terres cultivables sont générées en coupant des arbres le long des
flans escarpés de la zone intermédiaire. Quant a l’emploi des fertilisants et des
désherbants, il s’est généralisé de la Sierra (260 has) aux lopins des versants
appelés coamiles (416 has).
A cause du caractere accidente du temtoire,
les terres cultivables
représentent moins du quart des terres communales. La surface du champ cultivé
varie de 2 a 5 hectares. En 1994 on comptait 432 producteursg4 a Santa Catarina et
454 en 1996-1997. Remarquons des a présent qu’en 1994, 399 d’entre eux
déclarerent migrer chaque année (92%) et dans leur grande majonté d i n de
travailier dans les champs agricoles de Nayarit durant un a quatre mois (Université
de Guadalajara, 1997 : 28).
La culture du mais est saisonniere et s’organise autour de la chute des
pluies, lesquelles sont attendues a partir de la fin mai ou juin. Les mois precedents
Associé a la charrue et aux animaux domestiques, dont l’origine est atvibuée aux saints
catholiques, le mais jaune est par excellence celui des métis. Notons que cette variété, loin d’étre mise
de coté, appartient au monde wotárika tout comme les métis constituent une partie importante de la
vie sociaie des Wixaritari.
23 Pour une anaiyse detaillée du systeme agricole, des zones écologiques et des groupes de travail
agricole, consulter les travaux de Weigand (1992: 33-104), Torres Contreras (ZOOO), Montoya dam
iturrioz Leza (1995: 241-248) et Anguiano (1994: 161-210).
24 Le terme de producteur est assimilable a celui de comunero c’est-a-dire la personne qui, en quaiité
de cheíde famille, a un droit d’usufruit sur un lopin de terre.
22
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
91
constituent une pénode morte o u la seule activité agricole &portante a réaliser est
le débroussaillage. Elle peut débuter a partir de janvier et consiste a couper des
herbes hautes et arbustes qui sont ensuite éparpillés a méme le sol pour qu’ils
sechent. Au plus tard une vingtaine de jours avant le début attendu des pluies, les
branchages sont brúlés. Ensuite, le bétail est emmené dans les plateaux de la
Sierra, aux limites de la communauté, oü il paturera jusqu’a l’époque de la récolte.
Quelques membres de la famille, le plus souvent les femmes, s’installent pour
quelques mois clans le rancho des eaux n ou résidence de la saison pluvieuse,
pour surneiller le troupeau.
C’est donc au mois de juin que débute le gros du travail agncole avec les
semailles des graines de mais, de haricots et de courges lesquelles sont disposies
dans un méme trou préalablement formé a l’aide du báton a fouir. Ce systeme est le
plus répandu mais aussi le plus valonsé culturellemenF‘. A la fin des mois de
juillet et d’aoüt, ont lieu deux désherbages successifs, lesquels requierent une
grande quantité de main d’ceuvre familiale. Selon Torres Contreras, cette activité
absorbe 70% de la main d’ceuvre nécessaire tout au long du cycle du travail agricole
(Torres, 2000 : 145). A cette occasion, des certaines personnes en profitent pour
rendre des
u
coups de main 2. Finalement, le mais est récolté a partir du mois
dbctobre. Quelques beaux épis de mais sont gardes en prévision des futures
semailles et les autres sont égrainés au cours des mois de novembre et décembre.
Les feuilles qui entourent les épis sont ramassées, puis broyees, et servent a
alimenter le bétail.
Commencent alors la pénode seche et la consommation de la récolte qui ne
permet normalement pas de couvrir l’ensemble des besoins alimentaires annuels de
la famille. Les Wixaritari profitent de cette pénode de mise entre parentheses du
travail agricole intensif pour se consacrer a la réalisation d’autres activités qui leur
permettent d’obtenir des ressources monétaires. 11s confectionnent des pieces
d’artisanat qu’ils vont vendre dans les centres urbains et migrent sur la c6te du
Nayarit pour travailler dans les plantations de tabac. I1 n’est pas rare qu’ils profitent
de ces déplacements pour visiter des sites sacres et y déposer des offrandes,
notamment celui de Aramara a San Blas (Nayarit) ou encore le Tepeyac de la ville de
Mexico.
Quant a l’autre systeme de culture, son cycle est identique. La différence est que les personnes
utilisent soit une charrue tiree par un bauf ou un &ne, soit le iracteur de la communauté qu’eües
louent. Par ailleurs, les terres hautes sont moins fertiles et requierent l‘emploi de fertilisants. Cette
pratique tend a se généraliser a l’ensemble de la zone.
25
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
98
Fig. 11: Cycle nnnuel de. actidtea ploductivU
3.2.3. La compl~mcntaritéentre l’élevage et la production agricole
A la difference de la culture du mais, l’élevage est une activité orientée vers la
commercialisation. L’élevage de bétail, de chévres, de porcs et de poules est
généralisé et complémentaire de la production agricole. Durant la saison seche, le
bétail p5ture librement dans la zone intermédiaire, et, au début de la saison des
pluies, ii est déplacé dans la Sierra. Quant aux autres animaux, ils sont gardés
toute l’année autour des maisons. Durant la période des pluies, le bétaii engraisse
et les vaches produisent du lait qui est utilisé pour faire des fromages, consommés
en famille et parfois vendus a la boutique du coin. Le lait n’est pas consommé CN
car il provúque des diarrhées. En plus du bétail, on compte des volailles, porcs et
chevres. Les volailles sont élevées tant pour leurs ceufs que leur viande. Quant a
l’élevage de porc, tout comme celui des chevres, il s’est développé récemment.
Autrefois, dit-on, la viande de porc était peu prisée p a c e qu’ils s’alimentent
d’excréments. La vocation de la production de chevres est commerciaie et elles sont
vendues aux métis.
99
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
L’élevage de bétail joue un role social important dans la Sierra. En premier
lieu, parce que les sacrifices bovins sont monnaie courante au cours des
.
I
.
cérémonies. C’est pourquoi il est bon d’avoir toujours quelques tétes de bétaii pour
faire face a la nécessité de réaliser un sacrifice. Ainsi la vente de bétail s ’ o r g h s e
”..
principalement autour de cette activité rituelle, et non pas parce que la viande se
consomme au quotidien. Le prix d’un bovin est fonction de son poids, et, pendant
l’année 2000, le prix du kilo était de 13 pesos. Le p r k d’un veau ou jeune taureau
est égal ou supérieur a 2000 pesos pendant la saison séche -parce qu’ils sont plus
maigres- et augmente d’environ 600 a 1000 pesos pendant les pluies. De plus, le
bétail joue un role central dans lhéritage et les bétes sont données en plus grande
quantité aux enfants de la premiere épouse du défunt avec une préférence marquée
,r--
”.
pour les ainés sur les cadets (Weigand, 1992 : 51). Dés leur plus jeune age, les
enfants -et en particulier les ainés- reGoivent de leurs parents une premiere vache.
Le don de bétail de son vivant ou par héritage est a mettre en regard avec la
pratique de sacrifices bovins destinés a favoriser la bonne santé de la descendance.
Sachait que l’élevage bovin, a la différence de la production agricole, est en
....
partie axé vers la commercialisation, il constitue l’une des manifestations de
différenciation sociale. En 1994 le nombre d’éleveurs était de 241 pour 2650 tétes
et, en 1996, le nombre de tétes de bétail était de 2471, soit environ un animal par
,
,
r
.
habitant et plus de trois tétes par
Km’ (Université de Guadalajara,
1997 :46). I1
s’agit donc d’une population bovine importante, ce qui pose probléme, car l’excés de
pgturage épuise les sols. De plus, la répartition des t&es de bétail par habitant est
bien plus disparate que celle énoncée par la moyenne statistique, ainsi quelques
producteurs ont des cheptels importants. Selon Torres, dans la communauté de
,*..
,
*-
Santa Catarina, un seul éleveur possederait 97 tetes, 18 éleveurs auraient de 25 a
57 tétes, et les 222 restants de une a dix tetes. Toutefois, au cours de discussions
informelles, il nota que six personnes auraient au moins 80 tétes (Torres, 2000 :
171).
,
3.2.4. Prandrepart auu activités agrlcoles de Icr familie
.,‘
Notre récit ethnographique introductif montre qu’il existe plusieurs modes de
participation aux taches agricoles : certains travaillent avec la famille étendue qui
,
est organisée autour du patriarche, d’autres viennent aider au désherbage et aux
semailles alors qu’ils résident en ville pendant le reste de l’année, d’autres encore
ne sément que tres peu et certains préferent payer une personne pour effectuer le
labourage plutot que de le réaiiser eux-mémes ou en famille.
4
-4
*,----*
_
.,,
1O0
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Weigand (1992) a réalisé une analyse détaillée relative aux groupes de travail
coopératif dans la communauté voisine de San Sebastián dans les années soixante.
I1 défuit un groupe de travail coopératif comme
u
un groupe qui travaille et agit
ensemble de facon volontaire avec des fins communes. L’activité coopérative est
répie par un organisateur qui agit selon un modele établi d’autonté x (1992 : 36).
,,”-
Bien que les données présentées ne puissent pas constituer une source
e-‘
d’information valable pour rendre compte de la situation actuelle a Santa Catarina,
elles mettent en évidence qu’il existe une tendance a travailler avec la famille
étendue autour de la figure du chef de famille ou leader.
Dans notre cas, notons que la grande quantité de main d’ceuvre que
requiirent certaines activités, comme les semailles et le désherbage, favonse la
prestation et la contre-prestation de services. Soit les services sont payés, comme le
labourage, soit ils sont donnés puis rendus. Citons l’exemple d’un homme qui est
un bnllant chasseur. I1 a par habitude d’étre invité par les membres du centre
cérémoniel de Rawepa pour aller a la chasse au cerf, laquelle précéde toute
cérémonie. A l’occasion du désherbage, ces demiers viennent alors l’aider en
échange des services de chasse qu’il a auparavant rendus. De plus, les jeunes
couples sont lies a leurs familles respectives par un certain nombre d’obligations,
notamment celle d’aider aux táches agricoles. Tant que le couple n’est pas
/-“
consolidé, que les enfants ne sont pas encore nés ou qu’ils sont tres jeunes, le mari
doit travailler dans les champs de son pére et de ses beaux-parents.
I-
Mais surtout, depuis la problématique de la mobilite de la population
wixárika, le fait le plus notable est le retour des migrants ruraux et urbains pour
,--
prendre part aux travaux agricoles. En général, les premiers jouissent d‘un droit
d’usufruit sur un lopin de terre en qualité de comuneros,quant aux seconds, ils
A
viennent grossir les rangs de leur famille au moment ou le travail agricole requiert
plus de main d’ceuvre (semailles et désherbage). La pratique réguliere des activités
agricoles est nécessaire au maintien des droits communaux, de telle sorte que les
personnes qui resident de nombreuses années en dehors de la communauté agraire
peuvent perdre leur droit d’usufruit si elles ont arrété de semer leur lopin. Pour
s’installer de nouveau dans leur communauté, et obtenir de nouveau le droit de
e--
-
,-
P
“
-
cultiver une parcelle, elles devront demander une autonsation au commissaire des
biens communaux.
I1 existe donc une correspondance entre l’alternance des pinodes climatiques
et les modes de vie. D’une facon genérale, durant les pluies, ii existe une tendance a
vivre dans la Sierra et a travailler avec la famille étendue, a produire pour l’auto-
_--_
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
101
consommation et, au cours de la saison seche, a se rendre hors des communautés,
a travailler et produire dans le cadre du marché national en échange de revenus
monétaires, a migrer avec des membres de la famille nucléaire et a se rendre en
pelennage.
..~.
._
3.3.
Expansion et contraction piriodique du territoire
Une fois le travail agricole achevé, de nombreux Wixaritari se rendent dans les états
qui circonscrivent la Sierra pour travailler et obtenir des ressources monétaires. Ces
voyages sont aussi l’occasion de visiter des lieux sacrés ou ils déposent des
offrandes destinées a leurs ancétres et d’ou ils rapportent des eaux sacrées. Plus
tard, ces eaux sont réunies au cours de ntuels agricoles. Cette reunion des eaux,
..-
rapportées de différents endroits du territoire vécu, assure ainsi son expansion et sa
contraction, et participent de la construction du temps et de l’espace wixárika. Et
chaque personne participe a ce processus, a partir du moment ou elle siilonne la
terre, parce qu’elle la séme et par la-méme reitere ses droits communaux, mais
,
surtout parce qu’elle parcouri de nouveau l’ensemble du territoire vécu, selon des
formes particulieres, c’est-a-dire en déposant des offrandes et en collectant des
eaux sacrées.
3.3.1. Migrants et p¿krins de la saison s k h e
Une fois la récolte achevée, la Sierra se vide peu a peu de ses habitants. Les
principales destinations des Wixaritari sont les champs de tabac de Nayarit et les
centres urbains o u ils vont vendre leur artisanat.
Loin d’étre un phénomene récent, l’emploi de la main d’oeuvre Wixaritari
dans les champs de Nayarit date d’au moms un siecle, et avant que n’y soit cultivé
le tabac a grande échelle, les Indiens s’y rendaient a l’occasion de la récolte du
coton. C’est a partir des années trente que Nayarit est devenu le premier centre
(national) producteur de tabac, et a l’heure actuelle, Nayarit produit 88% de la
_<..
production nationale de tabac (Gonzalez, 2000 : 18). I1 existe d’autres lirux ou se
rendent les Wixaritari pour étre employés en tant que travailleurs agricbieu
joumaliers, dans les parcelles de la frange qui va de Colotián a Jerez (états de
Jalisco et de Zacatecas), ou ceux de la goyave a Calvillo dans l’état d’Aguascalientes
ou bien encore ceux du haricot a Fresnillo, Zacatecas”. Cependant, la migration
wixárika y est plus recente et les périodes de travail moins longues. Selon les
26
Dans !a frange qui va de Colotlán a Jerez, la période de travail va d’avri! a ma¡ (Talavera, 2000).
Dans les parcelles de Fresnillo et de Calvillo le travail dure de septembre a octobre.
102
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
données d’une étude commandée par l?NI en 1994, 62,03o‘?
des migrants se
rendaient dans la cóte du Nayarit, 23,36% a Tepic et les 14,61% restaient a
Guadalajara, México et Zacatecas (Torres, 2000 : 237). Ahsi Nayarit reste la
premiere destination des migrants wixaritari.
Te1 que le mentionnent Talavera (2001) et Gonzáiez (2001),la migration
saisonniere des Wixaritari en direction des champs de tabac de Nayarit est un
phénomene complexe. Bien qu’il soit juste de dire qu’ils migrent parce qu’ils ont
besoin de ressources monétaires pour acheter vétements et autres biens, ils le font
depuis des générations, de telle sorte que la migration doit étre considérée comme
intégrée a la culture. La route qui mene des communautés a la cóte du Nayarit,
ainsi qu’au port de San Blas, constitue un temtoire sacré parsemé de l i e u de
culte. Ainsi, les aspects sociaux, économiques et culturels de la migration sont
enchevétrés, eti Gonzalez conclut que la zone de production du tabac représente
une portion de la mémoire collective qui enregistre les ailées et venues depuis des
générations (González, 2001 : 24).
Le processus migratoire se déroule comme suit. A partir des mois de
décembre et de janvier, le chef de famille se rend seul dans les champs de tabac
pour commencer a travailler. Dans la plupart des cas, ses deux premieres semaines
de salaire servent a rembourser des dettes contractées auparavant. Soit il s’agit
c--
.
’,
,”*<_
”
d’un prét que lui concéda son employeur pendant la période des pluies passées, un
échange de bons procédés entre le travailleur et le patron lequel est ainsi assuré de
disposer de la main d’oeuvre requise le moment venu ; soit il s’agit d‘une dette
destinée a frnancer le trajet jusqu’a Nayarit et contractée auprés d’un préteur
wixárika local, généralement un commerqant. Une fois ces dettes remboursées, le
I-
salaire de la semaine suivante sert a fmancer la venue des autres membres de la
*--
-
famille nucléaire, enfants y compns. Dans le rancho de la Sierra ne reste alors que
-
peu de personnes, voire une seule, souvent &gee et dont les services sont rétribués
.~
.-..
,
.
par les migrants a leur retour en avril et mai (Talavera, 2001 : 6).Rappelons que,
sur la route qui mene aux champs de tabac, se trouvent de nombreux l i e u de
culte. Et de nombreux migrants y déposent des offrandes pour étre
u
fortunes x ,
c’est-a-dire pour que tout se passe bien pendant la migration et qu’ils ne tombent
pas malade.
A cette méme pénode, une année sur deux, les membres de la hiérarchie des
centres cérémoniels tulcite se rendent en pelerinage dans l’état de San Luis Potosí.
Ce pelerinage vers l’est de la Sierra constitue le prolongement du chemin de
création mythique. Celui-ci va de l’ouest, depuis la cóte atlantique, vers l’est et
103
Chapitre 2 : Sur les routes de la f o m n e
culmine a Wirikuta, lieu ou le solei1 est apparu pour la premiere fois dans le ciel, et
o u pousse le peyotl. Les pelerins suivent certaines restrictions, notamment
sexuelles, et emportent sur eux du tabac, dont la consommation est interdite aux
femmes jusqu’a ce qu’elles soient ménopausées : le tabac, qui a été créé sur la cóte
du Nayarit, protege notamment contre les désirs charnels. Avant de recolter du
peyotl, chaque pelerin confesse s’il a eu des relations sexuelles non autonsées,
dépose des offrandes et emporte un peu d’eau sacree. Cette eau, qui est consídérée
comme étant semblable a l’eau de 1’Océan Pacifique27, sera utilisée plus tard pour
,..*-
favoriser la croissance du mais, des courges et des haricots au cours de rituels
(Talavera, 2001 : 15). La cote Pacifique et le desert sont les limites du chemin de la
création qui unit l’ouest a l’est. En chacun de ces lieux, les migrants et les peierins
._.
....
vont chercher le &/car¿, c’est-a-dire la vie, la chance ou la fortune, sans que ces
categories puissent étre qualifiées de matérielles ou immaténelles.
La vente d’artisanat est aussi un facteur important de la migration vers les
centres urbains a laquelle prend part un grand nombre de personnes. Tous les
Wixaritari que j’ai connus maitrisent la technique de la perle, cependant avec un
talent inégal, et réalisent ces objets dans leurs moments libres. La production
artisanale s’est généralisee sous l’impulsion de politiques publiques successives.
Elle a d’abord éte encouragée par le Musée des Arts Populaires dans les années
cinquante (Knab, 1981 : 237) et a connu un essor important depuis les années
soixante, conjointement a l’implantation de l’institut National Indigéniste dans les
I--
..
,;-.
...
états de Nayarit et de Jalisco. Les pieces produites, bien qu’elles s’inspkent
toujours d’objets traditionnels”,
ont considérablement évolué en fonction de la
demande nationale et intemationale. Les tableaux de laine multicolores ont cédé la
place aux objets et parures ornées de perles comme les coupes-votives, animaux,
colliers, bracelets et boucles d’oreille. Ces objets sont majoritairement vendus dans
les centres urbains du Mexique et dans quelques villes du sud des Etats-Unis. En
plus de la production individuelle et familiale, un certain nombre de Wixaritari
/.lX
travaillent pour le compte d’une anthropologue nord-américaine installée a
...
Huejuquilla el Alto et de son ex mari, un wixárika qui réside dans la zone de
,-”
production du tabac, a Santiago Ixcuintla, Nayarit. 11s rémunerent a la piece les
artisans et la production de Huejuquilla est vendue aux Etats-Unis. En général,
une ou deux personnes se rendent en ville pour vendre les pieces produites par les
artisans de la famille, et de préférence lorsqu’il n’y a pas de travaux agricoles a
’’ I1 s’agit d’une eau saline.
Les célébres tableaux de laine s’apparentent a un type d’offrandes qui sont destinées aux ancétres.
Les coupelles ornées de perles s’inspirent de coupes votives.
28
“ ..
-u--
104
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
réaliser. Qu’ils se rendent a Guadalajara, Puerto Vdarta, Plateros (Zacatecas), a
Mexico ou en tout autre endroit de la République, il est d’usage que les vendeurs
rapportent avec eux des eaux sacrées collectées en un lieu de culte local. I1 est
d’aiileurs particulierement intéressant d’observer le fleunssement de nouveaux
., “”
.--
l i e u de culte : a Puerto Vallarta%u encore aux abords de Monterrey. Une amie
wix&ika,
qui s’en allait vendre son artisanat, passa d’abord a Mexico pour y
rejoindre des membres de sa famille, et, accompagnée d’une tante residant a
Mexico, elle se rendit a Cancun. A son retour de Cancun, elle emporta de l’eau de
mer de la zone Caraiie, parce que U c’est Aramara
.-
I),
c’est-a-dire la meme chose que
la mer qui se trouve a San Blas, Nayarit. Une fois arrivée a Mexico, elle se rendit au
Tepeyac, pour y déposer des offrandes et emporter avec elle de l’eau de la source
qui coule au pied de la Vierge de Guadalupe. Quelques semaines plus tard elle
utilisa ces eaux a l’occasion d’un rituel de sacrifice.
Ceci montre que les pratiques des migrants s’apparentent a celles de
pelerins. Lorsqu’ils sillonnent le temtoire national, ils ont pour habitude de
,.-.,
demander 4e protection a leurs ancétres déifiés en des iieux de culte éparpillés sur
une vaste zone aux limites flexibles, d m que la u fortune ou la chance leur sourit.
I)
Et cette démarche s’accompagne invariablement de collecte d’eaux sacrées qui
seront ensuite utilisées au cours de ntuels. La ntualisation de la migration montre
une fois de plus qu’elle est partie prenante de la dynamique socioculturelle.
,-
-
Ainsi, la dispersion des hommes le long d’un temtoire extrémement vaste
I-
,
3.3.2. Dispersion des hommes, puis rhnion des c a w s a c d e s
~.
s’accompagne de la collecte d’eaux sacrées qui sont ensuite réunies au cours de
ntuels. Dans ce contexte, les migrants et les pélerins ne font qu’un.
A chacune des étapes du cycle agricole correspond la célébration de ntuels
tant au niveau des lignages que des centres cérémoniels30. L‘un de leurs objectifs
est de contróler la chute des pluies, lesquelles sont représentées comme des
ancétres déifiés féminins. Au cours de ces ntuels, les spécialistes de la médiation
avec les ancetres que sont les chamanes rnara’ahte se chargent de demander aux
ancétres de leur concéder le tukari, c’est-a-dire la vie, la fortune ou bien encore la
chance. Ce t e m e tukari, comme le remarqua en premier le linguiste Grimes,
connote le caractere vital et hasardeux des activités economiques :
,
’-
z9 Rosa Rojas, communication, septembre 2001, Guadalajara.
30
Une description détaillée de ces rituels est donnée dans le chapitre 5
los
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Tüu-kari, a life s, connotes the Huichol’s desire for life, health for the whole
household, and a reliable food supply. s Life is a prominent aspiration,
though a short term one in its realization (1960 :283).
I)
Nu-kan,la vie =, connote I’aspiration des Huicholespour la vie, la santé de
l’ensemble du foyer, et une provision süre de nounitwe. La x vie s est une
aspiration premiere, bien que sa réalisation soit a court teme.
I ”’
,
‘I
,...,
I1 est fort compréhensible que la premiere préoccupation des Wixaritari soit
d’obtenir une bonne récolte, ou encore un beau troupeau, de belles pieces
artisanales qui se vendront bien, en somme étre une personne fortunée, chanceuse.
C’est un véntable échange de bons procédés qui unit les vivants a leurs ancétres, ils
se nounissent mutuellement, les uns de mais et les autres d’offrandes. Les hommes
c-,’
,.
i
recoivent le &kan sous différentes formes, teiles que le pluie qui fait croítre le m&,
ou des visions nienka qui inspirent les artisans, en échange de quoi ils offrent des
offrandes. Par exemple, la Terre Yurianaka apprécie particulierement le sang des
I*’.
sacrifices bovins rnawarixa.
Ce sont les rnara’akate qui orchestrent les operations ntuelles et se chargent
de réaliser les actions les plus délicates, comme celle qui consiste a unir les eaux
sacrées rapportées de différents lieux de cuke situés en dehors des communautés,
a w limites de leur terntoire uécu. En ces nombreux lieux de pelerinage, les
personnes ont échangé avec les ancétres ces eaux sacrees contre des offrandes : des
fleches iRte, des coupes votives xukurite, des tableaux de laine Wauilla, le sang de
cerfs et de taureaux, du chocolat, des cierges katira, etc.
Te1 que nous l’avons mentionné auparavant, les lieux de culte sont
principalement disséminés le long d i m vaste temtoire qui circonscnt la Sierra. Ce
sont soit des grottes, des sources d’eau, des íles ou des montagnes. Les sites les
plus importants se trouvent a Hawarnanaka (Cerro Gordo, Durango), dans la
Sierra a Teakata pres de Tuapune et en différents lieux de la Mesa del N a y s
(Nayarit), a Hararnara (San Blas, Nayarit), a Xapawiyerne (Chapala, Jalisco), a Tat&
Matinien et a Winkuta (Real de Catorce, San Luis Potosí). A ces destinations. il
convient de rajouter le sanctuaire du Tepeyac dams la ville de México oü une source
,’
\
.,..
d’eau coule au pied de la statue de la Vierge de Guadalupe et o u les Wkaritari
déposent des offrandes31.
3’ C’est par exemple le cas lorsqu’un gouvemeur traditionnei rend sa charge au debut &une nouvclie
année civile. Rappelons que ces autorités traditionnelies ont été créées pendant la colonie espagnole
dont le siige se trouvait a Mexico.
. . . ~. “ .......
.
.
1.-1_ .
y
-
-
-I-C_--...-__.
106
Chapitre 2 : Sur les routes de la fornine
Fig. 12 : Orientation g6ographique des limites du territoira
comptant des lie=
de pllerinage
Durango
t
,I-.
.-
,
San Luis Potosi
-,
<,
.-
Jalisco
México
.-”
En septembre 2001 j’assistais a un rituel dit de
N
l’offrande de taureau
n mawarixa
qui consiste en une ultime demande de pluie un mois avant que ne débute la
récolte. Alors que le mara’akame principal unissait les eaux a l’aide de sa fleche
omée de plumes muwieri devant l’autel ouest des ancétres des pluies et de l’océan,
,
il prononca a plusieurs reprises le terme de tukari et mon voisin, qui fut ofiiciant
~.
rituel durant diu ans. me dit :
J’ai été $carero (membre de la hiérarchie du centre céremoniel) pendant dix ans :
Je crois queje peux parler un peu la dessus. J’ai dü sacriñer deux taureaux.
’-
p mara’akame principal (chanteur des pluies) est face
cerf vers le ciel avec ses plumes en disant Tukari]
a l’autel, leve la t&e
de
I-
11va unir les eaux sacrées de tous les l i e u sacrés pour qu’eiies donnent la vie32.
Ce procédé de demande de la vie, de la chance, de la fortune hckari constitue l‘un
des moments cruciaux des rituels agricoles. Et l’union des eaux qui proviennent de
différents l i e u de culte situés a des centaines de kilometres de distance unit le
,..“_
temtoire, les hommes entre eux au travers du territoire, et perpétue sa
sacralisation.
r-.
32
Journal de terrain du 13 septembre 2001.
107
Chapitre 2 : Sur les routes de la fortune
Au cours de ce rituel eurent lieu par la suite plusieurs sacrifices de bureaux.
Leur sang fut déposé dans les champs de mak, en offrande a la teme, et servit
également a oindre des fleches et autres objets rituels qui plus tard seraient
I
déposés -dispersés- dans différents sites sacrés. Tout ceci est fait de telle sorte que
le flux et le reflux des hommes, des eaux et des offrandes ne s'interrompent jamais.
1'"'
,..
i'""
En conclusion, les activites de la période seche et de la penode agricole sont liées.
La tendance a resider en dehors des communautés durant la sécheresse est
fonction du climat et de l'organisation productive, mais également de l'inseriion a la
société mexicaine et au marché. La nécessité croissante d'obtenir des ressources
i
-
monétaires ont vraisemblablement contribué a augmenter la migration vers les
centres urbains. Or sachant que cette mobilité n'est pas un phénoméne récent, et
"..
de plus, si l'on considere que la migration participe de la sacralisation du temtoire,
la distinction entre migrants et pélerins devient floue. Dans ce contexte, la
reproduction du lien qui unit la terre aux Indiens, et les Indiens entre e m , ne se
réalise pas uniquement au travers de la culture du mais, mais aussi via la
ritualisation de leur déplacement sur le temtoire vécu.
Les routes que les Wixaritari empruntent sont des routes sacrées, ils les
parcourent depuis des siecles selon des modalités et pour des raisons néanmoins
l-
différentes. Notre anaiyse relative a la mobilité de la population nous a conduits a
mettre en évidence que le fait de transiter le long de ce vaste temtoire participe a la
r-'
._
permanente appropriation et sacraiisation de celui-ci. Précédemment, nous avions
montré que le temtoire communautaire est un espace de vie sacré dont le
processus de sacralisation a débuté a partir de la fin du 171'me
1'-
siecle.
Cette forte mobilité n'est pas récente et les recherchqs historiques et
archéologiques montrent que les ancétres des Wixaritari avaient lhabitude de
,
'-
I^"-
transiter au sein de ce vaste tenitoire uécu. I1 est particulierement frappant de noter
la forte corrélation qui existe entre les anciennes routes du commerce au long
court, la geographie des sites sacrés et les actuelles routes de pelerinage et de
migration. Cette forte corrélation renforce l'hypothese selon laquelle la mobilité est
,
"I
une forme de vie wluárika qui participe au contróle culture1 du temtoire. Les
anciennes routes du commerce sont aujourdhui des routes qu'empruntent pelerins
1-
et migrants, et les anciens lieux d'échange de biens sont maintenant des sites
sacrés ou les Wixaritaxi se rendent pour deposer des offrandes.
108
Chapitre 3 : Le temtoire au ñi des echauges
Le territoire au fii der &hanger.
Histoire rocioéconomique de l’organisation territoriale aixúilu.
1)
Echanger et dynamique sociale sur la longue période
1.1.
Chercher la fortune nux confins du territoire
Au cours des deux précédents chapitres, dans un premier temps, nous avons
montré de quelle maniere l’identité ethnique wixárika s’est forgée en interaction
avec les autres groupes ethniques de la zone du Nayar et de la Grande
Chichimeque, dans le contexte de la conquéte et de la colonie espagnole. A partir de
,
1..
-
la fin du
171kme
siecle, la conception de leur relation au temtoire a commence a se
modifier dans le sens de sa sacraiisation conjointement a la fin du regne des chefs
guemers et l’ascension de nouvelles autorités civiles médiatrices aupres des
institutions de la vice-royauté. Des lors, la lutte pour la preservation de leurs
n..
,,I
limites communautaires a éte le fü rouge qui donna sens a leurs relations avec les
autres groupes ethniques, espagnols et métis y compris, ainsi qu’a leurs relations
<-’
.
intra-ethniques. En effet, la relation au temtoire, concu comme une entité sacrée,
,
,.-,
fonde le lien social. Dans un deuxieme temps, nous avons montré que les Wixaritd
ne constituent pas un groupe homogene du point de vue de leurs cadres de vie,
néanmoins, iis partagent une pratique qui leur est propre : celle d’aller et de venir
,
constamment au sein d’un vaste temtoire qui dépasse largement les limites des
.
..-
communautés agraires. A la fois indiens paysans, migrants saisonniers et pelerins,
l’alternance des saisons orchestre la succession des habitats, des activités
I_,,
économiques et des rituels collectifs qui les accompagnent. Transitant sans c e s e
sur les routes qui parsement leur tenitoire uécu, ils marchent a la recherche de la
u
fortune m tukari.
Ce t e m e de tukari, qui a des interprétations multiples si l’on tente de le
comprendre a partir du lexique des langues latines, évoque tant la a vie
a
chance I, la
I
I,
la
fortune n et le fait le plus intéressant est qu’ii n’exclut pas
l’acceptation de la u fortune commerciale
w.
Ce dernier fait doit nous mettre la puce
a l’oreille. Marcher sur les chemins de la fortune est une maniere de vivre au sein
d’un temtoire et de concevoir le monde. L’expansion et la contraction périodique du
-.
temtoire, par le va-et-vient au gré des saisons des hommes porteurs d’offrandes et
rapporteurs d’eaux sacrées, efface la distinction conceptuelle entre ce que nous
Chapitre 3 : Le temtoire au fil des echanges
109
appelons la migration et les pelerinages. Ces deux activités itinérantes sont
orientées vers la recherche du tukari. Dans le nord du Mexique, le protecteur des
commerces est Pancho Villa, et dans la boutique, sa photo est disposée sur un
autel, pour que les pieces de monnaie se reproduisent... L'argent, la fortune, a une
origine sacrée et cette conception semble impliquer qu'il fasse appel a un puissant
intercesseur. Dans le cas des Wixaritari, la situation est identique et différente a la
fois de ceiie des commerGants mexicains du nord. Elle est identique en terme de
sacralisation de l'origine de la fortune, et différente quant a la conception du
temtoire qui lui est connexe et joue un role fondamental quant a l'auto-affiliation
au groupe ethniquel.
Nous avons donc remarque la corrélation entre les destinations des pélerins
et des migrants. Le fait est troublant et nous l'avons explicité en terme de
conception relative a la fortune, vie, chance, etc. et en regard avec des pratiques qui
renforcent l'affrliation ethnique. I1 existe aussi une corrélation entre le temtoire au
sein duque1 les ancétres des Wixaritari vivaient, transitaient et commerqaient, et les
actuelles destinations des migrants et des pelerins Wixaritari. Et de plus, a lheure
actueiie, les biens que les Wixaritari offrent a leurs ancétres déifiés, tels que le
chocolat, le se1 et le sang du bétaii, ont autrefois participé d'un systeme d'échange
inter-ethnique, y compris avec les Espagnols. Si l'identité ethnique s'appuie sur une
maniere pariiculiére de vivre et de concevoir le temtoire, se pose alors le probleme
d'expliciter comment a t'elle été construite sur la longue période, en prenant en
consideration les successives situations sociales, économiques et politiques issues
de l'interaction avec d'autres sociétés.
1.2.
Ancienner et nouvelles router des ichanges
Notre hypothese est que les Wixaritari connaissent ce temtoire et le traversent
depuis plusieurs siecles. Cette connaissance des routes de leur temtoire vkcu
constitue un héritage d'anciennes pratiques d'échange et de commerce a longue
distance tant avant que durant la colonie espagnole. De telle sorte que la mobilité
saisonniére de la population, qui va et vient entre les communautés de la Sierra et
les états environnants, est un mode de vie qui puise ses racines dans la pratique
I I1 serait intéressant de discuter si le fait de faire appei a la protection de Pancho Villa, le célebre
leader rtvolutionnaire qui sillonna le nord du Mexique, n'est pas un mode d'auto-affüiation au groupe
dit des Nortetios I.
110
Chapitre 3 : Le temtok au fil des échanges
altemée d’activités agricoles, guemeres et d’échanges au fil des saisons pluvieuse et
séche.
Cette apparente continuité quant a leur maniere de vivre le temtoire ne
s i d l e pas que des changements sociaux, adaptations aux contextes et ruptures
n’aient pas eu lieu. Bien au contraire. Des évenements d’ordre macro, a l’instar des
multiples effets induits par la conquete espagnole (épidémies, exploitation miniere,
congrégation des populations natives, etc.) ont profondément iníluencé la relation
que les Wixaritari entretiennent avec leur temtoire et groupes ethniques voisins. De
I-+-
,-
la méme maniere, les particularités locales ont infiuencé les politiques globales, par
exemple, la dificulté des espagnols a conquérir la Sierra de Nayarit a favonsé la
création d’un statut d’indiens frontaliers exempts du paiement du tribut en échange
de servir la Couronne en tant que miliciens. Ainsi, lorsque la perspective espagnole
/
parle de pacification réalisée a l’aide de privileges et de dons de biens somptuaires,
la perspective indienne peut tout aussi bien conclure a la victoire a partir du
..
moment oü les indiens frontaliers continuerent a vivre comme des guemers qui
scellaient des alliances en échangeant des biens, et entre autres, du bétail qu’ils
requrent et parfois aussi volerent. I1 est fort probable que les sacrifces bovins aient
débuté dés le 161“~ siécle et que le bétail soit apparu aux indiens frontaliers comme
un trophée de guerre.
1.3. Construction identitaire en interaction
De telle sorte que l’identité wixárika s’est construite en fonction des relations que
les anciens Wixaritari entretenaient avec les populations locales, les autorités
espagnoles puis mexicaines. Le fait d’avoir été des soldats de la frontiere a le plus
surement favorisé le renforcement de l’identité ethnique guemere en raison des
privileges concédés aux indiens frontaliers -ne pas payer de tribut, reconnaissance
des territoires indiens, protection d’un Capitaine qui dépendait exclusivement du
Vice-Roi-. Une fois ces privileges abolis, la pression sur la terre augmenta, a partir
de la conquéte du Nayar en 1722 mais surtout a la fin du
18lcmc
siecle. A ectte
époque, alors que les Wixaritari commerpient le sel, échangeaient -et parfois
volaient- du bétaii sur les chemins des Reales de Minas,il est fort probable qu’ils se
<-.
.i
.
-
considéraient encore comme des indiens guemers.
Indiscutablement, les Wixaritari ont su s’adapter aux contextes économiques
et politiques régionaux, et en particulier durant la colonie au développement de
l’exploitation miniere dans le temtoire qui circonscrit leurs communautés actuelles.
111
Chapitre 3 : Le temtoire au iii des échanges
Un fait fondamental pour comprendre le fonctionnement de l’économie locale
durant la colonie est la nécessité des exploitants miniers de se procurer du sel, de
la cire, du cacao, d’élever du bétail, de cultiver des fourrages et d’employer des
porteurs -souvent payés en cacao-. Ces impératives nécessités d’approvisionnement
ont favonsé le commerce et transport du se1 par les Wixaritari.
Mettons en parallele l’économique et le culture1 et observons un fait
saisissant: les deux extrémes du chemin de création mythique des Wixaritari, San
Blas, Nayarit, et Real de Catorce, San Luis Potosi, sont respectivement un lieu de
production de se1 et un ancien
Real
de
Minas. Cette indication ne peut pas nous
laisser indifférent. De plus, deux salines se trouvent sur le chemin de la création
wixárika: celles de San Blas et celles de Salinas, San Luis Potosí, connu sous le
nom de
Tatei Matinien en wixánka, un lieu de passage obligé pour tout pelerin au
peyotl. Ce dernier lieu fut des le 161‘me siecle l’unique lieu d’approvisionnement en
se1 des mines de Fresnillo, Sombrerete, Zacatecas, Mazapil, et parfois méme celles
de Guanajuato. Quant aux salines de San Blas, elles servirent a approvisionner en
se1 les mines de Bolaños a la fui du 181cniesiecle et durant la premiere moitié du
1 9 1 *siecle.
~
Les Wixaritari étaient alors des commerqants de se1 qui se rendaient a
San Blas pour échanger du se1 et ensuite a Bolaños pour le vendre*. C’est a cette
époque, a la fui du 181‘m~siécle, que les espagnols se rendirent compte que la Sierra
de Real de Catorce recelait le précieux métal argenté. L’exploitation miniere y dura
jusqu’en 1905. Enfin, si les salines existaient en nombre réduit, les endroits ou
poussait le peyotl étaient bien plus nombreux et il est donc possible qu’ils aient pu
s’approvisionner en peyotl en différents endroits. De telle sorte que l’on doit
considérer le fait que les routes du peyotl ont pu étre flexibles (Weigand, 2002 : 88).
De nouveau, les perspectives espagnole et indienne se rencontrent et
divergent lorsqu’il est question de leur conception relative au N commerce *. Pour les
espagnols, cette activité était nécessaire au fonctionnement des mines, devait étre
réglementée et permettait de surcroit de percevoir des impots
alcabala. Pour les
indiens, le x commerce )B porte en soi la conception d’alliance et lorsqu’en 1769 il fut
demandé au curé de Huejuquilla Bugarin d’enquéter sur les activités des indiens du
Nayar, une confusion fut omniprésente dans les réponses faites aux questions
posées par les espagnols. Parce que les indiens du Nayar ne souhaitaient pas que
les espagnols pensent que les indiens de la zone étaient allies entre eux -au dela de
leur groupe eihnique- ils répondaient systématiquement qu’ils ne commerqaient
’Ainsi que les Coras du Nayar au 18iéme siecle (Bugarín, 1993)
112
Chapitre 3 : Le t e n i t o h au ñi des échanges
pas, si ce n’est avec les leurs, en troquant. Puis, a la question suivante, iis
reconnaissaient qu’ils se rendaient sur la cote de Nayarit, mais aussi en temtoire
huichol et dans les mines environnantes, pour récolter du sel, le vendre dans les
mines contre des pieces de monnaies et l’échanger contre des mules dans les
haciendas. 11s disposaient d’un seul mot en espagnol, celui de
a
commerce B, pour
parler de situations sociopolitiques différentes qui varient en fonction de la distance
sociale (Sahlins, 1976). En ce sens, Malinowski se trouva dans une situation
similaire quant aux membres de l’anneau du Kula et ii montra que des pratiques
commerciales se réalisaient conjointement aux échanges Kula (Malinowski, 1995).
1.4. Relire l’histoire
Pour comprendre comment les relations sociales inter-ethniques et la relation entre
lhomme et son temtoire se sont modiiiées dans le temps, nous proposons
d’analyser sur la longue période différentes facettes des modalités des échanges
inter-ethniques. I1 s’agit donc dans ce troisieme chapitre de relire l’histoire, que
nous avions déja écrite, a la lueur des échanges. Ce terme doit etre compns dans
son acceptation la plus vaste et peut correspondre a des situations de don, de dette,
d’endettement, de vol, de commerce, d’ailiance, etc.
Nous
proposons
donc
d’organiser
la
démonstration
de
maniere
chronologique, c’est-a-dire que chaque période commencera et s’achevera en un
moment qui marque une rupture significative dans la vie sociale, économique et
politique des ancétres des Wixaritari et des différentes sociétés dominantes avec
lesquelles ils ont interagi. A chacune de ces époques correspondent des sociétés,
des institutions, des biens échangés et des groupes. En présentant de facon
détaillée, mais non exhaustive, les modalités des échanges entre ces différentes
sociétés, dans le cadre de leurs institutions et conceptions, et sur la longue période,
nous espérons montrer de quelle maniére s’est forgée l’organisation socio
-
temtoriale des Wixaritari. Alors, lfmportance de la migration et des pelennages a
lheure actuelle serait a la fois un legs constitué de ruptures et un present qui
admet la flexibilité des limites de l’organisation socio - temtoriale.
2)
Les habitants de l’ipoque classique : mines, guerras et sacrifices
Au cours de la période classiqve, laquelle correspond approximativement au
premier miilénaire de l’ére chrétienne, les différentes sociétés en interaction qui
113
Chapitre 3 : Le temtoire au fil des échanges
occupaient les régions du Nord et de 1’Occident étaient celles de la tradition de
Chalchihuites3 et de Teuchitlán -ou des Tumbas de %o- et plus tardivement, les
sociétés du sud-ouest des actuels Etats-Unis. La société qui dominait alors le
centre du Mexique actuel était Teotihuacan. En ce qui conceme les intermédiations
de l’actuelle Sierra Huichol, les sites archéologiques qui ont fait l’objet de
recherches au cours des demieres décades sont ceux du Cerro del Huistle, a
Huejuquilla el Alto (Hers, 1989, 1992) et du Catión de BolaÍios (Cabrero, 2000 ;
....
Cabrero & López, 2002). A ces deux sites archéologiques il convient d’ajouter les
récentes excavations dans les sites de la tradition de Teuchitlán par l’équipe dirigée
par Phil C. Weigand et de l’équipe d’archéologues de la Cuenca de Sayula d’Otto
Schondube. L’ensemble de ces recherches nous permettent de reconstituer, de
,-
facon partielle, les modes de vie et institutions rectrices de ces daérentes sociétés
ainsi que les routes commercides qui les reliaient.
I1 est important de specifier que cette section dédiée a l’époque classique doit
I“’-
...
.,
étre lue en ayant conscience des insufíisances qu’elle recele. En premier lieu, bien
que I’archéologie apporte des données fondamentales pour tenter de reconstruire
l’histoire des anciens habitants de la zone, il reste néanmoins difticile de détecter
r-
.
l’usage de biens comestibles, a la différence des minéraux qui se conservent mieux.
En second lieu, n’étant pas archéologue, et maigré le minutieu travail
bibliographique réalisé et les discussions que j’ai eues avec des professionnels de
cette discipline, ce travail de reconstruction doit faire I’objet de réserves.
Cependant, j’espére
qu’il contribuera a la discussion entre archéologues,
anthropologues et économistes intéressés par I’étude sur la longue période des
sociétés de l’occident et du nord du Mexique.
I-
-.
i
2.1.
La route qui relit la Sierra et la cóte Pacifique
Les recherches archéologiques et ethnohistoriques de Marie-Areti Hers (1989, 1992)
<
,”.
dans le Cerro del Huistle, a Huejuquilla el Alto, mettent en évidence que les
,-
habitants du Cerro del Huistle ne sont pas les ancétres des actuels Wixaritari (Hers,
1992 : 108-109). Cependant, ses recherches sont fondamentales parce qu’elles
I..
,
montrent que les habitants du premier millénaire enterraient leurs hauts
dignitaires selon la technique funéraire de
*_
,-
d’omements en coquillages puis en turquoise. De plus, la présence de fortifcations,
3
.-
c
htmbas Tiro et qu’ils paraient les défunts
Dans le premier chapitre nous avons établi que la forteresse de la Quemada appartient a cette
tradition.
114
Chapitre 3 : te temtoire au íii des échanges
d‘un proto Chac-Moo1 et d’un
Tzompantli atteste
qu’ils institutionnaliserent la
guerre et les sacrifices de pnsonniers a partir de 500 de notre ere4.
Les omements funéraires étaient constitués de coquillages marins originaires
de la cóte du Pacifique, ce qui atteste d’un intense commerce entre la zone de la
Sierra et la région cotiere5, et de turquoise qui provenait de la zone de Chaichihuites
au nord (Hers, 1992 : 105). Olguín renforce cette hypothese de contact ancien entre
I. I
la Sierra et la cote Pacifique en raison de la présence dams le Cerro del Huistle d’un
gastéropode qui existe seulement dans la vallée de Banderas, Nayarit, le Persicula
bnndera, et qui a été daté au Carbone 14 de 300 avant notre ere (Oiguin, 19% :
211). Novella (1995 : 101) appuie l’hypothese du caractere somptuaire de l’usage
des coquiliages a des tins funéraires et souligne qu’ils etaient d’autant plus
somptuaires qu’ils provenaient de contrées éloignées.
De plus, la présence de fortifications, d’un proto Chac-Moo1 et la découverte
Tzompantli, c’est-a-dire un aiignement de cránes devant un centre cérémoniel,
semblable aux posténeurs Tzompantli des sociétés du centre du Mexique du
d’un
Postclassique, indiquent l’institutionnaiisation de la guerre fleune dans cette région
a partir de la seconde moitié du millénaire ainsi que I’ongine nord-occidentaie, ou
tolteque-chichimeque, des cultures du
,-.
centre du Mexique (Hers,
1989).
Indiscutablement, les pnsonniers de guerre, doivent etre considérés comme ayant
été partie prenante des échanges entre des sociétés regionales qui guerroyaient,
&si
qu’entre les guemers et leur divinité alliée, Tezcatlipoca, une alliance
renouvelée par le sacrifice des pnsonniers. Ces guerres avaient un caractere vital et
sacre et favonserent la cohésion socioculturelle régionale. Hers rejette l’origine
économique de ces guerres et, pour renforcer son argument, elle montre que
,-
lorsque la guerre n’avait pas encore été sacralisée, durant la premiere phase, les
habitants du Cerro del Huistle disposaient a profusion d’un produit exotique, les
?-
coquiiiages marins, aiors que par la suite, une fois les vaieurs militaires accentuées,
iis resterent relativement isolés de la circulation de ce produit (Hers, 1989 : 97).
c-
Pour sa part, Weigand considere que les guerres endémiques entre les populations
du nord, lesquelles précéderent de mille ans celies avec les espagnols, étaient la
_.”.
4
,.-.
r-
L‘existence de fortification est contemporaine au premier miüénaire. L’exemple le plus fameux est la
forteresse de La Quemada, Zacatecas, et les sociétés de la tradition de Chalchihuites et de Cerro del
Huistie sont des exemples similaires, bien que de moindre envergure.
5
Les enterrements les plus anciens présentent peu d’ornements funeraires élaborés avec des
coquillages, alors que durant la seconde période de la phase dite Canutillo, les vétements des défunts
attestaient dkne grande richesse et d‘une variété incroyable, ce qui démontre qu’il y eut une courte
période durant laquelíe les habitants de la sierra etablirent d’intenses relations, directes ou indirectes,
avec un ou divers centres de production de coquillages de la cote du Pacifique (Hers, 1989 : 49).
Chapiire 3 : Le temtoire au ñ1des échanges
115
conséquence d’affrontements pour l’obtention de ressources stratégiques entre
groupes méso-américains et de la frontiere nord et, de plus, ces affrontements
constituaient des chocs culturels (Weigand, 2002 : 77). Nous optons plutót pour
comprendre la guerre comme une institution et un facteur de cohésion sociale, telie
que la présente Marie-Areti Hers, d’autant plus si l’on considere que ces guerres
sporadiques incluaient le sacrifice de prisonniers, une pratique rituelle qui dénote
du pacte -ou de l’alliance- avec un ancétre déiíié de la guerre.
I-
2.2.
Les minéraux pricieux de l’époque classique: l a turquoiae et
l’obsidienne.
L’autre grande institution régionale fut celle de l’exploitation miniére et du
+-
commerce a longue distance de minéraux précieux : l’obsidienne mais surtout la
turquoise. Nous parlerons peu de l’obsidienne qui sexvait a faire des fleches et des
outüs pour couper des peaux animales, entre autres utüisationse.
La société du Cañón de Bolaños s’étendait de Valparaiso a Bolaños. Elie était
située a mi-chemin entre le complexe minier de Chalchihuites -et son centre
cérémoniel d’Alta Vista- au nord et la société de Magdalena de la tradition de
Teuchitlán au sud. Sa situation géographique privilégiée explique pourquoi cette
société fut relativement florissante (Cabrero et López, 2002). Les habitants de
,-.
__
J
-
-.,
Chalchihuites étaient intéressés par l’acquisition de coquillages marims et
d’obsidienne, alors que ceux du centre de Jalisco montraient un grand intérét pour
les pierres bleues-vertes (turquoise) et lhématite qu’extrayaient leurs voisins du
nord (Ibid : 22).Les membres de la société hiérarchisée de la société du Cañón de
Bolaños, instaüés le long d’un fleuve d’orientation nord-sud qui était surplombé par
f-”
des plate-formes habitées lesquelles jouissaient d’un point de vuehprenable sur le
fleuve, apporterent a ce reseau d’échanges la production artisanale d’omements
funéraires de coquillages, un bien de distribution différentielle : les coquillages
marins étaient destinés aux gouverneurs et les fluviaux aux élites (Ibid : 21 1- 212).
Mais ce qui intéressait avant tout les sociétés dominantes locales était l’acquisition
de minéraux précieux tels que la turquoise et l’obsidienne.
La turquoise a été l’un des biens les plus appréciés dans toute la MésoAmérique. Ce terme inclut tous les types de pierres bleues-vertes et la turquoise
6
Un point mériterait néanmoins d’étre exploré : l’obsidienne polie servait a faire des petits miroirs
circulaires (Catherine Liot, Communication personnelle). I1 serait intéressant d’établir un pardele
avec l’usage actuel de petits miroirs circulaires par les charnanes et pelerins au peyotl wixaritari.
116
Chapitre 3 : Le temtoh au ñi des échanges
chimique (Cabrero, 2000 : 24). I1 est possible que ce bien soit apparu en Mésoh é r i q u e avant le développement de la culture de Chalchihuites, cependant ses
membres en furent les premiers exploitants miniers et commerqants et
l’introduirent en grande quantité a la structure commerciale méso-améncaine
(Weigand, 1995 : 121). Le complexe de Chalchihuites fut le plus grand complexe
minier de Méso-Amenque (Ibid : 118). Les Chalchihuitenses obtenaient une partie
de la turquoise chimique de gisements éloignés de leurs centres d’extraction, situés
.*
,--
dans les actuels états de Zacatecas, San Luis Potosi et Coahuila, bien qu’elle était
de moindre qualité (Ibid : 120). Lorsque la demande de turquoise augmenta, de
nouvelles zone miniéres furent ouvertes dans le nord du Mexique, a Paquimé dans
l’état de Chihuahua, et dans le sud-ouest des Etats-Unis ou habitaient les groupes
Hohokam et Anasazi, a Cemllos dans l’actuel Nouveau Mexique (Ibid : 125). De telle
sorte qu’il exista une seule structure commerciale qui incluait le nord-ouest du
Mexique au sud-ouest des Etats-Unis et au reste de la Méso-Amérique (Ibid : 124).
Durant la période Classique, la route de la turquoise passait par le Cañón de
Bolaños et Huejuquilla. La présence de turquoise dans les complexes funeraires y
apparait en abondance a partir du 6lime siecle (Hers, 1992 : 106). I1 est probable que
ce bien devint alors plus convoité que les coquillages marins dont le plus grand
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usage fut détecté pour la pénode qui va de O a 300 de notre ere.
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I1 est particulierement intéressant de remarquer qu’au 161‘mC siecle, alors que
plusieurs siecles avaient passé, un franciscain espagnol dénommé Fray Marco de
Niza fut surpris par la connaissance que les populations du nord avaient des routes
qui conduisaient au sud des Etats-Unis7. Ce voyageur conta que beaucoup de
personnes circulaient sur cette route et se rendaient tres loin pour s’approvisionner
en turquoise et en cuirs, entre autres biens :
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Estos hombres conocían perfectamente la geografía de todos los lugares que
debían recorrer, es decir, que contrariamente a la idea de presentar al Norte
como una zona intransitable, uno se extraxia al leer estos episodios de cómo
los caminos eran muy conocidos y transitados (Carot, 2000: 106).
Ces h o m e s connaissaient parfaitement la géographie des l i e u qu’ils
devaient parcourir, c’est-a-dire, que contrairement a l’idée selon laqueüe le
nord est une zone iníranchissable, on s’étonne de lire ces épisodes qui
montrent que les chemins étaient bien COMUS et largement empruntés.
Si bien que les anciens habitants de cette zone disposaient d’une ample
connaissance, et ce depuis des époques antérieures, de l’espace physique et de la
’ La route reiiait Cuiiacán a Cíbola, Nuevo México
Chapitre 3 : Le iemtoire au fil des échanges
117
géographie. 11s partaient en voyage en sachant quels étaient les points de référence
et lieux indiqués pour manger et dormir en chemin (Ibid: 107).
C’est pourquoi nous considérons que la connaissance des anciennes routes
du commerce a longue distance fait partie du patrimoine culture1 dont, d’une
maniere ou d’une autre, hériterent les habitants posténeurs de la zone de la Sierra,
de la cóte du Pacifique voire méme ceux de la zone semi-désertique située a l’est.
,,.
/
Voyager loin, pour se procurer des biens et réaliser des alliances le long des routes
de circulation des biens, n’est pas une pratique récente et l’hypothese selon laquelle
les Wixaritari ont hénté de ces pratiques régionales et de cette connaissance sociotemtonale peut étre appuyée par ces recherches archéologiquese.
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,<”.
2.3.
Le se1 :un bien fondamentai de production bautement localis&
I1 existe un bien comestible qui depuis l’époque préhispanique jusqu’a la colonie, a
été doté d’un caractere stratégique en raison de l’impéneuse nécessité de se le
procurer pour conserver les aliments et, durant la colonie, pour exploiter les
gisements d’argent: le sel.
Les archéologues des sites qui circonscnvent la Sierra ont fait l‘hypothese
que le se1 est un bien qui a circulé dans la zone. Les habitants du C&Ón de
Bolaños auraient obtenu le se1 au moyen de l’échange et, la particularité du se1 en
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cornparaison avec les autres biens comestibles, est qu’il n’aurait pas circulé dans
les deux sens. Etant inexistant dans la zone de Bolaños, il aurait été obtenu via
l’échange depuis les deux salines alors connues : au sud dans la Cuenca de Sayula,
Jalisco, ou a l’est dans l’état de San Luis Potosí (Cabrero et López, 2002: 21 1). Nous
ne possédons pas de données quant a l’exploitation saline préhispanique dans la
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région de San Luis Potosí9, rnais seulement durant la colonip, cependant les
données sont plus nombreuses quant a la Cuenca de Sayula.
Des lors le niveau de production de se1 y fut massif, au moins de 300 a 900
de notre ere (Williams, 2001: 179-180). La technique de production saline la plus
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commune était la cuisson, a différence de la période coloniale o u l’augmentation de
la demande favorisa l’emploi de la technique par évaporation solaire. L’obtention de
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sei par cuisson, que se soit par filtration ou évaporation, requérait l’utilisation de
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Weigand a lui aussi formule cette hypothese et considere que les ancetres des Wixaritasi ont
sürement et6 affectés par les anciennes sociétes minieres en raison de l‘ampleur des contacts et des
influences cuiturelles et sociales issues du commerce a longue distance (Weigand, 2002 : 82).
C’est pourquoi ii faudrait soumeme a I’épreuve I’hypothese suivante : si les groupeo qui participaient
du systerne d‘échanges dominé par les habitants de la Vailee de Malpaso -site de la Quemadas’approvisionnaienten sei a Salinas, San Luis Potosi.
118
Chapitre 3 : Le temtoire au ñi des échanges
jarres en terre cuite (Reyes, 1995: 152). Durant la période seche, l'accumulation de
se1 soluble associée a un indice élevé d'évaporation favorise la concentration et la
précipitation de minéraux salés dans les sédiments superfkiels de la plagelo. Se
forment alors différentes strates de sel, qui peut étre extrait selon des temps de
décantation et de concentration adaptes et de l'utilisation requise (Liot, 1995: 9).
Bien qu'ii semble que la Cuenca de Sayula ait été relativement abandonnée durant
le Postclassique, les Relations Géographiques du 16i"e
siecle mentionnent que les
Purépechas s5 approvisionnait en se1 et confectionnaient du pain de se1 (Ibid: 11).
2.4.
L'dternance saisonni&n des activités : gum, commerce et agriculture
Les demieres indications relatives au caractere saisonnier de la production saline
sont fondamentaies. En effet, au dela de cette activité productive, l'organisation
socio - temtoriale des habitants de I'époque classique du Cerro del Huistle était elie
aussi fondée sur une duaiité entre période pluvieuse et période seche. Et cette
corrélation n'est pas fortuite. Le se1 ne fut pas le nerf de la guerre mais une activite
commerciale qui s'exercait en temps de guerre, c'est-a-dire, durant la saison seche.
Les habitants du Cerro del Huistle ne se contentaient pas de guerroyer et de
commercer avec les populations de la cóte Pacifique, ils étaient aussi des
agriculteurs. La guerre favorisait la cohésion de la zone, sans qu'un groupe domine
les autres, et ne s'exercait que durant la période seche, a la difíérence de la période
pluvieuse qui était pacifique et consacrée a l'agriculture. En observant les différents
types d'habitat, Hers se rendit compte qu'ils étaient de trois genres : des plateaux
destinés a l'habitat permanent, des forteresses ou résider durant la saison seche et
des refuges o u se rendre lors des attaques, lesquels étaient situés pres des canyons
et loin des terres fertiles (Hers, 1992 : 117-118). Deux mondes $e succédaient en
fonction de la chute des pluies.
Voici comment Hers s'imagine le monde d'aiors. Pendant les pluies, l'homme
se replie, s'occupe de la terre, de semer et de surveiller son lopin. Les chemins sont
coupés. L'eau
surgit de toutes parts. La nature est exubérante et l'homme
s'immobilise. C'est l'époque de la paix et de la production agricole. Pendant la
période seche, les chemins sont réouverts. Les fleuves peuvent étre faciiement
traverses. Les sources se sechent rapidement. L'homme reprend de nouveau ses
voyages commerciaux, ses expéditions de chasse, de peche et ses entreprises
-
10 Le teme de plage ne se refere pas a la cote pacifique mais a la plage La playa a de la Cuenca qui se
forme avec la chute des pluies puis son évaporation. La Cuenca de Sayula est située a l'intirieur des
terres de Jalisco.
119
Chapitre 3 : Le temtoire au ñi des échanges
guemeres, en méme temps qu’il tente de se protéger contre de soudaines attaques.
Parfois, il doit quitter des l i e n par manque d’eau. C’est cette alternance qui est a
i’origine de deux ty-pes d‘habitat: le rancho de la période seche, dhabitat continu
tout au long de l’année, et le ranch des eaux (Ibid : 115-116).
Si bien que l’on peut penser que cette alternance entre périodes pluvieuse et
seche, entre repli et dispersion des hommes, entre expansion et contraction
saisonniere du temtoire est un mode de vie propre a des sociétés qui ne sont ni
nomades ni sédentaires, mais enclines a voyager, a échanger et a sceller des
alliances durant la période seche et a cultiver durant la période o u les pluies
fertilisent la terre. Jusqu’a l’époque d’aujourd’hui, ce mode d’organisation socio -
._.
temtoriale semble étre en vigueur dans la zone, pamni le groupe ethnique wixarika
qui n’est pourtant pas un héritier direct des premiers habitants du Cerro del
Huistle.
3)
Guerres, commerce et mines dunnt le P o s t - c l d q u a tardif et les
premi2res années de la colonie.
Les différentes sociétés de 1’Occident décünerent et abandonnerent les temtoires
qu’elles occupaient lors de la période classique tardive, apres la chute de
Teotihuacan. Les explications divergent a ce sujet et nous ne nous attarderons pas
sur ce point.
Durant le Postclassique auraient eu lieu des migrations depuis la forteresse
de la Quemada vers la région située au sud-est de la Sierra huichol, qui donnerent
naissance aux états caxcane::.
P-u ailleurs, un grand nombre de sociétés prosperes
de relativement petite taille occupaient la cóte Pacifique, différents groupes en
guerre vivaient dans la Sierra Madre Occidentale, alors que des groupes
extrémement mobiles étaient installés dans les temtoires situés a l’estll. Toutes les
données relatives a ces sociétés sont issues des documents écrits par les
chroniqueurs espagnols, c’rst-a-dire a partir du début du
161‘mc
siecle, lorsque les
conquérants espagnols pén trerent la zone occidentale. Les espagnols constituéreiit
’
la derniére société qui participa de l’interaction sociaie au cours de cette période. La
raison pour laquelle nous avons choisi comme date butoir le début du 17iem siécle,
et non pas la conquéte qui débuta en 1530, est que l’apparente pacification des
chichimeques x devint effective dans la frange est une fois achevée la révolte
I1
Consulter le chapitre 1 .
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Chapitre 3 : Le t e m t o k au ñi des échanges
--_....---120
tepehuane de 1616. Selon nous, cette rébellion constitua une rupture et le réel
début de la colonisation.
Dans cette sectian naus verrons que durant les premikres années de la
colonie, les espagnols s’adapterent aux institutions et a la structure régionale en
place et, peu a peu, ils commencérent a réonenter l’économie régionale vers
l’exploitation des gisements miniers d’argent qui requéraient le développement
d’autres activités: production de sel, création de missions et dliaciendas,
protection des routes, etc. Cette reorientation affecta les domaines du social, du
politique et l’organisation socio-temtoriale régionale.
3.1.
Guerre, sacrifices humainr et alliances
Dans la Sierra Madre Occidentale, et notamment dans la zone du Nayar, la guerre
était institutionnalisée, ce qui constitue une continuité avec la pénode classique et
la tradition de Chalchihuites. Lui était connexe le sacrifice des pnsonniers de
guerre, le cannibalisme rituel et la consultation d’un chef guemer et oracle, le
représentant de la Maisonnée du Nayarit, des faits qui sont rapportés par Arias y
Saavedra (Arias y Saavedra, 1990 11673) : 293, in Weigand, 2002 : 62-63). De plus,
a cette époque la pratique de la guerre impliquait de faire des alliances, non pas
seulement avec une divinité guemere mais avec d’autres groupes ethniques.
Selon Hers, la continuité des pratiques de guerre fleune est évidente lorsque
l’on observe la guerre séculaire entre les habitants de la Mesa del Nayar et ceux de
Huaynamota. Ces derniers tuerent des missionnaires franciscains en 1584 et les
décapitérent, a la facon des antiques guemers qui éngeaient des Tzompantli avec
les cránes des pnsonniers. Lorsque les Coras de la Mesa del Nayar aiderent les
espagnols a chátier les indiens rebelles de Huaynamota, en s’alliant avec eux
comme ils l’auraient fait avec d’autres groupes ethniques, une fois ceux de
Huaynamota déportés les Coras se trouverent pns au piege car dépoums de
victimes a offiir a leur divinité guemere (Hers, 1989 :112-113).
Le récit du voyage de Fray Aionsa Ponce (De Ciudad Red, 1993) dans la
regio 1 durant l’hiver 1586-1587, peu apres les évenements ci-dessus mentionnées,
évoq.ie quels étaient les a peuples infideles et guerriers x qui entouraient la province
de Huaynamota. La zone nord, celle de Huazamota, était alors la moins
problématique, mais les populations situées au sud-ouest, a l’ouest et a l’est, c’esta-dire les Zayabecos, les Coras et les Uzares (Wixaritari), étaient décnts comme
partkdlierement belliqueux, idolatres, dirigés par des sorciers, et oh ! comble de
t
Chapitre 3 : Le temtoire au fjl des échanges
121
l’horreur, ils mangeaient de la chair humaine ! Les Coras étaient en bons termes
avec ceux de Centipac, une population cótiere, autrefois puissante et prospere,
installée dans une zone fertile o u il était possible de s’approvisionner de nombrew
produits agricoles et notamment de coton et de sel. Les Uzares, les ancitres des
Wixaritari, vivaient dans une terre sténle et se rendaient sur la cóte du pacifique
pour rapporter du se112. Quant a la population située a l’est, qui n’étaít qu’en
apparence la plus docile, celle de la vallée du Tepeque, elle était alliée avec les
..
tembles indiens Guachichiles. Ces derniers leur offraient les vetements qu’ils
volaient aux espagnols (De Ciudad Real, 1993: 109-110). Si nous táchons de
comprendre les faits depuis la perspective indienne, les biens volés aux espagnols
sur les routes qui reliaient les mines de la région de Zacatecas aux villes de
Guadalajara et de México étaient considérés comme des trophées de guerre servant
a faire des alliances avec d’autres groupes.
3.2.
Textiles et cacao : tribut, moyen d’échange ou d’dinnce ?
Nous avons exposé dans le chapitre 1 les modalités de la dite I pacification de la
frontiere nord et le role joué par le Capitaine Caldera. La découverte de gisements
miniers et la volonté des espagnols de les exploiter fut le nerf de la guerre dans la
..
,
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..-,
Grande Chichimeque. Les autontés espagnoles de la frontiere nord agirent selon les
modaiités d’alliance utilisées entre groupes guemers, sous la direction de Caldera.
Rappelons que les biens échangés, d i n de sceller des alliances, furent divers et
certains méritent notre attention : les textiles en coton et le cacao. Ces deux biens
furent durant la pénode postclassique et le 16leme siecle des monnaies indigenes,
c’est-a-dire des moyens d’échange, au sein de la structure rommerciale mexica
(Rojas, 1998 ; Lorenzo, 2001 : 81). Lorenzo mentionne aussi leur ymploi comme l’un
des moyens de paiement du tribut aux mexicas puis, aux espagnols (Ibid : 90, 172-
*-
173). Comprendre le role que jouerent ces biens, le cacao et les textiles, avant
l’arrivée des espagnols dans les sociétés locales est une táche ardue car nen
I.-
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..
n’indique que ces biens aient été destinés exclusivement a payer un tribut, ou a
erhanger, ou a s’allier.
Selon Anguiano, durant l’époque pré-coloniale les sociétes de la zone cotiere
de Nayarit cultivaient le cacao et le coton (Anguiano, 1992: 38). Weigand
Dans ce méme récit, Fray Alonso Ponce dit que les Uzares et ceux de Huaynamota se rendaient a
Acaponeta et Centipac pour rapporter du se1 et du Poisson (Ibid : 117). Si hien qu’il est fort probable
que tous les groupes de la Sierra aient eu lhabitude de se rendre sur la cote p:.::r se procurer du sel,
et non pas seulement les ancitres des Wkaritari.
Chapitre 3 : Le temtoire au íiides échanges
122
mentionne l’échange pré colonial de textiles entre les groupes de la zone (Weigand,
2002 : 88). Ces biens ont certainement circulé dans la zone de Yoccident, entre les
prosperes señoríos de la cote et les groupes de la Sierra. Bien que cette zone ne
semble pas avoir fait partie de la structure commerciale mexica (Lorenzo, 2001 : 8185), il est intéressant de remarquer que ces biens faisaient partie des biens
commercés par les groupes pochtecas des Mexicasl3. Les marchands commerqaient
des plumes de papagayos et de quetzal, des pierres de turquoise, des textiles en
coton, des billes d’or, des peaux animales, du cacao, etc. (Ibid, 2001 : 87). On peut
supposer que certains de ces biens recherchés par les pochtecas aient été obtenus
dans la zone occidentale, comme la turquoise, le coton, le cacao et les plumes de
papagayos14, ou par la participation a un réseau d’echange qui les reliait a celui des
Mexicas15. Par ailleurs, un groupe etait associe aux commerqants mexicas, les
porteurs tlameme (Ibidem). Or, les porteurs tlameme continuerent a jouer un róle
fondamental dans l’économie de la Nouvelle Espagne et de la Nouvelle Galice durant
le premier siecle de la colonie et les espagnols les rétribuaient en cacao. C’est-a-dire
que le cacao continua a étre utilisé comme moyen d’échange apres la venue des
espagnols, de faqon parallele aux monnaies métalliques, en raison de son caractére
divisionnaire (Rojas, 1998 : 172-173).
Concernant la maniere de faire la guerre (s’allier en échangeant des biens et
faire payer des tributs) et de commercer (usage de monnaies indiennes comme les
textiles et le cacao), il apparait que les espagnols s’adapterent aux structures en
place durant les premieres decades de la colonie. 11s continuerent a faire payer des
tributs, en cacao dans les zones de grande production (Guatemala) et ailleurs en
textiles, des tributs qu’ils utiliserent pour rémunérer certains services et s’allier
’’
Parmi les Mexicas, les pochtecas étaient des commerpnts a temps comblet qui voyageaient
énormément dans la Méso-Amérique au moment du contact. 11s étaient des plebéiens organisés en
lignages, ou g m i o s , dans les villes principales de la Vallie de México. 11s constituaient un groupe
privilégié, exempt du paiement du tribut et des obligations de guerre, et transportaient des grandes
quantités de biens, surtout de prestige, a moyenne ou longue distance (Hirth, 2001: 110). Selon
Lorenzo, il existait une relation entre la guerre et le commerce a longue distance, car les commerpants
servaient aussi d’espions et de messagers et parce que le commerce etait iimancé par l’état. I1 était
courant que des affrontements aient lieu pour contróler ces routes. Cependant, de nombreux groupes
de commerqants n’appartenaient pas a la structure commerciale mexica : c e w du Nord, de l’Occident,
des Otomis et des Purépechas (Lorenzo, 2OC1: 87). Weigand insiste h i aussi sur le fait que les
pochiems étaient orientés vers le sud et se dédiaient a I’obtention de produits tropicaux comme les
plumes et le cacao. 11conclut qu’en ce qui concerne I’acquisition de minéraux, tant les poctechas que
les marchands royaux purépechas ne jouerent pas de role dans la frontiére nord (Weigand BS Garcia,
?4000: 115).
I1 y avait des papagayos dans les zones cotiéres de Nayarit et de Colima.
IS
L’exemple de I’anneau du Kula décrit par Maiinowski montre que les différentes Jes étaient en
relation de facon indirecte, par l’interrnédiaire des relations que leurs partenaires du Kula
entretenaient avec d’autres. Bien qu’ils appartenaient tous a une méme structure, ils n’echangeaient
pas les braceleta et colliers de facon bilatérale, mais en réseau.
123
Chapitre 3 : Le temtoire au i
l des échanges
avec des chefs guemers indiens. par exemple, Powell relate l’insurrection des
-
.
indiens Zacatecos de San Andrés en 1592 et comment Caldera s’allia avec des
indiens Guachichiles et des chefs indiens caciques de Colotlh et de la vallée du
Tepeque. I1 leur offnt des vetements, autant dire des textiles, mais aussi du cacao
..
(Powell, 1997 : 211-233). Une fois soumis, ceux de San Andrés recurent des
textiles, des chapeaux, du cacao, entre autres biens, et se seraient alors installés
dans la zone de Huejuquilla (Ibid : 284). En 1595, a Zacatecas des biens furent
distribués aux indiens Principales et gouvemeurs des Sierras de Tepic ainsi qu’aux
.I
indiens de San Andrés installés a Huejuquilia, et de nouveau, des textiles et
,1-,
amandes de cacao furent donnés en grand nombre (Ibid : 284).
En conclusion, les textiles et le cacao eurent des usages multiples qui
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varierent en fonction des contextes. Les espagnols, au début de la colonie,
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s’adapterent aux structures en place et utilisérent parfois ces biens comme des
-
monnaies, en d’autres occasions ils étaient prélevés a des tributaires ou encore
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servaient a sceller des alliances. La guerre et le commerce étaient des institutions
centrales des sociétés indiennes et régissaient les relations inter-ethniques.
L‘exploitation miniére n’avait pas encore pns le dessus.
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...
3.3.
La &orientation des iconomies locales en fonction de l’exploitation
miniere.
Les logiques, objectifs et intérets des indiens et des espagnols étaient différents. La
guerre était pour les uns une institution qui favonsait la cohesion sociaie, aiors que
pour les autres elle était un moyen de satisfaire des objectifs qui prenaient sens
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dans le registre de l’économie politique. Pour les espagnols, l’expansion temtoriaie
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vers le nord et la consolidation de la paix étaient nécessaires au bon
”...
fonctionnement de i’exploitation des mines. L’état de paix, pour les indiens, n’était
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pas un état d’équilibre, souhaitable a long terme, mais une pénode dans un cycle
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tempore1 o u le temps des guerres et des activités d’échanges succédait au temps de
,
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I
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..
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....
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paix et des travaux agricoles.
De plus, les espagnols étaient intéressés par le minéral argenté aiors que les
populations indiennes concedaient une grande valeur a la turquoise. Un
chroniqueur du 161‘me siecle, qui relata la
c
découverte de mines a Chaichihuites,
I)
mentionna que ce nom provenait de celui que les natifs utilisaient pour désigner
une pierre bleue-verte qui y abondait, selon lui, une pierre dotée d’aucune vaieur
(Acuña, 1988 : 252). Le goüt pour le minéral argenté allait dés lors supplanter celui
-
7
-..
124
Chapitre 3 : Le temtoire au ñi des echanges
pour la pierre colorée. C’est dans ce contexte que l’oqpeut comprendre pourquoi au
161Cmc siécle, dans l’actuel état de Colima qui est situé au sud de la cóte de Nayarit,
les espagnols commencerent a produire du cacao en grande quantité, mais aussi du
sel. En effet, ces deux produits, et les services des porteurs tlameme, étaient
nécessaires a l’exploitation des mines d’argentlb.
De telle sorte que si la guerre et les mines semblent étre des institutions qui
assurerent une continuité histonque entre la penode postclassique et la colonie, les
conceptions relatives a celles-ci divergent amplement si on les comprend a partir
des conceptions indiennes o u espagnoles. Pour les uns ce qui est une fin en soi
n’est pour les autres qu‘un moyen. Selon Weigand, la durabilité de la relation entre
exploitation miniére et commerce a longue distance est structurale, de teile sorte
que les mines, le commerce a longue distance dans la frontiere nord de la MésoAmenque préhispanique et le Mexique colonial a une histoire d’environ deux miile
ans. Les espagnols donnerent seulement une nouvelle direction a ce systeme
(Weigand, 2002: 74). Observons les modalités de cette réonentation, dont les
balbutiements débuterent au 16ielllc siecle, avant d’evaluer la grande transformation
qu’elle induisit a long terme.
3.3.1. Incursions an territoires indiens a la recherche du m k l argent6
Dans la Nouvelle Galice l’exploitation miniére avait débuté des la décade de 154017
avec la fondation de nombreux Reales de Minas, certains a la vie courte, d’autres
qui furent la base de concentrations urbaines qui perdurerent. L’exiraction de
l’argent, selon Gerhard, ne fut pas seulement la pnncipale activité économique de la
Nouvelle Gaiice, Nouveile Vizcaye, Sinaloa et Sonora pendant la colonie, mais elle
constitua l’objectif pnmaire de tout le secteur productif -cQmmerce, élevage,
agriculture- de
ces
provinces,
dont
la
préoccupation fondamentaie
fut
l’approvisionnement des Reales de Minas (Gerhard, 1996 : 45).
La grande chichimeque n’eut donc pas l’exclusivité de la découverte de
gisements miniers. Tant a l’ouest qu’au nord de la Sierra du Nayar, durant le 16”me
siecle fut decouvert un grand nombre de gisements, plus o u moins attractifs, et
I‘ Le sel, et noiamment le se1 marin, s’utilise en differents moments du processus de transformation
du mineral brut en un amalgame nettoyé de ses impuretes (Cardoso 8a Bátiz, 1980 : 136-137).
I’ La liste des gisements découverts dans la region serait longue a produire. Fray Alonso Ponce, par
wremple, dans son périple en 1586-1587, cite entre autres les mines de Etzatlán (De Ciudad Red,
1993 : 106), puis pres de Chiametla les mines de San Francisco, plus loin celles de San Marcial,
d’autres vers la Villa de San Sebastian (Ibid : 117). Par ailleurs, nous avons connaissance de la
découverte de celle de Tepeque, qui devinrent plus tard les mines de Bolaños, au 18emc siecle.
..
Chapitre 3 : Le temtoire au
des echanges
125
paríois dsicilement exploitables pour diverses raisons. A partir de la decade de
1560 debuta l’ouverture de mines, l’introduction de bétail et l’agriculture du blé, le
long d’une chaine de petits villages qui s’étendait de Durango a San Bartolomé au
nord, vers Chametla a l’ouest, et vers Parras a l’est. Dans la Sierra Madre
Occidentale et ses dentours, les conflits se multiplierent avec les natifs, Zacatecos,
Tepehuanes, Acaxee (1600-1603), m e s (1610-1611) et culmina avec la révolte
tepehuane de 1616 a 1618 (Gerhard, 1996 : 206).
L’incursion des espagnols en temtoires indiens provoqua de multiples
réactions en chaine de part et d’autre: faire des alliances, sacsier les pnsonniers,
piiler des convois, spolier des ressources natureiies et sournettre a l’esclavage les
pnsonniers. Les indiens tenterent d’intégrer les espagnols a leur guerre fleune, en
s’alliant avec eux et en les pillant pour s’allier avec d’autres groupes, et terminerent
par se rebeller. Les espagnols firent la guerre a feu et a sang, sans succes, puis
tenterent de s’allier et obtinrent un succes relatif. A la fin du 16iSmc siecle la zone du
Nayar restait insoumise et les Reales de Minas de la region nord-occidentale
constituaient seulement des ilots de paix dans un vaste temtoire non encore
pacifié. Cependant, l’exploitation miniere pouvait se développer ainsi que les
activités économiques nécessaires a son essor.
3.3.2.Les salines de Colima: la relation fonctionnalb entra exploitation
miniarc et production saline.
C’est dans ce contexte que Son peut comprendre Yonentation qui fut donnée a
l’économie de Colima a partir du 1611‘nc siecle. Le se1 s5 est maintenu a la tete de
l’économie locale jusqu’au 191‘mc siecle, exception faite du cacao qui fut la culture la
plus développée au 161‘mc siecle et qui chuta des 1620, en raison de facteurs
climatiques et de l’introduction du cacao du Venezuela (Reyes, 1995 : 146). Le
cacao accapara aiors les meilleures terres, puis lui fut substitué le coco et ensuite
la canne a sucre (Reyes, 1998 : 151). Au 16ltmc siecle l’exploitation de se1 fut
ascendante, la technique employée fut celle de l’evaporation, a la difference de la
pénode pré-coloniaie, et le p i x de la charge de se1 fut multiplié par quatre de 1560
a 1590. Les prosperes salines de Colima furent exploitées des la période coloniaie
et, des qu’eiies devinrent un commerce prospire, les indiens en furent spoliés
(Reyes, 1998 : 151). La majeure partie du se1 produit, environ 90%, était envoyée
dans les Reales de Minas de facon directe ou au travers des commercants de Mexico
ou de Guadaiajara (Ibid: 155). A titre d’exemple, l’exploitation des mines de
126
Chapitre 3 : Le temtoire au fil des échanges
Guanajuato dépendait presque exclusivement du se1 de Colima (Ibid : 147)’s. Pour
I
le transporter vers les Reales de Minas, les espagnols employaient des tlameme. Ces
porteurs n’étaient en général pas payés mais lorsqu’ils l’étaient, les espagnols les
rémunéraient avec du cacao de mauvaise qualité (Ibid : 153). A la fin du 16*“me
siecle, lors de la pénode de récolte du se1 - de février a
un mgme endroit pres de 5000 hommes:
mai- se regroupaient dans
aux porteurs s’ajoutaient les
commerrpnts de Michoacán19, de Nouvelle Galice et de regions lointaines telles que
Mexico, Querétaro, Guanajuato et T a c o (Reyes, 1995 : 149-150).
L’exemple de Colima met en evidence le caractere stratégique de la
production de cacao, puis de sel, en relation avec l’exploitation miniere. L’économie
miniere, qui affecta le plus directement la zone du Nayar, n’est pas celle de Colima,
.
L
mais la région qui était située a l’est, c’est a dire le long du couloir minier qui allait
de Sombrerete vers Charcas, San Luis Potosí et passait par Fresnillo, Zacatecas et
Mazapil. Toutes ces mines s’approvisionnaient en se1 dans un seul et méme lieu, a
Santa María de las Charcas, maintenant connu sous le nom de Salinas, San Luis
Potosí. A lheure actueile, il s’agit d’un eminent lieu de culte Wix&ka,
Tatei
Matinien, la ou tout pelenn au peyotl doit confesser ses péchés sexuels avant de se
rendre a Winkuta, Real de Catorce. Selon la conception wixirika, l’éveil de la
sexualité est intimement associée a la consommation de sel. De plus, les actuels
-.,
,.”..
pelerins au peyotl offrent du chocolat a la source d’eau qui représente l’ancétre
divinisé Tatei Matinien, c’est-a-dire le cacao, cette ancienne monnaie indigene qui
servait a payer les porteurs tlameme. Autant de coincidences nous invitent a
observer depuis une perspective historique les échanges réalisés dans la region de
Salinas, San Luis Potosí.
c
3.3.3. Les Salines de Santa Maria de lcrs Charcas
,-
Laissons-nous confondre par ces paralleles entre l’actuelle destination des pelenns
au peyotl et les anciens lieux d’extraction de se1 et de métal argenté. Quatre biens
de grande importance abondaient dans la zone de Salinas : la turquoise, le sel, le
peyotl et l’argent.
.“,
L‘importance des salines de Colima lui vaiurent d‘etre exclues de tout moyen de controle fiscal
durant la troisieme moitié du 18lbmc siecle, c’est-a-dire lorsqu’elles etaient les plus importantes salines
du pays (Reyes, 1995 : 147). En 1643, les exploitants espagnols de se1 de Cofima avaient deja été
exemptés presque totalement de controle fiscal et devaient seulement payer les honoraires du juge des
salines (Reyes, 1998 : 154).
l9 Dans l’état de Michoacán, de 1528 a 1580, les populations donnaient du sel, entre autres biens,
sous forme de tribut (Escobar, 1998).
127
Chapitre 3 : Le temtoire au fl des échanges
Bien qu'il y ait des indices d'exploitation pré-colonide de la turquoise, sa
qualité était relativement faible et il est peu probable qu'elle ait été pnsée et ait fait
l'objet d'échanges commerciaux avec les groupes Cartisans de Oaxaca. En effet, sa
dureté est de niveau 2 et 3 et la pierre tendre perd rapidement sa beile couleur
verte-bleuezo.
En ce qui concerne le peyotl, les populations
x
chichiméques x i'utilisaient.
Actuellement, les Wixaritari se rendent d'abord a Salinas avant d'aiier en contrebas
de Real de Catorce, a Winkuta, pour récolter du peyotl, un cactus hallucinogene qui
pousse en différents endroits au sein d'un vaste temtoire (cf. 3.4).
Real de Catorce fut un Real de Minas,exploité dés la fin du 18iem siécle et
qui c e s a de fonctionner en 1905 (Montejano, 1975); il n'était donc pas en
exploitation durant la pénode qui nous intéresse.
Cependant, dés le 16lemc siecle la production de se1 de Salinas fut
fondamentale car l'exploitation des mines du couloir qui reliait Sombrerete a
Charcas en dépendait. A partir de la 1550 furent découvertes des mines dans la
zone de Zacatecas, puis a Sombrerete, Fresnillo, Mazapil et Charcaszi. Ces mines
formaient un couloir de populations minieres dans la frontiere nord. La population
y était itinérante et se rendait la ou de nouvelles mines apparaissaient (Acuna,
1988 : 104). C'est en 1574 que furent découvertes des mines dans un lieu salin
nommé Salinas de Santa María et auxquelles furent données le nom de Charcas.
Mais ces mines furent rapidement détruites. Dix années plus tard, un nouveau
couvent fut créé plus a l'est dans un lieu baptisé Charcas Nuevas. Situé non loin de
la sierra de Real de Catorce, la zone plane a laquelle appartenait Charcas se peupla
peu a peu et la Sierra de Catorce resta située en dehors de la zone d'infiuence des
espagnols et aux mains d'indiens,
a
negritos n y
u
bozales x selon yontejano (1975 :
4), ou bien Guachichiles (Acuíia, 1988: 112). En 1605, les mines de Charcas
avaient été abandonnees dans leur quasi totalité et celles de Ojo Caliente,
découvertes en 1597, n'étaient pas prosperes. Leur faible population se dédiait a
l'agriculture et a l'élevage de bétail. La premiere prospérité vu le jour a Ramos en
1608 et se prolongea durant plusieurs decades. A Charcas et Ojo Caliente, de
Phil C. Weigand, communication personnelle.
A partir des Relations Géographiques de la Nouveiie Gaiice au 161=m=siecle compilées par Acuña
(19981, la chronologie des successives découvertes des l i e u miniers est la suivante (Ceiie de
Zacatecas leur est antérieure) : San Martín, Chalchihuites, Sombrerete (1556) ; ViUa de Llerena
(1561); Villa de Nombre de Dios, Santiago (1562); Nuestra Señora de las Nieves (1564); San
Demetrio, Fresnillo (1566) ; Peuplement de la ville de Durango et découverte des mines de Coneto, del
Casco, de Indehe, Santa Barbara et Chiametia (1573).
Chapitre 3 : Le temtoire au fl des échanges
128
.
nouvelies mines virent le jour vers 1650 et la population augmenta (Gerhard, 1996 :
110).
Bien que les premieres mines de Charcas furent rapidement abandonnées, ce
lieu eut une importance stratégique en raison des salines qui les entouraient. En
effet, en 1585 l’ensemble du se1 nécessaire a l’exploitation des mines du couloir
minier du nord provenait des salines de Santa María de las Charcas, San Luis
Potosi. Occasionnellement, cette saline servit a approvisionner en se1 les mines de
Guanajuato et la ville de Jerez (Ibid: 114, 126, 141, 130). Le se1 s l récoltait
pendant la pénode seche (Ibid : 109, 118, 126, 131) et les mineurs payaient les
personnes qui les approvisionnaient en se1 (Ibid : 266).
Durant la seconde décade du 16lemc siecle, dans la zone située a l’est de la
Sierra du Nayar, les salines de Santa María constituaient donc un lieu stratégique
pour les espagnols. Et pourquoi ne pas penser qu’il l’était aussi pour les indiens
Guachichiles 7 Nous savons que les indiens de la grande chichiméque, bien qu’ils
parcouraient de grandes distances, disposaient généralement d‘une base temtoriale
permanente située pres d’un point d’eau (Gerhard, 1996 : 16-17) et a plus forte
raison pres de salines. Nous pensons qu’ils ont souffert de l’expulsion de leur
temtoire de base avec l’arrivée et les multiples tentatives d’instaliation des
espagnols dans cet endroitri. De plus, si l’on envisage la possibilité d’une extraction
pré-coloniale de la turquoise dans cette zone et si l’on considere qu’il est situé au
caeur d’une region ou abonde le peyotl, il est plus que probable que cet endroit riche
en ressources -tant précieuses que stratégiques- ait été connu et peuplé par une ou
plusieurs populations indiennes bien avant l’arrivée des espagnols.
Nous avons déja fait état des difficultés rencontrées par les espagnols pour
exploiter les mines de la frontiere nord, situées en plein milieu des temtoires
Zacatecos a l’ouest et Guachichiles a l’est. Les chroniqueurs de 1585 considéraient
que le vol permanent de bétail et de mules par ces indiens rendaient impossible le
travail dans les mines et les champs de San Martin et de Sombrerete (Acuna, 1988 :
249, 252, 253). De plus, ils noterent que les indiens Guachichiles et Zacatecos
s’alliaient entre eux contre les espagnols (Ibid : 108, 121). A mon sens, le vol de
bétail, de mules et de textile le long des routes durant la seconde moitié du 16’em
Selon Gerhard, ce fut seulement apres I’intrusion des espagnols -et de leur bétail- dans lcurs
temtoires qu’ils se virent menacés et commencerent a chercher de nouveaux habitats et moyens de
subsistance. Soit ils répondirent par la sujetion et s’installerent dans les missions, mines et
haciendas, soit ils se convertirent en des prédateurs nomades dotés de I’avantage d’avoir appris a
montera cheval (Gerhard, 1996 :16-17).
22
Chapiire 3 : Le temtoire au iil des échanges
,
129
-
siecle, ainsi que le décapitation des voyageurs, doivent étre compns comme une
maniere indienne de faire la guerre aux espagnols. Le b é t d comme les prisonniers
étaient traités comme des trophées de guerre, sacdiés et consommes. Le vol des
biens de prestige tels que les textiles permettait aux indiens de faire des alliances
entre groupes, en offrant le précieux butin, comme le firent par exemple les
Guachichiles avec ceux de la Vallée du Tepeque vers 1585.
3.4.
Divination et
u
roúlerier
H
: le peyotl
Le quatriéme bien qui abondait dans la zone des salines Santa María de las
Charcas est le peyotl. Sa consommation rituelle est attestée a l’époque du contact et
h o d i a i t les chroniqueurs qui jugeaient d’un tres mauvais oeii ces soüleries
collectives et danses autour du feu, les rnitotes, qui précédaient les expéditions
guemeres. Les groupes indiens de l’est étaient réputés pour etre des grands
consommateurs de peyotl et ils étaient particulierement craints par les espagnols
en raison des attaques soudaines qu’ils réalisaient le long des chemins qui reliaient
les mines aux villes. Dans la Sierra Nayarita, le chef guemer de la maisonnée de
Tzacaimuta a Mesa del Nayar était un oracle. I1 présidait les expéditions guemeres
et les ntuels préalables au cours desquels était utilisé le peyotl a des fins de
divination.
A en croire Weigand (2002 : 88-90), le peyotl constitua l’un des biens du
réseau d’échange de I’Occident. Les ancétres des Wixaritari auraient été une sorte
de commerqmts pochtecas de 1Dccident. 11s auraient pu étre organisés en fonction
des lignages et s’etre spécialisés dans l’acquisition d’un grand nombre de biens. En
plus du peyotl, ils auraient commercé des coquillages des Caraiies et de la cóte du
Pacifique, des textiles, des minéraux -turquoise, argent et cuive-, du cacao, des
plumes, de l’obsidienne et du sel. Le se1 s’obtenait en divers endroits et possédait
différentes propnétés médicinales et saveurs. Bien que l’acquisition et l’échange de
peyotl étaient ritualisés, cela ne signifierait pas pour autant que ces activités aient
uniquement répondu a des fins religieuses.
De plus, Weigand met l’emphase sur le fait qu’a cette époque la distribution
du peyotl était plus ample et que les déplacements n’étaient pas motorisés, de telle
sorte que les routes du peyotl étaient flexibles (Weigand, 2002 : 86). La carte étabiie
par Rouhier en 1926 atteste de l’ample distribution géographique du peyotl et
conforte l‘hypothese selon laquelle les anciens l i e u d’acquisition du peyotl étaient
divers, les routes variables et les sociétés en interaction multiples. De telle sorte
Chapitre 3 : Le temtoire au fil des échanges
130
-
qu’il est difficile d’affirmer que Wirikuta ait été l’unique destination des pelerins et
._
,
*.I
commerqants du peyotl avant et pendant la colonie.
Fig. 13 : Carte rchámatique indiquant p u der mnes pointillées
la ripartition gáographique du Peyotl
.,-
Rouhier (1989 I19361 : 11)
.,
“.
.. .
L
..
Enfin, les ancetres des WUraritari n’auraient jamais monopolisé l’acquisition
du peyotl. Par exemple, les Mexica culhúa avaient leur propre acces au peyotl. De
plus, !-s groupes indiei,
d’auttes groupes basés
li,
-17
?Iord et de l’occident de la Méso-hinque, ainsi que
~ l ~ de
l a ces régions -Tecuales, Tepeques, Tepehuanes,
Chapitre 3 : Le temtoire au ñi des échanges
131
Tarahumaras, Lipanes, Comanches et Apaches- avaient étabii leurs pmpres routes
d’acquisition da peyotl (Weigand, 2002 : 84). Durant la pénode coloniale, les
Wixaritari et les Tepeques auraient vendu le peyotl aux Tecuales, Coras, voire méme
aux métis ruraux (Ibid : 87).
Avant d’achever cede section consacrée a la fin du postclassique et aux
premieres décades de la conquéte, il ne nous reste plus qu’a souligner la
complémentaríté entre la Sierra et les régions chaudes et fertiles de la cóte du
Pacilique, situées a l’ouest des zones d’exploitation miniere ci-dessus présentées.
Comme nous le verrons par la suite, la Sierra Madre Occidentale constitue une
,.-
barriere naturelle entre ces régions de l’est et de l’ouest, régions qui par ailleurs
constituent les deux extrémes du chemin mythique de création wixárika, celui que
I.
parcoururent les ancétres des Wixaritari. Le seul point commun évident entre ces
deux régions est que la cote de Nayarit fut un lieu de production saline, tout comme
Santa María de Las Charcas, San Luis Potosí. La route de création wixárika fut-elle
celle du sei ?
3.5.
.,.”.
La complémentarité entre la Sierra et les régions chaudes et fertiler
La Sierra Madre Occidentaie constitue une barriére naturelle entre les grandes
étendues de l’est, alors habitées par des sociétés extrémement mobües et
guemeres, et les terres chaudes et fertiles de la Cóte ou résidaient de prosperes
-.
sociétés agricoles organisées en sefiorhs23. Les populations de la Sierra ont été en
contact avec les populations de la cote Pacifique des l’époque classique et les écnts
I
des chroniqueurs du 1 6 1 h c siecle montrent que leurs relations étaient intenses au
moment du contact avec les espagnols. L’ensemble des groupes ethnohguistiques
,
.II.
d< la zone appartenaient a la famille Uto-Aztéque et Uto-Nahua. Les Totorames,
apparentés iinguistiquement aux Coras, occupaient la majeure partie de la zone
cótiere et sur les versants de la Sierra vivaient les Tecuales, Zayahuecos, Coanos
(Anguiano, 1992 : 170-172).
L’abondance d’eau dans la région cotiere, les riviéres, lacs et marécages,
vorisaient la circulation en canoe des populations depuis la Sierra jusqu’a la cote,
.-.
(
’1
epuis le Río Grande de Santiago jusqu’a Santiago ixcuintia et San Blas (Anguiano,
Un -no
est une societe hiérarchisée autour de la fzure du Señor et dont les mernbres
econnaissent qu’ils sont les descendants d’un m@meancetre (Anguiano, 1992 : 172-173).Les serlonos
les plus puissants au moment du contact étaient ceux de Aztaüan, Centipac et Tzapotzingo, tous
habités par les indiens Totorames. Ceux de Amiian avaient soumis plusieurs populations qui
rásidaient sur le déciin de la Sierra dont des Ciras, Zayahuceos et Tepehuanes (Ibid : 173).
Chapitre 3 : Le territo*
au ñ1des échanges
132
1998: 27). La zone écologique de Santiago Ixcuhtla était, et est encore,
complémentaire avec celle de la Sierra en raison de l’inversion des pénodes au
cours desquedes ii est possible de cultiver. En effet, durant la pénode des pluies la
crue des fleuves favonsait la creation de marécages, voire d’inondations qui
obligeaient parfois les populations au repli (Ibid : 26). De telle sorte que les cultures
y avaient lieu de novembre a mai. Néanmoins, dans la Vallée de Banderas, située
plus au sud, l’emploi de l’irrigation permis aux populations durant I’époque
coloniale de cultiver du coton et du cacao (Ibid : 38) et, dans les zones du nord, les
travaux agricoles avaient lieu de juin a octobre c’est-a-dire selon un schema
semblable a celui de la Sierra (Ibid : 33).
D’une facon genérale la zone cótiere était extrémement fertile et regorgeait de
produits de la mer. Le se1 abondait dans les zones de Chametla, Centipac et San
Blas. Ceux de Centipac disposaient de poissons, huitres, bananes, plumes, coton,
mais, piment (De Cuidad Real, 1993 : 114, 120), une gamme de produits quasi
identique a celle des populations d’Acaponeta (Ibid : 117), et a cette longue liste de
biens s’ajoutait le miel produit a Xalisco (Ibid : 112) et Acuatlixtempa (Ibid : 121)
ainsi que les volaiiles et I’alcool. Les Coras étaient en bons termes avec ceux de
Centipac; les ancétres des Wixaritari -les Uzares- et les Huaynamotecos s l
rendaient aussi, ainsi qu’a Acaponeta, pour s’approvisionner de se1 (De Ciudad
Real, 1993 : 117).
La cóte du Pacifique et la zone des lacs de Chapala, situées au sud-est,
étaient reliées par un reseau fluvial (Ibid : 88). Le lac de Chapala était alors si grand
qu’il paraissait étre une mer intérieure en raison des vagues qui venaient mourir
sur ses rives (Ibidem). Au 16lcme siecle, une fois ces deux régions soumises aux
autorités espagnoles, les visiteurs franciscains énumérerent le? cadeaux que les
populations locales leur offrirent dans leur périple au sein de l’occident. Ceux de la
région de Chapala disposaient d’arufs, de Poisson frais, pain de Castille, bananes,
tomates, piments et volailles (Ibid : 90). De plus, aux alentours poussaient de la
canne la sucre, des raisins, grenades, goyaves et oranges que les indiens
transformaient en essence fruitée (Ibid : 90). Ces produits locaux étaient
relativement identiques a ceux de la cote pacifique ce qui montre l’homogénéité, au
moins du point de vue de la subsistance, entre les régions chaudes et fertiles de la
cóte et les lacs de la région de Chapala.
Les sociétés locales avaient recours a la langue mexicaine, c’est-a-dire le
Nahuatl, pour communiquer entre elles. La connaissance de cette langue franche
133
Chapitre 3 : Le temtoire au ñ1des échanges
simplifiait leur commerce qui, selon les dires de Fray Alonso Ponce, s’étendait
jusqu’a Mexic:
o u ceux de Xalisco se rendaient pour vendre du miel (Ibid : 112) et
ceux de Centipac et de Acaponeta des poissons et fruits de mer (Ibid : 117). Selon
Gerhard (1996 : 177) on peut classifier les produits échangés selon deux types, le
se1 et le poisson des populations du littoral, et le mais et le coton pour les
populations situées dans les terres. Du point de vue espagnol, la culture du cacao,
du blé, de la canne a sucre était rentable. Leur production, ainsi que l’éievage,
débuterent une fois que les populations paysannes furent réduites a un faible
nombre, que leurs terres resterent vacantes et qu’augmenta la demande de biens
,-
des Reales de Minas et des villes (Ibid : 45)’4.
Bien que nous ne puissions pas affirmer que le chemin mythique de la
création wixárika ait été celui du sel, il est néanmoins intéressant de remarquer
l’intensité des relations sociales entre les groupes de la Sierra et ceux de la cóte,
ainsi que la complémentarité de leurs systemes écologiques. De la méme maniere,
pour les populations de la Sierra les régions du nord-est étaient pourvoyeuses de
peyotl, plus que de sel. Localisé a Santa Maria de las Charcas, le se1 intéressait
avant tout les espagnols et les indiens guachichiles et zacatecos ; les sociétés de la
Sierra s’approvisionnaient en se1 sur le littoral pacifique. Néanmoins, des la fin du
161“~ siecle les salines de Santa María de las Charcas furent un lieu d’intense
exploitation saline, un ilot salin semblable aux ilots miniers disséminés dans la
zone nord. Si le se1 était un bien prisé avant la colonie, l’exploitation miniere accrut
son importance stratégique et caractere marchand.
4)
Economie miniere, indiens frontaliers et indiens insournis
P
La révolte tepehuane qui s’acheva en 1617 constitua une rupture dans l’histoire
régionale car elle sonna la fin de la guerre chichimeque quelques dix-sept années
aprés l’ofíicielle pacification des indiens chichimeques. Le t e m e de
*I-
n
pacification x
préte a confusion et les indiens de la Sierra Madre Occidentale, en particulier les
ancetres des Wixaritari et des Coras, continuerent a vivre comme des guemers,
*-
De 1540 a 1550 il y avait suífísarnrnent d’indiens pour uavailler dans les encomiendas de cacao de
la V d é e de Banderas et les Redes de Minus de Espíritu Santo et Los Reyes lesquels profiterent de
24
,..
courtes périodes de prospérité. Ensuite, au fur et a rnesure que la population diminua, les esp8gnols
eurent recours a des esclaves noirs et les terres, qui autrefois servaient a culiiver du coton et du mais,
se convertirent en prairies destinies a des grands cheptels de bétail (Gerhard, 1996 : 180).
Chapitre 3 : Le temtoire au fil des échanges
134
néanmoins dans un nouveau conte.de, celui de l’essor de l’économie miniere et de
la militarisation de la frontiere nord.
Les Coras, population culturellement dominante dans la Sierra Nay&ta
avant la conquéte, apres qu’ils aient commis l’erreur de vaincre avec l’aide des
espagnols c e w de Huaynamota en 1585, resterent relativement isolés et insoumis
jusqu’en 1721. C’est a cette date qu’ils demanderent au Vice-Roi que leur soient
concédés certains privileges en échange de leur reconnaissance de la Couronne. En
1722 les troupes espagnoles entrerent dans la Sierra et prirent la Mesa del Nayar.
Nous croyons que les Wixaritari se distancierent défuiitivement des Coras des
la révolte tepehuane écrasée. 11s devinrent des soldats de la frontiere, les indios
fronterizos du district de Colotlán, qui pouvaient continuer a utiliser leurs arcs et
fleches en qualité de miliciens qui ne payaient pas de tribut. Fiers d’étre miliciens,
ils dépendaient du Vice-Roi par l’intermédiaire du Capitaine Protccteur des indiens
de Colotlán. Par ailleurs, ils pouvaient se déplacer librement et continuer a
commercer. Alors que l’acces des Coras a la cóte Pacifique avait été coupé, il est fort
.
I”
probable que les Wixaritari se consacrerent en p d e a commercer le se1 entre la
cote et les Reales de Minas. A partir de 1631, au nord de la zone tepehuane et sud
de la zone tarahumara, Parral devint un grand centre d’exploitation miniere qui
attira quantité de personnes de toutes sortes : commercants, porteurs, mineurs,
etc. Des Wixaritari y auraient iravaillé, ce qui atteste une fois de plus la forte
mobilité de leur population et leur insertion a l’économie coloniale des le 17iemc
siecle (West, 1949)25.
Vraisemblablement, cette coupure entre la Sierra du Nayarit et la cote devint
insupportable et conduisit les Coras a proposer leur soumission a la Couronne en
1721. Neuf ans plus tard, la oü furent decouvertes les mines du,Tepeque en 1550,
furent réouvertes des mines et Bolaíios devint une prospere localité miniere ou les
Wixaritari se rendaient pour commercer le sel. L’ensemble des populations de la
Sierra del Nayar, une fois soumis a la Couronne, se rendit de nouveau sur la cóte
pour rapporter du se1 et les vendre dans les Reales de Minas situes a l’est. C’est a
partir de cette période que l’on peut clairement attester d’un chemin du se1 qui
<“
.
d a i t d’ouest en est, mais pour l’kstant, seulement depuis la cote du Pacifique a
Bolaños. A partir de la fin du 18’in’e siecle et conjointement au déclin des mines de
Bolaños, furent découvert des gisements d’argent dans la Sierra de Alamos ensuite
appelée Real de Catorce, pres des salines de Santa Maria de las Charcas et en pleh
25
Paul Liffman, communication personnelle.
Chapitre 3 : Le territoire au fil des échanges
135
milieu d’une region o u pousse le peyotl. Avec une certaine reserve, nous pensons
que le chemin d’ouest en est des Wixaritari pourrait bien avoir été défintivement
institué a partir de cette période.
4.1.
L’iconomie miniire dan. la frontiire nord : de mine en mine...
Du 17lcme siecle jusqu’a la révolution de 1910, la caractéristique principale de la
région nord fut l’exploitation des mines d’argent. Ceci eut pour conséquence de
générer une forte mobilité de la population dans toute la zone nord. De plus, la
nécessité des exploitants miniers de se procurer du sel, de la cire pour faire des
,I_
bougies, mais encore des animaux de charge, du bétail, des fourrages et des
céréaies, favorisa le développement des haciendas et du commerce a longue
distance, au s e d c e des mines.
Plusieurs auteurs font état de la mobilité de la population en relation avec les
e-
découvertes de nouveaux gisements miniers, plus ou moins prosperes et a la durée
de vie plus ou moins longue. Des la fin du 16l‘m~siécle, dans le couloir minier qui
-~
r
passait par Zacatecas, les franciscains avaient remarqué que la population était
itinérante et s’en ailait la ou de nouvelles mines venaient d’étre découvertes (Acufiá,
-..
r
I
.I
#.L.
I...
1988 : 105). De méme, le boom minier de Parral en 1631 attira une horde de
rufians vers la frontiere et commenca alors une période dhostilités avec les tribus
du désert qui continua pendant deux siecles. Celles-ci durent abandonner leur
mode de vie semi-nomades et devinrent totalement nomades (Gerhard, 1996 : 207).
Dans la zone de Parral, les espagnols eurent recours a la force militaire a plusieurs
reprises ainsi qu’au génocide pour mettre fin aux insurrections indiennes ce qui eut
pour conséquence de vider de grandes étendues territoriales de leurs populations,
dont certaines furent ensuite peuplées par les Apaches puis les-Comanches. Ainsi
furent établies des enclaves territoriales placées sous contróle espagnol ou peuplées
,.,-
d’indiens insoumis (Ibid : 20). Cette nombreuse population, qui allait de mine en
mine, était constituée d’espagnols, de métisses, de travailleurs noirs et indiens, tant
esclaves que libres. Chaque découverte attirait des centaines de mineurs et autres
personnes qui désertaient les gisements appauvris ou inondés lorsque la bonne
nouvelle arrivait (Ibid : 215). Le tableau suivant montre a quelle période furent
découvertes et exploitées les mines dans la zone nord et constitue un bon
,I*.
indicateur qui nous permet d’envisager quels étaient les poles d’attraction de la
population de 1550 a 1800.
Chapitre 3 : Le temtoire au ñ1des echanges
Fig. 14 : Es-rs
136
minierr de 1550 i 1800
Gerhard (1996 : 46)
, -
L'exploitation miniere supposait l'achat de biens et le recours a un grand
nombre de services. Entre autres biens, nous avons déja explicité le róle
fondamental joué par le se1 mais aussi celui du chocolat comme rémunération des
porteurs. Cependant la liste a dresser est bien plus longue et il faut avoir a l'esprit
que lorsqu'une mine était découverte et exploitée, de facon parailele, était constmite
une mission, une ou piusieurs haciendas pour élever le bétail et les mules, cultiver
le blé et les fourrages, et parfois était érigé un presidio pour contrer les soudaines
attaques indiennes.
4.2.
Les priviiirges des indiens frontdiets
La mise en place des presidios débuta durant la seconde moitié du 161"~ siecle dm
de protéger la circulation des métaux et des personnes le long des routes qui les
acheminaient des mines aux centres urbains. Ensuite fut instaurée la fonction de
Capitaine Rotecteur des indiens frontaliers dans le district de Colotlán. Nous allons
maintenant montrer que cette mesure eut entre autres pour conséquence de
137
Chapitre 3 : Le territoire au iü des échanges
favonser le renforcement de l’identité ethnique des indiens frontaliers en raison des
privileges que ce statut leur conférait : étre des soldats protecteurs de la frontiere
exempts du paiement du tribut. Ainsi, libérés &s attaques des indiens hostiles, les
espagnols pouvaient continuer l’exploitation des ressources minieres.
En accord avec Shadow, il est fort probable qu’en raison de i’incapacité des
Espagnols a vaincre sur le plan militaire les indiens
8
chichimeques *, que ces
demiers aient interprétés la politique d’achat de la paix comme le paiement d’un
tribut par les Espagnols (Shadow, 2000 (b) : 51). La mise en place des statuts de
Capitaine protecteur et d’indiens frontaliers sépara les indiens u colotecos s -c’est-adire les Tepeques, Huicholes et Tlaxcalteques membres du district de Colotlán- des
espagnols, étant ainsi créée une jundiction, dont la caracténstique principale était
ethnique et non pas temtonale. Dans une meme région cohabitaient les indiens,
qui dépendaient du Vice-Roi par l’intermédiaire du Capitaine protecteur, et les
espagnols sujets aux autontés locales et de Nouvelle Galice. L’identité ethnique
indienne fut renforcée par les privileges concédés par le gouvernement espagnol en
récompense de leurs services militaires : ne pas payer de tribut, droit de porter des
armes, de monter a cheval et d’élever du bétail. Chaque peuple indien demit
seulement donner une faible quantité de mais et preter des services domestiques a
leurs chefs militaires. De telle sorte que les miliciens de Colotlán formaient une
a
aristocratie indienne n compromise avec l’entrepnse coloniale (Ibid : 62-65).
Les ancétres des Wixaritari étaient donc des indiens frontaliers, mais aussi
les indiens
u
colotecos u les plus distants du presidio de Colotlán, et a n’en pas
douter, ils surent jouer de cette distance et de leur situation pnvilégiée. D’une part,
il apparait qu’ils ont été jusqu’a un certain point complice de l’entrepnse de
pacification de la zone et ont ainsi pu continuer a vivre fiereanent comme des
guemers reconnus par les autontés espagnoles. D’autre part, ils étaient les indiens
les plus frontaliers, éloignés et méconnus. Le role qu’ils jouerent dans la zone est
finaiement peu clair. En effet, ils furent parfois les messagers des Coras lors de
i’entrée d‘espagnols dans la zone (Rojas, 1993 :96) et leur temtoire servit de zone de
refuge a des insournis de toutes sortes (Ibid : 98). Par ailleurs, ils aiderent les
espagnols en se chargeant de la protection de la frontiere. D a s une lettre du chef
Nayarit datée de 1649, et dingée a l’évéque de Guadalajara auquel il demandait
d’exempter son peuple de paiement du tribut, il apparait que les Coras
n’entretenaient alors pas de relations avec les indiens Wixaritari et Tepehuanes. Le
chef Nayarit reconnaissait que son peuple n’entretenait pas de relations avec les
.”
.
---,
138
Chapitre 3 : Le temtoire au hl des echanges
Tepehuanes et contrólait les populations Guasamotas, Ayotuxpas et Guajicoras
(Santoscoy ; 1899 : 2-5). Les Wixaritari et les Coras ne semblaient donc pas étre en
relation en 1649, du moins de facon officieile.
Nous savons que la juridiction de Colotlán continua a fonctionner selon des
.
modalités similaires jusqu’a l’indépendance et que ses limites ne changerent que
tres peu jusqu’a la premiere moitié du 19’*mc siecle. I1 s’agit donc d’une longue
pénode au cours de laquelle les Wixaritari restérent relativement autonomes par
rapport aux autorités locales et dépendirent de la vice-royauté. Néanmoins, un
débat vit le jour relatif au maintien des privileges concédés aux indiens frontaliers
durant la seconde moitié du 181*mc siecle, apres que les Coras aient reconnus la
Couronne. Les documents datés de 1783 et présentés par Velázquez (1961), ainsi
que les enquetes réalisées dans l‘hiver 1768-1769 par Bugarin (1993) dans les
missions de Nayarit, nous fournissent de précieuses indications quant aux activités
des indiens du District de Colotlán et de la Sierra de Nayarit durant la seconde
moitié du 18icme siecle. Avant de les analyser et de montrer dans la section suivante
l’importance du commerce de se1 dans la zone, nous conclurons en rappelant les
termes du débat autour des privileges des indiens frontaliers.
Les propos des rapporteurs de 1783 mettent l’accent sur le fait que les
habitants de la frontiere étaient fiers d’étre des miliciens. 11s conservaient le nom
d’indiens flecheros en souvenir de leurs principales armes de combat, l’arc et la
fleche, et selon les fonctionnaires de la colonie, les privileges concédés a ce titre les
avaient rendus engreídos prétentieux U. (Velázquez, 1961 : 16). N’oublions pas que
le fait que les indiens frontaliers disposaient d’un gouvernement spécial (qui ne
dépendait pas des fonctionnaires locaux) ne pouvait que déplaire a ces derniers. Le
gouvernement des indiens était assujetti au Vice-Roi de la Nopvelle Espagne qui
codlait son commandement au Capitaine protecteur. I1 était considéré comme étant
leur unique chef. Ses lieutenants gouvernaient et administraient la justice en son
nom a Colotlán, Huejucar, Mezquitic, Huejuquilla et la Nouvelle Tlaxcala. Tous les
peuples disposaient de gouverneurs, maires alcaldes et juges alguaciles indiens, des
autontés qui chaque année étaient présentérs et reconnues par le Capitaine
protecteur ou ses lieutenants (Ibid : 16-17). La Sierra du Nayarit étant soumise a
l’ordre colonial depuis plusieurs décades, les fonctionnaires locaux considéraient
que ces privileges n’avaient plus raison d’étre. Néanmoins, ils avaient conscience
qu’il serait dXicile d’obliger les indiens a payer le tribut et de les soumettre a l’ordre
civil. Bien qu’il faille en finir avec ces situations pnvilégiées, de telles mesures
..
139
Chapitre 3 : Le temtoire au ñ1des échanges
-.
pouvaient entrainer l’éclosion d’une nouveiie rebellion (Ibid : 19-20). Le sentiment
de méfiance exprimé par les fonctionnaires envers les indiens de la ffontiere mon&
que cew-ci étaient des miliciens, et non pas des soldats discipiinés ou des sujets :
iis conservaient l’orgueil du guemer qui avait affronté le conquérant (Ibidem).
4.3.
Le commerce du
se1 d’ouest en est
L’un des facteurs qui favorisa la conquete du Nayar fut la coupure de la route du
se1 entre la Sierra du Nayarit et la cóte du Pacifique. Les Coras, a la différence des
Wixaritari, n’avaient pas passé d’accords avec les autorités espagnoles et peu a peu
ils étouffgrent dans les hauteurs de la Sierra et ses canyons. Une fois soumis, les
I-
.,
~
populations de la Sierra du Nayar reprirent le chemin des salines de la cóte
Pacifique et participerent de l’approvisionnement des mines de Bolaños, qui
connurent un essor important a partir de 1730, mais aussi de celles situées a l’est,
,”-
par exemple les mines de Fresnillo.
4.3.1. Le tole du s e Z dam la &duction ds Z
a Sierra d.Naywit
,,
Olguin cite le chroniqueur Arias y Saavedra (1672) qui mentionne l’existence d’une
..._
,
.
,_.
divinité du sel, Narama ou el
Salitrosso, qui résidait dans les eaux situées vers le
solei1 couchant, c’est-a-dire la cóte du Pacifique. Selon la conception indienne, le se1
nait de la transpiration de
Narama or, c’est la nom que les Wixaritari donnent
encore aujourd‘hui a la divinité Haramara qui se trouve a San Blas, Nayarit, la ou
’-
I
.,.
,,.
ils s’approvisionnaient en se1 (Olguín, 1995 : 217-218). En effet, a l’époque de Arias
et Saavedra, les populations de la cote obtenaient du vin, de la cire, du miel, des
plumes, des oiseaux, des fruits, des peaux et de la canne a sucre en échangeant
y“..,,
...
avec les peuples de la Sierra des poissons, de la viande et du seL Les indiens de la
Sierra allaient ensuite vendre feriar ce se1 dans les mines, pour y acheter ce dont
ils avaient besoin, par exemple des tissus et peaux pour se vétir, mais aussi en
raison de leur
s
inclination naturelle a voyager et commercer
u
(Ibid : 220-221).
Selon Olguin, durant l’époque coloniale les autorités espagnoles soumirent les
. ..
peuples de la Sierra en coupant leur acces a la cote o u ils allaient s’approvisionner
en sel. Cette meme siratégie aurait été auparavant utilisée par les Caxcanes. Les
relations entre les populations cótieres et de la Sierra furent interrompues quand
les premiers furent soumis a l’ordre colonial (Ibid : 210). C’est pourquoi le chef du
Nayarit accompagné de 25 hommes, le Tonati, aurait décidé en 1721 de se rendre a
México pour rencontrer le vice-roi et lui faire part de différentes requétes. Entre
140
Chapitre 3 : Le temtoire au ñi des échanges
autres, il lui demanda de concéder a son peuple le libre aceis a la cóte panfique
pour s’approvisionner en se1 (Ibid : 212).
Pour Reynoso, les Coras auraient commis l’erreur stratégique de vouloir itre
les maitres du commerce du se1 dans la région, apres des décades voire de siecles
de commerce pacifique avec les peuples de la cote, ce qui aurait provoqué le
soulevement de ces populations et la rupture de leurs relations, rendant
insoutenable le manque de se1 dans la Sierra du Nayarit au fur et a mesure que le
temps passait (Reynoso, 1982 : 207). Que cette hypothese soit juste ou non, il est
clair que le se1 fut un facteur important dans le processus de réduction des Coras
qui fmirent par demander de l’aide a don Juan de la Torre Vaidés y Gamboa
(Ibidem). Le Tonati se rendit a Mexico et offnt au Vice-Roi une fléche, un penacho de
plumes, un báton de commandement et recut du Vice-Roi un báton de
commandement omé d’or. I1 lui présenta ses requétes : reconnaitre la possession de
leurs terres, respecter leurs fueros et privileges, ne pas payer de tribut, que le ViceRoi soit leur unique juge et autorité, pouvoir se rendre a Acaponeta et Mescaltitián
pour s’approvisionner en se1 sans payer l’impót alcabah, que soient iibéres leurs
pnsonniers et etre accompagnés d’une escorte lors du retour dans la Sierra (Ibid :
208). Toutes ces requetes montre que les Coras souhaitaient jouir des memes
priviieges que les indiens frontaliers et qu’iis souffraient cruellement d’avoir été
isolés petit a petit des réseaux de commerce du sel.
En 1722 la réduction des Coras fut rendue effective, néanmoins avec l’emploi
de la force, et les Jésuites installérent plusieurs missions dans la zone. En 1769
des enquétes furent réalisées dans la zone apres que des actes jugés paiens aient
préoccupé les autontés quant a la réelle soumission et évangélisation des
populations du Nayarit. Elles furent réalisées dans les missions jésuites suivantes :
Mesa del Tonati, Santa Teresa, San Juan Peyotan, Jésus María y Joseph,
Guainamota, San Pedro Yscatián et El Rosario (Bugarín, 1993). Elles mettent en
evidence que toutes les populations de la zone se rendaient sur la cote du Pacifique
pour s’approvisionner en sel. Les voyages commerciaux et leur duree devaient avoir
été au préaiable autorisées par une autonté : le Commandant (Ibid : 75, 82) ou le
Curé de la mission (Ibid: 185). Les enqueteurs consignerent que
u
su modo
ordinario de buscar la Vida d6 (Ibid : 82), autant dire de subvenir a leurs besoins,
était de se rendre dans les salines pour s’approvisionner en se1 et ensuite d’aller le
vendre
26 *
en divers endroits (Ibid : 82). Les destinations des commerpnts du se1
Leur mode habitue1 de chercher la vie rn se réfere aux moyens de subsistance des indiens.
141
Chapitre 3 : Le temtoire au íildes échanges
étaient les villes et les mines de Xerez, Fresnillo, Zacatecas, Durango et de plus, as
emportaient avec eux des bananes, prunes, canne a sucre et autres fruits. D’autres
indiens, durant cette époque de voyages commerciaux qui correspondant a la
saison seche, ailaient chasser le cerf ou colmenear, récolter du miel et de la cire
d’abeilie (Ibid : 178).Le se1 était échangé dans les haciendas contre des mules ou
contre des pieces de monnaie en argent dans les mines (Ibid : 65,66,73,80,81,
181, 188).Ainsi, une fois soumis les Coras a l’ordre colonial, ils reprirent leurs
activités commerciales durant la saison séche, alors qu’iis se consacraient a
l’agriculture pendant les pluies (Ibid: 80, 130, 136, 158, 185). Parfois, iis
travaillaient dans les haciendas comme muleros -ou porteurs- et dans les mines de
San Francisco (lbid : 222). En conclusion, les biens d’échange entre les differentes
populations des missions, ainsi qu’avec les habitants des mines et haciendas,
étaient le sel, les mules, les fruits, les monnaies métalliques, le miel et la cire (Ibid :
131,159,165, 180).
4.3.2. Cornmercer ne signipe pas scelier des alliances
Ces enquetes nous permettent aussi de soulever un point fort intéressant: les
conceptions indiennes connexes au teme espagnol de comercio u commerce X. A une
premiére question relative au commerce que les indiens d’une mission entretenaient
avec ceux des missions voisines, tous les informateurs répondaient n’exercer aucun
commerce avec eux, et ajoutaient que, quelquefois, iis s’achetaient des biens a l’aide
de sel, mules ou monnaies d’argent (Ibid : 180, 186, 202).Puis, a une seconde
question concernant les destinations des biens commercés,
iis
maniíestaient
l’étendue du territoire au sein duque1 ils transitaient pour se rendre dans les mines
et haciendas, et, impiicitement, ils reconnaissaient passer dans les zones habitées
par des Wixaritari. I1 est important de remarquer cette apparente confusion entre
les deux réponses car elle indique que la conception indienne relative au t e m e de
commerce n implique l’idée d’alliance entre groupes et, qu’il n’était pas souhaitable
de laisser entendre de prime abord que les populations entretenaient des relations
d’alliance, ce pourquoi ils niaient toutes relations d’échange. Par contre, pour les
informateurs indiens il paraissait acceptable de dire qu’ils se rendaient loin, avec
l’autonsation requise, pour vendre des biens contre du sel, mules et monnaies
d’argent. D‘une part le commerce sous-tend l’idée de don et d’ailiance, et d’autre
part, celle de commerce pur et simple sans engagement, te1 le gimwoli des membres
de l’anneau du Kula décrit par Malinowski.
Chapitre 3 : Le temtoire au íü des échanges
142
4.3.3.Les W i x c v l M a d e t o s de sal m entre la Cóte et &s minas de B o M o r
En 1783, c’est au tour des populations Wixaritari d’étre l’objet d’enquetes pour
determiner s’il est souhaitable ou non qu’ils continuent a jouir des privileges
d’indiens frontaliers. I1 existait alors trois peuples Wixaritari, ceux de San
Sebastián, Santa Catarina et San Andrés Camiata, qui étaient considérés comme
a
les plus frontaliers x (Velazquez, 1961 : 1I). 11s se différenciaient des autres
populations en raison de leur langue, coütumes et habiilement (Ibid : 18). Parmi les
indiens du district de Colotlán, les informateurs faisaient une distinction d’ordre
moral entre ceux qui se consacraient a l’agriculture et les autres qui commercaient,
fabnquaient du mezcai et semblaient destines a étre pauvres, rebeiles et a mener
une vie immoraie (Ibid : 21). Les Wixaritari faisaient partie de la seconde
population, d’autant plus qu’en 1725 les franciscains avaient découverts a
Tenzompa un temple ou ils rendaient un culte a un ancetre momifié que les
missionnaires s’empressérent de détruire (Hers, 1989 : 80 ; Rojas, 1992 : 74-75). ils
étaient donc considérés comme des paiens non dignes de confiance qui se
consacraient au commerce et au transport du sel. Les membres de ces trois
populations étaient présentés comme salineros. Le rapport du conseil municipal
Cabildo de la Mairie de Xerez informe que ceux de Huejuquilla, Tenzompa, Soledad
et San Nicolás étaient des anieros porteurs de se1 (Velázquez, 1961 : 16). Et cette
activité de commerce ambulant du se1 perdurait encore au début du 19ltmc siecle. A
en moire le récit de voyage d’un voyageur a Bolaños, les Wixaritari étaient devenus
en
1826 les
fournisseurs exclusifs de
se1 des mines de
Bolaños. 11s
s’approvisionnaient en se1 a San Blas, a Guaristemba, et suivaient une route qui
passait par la Sierra, dont ils étaient les seuls a avoir connaissance,
parcours durait six jours (Lyon, 2000 118261 : 199).
Le
18’Cmc
et leur
c
siecle fut celui de la grande prospérité, néanmoins cyclique, des
mines de Bolaños, qui débuta en 1730. Au début elles souffrirent d’un manque de
capital et c’est avec l’ouverture d’une nouvelle mine en 1748 que sonna le temps de
la prospénté (Valdés, 2000 : 125-126). De plus, cette année les faibles pluies eurent
pour conséquence de générer une famine importante en 1749. Bolaños était alors
I’unique lieu
OU
l’on pouvait s’approvisionner en mais (Ibid : 127). Entre 1755 et
1760 les mines de Bolaños auraient été l’une des trois mines les plus importantes
du Mexique et elles auraient produit 15% de la production miniere totale du
Mexique de 1747 a 1761 (Brading, 2000 : 157). Néanmoins leur production déclina
entre 1760 et 1773 en raison du manque de capitaux et de la dispute pour son
143
Chapitre 3 : Le temtoire au hl des echanges
contróle entre 1’Audience de Guadalajara et la Vice-Royauté (Valdés, 2000 : 129). En
1784, avec la découverte d’un nouveau gisement prospére, une multitude de
personnes aniva a Bolaños (Cópez, 2000 : 136). En 1800 la grande prospinté de
Bolaños avait terminé (Valdés, 2000 : 132). Lorsque Lyon Visita Bolaños en 1826, il
est fort probable que ses mines étaient peu prosperes, d’autant plus apres les
troubles de la guerre d’indépendance, et requéraient des capita-
étrangers pour
fonctionner. Cependant, ce témoignage et les recherches de Rojas (1993 :120)
montrent qu’eiles fonctionnaient et que les Wixaritari s’y rendaient encore pour
vendre du sel. A partir de 1826, la mission de San Sebastián dépendait du Curé de
Bolaños, fait qui confirme l’étroitesse des liens avec cette vilie (ibidem). Un autre
témoignage nous informe que les Wixaritari migraient massivement pour aller
travaiiler dans les
u
terres chaudes w de la cóte en 1850 et 1851 (Ibid : 134). Les
liens entre les populations de la Sierra et de la cóte du Pacifique n’ont jamais cessé
d’étre intenses durant des siecles.
4.3.4.Le.s mines de Catorce
Mors que les mines de Bolaxíos etaient encore relativement prospéres, en 1778
furent découvertes a l’est de fabuleux gisements d’argent. Cette découverte donna
lieu a un premier peuplement dénommé Alamos puis plus tard Catorce (Gerhard,
1996 : 110). Comme de coütume, un grand nombre de personnes sy rendit
(Montejano, 1975: 16). Entre 1803 et 1804, a en croire Humboldt cité par
Montejano, qui émet néanmoins des réserves quant a la vaiidité de ses propos, les
mines de Catorce auraient tenu le second rang au niveau national (Ibid: 17).
CoTilme toutes les mines, son activite fut cyclique, et elles connurent leur áge d’or
SOLS
la présidence de Porfino Díaz,a la fin du 19lcmc siecle et décjinerent a partir de
1905. La découverte de ces mines et leur prospérité tardive nous intéresse tout
particuliérement parce que Catorce constitue a lheure actuelle le lieu de
destination des Wixaritari pour aller récolter du peyotl.
Le culte de San Francisco et les acturls pelerinages a Catorce ne débutérent
qi-’apres l’abandon du village, a partir de 1905. De
!a
.Time maniere, ii semblerait
qu’aucun document historique local ne relate la venut’ des Wixaritari au cours des
siecles passés (Montejano : 220-228). Autrement dit, ces pelerinages tant
catholiques qu’indiens rappelleraient le fait d’avoir autrefois participé a la
dynamique locale.
Chapitre 3 : Le temtoire au ñ1des échanges
144
Or, nous savons que toute activité miniere requérait du se1 et que, pres de
Catorce, se trouvaient les fameuses salines de Santa María de las Charcas,
maintenant nommées Salinas, et Tat&
Matinib par les Wixaritari. Les W w t a r i
disent que ses eaux salées sont les mémes que celles de Haramara, la divinité d i e
de la cóte pacifique. Pourquoi ne pas émettre l‘hypothese que la fmation du
temtoire de récolte du peyotl, et sa sacralisation, eurent lieu au 19’“e siécle
conjointement a l’essor minier de Catorce? I1 est probable qua cette epoque les
Wixaritari réorientérent leur route du se1 depuis la cóte pacifique vers le desert de
San Luis Potosí, a Catorce, la o u pousse le peyotl et oü les sols asséchés de Salinas
forment des croütes de sel.
.~.
....
Les documents historiques compilés par Beatriz Rojas attestent qu’en 1845
les Wixaritari se rendaient en voyage pour récolter du peyotl, rendaient un culte au
solei1 et aux comes de cerfet de vache (Rojas, 1992 : 145-146). C’est le document le
plus ancien que nous connaissions qui fasse état de ce voyage au peyotl27. Aucun
autre document historique ne nous permet de savoir ou les Wixaritari se rendaient
pour récolter du peyotl et, sachant l’amplitude du temtoire au sein duque1 il
pousse, il est difficile de savoir s’ils le récoltaient plutót pres de la zone
Tarahumara, non loin des mines de Parral par exemple, ou s’ils l’échangeaient avec
,
des indiens Tarahumaras, Tepehuanes, Tepecanosi*, Guachichiles ou Zacatecos.
..-
Nous n’en savons rien et tout n’est qu‘hypothese. Par contre nous savons qu’a
partir du 19lem siecle -au moins- ils se déplaqaient pour le récolter. I1 ne nous reste
,.
..
plus qu’a tenter d’apporter des éléments de réponse a la question suivante. Est-il
possible que les Wixaritan aient pns part a un commerce de biens, en suivant une
route Ouest-Est, c’est-a-( ii e de la r:te
-.
...
.-
pacifique vers la region miniere de Catorce 2
c
4.3.5. La question des terres et des mines au 1 9 b t i a d e
L’instabilité politique du 191cmc siecle et la menace de perdre leur base temtoriale
sont deux facteurs determinants pour comprendre le contexte dans lequel vivaient
<-
alors les Wixaritari. Quelques années apres la guerre d’indépendance, l’insurrection
de Manuel Lozada s< n i
la S’rra de 1854 a 1873 et donna naissance a l’état de
.
aux franciscains, ils revinrent dans la Sierra
Nayarit (Rojas, 1993 : 13 ~ 1 4 3 )Quant
en 1826 et entreprirent de nouveau des expeditions pour détruire les temples
.“.
Neanmoins la destination du voyage n’est pas indiquée.
Rappelons qu’a la fin du 16’e”’c siecle les indiens de la vallée du Tepeque, les Tepecanos, reaiisaicnt
des alliances avec les indiens Guachichiles (De Ciudad Real, 1993 : 109-1 10).
2’
28
Chapitre 3 : Le temtoire au fii des échanges
,
.,
. ..
...,
145
wixaritari, notamment en 1852 (Ibidem). A partir de 1882, soit moins de dix ans
apres la fin de la révolte de Lozada, commencerent les tourments relatifs au
démembrement des terres communales de la Sierra (Ibid : 144), alors qu’avait déja
été consommée la séparation définitive entre les populations wixaritari de la Sierra
et celles situées en contrebas des versants nord-est (LaSoledad, San Nicolas). Deux
nouvelles communautés wixaritari virent le jour durant ce siecle: Guadalupe
Ocotán a l’ouest et Tuxpan de Bolaños au sud. Les trois autres communautés,
...
assailiies par les haciendas, exploitants de bois et métis locaux, commencerent
alors a se battre entre elles au sujet des limites de leurs terres communales. La
fragmentation et la délimitation strictes des temtoires
wixaritari sont un
phénoméne propre au 191*mc siecle.
Au niveau global, l’activité miniere connút une forte crise en raison de la
..
,
-
,.
guerre d’indépendance et du manque de capitaux consécutif a l’expulsion des
espagnols (Cardoso & Bátiz, 1980 : 119-120). La compagnie d’investissement
étrangere Companía de Bolanos qui finanqait l’exploitation des mines de Bolaños
commenqa a fonctionner entre 1824 et 1825 et ce jusqu’en 1849 (Ibid : 122). En
r.-
général, toutes les compagnies d’investissement minieres29 frent faillite entre 1824
...
I
et 1850, période durant laquelle les techniques de production ne furent pas
modifiées en comparaison avec l’epoque coloniale (Ibid : 126). Si en 1804 la
,
production d’argent de la Nouvelle Espagne représentait 66% de la production
~..
,,....
mondiale (lbid : 119), en 1850 elle avait chuté a 53,84% et a 25, 90% en 1880
(Ibid : 128). De 1850 a 1880, les plus importantes mines d’argent étaient ceiles de
Guanajuato, Zacatecas, Real del Monte et Catorce (lbid : 129).
Malgré l’intérét croissant que le gouvernement mexicain manifesta pour
~,..
,,.I_
exploiter des minéraux, par exemple en promulguant plusieurs lofs relatives a cette
question de 1850 a 1880, ce secteur souffrit du grave probleme de manque
..
_..
d’infrastructures de transport (Ibid : 133). C’est sous la présidence de Poñirio Díaz
que l’exploitation des mines d’argent, et autres minéraux, connut un nouvel essor
et &e d’or (Ibid : 339-379) et que la construction des chemins de fer facilita le
. .~
,.-..
.
transport des biens (Ibid :198).
I1 convient d’ajouter que le premier produit d’exportation mexicain était alors
la monnaie d’argent qui était frappée dans différentes maisons Casas de moneda,
entre autres celles de México, Guanajuato, Zacatecas, San Luis Potosí et, dans des
proportions moindres, celle de Catorce. De 70 a 80% des monnaies frappées étaient
29
La provenance des capitaux etrangers etait anglaise.
t
Chapiire 3 : Le temtoire au ñi des échanges
146
exportées de teiie sorte que, paradoxdement, le Mexique souffrait d'une pénune
monétaire (Ibid : 181-183).
Fig. 15 : Distribution giolpaphique de la production minibre 1830-1876
(Cardoso h BLtitfs, 1980 : 130)
En ce qui conceme le commerce intérieur de 1821 a 1880, il fut soumis au
systeme d'imposition ancien de la alcabala, et seuls certains produits furent
exemptés de son paiement. Entre autres, nous noterons que ce fut le cas du coton,
de la cire, du tabac et le saZitr@ (Ibid : 198). Le commerce et la production de se1
furent modiftes avec la nationalisation des salines en 1824, qui devinrent aiors
propnété. du gouvemement mexicain, et lorsque les rentes du se1 furent déclarées
30
Le salitre est un bien dinérent du sei. I1 étaif utilise pour faire la poudre a canon dont la production
et vente étaient contrólées par I'état.
Chapitre 3 : Le temtok au iil des échanges
147
fédérales en 1846. Le litige entre les états de la fédération a ce sujet générerent des
situations de pénune et la hausse du pNc du sel, phénomines qui compliquerent
l’exploitation des mines (Ibid : 135). Dans ce contexte de nationalisation des salines
et de pénune issue des debats entre les états et la fédération, il est raisonnable
d’émettre l‘hypothese que, du point de vue des exploitants miniers, il était
acceptable et profitable de chercher a s’approvisionner en se1 de maniere
aitemative3’. Bien que la production de se1 ait été nationalisée en 1824, nous
savons qu’en 1826 les Wixaritari approvisionnaient en se1 les mines de Bolaños. I1
est donc possible qu’iis aient aussi participé a l’approvisionnement des prosperes
mines de Catorce, que ce soit depuis la cote du Pacifique ou Salinas, San Luis
Potosí. De plus, la région qui entourait Catorce n’était pas súre. De 1841 a 1857,
dans la zone qui entoure Catorce ont été enregistrées au moins trois incursions
d’indiens venus de Coahuila, des Lipames et des Comanches, qui volaient les
haciendas, en tuaient les résidents et y mettaient le feu (Montejano : 1975 : 120128). Aux problemes de pénune il convient donc d’ajouter celui d’insécunté de la
région miniere et donc de la zone saline. Or, c’est justement a cette époque
qu’apparait le premier témoignage écnt relatif au voyage des Wixaritari pour d e r
chercher du peyotl et, rappelons-le, que l’exploitation des mines de Bolaños fut
interrompue.
Plus tard, durant la prospére et libérale époque du Porfirato, le se1 vint a
manquer en raison de la vente de salines a des étrangers, de la non exploitation de
l’ensemble des salines existantes et d’une forte imposition fiscale. Tous ces facteurs
favonserent aussi la hausse de son pNc. Par exemple, aprés 1894, la demande de
se1 des mines de Pachuca fut alors satisfaite a l’aide des salines de San Luis Potosí
(Ibid : 343).
Enfm, est-il possible que les Wixaritari aient travailié dans les mines de
Catorce ? Les recherches de Montejano (1975) n’apportent aucune indication a ce
sujet parce qu’ il classifie les travailleurs en terme de castes de sorte que tous les
indiens sont regroupés sous une méme appellation. Nous n’emettrons donc pas
d’hypoihese sur ce point.
31
Les entreprises minieres établissaient des contrats directs avec des producteurs locaux de sel,
charbon, bois, etc. a h de s’assurer de l’approvisionnement de ces produits. Afm de faire respecter les
engagements pris par les producteurs, elles avaient parfois recours a la menace, en raison de leurs
bonnes relations avec les autorites politico-judiciaires (Ibid : 222).
Chapitre 3 : Le temtoire au ñi des échanges
148
4.3.6. ikiste-t-ii une antique route du sei et du p e p t i qui M d’ouest an est 2
Résumons notre démonstration. Durant l’époque coloniale et jusqu’a la révoiution,
l’économie du nord du Mexique fut largement axée autour de l’exploitation miniere.
C’est dans ce contexte que s’insere l’histoire des indiens de la Sierra Madre
Occidentale, celie des Wixaritari mais aussi des Coras, des Tepehuanes et d’autres
groupes ethniques aujourdhui disparus. Les Wixaritari ont integré l’ordre colonial
des le
17iimc
siécle, apres la révolte tepehuane, et en devenant des soldats de la
frontiere ils purent continuer a vivre comme des guemers qui étaient indépendants
..
des autontés civiles espagnoles de la Nouvelle Galice. Les privileges concédés a ce
titre, et leur grande mobilité spatiale, leur permirent d’aitemer les activités agricoles
durant la période des pluies avec celies de commerce durant la saison seche. Une
fois les Coras soumis a la Couronne, l’ensemble des indiens de la Sierra se
consacrerent au commerce du se1 entre la cote du pacifique et les mines de Bolaños
,,--.
qui étaient alors en plein essor, en suivant un chemin qu’ils connaissaient de
longue date. Une fois les troubles de l’indépendance passés, cette activité fut reprise
puis, lors de la seconde moitié du
19lenic
siécle les mines de Catorce connurent un
essor parallele au déclin de celles de Bolafios. C’est alors qu’apparait le premier
document histonque qui atteste du voyage des Wixaritari au peyoti3’. Notre
hypothese est qu’il est fort probable qu’ils aient participé au commerce du se1 avec
P
les exploitants miniers de Catorce et qu’ils pouvaient s’approvisionner en se1 tant a
San Blas, Nayarit, qu’a Salinas, San Luis Potosí. Ces voyages étaient pour eux
l‘occasion de rapporter du peyotl de la région de Catorce. Bien que son usage soit
ancien, les moyens d’obtention et la provenance de ce cactus hailucinogene, durant
I
I
I.
et avant la colonie, restent aujourdhui inconnus. Nous proposons, sous toute
réserve, que c’est conjointement a l’essor des mines de Catorce gue les Wixaritari
ont fmé cette zone comme lieu d’approvisionnement en peyotl, scellant ainsi leur
route de creation mythique d’ouest en est. Néanmoins nous avons conscience qu’ils
ont pu connaitre ces lieux d’approvisionnement en se1 et en peyotl depuis plusieurs
siécles auparavant. Notre propos est de tenter de reconstruire l’histoire sur la base
de démonstrations tangibles.
Dans le demier paragraphe de ce chapitre, nous mettrons de nouveau en
paralléle les contextes économique et politique d’ordre macro avec les événements
32
Nous tenons a insister sur le fait que de nombreux documents parlent de consommation de peyotl
mais pas d‘expédition a la recherche de peyotl. La difference enire le fait de consommer du peyotl et de
s’approvisionner en peyotl est importante et it convient de ne pas faire de confusion a ce sujet.
-
_I_--__-
149
Chapitre 3 : Le temtoire au iil des échanges
locaux, et nous montrerons que l’un des biens dont la production et le commerce
acquirent une grande importance est le tabac, une plante qui par ailleurs a dú faire
l’objet de relations d’échange entre groupes indiens. Or, le tabac pousse sur la cóte
. ..
pacifique. I1 est intimement lié a la route de création mythique wixarika qui va
d’ouest en est. I1 fut utilisé ntuellement par une multitude de sociétés indiennes,
’“...
notamment celles du nord et de l’est. I1 est donc possible que le tabac ait participé
aux relations d’échange entre les Wixaritari et autres indiens qui utilisaient du
peyotl.
,-
_
I
5)
Tabac et utisanat : les ressources monétaires du
5.1.
h a usages indiana, espagnols et métia du tabac.
-0
siecla
Le tabac est une plante dont l’usage est intimement associé au pelerinage au peyotl
/--
et, selon la version du mythe de la premiere expédition au peyotl transcnte par
Benzi (1971), le premier chef de cette expédition düt d’abord aller chercher du tabac
,
I-
-
sur la cóte de Nayarit avant d’entreprendre la premiere expédition a la recherche du
peyotl.
Le premier explorateur savant a avoir presenté de facon détaillée les activités,
,“
festivités et croyances des indiens Wixaritari est le danois Carl Lumhotlz, qui visita
’~
..,.
la Sierra Madre Occidentale lors de la derniere décade du 19l‘me siecle. Ses Emits
attestent de la relation entre l’expédition a la recherche du peyotl et l’usage rituel
..
.
,.
-’
du tabac qui était strictement reservé aux hommes. Le tabac était réparti entre les
membres de l’expédition en un lieu nommé Puerta Cerrada dans l’état de Zacatecas
(Lumholtz, 1904: 125-131). De plus, les pelerins au peyotl et leurs femmes
devaient s’abstenir de manger du se1 pendant la période du pele-rinage (Ibid : 127).
..
I--
A cette époque, le se1 ne servait pas a cuisiner mais constituait une douceur
golosina (Ibid : 84).
Auparavant, les récits sur les populations indiennes étaient réaiisés par des
,--
missionnaires que l’usage de ces plantes répugnaient, d’oü les précautions a
prendre lorsque l’on fait référence a ces écrits. C’est le cas au 18lcmc siecle du Pere
. ...
franciscain Arlegui qui relata, une fois les indiens Coras soumis a l’ordre colonial,
que les tribus de la région utilisaient le peyotl et lui rendaient un culte parce qu’il
leur pennettait de savoir que1 serait le résultat de leur entreprise guemére. I1
,-..
remarqua que les indiens utilisaient d’autres herbes a des fins de divination, pour
chasser par exemple, mais aussi a l’occasion des baptemes des jeunes enfants : ils
150
Chapitre 3 : Le temtoire au fii des échanges
attachaient une petite bourse remplie de peyotl ou d’une autre herbe au pied de
l‘enfant (Arlegui, 1851 : 154-155). Arlegui ne savait pas avec exactitude queue ét&t
la plante en question. Nous savons qu’a lheure actuelle ces petites bourses sont
remplies de tabac. 11 est fort probable que le tabac ait été utilisé de longue date car
son usage a été attesté dans un grand nombre de sociétés amérindiennes. De plus,
le tabac fut l’un des biens que le Capitaine Caldera donna a w indiens principales et
gouverneurs de la Sierra de Tepic en juin 1595 a Zacatecas (Powell, 1997 : 284). Le
tabac, de 1590 a 1597, fut réparti en grande quantité dans la frontiere nord, sans
pour autant que l’on sache quelle était sa provenance (Ibid : 288).
On pourrait donc penser que les Wixaritari ont échangé du tabac avec les
populations indiennes qui vivaient d a s les temtoires du peyotl. Bien que cette
hypothese soit tangible, nous n’en
savons nen. Néanmoins nous avons
connaissance que le tabac est une plante qui intéressa aussi les espagnols a partir
du 18lcmc siecle, raison pour laquelle il fut inscnt sur la liste du Real Estanco en
1768, c’est-a-dire que sa vente fut contrólée par la Couronne. Sa production était
alors autonsée dans la zone de Huatusco, Córdoba et Zongolica, soit dans l’actuel
etat de Veracruz (Florescano & Gil, 1976 : 128-130).
Durant le 18ieme siecle le tabac n’était apparemment pas cultivé dans sa zone
d’actuelle grande production : la cote de l’état de Nayarit. Le registre de sa
production apparait a partir du 1 9 ~ e ~siecle,
~=
une fois la guerre d’indépendance
achevée, alors que le port de San Blas devint un grand port commercial durant une
cinquantaine d’années. Alors, les activités commerciales et agricoles connurent un
important essor ainsi que la place commerciale de Tepic, située non loin de San
Blas (Meyer, 1997 : V.2)33. En plus d’y produire en abondance du mais et des
haricots, on cultivait du coton pres d’Acaponeta, Santiago Ixcuintla et Rosa Morada,
de la canne a sucre a Tepic et dans la vallée de Ahuacatlb, du riz a Tepic et
Compostela, du café a Tepic et du tabac dans toute la région. La qualité du tabac
égalait celle du tabac de Onzaba. Le tabac et la canne a sucre se pretaient a une
production industxielle et commercialisation proiitables (Ibidem).
L’activité du port de San Blas déclina a partir de 1855 et c e s a d’étre
importante en 1870 (Ibid : V.3). Sous la présidence de Porfírio Díaz (1876-1910) la
politique de modemisation de l’agriculture fut dingée vers les secteurs les plus
33
J’ai consult6 cet ouvrage sur internet, raison pour laquelle je ne dispose pas des numéros de page
correspondants. Néanmoins, je cite les reférences du numero de chapitre (V)et du paragraphe
correspondant (2)(Meyer, 1997 : V.2).
151
Chapitre 3 : Le temtoire au üi des echanges
profitables, dont le sucre et le tabac, et sa politique favonsa l’entrée de capitaux
étrangers (Ibid : V.9).Les grandes haciendas de la cote produisaient du tabac et du
coton ainsi que du café de bonne qualité qui etait cultivé dans la zone temperée.
Ces biens jouissaient par ailleurs d’un prix élevé qui rendait profitable son
transport tant dans le pays qu’a l’exténeur. Par ailleurs, l’exploitation miniere
connut un nouvel essor dans la zone, on comptait alors 27 mines ou étaient
,*..,
..~
employes des milliers d‘hommes. Les revenus de ces activités étaient concentrés
dans les mains de quelques uns : sept familles et deux sociétes Casas contrdaient
72 haciendas -qui couvraient 75% du temtoire-, les mines, les industries et le
commerce (Ibid : V.1 I).
Te1 était le panorama de l’économie et de la société regionale lorsque
Lumhotiz visita la zone a la fin du
I”-
19lcme
siecle. A cette epoque, les Wkaritari se
rendaient dans les haciendas pour travailler a la culture du coton (Lumholtz:
1904 : 65, 116)mais aussi du mais (Ibid : 116).
,-’-
5.2.
F-
,a-
@-<
Les échmnges inter-ethniques B la fin du 19-
ri¿cle
La durée du voyage qui reliait Guadalupe Ocotán, la communaute Wixárika la plus
occidentale, a Tepic était de six jours. En arrivant aux alentours de Tepic, Lumholtz
nota la prospénté des haciendas qui produisaient du riz, de la canne a sucre, du
café et se consacraient aussi a l’exploitation miniere (Ibid : 286-290).Lorsqu’il
aniva a Tepic, l’explorateur danois avait déja traverse la Sierra des Wixaritari. Lors
de son séjour dans la Sierra, il avait associé la connaissance qu’avaient certains
~-
,
indiens de la langue espagnole au fait d’aller travailler dans les champs,
pnncipalement de coton. Cette indication nous montre, une fois de plus, que les
montagnes de la Sierra constituaient une baniere naturelle qui rendait dXicile
l’entrée des étrangers dans les temtoires des Wixaritari mais que ces derniers ne
vivaient pas reclus dans leurs montagnes et se déplagaient pour aller commercer et
travailier. Lumholtz nota que ceux de Santa Catarina, qui etaient selon lui les
moins aimables et les plus ethnocentriques34, étaient parmi les Wixaritari ceux qui
,-,--
entretenaient le plus de relations avec les blancs parce qu’ils voyageaient beaucoup
(lbid : 152).Les écrits de Lumholtz nous livrent de précieuses indications quant aux
échanges qui avaient lieu entre les Wixaritari et les métis ainsi qu’entre les
r-
34
Lumhotiz justifie cette affirmation par le fait que pres de Santa Catarina se trouvait la Mecque
wixárika : Teakata (Ibidem). Teakafaest un site sacré qui se trouve au cceur d u territoire wixárika et
qui concentre un grand nombre de temples, dont le principal est dédié a l’ancetre du feu T a t m ’ .
,
-.
152
Chapitre 3 : Le temtoire au ñi des échanges
et autres goupes indiens. I1 semble que les échanges inter-ethniques
w-tari
étaient monétarisés, c’est-a-dire que tout bien ou service était échange contre de
-..
<
l’argent, qui était a son tour employé pour acquérir des biens ou payer des services.
En ce qui conceme les relations commerciales avec les metis, nOuS
dis&cerons la main d’ceuvre indigene des biens transformes. Les indiens etaimt
employés contre paiement d’un salaire dans les haciendas de la cóte du Pacifique
qui produisaient du coton et du mais ainsi que dans une fabrique de mezcd de
Mezquitic (Ibid : 97). Avec cet argent, ils achetaient aux métis de Mezquitic du
pain, du chocolat et des bougies pour préparer leurs cérémonies (Ibid : 6, 119) ainsi
.._,
que des tissus, du fü, des aiguilles, des perles et de la laine pour fabriquer leurs
vétements et offrandes (lbid: 213). Pendant la période des pluies,
ils
se
consacraient a la fabrication de chapeaux (Ibid 59). Parfois, ils achetaient des mules
et des chevaux aux métis (Ibid : 249) ainsi que de l’alcool (Ibid : 251). Par ailleurs, a
,..*,.
Mezquitic
ils
leur vendaient des fromages (Ibid: 248) et du pin résineux om&
inflammable (Ibid : 249). Enfin, certains métis se rendaient dans la Sierra pour
acheter des vaches, des moutons et des mules (Ibid : 250).
Les Wkaritari entretenaient aussi des relations commerciales avec les
indiens de la region. Les senrices des chamans Wixaritari étaient sollicités par les
Coras et les Tepehuanes (Ibid : 21). Quant au peyotl, a la fin du 1 9 t h siecle, les
indiens Tepecanos dirent a Lumholtz qu’ils n’ailaient plus le récolter eux-méme et
l’achetaient aux Wixaritari (Ibid : 123). La durée du voyage des groupes de pklerins
Wixaritari au peyotl était de 43 jours (Ibid : 125) et était entrepris une fois la Gte
des courges terminée, soit a partir du mois d’octobre (Ibid : 100, 125).
Les relations entre les communautes Wixaxitari etaient tendues en raison des
litiges relatifs aux limites des communautés (Ibid : 244, 260-261), notamment entre
Santa Catarina et San Andrés (Ibid : 75). En plus de ces probfemes temtoriaw
(Ibid : 244), les autorités civiles étaient chargées de régier les litiges internes qui
portaient généralement sur le vol de betail (sanctionnés par des peines de prison de
cinq jours sans manger ou des coups de fouet), les mariages et les abandons du
foyer (Ibid : 245). Les autorités civiles conqistaient er - n maire alcalde, un
gouvemeur, un capitaine et quatre batopir 1s (Ibid : 2 I ,. Chaque arinée, les
nouvelles autorités étaient présentées aux autorités locales de Mezquitic (Ibid :
187).Aucun curé n’ofiiciait avec régularité
a Santa Catarina et San Andrés et seul
le Curé de 1’Hacienda de San Antonio s’y rendait une fo s par an pour marier et
baptiser (Ibid : 179). Cependant, les communautés -’isposaient d’autontés
Chapitre 3 : Le temtoire au fil des échanges
153
ecclésiastiques. Par exemple, a Santa Catarina les majordomes avaient pour
vocation de surveiller l’argent des saints (Ibid : 244).
Une fois les nouvelles autorités nommées, des messagers des autontés se
rendaient aux quatre directions cardinales pour déposer des offrandes, notamment
a San Blas et a Magdalena o u l’offrande consistait en un canoe (Ibid : 189). Cette
indication est tres importante car a l‘heure actuelle le lac de Magdalena est asséché
et les Wixaritari l’ont substitué par celui de Chapala. Si bien qu’en moins d’un
siecle, ils ont substitué un lieu de pelennage par un autre. Déja, a l’époque de
Lumholtz, la dimension du lac de Magdalena avait diminué en raison d’une
irruption volcanique (Ibid : 310).
*-.
L’explorateur danois remarqua l’appropriation de la pratique de l’élevage qui
fut introduit par les blancs : les Wixaritari réalisaient des cérémonies pour favonser
l’élevage du bétail. Selon Lumholtz, cette nouvelle pratique avait généré
l’augmentation conjointe des sacrifices a réaliser (Ibid : 196-197, 252). Les
Wixaritari élevaient des moutons pour obtenir de la laine que les femmes tissaient
e-
(Ibid : 249), une activité qui tendait a disparaitre car ils préféraient parfois acheter
de la laine en fibre végétale (Ibid: 250). Le bétail était un indicateur de la
”-
differenciation sociale et la société n’était pas égalitaire. I1 y avait des plus riches et
des plus pauvres que l’on pouvait distinguer en fonction du nombre de vaches,
,-
mules, chevaux, poules, moutons et outils en fer qu’ils possédaient ou non.
Cependant, seuls trois ou quatre individus avaient pres de 200 tétes de bétail (Ibid :
248).
,*-.
~.
,-~.,
-
,’
...
.-I_
En conclusion, lors du voyage de Lumholtz en terre wixárika, le commerce du
se1 n’existait plus. Par contre, les indiens allaient travaiiler dans les haciendas de la
cote, la fabrique de Mezcal de Mezquitic, un village ou ceux de S p t a Catarina se
rendaient pour commercer et obtenir la reconnaissance de leurs autorités. De plus,
les Wixaritari avaient acquis une certaine supérionté culturelle sur les populations
indiennes de la region, a la différence de l’époque ou les Nayaritas dominaient la
region, en raison du recours de ces populations a leurs chamans et groupes de
.,,...
pelerins au peyotl. Enfin, l’une des expressions de l’existence de la route myüuque
,,-.
d’ouest en est reside dans la pratique du transport des eaux sacrées d’est en ouest,
. ,‘
et inversement d’ouest en est, din que les eaux cherchent a retourner en leur lieu
d’origine et passent au dessus de la sierra sous forme de nuages et génerent la
,
.. .
,”-
pluie (Ibid : 192).
154
Chapitre 3 : Le territoire au til des échanges
Quelques années apres Lumholtz, la Sierra Madre Occidentale fut aussi
traversée par un autre explorateur, Konrad
,-
T. Preuss, cependant ses écrits
n’apportent guere d’informations sur l’état des relations inter-ethniques et se
focalisent sur les aspects culturels sans apporter d’éléments nouveaux en
,-
comparaison avec ceux fournis par Lumholtz (Jaureguí & Neurath, 1998). En 1910
débuta la revolution qui scella la fin de l’exploitation miniére de Catorce -qui avait
chutée des 1905- ainsi que la migration vers le nord de ses habitants, et qui amorqa
une nouvelle configuration de la donne politique, sociale et économique dans l’état
de Nayarit et le Mexique en général.
c-
5.3.
La culture du tabac sur la cote pacifique
La révolution débuta en 1910 et constitua un changement radical en ce qui
concerne la répartition des terres dans l’état de Nayarit et la reorientation des
activités productives. De 1910 a 1930, la culture de la canne a sucre chuta de So%,
la production de café, haricots et tabac connut de fortes augmentations ; celle du
m d s augmenta de 30% et occupait alors la majeure superficie (Meyer, 1997 : VI.4).
En 1928 furent construits des chemins de fer qui améliorerent le transport des
marchandises. En 1930, la majeure partie de la population travaillait dans les
champs et une minonté de personnes controlait la vie économique et le travail dans
l’état de Nayarit (Ibid : VI. 5). C’est a partir de cede époque que la réfonne agraire
débuta et le coup décisif fut donné entre 1933 et 1934, soit un peu avant la
présidence de Lazar0 Cardenas (Ibid : VI.6). En 1945, fut entrepnse la construction
d i m grand nombre de routes qui paracheva la révolution de l’economie locale.
Conjointement a l’augmentation de la population, la proportion des terres mises en
culture augmenta et passa de 150 O00 Has en 1930 a 225,000 Has en 1950.
L’agriculture continuait d’étre la premiere activité économique de l’état de Nayarit
(Ibid : VI.7).
Nayarit, depuis 1970, produit 8OYo du tabac national (Ibid : VI. 2). Dans les
P-
municipalités o u est cultive le tabac : c’est-a-dire a Tepic, Compostela, Tecuala,
Tuxpan, Santiago Ixcuinüa, Rosamorada
.-
et
San %las. Elles représentent 40%de la
supeflicie totale de l’état, et 70% de la population s’y concentre (Ibid : VII.1). Depuis
1985 le tabac est a la tete de l’économie régionale et, avec le haricot, ils
”C
représentent la moitié de la production de l’état de Nayarit en valeur. 11s sont
exclusivement cultivés en automne et en hiver (Ibid : VII.2), période durant laquelle
.
.
-155
Chapitre 3 : Le temtoue au hl des échanges
les Wixaritari, Coras et Tepehuanes migrent sur la cóte pour d e r travailler dans les
champs agricoles.
Les Wixaritari se sont spécialisés dans la récolte des feuilles de tabac apres
la chute de la culture du coton puis sa disparition. Nous avons déja explicité les
,I-
.-
tenants de la migration wixárika dans le chapitre 2, raison pour laquelle nous ne
nous y attarderons pas. Le fait est que la cóte du Nayarit et ses exploitations de
tabac représentent la premiere destination migratoire des Wixaritari, entre les mois
de décembre et de mai. L’intensite des relations entre la Sierra et la cóte Pacifique
n’a jamais décliné.
y-
..
S.4.
L’eiurr de la production utiaanale winbika et sa vente
L‘autre grande source de revenus des Wixaritari au 20iCme siecle, a partir des années
cinquante, est la production et la vente de leur artisanat dans les centres urbains
de toutes M e s . Souvent, la migration dans les champs agricoles s’accompagne de
la vente d’artisanat lors des jours de relache. Tous les Wixaritari se consacrent a la
production artisanale, meme les plus fortunes et les familles de professeurs qui
disposent de revenus permanents. Par ailleurs, de nombreuses pages web
proposent d’acheter de l’artisanat wixánka, certaines au profit d’intermédiaires ;
d’autres annoncent que les produits des ventes serviront a mettre en place un
dispensaire et une école a Huejuquilla, ou encore, que les bénéfices seront perqus
par les indiens.
Dans le chapitre suivant nous détaillerons les changements intervenus au
,*-.
-.
cours du 2 O ” m ~ siecle en lien avec la mise en place de la politique indigéniste au
sortir de la revolution. Auparavant nous présenterons un exemple de création dune
nouvelle destination des pélenns Wixaritari d i n de montrer que les routes des
migrants et des pelenns sont indissociables et flexibles.
La ville de Monterrey, qui est située au nord-est du Mexique, constitue la
,-
troisieme métropole du pays aprés Mexico et Guadalajara. Depuis plusieurs années
des Wixaritari s l rendent pour vendre leur artisanat. A la fin du mois d’octobre, ils
y réalisent une cérémonie dans un parc nature1 dénommé
a
La Huasteca x qui est
situé dans la municipalité de Santa Catarina, contiguz a celle de Monterrey. Sont
invités a y assister des habitants de la métropole et cette cérémonie est connue d’un
grand nombre de regiomontnnos~~.
Les ofíiciants sont des Wixaritari originaires de
la partie occidentale de la Sierra, de la communauté de San Andrés et de Tepic,
*35
Nom donné aux habitants de la métropole de Monterrey.
Chapitre 3 : Le temtoue au fü des echanges
Nayarit. 11s ont construit un temple
xiriki
156
sur une plate-forme naturelle qui est
surplombée par un pic en forme d’aigle. Ces Wixaritari ont declaré qu’ils réalisaient
ce voyage avant de se rendre a la recolte du peyotl. On peut penser qu’ils vont
ensuite a Real de Catorce, mais rien n’est moins súr, car a quelques kilometres de
,---
ce lieu pousse le fameux cactus hallucinogene dans la localité de Icamole, qui longe
le parc naturel en question. Comment comprendre ce phénomene de creation d‘un
.
.”.
nouveau lieu de pelennage ? Selon nous, ce phénomene montre la pertinence de la
démonstration que nous avons réalisée. Les chemins qu’empruntent les pelerins et
migrants son entrelaces : la ntualisation des activités commerciales participe de
l’appropnation par les migrants des lieux de transit et destinations. Les limites du
.
i_
tenitowe
vécu ne sont jamais fucées une fois pour toutes et tendent a etre
réactualisées, certaines ont éte désacralisées, comme le lac de Magdalena, alors que
d’autres connaissent un processus de sacralisation, a l’instar du parc naturel u La
Huasteca n a Monterrey.
I-
..-
I
.
.
A
.
-
L
Chapitre 3 : Le temtoire au hl des échanges
Fig. 16 :Le xi- de u La Huuteca n i Monterrey, Nuevo León
Photo de Séverine Durin
157
__
--
1
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personneí et des ressources
..
-.*
,
I
C
-
158
L’acciliration de la circulation des personnes et des ressources
Au cours des
19CmC
et 205nic siecles, les anciemes routes du commerce au long court
se sont transformées en des chemins de pelerinage et routes empruntées par les
migrants a la recherche de travail. De nouvelles destinations sont aussi apparues,
de telle sorte que le territoire vécu n’a jamais cessé d’étre flexible. Peu a peu il est
devenu plus facile de se rendre dans des localités envkonnantes ou éioignées et,
depuis quelques dizaines d’années, le rythme de la mobilité s’est accru de facon
importante. conjointement a la creation de pistes d’attemssage, de routes et a
l’achat d’autocars par les communautes. Posséder une voiture permet de se
déplacer vite, mais constitue encore un fait rare, si bien que la voiture ou la tromi
est devenue l’embleme de la richesse par excellence, un privilege dont seuls
jouissent quelques uns. Enfin, l’empnse de l’état et du marché, qui était déja
?’-’,
importante, s’est accrue et se manifeste, au travers de la reforme agraire, par la
mise en place de politiques sociales et de la participation de Wixaritari au marché
de la main d’ceuvre, principalement agricole.
L’importance d’gtre mobile place au cceur de la dynamique sociale la gestion
collective de la circulation des personnes mais aussi des ressources. Or une forte
accélération de cette circulation s’est produite a partir des années soixante sous
l’impulsion de la politique indigéniste dont la premiere vocation fut de désenclaver
la zone. Rapidement, son action se centra autour la formation de x promoteurs du
I
.
..
changement social w et engendra l’apparition de nouveau roles, comme celui de
maitre d’école, d’artisan ou de commerpnt de detail. L’accord de préts en faveur de
l’élevage et la mise en place d’infrastructures ont généré une importante
<-
I
,<c,.
augmentation de la masse monétaire et du rythme de circulation de l’argent ;
actuellement les communautés indiennes connaissent une pression inflationniste
qui s’accompagne d’un processus de différenciation sociaie. La différenciation
sociale s’expnme dorénavant en fonction du degré de circulation des revenus
monetaires et des personnes. Pour les Indiens, est nche celui qui dispose de
...”.
,-.
revenus permanents ou possede un moyen de transport personnel et ceux qui sont
jugés comme étant des pnvilégiés sont les commerqants et les professeurs bilingues
employés par la Secretaria de Educación Pública (SEP).
-
A-
-
1 La %oca” est le t e m e qu’utilisent les habitants du nord du Murique pour désigner les camionnettes
pick-up.
Chapitre 4 : L‘accélération de la circulation des personnes et des ressources
159
Les politiques publiques qui ont visé a modifier le panorama routier et sociai
de la zone sont en partie responsables de cette réorientation du processus de
différenciation sociaie. Cependant, il est nécessaire d’évaluer de facon plus précise
leur impact et de se demander de quelle maniere les membres des communautés
ont réagi a ces initiatives gouvernementales. Les effets furent multiples, et par
exemple, la plus grande rapidité avec laquelle il est maintenant possible d’entrer et
de sortir de la zone a facilité le contact avec de nouveaux acteurs tels que les
organisations non gouvernementales, contribuant ainsi a l’affhx de nouveaux
appuis politiques et ressources. De la méme maniere, l’achat a crédit par la
communauté d’un bus, par le biais du Fond Régional de Solidarité, a constitué une
maniere d’accélérer le déplacement de tout un chacun, a lheure ou les voitures ont
fait leur entree dans la Sierra. Ces exemples montrent que Yappropriation des
initiatives externes par la collectivité indienne a été possible des lors qu’elles
concernaient la mobiiité spatiale des personnes et la protection du temtoire.
1) Ette Indien, c’est etre pauvre ?
Etre Indien, c’est étre pauvre. C’est du moins 1Fdée que les métis se font des
Indiens, et c’est aussi l’idée que la plupart des Indiens ont d’ew-mémes. Notre
objectií n’est pas de discuter si cette affirmation est juste ou erronée d’un point de
vue quantitatif, mais d’insister sur le fait qu’étre pauvre, et en particuiier étre
dépourvu de revenus monétaires réguliers et de moyen individuel de transport,
constitue un marqueur de la condition d’Indien par opposition a celle du métis. Le
jinete ou homme a cheval, qui constituait autrefois l’image du métis en opposition a
celle de l’indien qui marche a pied, a été remplacé par le propriétaire d’une @oca ou
camionnette pick-up. A l’heure o u certains Indiens possedent une voiture, comment
les membres des communautés indiennes réagissent-ils a cette nouvelle forme de
différenciation sociale? Et de quelle maniere redéfinissent-ils leur identité
collective ? L’anecdote suivante évoque les tensions relatives a cette question
sociale.
Au cours d’une féte qui se déroula au mois d’octobre 2001 dans le centre
cérémoniel de Keuruwitia, un homme interpella violemment l’un de ses congéneres
et lui dit x moi je suis Indien, je suis pauvre, et je n’en ai pas honte x. La personne
agressée verbaiement se rend régulierement aux Etats-Unis pour y travailler en tant
que jardinier et possede une Poca . A l’époque des faits, il était chargé de présider
160
Chapitre 4 : L‘accélération de la circulation des personnes et des ressources
les actions du programme du Fond Regional de Solidarité. Au cours de cetie fete. il
offrit de nombreuses bieres a ses congéneres, et selon ses dires, il aurait dépensé
pres de 3000 pesos en boissons. I1 fut défié par un homme qui profita du fait que
l’ostentation de richesses est inévitablement associee a l’autre, le métis qui a cessé
,.’I.
,--
d’stre Indien, a f i i de le discriminer. La dispute aurait pu dégénerer en bagarre
genérale, mais te1 ne fut pas le cas, et rapidement l’altercation fut contr6lée. Les
officiants rituels n’avaient pas arreté de chanter lorsque le calme revint.
En plus de ce migrant transnational, nous avons déja mentionné l’existence
tí’--’
de grands éleveurs de bétail et de commerpnts qui sont aussi des preteurs de
fonds. D’une certaine maniere, la perspective selon laquelle l’indien dwenu riche
..,.
est associé au métis rejoint celle des indigénistes pour qui la différenciation sociale
est le fruit de l’acmIturation, c’est-a-dire le contact plus ou moins prolongé avec une
autre
culture
(Aguirre
Beltrán,
1992 :9).
Selon
Aguirre,
le
processus
d’acculturation est de type dialectique et correspond a :
...
fase del cambio culturai que no sólo es generado por contacto o
iníiuencias externas, sino también, por fuerzas internas engendradas en el
seno de las propias culturas (Ibid : 14).
UM
I”
,-
une phase du changement culturel qui n’est pas uniquement généré par le
contact o u les iníiuences externes, mais aussi, par des forces internes
engendrées au sein des cultures.
Pour Aguirre, les deux forces ou composantes du processus d’acculturation sont
,-
..
l’acculturation et l’endomlturation, soit d’une part le contact culturel, et d’autre part,
l’ensemble des moyens par lesquels l’enfant est conditionné par les formes de vie de
son groupe social.
Le contact prolongé avec les métis contribue non seulement au changement
1’-
..
c
culturel, mais encore participe a la redéhition de l’identité ethnique (Barih, 1969).
Si le contact avec les métis, qu’il soit occasionnel ou prolongé, impiiquait
uniquement le rejet ou l’abandon progressif des codes culturels, la forte mobiiité de
,...
la population indienne que nous avons établie aurait déja dú avoir raison de
l’existence des Wixaritari2. Une variable pertinente pour délimiter un groupe
ethnique est l’affiiliation par les autres au groupe (Ibid : 15). L’identité -comme la
culture- n’est pas une donnee et se construit en miroir avec l’autre, de telle sorte
I-“
que le contact avec les métis contribue a la redefinition constante des modes
,-
2
..
De facon similaire, la migration mexicaine aux Etats-Unis aurait déja dü avoir raison de la culture
mwricaine. Cette problématique nécessite d’étre abordée depuis différentes perspectives et non pas
seulement selon l’angle de vue du culturalisme.
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressourca
161
d’appartenance au groupe. C’est pourquoi il est crucial d’évaluer queue est la
relation entre la mobilité des personnes et les processus de reproduction sociale et
identitaire, d i n de discuter la pertinence de la these de l’acculturation dialectique
selon laqueiie la migration saisonniére et les politiques sociales favorisent
l’acceptation progressive des codes culturels métis. Ce postulat constitua I’axe
opératoire des indigénistes de l’INI3 qui, a partir des années soixante4,
coordonnerent les politiques scolaires, sanitaires et développemental, destinées a
modifier la structure locale de subordination des Indiens aux métis (Aguirre, 1991)s
A
.
et a acculturer les Indiens d i de les intégrer a la société mexicaine et fonner ainsi
une nation culturellement homogene.
.-.
Nous verrons que la formation de fonctionnaixes indiens par I’INI, les
,..
,.I,.
a
promoteurs du changement social
et le récent soutien apporté par cette
institution aux activités de commerce et d’élevage, contribua a la reconfiguration du
panorama socioeconomique. Dorénavant les Indiens riches ne sont plus seulement
de grands eleveurs de bétkl et les
Y-
x,
11
nouveaux riches B sont les commercants qui
roulent en voiture et prétent de l’argent ainsi que les professeurs bilingues qui
percoivent des salaires et achétent leurs vivres dans les commerces. Ce sont les
enfants de l’indigénisme. Cependant nous mettrons en évidence que les effets de la
politique indigéniste ne furent pas unidirectionnels et que certaines actions
institutionnelles furent appropnées par la coilectivité, notamment ceiies relatives a
la question de la mobilité des personnes”.
2) Les enfants de l’action indigéniste : hirtorique de aon action
Nous appelons
(c
enfants de l’action indigéniste les acteurs de rbles sociaux créés
))
.I<_
sous l’impulsion des politiques éducatives post-révolutionnaires et indigénistes, et
_”....
en particulier, les maitres d’école et les commercants. Aprés avoir présenté les
objectifs et méthodes de l’institut National Indigéniste, depuis sa création jusqu’a
nos jours, nous centrerons notre attention sur la participation de ces nouveaux
acteurs aux processus de recomposition sociale dans la région wixárika.
Institut National Indigéniste, Instihio N a n ’ o ~Indigenista
l
Dans le cas des Wixaritari et des Coras, l’action indigéniste débuta a cette époque.
5 Aguirre Beltrin parle de procesos dominicales pour désigner les mécanismes qui favorisent le
maintien de relations inter-ethniques de type domination-subordination dans I’Hintedand (Aguirre,
1991 :35-53).
6 Les exemples sont multiples et l’un des plus fameux est sans aucun doute celui des professeurs
bilingues qui, de promoteurs du changement social, se Vansformerent en d’ardents critiques de
l’indigénisme. Voir chapitre 6.
4
. -.
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
2.1.
162
Crémtion de I’INI, objectifs et míthodes.
L’Institut National Indigéniste a été créé en 1948 a l’initiative de Alfonso Caso, qui
en fut le premier directeur. I1 était alors directeur de l’institut National
d’hthropologie et dRistoire (INAH). Les Centres Coordinateurs Indigénistes (CCI),
._.
chargés de la mise en ceuvre de programmes destinés aux populations indiennes,
..
ont d’abord été mis en place au sud du pays (Chiapas) et, peu a peu, d’autres CCI
.””
”.._
..
ont été ouverts en divers endroits de la fédération mexicaine.
Le premier objectif de ITNI fut d’acculturer les Indiens pour les intégrer a la
nation métisse post-révolutionnaire par le biais de programmes de scolarisation et
sanitaire. Cette politique publique obéissait a la volonté de constmire une nation
dont le citoyen moderne serait le métis. Les personnes, d’origine indienne, chargées
” -
de diffuser les connaissances et techniques jugées nécessaires a leur intégration,
étaient les promoteurs du changement social, lTNI assurant leur formation7.
A partir de la fin des années soixante, la politique intégrationniste axée v e n
.,I
...”
,
D
I
.
.
.
I
le développement fut fortement critiquée, tant par les étudiants de 1’Ecole Nationale
d’hthropologie et d’Histoire (ENAH) de Mexico que par les promoteurs de 1’INI. Les
professeurs bilingues formaient aiors une nouvelle génération d’inteilectuels
indiens. Dans les années quatre-vingt, de nouveaux acteurs aux aspirations
démocratiques virent le jour, les Organisations Non Gouvernementaies (ONG).
r-
Aprés les dix années de
w
vaches maigres
)I
qui caractériserent la politique sociale
néolibérale en vigueur a partir de 1982, le Programme National de Solidarité
,-
(PRONASOL) du Président Carlos Salinas (1988-1994) marqua une rupture. De
nombreux projets furent financés au moyen de crédits dans les zones les plus
r-
marginalisées de la fédération. Par ailleurs, I’INI cessa d’exercer son monopole en
termes de coordination des actions destinées aux indigenes, les programmes
institutionnels se multiplierent, notamment dans le cadre de la régionalisation qui
débuta dans les années quatre-vingt.
.
,---
Pour plus d’informations sur la politique indigéniste, ses principes et actions, consulter les écrits de
Alfonso Caso (1996)et de Aguirre Beltran (1962,1976, 1991, 1992)qui en furent les principaux
idéologues et premiers directeurs.
7
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
2.2.
163
L’action indigéniste dans la région wixárika
Dans la région wixárika quelques initiatives institutionnelles et religieuses
précéderent l’action indigéniste dans le domaine de l’éducation scolaire. Le travail
de llNI debuta plus tardivement que dans le sud du pays et le premier CCI fut créé
en 1960, c’est-a-dire juste avant que les objectifs et méthodes de la politique
indigéniste commencent a étre séverement critiqués. Les critiques formulees a
l’encontre de la politique intégrationniste favorisérent la création dans les années
70 de la Dirección d e Educación Indígena et ITNI cessa alors d’avoir le monopole en
matiére de coordination des actions destinées aux populations indiennes.
Cependant, dans les années 90, l’action de ITNI connut un second souffle avec le
PRONASOL, un grand programme national de financement de projets locaux dans
des wnes marginales.
>.-,
2.2.1.An6cédents en matiere scolaire
Les premiers professeurs des écoles de la Sierra furent des maitres d’école ruraux,
durant les années 30, puis des missionnaires franciscains a partir des années 50.
Aiin de développer I’apprentissage de l’espagnol, l’acquisition d’outiis
i
-
techniques et agricoles, et plus largement de susciter une large integration sociale
nationale, la Secretaria de Educación iiíblica, qui fut créée sous la Présidence
I-
..
d’Alvaro Obregón et dont le premier directeur fut José Vasconcelos (1920-1923),
créa les missions culturelles de la Cnsn del Pueblo, rebaptisée Escuela Rural plus
tard. Les maitres d’école ruraux eurent peu de succes dans la Sierra en raison du
climat d’insécurité ambiant au cours de la Christiade8. Les seules années de paix
relative furent celles de 1930 a 1933 durant lesquelles le gouvemement tenta une
percée dans la Sierra et installa une école par communauté (Rojas, 1993 :171).
Entre 1931 et 1933 la population scolaire totale de la Sierra était de 922 personnes,
dont 234 garsons, 292 filles et 396 adultes. Mais pres de 67 YOde la population
scolaire était constituée de personnes originaires de la communauté de San
r-
Sebastián (Ibid : 172) et chacune des autres communautés comptait environ 100
inscrits. A cette époque deux internats furent construits, l’un a San Sebastián et
,-
l’autre a Bolanos. En 1938, lorsque s’acheva la Chnstiade, les cours repnrent sans
grand succes. En raison de la faible qualité de l’éducation dispensée et de
l’absentéisme, de nombreux parents préférerent envoyer leurs enfants a l’intemat
de Jesus Maria, Nayarit, ou dans d’autres écoles en dehors de la Sierra.
8
La Chnstiade se déroula dans un premier temps de 1926 a 1929, puis de 1933 a 1938.
Chapitre 4 : L’accelération de la circulation des personnes et des ressources
164
Deux écoles disposant d’un internat furent créées en 1957 par les
missionnaires franciscains, a Guadalupe Ocotan, Nayarit, et a Santa Clara dans la
communauté de San Andrés oü ils étaient respectivement implantés depuis 1953 et
1952 (Rojas Cortes, 1999 : 83). En 1965 fut installee une mission franciscake a
.
..
San Miguel Huaixtita, San Andrés, et rapidement y fut ouverte une école et un
internat. La majeure partie des leaders indiens actuels y ont éte scolarisés. La
mission franciscaine de Popotita, San Andrés, ouvrit en 1970 et eut cette méme
vocation scolaire.
2.2.2. D¿senclavernent, formation de promotcurs et c d a t i o n áes localit&
institutionnolies
c-.
C’est en 1960 que fut créé le CCI Cora-Huichol. L’ouverture de routes et d’écoles a
été le moyen considéré adéquat din de faciliter l’intégration des Indiens dans la
.-.
,
société nationale.
Le premier CCI était destiné aux Indiens Huichol et Cora de Nayarit et de
Jalisco. I1 fut brievement installé a Tepic, puis durant deux années a Mezquitic.
,”._
C’est alors que fut entreprise la création d’une piste d’attemssage a San Andrés
Cohamiata et une autre a Mezquitic, g i n de relier les communautés de la Sierra au
,e-
CCI. Des 1964, le CCI fut déplacé de nouveau a Tepic, la capitate de 1’Etat de
”-”
Nayarit, en raison des difiicultés de communication avec les autres institutions et
des insuffisances de transport qui ne permettaient pas le travail des fonctionnaires
dans la Sierra. La méthode d’enseignement bilingue fut approuvée en 1963 au
cows de la Skieme Assemblée sur 1’Education et, cette meme année, fut ouvert a
r-
Mezquitic le centre de formation des promotores indigenes : Centro Agricola para
,.-.
Promotores indigenas. Apres deux ans de formation dans les domaines agricole et
scolaire, les promoteurs commencerent a travailler dans les communautés et llNI
installa les premiéres écoles-intemats (Reed, 1972).
Durant les dix premieres années de fonctionnement du CCI, les grandes
,”
-
lignes de l’intervention publique dans la zone Cora-huichol furent les suivantes.
Avec la construction de quelques voies de communication, entre 1967 et 1968
furent implantées neuf boutiques CONASUPO - IN1 qui vendaient des produits de
base a des prix subventionnés, et res commerces étaient gérés par les promotores.
Par ailleurs ces demiers participaient a la politique educative destinée a modifier les
,-.-<
comportements. L’éducation devait etre dispensée en langue matemelle et, par le
biais des jeunes scolarisés, le changement culture1 devait atteindre leurs familles et
165
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
s’étendre a l’ensemble des communautés. L’habitat dispersé rendait difikile I’action
éducative et il n’existait alors que deux intemats scolaires, c e u des missions
franciscaines de Santa Clara et de Guadalupe Ocotan. Leur construction devint une
pnonté pour 1’INI. En ce qui conceme la santé, le CCI disposait d’un seul médecin,
tant pour visiter les communautés que pour donner des consultations au CCI. Les
,-
fonctionnaires étaient conscients de l’importance de la medecine traditionnelle et du
róle des shamans en termes de controle social et déciderent de ne pas adopter une
-..
attitude conflictuelle a leur égard (Ibid). A cette époque, les deux problemes
pnncipaux de I’INI étaient l’insuffisance des moyens financiers, comparée a
,--.
l’envergure
de
leurs
ambitions
et
la
mauvaise
communication avec les
communautés.
...
.-..,
2.2.3. Les gran& trawu: ENJCOT et C O P L A W
Le gigantesque plan HUICOT, du nom des trois groupes indigenes alors reconnus
Huichol - Cora
- Tepehuan”, fut mis en aeuvre en
1971 et dura jusqu’en 1975. I1
s’agissait de favoriser le développement au moyen de l’agriculture commerciaie
(Torres, 2000 : 201). Dessiné par un groupe plundisciplinaire de specialistes dans
les années soixante, ce projet fut inauguré par le Résident Luis Echevema (1970ll”..
.. ,
...-,
1976) qui se rendit pour l’occasion dans la communauté de San Andrés. L’INI le mis
en oeuvre et renfoqa la méthode du
((
paquet technologique et innovateur
n
du
programme initial (Ibid : 203). Les principaux axes de ce vaste programme furent la
creation de voies terrestres, la donation de tracteurs destinés a labourer les parties
hautes de la Sierra -entre autres innovations technologiques, l’offre de crédits
agricoles, la construction de centres de santé et d’intemats scolaires. Notons qu’en
1970, avec le Plan HUICOT, le nombre total d’intemats s’élevaitca 14. Depuis, leur
nombre n’a pas varié et en 2001 fut construit un nouvel internat a San Andrés
Cohamiata en remplacement de l’ancien, largement surpeuplé et dégradé.
Ce programme s’acheva avec la fin du mandat présidentiel de Luis Echevema
et fut relayé par le programme national COPLAMAR (Comité de Planeación de la
“ I
,.-
Areas Marginadas) sous la présidence de José López Portillo (1976-1982). De Tepic,
le CCI avait eté déplacé durant quelques années a Magdalena, Jalisco. Puis, l’action
indigéniste se spécialisa par état : un CCI fut installé au coeur de la Sierra del
Nayar, a Jésus Maria, Nayarit, et un CCI fut implanté a Tuxpan de BolaÍlos et son
11existe un quatrieme groupe ethniqur, souvent ignoré, les Mexicaneros de Durango. Consulter
Alvarado (1996).
9
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
166
attention se centra exclusivement sur les Wixaritari. En 1975, alors que le CCI se
trouvait a Twpan de Bolaños, fut rréé le Conseil Supreme Huichol, di de faciliter
la mise en euvre du programme COPLAMAR. La création de voies terrestres
continua, les credits agricoles furent dorénavant dispensés par le biais de
BANRURAL, une banque nationale destinée aux paysans.
Les boutiques
CONASUPO connurent un nouvel essor. Enfin, ce programme proposa l’exploitation
du bois comme une alternative a l’économie locale. Durant cette décade, le nombre
.-”
d’emplois institutionnels occupés par des Indiens augmenta considérablement
(Ibid : 208).
,.. ..
2.2.4. Les critiques a la politique intégrationniste : les professeurr changent
de direction
,,.<_
2.2.4.1. La c d a t i o n de la DGEI
Les accords de la Sixieme Assemblée de l’Education, puis les critiques formulees a
la politique indigéniste a partir de 1968, favonserent la création de la Direction
Générale d’Education Extrascolaire en 1971, laquelle devint la Direction Générale
r-.
,*l.
d’Education Indigene (DGEI) en 1978. Cette institution promut la méthode
d’enseignement bilingue et biculturelle selon laquelle l’intégration socioculturelle
doit partir de la revalorisation de la culture et de la langue (Rojas C., 1999 : 44).
C’est ainsi que cessa I’atXliation des promotores du changement social a 1’INi et
qu’ils devinrent des professeurs bilingues encadrés par la DGEI. Dans leur grande
*.
majonté, ils avaient adopté une attitude critique envers 1’iNI.
Dans la Sierra Huichol, l’éducation bilingue se développa au cours des trois
..”
demiéres décades et le nombre d’iiiscrits augmenta considérablement. Longtemps,
le niveau d’enseignement ne dépassa pas le cycle pnmaire, d’une durée de six ans,
et c’est seulement a partir des années 90 qu’une premiere ecole secondaire fut créée
a Tuxpan de Bolaños puis a San Miguel Huaixtita, San Andrés Cohamiata, en 1993.
Depuis 1998, les télé-écoles secondaires, dont l’enseignement consiste 8~ a suivre
des cours diffusés par satellite, se sont multipliées. Elles ne dépendent pas de la
DGEI mais du Departamento de Serundanas de l’état de Jalisco, de telle sorte que
les maitres d’école sont métis et proviennent notamment de villages de la zone nord
de Jalisco. Les quelques jeunes Wixaritari qui souhaitent poursuivre leurs études
au lycée Preparatoria se rendent a Mezquitic, Guadalajara, Tepic, Mexico ou au
lycée agricole d’Estipac, Jalisco, qui est dingé par une Franciscaine.
Chapitre 4 : L’accelération de la circulation des personnes et des ressources
167
Dans la communauté de Santa Catarina. il y a dix ecoles primaires et deux
..l..
.
,
matemelles Reescolar dans les localités suivantes: Nueva Colonia (primaria y
preescolad, Haimatsie (primaria y preescoZa31°, Siconita, Soconita, Cajones, Agua
Zarca, Taymarita, Pueblo Nuevo, Tuapune, La Manga. I1 y a 42 professeurs, dont 30
.,
pour le cycle primaire, qui sont encadrés par les directeurs de chaque école et le
...-.
Superviseur de la zone scolaire 06”. De plus, il existe une télé-école secondaire a
...
Nueva Colonia et une autre a Pueblo Nuevo. Les trois intemats de 1?NI sont
installés a Nueva Colonia, Pueblo Nuevo et Cajones12.
2.2.4.2. Las professeurs bilingues13
Ces enfants
e
temibles
U
de I’indigénisme, les professeurs bilingues, sont environ
deux cents dans la Sierra huichol et seulement cinq d’entre eux ne sont pas
Wixaritari mais Nahuas originaires des états de Hidalgo et de Veracruz.
‘. -,
Les premiers maitres d’école n’avaient bien souvent achevé que le cycle
primaire. Dorénavant, ceux qui souhaitent devenir professeurs doivent avoir suivi
c -’
au moins les cours du lycée et ils n’obtiennent une place fu<e que lorsqu’ils ont
, ,~,
terminé les trois années de cours de la Universidad Pedagógico Nacional (UPN), qui
se deroulent pendant les vacances scolaires a Tepic, Nayarit et trois jours par mois
a Colotlán, Jalisco. 11s sont formes pendant deux pénodes de six mois par la DEI
avant de commencer a donner des cours.
Les professeurs donnent des cours cinq jours par semaine, tant au niveau
matemelle que pnmaire. De plus, ils organisent des réunions avec les parents
d’éléves et réalisent des statistiques qui sont envoyées a la DEI. Par d e u r s , depuis
1994, ils doivent assister trois jours par mois aux cours d’actualisation
/-
d’administration éducative du Programa para Abatir el Rezago Educativo en
... .
Educación Básica (PAREB). Ce programme est réalisé avec l’appui de la Banque
,.,.
Mondiaie au travers du Consejo Nacional de Fomento Educativo (CONAFE) et de la
SEP Jalisco. La présence a ces r o w s est rémunérée, donne lieu a l’obtention de
..
,
,. ~.
._
P
10 Cette locaiite est située en dehors des limites de Santa Catarina, dans la zone ecologique et
culturelle appelée Sierra, ou y vivent excliisivement des Wixaritari. lis dependent administrativement
de Tenzompa.
11 Elle correspond a la communaute de Santa Catarina et inclut la localité de Haimatsie
12 Dans ces locaiités. il y a un professeiir par classe pour chaque année du cycle scolaire. Ce n‘est pas
le cas dans les autres localités ou un, voire deux professeurs, enseigne(nt) dans une méme salle de
classe a un public d’éleves de différents niveaiix.
13 Les données relatives a I’éducation scolaire dans la Sierra m’ont éte en grande partie communiqutes
par Angelica Rojas Cortés dans le cadre dii projet x Las politicas sociales hacía los indígenas *.
Chapitre 4 : L’accelération de la circulation des personnes et des resources
168
points dans l’échelle institutionnelle, et en échange, les professeurs donnent des
cours de rattrapage aux enfants en retard durant les apres-midi.
Pour remplir leurs multiples obligations institutionnelles, les professeurs
doivent s’absenter plusieurs jours par mois, ce qui génére absentéisme et
,’”-
..
mécontentement de la part des parents d’éleves. Par ailleurs, le suivi de leur
,.
formation au cours des vacances scolaires implique que les professeurs n’ont plus
le temps de se consacrer a la culture du mais, si bien qu’ils achetent leurs vivres
dans les boutiques situées dans leur localité de travail. S’ils souhaitent s’absenter
pour participer aux cérémonies traditionnelles, ils préferent alors avoir recours a la
,-.
négociation avec leurs supérieurs immédiats et collégues d
i
n de pas encourir de
sanctions institutionnelles pour absentéisme. Les professeurs exercent rarement
dans leur communauté d’origine et, sur les 42 professeurs de Santa Catarha,
seulement 10 en sont originaires, ce qui a notamment pour conséquence de
diminuer la fréquence de leurs relations avec leur famille étendue et de rendre
difíicile leur participation aux cérémonies.
Enfin, les professeurs bilingues percoivent un salaire chaque quinzaine dont
le montant varie en fonction de l’ancienneté, du niveau de la formation du
professeur et de ses responsabilités. La perception d’un salaire a échéance réguliere
confere une grande sécurité en terme économique, a la différence des Indiens
paysans, ariisans et migrants. 11s forment le plus nombreux corps de fonctionnaires
de la Sierra, pour ne pas dire le seul véritable si l’on considere que les autres
coilaborateurs des institutions ne percoivent généralement pas de salaires mais
sont payés de facon ponctuelle. Les membres des communautes les considerent
souvent comme des riches et ce d’autant plus qu’ils achetent leurs aiiments dans
les commerces et ont parfois un moyen de transport personneE Parce qu’ils ont
étudié et continuent a se former dans les villes environnantes, ils ont une bonne
connaissance du monde métis et de ses institutions. Ce sont des médiateurs interethnique potentiels et, a l’occasion de la rédaction de pétitions, d’actes officiels, etc.,
leurs services sont généralement sollicités. En conclusion, les professeurs bilingues
,.“.,
,.,
se trouvent dans une position ambigue du point de vue ethnique au sens o u leur
mode de vie dépend en grande partie de l’institution DEI, néanmoins ils participent
activement aux relations inter-ethniques.
.”
,a-.
I,.
Les autres enfants de l’indigénisme sont les commercants. Les actions publiques
mises en place des les années soiuante, la création de routes et la formation de
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
169
promotores, puis les préts concédés dans le cadre du PRONASOL au cours les
années quatre-vingt-diu, favoriserent l’intensification des activités commerciales et
I
l’apparition de commercants indiens.
2.2.5. L’dn des p e t s :le PRONASOL
Pour l’INI, les années 80 furent des années de vaches maigres *. En effet, la cnse
de la dette qui survint en 1982 impliqua de nombreuses reductions budgétaires.
Par ailleurs, la vague de contestation a l’encontre de la politique intégrationniste et
la création de la DGEI constituerent une sérieuse remise en question de la politique
--.
indigéniste. C’est pour ces deux raisons principales que lTNI, a partir des années
80, changea de discours et orienta ses actions vers la recherche du développement
depuis la base. Notons que dans les années quatre-vingt, le CCI fut d’abord
déménagé en zone métisse, a Colotlán, Jalisco puis a Mezquitic en 1992. Cette
méme année fut créée la délégation régionale de 17NI a Guadalajara, Jalisco. De
plus, en 1989 fut ouvert un département de justice dans le Nayarit qui s’intégra
,
-
I-
-
trois ans plus tard a la délégation de 1’lNI Jalisco.
Les fonds? dont disposait alors 1’lNI pour travailler, provenaient de la Banque
Mondiale et ils étaient canaiisés par le Programme Mondial d ’ b e n t a t i o n . Dans la
region wixárika, ces fonds furent destinés a mettre en oeuvre des projets productifs
(bétail, jardins, artisanat), construire des routes et financer le fonctionnement des
intemats scolaires. Cependant ces fonds servirent plus au financement des
intemats et a la création des routes qu’a la mise en place de projets productifs
viables a long teme.
Le grand retour des vaches grasses Y sonna avec la mise en oeuvre du macro
((
projet du President Salinas, projet destiné aux régions marginales: le PRONASOL
Programa Nacional de Solidaridad Dans la zone, cette politique donna naissance au
,-
Fond Regional de Solidarité en 1990, destiné a l’ensemble des communautés
wUtaritari de Jalisco. L’objectif institutionnel était de créer une organisation
,”..
ethnique régionale et accessoirement de financer des projets de caractere productif
via le Fond Kégional. C’est ainsi que fut créée en 1991 la
,_-_
.,.
Unión de Comunidades
indígenas Huicholas de Jalisco (WCIHJ). Par le biais de SEDESOL14, l?NI mit a la
disposition des communautés des ressources financieres, sous forme de crédits,
pour financer la creation d’unités productives bovines, caprines et porches,
,.-_.
artisanales, ou encore d’infrastructures (voies terrestres et aciéries). Les prsts
l4
Secretaria para el Desarrollo Social
Chapitre 4 : L’accélération de la circulatioil des personnes et des ressources
170
devaient étre remboursés au cours des cinq années suivantes, a un t a u d’intérét
de 10% annuel, et le paiement de ces intéréts devaient servir a retro-aiimenter un
fond commun destiné a financer de futurs projets. Les autorites traditiomelles et
=aires
des communautés formaient la direction de la UCIHJ dont le statut
juridique dépendait de la Loi Agraire.
Ce projet, comme les deux précédents, a été fortement critiqué en raison de
son caractere clientéliste (Torres, 2000). Bien que l’intention gouvememenMe fut
clientéliste, les membres des communautés surent l’utiliser a des fins propres sans
participer de maniere mécanique au stratageme politique. Avec la création de la
I-
UCIHJ, les intéréts indiens furent défendus sur la scene politique régionde,
notamment agraires, et ce en convergence avec une ONG créée au début des années
-*,
90, MAGI’S. En effet, le directeur de llNI fédéral, Guillermo Espinosa, avait visité a
plusieurs reprises la Sierra dans les années 70 alors qu’il était étudiant. Ce demier
/I_,.
et les fondateurs de MAGI sont des amis de route, et, préoccupés de trouver une
solution aux problemes agraires des communautés wu<&tari,
”.“
.~
,”-,.
en 1989 ils
décidérent de créer une ONG. De plus, ils s’entendirent pour adapter le PRONASOL
aux besoins locaux, e4 en particulier
e~
ce qui conceme la défense temtoriale et
l’exploitation du bois, de telle sorte que, durant les premieres m i e s d’existence,
les membres de la UCIHJ travaillerent en collaboration avec ceux de MAGI. Une
fois de plus, la problématique territonale fut détenninante.
En janvier 1994 1’Armée Zapatiste de Liberation Nationale (EZLN) fit son
entrée sur la scene publique et réclamait notamment la reconsidération de la
,-
..
-
problématique indienne en matiere de droits agraires et culturels. Au mois de
décembre, une grave crise financiere ébranla le Mexique alors que le Président
Ernesto Zedillo venait d’accéder a la présidence et de devaluer le peso. La monnaie
nationale s’effondra a la fin du mois de décembre et 1995 fut une année noire. C’est
dans ce contexte, en 1996, que le Fond Régional Solidarite fut démantelé et lui fut
substitué un fond régional par rommunauté, soit quatre au total. La raison d’étre
/--.
de la UCIHJ n’etait plus a I’ordre du jour. Selon l’actuelle responsable du CCI de
Mezquitic, c’est le non remboursement des préts concédés au travers du fond
,
-.-_
régiondib qui favorisa la division du Fond Regional en quatre et I’étiquetage des
préts concédés par communauté, afin de les rendre responsables de leurs dettes
de Apoyo a las Coriiiinidades Indígenas.
Selon la responsable dii CCI de Mezqiiitic, le t a w de rernboursernent de 1990 a 1997 était de 0,4%.
1s Asociacion Jaliwiense
16
171
Chapitre 4 : L'accélération de la circulation des personnes et des ressources
respectivesl7. Bien évidemment, la poursuite des activités de representation de la
UCIHJ devint difficile car elle ne disposait plus des ressources lui pernettant de
financer ses déplacements aupres des institutions installées a Guadalajara. Et les
propos tenus par la directrice du CCI sont sans equivoque : l?NI est a l'origine de la
création, mais aussi du démembrement de la UCIHJ u el INI impulsd y &smmpUsó a
la UCIHJ X I 8 .
En conclusion, la politique indigéniste a été grandement influencée par les
événements politiques et macro-kconomiques tels que les crises fmancieres et
vagues de contestation. De meme, les interets locaux ont parfois convergé avec ceux
d'autres acteurs, particulierement en matiére de défense temtoriale. Nous verrons
que la nécessité de gerer l'accélération de la mobilité des personnes et des
ressources fut un facteur qui joua en faveur de I'appropnation de certains projets
du PRONASOL par les membres de la communauté de Santa Catarina. Si te1 n'était
pas le cas, comment poumoiis nous comprendre que les Indiens considerent que
l'achat a crédit d'un bus de transport collectif soit une décision communautaire ?
3) Noua avons acheté un bus
3.1.
La UCIHJ et le Fond Regional de Solidarité : clientilirme politique 3
La création de la UCIHJ eut lieu dans un contexte politique o u il était question
e.
-"
,,-.
d'organiser
les communautés iiidiennesi"
et les préts du fond régional
ressemblaient a une carotte tendur a un &ne d i n de le faire avancer. Cependant,
croire que les membres de cette organisation régionale indienne ont réagi selon les
attentes de ses instigateurs est une grossiere erreur et provient d'une croyance
selon laquelle les lndiens constituent une population homogéne, prédisposée a
entrer dans le jeu du clientélisme politique en échange du maintien des politiques
d'assistance.
Si nous utilisons le complexe du don de Mauss (1995 [1924]) o u l'acte du don
implique trois gestes qui sont celui de donner, recevoir et de rendre a un moment
ulténeur, la perspective clientélistt: s'explique de la maniere suivante.
u
L'INI nous
donne des fonds, nous acceptons de les recevoir, et nous rendons postérieurement
Pour l'ensemble de la zone le taiix de I'eiisenible des remboursementa de 1990 a 1999 fut de 13%.
Entrevue avec Tamara Rojas du 11 févriri- 2000.
19 Le PRONASOL flit un projet d'envergure iiationale destiné aux populations les plus marginales, et
non pas seulement indiennes, qui étaient ilisposées a s'organiser collectivement pour améliorer leurs
conditions de vie, par exemple, pour financrr la construction d'une arrivie d'eau dans leur quartier.
17
18
"
.
Chapitre 4 : L’acctláration de la circulation des personnes et des re.ssoUrce8
172
ce don en nous organisant au sein d’une organisation para-gouvememenae, la
UCIHJ. Nous ne rendons pas les fonds prétés parce que ce n’est pas ce qui nous est
demandé. L’organisation régionale est cooptée ou corporatiste *. I1 s’agit d’une
lecture que nous considérons partielle et erronée. Le seul fait que la UCIHJ ait servi
a défendre des problemes agraires le démontre. Cette erreur de lecture procede
d’une vision mécanique des relations entre le sujet collectif indien et les
. -,
institutions. Le President Salinas de Go&
s’est trompé, comme ceux qui
dénoncent le jeu du clientélisme ou lhabitude des Indiens de recevoir des aides
publiques.
Deux problémes se posent alors, qui sont de savoir, d’une part, si les Indiens
n’ont réellement jamais remboursé les préts concédés, et d’autre part, si le
.”.
démantelement du Fond Régional de Solidarité et la constitution de quatre fonds
régionaux communautaires ont favorisé l’appropriation communautaire du systeme
de financement de projets productifs. I1 faut donc observer le ditaii des
remboursements et le fonctionnement de l’actuel fond regional de Santa Catarina.
Or cette anaiyse détaillée met en évidence que certains projets ont été
remboursés, en particulier ceux qui concement la gestion du tenitoire au sens
large, un fait qui indique que les Indiens se sont appropriés ces projets. Cependant
d’autres projets n’ont pas ou peu été remboursés, ce sont ceux a caractere
individuel qui concement le développement des activités artisanaies, commerciaies
et d’élevage. Quant au fond régional de Santa Catarina, créé en 1996, il a bien
fonctionne au cours de ses quatre premieres années d’existence, si l’on considére
_...
que les remboursements ont eu lieu et ont permis l’achat d’un nouveau tracteur et
d’un bus supplémexitaire. Nous ne sommes donc pas en présence d’un
comportement de t\. pe i4ientéliste. Au contraire, les membres de la communauté de
Santa Catarina ont appris a jouer avec la propriété d’exit des relations de marché
I
.
(Godbout & Caillé, 1992 : 37), et en particulier ils sont en train de faire l ’ e d de la
tutelle décisionnelle de l’INI, en remboursant les pr6ts concédés.
_,.*.
Dans le chapitre iwécédent, nous avions remarqué qu’a la fin dri 1 8 i h c siérle
les Indiens de la Sierra ( I C Nayarit continuaient a associer les acrivités commerciaies
a un systéme d’allianw
.
les échanges engageaient et ils éprouvaient une certaine
difiiculté a exprimer Ir. caractére des relations qu’ils entretenaient avec les
populations co-échangibtis. Quand ils commercaient, ils échangeaient des biens
contrr d’autres biens,
.-,.
c’
!iotamment coiitre de la monnaie, des biens qui étaierit de
nouveau échangés poui. :icquérir par exemple des mules dans les haciendas. A
173
Chapitre 4 : L’accelération de la circulation des personnes et des ressources
partir du 19iem sikde, les Indiens ont été davantage intégrés au marché, en
p d c u l i e r celui de l a main d’oeuvre salariée, et les politiques publiques du 20i*e
. .
siecle eurent pour vocation de consolider leur insertion dans le marché national.
Ce processus d’apprentissage du rapport marchand a été renforcé par la
construction de routes, l a formation de promotores, le versement de préts en faveur
du commerce et de l’élevage, conjointement a la reconfiguration des activites
commerciales régionaies et i’apparition de commerqants indiens. La nouvelle donne
socioéconomique, dont le nouvel embléme de l a différenciation sociale est le moyen
de transport motorise individuel, a suscité des (ré)actions en faveur de la gestion
collective de l’intensification de l a circulation des personnes et des ressources. La
meilleure expression de ce phénomene fut l’achat d’un bus qui a permis aux
,
x
Indiens de se déplacer avec plus de facilité et d’acheter aussi des vivres a meilleur
marché dans des localités voisines. De la méme maniere, la mise en place de
l’aciérie, a l’initiative d’une ONG dans les années 80, laquelle fut reprise par le fond
régional, permet de faciliter le controle collectif des ressources naturelles et de
générer
de
nouveaux
revenus
monétaires.
L’insertion
au
marché
et
la
monetarisation sont réels.
3.2.
<Ill.
Les routes du commerce
Avant que ne soient construites les voies routieres au début des années quatrevingts, la communication
entre la communaute de Santa Catarina et les
populations métisses environnantes existait mais était plus difficile, et surtout plus
lente. L’accés routier développa l a communication entre elles et contribua a une
reconfiguration du panorama des activités commerciales. Si l’on demande aux
Indiens et aux indigénistes comment a été créée la route, l a locdité iristitutioniielle
de Nueva Colonia, l a UCIHJ, ou bien encore comment a été pnse l a decision
d’acheter le bus, leurs réponses different grandement. Jusque la, nous avons
presenté la version ofíicielle, mis en perspective avec les grandes tendances
I
-
politiques et économiques des différentes époques. Dorénavant observons ce que
disent les Indiens ii ce sujet.
Pour commencer, certains Indiens sont conscients que les subveiitions
versees par l’état via I’INI durant les années 80 favonsaient l a corruption ou la
cooptation. Voici ce que l’un d’eux me commenta au sujet de la UCIHJ et de ses
antécédents:
174
Chapitre 4 : L‘accelération de la circulation des personnes et des ressources
La UCIHJ est née d’un effort commun entre les trois communautes de
Jalisco, vers 1988 ou 1990, et il se concrétisa en 1991 et 1992. Le probleme
était qu’il y avait des subventions qui n’étaient pas réparties, il y avait de la
corruption. I1 y eut une volonté de réunir ces subventions. 11s ont acheté un
tracteur par communauté, mais ils ne l’ont pas encore remboursí, et nous
avons acheté un bus. A Nueva Colonia, il y a un conseü agraire [fl en est
membre] et le probleme c’est qu’ils [les fonctionnaires de I’iNI] posent des
objectifs de remboursement trop élevésio.
...
Avec le démanteIement de la UCIHJ, un fond régiond fut crié par communauté, et
a ce sujet, ce méme homme eut pour commentaire :
a
l’aciérie appartient a la
communauté maintenant, avant elle appartenait a l a UCIHJ
”21.
Bien que l’initiative
de créer une aciérie ait été pnse en collaboration avec les membres de l’association
ADESMO dans les années 80 et ensuite reprise avec la UCIHJ, l a communauté
considere que cette aciérie est sienne.
De la méme maniere, l a construction de l a route qui va de Nueva Colonia a
Huejuquilla est considérée comme étant issue d’une initiative communautabe.
Selon le commissaire des biens rommunaux des années 1980 a 1983, en 1982 il
sollicita l’ouverture de la route qui relie Nueva Colonia a Huejuquilla et les travaux
commencerent environ une année plus tard. L’autre route qui relie l a communaute
c
avec le village de Mezquitic depuis Pueblo Nuevo a été construite ensuite. On
m’avait précédemment raconté que la clinique de Nueva Colonia, qui existe depuis
1971, aurait été construite d a m cette zone pour éviter qu’elle ne soit implantée
dans l a localité de Tuapurie, au cmur de la Sierra, pres du sanctuaire de Teakata
P-
. *..
Je racontais l’anecdote a l’ancien commissaire des biens communaux. Lhomme
acquiesca et ajouta que les anciens ne veulent toujours pas qu’une route relie
Tuapurie a Pueblo Nuevo par p e w de la venue de touristes a Teakatu. Pourtant,
dit-il, cette route faciliterait le transport du matériel nécessaire a l a rénovation du
,--
toit de la chapelle de Tuapurie. Ouvrir une route en direction de cette localité
continue d’etre un theme tres ddicat”. De son point de vue, les transports ont
facilité l a communication. Quancl en 1971, alors agé de 35 ans, il revint dans sa
,If,..
communauté apres avoir travaillé pendant plusieurs années comme ouvrier agricole
~~~
,”””.,
~~
~~~
~
Journal de terrain, janvier 2000.
21 Journal de terrain dii 15 févriei. 2000.
22 Les propos de I’ancien comrnissaire des biens comrniinaux rejoignent ceux qui furent tenus par le
gouverneur de l’annee 2001 a ce siijet. II nie raconta qu’il airnerait qu’une route relie Tuapurie a
Pueblo Nuevo, mais les anciens ne veiileiit pas et disent que beaucoup de touristes viendraient et
prendraient des photos. Liii n’est pas contie leiir venue, il pourrait leur vendre des sacs de laine
mormies et autres pieces d’artisanat, et ce seiait aussi utile pour transporter le materiel nécesshe a
la rifection du toit de la chapelle qui s’est etfondré depuis 22 ans. 11 y a plusieurs années, il avait
aussi ete question que la route passe a Rawepa, oii se trouve I’un des trois centres cérérnoniels tukite
de la cornmunauté, mais les anciens sy opposerent. Journal de terrain du 11 avril2001.
20
Chapitre 4 : L’accéleration de la circulation des personnes et des ressources
175
dans les états du nord, ainsi qu’aux Etats-Unis, il transporta ses d a i r e s a h i d e de
mules, car alors il n’y avait pas d’autre moyen de transport. De la meme m h e r e ,
les vivres destines a l’intemat scolaire de Nueva Colonia étaient alors acheminés en
mule depuis Jukuta. Et bien avant cela encore, le pelennage a Wirikuta se f a k i t a
.. ,
pied et l’ailer durait 20 jours. Mais bien qu’il soit ágé de pres de 70 ans, il dit ne
...
l’avoir jamais fait a pied car, depuis des décades, les pelenns se déplacent en bus
-
nouveau bus, destine a Pueblo Nuevo, d’un coüt d’environ 450 O00 pesos23.I1 serait
-
,’
F-
ou en camionnette. Selon h i , la communauté a sollicité des fonds pour l’achat d’un
en partie financé a l’aide des remlioursements de ceux qui ont emprunté au fond
regional de l’argent pour aclieter d u betail, faire de l’artisanat ou ouvrir une
boutique24.
Quelques jours apres rettr discussion, au mois d’octobre 2000, le Parti
d’Action Nationale (PAN) organisa une rencontre a Puebo Nuevo en vue des éiections
municipales. Cette localite, qui compte une ecole primaire et secondaire, un
,
...
internat et un centre de sante, est ralliee en bus une fois par semaine a Mezquitic,
,
par le bus de la communauté de San Sebastián. Au cours de cette reunion,
organisée avec le soutien de deux commerqants influents de la localité, le PAN
promit que trois Wixaritari deviendraient regisseurs en cas de victoire -dont ces
deux commercants- et il se chargemit des travaux de construction de la route
jusqu’a Tuapune. Quatre anciens Gtaient presents et demanderent au candidat a la
présidence municipale de passer par écrit cette promesse, a n’en pas douter, pour
juger son comportement en cas de victoirels... Cette attitude des anciens en étonna
.-.,
plus d’un, seraient-ils en faveur <ir la ronstruction de la route ? Mais le candidat du
PAN ne gagna pas les elections et la présidence municipale continua d’étre le fief du
’,
Parti Révolutionnaire Institutionnel (F’Rl). La construction de la route vers Tuapune
..
n’est pas pour demain et les commercants de Pueblo Nuevo devront encore attendre
,,”
,.
pour en tirer profit.
En effet, la
,.”-
‘
..
ronstruction
ríes routes profite en grande partie au
développement du commerce. A unr autre occasion, l’ancien commissaire des biens
communaux me parla de nouveaii de cette époque ou les Indiens se rendaient a
I
..~
Tenzompa et Mezquitic pour aclierri- du sel, des boissons gazeuses, de l’alcool, du
tissu et des sandales, toutes sortt’s de provisions qu’ils remportaient a dos d’áne.
z3 Le t a u de change avec le dollar etait <It. 9::3 :t cette époque. En avril2001, j’appris que le coüt serait
de 603 O00 pesos.
2’ Journal de terrain dii 14 septembse 2 0 d O .
z5 Journal de terrain dii 13, 14 et 16 octi lire ‘2üOO.
176
Chapitre 4 : L’accélération de La circulation des personnes et des ressources
Des métis de Tenzompa se rendaient aussi dans la communauté avec du sel, des
oranges et du tissu pour troquer. Comme les gens ne savaient pas compter, parfois
~...
ils échangeaient un veau contre du tissu : << c’est comme cela qu’ils pes métis] sont
devenus riches, et ils voulaient aussi les terres d6.
Indiscutablement, la construction de la voie routiere de Nueva Colonia a
r..
,<.<,.
.
Huejuquilla via Tenzompa a change le panorama. Et l’achat d‘un bus de transport
collectif en 1994 a permis aux Indiens de se déplacer avec plus de facilité. 11s
l’utilisent notamment lorsque les membres des centres cérémoniels se rendent en
pelerinage a Winkuta, dans l’état de San Luis Potosí. Mais son grand avantage est
de reiier quotidiennement Nueva Colonia au village de Huejuquilla ou il est possible
^Y
de s’approvisionner a meilleur marrhé. Avec la mise en circulation du bus, le
principal commercant de Tenzompa vit son commerce de boissons gazeuses chuter
considérablement et il aurait alors c.essé de vendre l’équivalent d’un camion de
Coca-Cola par semainez’. De plus, certains Indiens ont ouvert des boutiques a
Nueva Colonia, parmi ceux qui ont appns le commerce, par exemple en travaillant
en ville ou en tant que promotores de I’iNl. Dorénavant, ces demiers possedent des
camionnettes pick-up qui leur permettent d’acheter en gros et de revendre au detail
a des prk relativement élevés. La plupart des boutiques sont situées dans les
localités institutionnelles, desservies par la route, et aux abords des centres
céremoniels car, a l’occasion des cerémonies, les distributions de boissons, de fruits
et de tabac sont importantes. Si I’ensemble de la population achete des vivres dans
/-
-
les boutiques, les meilleurs clients des commerpnts
sont les employes
institutionnels [en particulier les professeurs bilingues) et les visiteurs. 11s
r-
,.-.
constituent le corps de personnes qui ne sement pas de mak, ou tres peu, et
dependent de la perception d’un revenu monétaire.
I
Enfin, si tous les commercaiits ne sont pas riches, néanmoins certains sont
tres riches et prétent de l’argent a un taux d’intéret de 20% mensuels. 11s sont au
nombre de trois a Nueva Colonia, deux a Pueblo Nuevo, au moins un a Pochotita et
,-.
au moins deux a Santa Catarina. Les commerpnts, qui sont des préteurs,
représentent donc un petit nomlirr de Wixaritan, et une chose est súre, ils sont les
.,”-
-.
<-I.
enfants de I’action indigéniste.
Journal de terrain 17 septembre 2001.
Journal de terrain dii 9 septembre 200 I . Ce commeqant fit cette confidence, alors qu’avec un ami
anthropologue et des oiivriers agricoles revenant de Calviüo, Aguascalientes, nous étions a la
recherche d’une personne qui puisse iioiis transporter de Tenzompa a Pueblo Nuevo. Un homme de
Tenzompa accepta de ~ I O transporter
U ~
aii tarif de 800 pesos. Autant due que les metis savent profiter
du fait que certaines localites de la Sierra ne sont pas reliées par bus.
26
2’
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressource8
3.3.
111
Les pmts ou les dons du Fond Régiond 3
Táchons d’évaiuer les impacts du Fond Régiond de Soíidarité créé au début des
...I
..
années 90 et prétons une attention particuliere a la question du remboursement
des prets. I1 apparait qu’il existe une relation forte entre t a u de remboursement et
nature du projet et que cette relation est positive des lors que les projets sont liis a
la gestion du temtoire.
3.3.1. Le programme du Fond Rigional de Solidatit6
I,-
.,e-,.
Les actuels programmes de la délégation de llN1 Jalisco sont au nombre de cinq.
Tous les fonds proviennent de la section 20 du budget de la nation. Avant 1996,
lTNI percevait des fonds de la section 33, destinés a l’infrastructure sociale (eau
_-.L
potable, électririté solaire et routes) et maintenant distribués aux municipalités. En
1999, le budget total de la délégation Jalisco était d’environ 17 millions de pesos et
l’importance budgétaire relative de chaque programme était la suivantez* :
Tab. 5 :Détail de la répartition par poste du budget de
la diligation de I’INI Jalisco, annie 1999*
Programmes
e-
.*..+
Montrnt
14 Intemats
40%
6
4 Fonds régionaux
40%
6 800 O00
Fonds culturels
5%
850 O00
Justice
5%
850 O00
10%
1 700 O00
Bien étre social (salté)
.
Pourcentage
Totd
100%
800 000
$17000000
I-’
-
.
,.
,_.“.
* sOurces :
biferview réaliséepar Francisco Talavera a Leopoldo Ordoilez, Director opedvidad ih’IJalisco, 2000.
...
C^
Le budget de la délégation de llNI Jalisco a subi une baisse conséquente en 2000.
Le montant alloué aux fonds régionaux a considérablement diminué, il atteint un
million de pesos, qui seront destinés pour moitié au financement des projets
productifs de Santa Catarina. En effet, cette communauté a montré une volonte et
une capacité de remboursement des préts bien supérieure aux trois autres
A partir d’une enti‘evue réalisée par Francisco Talavera a Leopoldo Ordoíiez, Diredor operntividad
INI-Jalisco, 2000.
28
178
Chapitre 4 : L'accélération de la circulation des personnes et des ressource~
communautés de Jalisco. Par ailleurs, le montant des bourses éducatives des
intemats scolaires est resté inchangé ($6 400 000) et les fonds culturels ont subi
une baisse importante ($182 890)d9.
La responsabilité de la gestion des quatre fonds régionaux incombe & l7NI et
.I.
..
aux représentants des fonds régionaux des communautés. Le processus de
négociation est le suivant. Du mois de juillet au mois de décembre, a lieu la
.*-
programmation communautaire (élaboration de projets puis décision en assemblée)
-.
a laquelle participe les intéressés et les fonctionnaires du CCI. Une fois terminés les
.,,..
dossiers des projets, l?NI ajuste les propositions aux paliers budgétaires autonsis :
,**_
ils
sont ensuite envoyés aux bureaux de 1lNl central a Mexico. Dans le cadre du
vote du budget de la nation, le ministere du budget (Haciendaet Crédito Pcíbliw)
negocie avec llNI le montant de son budget annuel. Enfin, les projets retenus sont
présentés et les fonds sont repartis en automne, soit un an plus tard30.
Depuis la création du Fond Régional en 1990, les fonds ailoués au
iinancement de projets dans la communauté de Santa Catarina ont principalement
seni au développement des infrastructures (43,90%), c'est-a-dire a l'achat de bus et
.."
I
a la construction d'une aciérie. Ces deux grands projets, particuliérement coúteux,
sont de type collectif. Les trois autres activités qui ont été appuyées, par o d r e
d'importance, sont l'élevage (20,22%),le commerce (10,92%) et a partir de 1993,
l'artisanat (8%). Enfm plus de 11% de la dette de la communauté conceme une
étude des ressources naturelles, effectuée de 1994 a 1996, pour un coiit de $400
000, dont la UCIHJ est propriétaire (U de G et al., 1997). Les fonds ailoués
__,
représentent plus de 4,6 millions de pesos sur dix années.
.
..,
M
B
r
.
,-.,.
29
3O
Entrewe collective a la responsable dii CCl de Mezquitic, Tamara Rojas, 7 juillet 2000.
Interview de Leopoldo Ordoñez réalisée par Francisco Talavera.
179
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressoumcs
Tab. 6 :Destination der prits accordis par le fond r6giond depuis 1991,
communauté de Santa Catarina Cuexcomatitlh
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
Total
%
mevage
95 620
151 360
35 O00
O
50 O00
&cultui.e
r&.tniCtUrU
Artiuiut
O
O
O
O
O
327 982
420 262
231 250
210 935
58 170
O
25 O00
O
480 O00
124 O00
110 O00
45 O00
115 O00
35 O00
35 O00
40 O00
130 O00
253 324
O
O
165 O00
165 O00
231 O00
5 O00
5 O00
O
O
510 O00
41 O00
O
230 O00
50 O00
O
O
942 98(
20,2151
791
oo(
20 O00
~~
62 000
119 500
87 700
O
420 203
O
351 O00
130000
83oO00
303814
2 O47 75:
16,96?
43,909
Sounrsprim’res :Délégmion INIJalisco, 2001,
3.3.2. La question du remboursement des ptéts
En ce qui conceme les projets collectifs, il est intéressant de remarquer que le bus
acheté par la communauté a été presque totalement remboursé (83%). L’acime a
été fmancée peu a peu, mais la dette reste élevée. Elie a seulement commencé a
fonctionner en 2000, une fois le permis forestier obtenu aupres des institutions
compétentes (SEMARNAP), ce qui explique le non remboursement de la dette. L’idée
selon laquelie les communautés ne remboursent pas est erronée et ce, d’autant
plus que 11% de la dette corrrspond a une étude des ressources forestiéres, qui n’a
pas de vocation productive.
En ce qui conceme les piojets a caractere individuel (élevage, artisanat et
commerce), ils ont connu une faible réussite en termes de taux de remboursement.
Pour les projets artisanaux et bovins, les taux de remboursement oscillent aux
alentours de 25%, et de 10 a 16 %O pour les autres (caprins, porcins, commerces).
Selon la responsable du CCI,les programmes d’élevage ont généré un surpiiturage
dans les communautéh jachat d. 35 O00 tetes de bétaii en 1995 et de 90 O00 tetes
en 2000)et le fmancement de l’achat familial d’une ou deux tetes de bétaii a parfois
été destiné a la subsistance : K on donnait 5000 pesos a une famille pour manger *.
Or les Wixaritari ne consomment pa: la viande bovine, mais la destinent a la
réalisation de sacrifices au couis de fetes. Ainsi les préts en faveur de l’achat de
plusieurs tetes de bétail, au nom d’une personne o u famille, ont favonsé la vente de
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
180
ce bétail aux personnes qui désiraient sacrifier un bovin au cours d’une cérémonie.
Ces préts en faveur de l’élevage n’ont eté remboursés qu’a un tau de 20,22%, et
l’on constate qu’ils ont indiscutablement favonsé l’edchissement de certains.
Quant aux commerqants, leur situation est identique a celle des éleveurs : le tam
de remboursement global depuis 1991 est de 16,06%. Autant dire que lTNI a
fuiancé a fonds perdus leur installation et, apres 1996, les préts en leur faveur ont
continué d’étre versés, et ce malgré le discours qui pr6nait l’exigence de
remboursement. Le fond régional a bel et bien propulsé les éleveurs et les
commerqants sur la scéne des s nouveaux riches u. La directrice du CCI reconnait la
responsabilité de llN1 quant a l’émergence de ces caciques, les éleveurs et
*I--
.”
commerpmts devenus des préteurs. Voici l’exemple qu’elle choisit pour évoquer
.--.,
cette problématique du caciquisme : celle d’un homme qui travailla au sein de 1TNI
,.
lors de la mise en place du COPLAMAR, et, aprés avoir démissionné, qui vécut dans
c*
...
la ville de Zacatecas oii il appnt le systeme mercantile31. Ajoutons a ce récit qu’il
s’agit de l’une des figures les plus controversées de la communauté de Santa
Catarina car lorsqu’il était commissaire des biens communaux dans les années 80,
il signa un accord secret d’usage des terres communales limitrophes de T e m m p a
,*-
avec une famille métisse. Lorsque l’accord secret devint public, il fut destitué de sa
charge. Plus de dix années plus tard, lorsque je réalisais mon travail de terrain, i
l
était le propnétaire de l’un des trois commerces de Nueva Colonia et prétait de
l’argent a de nombreuses personnes. On raconte qu’une personne lui d e e t
plusieurs centaines ou milliers de pesos pour un kilo de farine de mais qu’elle
-\.
n’aurait jamais payé... Que cette histoire soit vraie ou non, elle montre que le
commerqant en question a les dents longues. Alors qu’en 2000 il avait été nommé
pour une année juge au s.:in du gouvernement traditionnel, * l a déception de
beaucoup, il ne ménagea pas ses efforts pour participer a la campagne électorale du
PRI a Nueva Colonia en vue des elections municipales. Cet homme, formé par ITNI,
a intégré le rapport marchand a un point te1 qu’a la différence de ses congéneres, la
.
I>L
terre a un prix. Cet exemph a~t-piqi.ie de comportement ne doit nous faire oublier
que la relation des Wkarita. i
A
i;t : !eu:-s
terres communales et leur temtoire vécu
est autre et ne se comprend 114s depuis une logique marchande.
En effet, la protection temtoriale reste le fil rouge des relations interethniques. Un exempli: ne coiiceniaiit pas la communauté de Santa Catarina
iliustre la maniere doni des f.>ii Is insti!utionnels ont été utilisés en vue de protéger
- _
31
.*
Entrevue collective avec la i-espon,;ablt.tiu C. 1de Mezquitic, Tamara Rojas, 7 juillet 2000.
.,
.
...,..
Chapitre 4 : L'accélération de la circulation des personnes et des ressource?
181
des temitoires en conilit : en 1999, un million et demi de pesos furcnt investis en
faveur de l'achat de tétes de bétail destinées a pgturer dans la zone de Barranca del
r-
.-
~.I..
Tule, San Sebastián, un temtoire disputé de longue date avec les mitis voisins32. La
Terre, toujours la Teme...
,--
32
Cea terres ont finalement été i'econniies propriéte de la communauté de San Sebastián en 2000 par
la SRA,apres des annies de connit et uti long processus judiciaire.
!,
0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0
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**
-
.
.
1
Chapitre 4 : L’accelération de la circulation des personnes et des ressources
I
-
183
3.3.3. L’économie politique da Z’ih!i
La non-affectation par 1’iNI de personnel et de ressources destines a assurer le suivi
des projets, et. d’une maniere générale, l’absence de diagnostic institutionnel relatif
au fonctionnement du fond régional, constituent une néghgence qui ne permet pas
de savoir si les fonds ont été utilisés comme le prévoit la norme institutionnelle.
Cette néghgence appuie la these selon laquelle le fond régional a d’abord été concu
,-.
comme un moyen de parvenir a des fins non productives et principaiement
d’orgdsation. La création du fond régional et de la UCIHJ est un exemple flagrant
de l’assujettissement de l’économique au politique.
Lorsque le fond régional, puis la UCIHJ furent créés, l’alimentation d’un fond
C^
par un systeme de paiement des intérets était la moindre des préoccupations des
politiques et des bureaucrates. Les événements politiques et économiques
nationaux de 1994 et 1995 favoriserent la prise d’un Wage a 180 degrés, en 1996,
I--
qui conduisit a l’attxibution aux communautés de leurs dettes respectives via la
création de quatre fonds régionaw au lieu d’un seul. En 1999, ITNI réalisa une
évaiuation nationale du t a w de récupération des 162 fonds régionaux existants
,- .
apres avoir regu de fortes pressions de SEDESOL et du Ministere du Budget qui
l’interrogeaient sur l’existence de ce programme. Tous les projets productifs de
c
Jalisco furent évalués comme étant non productifs. En 2000, le montant ailoué
.-
baissa de 4 millions de pesos prévus a un million. Dorénavant, les fonds sont
destines a la mise en Oeuvre de projets a vocation productive puis sont acceptés au
vu de l’expénence en la matiere des personnes demandeuses. Toute personne
maitrisant les savoirs nécessaires pour élever du bétaü ou gérer un commerce a une
forte probabilité d’obtenir le crédit. La dynamique de différenciation sociale a de
beaux jours devant elle.
Enfin, le remboursement quasi intégral de l’achat du premier bus, le projet
d’achat d’un autre tracteur et d’un nouveau bus et la mise en route de l’aciérie
montrent qu’ils ont fait l’apprentissage des relations de marché. 11s ont compris
comment utiliser le rapport marchand pour modiiier l’état de leurs relations avec
des acteurs institutionnels et politiques. De plus, l’ensemble des actions et projets
cites conceme la gestion collective de leur temtoire. Le PRONASOL, et les grands
.-
projets des années soixante-dix, ont incontestablement modifié la donne
socioéconomique dans les communautés et favorisé l’émergence de nouveaux
,.a-.
hommes forts. Cependant, dans le cas de Santa Catarina, le fond régional s’est vu
approprié par les membres de la communauté et n’a pas seulement été un
+-.
instrument au service des objectifs clientéiistes des politiques.
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
184
4) Rencontrea a m curefoun de l a Sierra et de. villea : convergences et
divergence.
Le dernier point de ce chapitre pose le probleme de la convergence entre les intéets
,.,”..,
d’acteurs urbains et ceux des lndiens dans un contexte de modification des regles
du jeu politique national et du statut jundique des groupes ethniques et
.-.
associations religieuses au cours des trente demieres années.
La creation de routes a aussi eu pour effet de faciliter l’acces de nouveaux
visiteurs dans les communautés de la Sierra ; elle n’a donc pas seulement permis la
pénétration des indigénistes et la circulation plus aisée des Indiens. La meilleure
communication entre la Sierra et sa région a favonsé la participation de deux autres
..
types d’acteurs d’ongine urbaine a la dynamique sociale indienne, les fondateurs
.
.
.
I
,I--
h
des Organisations Non Gouvemementales (ONG) et les membres de certains
groupes religieux. De nouveau il apparait que la convergence ou la divergence
d’intérets entre ces acteurs urbains et les Indiens s’articule autour de la question
de la relation au temtoire.
En guise d’introduction, voici le témoignage de l’une des personnes qui est a
*y
..
I”-
l’ongine de la fondation de MAGI en 1989. Elle relate la fondation de la clinique de
Nueva Colonia, un événement que nous avons déja présenté ; elle met en évidence
le caractere de subordination/domination qui caracténsait la relation entre les
communautés indiennes et les institutions mexicaines lors de la mise en place du
_*,-.
plan HUICOT. Voici ce que j’écrivis dans mes camets de terrain :
A cet instant, je me faisais la réüexion qu’il y a deux ans eut lieu une meme
cérémonie [course de l ’ h e ] a cette date (4 novembre] pour honorer la
/-
mémoire d‘un ancien qui venait de décéder, nommé Sandoval, le fondateur
de l’école de Nueva Colonia. A cette époque, il m’avait até présenté c o m e
quelqu’un de centenaire, un défenseur des terres. Le mercredi 6 septembre,
a l’occasion de la réunion avec P.,R. et A., nous avions abordé la question de
la fondation de Nueva Colonia R. nous indiqua qu’elle eut lieu en 1972,
durant la présidence de Echevenía. Elle avait été invitée par les
fonctionnaires a se rendre a l’inauguration de la cmque pour qu’elle
apparaisse sur la photo. Si la cmque avait été installée a Nueva Colonia,
c’était parce que les anciens avaient refuse qu’elle soit implantée a’hapurie
sinon une route y aurait été construite. Or il s ’ a g i d t de proteger le site de
Teakata du tourisme. Au cours de l’inauguration, le discours des autorités
locales, et de celui qui fut le premier directeur ou maitre d‘école de Nueva
COlOnia33, fut axé autour de la protection de ce lieu. Mais R. n’y croyait pas.
Parce qu’au fond ils n’avaient pas le choix. Elle se rappela également avoir
revu cet h o m e il y a quelques années : ii était capable de citer de mémoire,
et avec une grande précision, toutes les dates relatives a l’histoire de Nueva
,.,
.
..
.
__
*-
,.Y-
Au cows d’un séjour de terrain postérieur, j’appris que cet homme avait été k premier conmiSSaire
des biens communaux de Santa Catarina apres avoir activement participé a i’obtention de la
résolution présidentielle au début des années cinquante.
33
185
Chapitre 4 : L'accélération de la circulation des personnes et des ressources
Colonia Sans aucun doute, d en íkt sa mémoin et son fondateur mytbique.
I1 semble donc que les cérémonies d'adieu aux anciens de cette envergure
doivent avoir lieu aprés la Toussaint, les 4 et 5 novembreJ4.
4.1. La convergence entre intamts ethniques et dhmocratiques :les O10
4.1.1. Contra-culture, oisiteurs et O10
La fin des années soixante fut marquée par une vague de contestation étudiante
violemment réprhee en octobre 1968 sur ordre des hauts fonctionnaires de la
Présidence de Diaz Ordaz. Certains étudiants en anthropologie critiquerent
fortement la politique indiginiste de caractere intégratiordste. En 1970, ce collectif
d'anthropologues, dont l'un des plus célebres est Guiiiermo Bo&
un texte pamphlétaire intitulé
..
a
Batalla, écrivit
De eso que llaman antropología mexicuna s
35
pour
dénoncer l'attaque systématique des cultures indiennes par le biais de la politique
intégrationniste de 1'iNI.
Les premiires attaques conire le monopole étatique de la déhition de 1Tden
surgkent au sein de ~auihropologiemexicaine, depuis son aüe critique.
L'anthrupoiogie et l'indigénisme mexicains sont hishiquement iiés : c o m e
théorisation de la postion de la sodété nationale vis a vis de ses populations
mdighes, et c o m e appiicaüon des poiitiques publiques qui leurs sunt
destinées. Néanmoins, la génération danthropologues qui s'afhne au cauls des
années 1960 introduit une profonde umimverse au sein de la discipline.
Radicalisés @
s
les événements de 1968, ces jeunes d v e r s i i a i ~s'unissent
~
autour dune dénonciation commune : le Caraftm colmiialiste et i'obsulescence
du modele intégcatíonniste soutenu par leurs prédécesaeurs. Cette divergence de
pmjet alimentera le débai entre anthropologues "organiques" et anthropologues
"critiques" (di- "gu&illms"Jtout au long des années 1970 et 1980. Elle ouvrira
un espace de discussion qui ne tardera pas a étn investi par les Indiens e w mémes (Hvostoff ;1998).
1
-,.
..
" -.
._
.
~..
, -,
/'-
Ces anthropologues, bient6t suivis par les promoteurs du chapgement social de
lTNI, jeterent les bases du courant indianiste. Leurs principaux appuis jundiques
actuels procident a la ratification, par le Mexique, de la Convention 169 de
I'Organisation Internationale du Travail (Oil') en 1990, et de la promulgation de la
I+*"
composition multiculturelle de la nation par la reforme de l'article 4 constitutionnel
en 1992.
.
L'une des expressions sociocultureiles de la perte de légitimité du régime fut
I-
...
xk
le mouvement de la contre-culture. C'est dans ce contexte de contestation milé de
romantisme que de nombreux curieux d'ongine urbaine visiterent les communautés
indiennes du Mexique. Deux des plus célebres visiteurs de la Sierra Huichol furent
Journal de terrain du 13 septembre 2000.
Les auteurs de cet écrit sont Mercedes Oüveira, Margarita Noiasco, Guiüermo Bonfd, Arturo
Warman et Enrique Valencia. Ed. Nuestro Tiempo, México, 1970.
34
""..
35
.- .”
-
-.....-.I.,----
Chapitre 4 : L‘accélération de la circulation des persoma et des ressources
186
le joumaliste Fernando Benítez et l’anthropologue et romancier Carlos Castañeda.
Le premier écrivit les ouvrages de la série
Los indios de MecicO m dont un volume
est consacré aux Indiens Huichols. En toumant le regard vers certaines
populations indiennes de l’occident et du nord, telles que les Huichol, Cora,
Tepehuan et Tarahumara, mais aussi de Oaxaca, Benítez participa a un
mouvement plus vaste de prise de conscience de cette réalité indienne qui refuse la
négation de leur existence et demande une revalorisation de leurs cultures. Quant a
Castañeda, alors anthropologue a l’üniversité de Caiifornie (UCLA), il popularisa
l’image psychédélique et mystique des Wixaritari au travers de la quinzaine
d’ouvrages initiatiques dans lesquels il relata amplement ses expériences
hallucinogénes, entre autre provoquées par l’ingestion de peyoW.
C‘est dans ce contexte, conjugué a celui de la mise en Deuvre du plan
HUICOT, que les premiers curieux, infiuencés par le mouvement de la contreculture, se rendirent dans les communautés wixaritari de Nayarit et de Jalisco. A
n’en pas douter, la rencontre entre les pelerins aux pieds ensanglantés partis a la
recherche du Don Juan de Castaiieda38 et les Wixaritari fut dés plus exotique, pour
les uns comme pour les autres. C’est aussi a cette époque que les futurs membres
fondateurs de plusieurs ONG découvrirent la Sierra Huichol. Certains déciderent de
iravailler comme médecin dans les nouveaw centres de santé, d’autres s’y
rendirent pour assister a des ateliers sur l’usage des plantes rnédicinales, quelquesuns partirent a la recherche du peyotl
N
la plante qui fait les yeux émerveillés B, et
plusieurs d’entre eux furent si fascinés qu’ils se sentirent en dette envers leurs amis
indiens et créerent la premiere ONG dans les années quatre-vingt.
L’Asociación de Desarrollo Ecológico de la Sierra Madre Occidental (ADESMO)
avait pour vocation principale de favoriser le développement économique
communautaire depuis une perspective écologique. Ensuite, les amis et membres
fondateurs se spécialiserent chacun dans leur domaine, ce qui donna lieu a une
division de I’ONG. En 1990 ADESMO fut substituée par i’Asociaci6n Jalisciense de
Apoyo a (os Grupos Indigenas (AJAGI) qui appuya par la voie légale la lutte
temtoriale et collabora a la création diine école biculturelle39. Les problemes
Fernando Benites, Los indios de Mh’m, Vol. 11, Ed. Gnjalva, 1968, México. Quant au photographe
qui l’accompagna, Marino Benzi, il publia en 1971 un fantastique recueil de textes mythologiques
intitulé. Les derniers adorateurs du peyotl *, Galümard, Paris.
3’ Au début du 2Oiime siicle, Antonin Ariaud avait aussi contribué a l
a formation de cette image
concernant les Indiens Tarahumara de l’état du Chihuahua : ap+s un voyage d’un mois, il écrivit
l’ouvrage -Voyage au pays des Tarahumarar, destiné dans un premier temps a un public
francophone.
38 Carlos Chaves, AJAGI, discussion informelle, 2000.
39 Consulter Rojas C. (1999).
36
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
187
agraires des communautés étaient nombren et la collaboration d’AJAGI avec les
autorités communautaires permit d’obtenir par la voie légale la restitution de terres
occupées par des métis locaux. Quant a La Casa Huichol, elle proféra des soins aux
Wixaritari dans un centre de santé installé a Guadalajara. Enfui, l’association
Huicholes y Plaguicidas fut créée pour défendre le droit a la santé des ouvriers
agricoles wixaritari employés dans les champs de tabac. La haute toxicité des
produits qui servent a traiter les plants de tabac fut responsable de 2554
intoxications et de 40 décés entre 1990 et 1997 dans l’état de Nayarit (González,
2001: 19).
Dans les années 90, une ONG fut créée sans lien direct avec les précédentes,
Conservación Humana A.C. (CHAC), apres que son fondateur soit devenu ami d’un
Wixárika de Santa Catarina qu’il connut a Real de Catorce, San Luis Potosí, la plus
célebre destination de pelerinage des Wixaritari. CHAC fut créée pour empécher la
construction d’une autoroute qui aurait dü traverser ce site sacré. En collaboration
avec des membres de Santa Cataxina, l’ancien micro regionalde I’iNI, des
anthropologues, des biologistes, l’action promue par CHAC fut couronnée de
succés. Plus tard, CHAC obiint de I’UNESCO et de la World Wild Foundation (WWF)
la nomination de ce lieu, Wirikuta, comme l’un des 14 sites sacrés de l‘humanité.
Depuis, la route de pelerinage, qui va de la communauté jusqu’a Wirikuta, a été
réouverte40. En collaboration avec les habitants métis de la zone d’anivée, les
autorités des municipalités et des états concemés, un plan de développement
écologique de la zone est en passe d’etre mis en oeuvre.
La participation de 1’UUniversité de Guadalajara débuta avec la creation du
Centre d’Etude des Langues Indiennes (CILI) dans les années 80, qui a entre autres
pour fonction d’élaborer une grammaire et un dictionnaire &-a.
Elle se renforca
avec la création en 1994 de la Unión de Apoyo a las Comunidades Indígenas (UACI)
et la participation de nutritionnistes de 1’Université au Consejo de Salud Werika de
Pueblo Nuevo. La UACI organisa en 1998 une reunion entre des femmes Nahuas du
sud de Jalisco et des femmes Wixaritari dans la localité de Pueblo Nuevo. Par
ailleurs, elle apporta son soutien a l’écriture d’un ouvrage en langue vemaculaire
sur la culture par un Wixárika de Santa Catarina41.
Avec deux Wixaritari qui ont réalisé ce pelerinage étant jeunes, les rnernbres de CHAC établirent a
l’aide de GPS quels étaient les anciens points de passage du pélerinage, et obtinrent la levée des
barbelés et autres obstacles qui la parsemaient.
4 ‘ Rafael López de la Torre, a Wixárika Wayeiyari
Universidad de Guadalajara, México, 1999.
*O
.,
188
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
4.1.2. Néolibínlisme, Zapatiame et la fin du &gime PRi
Pour comprendre les actions récentes de ces différentes organisations et
institutions, il est nécessaire de les situer dans le contexte national. La derniére
decade a été le théátre de nombreux changements économiques, politiques,
juridiques et sociaux.
Dans le domaine économique, le virage néolibéral fut pris a partir de la
Présidence de Miguel de La Madrid (1982-1988). I1 culmina lors de la Présidence de
Carlos Salinas de Gortari (1988-1994), lorsqu’en 1994, le Mexique entra dans le
Traité de Libre Echange avec le Canada et les Etats-Unis. Les politiques sociales
furent orientées vers l’action conjoncturelle plus que structurelle, et a p p a r e n t les
politiques dites de
u
pauvres u ou
u
a
compensation sociale u ,
dixigées vers des populations
marginales n, a l’instar de PRONASOL puis du Programa para la
Escolarizacidn, la Salud y la Alimentación (PROGRESA).
Par ailleurs, la ratification de la Convention 169 de I’OIT en 1990 donna lieu
en
1992
a
l’inattendue
déclaration
constitutionnelle de
la
composition
multiculturelle de la nation (article 4). L‘année précédente avait été inscrite dans la
constitution mexicaine la liberté religieuse et promulguée la Ley de Asociaciones
Religiosas y Culto Público mexicana (LARCP), qui confere aux églises et groupes
religieux une personnalité juridique d’assoktion Enfui, la réforme qui suscita le
plus de mécontentement fut la révision de l’article 27 constitutionnel. En déclarant
la fin du régime des Ejdos42 et en permettant leur vente, ii fut mis un terme a la
réforme agraire qui avait débuté dans les années vingt et qui fut accélérée sous la
Présidence de Lázaro Cardenas (1934-1940). Dans la région de Las CaÍladas,
Chiapas, le processus de colonisation des terres prit fin et les colons ne purent
obtenir la reconnaissance legale de leurs droits agraires. Le mécontentement, latent
depuis les années 70, notamment en raison de la discrimination raciale dont
souffrent les Indiens, fut canalisé de différentes facons. L’une d’entre elles fut la
participation au sein de 1’EjetcitoZapatista de Liberacidn Nacional, qui a p p a t sur
la scene publique le ler janvier 1994. Aprés quelques jours de lutte armée entre
1’Armée et l’EZLN, les combats cesserent et la négociation s’organisa a partir de
1995”.
Un Ejido est une parcelle de terre, propnété de la nation, qui peut étre cultivée par un ayant-droit
Ce dernier ne peut ni la vendre, ni la transmetire, ni l’utiliser comme une garantie fonciere. Ce régime
de propriété sociaie de la terre fut instauré avec la réforme agraire, qui débuta dans les années vingt.
43 Pour plus d’inforrnation relative au processus de colonisation de la terre dans la zone de confit et
les facteurs de déclenchement de la lutte armée, consulter l’ouvrage * Lacandonia al fdo del a m a de
Xochitl Leyva et Gabriel Ascencio, 1996, CIESAS, CIHME, UCAEC et FCE, México.
‘2
Chapiire 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
I89
La prolongation de la crise’économique qui avait débuté en décembre 1994
avec la dévaluation du peso, la sortie du temtoire national de l’ex-président Carlos
Salinas que l’opinion publique avait désigné comme responsable de la &se, le nonrespect de la signature des accords de San Andrés Larainzar en septembre 1996,
sont des évenements qui fragiliserent encore plus le régime autontaire du Parti
Révolutionnaire Institutionnel (PRI). Le mouvement armé de I’EZLN avait mis en
evidence les carences (agraires, économiques et droits culturels) des peuples
indigenes non seulement du sud-est mais du Mexique en général. L’incapacité du
nouveau Président et de son cabinet a résoudre, par le biais de la négociation, le
conflit accentua le discrédit envers le régime autontaire. Le zapatisme, en tant que
mouvement politique, fut largement appuyé par diverses associations prodémocratiques mexicaines et des groupes de pressions intemationaux. Pour la
premiere fois depuis 71 ans, le 2 juillet 2000, le candidat du PRI ne fut pas nommé
gagnant des élections présidentielles44 et le candidat du Parti& de Acción
NacioMi
(PAN), Vicente Fox, accéda a la Présidence de la République en décembre.
En avril 2001 eut lieu l’assemblée du Congres National Indigene (CNI)a
Nuno, Michoacán, auquel participa I’EZLN, un événement qui consacra l’avantderniere étape de la caravane zapatiste jusqu’a la place du Zocalo de la ville de
Mexico. En juin, la proposition de loi issue des négociations fut présentée au
parlement, qui proposa la réforme de plusieurs articles constitutionnels. Appelée
Loi Indienne, cette réforme n’était pas conforme a m demandes du CNI et de I’EZLN.
Ensuite elle fut présentée aux parlements des 31 états de la République fédérale et,
lorsque le seizieme état l’accepta, elle fut promulguée. Plus de 300 requétes furent
alors présentées aupres de la Suprema Corte de Justicia de la Nación en vue de
juger la constitutionnalité de la reforme ; elles furent déboutées en septembre 2002.
4.2.
Les acteurs religieux : divergences identitaires et juridiques
Les trois réformes constitutionnelles de 1991 et 1992, en matiere culturelle,
religieuse et agraire, sont déterminantes pour comprendre les problématiques
sociales des communautés indiennes a I’heure actuelle. Les droits agraires,
culturels et religieux, parce qu’ils sont collectifs ou individuels, peuvent converger,
s’opposer ou se juxtaposer.
Si la présence de groupes religieux dans les communautés indiennes n’est
pas une nouveauté, c’est la réforme en matiere d’association religieuse qui en
A u cows des décades passées, la fraude electorale fut l’un des recours utilisé par le regime pour
que le candidat du PRI sortc gagnant de la a mascarade électorale m.
44
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
190
constitue une. Des les années cinquante, les missionnaires protestants de llnstitut
. ..
Linguistique d’Eté (ILE) se rendirent dans la Sierra pour étudier la l a n e e wcanka
a h de traduire la Bible en langue vemaculaire et tenter de convertir les Indiens a
l’évangélisme. De plus, 1lLE collabora durant une decade avec la SEP a l’élaboration
de lexiques en langues indiennes, et notamment en wixárika, avant que ses
activités ne soient officieliement interdites au début des années soixante-dix. Quant
aux Franciscains, a partir des années cinquante, iis s’installérent a nouveau dans
la communauté de San Andrés Cohamiata ou iis construirent des missions et des
écoles dotées d’intemats.
De nombreux conflits, entre convertis et non convertis a l’évangélisme, ainsi
qu’entre ceux qui sont en faveur ou non de l’action sociale -et principalement
scolaire- des religieux, ont été répertonés dans toutes les communautés de la Sierra
durant les deux dernieres décades (Rojas C., 1999 ; Otis, 1998 ; Fajardo ; 2000). I1
est particulierement intéressant de noter que dans le cas des communautés de San
Andrés Cohamiata (Rojas C., 1999) et de Santa Catarina, le contróle du temtoire et
la relation identitaire avec la terre constituerent un argument central des Indiens
qui s’opposaient a la presence et a l’action des reiigieux franciscains45 et
évangélistes. La maniere de gérer ces conflits aurait été diiTérente avant que ne
soient promulguées les réformes institutionnelles précédemment citées.
En conclusion, le temtoire reconnu des Wixaritari a connu un processus de
délimitation des le
17iCmc
siécle, conjointemeiii a l’intégration de sa population au
régime colonial. Les temtoires
des conirnunautés indiennes, apres avoir
principalement souffert de l’expansion des Haciendas au 1 9 ’ 6 ~siecle, ont été
reconnus de faqon pariielle aver la récorme agraire post-révolutiopnaire, au moment
oü l’empnse de l’état et du marché était devenue inéluctable. La réforme agraire,
ainsi que la création de moyens d’acces et d’infrastructures dans les communautés
a l’initiative du gouvernement, impliquerent un grand nombre de transformations
d’ordre socioéconomique et politiqut-. D e iiouveaux acteurs Went le jour dans les
communautés agraires indiennt,., . le., :ommissaires des biens communaux et les
promoteurs du changement sori 2. Aver
!:I
crise du régime PRI, qui commenqa a
étre manifeste a partir de la fui des aniircs soixante, se firent entendre des voix
critiques, tant dans les rangs des institutions qu’au sein de la société. Le virage
Andre.Lorsque, dans la communauté de 5
semblee communale décida de participer a la
création d‘une école secondaire bicultu ’: avec .’ ’ .:, i1 Cut demandé aux franciscains d’abandonner
les locaux de la mission de San Miguel .iLaUItita puui y implanter l’ecole. Parce qu’ils Ctaient installes
sur leur territoue communal, ils considdraient avoir la droit d‘en disposer.
4s
A
191
Chapitre 4 : L’accélération de la circulation des personnes et des ressources
néolibéral des années quake-vind laissa le champ d’action libre a w organisations
non gouvernementaies, qui commencérent a travailler avec les Indiens, les uns a la
recherche dime plus grande justice sociale, les autres pour obtenir la
reconnaissance légale des terres communales.
,I*.’
...
.,-~I/--
-
‘
r
...?
Parce que les Indiens migrent pour travailler, vendre leur artisanat et visiter
des iieux de culte, leur
fm’toire uécu est plus vaste
que celui des communautés
agraires. Grace au soutien apporté par les ONO, un phénomene de reconnaissance
du caractere sacré des pnncipaux lieux de culte wixaritari vit le jour. La sacralité
du temtoire est le symbole de l’identité wixárika, et de nombreux groupes indiens
dans le monde ; elle constitue dorénavant un cheval de bataiile pour que leurs
demandes sociales soient écoutées. Le fait d’avoir eut recours a la h i agraire pour
tenter d’enrayer la conversion d’indiens a l’évangélisme est un exemple d’utilisation
par les Indiens d’instruments jundiques nationaux, et non pas seulement
intemationaux.
Finalement,
f-
les
réponses
locales
aux
événements
nationaux
et
intemationaux rendent compte de la vitalité et de la flexibilité de l’organisation
sociale et temtonale Wixárika. I1 est donc nécessaire de prendre en compte les
e
.
.
.e-
relations que les Wixaritari entretiennent avec l’état et le marché, par le biais de
diiíerentes institutions et acteurs, pour comprendre la dynamique des relations
sociales.
~
P.
x
,-*
I
n
i'"
PARTIE 2
RELATIONS D'ENDETTEMENT
,-.
I
SENTIMENT D'ETRE EN DETTE
Les iignager
Dorénavant, notre analyse se focalisera sur les modalités de l’organisation sociale
au sein d’une communauté traditionnelle et agraire wixánka, celle de Santa
,.”^
..<_
Catarina Cuexcomatitlán, Tuapune, située sur la frange est de la Sierra Madre
Occidentale. Parce qu’elle ne concerne qu’une seule communauté, cette analyse ne
peut pas étre généralisée point par point aux quatre autres; cependant, les
modalités de l’organisation sociale y sont similaires. En p d c u l i e r , certaines
personnalités jouent un role clé au niveau des lignages, centres cérémoniels et
processus de nomination des représentants: les patriarches ukiratsúCi, les anciens
“-
kam?emts¿n‘et les chamanes maru’aknte. L’assise de l’organisation sociale sur des
lignages et son caractere chamanique sont des caracténstiques communes. De
, *
plus, ces communautes partagent une histoire socio-politique et appartiennent a
un méme complexe culturel. La pratique de rites similaires, leur conception
,.-*
sacralisée du temtoire ainsi que le partage de mythes et de l i e n de pelennage en
sont l’expression. Eniin, a l’instar d’autres communautés indiennes du Mexique, les
communautés Wixaritari disposent d’autorités dites traditionnelles reconnues par
les institutions mexicaines. Par ailleurs, elles disposent depuis les années soixante
r-
,,-
d’autorités agraires chargées de gérer les questions relatives a l’usage des terres
communales. En ce qui concerne les Wixaritari de Jalisco, ces deux types
d’autorités, traditionnelles et agraires, sont parties prenantes de 1’Union des
Communautés Huicholes de Jalisco depuis sa fondation sous l’impulsion de
l’institut National Indigéniste en 1991’. Chaque communauté présente cependant
,
1-
sa propre spécificité culturelle. Par exemple, a l’occasion du &+but du Caréme a
Tateikie se deroule la féte appelée
Pachitus, qui n’est pas célébrée a Tuapurie. De la
méme maniere, le rituel de Namawita N&a
précédant les semailles n’est pas, ou
plus, réalisé a Tateikie. Ni l’une ni l’autre de ces communautés ne peut etre pour
,--.
autant qualifée de pIus traditionnelle u ou d’ N acculturée U parce qu’elle ne réaiise
pas l’un de ces rituels.. De notre point de vue, les variations locales qui se
I
,,,
-.
Rappeions qu’en íonction des histoires locales, les limites des communautés agraires ne concordent
pas forcément avec celles des communaut=s traditionnelles. Les communautés traditionnelles de
Tüxpan (Tutsipa) et de San Sebastián (WauQa) ont un Souvernementtraditionnel chacune. Cependant,
en raison de l’utilisation d’une suatégie COrnmUne Pour obtenir la reconnaissance de leurs terres dans
les annees cinquante, eües foment une s a l e communauté agraire. Les communautés de san Andrés
(Tateke) et de santa Catarina (TuapuneJ SOnt des COm’nunaUtés a la fois traditionnelles et agraires;
les limites de ces de- types de jundiction SOnt equivalentes.
Chapitre 5 : Les ügnages
194
manifestent íors de l’exécution de rituels sont liées a m différents contextes au s i n
desquels pariicipent ces communautés et démontrent le caractere dpamique de
l’organisation sociale du groupe ethnique.
L’objectif principal est de montrer queiles sont les institutions principales de
la communauté de Tuapurie. Les hommes ágés, et d’une facon générale les &es,
. .,
-
jouent un róle important dans la prise de décision. L’organisation du lignage est
centrale et c’est le patriarche, ukiratsi, en qualité de fils &é
successeur de son
pere, qui est responsable d’en organiser la vie cérémonielle et productivez. Les
lignages sont reliés via leur participation a la hiérarchie des centres cérémoniels
tukite, et non pas en raison de regles d’échange exogamique des femmes. Des
I ’-
couples, chamanes et patriarches prennent part aux activités des tukite. Le
-
caractére centralisateur et chamanique des tukite, combiné a l’aspect patriarcal de
l’organisation lignagere, constitue les axes organisateurs de la vie sociale et
_””.
politique de la communauté3.
Par ailieurs, nous présenterons les grands moments du cycle vital des
personnes et les rituels rythmant le passage d’un statut a un autre. Nous avons
associé les différents statuts des personnes a des produits de la culture et de la
,..*
.~
I
.-
.-.
chasse, c’est-a-dire aux jeunes courges, au mais, au peyotl et au cerf; iis sont
emblématiques de la vie wixárika et illustrent le stade de la socialisation de la
personne.
Enfm, un objectif secondaire est de faire état des aménagements que connait
le systeme de parenté, en particulier les institutions de la polygynie et du sororat.
Le sororat semble tomber en désuétude et le maxiage par rapt s’est largement
développé, permettant le choix du conjoint. Or les hommes semblent peu disposes a
,_
”.-
perdre leur droit d’avoir plusieurs épouses et cela genere de la,violence au sein du
couple. Bien qu’il existe des mécanismes sociaux qui tendent a réguler la vie
sexuelie des adultes, nous avons remarqué que la violence exercée envers les
femmes ne fait bien souvent pas l’objet d‘une réparation sociale. Le suicide féminin
est symptomatique de l’insufiisance de mécanismes permettant aux femmes de
prendre la parole pour demander réparation. De plus, a la différence des sociétés
occidentales, l’espérance de vie des femmes y est moindre que ceile des hommes.
,--
,e-
2
3
Chapitre 5
Chapitre 6
195
Chapitre 5 : Les iignages
0.1. Méthodologie :les outils de l’anthropologie et de la sociologic
Le &Page
est l’élément de base de l’organisation sociale et l’espace de la
socialisation primaire. Chaque personne sociale est d’abord le fils ou la fde d’une
personne. Située a un rang donne au sein de sa fratrie, en fonction de Cette
situation, elle aura des droits et des devoirs. A ce niveau , le degré de determination
est relativement fort. L’analyse de la parenté montre une séparation nette entre les
générations et la relation entre les individus distants de deux générations, c’est-adire les grands-parents tackari de leurs petits-enfants tackan, est fondamentale. De
plus, l’importance accordée aux ainés par rapport aux cadets implique que ceux-ci,
et par extension les personnes ágées, soient des figures potentielles de l’autorité et
dignes de respect. Celui qui préside le groupe est le patriarche ukiratsi, l’ainé par
excellence.
En ce qui conceme la méthodologie, pour rendre compte du caractere
dynamique du systéme de parenté, nous avons recours aux histoires de vie ainsi
qu’a l’outil statistique. D’une part, cela nous permet de prendre en compte les
affects des personnes qui, dans la confidence, ont évoqué leurs histoires de famille.
Par exemple, si le déces d’un parent modife la donne sociale, cette disparition
.,
sanctionne aussi la rupture d’une relation affective. De méme, la confiance et la
tendresse sont des attitudes qui ne sont pas uniquement prescrites et les personnes
,-
ne se comportent pas uniquement en fonction des normes, mais aussi de leurs
affects. Enfm, l’emploi des histoires de vie et des statistiques permet d’expliciter
comment le systeme de parenté se modifie et la terminologie se simplifie. Ainsi, on
comprend pourquoi certaines pratiques semblent tomber en désuétude, a l’instar
du sororat , et quelles sont les conséquences de ces changements.
I
1) La parenti
Les communautés wixaritari sont, sauf quelques rares exceptions, des groupes
endogames. De plus, elles ne sont pas constituées de groupes exogamiques. Mors
,, ”.
pourquoi étudier la parenté? L’analyse du systeme terminologique révele la
séparation entre les générations, or cette caractérisation est essentielle a
l’élaboration de la catégorie de dette transgénérationnelle qui sera exposée dans le
chapitre 7. Cette société accorde également une grande importance aux ainés ; ils
sont des figures de l’autorité. Le systéme terminologique indique aussi que les
épouses secondaires du pere ne sont pas membres du lignage d’ego, la füiation est
patrilinéaire. De plus, les limites des lignages sont de plus ou moins deux degrés a
Chapitre 5 : Les w
a
g
e
s
196
partir d’ego ; les grands-parents et les petits-enfants entretiennent une relation
pnvilégiée. Ce sont les lignages, matériaiisés dans les temples nvikite des ranchos
dispersés, qui constituent la sphere de la sociaiisation primaire des Wixaritari.
Enfin, les histoires de vie montrent que le mariage par rapt, qui fait la part beiie a la
libre élection, s’est largement développé. Le sororat semble tomber en désuétude
aiors que la persistance de la polygynie occasionne des conflits entre conjoints, en
particulier a l’encontre des femmes. Un grand nombre d’unions s’achevent au
moment ou l’époux prétend prendre une seconde épouse.
1.1.
Histoires d’inceste
Tikiema
4
est une jeune femme d’une vingtaine d’années. Tikiema est timide et evite
de croiser le regard des autres. Comme le veut l’usage, lesjeunes femmes Wixaxitari
sont éduquées a ne pas s’adresser a w hommes et aux étrangers. De plus, Tikiema
n’est pas allée a l’école et ne parle pas espagnol. En effet, les parents preferent
souvent que leurs fdles restent a la maison pour participer a w labeurs
domestiques. A vingt ans a peine, sa jeune vie a déja été marquée par deux cas
d’inceste.
, -
Aiors que son pere était décédé plusieurs années auparavant et que sa mere
s’était remariée pour la quatrieme fois, a l’age de quatorze ans Tikiema vivait avec
sa mere au domicile de son beau-pere. Ce dernier eut a plusieurs reprises des
.-..“.
relations sexuelles avec elle en cachette. Lorsque sa mere se rendit compte de la
situation elle décida de les prendre sur le fait. Ce qui fut fait et se solda par une
situation de violence : le beau-pere frappa son épouse et celle-ci, sa fiiie. Wenima, la
füle ainée de l’épouse et demi-sceur de Tikiema en ligne matemelle, se chargea de
,....
faire soigner les blessures de sa mere et des frais hospitaiiers, essaya de raisonner
sa sceur Cadette et décida de parler avec son beau-pere. Wenima, la sceur aúlée de
Tikiema, est une femme de caractére qui a choisi de ne plus se taire et d’assumer
son róle d’ainée. Sachant que son beau-pere est un homme &gé, elle savait qu’elle
devait s’adresser a lui avec respect. De telle sorte qu’elle lui parla
U
comme a un
oncle 11, c’est-a-dire avec calme, mais égaiement avec fermeté au vu des faits. Apres
avoir fait comprendre a son beau-pere I’immoraiité de la situation, elle fit appel
a
I’expénence de ce vieil homme, qui avait longtemps travaillé comme ouvrier agricole
avec des métis, pour lui faire comprendre qu’il s’agissait d’un abus sexuel. Le vieil
,
Les noms utilises sont vernaculaires ; cependant, ils ne correspondent pas aux noms véritables des
personnes citées.
197
Chapitre 5 : Les lignages
homme se confondit en excuses, demanda a trois reprises d’étre pardomé et
pleura. Tikiema s’en d a vivre avec ses autres freres instdés dans le rancho de sa
famille patemelle.
Quelques années plus tard W e m a n’était pas encore mariée et ne semblait pas
avoir de prétendant. La sceur du premier époux de sa mere, la femme la plus iigée
de cette fratrie, alla rendre visite a sa belle-saeur. Son unique fils était célibataire,
travailleur et possédait quelques tetes de bétail. Elle proposa a la mere de Tikiema
de marier cette demiere a son fils. Les femmes conclurent l’affaire. Mais quelle ne
fut pas la surprise de la mere de Tikiema lorsque cette derniere lui rendit visite a
son rancho et qu’elle se rendit compte qu’elle était enceinte ! Et qui était le pere? I1
s’agissait de son frere, né de meme pere et mere. La mere, furieuse, demanda a son
._
,
fils si te1 était le cas. I1 reconnut les faits. Mors elle décida de les emmener aupres
des autorités traditionnelles pour trancher : il n’est pas possible d’etre frere et
époux a la fois. Les autorités demanderent aux jeunes gens s’ils reconnaissaient les
faits et ce qu’ils souhaitaient faire : se marier. I1 fut alors décidé qu’ils vivraient
comme des époux.
Néanmoins, si la relation d’alliance est dorénavant considérée comme morale du
I
point de vue social, parce qu’elle a fait l’objet d’une décision de justice
-
communautaire, il n’en reste pas moins que la sceur ainée de Tikiema a du mal a
/--
jongler avec les termes de parenté. Elle me fit part de son désarroi de la facon
suivante : u Le jour ou elle est venue avec son enfant, je ne savais pas comment iui
,-,
,-
demander qui était le pere... Et comment dois-je appeler son mari quand je veux lui
demander de ses nouvelles ? Mon frere ou son époux ?
U.
Les rumeurs ne cessent
,,,I,..
pas pour autant,
u
les gens parlent
dit-elle et voient d’un mauvais mil cette
situation. Depuis, les jeunes gens sont repartis vivre au sein duaancho de la famille
..,
patemelle.
I
1.2.
Endogamie communautaire et absence de r i d e d’exogamie
Cette histoire de vie illustre quelles sont les relations matrimoniales permises et
celles qui ne le sont pas, en d’autres termes, elle nous permet de conceptuaiiser
l’inceste du point de vue des W-tari.
I1 est proscrit de se marier avec des parents primaires : pere/füle, mere/fils,
frere/sceur. C’est ce qui posa probleme dans le cas de l’union de Tikiema avec son
,
..~
frére. Un cas similaire eut lieu dans une autre localité de Tuapurie: un pere viola sa
f d e et la mere porta plainte aupres des autorités communautaires. Elles donnerent
Chapitre 5 : Les lignages
198
deux possibilités a lajeune f d e : que le pere paye une amende ou qu’ils se marient.
Elle accepta le mariage et, selon les dires, elle le fit par peur des représailles5. DanS
le cas des relations sexuelles de Tikiema avec son beau-pere, il eut été possible que
Tikiema devienne la deuxieme épouxe de son beau-pere. Or un consensus surgit
entre les membres de la famille, le beau-pere s’excusa et la jeune f d e changea de
domicile, et il ne fut pas nécessaire de faire appel aux autorités communautaires.
Les autres cas d’unions prohibées sont en premier lieu celles qui sont
..
,,
L
contractées avec des non Huicholes6 et en second lieu avec des Huicholes membres
d’autres communautés traditionnelles’ (isolat communautaire). Les communautés
traditionnelles forment donc des groupes endogames. Dans le cas du mariage avec
un métis, le couple s’instaüe généraiement en dehors de la communauté.
Pour déterminer les categories de parents avec lesquels l’alliance est
autorisée, il faut d’abord distinguer deux cas de figure : le premier mariage et les
remariages. En effet, le premier mariage est normdement l’objet de l’intervention
des parents, c’est-a-dire qu’ils décident ou donnent leur avis au sujet du conjoint.
Cela n’est pas le cas lors d’une seconde union, apres rupture de la premiere, celie-la
relevant de l‘union libre. Lors du premier mariage, comme l’indique l’accord
rapporté entre les meres des conjoints potentiels, le mariage peut &e arrange par
les parents des conjoints. Ce fut aussi le cas de Wenima, la smur ainée de Tikiema,
,-
lors de son premier mariage. Elle connut son mari le jour de leur union, qui avait
été préparée par son pere. Selon Wenima, du temps de ses arrieres-grands-parents,
c’étaient les parents qui arrangeaient le mariage. 11s les mariaient avec le fils ou la
fde d’un oncle ou d’une tante : ils étaient donc cousins germains. Pcu importait
que ce soit plutót du cóté des fréres du pere ou des freres de la mere, c’est-a-dire
,,*-
qu’ils soient des cousins paralleles ou croisés. Selon elle tl avant& ne voulaient pas
.._
s’éloigner
.
éloignés) ma. A différentes reprises, des femmes ont fait allusion a des couples formés
<-
I)
et
maintenant c’est différent car ils se marient plus loin (parents
entre cousins germains avec un certain ton de désapprobation.
Journal de terrain 20 mars 2000
Les couples mixtes, entre métis et huicholes, sont rares. 11s résident en dehors des communautés. Le
cas le plus célebre est celui d’une anthropologue nord-américaine qui a été mariée a un huichol de
Nueva Colonia. Ensemble, üs ont fond6 une entreprise de production artisanale. lis sont dorénavant
separes ; chacun a son atelier et emploie temporairement des artisans wixaritari.
7 Les cas sont relativement peu nombreux. Néanmoins, le couple est tenu de parti‘iper aux activités
cérémonielles dans chacune de leur communauté respective.
8 Journal de terrain 20 mars 2000.
5
6
Chapiire 5 : Les fignapes
199
Seion Wenima, maintenant les jeunes füles se marient lorsqu’elles tombent
enceintes et restent célibataires plus longtemps qu’auparavanF, notamment parce
qu’elles poursuivent parfois des études primaires voire secondaires. Le mariage par
rapt s’est généralisé : les jeunes gens partent vivre ensemble pendant quelques
temps, résident dans le secret du rancho de la famiile du jeune homme, puis ce
dernier va voir les parents de la jeune füle pour leur demander de valider leur
union. En conclusion, si le mariage préférentiel était autrefois contracté avec le
cousin croisé ou parallele’o, le mariage préféré est dorénavant situé en dehors des
limites du groupe des cousins.
I1 n’existe pas de groupes exogamiques ; cependant les jeunes ont tendance a
se marier avec une personne appartenant a un périmetre sociopolitique
relativement bien délimité. D’une part, chaque rancho est rattaché a un centre
cérémoniel t u I c i 1 1 et la participation aux activités cérémonielles du tuki favonsent la
mise en relation de jeunes qui vivent dans des ranchos relativement éloignés.
D’autre part, ii faut aussi prendre en compte l’innuence de la scolarisation : les
études primaires sont l’occasion de connaitre des jeunes qui proviennent d’une
autre localitéiz.
,.
.-
terrain 27 février 2001.
Mata Torres (1982 :17) relate les conseils que lui donna un chamane pour marier son fis : il doit
choisir une a jolie jeune f í e n, par exemple, x la f í e d’un de tes freres n. Malheureusement, les travaux
de Mata Torres ne font jamais référence a qui est la f í e B ou le x frére m ; il n’a pas pris la peine de
signaler quels termes vernacuiaires sont utilisés.
Selon Lumholtz (1904 : 91-96), avant qu’il ne visite la Sierra (il y a plus deGent ans), les personnes
agées arrangeaient les mariages. Les parents du jeune homme payaient un chamane et l’envoyaient
chanter pour cinq nuits a la maison de la jeune f í e . Une fois I’élue séduite, le jeune homme se rendait
chez elle pour se marier (Ibid : 93). Pour leur nuit nuptiale, la mere de la f i c é e donnait un tapis
petofe et le pére du fiancé une couverture za-qxz. Au petit math, c’est en acceptant de manger une
tortilla offerte par le jeune homme que la jeune fdle donnait son consentement. A ceite occasion, eiie
était accompagnée par ses parents et un chamane, munis d’un fouet garrote, préts a recounr a la
violence pour accélérer l’obtention de son consentement (Ibid : 94).
Lorsque Lumholtz a visité la Sierra, le mariage par rapt existait déja. Lorsque les jeunes gens
outrepassaient le consentement des parents, ceux-ci consultaient les autorités communautaires
(Ibid : 92).
En général, si les jeunes gens se plaisaient, le jeune homme offrait a la jeune file un écureuil ou un
Poisson, ou un autre cadeau ; si eiie était séduite, eüe h i tissait une ceinture en retour. Pendant la
nuit, lajeune f í e aüait chercher de I’eau et le jeune homme aiiait couper du bois. Le jour suivant, ils
jeünaient et aidaient a capturer un cerf. Les parents de la fiancée donnaient au futur gendre des
vetements, une hache, une machette et un laniere de cuir de cerf (pour attacher et porter le bois).
Cela fait donc au moins un siecle que le mariage par rapt existe, parallelement au mariage arrangé, et
que les autorités communautaires interviennent pour valider ces unions.
11Ily en a trois dans la communauté de Tuapurie.
12 La zone scolaire correspond souvent a ceüe du district %hi.
9 Journal de
10
1
.
I
~
-
.-
Chapitre 5 : Les wages
200
1.3. Résidence patrilocde
Au début de leur union, lesjeunes gens tendent a vivre la ou reside le jeune homme
et, en général, il s’agit du rancho de son pere : la résidence est patrilocale. 11s
constmisent une maison sur les terres du rancho du pere, ou a proximité, dans
laquelle ils s’installent. Aprés les premieres années de l’union et une fois les
premiers enfants nés, ils peuvent choisir de vivre de facon néolocale, cependant ils
décident souvent de resider a proximite du rancho du pere de l’époux. Cependant,
si la jeune rille est la seule f a e de sa fratrie, sa mere peut demander a ce qu’elle
reste vivre a ses cótés durant les premiers temps.
I1 est possible qu’un homme ait plusieurs épouses en méme temps,
.-
cependant, tous les Wixaritari ne sont pas polygames. Lorsqu’un homme a
plusieurs femmes, il dispose de sa propre chambre et chaque épouse partage sa
chambre avec ses enfants.
Les nouvelles configurations sociales liées au développement de la politique
,
~.
indigéniste a partir des années soixante tendent a favonser la résidence néolocaie :
les couples de professeurs s’instaüent la o u ils ont un emploi. 11s se marient
souvent avec un conjoint qui n’est pas forcément originaire de sa communauté
d’origine. En effet, la poursuite des études retarde l’&ge du mariage, habituellement
I
‘
bas dans le cas des femmes -apartir de quatorze ans- et permet une élection plus
vaste du conjoint.
.
I
1.4.
La terminologie de puent6 : sjst¿me ghérationnel haraien
La terminologie de parenté est de type hawaien. Ce systeme met l’accent sur la
separation entre les générations, d’ou son autre appellation de
a
systéme
générationneln, et dénote une tendance a étre organisé en famiile étendue
.-
,
.I
....
(Ghasarian, 1996 : 210). Les termes utilisés pour désigner les freres et les sceurs
sont identiques a ceux utilisés pour les cousin(e)s croisé(e)s et paralleles. I1 existe
un terme générique iwa pour les désigner et il est intéressant de remarquer que
lorsque les Wixaritari parlent en espagnol, ils utilisent le terme de hermano a frere
m
pour désigner les enfants issus des parents naturels mais aussi des freres et sceurs
de ceux-ci. Le terme de famüle
neiw~rna’~
signife u mes freres n et s’appiique aussi
aux membres de la communauté, a mes confreres n, lorsqu’une personne s’adresse
au public d’une assemblée. I1 s’agit donc bien d’un terme générique visant a
désigner des personnes d’une méme génération; ce qui par ailleurs montre
” Pluriel
de i w a : iwama ; ne : adjecüi possessif correspondant a la premiere personne du singulier.
201
Chapitre 5 : Les lignages
l’hportance de la famille étendue, caractéristique de la terminologie hawaienne.
par ailleurs, les membres d’une mime génération sont differenciés en fonction du
*xe et du rang dans la fratrie : on distingue les freres des sceurs et les ainés, matsi
et kutsi, des cadets, taru/muta et mita. Le terme de ukimtsi qui sert a désigner le
patriarche signifie
x
l’ainé
8
. A l’occasion de son déces, c’est l’aíné de ses fils qui
aura la responsabilité de mener a bien les diverses activités du groupe lignager.
Le terme teí est utilisé pour designer la mere naturelle, ainsi que les sceurs
des parents. Les tantes, ainsi que les oncles, jouent un role important dans la
socialisation des enfants: ils sont les conseillers de leurs niwe, leurs propres
enfants et ceux de leurs germains. Les oncles ne sont pas dénommés de la mime
,
maniere que le pere, mais tata, un terme également utilisé pour désigner le
parrainl4 (compadrazgo). Par contraste avec les meres te¿, le terme teíwan est utiiisé
I”’
pour designer les autres épouses du pere : il signifie
étrangére n et s’appiique
également aux étrangers du groupe ethnique. Néanmoins, ego peut éprouver de
l’affection envers une autre épouse du pere, d’autant plus lorsqu’elle a substitué
une mere naturelle décédée : ego la nomme alors teí. Lorsque la mere se remarie,
apres un déces du conjoint ou la rupture de l’union, comme c’est le cas de la mere
de Wenima et de Tikiema, les enfants de mere peuvent éprouver un sentiment de
fraternité bien que les péres soient différents. De la mime maniere, les enfants nés
de différentes épouses du pere peuvent se considérer ou non comme des germains.
Le sentiment de fratemité, l’affection entre jeunes d’une mime génération ayant
grandi ensemble, au sein d’un méme groupe domestique, n’implique pourtant pas
qu’ils soient membres d’un méme lignage.
En effet, la différence terminologique entre le pere yeu et les freres du pere
,
tata, ainsi qu’entre les méres classificatoires teí et les secondes épouses de pere
teíwari, montre que la figure du pere est centrale quant a la défuiiton de
.-
l’appartenance lignagere.
Les
enfants nés
du premier mariage
de pere
appartiennent a son lignage. La question de l’appartenance lignagere est plus
problématique en ce qui conceme les autres épouses du pere. I1 faut pour cela
prendre en considération plusieurs cas de figures : la polygynie et les remariages
apres rupture d’une union. Dans le cas de la polygynie, il faut aussi différencier le
sororat de la situation ou les concubines ne sont pas des sceurs. Lorsqu’elles sont
sceurs, leurs enfants appartiennent au lignage du pere. I1 y a quelques décennies,
les hommes auraient manifesté une nette préférence a se marier avec des sceurs et
l4
Parenté fictive.
Chapitre 5 : Les w a g e s
cela aurait permis d’éviter les conflits entre épousesi5.
202
sororattend a disparaitre
et nous n’avons pas obsenré cette pratique parmi de jeunes couples. Lorsque la
concubine n’est pas la sceur de la premiere épouse, nous ne pouvons pas affhner
qu’il y ait une régle et cette question requiert une analyse plus systématique.
Cependant, dans le cas des remariages, il semble que les enfants issus du
remaxiage du pere et de la mere appartiennent au lignage du pere. Par exemple,
cette situation est particuiiérement Claire dans le cas de la mere de Wenima, mariée
a quatre reprises, et dont les enfants sont membres du lignage de leur pere
respectif. Cependant, il y a des lignages plus influents que d’autres, et ce qui
,
.-.
..
importe c’est l’image du grand-pére d’ego. I1 existe des cas o u du cóté paternel il n l
a pas de grand-pere ou de frere ainé qui assument la responsabilité de mener a
bien la vie cérémonielle du lignage. Alors l‘enfant est socialise du cóté du pére de la
mere. Le référent est toujours un homme situé a deux générations au dessus d’ego,
un patriarche. En ce sens, la füiation est dans l’idéal patrilinéaire mais elle est
l’objet d’aménagements de facon a ce que l’enfant soit socialisé en référence a un
Y’’”
grand-pere, qui assume une responsabilité de patriarche ukiratsi. On comprend
alors pourquoi les autres épouses du pere sont désignées par le terme de teiwari :
’-
I
elles sont les étrangeres lignageres. D’ailleurs, les termes utilisés par Uru (homme)
pour désigner les enfants issus des autres épouses du pere mettent en evidence le
,.--
fait qu’ils soient considérés comme des germains iwama, a la différence des enfants
issus des autres unions de la mere iwm’. L’époux de la mere remariée est désigné
par le terme de yauwari dans le cas de Uru (homme) et de cauwari dans le cas de
,,...I
Wenima (femme). Tous ces termes se rapportant a l’aitérité lignagere ont un suffie
-wari.
-.
Les limites du groupe lignager sont de deux degrés. La mémoire généaiogique
ne dépasse pas les deux générations et c’est seulement dans le cas de personnages
importants, comme les anciens kawiteruts¿ri, qu’eile peut aller jusqu’a trois
générationsió. De plus, dans le cas des enfants de la premiere épouse, lfmportance
I^”
de la figure paternelle tend a couper les liens avec les descendants de la fratrie de la
mere. Au dela de deux générations, tous les Wixaritari sont apparentés. Lorsqu’ils
. .,..
,...
se réunissent pour traiter d’intérgts communautaires, ils sont des
U
confreres I
I s Discussion avec Colette Lilly du 8 octobre 2000. Colette LiUy et son époux sont les seules personnes
qui aient residé durant plusieurs années dans la communauté de Santa Catarina, a partir de la fui des
annees soixante.
l6 Dans le cas wixárika, nous sommes en presence de lignages sans exogamie, lesquels, a la difference
de systemes aíricains, ont une faible profondeur généaiogique. D’une maniere generale, en Amérique
Latine, les lignages ont peu de profondeur génealogique.
Chapitre 5 : Les @apes
203
neiwarna membres d’une meme communauté. Q u a t a l’identité de wixánka, elle
n’a de sens que lorsqu’ils sont en présence d’étrangers teiwan au groupe ethnique :
anthropoiogues, fonctionnaires, métis, etc.
A continuation, nous présentons les histoires de vie des deux personnes qui
se sont prétées au jeu de la reconstitution de leurs généaiogies et des termes qu’ils
utilisent pour designer et s’adresser a leurs parents. Ces recits nous permettent
d’inclure la dimension emotionnelle qui fait inevitablement varier les termes de
parenté qu’ego décide d’employer.
1.4.1. Hornmapariafat :UrU
_”,
_...
Uru est un jeune homme d’une vingtaine d’années, né du premier maxiage de son
pere. I1 est le sixiéme d‘une fratrie de sept freres, son unique seur est décédée.
Sa mere est morte de la tuberculose alors qu’il était tres jeune et aujourdhui
il ne se souvient pas d’elle. Aprés le déces, son pére se maria avec une saeur de son
épouse (sororat), qui décéda eile aussi de la tuberculose sans avoir donne le jour. I1
--
se maria a nouveau avec une femme qui lui donna huit enfants et se chargea
,.
d’elever ceux du premier mariage de son mari. C’est pour cette raison qu’üru
éprouve de la tendresse pour sa belle-mere car eile s’occupa de lui comme de ses
I--
propres enfants. I1 l’appelle donc netei, ma mere, et non pas neteíWan, un terme
.
négatif qui évoque l’étrangeté et Ihostilité. Le déces précoce de sa mere ne lui
_.-.
permit pas de connaitre sa famille matemelle et il ne participe pas aux activites
.,.
cérémonielles de sa lignée matemelle. C’est pour cette raison qu’ii éprouve des
.I
r-
difficultés a savoir comment il nommerait les membres de la familie du cóté de sa
mere.
Son pere est le fils aíne d’une fratrie de cinq freres et soeurs. La plus ágée de
ceiles-ci est mariée a un chamane reconnu, bien qu’il soit onginaire d‘une autre
...
I
-
..
--
communauté (Wautia). En effet, lors de la Christiade dans les années trente, la
famille de cet homme s’installa a Tuapune pour fbir la violence qui régnait a
Wautia. Le pere d’Uru est le second de sa fratrie, dont l’unique frere, le troisieme
dans la fratrie, est décédé. I1 a deux autres saeurs. L’une est veuve et, a l’occasion
du déces récent de leur pere, elle a herite de la responsabilité du rancho. Son pére
en avait lui-méme hénté lors du déces de son épouse. L’autre est la benjamine, et
apres le déces de son mari, elle choisit de s’unir a un homme plus jeune qu’elle, ce
qui fut mal considéré. En effet, il est de coutume que les femmes se marient avec
des hommes plus agés qu’elles.
Chapitre 5 : Les lignages
204
Le pere dWru contracts une quatrieme union il y a quelques m é e s : ii rapta
I’épouse préferée de son voisin, un chamane prestigieux et rival de son pere. I1 la
séduisit en lui disant que son pere, le plus prestigie-
des charnanes et ancien
Kawiteru du centre cérémoniei, pourrait guérir sa stérilité. Ce qu’il ne reussit pas a
faire. Ce rapt d’épouse occasionna une sévere fkcherie entre voisins ainsi qu’entre le
pére dWru et sa troisieme épouse. Cette demiere, excédée d%trereléguée au second
plan apres avoir donné tant d’enfants a cet homme et avoir élevé ses beaux-enfants,
__
décida de retoumer vivre dans le rancho de son pere accompagnée de ses enfants.
Son f e r e aine vint pour demander a son époux des explications. Finalement, apres
...
trois années de fáchene, l’épouse délaissee revint au rancho. I1 semble que la
..
demiere épouse reste la préféree du pere dWru, bien qu’elle soit sterile et ne lui ait
-
pas domé d’enfants. Le nombre d’enfants du pere dWru s’éleve a quinze, sans
compter les enfants morts en bas age.
Le grand-pere patemel d’Uru était l’un des deux kam’terutsbi du centre
cérémoniel. Chamane de renom et fidele senriteur de la coutume, ii fut nommé
Kawiteru a vie, la charge la plus honorable existante: celle d’ancien qui connaít les
récits de fondation kawitu. Aprés son décés, le pere dWru devint responsable de
mener a bien les cérémonies de la famille en qualité de patriarche ukiratsi. Comme
son pere l’avait fait avec lui, dorénavant le pere d’Uru demanda a son fils ainé de
l’accompagner a tout événement d’importance dm de se préparer a étre un jour
1’llkiratsi.
,”._
_.
Uru ne sera jamais ükiratsi. Par contre, il a été a l’école primaire a partir de
six ans et comme il aimait étudier, il souhaita entrer en secondaire a i’intemat
scolaire de Mezquitic, le plus proche village métis. Ensuite, il entreprit d’étudier au
lycée et rejoint alors l’intemat d’Estipac, dans l’état de Jalisco, ou se rendent de
nombre-
jeunes Wixaritari. La scolarité y est quasi gratuite et c’est une ancienne
nonne franciscaine qui est chargée de la direction de cette école. Une fois bachelier,
,--
il décida de continuer a étudier a l’université. Rares sont les jeunes qui y
parviennent. Son pere lui conseilla de réfléchir avant de prendre sa decision et,
<_
devant le désir de son füs de continuer a étudier, il lui offrit l’aide financiere et
.-
morale qu’il put. Cependant son pere lui conseilla d’étre humble et de ne pas jouer
au savant devant les siens. De méme il lui rappela de faire attention a l’argent
donné par ses freres et par lui pour financer ses études. Alors qu’il était a
Guadalajara dans l’attente d’entrer a l’université, j’étais devenue la messagere entre
I
’
la famille et le jeune homme, sa conseillere aussi, car il éprouvait le besoin de
Chapitre 5 : Les wages
205
s’appuyer sur une persome de confiance. Nous t r a v d l h e s ensemble sur des
aspects iinguistiques et C’eSt au cours de ces moments de travail que nous sommes
devenus des confidents. Uru est entré en premiere annee d’Administration et espere
que sa formation lui sera utile, ainsi qu’a sa communauté. par aiiieurs, ii se réunit
avec cinq autres compagnons étudiants au sein de l’association des étudiants
Wixaritari”.
Uru, a la difference de Wenima (femme), n’est pas marié. I1 eut pourtant une
fiancée, une tureri, membre de sa communauté alors qu’il était en passe de
,....
.I
terminer le lycée, mais le mariage ne fut pas conclu. Elle était l’unique fille de sa
mére. Selon Uru, celle-ci n’était pas disposée a ce que sa fille aiile vivre avec lui
chez son pere. En effet, les jeunes gens vivent chez le pere du jeune homme sauf
lorsque la jeune femme est l’unique fille de sa fratrie. Uru aurait donc dü s’installer
chez la mere de sa fiancée. Mors, il aurait dü se rendre régulierement chez son pere
pour l’aider. Puis ils auraient pu s’installer seuls (résidence néolocaie). I1 est fort
probable que le pere dWru n’ait pas accédé a la demande de son f i l s ; les services de
son fils auraient été extremement soliicités de la part de sa belle-famiile. De plus, la
trajectoire scolaire dWru dénote d’une véritable aspiration a faire des études
supérieures, or ce type d’engagement est difficilement compatible avec la prise de
responsabilités matrimoniales.
1.4.2. F . m e purlant :Wenima
Wenima est née de la premiere union de sa mere et est l’ainée d’un seul frére issu
de cette union. Sa mere s’est mariée alors qu’elle avait 13 ans. Son époux l’avait
,-..
raptée puis était allé voir le pére de la jeune femme pour obtenir son
consentementis. Wenima se rappelle que son pere maltraitait sa mire et la frappait.
Mors qu’elle avait 6 ans, son pere prit une autre femme. Wenima se rappelle qu’il
I
.-
passait tout son temps avec elle et ne faisait plus attention a sa mere. Cependant,
sa mere ne réclamait nen a son époux. Comme le pere de l’autre femme était
chamane, la concubine aurait demandé a son pere comment faire pour que la
premiere épouse s’en d l e . Elle lui aurait donné a manger de la noumture
ensorcelée et c’est alors que l’épouse délaissée aurait pris conscience de sa
condition et aurait décidé de s’en aller. Elle emmena sa füle Wenima et son fils et
rejoignit la maison de son pére. Une semaine plus tard, alors que la mere de
17 UJEW : Unión de Jóvenes Estudiantes Wixaritari. Elle fut créée par le jeune époux de sa tante alors
que ce dernier était lycéen a Guadalajara.
18 Des son plus jeune ape, la mere de Wenima éíait orpheline de mere.
Chapitre 5 : Les w a g e s
206
Wenima était absente, l’époux abandonné vint chercher ses enfants et les emmena
en leur disant que leur mere était revenue au rancho. 11s pensaient retrouver leur
mere. Plus tard ii leur expliqua la situation et ieur demanda de ne pas retourner
chez leur mérelg. C’est ainsi que Wenima et son frere furent élevés par la sceur
ainée de leur pére. 11s l’appelaient net& Elle fut une bonne mere, tres travailleuse,
et enseigna a Wenima tout ce qu’il est necessaire de savoir pour devenir une
artisane. Cette tante fut mariée une seule fois et eut un garcon de cette union.
Accompagnés de leur pere et de leur tante, Wenima et son frere récoltaient le
tabac sur la cote du Nayarit. Pour s’y rendre, il fallait marcher sept jours d’aífiiée,
c’était épuisant, et afíí de ne pas sentir les douleurs musculaires, leur pere leur
I-
..--
donnait a manger des morceaw de peyotl. A l’occasion d’un travail saisonnier dans
des vergers de l’état de Zacatecas, un jeune homme métis manifesta son désir de se
marier avec la jeune Wenima. Bien qu’il etait sympathique, le pere refusa.
Adolescente, Wenima, a l’instar des jeunes füles Wkaritari, etait la proie convoitée
par les hommes. A trois reprises elle échappa au viol aíors qu’elle allait chercher de
-
l’eau a la riviere. Sa tante, en la voyant revenir ébouriffée et énervée, s’en rendait
-
que Wenima aiüe seule a la riviere, rien n’y faisait car c’était le devoir des femmes
I
,.
compte. Bien que cette derniere pleurát de terreur et suppliSt son frere d’empécher
. “
que de rapporter l’eau au rancho. Jusqu’au jour ou Wenima croisa un oncle, le
^
I
saluant avec confiance de la main ; l’oncle en profita pour la retenir et la violer.
..
Alors qu’elle avait quatorze ans, elie apprit qu’elle allait étre mariée. Un jeune
homme l’avait demandée en mariage et son pere avait accepté. Son é p o w lui
reprocha de ne pas étre vierge et l’agressa verbalement et physiquement. Elle eut
un füs puis une fille de cette union. Son é p o w la frappait, surtout lorsqu’il avait
bu. Pendant qu’il donnait des cours a l’école, elle faisait de l‘artisanat. Sept ans
.,
.-
apres leur mariage son époux arriva un jour avec une autre femme, professeur elle
aussi. Alors il reprocha a Wenima d’étre une ignorante, de ne savoir ni paler ni
écrire l’espagnol. I1 partit avec cette femme et laissa Wenima seule avec deux
enfants a charge. Elle décida de faire appel a son pere et le mit face a ses
L
responsabilités: il l’avait mariée et devait trouver une solution. Son pere eut
recours aux autontés du gouvernement traditionnel qui déciderent que le pere des
enfants devait assumer leur éducation. Si bien que ce dernier partit avec ses
..
enfants dans la communauté d’origine de sa seconde épouse (Wautia). Wénima ne
19
Journal de terrain 27 fevrier 2001
207
Chapitre 5 : Les lign.zges
les revit pas jusqu’a ce que sa fiiie, devenue adolescente, chercha a la contacter, a
son plus grand plaisk.
Au moment de la rupture, Wenima était enceinte d’un troisieme enfant. Elle
partit avec le frere ainé de son pere travailler comme &sane
a Guadalajara. La-bas
elle devint employée de maison pendant pres de deux ans ce qui lui permit
d’apprendre a parler espagnol et a évoluer dans un univers métis. Alors qu’elle
vendait son artisanat durant son jour de con& elle rencontra son second mari.
Lui aussi était wixárika et originaire d’un rancho voisin de celui de son pere. I1
avait quitté la Sierra apres avoir été a la charge de difíérentes familles suite au
déces de sa mere. Finalement il avait été recueilli par une famille metisse, avait
obtenu son diplome de bacheiier, s’était marié avec une métisse, était entré dans les
forces aériennes puis avait divorcé et suspendu sa carriere. A ce moment, il
,<.”.
attendait d’obtenir un poste de professeur dans la Sierra. Une fois nommé, ils
partirent s’installer dans la communaute ou il avait été rattaché, Tateikie. 11s eurent
deux enfants puis revinrent vivre a Tuapurie quelques années plus tard.
Le frere de Wenima réside avec son épouse dans le rancho patemel. I1 est
marié avec une femme originaire de la zone et qui vécut pendant plusieurs années
,-
avec sa mere et son frere dans la ville de Durango. 11s eurent deux enfants. Les
relations entre Wenima et sa belle-sceur sont tres bonnes et elles plaisantent sans
géne. Avec les sceurs de son mari aussi Wenima plaisante de bon cceur. Les bellessceurs iwam sont toujours de bonnes amies. De la meme maniere, le frere de sa
belle-sceur est tres ami avec le frére de Wenima.
Le pere de Wenima eut un grand nombre de concubines, elles restaient peu
de temps avec lui, notamment parce qu’ii buvait et les maitraitait. Finalement il
cessa de boire, prit une épouse, et la respecta. Cette femme est hostile a Wenima ;
elle ne lui adresse la parole qu’en presence de son époux et elle interdit a ses
enfants de le faire.
La mere de Wenima se remaria a trois reprises. D’abord avec un homme avec
qui elle eut quatre enfants. I1 décéda a l’occasion d’une altercation alors qu’ils
travaillaient comme ouvriers agricoles dans les champs de tabac. Elle se maria
alors avec un homme qui avait deja une épouse. Ce demier avait entrepris une
initiation chamanique. Au moment de s’unir a elle il aurait dú l’en prévenir et
demander pardon aux ancétres pour ne pas avoir respecté l’abstinence sexuelle
requise. Ce qu’ii ne fit pas. 11 décéda par chátiment des ancetres. De cette union, la
mere de Wenima avait mis au monde deux enfants. fuguant du fait que ces enfants
~
,.
..
208
Chapitre 5 : Les w a g e s
avaient besoin d’un pere, le frere de l’époux décédé demanda la mere de Wenima en
mariage (levkat). Elle accepta avec réticence, car eiie etait deja &gée et fatiguée.
Seuls les enfants issus de son avant-dernier mariage vivent avec elle ; ses autres
enfants sont mariés ou vivent avec leur famille paternelle.
Les relations de Wenima avec sa mere sont bonnes. Néanmoins elle reconnait
. ..
avoir davantage d’affection pour sa tante qui l’éleva. Quant a son beau-pere, elle le
I
~.
respecte en raison de son grand áge. Tous les enfants issus de sa mere sont pour
Wenima ses freres et sceurs et, comme elle est leur ainée, elle leur donne des
conseils. En ce qui conceme les enfants issus de la concubine de son pere, bien
qu’elle les considere comme ses freres et sceurs, leurs relations sont distantes du
fait de la mauvaise relation avec sa beile-mere.
..
,
1.4.3. Syrtime génémtionnei
.I.
Abréviations angiaises pour désiper les parents primaires
,..,..
,,-.
....I
_.. ”_
’-
I
,
.I.
,~...
~
..
B
Frere/Brother
O
Ainé/ Older
z
Sceur/Sister
Y
Cadet/Younger
F
M
H
PerelFather
S
Fils/Son
Mere
Fillel Daughter
Mari/Husband
D
H2
W
Epouse/ Wife
wa
Epouse n”2/Second Wife
Mari n02/SecondHusband
209
Chapiire 5 : Les lignages
Tab. 8 : Terminolode classidcatoire de Uru et Weninan20
Iwa
1
-
FBD - FBS Fz8 - FZD
Affection : FW2D
< '
e-
- FW2S
2
Ukiratsi
D l'afné
3
Matsi
DB
OB - FOBS - Foz8
Ain&/cadet2': FZS - FBS -
Respect :FZH - ZH - MZH
88-28
*Kutsi
4
DZ
-
Ainé/cadeD BD ZD- FZD
/"-
-
- FOZD
Respect :H Z 2 2 - OBW - WOBW
0%FOBD
FBD
,.
.
5
Taru
YB-Yz
Ainé/cadet Fz8
-
-
88 -ZS BD ZD
I_"-
Affecüon : FW2S
,-
- PBS -
Tarutsi
6
- FW2D
YB
-t.i benjamin
- YZ benjamide)
Fms-FYZD
Aflem'on : FW2S - FW2D
-
MH2S - MH2D
7
Mita
m
a
Ari
Ainé/cadet BD ZD
9
Muta
YB
Y"-
I.
I".
-
Ainé/cadet BS
11
I Teí
m
F
YB
- 28
F
(M-FZ-MZ
,
"
Tous ces termes s'utüisent avec un l'adjectií possessif ne- : nematsi signiíie OB monwre aim? x.
Les enfants des germains des parents sont considérés comme des % ainés n ou des v cadets m en
fyction de leur age.
Wenima (femme] utilise iwam ou kursi x s a u r ainée B pour désigner les sccurs de son mari (HZ].
L'emploi du second terme connote le respect qu'elle porte aux seurs de son man. De méme, elie utilise
le terme de N frere ainé n mcdsi pour désigner les freres de ses soeurs (ZH)et de ses parents (FZH,
MZH).L'emploi de termes respectueux permet d'une part de garder de la distance envers les époux
potentiels, et d'autre part, de c fake entrer dans la famiile x les saurs du mari.
-_
210
Chapitre 5 : Les lignages
Respect :FEW
- FFBW
r-'
,
,.,
-
-
Iwa niwamama
-
B58/D EDSID
DD - SD - SS - DS
BSB/D BDSID
,--
MHF
SSSID
c
- SDSID - DSSID -
DDSID
23
Ukaratsi
24
cina
25
Cie
w P.tse mée
H-H2
Wñ-EW
D
HB
F - M - D2'
Chapitre 5 : Les Iignages
211
En premier lieu, remarquons que Urn (homme), a la différence de Wenima (femme),
utilise un plus grand nombre de termes composés~5,notamment pour désigner des
personnes décédées et éloignées genéalogiquement de plus de deux degrés. Par
exemple, le seul frere de son pere est décédé et les termes qu'il pourrait utiliser
pour désigner les germains masculins de son pére -virtuels- sont composés : neyeu
iwaya
N
germain de mon pere x ou neyeu
iwaya ukiratsi u frére aúlé de mon pere II.
De la meme maniere, il maitrise mal les termes a utiliser pour designer sa
descendance et par conséquence les &is
de celle-ci : il n'est pas encore marié et
n'a pas d'enfants. S'il connait moins de termes de parenté que Wenima (femme),
/
-
c'est parce qu'il est plus jeune qu'elle et il n'est pas encore marié. De plus, en raison
de ses études, depuis quelques années il vit la plupart du temps dans un contexte
C'est UN (homme] et non pas Wenima (femme), qui m'a confumé un peu géné. que les fílles de la
3rm.e epouse de son pere disent Cie a leur pere, et, que son pere et sa mere s'adressent a elles en
utilisant Cie. J'avais remarqué l'emploi du terme Cie entre les demi-saurs dlJru et leurs parents. Un
homme utilise ce terme pour désigner les épouses de ses freres, et, les saurs de son épouse ; elles
sont des épouses potentielles. Une femme utiüse aussi ce terme pour désigner les freres de son mari
(époux potentiels). Les attitudes entre rivaw et entre rivales (entre les beaux-freres, et, entre les
belles-saurs) sont a plaisanterie. Or,pour Urn, il semble genant d'expliquer l'emploi du terme Cie par
son pkre, belie-mere et demi-soeurs. Est-ce qu'il révele l'existence d'une rivalite entre les filles et leur
mere? Est-ce qu'il suggere, de maniiire implicite, la regle de prohibition d'avoir des relations sexuelles
entre parents de premier degré?
25 11s sont signalis par une police en itaiique.
24
212
Chapitre 5 : Les w a g e s
urbain et son langage s’est appauvri26. Son cas est representatif des effets de la
scoiarisation qui, entre autres conséquences, tend a simplifier la terminologie de
parenté et a élargir le cercle des époux potentiels. Dans le cas des professeurs, fi
n’est pas rare qu’ils se marient entre personnes appartenant a des communautés
différentes, ce qui est va a l’encontre de la norme d’endogamie communautaire.
En second lieu, le systeme terminologique met l’accent sur la séparation
~,*..
...
entre générations. Au niveau de la génération d’ego, les germains et collatéraux de
second degré sont désignés par des termes qui distinguent uniquement les ainés
des cadets et le sexe. Au niveau de la génération des parents d’ego, la mere, ses
,
..~
.
I
sceurs et les sceurs du pere sont désignées par un meme terme teí, aiors qu’il existe
un terme pour désigner le pere yeu et un autre pour ses germains tata27. Au niveau
de la descendance d’ego, il existe un terme génénque niwe pour désigner les
.~I
enfants en ligne directe et ceux des germains ; seuls sont distingués les ainés des
.-
autres. A partir de deux générations, le cercle lignager se boucle et les petits-fils et
leurs grands-parents sont dénommés de la méme maniere : teuknr¿. 11s peuvent
cependant étre diííérenciés en fonction du sexe. Au dela de trois degrés, les
ascendants sont désignés par un seul et méme terme tutsi qu’ils soient hommes ou
femmes. Ce terme sert aussi pour désigner toute personne tres ágée digne de
respect, par exemple, un ancien de la hiérarchie indigene. Si bien que la relation
.,”.
entre les générations des grands-parents teuknri et des petits-eniants teukari est
cruciale: elle délimite l’appartenance au lignage28. Remarquons par ailleurs la
proximite linguistique entre le terme de teukan et de tukan qui indique le caractere
vital de la relation entre des personnes distantes de deux générations en ligne
directe.
vi A l’occasion de nos séances de travail linguistique, il me confia qu’il était coltent de faire ce travail ;
. .-
ainsi, il pouvait parler en wixárika. En effet, ses tuteurs universitaires h i avaient recommandé, ainsi
qu’a se8 autres compagnons wixaritari, de ne pas s’exprimer dans leur langue afm d’améliorer leur
connaissance de l’espagnol.
27 L‘absence de distinction terminologique entre les sceurs du pere s’explique par le fait que la f h t i o n
est patrilinéaire.
28
Lévi-Strauss, dans son second article sur l’atome de parente (1996 : 103-135), discute l’existence de
générations alternées parmi les populations Lele et Mundugomor. Dans le cas de Dobu (population
participant au Kula décrit par Maiinowski), il dit que e le fait que tous les membres de la deuxiéme
génération ascendante et descendante soient désignés par le méme t e m e iubuna, parait signaler une
limite’du syst5me : le degré a partir duque1 les distinctions terminologiques cessent d‘étre pertinentes B
(Ibid : 133). Le cas de Dobu est, de ce strict point de vue, similaire a celui des Wixaritari. Les termes
utilisés par ego wixárika pour designer ses grands-parents, e t , par ceux-ci pour désigner leur petitsenfants, sont identiques : teukun. Cetíe relation indique quelles sont les limites du systeme de parenté
wkárika. Notons qu’en raison de l’absence de regle d’exogamie parmi les Wixaritari, les générations
alternées analysees par Lévi-Strauss n’existent pas. Chez les Lele, les generations alternées se
matérialiseraient de la faqon suivante : N la doctrine lele prend pour modele le mariage avec la ffie de
la fille, fondé sur le principe qu’un homme qui engendre une ffle et la donne au clan de sa femme, a le
droit d’exiger la fille née de cette fille en retour (Ibidem).
I)
213
Chapitre 5 : Les iignages
En troisieme lieu, concernant les a f f h , l’institution de la polygamie utilise
nécessairement deux termes uya et d a m a pour désigner les épouses de premier et
de second rang ( p o l y w e ) et un seul cina pour les différents époux des femmes
(absence de polyandne). Les grands-parents des af€írns ne sont pas considérés
comme des teukari et sont membres d’un lignage différent. Les personnes qui sont
placées en dehors du lignage et qui sont désignées par des termes qui connotent
lhostilité sont les épouses secondaires du pere teiwan, les époux de mere issus
d‘un remariage yauwari et cauwan et leurs descendants iwan Ces termes se
distinguent par le suffie -wan.
Enfin, la particularité de cette terminologie est de mettre l’accent sur la
difference entre les aíriés et les cadets et de conférer l’autonté aux &is. Le chef du
._-.
lignage est l’ukiratsi, l’auié. C’est pourquoi nous pouvons parler de patriarcat
gérontocratique.
,~.. -.
1.5. Respect et hostilité :la distance sociale
1.5.1. Le *me
”.’”’’
des attitudes
Le corollaire de l’importance du statut d’ainé est le respect qu’un cadet doit montrer
envers ses aíriés. En tant que personnes d’expérience et conseilleres, l’on se doit de
f--
les écouter. Par extension, un homme &gé attend d’un plus jeune qu’il adopte
envers lui une attitude de respect.
,I.
Si l’attitude envers une personne ainée est marquée par de la retenue, celle
adoptee par les belles-soeurs iwaru entre elles est marquée par la familiarité et la
,,e-
._
...-
,
plaisanterie. Les jeunes füles d’une méme génération, appartenant a des groupes
lignagers différents, sont des épouses potentielles d’ego masculin et a pnon des
rivales. Une fois mariées, elles sont les meilleures amies du monde et deviennent
__”^
des confidentes: il est d’usage de parler en toute confiance et de faire des
plaisanteries sans retenue. I1 n’est pas rare de faire remarquer a une femme que
-
telle autre femme est raiment sympathique, au contact facile, et que celle-ci vous
rétorque
w
oui, c’est p
ir, e
l’anthropologue de sa-.
que c’est ma belle-soeur I
B.
C’est alors le moment pour
l’opportunité de reiier généaiogiquement les deux femmes.
Or, il n’est pas rare que la femme ne sache pas le lien de parenté exact de son maxi
avec sa soeur classific-.toire mais qu’elle sache seulement qu’elle est sa soeur iwa,
de sorte qu’en qualitt
cL,%
l’une envers l’autre. :
belles-soeurs iwaru elles se comportent avec familiarité
,,roupe des belles-soeurs est étendu car il integre les
Chapitre 5 : Les lipages
214
cousines biiatérales du mari de sorte que toute épouse a un large cercle d’amies par
voie d’aiiiance. Elles se rendent visite, séjoument avec leurs enfants dans la maison
de la belle-soeur, passent leurs joumées a faire ensemble les taches domestiques ou
de l’artisanat tout en discutant et en plaisantant. Elles sont des confidentes. Dans
le cas de Wenima (femme), elle utiiise iwaru mais aussi
.. ,
htsi
soeur ainée x pour
désigner les germaines de son mari. Cet usage evoque tant le respect qu’elle leur
porte que son sentiment d’appartenir a une méme famille bien qu’elles soient
membres de ügnages différents.
En ce qui concerne les hommes, les beaux-freres kiema aussi sont des amis
,....
et confidents. 11s se donnent des coups de main mutuels, que ce soit pour préparer
un champ ou le désherber, réparer un toit, préter un cheval ou une mule, d e r faire
.-,
de l’adobeig ensemble, s’accompagner pour d e r a l’assemblée, etc. De telle sorte
que les relations d’alliance générent des relations solidaires entre personnes d’une
,.-.
méme génération issues de deux groupes lignagers différents.
Les relations entre les enfants et leurs meres, c’est-a-dire la mere et les
sceurs de pére et de mere, sont marquées par la tendresse. Ces femmes semblent
..
aimer sans distinction ce grand nombre d’enfants dont elles s’occupent souvent a
,,-.
tour de role, bien que la mére reste la premiere responsable de ses enfants. C’est de
ces femmes que les füles vont tout apprendre : les taches domestiques, la brodene,
le tissage et l’artisanat de perles. Les jeunes gens sont plus proches de leurs meres
classiíicatoires que de leur pére, a l’exception de l’ainé de la fratrie qui a plus
,
.
,
c
..
I
-.
,_,-
souvent l’occasion d’accompagner son pere.
La qualité de la relation entre épouses est variable : elles peuvent étre
marquées par Ia rivalité, la violence comme par la camaraderie. Certaines femmes
considerent que l’autre épouse est une aide. C’est le cas de la mere de Wenima qui
considére qu’une autre épouse c’est une main de plus pour réaliser les táches
‘
.-
domestiques. Néanmoims, elles sont souvent peu disposées a partager leur mari et,
..
si un jour le mari arrive avec une autre femme, elles se sentent délaissées, se
i
-
dépnment et quittent parfois leur mari, voire se suicident par pendaison. Une des
causes de suicide des femmes, une pratique remarquée par les anthropologues et
_”_
‘.....
,.-.
pourtant peu evoque dans les travaux publiés (Fikes, 1993 ; Lemaistre, 1997), est
liée a cette forte dépression vécue a l’occasion de la liaison du mari avec une autre
femme. Pour faire accepter une deuxieme femme, le mari recourt parfois a la
violence. Par contre, le mari est tres jaloux et, les femmes sont tenues d’adopter un
~
29
Materiel destiné a faire les murs des maisons. I1 s’agit d’un mélange de terre, d’eau et d‘excréments.
215
Chapitre 5 : Les lignages
comportement d’áritement envers les hommes en général, c’est-a-dire ne pas leur
adresser la parole et détourner les yeux. De sorte que si le mari découvre que son
épouse discute ou plaisante avec un autre homme, il l’accusera d’adultere et sera
souvent violent.
Les relations des enfants du pére avec ses autres épouses sont elles-aussi
variables. Dans le cas d’Uru, elles sont affectueuses considérant le décés de sa mére
et l’éducation pnse en charge par sa belle-mére. Bien que devant l’appeler
normalement teíwari, il s’adresse a elle en employant le terme net&
lui montre &si
a
ma mere B et
son dection. Dans le cas de Wenima, la derniere épouse de son
pére ne lui adresse pas la parole lorsque son pere est absent. Le terme de tefzuari
utilisé pour désigner les autres épouses de pere, également utilisé pour désigner les
étrangers non Wixaritari, montre que cette relation est marquee par l’exclusion
lignagereso.
1.5.2. ~epatriarchcmratsi
I
.-
La personne clé du groupe lignager est l’ukiratsi3z. C’est l’ainé par excellence, le chef
de famille qui preside les réunions familiales et prend les décisions importantes :
,,.
.
début des travaux agricoles, fétes a réaliser, etc. C’est l’ainé des fds du premier
mariage du pere qui devient le patriarche lorsque son pere décede.
C’est l’occasion de poser la question du patriarcat. Pour que le patriarcat
,..-
existe, quatre conditions doivent étre réunies : la filiation patrilinéaire, la résidence
patrilocale ou virilocale, lhéritage et la succession en ligne patrilinéake. Dans notre
cas, il s’agit d’un patriarcat gérontocratique. La filiation passe le plus souvent par le
pere, voire par le pére de mére. La résidence est patrilocale voire néolocale. La
I
.-
,
transmission de l’autorité est également patrilinéaire. Seule .notre analyse de
l’héntage est déficiente et mériterait d’étre approfondie. Cependant trois des quatre
caractéristiques du patriarcat ont été établies : il s’agit donc d’une société a forte
tendance patriarcale.
,....
Ce sujet ménte d’étre analysé de maniere approfondie. I1 est probable que les enfants issus des
épouses secondaires soient l‘objet d’enjeux a lheure de participer aux travaux agricoles.
31 Grimes & Grimes (1962) utilisent le terme de ukiyrrn pour désigner le patriarche ; ce terme est
repns par Neurath (1998). üiciym. est un joli mot, paríaitement imagé, qui signfie * Ihomme-cceur
o u Uki designe I’homme et iyan l’ime, ou le cceur (le cceur est le lieu ou réside l’ame). Cependant, je
n’ai pas attesté l’emploi de ce terme : j’utilise donc la terminologie recueuillie par mes soins. Ukimtsi
connote surtout le fait qu’il s’agit d’un homme &gé.
30
1)
.- .
Chapitre 5 : Les lignages
216
2) Le cycle vital
Le cycle vital consiste en la succession des différentes étapes de la vie sociale de la
personne. A l’occasion de chaque changement de statut, des échanges ntualiséS
sont réaiisés et mettent en relation des couples, familles et lignages. Par exemple,
apres une naissance, chacun des grands-parents donne un nom au nouveau né :
ils le reconnaissent et lui ouvrent la porte du iignage.
Lorsque l’enfant est jeune, ses parents peuvent decider de lui choisir un couple
.-
de parrains. Les parrainages compadrazgos sont courants et agrandissent le cercle
..
des alliés de la génération des parents d’ego: la parenté fictive est un gage
.-.
d’entraide entre des couples étrangers de par la filiation. D’un point de vue
fonctionnaliste, elle tend a réduire l’incertitude et constitue une forme d’assurance
sociale. Les étapes du cycle de vie varient en fonction du sexe, par exemple la
scolarisation concerne plus les garcons que les fdes, bien que le nombre d’inscrites
ne c e s e d’augmenter. La division sexuelle des taches est un cntere que les parents
prennent en compte a l’heure oü üs décident d’envoyer ou non leurs enfants a
l’école, et de la méme maniere, le développement de la scolarisation redifinit les
modaiités de la division sexuelle des taches et la gamme des options de vie de la
personne.
L’áge adulte est marqué par la participation aux activités ntuelles en
représentation du groupe lignager : charges cargos des centres cérémoniels tukite et
de la communauté. C’est aussi l’époque oü les enfants grandissent et oü les parents
ont la responsabiiité de pourvoir a leurs besoins. Rappelons que les familles
nucléaires ne vivent pas exclusivement dans les communautés et migrent pour
vendre leur artisanat ou étre employées comme travaiileurs saisonniers. Parfois, les
mois d’absence s’allongent et durent des années. Mais un jopr, ii est temps de
revenir pour prendre part aux taches de la famille, quelles soient productives ou
ntuelles, et par la méme au devenir de la communauté et de ses enfants.
Lorsque la vie a été longue et bien remplie, que les enfants sont devenus a leur
tour des parents, la vie s’acheve et il est temps de faire les comptes. Le passage de
deux générations a eu lieu : d’enfant a parent et de parent a grand-parent. Durant
la cérémonie funéraire, l’áme du défunt dialogue avec ses ancétres et ses
descendants gráce a la mediation d’un chamane. Le mort est censé reconnaitre ses
manquements a la coutume di que le don de vie tukan se perpétue en direction de
sa descendance : ses petits-enfants teukari C’est alors qu’apparait la grande
217
Chapitre 5 : Les lignages
machinerie du cycle d’endettement vital qui unit les personnes distantes d’une
génération.
2.1.
La vie d’une perronne vue p u Un.
Voici la facon dont Uru m’a décrit quels sont, selon h i , les grands moments de la
vie d’une personne. Je lui avais demandé de quelle maniere grandit une personne.
J’avais en téte de vérifier si du point de vue linguistique les termes utilisés pour
parler de la croissance d’une personne sont les mémes que pour le mais, voire du
bétail. Le résultat fut contraire a mes attentes et les termes utiliks ne permettent
pas d’identification entre les cycles de la personne et du mais et, seul le terme
utilisé pour désigner la naissance nuiwa est identique pour la personne et le bétail.
,
-.
Néanmoins, ce travail que nous réalishes ensemble me fit prendre conscience de
quelle facon la scolarisation suppose des options de vie supplémentaires. L’école est
le lieu de l’apprentissage de l’espagnol et, des l’adolescence, a l’occasion de la tin du
primaire, les jeunes gens scolarisés sont confrontés a une premiere grande
décision : continuer a étudier ou aider leurs parents. La deuxieme grande décision
est celle de fonder un foyer et d’en devenir responsable.
On peut objecter que le cas d’üru n’est pas représentatif. En effet, rares sont
..
les jeunes gens qui poursuivent des études au dela du lycée. Néanmoins, le nombre
I -
de scolarisés en primaire est impressionnant : environ 1500 jeunes sont internes
dans les quatorze intemats de la Sierra Huichol et au moins 300 d’entre eux a
I
-.
TuapuneW Et s’il est vrai que les jeunes fdes sont moins scolarisées que les jeunes
gens, l’école est cependant pour une grande partie des jeunes Wixaritari un
moment social important de leur enfance.
c
Nunutzi matian yu nim’tiani
Nunutn‘ matian yu nuiwitianeti
NunutSi tZaym‘
Petinuiwanin nunutsijiki m‘mm’
Xreiwitan pereiyan nunutsi
Ji& tikuaiwm’
Jikin man’ peuyumane tin-atawenpaieko
Escuela payakan tiiukitiati
Awrrum‘tm’ ayakm‘&
teiwann nuweri
If s’agit d’une évaluation ;je ne connais pas le détail de la répartition des éleves par communauté.
Sachant que la capacité d’accueil d’un intemat est de 100 éleves (ils sont généralement surpeuplés) et
qu’il en existe trois dans cette communauté, j’évalue a au moins 300 les éleves qui dorment a
l’intemat. Le nombre d’enfants scolarisés est supérieur, car tous les eleves ne sont pas internes, et il
est fort probable qu’il soit proche des 500.
32
J “
Au début le bébé se. forme.
Au début le bébé est formé (dans le venire).
Le bébé est mür.
Le bebé est né ce matin.
Le bebé a un an.
Maintenant ii sait manger.
Aprks ii sait bien parler.
11 étudie a l’icole.
Cela fait cinq ans qu’ii va a l’école
et il parle bien espagnol.
218
Chapitre 5 : Les -es
Jikan ananayani
tareuiwitantiyuikitiakaiM‘e
Jikatswari reuyuikitiahhni
nusun waike
Nusun waike
yu y e u pareiwieni yu iwamatsiemieme
Jikari 18 arios jereiyani
anatn’nyutiiyantiani
Jikan’ unmayaisika uyamaike
anatn’riukanekuwauni
Anatn’nyu zauta neyutiki&ni
Akwm yu yaumaea mukateitsie
.“.
_*-
yauya iparaoiekai
Jihtan yuiya paraoieni paleko
Xrikatan masi nunutn’ maujuni
Reumiete
anatn’n masi
waukawame metenereiya
Anatn’n manahne yayeukaie
KiawatSiri watukan
maunim’
anatin menekuini
2.2.
S’il sort
la sixiéme année de ses études
A la sortie ii doit se demander s’il veut étudier
ou non.
S’iin’étudie pas
il aidera son pere et toute sa f d e .
I1 a 18 ans
c’est le moment de penser, de réfléchir.
S’iisait déja iravaüler
ii va se chercher une femme.
A ce moment il poma faire sed sa maison
Alors qu’avant, quand ii était encore chez son
Pere,
il aidait son pere.
Maintenant ii a l’obiigation de s’occuper bien de
sa femme
Q u a d il aura un enfant,
plus tard,
a partir de ce moment 1%
ii aura plus de responsabiiités.
Aiors iis seront des parents.
Jusqu’a la íin de sa vie,
la o u eiie se termine,
üs vont décéder.
La nduance nuiwa
La naissance nuiwa de l’enfant peut avoir lieu soit dans le rancho o u réside la mere,
I
-
avec l’aide d’une femme voire d’un chamane dans le cas de complications, soit a la
clinique du centre de sante, soit dans une clinique en ville. Dans le premier cas les
femmes accouchent en position debout alors qu’une femme resoit le bébé. Dans les
deux autres cas, l’accouchement a lieu soit en position allongée par voie naturelle
o u césarienne. Dans le cas ou la naissance a lieu dans le rancho, une femme m’a
raconte qu’ensuite le placenta est enterré sous un arbre, sans pour autant me
donner plus de détaii au sujet du choix de l’arbre.
</
Cinq, dix ou quinze jours apres la naissance, a lieu le baptéme de l’enfant.
,
Un chamane prend l’enfant et lui pose le pied par terre, de fason a ce que plus tard,
au moment de marcher, il soit reconnu par la terre, et h i verse de l’eau qui a été
préalablement rapportée d‘une source d’eau sacrée3-3. Autour du bras et du pied de
I’enfant est attachée une petite bourse contenant du tabac. Cette plante est utilisée
contre les sortileges et protege l’enfant. Les grands-parents de l’enfant, patemel et
maternel, lui donneront chacun un nom, qu’ils auront révé, c’est-a-dire qu’au total
l’enfant aura quatre noms plus un cinquieme attribué par ses parents. I1 s’agit du
J
’’
33 Ces sources ont en commun de ne jamais se tarir. Elles existent en grand nombre, tanta l’interieur
qu’a l’extérieur des communautés.
Chapiire 5 : Les w a g e s
219
premier don que recoit I’enfant, son nom, de par ses grands-parents teth.aíi.
Teukan s i d l e aussi c nommer ”34.11 arrive que l’exécution de ce rituel soit retardé ;
il n’est pas rare de demander le nom d‘un bébé
a ses parents et qu’ils répondent
qu’il n’en a pas encore.
L’enregistrement du nom espagnol a l’état civil peut étre effectué dans la
_.
.-
<-
communauté aupres d’une personne qui est habilitée a établir un acte de naissance
temporake. Plus tard il devra étre transcrit a la mairie de Mezquitic35. Le nom en
espagnol qui est utilisé au cours des relations avec les métis, pour signer des
documents officiels, est donné par les parents.
Durant les premiéres annees de la vie de l’enfant, ses parents doivent aller
régulierement déposer des offrandes a l’endroit d’ou ils ont rapporté l’eau utüisée
lors du baptéme. Les parents fabriquent une fleche ornée d’une plume et une croix
tissée appelée tsikuri. La fleche porte un message de demande de santé, de vie, qui
vole vers les ancétres. Les sources d’eau sacrée ayant en commun d’étre des entités
féminines, des serpents de pluie, c’est sous la protection de ces méres ancestrales
qu’est placé l’enfant durant les cinq premieres années de sa vie. Ces cinq premiéres
années sont, du point de vue de la santé, tres déiicates. En effet, les décés en bas
~....
-.
,”-
age sont nombreux. La distinction sexuelle n’intewient qu’une fois les cinq ans
révolus, et auparavant, les enfants fdles et garcons sont traités de la méme
maniére.
2.3.
Le parrainage :l’dtérité faite identité
Les parents ont coutume d’offrir une vache a leur enfant lorsqu’ii est Sgé d’environ
deux ans, c’est-a-dire une fois sevré. Au fur et a mesure des naissances, les parents
donnent, SUS le peuvent, d’autres tétes de bétaii a leurs descendants. Avoir
quelques tétes de bétail constitue, a l’instar du parrainage, une forme d’assurance
sociale contre les coups durs, principalement les maladies. En effet, les cérémonies
de cures requiérent souvent que soit sacntiée une téte de bétail, ce qui constitue
une forte dépense. Mieux vaut donc avoir déja une téte de bétail que de devoir
l’acheter. Dans le cas contraire, ii faut s’endetter, aupres d’un préteur ou d’un
compadre. Le compere, a la différence du preteur, n’est pas censé réclamer le
...
Par extension, sont aussi teukan les personnes qui attribuent des noms, a l’instar des compagnons
de chasse au cerfet de peierinage a Wirikuta. La premiere responsabilité des grands-parents est celle
de e nommer *, autrement dit, de a personnaliser B.
35 Cette formalité n’est pas toujours téalisée au début de la vie de I’enfant. Beaucoup d’enfants
decedent en bas age, et, il est difficilede connaitre les statistiques relatives a la mortalité infantile.
34
,‘ _..
220
Chapitre 5 : Les ügnages
remboursement du prét. Donner du bétail ou des parrains
a ses jeunes enfants
équivaut a souscrire en son nom une assurance sociale. L’établissement de
relations de parenté fictive compadrazgo est une coutume largement répandue dans
tout le Mexique et n’est pas specifique a w Wixaritari. La relation qui unit les
parents entre eux au travers de la celebration du parrainage d’un enfant, que ce
soit lors d’un baptéme ou a l’occasion de la fin de l’école primake36, constitue un
engagement solidaire. L’aide demandée au compere est souvent financiere et le
compere est censé ne pas pouvoir refuser de l’accorder : les comperes compadres
s’engagent a s’entraider sans compter. Dans le cas des Wixaritari, la parenté fictive
engage des étrangers lignagers teíwmi entre eux, et permet l’élargissement de la
sphere des relations fortes au dela du lignage et du groupe ethnique.
a . 3 . 1 . k parenté pctiue: i’¿ktton tie i’¿targtss.inmt de ia s p h h des
relations fortes
Le parrainage des enfants, qui unit parents et parrains par une relation d’entraide
mutuelie forte compadrazgo, est fréquente et se réaiise sous l’auspice des images
catholiques. Les parrains sont choisis en dehors du groupe lignager : ils sont des
teiwari étrangers au lignage ou au groupe ethnique. 11s peuvent donc etre métis,
voire américains, francais, etc. Les anthropologues sont eux aussi des comperes
potentiels. Le parrainage engage donc des personnes a priori étrangeres de par la
filiation et agrandit le cercle des relations fortes sur la base de l’élection
personnelle, a la différence des relations familiales, ou lignageres, qui sont
prédéterminées. Ces relations sont établies entre des couples et non pas entre des
familles étendues. Les personnes s’engagent a s’entraider et aspirent a entretenir
des relations solidaires. Leur horizon social commun est celui d’état d’endettement
mutuel positif; caractéristique des relations ou les partenaires rejettent l’équivalence
comptable et éprouvent mutuellement une forte reconnaissance (Godbout, 1994 :
217).
Les parrainages peuvent avoir lieu dans la communauté, voire dans une
église avec les services d’un pretre. De nombrew parrainages ont lieu a l’occasion
de la semaine sainte, le dimanche de Páques, que ce soit dans l’église teyopani ou
dans l’enceinte des %kite. En effet, les rituels de parrainage sont toujours réalisés
36
Parmi les Wixaritari, le bapteme et la sortie de l’école primaire sont les deux seules occasions o u
peuvent étre célébrés des parrainages. Parmi les métis, les occasions sont plus nombreuses : elles
incluent le rite de passage de la jeune f í e a 1’6ge adulte a los 15 ailos u et le mariage.
221
Chapitre 5 : Les Egnages
en présence des images des
u
saints catholiques a. Par ailleurs, cet engagement
requiert une confiance deja établie entre les persomes s’engageant; de cette
maniere,
l’engagement
est
viable
et
les
futurs
comperes
s’entraideront
mutuellement a l’avenir. Cette situation rappelle celle des partenaires des
.-
associations rotatives de crédit ou tontines : ils acceptent d’apporter de l’argent a
un fond collectif, de facon réguiiere et pendant un temps donné, sur la base de la
I
confiance préalable et de leur volonté d’étabiir une relation d’échange réciproque
(Veléz Ibáñez, 1993 : 25, 52). Voici comment d’anciens voisins, w k d t a f i et
mexicains, devinrent des compadres.
.
A l’occasion d‘une féte
mawarixa, dite de l’offrande du taureau, qui eut lieu
dans le tuki de Rawepa en septembre 2001, les responsables de la cérémonie
avaient emprunté aux majordomes toutes les images de saints que compte la
communauté. L’un d’eux avait invité un couple d’amis mexicains et souhaitait qu’ils
,
deviennent les parrains de son enfant. 11s étaient ses voisins quand il vivait a
Mexico. 11s avaient voulu baptiser l’enfant au Tepeyac, a Mexico, la oü la Vfrgen de
Guadalupe était apparue a l’indien Juan Diego, la
Tanana a notre marraine n,
mais
les pesanteurs bureaucratiques de l’église catholique les avaient convaincus de
réaliser ce rituel dans la Sierra. Dans l’enceinte du tuki, un jeune chamane avait
procédé au parrainage face a la
Tanana et
autres images catholiques. Le pere de
l’enfant exprima en espagnol son engagement d’entraide mutuelle avec son compere
et le respect qu’il lui témoignerait toujours. De la méme facon, les parrains de
l’enfant s’engagerent verbdement. Le chamane aspergea la téte de l’enfant avec les
.-
eaux sacrées, a l’aide de fleurs a clochettes rouges, associées a la Tanam Ensuite
les parrains sortirent du tuki, l’enfant dans leurs bras, et jeterent des bonbons dans
la cour. Petits et 5ands se précipiterent pour les ramasser en poussant des cris de
’Ir,
..
.
joie. Les parrains attacherent ensuite une
u
piñata
n37
a un arbre et les enfants
défüérent les uns apres les autres pour tenter de la rompre a l’aide d’un báton,
jusqu’a ce que les bonbons s’échappent du récipient cassé et se répandent sur le
sol. Les parrains offrirent une caisse de boissons gazeuses au chamane pour le
remercier38. Ensuite eut lieu un second baptéme, cette fois-ci entre des amis
wixaritari.
-
Dans son acception la plus classique, la pima est une jam en terre cuite, rempiie de confiseties
et décorée a l’aide de papier crépon coloré, La p i m a B s’utilise dams les fetes qui précedent Noel
a posados n et lors des féies d’anniversaire.
38 Journal de terrain 15 septembre 2001.
37
Chapitm 5 : Les iignages
222
2.3.2. Las parrains tancuuuna :k s saints
Les saints
e
U
catholiqws
catholiques n, lesquels incluent le Christ et la Vierge, sont regroupés
sous le nom génénque des Tananama
II
les parrains
n.
11s sont les créateurs du
bétail mais aussi des arbres fruitiers et sont les entités ancestrales capables de les
faire prospérer. Leurs dons s’étendent aux activités lucratives et méme a la
popularité des groupes de musiciens wixaritari, ces derniers étant places
bienveillance de
w
Santo San José
N.
SOUS
la
Les saints catholiques sont regroupés dans
l’église teyopani de Tuapurie, a l’exception du Santo Domingo qui se trouve a Nueva
Colonia. Les images des saints catholiques de Tuapurie sont des tableaux noircis
qui représentent Santo San José et la Vierge Tanana, et des statues qui
représentent Santa Catarina, deux petits Christ Xratun Chumpe, le grand Christ
Xratun Ampac et une autre Vierge Nuestra Seflora Les différentes images et statues
sont ornées de pieces de monnaie et sont, soit habillées a la facon wixárika, soit
couvertes de tissus fleuns ou brodés. Les saints catholiques sont les gardiens des
trésors de la Teyopani : il s’agit de coffres remplis de pieces de toutes les époques39.
A l’occasion du samedi de la Semaine Sainte, connue au Mexique comme ale
samedi de gloire x, les rUapurietari40 arrivent de toutes parts pour déposer des pieces
dans les coupes votives des saints de l’église et etre bénis. Cette offrande assure la
prospenté, la fortune, le don du tukari.
Le Santo Domingo est le maitre des temtoires de Durango, Nayaxit, Jalisco et
Zacatecas, les quatre états o u se trouvent les communautés wixaritari. Le Santo
Domingo est par extension le maitre de toutes les choses qui se trouvent sur ce
vaste temtoire. I1 serait né dans la Sierra il y a tres longtemps bien avant 1’ arrivée
I(
des Espagnols 841. I1 réside a Nueva Colonia mais comme il est invité a participer a
des cérémonies dans toute la Sierra, il y reste en fait assez peu. Cette image se
trouve a Nueva Colonia n’est pas anodin et constitue a n’en pas douter un fait
recent. En effet, Nueva Colonia a été fondée au début des années sokante-dix dans
le contexte de la mise en place du plan HUICOT et l’ouverture d’écoles et centres de
santé. Pour les tuapurietan, la fondation de Nueva Colonia fut une maniere d’éviter
que la localité de Tuapurie se transforme en un centre institutionnel et de présenrer
leur site sacre Teakata situé tout pres. Teakata est un site sacré pan-huichol o u se
ces caisses fait inévitablement penser aux caisses a trois clés ou étaient entreposées
les contributions monétaires prélevées aux hdiens ; eiies étaient placées sous la responsabilité des
Majordomes.
Habitants de la communauté de Santa Catarina, Tuapurie.
4 1 Journal de terrain 11 septembre 2001.
39 L’existence de
Chapitre 5 : Les w a g e s
rendent aussi des Indiens Caras. Ce lieu est consideré comme é-t
223
le centre du
monde wixárika. Nous ne savons pas o u se trouvait le Santo Domingo avant d’avoir
été déplacé a Nueva Colonia. En 1996, a i’extréme nord-ouest de la Sierra, les
habitants de Tierras Blancas, Xapatia, réaliserent un ntuel de sacrifice en presence
de l’image de Santo Domingo, dans un contexte de revendication temtonale (Dunn,
1998). A l’instar des colliers et bracelets du Kula, en circulant dans toute la Sierra
les voyages du Santo Domingo réaffíument le pacte sacré entre les hommes et la
terre et, par la méme, l’unité cultureile et temtonale des difíérentes communautés
wixaritari. Les pénples des Wixaritari et ceux du Santo Domingo ont ceci de
commun qu’ils participent de la reconstruction permanente de la sacralite du
temtoire .
Les Wixaritari se sont appropnés ces saints, qui sont cependant largement
marqués par l’alténté. Le fait qu’ils président les parrainages indique qu’ils sont les
intercesseurs capables de faire passer une personne de l’alténté a l’identité. Les
comperes cessent d’étre des teíwan en s’engageant a s’entraider mutueilement.
2.3.3. Si m n t s etpourtant si semblables & la f o b :le sewage dvllisateur
Les saints sont aussi les créateurs et maitres du bétail, l’offrande par excellence. Le
bétail est l’objet de toutes les convoitises, motif de disputes et il est a la fois source
de vie... Le point commun entre le don de bétaii et la désignation de parrains aux
enfants correspond pour partie a un systeme wixaiika d’assurance sociale. Le bétail
et les enfants sont aussi associés symboliquement : ils sont ce que l’on a de plus
précieux a offrir. Autrefois, les Nayaritas offraient de jeunes humains en sacrifice a
leur divinité guemere, aujourdhui ils offrent du bétail en sacfiice a la terre.
2.3.3.1. Le b h i i :moyfde discortie et bien s a c ~ d e l
Celui qui posséde plusieurs tétes de bétail est, soit une personne fortunée, soit un
voleur. Les vols de bétail ne s’oublient pas et alimentent les rancceurs. A titre
d’exemple, il y a plusieurs décades un homme onginaire de Tateikie aurait volé 80
tetes de bétail a un homme fortuné de Tuapune qui en possédait plusieurs
centaines. Etant donné que ces deux communautés voisines avaient, et ont encore
aujourdhui, d’importants difíérends au sujet de leurs limites temtonales
respectives, les deux gouvernements traditionnels s’opposerent jusqu’a ce que celui
de Tateikie condamne le coupable a etre empnsonné et a payer une amende de cent
mille pesos. Parmi les Tuapunetari, on raconte qu’il fut relaché et ne paya pas son
Chapitre 5 : Les k a g e s
224
amende. De leur point de m e , ce vol de b é t d se transforma en un véritable défi a
kUr SOUVerainete et r é & i a
que les habitants de Tateikie sont des animaux
feroces ! Des mangeurs de betail
~e bé:tail est aussi fréquemment le motif de
disputes avec les voisins métis vecinos, qui font paitre leur bétail sur les territoires
indiens. Dans les deux cas, les disputes e x p k e n t des différends territonaux entre
groupes voisins, que le vecino soit indien ou métis.
Remarquons que l’anecdote ne dit pas si le fait que la personne ait possédé
un grand cheptel posait probleme aux Tuqpurietari. I1 est d’usage d’entendre que le
possesseur d’un grand cheptel le doit a w bons traitements qu’ii lui a accordés : il
ne s’agit pas d’etre un vétérinaire expérimenté mais de rendre honneur aux
ancetres, en particulier aux tananama. Sinon, le cheptel dépérit et il faut sacrifier
une téte de bétail pour qu’S retrouve la santél Que1 paradoxe I Faudrait-il mettre a
mort pour donner la vie 3 Ce probleme peut étre abordé autrement : pourquoi dans
un cas s’agit-S d’un vol, ou don négatif, et d‘un don positif dans l’autre 7
Notre hypothese est que la condition du bétail et des humains est simiiaire
jusqu’a ce qu’ils soient sevrés. Tant que les tres jeunes enfants ne sont pas encore
sociaüsés (pas tout a fait humains), Ss sont encore semblables au bétail: ils n’ont
nicessé de téter nicommencé a manger du mais. Une fois passé ce stade, le bétail
et les humains sont concurrents: le bétail devient le prédateur du mais que
cultivent les humains. L’identiíication entre humains et bétaii est aiors
défuiitivement rompue. De la méme maniere, si les communautés wixaritari
partagent une identité ethnique commune, leurs limites communautaires les
différencient et c’est autour de la question du pfiturage du bétail que se cristailise
i’alténté communautaire et leur concurrence pour l’espace.
2.3.3.2. Las cycies vttaux das eMants et du b h i l
Le bétail, a l’instar des jeunes enfants, est l’objet de toutes les attentions et sa
croissance est délicate. L’andyse comparée des cycles vitaux de la personne et du
bétail montre qu’ils sont sous certains aspects semblables. Le bétail, comme les
humains, nait et la naissance se dit nuiwa De plus, comme les nouveaux nés et
tres jeunes enfants, il boit du lait jusqu’a l’fige de deux ans. La condition des
humains et du bétaii est comparable lorsqu’ils sont encore des nunutzi a bébés x
buveurs de lait.
.
22s
Chapitre 5 : Les lignages
Mat+antiunuiwa & r e m nunutn’
Anatan m a ‘echiwanpani titsewene akuxti
Kuatitsewene
Xr+kanjutawitan uweni anan yutzitzijayawa
Anatzin gut& nekueineni
M+ima uwet+ nem+ni
Au debut nait le veau
I1 boit.encoredu lait, fi a un peu grandi
11 ne boit plus de lait
I1 a amété de bake du lait, il a deux ans
Sa mere va le laisser, eiie va partir
I1 a vécu plusieurs années, il meuW
Or, le jeune m d s est aussi l’objet de toutes les attentions au cours de sa
croissance. Les humains le cultivent pour le manger, mais une fois qu’il sera múr,
et pour cela ils doivent le proteger du bétail adulte. En effet, le bétail est le premier
prédateur du m d s et concurrent des humains. C’est pourquoi le bétail est déplacé
vers les hauts plateaux de la Sierra pendant la période ou le m a k pousse.
Autrement dit, au dela de deux ans, a l’áge adulte, le bétail fait concurrence aux
humains parce que les uns et les autres s’aiimentent de la méme maniere. 11s sont
si semblables et si différents a la fois. Tels les communautés entre elles et les
Wixaritari d’avec les métis : seul un cheveu semble les distiriguer.
2.3.3.3. Manger l’autre
Le bétail offert au cours des cérémonies sacdkielles est généralement ágé de deux
ans. I1 vient d’étre sevré. Au moment de sa mise a mort, ce sont des jeunes enfants,
les w e n , agés d’a peine plus de cinq ans, qui portent les instruments du
sacrifice : la corde pour attraper l’animal, le couteau, les cierges, etc. L’association
entre les w e n et l’offrande est évidente. Notre hypothese est que le bétail a été
substitué aux humains qui étaient autrefois offerts en sacrifice. Le cannibaiisme
merrier des Nayaritas a évolué vers le sacrifice bovin, ce corps vivant dont se
délectaient les non moins carnivores Espagnols. Rappelons que les Wkaritari
mangent de la viande seulement a l’occasion des ntuels de sacrifice, exception faite
des cas ou ils se trouvent en ville. Les moyens utilisés au cours de la # pacification n
de la frontiere nord offrent de précieuses indications pour comprendre la relation
existant entre I’antique cannibalisme guemer et les actuels sacrifices bovins. De
plus, ils attestent de l’origine de la relation vitaie entre les saints catholiques et le
bétail.
Le bétail et les textiles étaient les biens distinctifs des Espagnols c vétus x de
la frontiere nord. Le Capitaine Caldera eut pour habitude de passer des alliances
avec des chefs indiens ; elles incluaient des cérémonies de parrainage. A l’occasion
de la rebellion de Guaynamota en 1585, au cours de laquelle ceux de Guaynamota
42
Journal de terrain du 16 novembre 2000
226
Chapitre 5 : Les lignages
tuerent, décapiterent et cuirent des moines franciscains, Caldera s’allia aux
Nayaritas, les adversaires de ceux de Guaynomata. I1 baptisa alors le Tonati de la
Mesa del Nayar du nom de Don Francisco Nay& de Caldera, c’est-a-dire de son
nom ainsi que de celui de l’ordre catholique chargé de l’évangélisation. Le Tonati
recut aussi de Caldera son épée, le symbole du guemer a cheval, en gage d’alliance.
En &change les Coras offrirent des enfants a ieurs nouveaux allies, a ieur plus
grand dépit, et les missionn&es
s’empresserent de leur expliquer que le
cannibalisme est un acte condamnable (Powell, 1997 : 139). Sur la frontiere nord la
distribution de cadeaux qui accompagnait les alliances était soumise a la condition
suivante: elle devait étre réalisée en présence des personnes chargées de
l’évangélisation di que les Indiens éprouvent pour elles de l’affection (Ibid : 192).
Le pacte devait passer par les franciscains et non pas entre les seules mains des
chefs gueniers indiens et espagnols (Ibid : 182, 192).
Nous avons déja formulé l‘hypothese que les Indiens frontaliers concevaient
le bétail comme un trophée de guerre. Les trophées de guerre étaient destinés a étre
sacriiiés et aiimentaient le pacte tant entre peuples gueniers qu’avec la divinité
guemere. Mais si l’épée et le nom étaient des dons acceptables pour les Espagnols,
les enfants ne l’étaient pas et le cannibalisme fut sévérement réprimé par les
franciscains (Ibid : 139). Nous pensons que le bétail fut substitué aux humains
parce qu’il était ce que ces x carnivores Espagnols m avaient de plus précieux, ce qui
les alimentait, et donc ce qui leur donnait force et vigueur.
Notre proposition rejoint l’analyse du cannibalisme guemer parmi les
groupes dqndiens Tupinamba du Brésil (Viveiros de Castro, 1993). Manger l’autre
constituait un acte rituel qui assurait la reproduction sociale entre les groupes
guemers. D a s le cas des Nayaritas, et en particulier des ancétres des Wixaritari,le
cannibalisme guemer fut remplacé par le sacrifice de bétail. Ce dernier, a l’instar
du parrainage, pennet de passer au dela des frontieres de l’altérité pour mieux les
redéñnir. Etude de cas a l’appui, nous démontrerons de facon détaillée43 que le
sacrifice est un mécanisme de redéfinition du Nous en regard avec les Autres.
Que les saints u catholiques 8 soient a la fois des parrains (ces étrangers avec
lesquels il est important de dallier) et des créateurs du bétail (cet étre concurrent et
pourtant si semblable), cet angle de vue parait moins étonnant. C’est sous l’auspice
de ces saints qu’il est bon de réaliser des alliances avec des étrangers lignagers
tm’wari.
43 Chapitre 7
Chapitre 5 : Les w a g e s
227
Quand aux jeunes enfants de moins de cinq ans, iis sont encore trop proches
de leur mere et pas assez humains : ils doivent apprendre a manger du mais et
laisser entrer le pere Yeu dans leur monde. C’est a partir de cinq ans que le pere
joue un role important dans leur socialisation, une fois le cycle de la fete du
tambour achevé.
2.4.
La Icte du tambour Wima Kwrxra : le temps des jeunes courges
Le plus grand moment de la vie sociale des jeunes enfants est la fete du tambour
Wima h a x r a qui a lieu a l’occasion de la récolte. Ce rituel peut étre réalisé soit
dans l’enceinte du rancho familial, et étre l’occasion de réunir l’intégralité des
membres du lignage sous la responsabilité de l’CXratsi, soit dans le centre
cérémoniel ?id5avec des parents de jeunes enfants de la zone du centre cérémoniel.
Cette cérémonie est destinée aux jeunes enfants, a priori ágés de cinq ans
maximum ; cependant il n’est pas rare que des enfants aient déja assisté a cette
fete durant une ou deux années, et, que ágés de sept, huit, voire neuf ans, ce soit
leur cinquieme et derniere participation. C’est pourquoi les responsables de la
préparation organisent ce rituel une fin de semaine atii que les enfants scolarisés
puissent y assister .
2.4.1. Remerder la furtilit4 et Caiébmr ía croiswanca
C’est l’(llciratsi, en tant que responsable de la vie cérémonielle de son lignage, qui
s’engage a réaliser cinq années de suite la féte du tambour. Cette cérémonie est
destinée a presenter leurs petits-enfants a leurs ancétres ; les grands-parents et
leurs petits-enfants entretiennent une relation priviiégiée des le don du nom a la
naissance. De plus, elle constitue un remerciement adressé aux pluies pour leur
fertilisation et la récolte a venir. Ce remerciement a lieu une fois la féte de
Wima
Kwaxra achevée, durant la nuit; l’obscurité caracténse le monde féminin des
pluies, et la fete porte le nom de Tat&
neixra u la
danse de nos meres *. A cette
heure-ci, les enfants sont épuisés et dorment.
Les personnes qui participent au niveau familial sont les enfants et petitsenfants de l’lnnratsi. Ce rituel réunit donc l’ensemble du lignage. Les enfants sont
invités a participer a la fete du tambour en ligne paternelle et maternelle. Dans le
cas des enfants issus de secondes épouses, celles-ci assistent avec leur progéniture
de préférence aux fétes organisées par leur pere. Cependant, cette observation ne
constitue pas une regle et tout dépend des engagements cérémoniels pris par les
228
Chapitre 5 : Les iipnages
grands-parents patemels
et
matemels.
Certains grands-parents, soucieux
d’accomplir a la lettre leurs obligations rituelles, se donnent les moyens de réaliser
deux cycles de cinq m i e s , alors que d’autres s’engagent pour un seul cycle dors
que des petits-enfants peuvent naitre une fois le cycle achevé.
Lorsque la fete du tambour n’a pas lieu dans le rancho familial, l’enfant peut
participer a celle du centre cérémoniel tuki ;elle y célébrée chaque année au mois
d’octobre. Lors de la cinquieme et derniére année de participation, l’enfant est tenu
de participer a la fete du tambour du tuki : il doit étre présenté a ses grands
ancétres par les membres de la hiérarchie du tuki. L’enfant devient alors un
membre a part entiére du district du tuki regroupant plusieurs lignages. I1 passe
sous la tutelle du Soleil Tayau, l’entité ancestrale masculine qui préside la vie
communautaire, en contraste avec les entités féminines des pluies dont il dépendait
jusque la.
La fete du tambour célebre l’abondance, la vie, la croissance : le don du tukan
dont les petits-enfants sont les premiers récipiendaires. C’est aussi l’occasion de
mettre rituellement un point final au temps des pluies et de pennettre que la récolte
du mais ait lieu. La période seche débute avec la récolte et c’est une fois que le mais
est engrangé que la migration commence. A cinq reprises, l’enfant accompagné de
ses parents participera a ce rituel de Wirna haxra au cours duquel, en écoutant le
chant du chamane, il sera initié au chemin qui conduit vers l’est et s’acheve a
Wirikuta. C’est le lieu de récolte du peyotl, en contrebas du Cerro Quemado,
Leunar, la ou surgit pour la premiere fois dans le ciel notre pére le Soleil n Tayau.
2.4.2. De Z’obscurltd v.rs ia lumiire :la course du Aire SOMI T
a
w
Nous n’exposerons ici que quelques aspects de la féte du tambour étant donné que
cette cérémonie sera présentée de faqon détaillée dans la section dédiée aux rituels
du centre cérémoniel
tukL
Les séquences qui ne sont pas réalisées au niveau
familial sont celies relatives a la vie communautaire, en particulier la présentation
des nouvelles autorités du gouvemement traditionnel. Depuis l’optique du cycle
vital, le trait caractéristique de cette cérémonie est la participation, cinq fois
consécutives, de tres jeunes enfants a un rituel d’initiation diume. Au rythme du
tambour et des sonnailles, ils vont écouter les chants relatifs au voyage d’ouest en
est de leurs ainés : l’ancétre Soleil Tayau et les pelerins au peyotl hikuritarnete.
Durant toute la joumée, ils sont assistés par leur mere. Elles les portent dans
leurs bras lorsqu‘ils sont encore bébés, ou sont assises a leurs cótés, et agitent des
Chapitre 5 : Les lignages
SOMdleS au m
229
e du tambour que les hommes frappent en se relayant. Deux
faits sont notables. En premier, les sonnailles sont faites de cucurbitacées. Les
enfants sont associés symboliquement aux jeunes courges XrUtSi qui VOnt
récoltées : ces tendres fruits de la terre gorgés d’eau. De la méme maniere, les
jeunes enfants sont U gorges u de pleurs et placés sous la protection de leurs meres
et entités feminines de la pluie. 11s ne sont pas encore u mais B et vont 6tre inities a
le manger, le jour suivant, et seront ainsi humanisés petit a petit. En second, le son
du tambour et des sonnailles rythme les pas des marcheurs, des pelerins, et ceux
du soleil sous la terre. En effet, le soleil entreprit son voyage vers le ciel depuis
Teupa, un lieu situé pres de Teakata, dans la communauté de San Andrés, en
direction de Leunar, dans l’obscurité de l’inframonde. Ce sont ses pas que l’on
entend, sous la terre, avant qu’il ne surgisse dans le ciel, a Leunar. Dans la vie
quotidienne, le son qui rythme le temps nocturne est le chant du coq. I1 chante, diton, a cinq reprises au cours de la nuit. Or, lors de la cinquieme année, les parents
des jeunes enfants qui concluent leur cycle initiatique, offrent un coq en sacrifice
au moment o u le chant marque un arret a Leunar. Ces enfants ont aiors achevé la
premiere grande étape de leur sociaiisation et sont placés sous l’autorite masculine
et politique du soleil Tayau. 11s vont dorénavant apprendre tout ce qu’un jeune
homme et une jeune fille doivent savoir pour qu’un jour ils soient des adultes
autonomes a meme de fonder un foyer.
2.5.
L’rpprentiuage des jeuncs gens : le temps du miir
L’époque de la prime jeunesse est celle des apprentissages et seule une partie
d’entre eux différe en fonction du sexe : cuisiner, broder et tisser sont des activités
feminines alors que couper du bois est une activité masculine.
Cependant, autrefois réservée aux hommes, la connaissance de l’espagnol a
considérablement augmenté parmi les femmes sous l’impulsion des politiques de
scolarisation. Les hommes adultes sont biiingues, sauf quelques rares exceptions.
L’école est dorénavant l’un des moments importants de la sociaiisation des jeunes.
Enfin, les jeunes gens participent aux activités productives de leur famille.
Ainsi, durant l’été, filles et garSons apprennent a cultiver le mais. Certains enfants
accompagnent leurs parents a la récolte du tabac, ou encore en ville pour vendre de
l’artisanat ; la aussi ils apprennent a parler espagnol. Quant a I’artisanat, c’est une
activité que réalisent tant les hommes que les femmes.
230
Chapitre 5 : Les @ages
a.5.1. k cabndirler des apprentissagar
L’époque o u les enfants achevent cette premiere étape de. leur socialisation coincide
pour certains avec celle de I’entrée a l’école. A partir de six ans, dans leur grande
majorité les garcons entrent a l’école primaire ainsi qu’une partie des füles. 11s
vivent soit dans l’internat de Nueva Colonia, Pueblo Nuevo ou Cajones, sous la
responsabilité du chef de l’internat, des professeurs et des cuisinieres, cinq jours
par semaine, soit a proximité de celui-ci, chez leurs parents ou avec des membres
de leur famille étendue. La scolarisation, et en particulier l’internat, a un impact
considerable sur les modalités de la socialisation des enfants alors qu’ils sont
encore tres jeunes: ils ont entre six et douze ans environ. A l’internat, ils
participent aux activités de nettoyage, d’éducation physique, et n’ont pour autre
figures de l’autorité que quelques adultes, souvent non apparentés.
La situation est radicalement differente en ce qui concerne les filles qui ne
vont pas a l’école. Des six ans, elles apprennent a faire des galettes de mais sous le
regard des femmes du rancho, vont chercher de l’eau a la riviere et balayent la cour
et la cuisine. Elles apprennent a broder, travailler la perle, et c’est aux alentours de
dix ans qu’elies sont initiées au tissage pour faire des ceintures et sacs de laine.
Bien que toutes les femmes ne savent pas tisser avec une meme habileté, d’une
maniére genérale le tissage constitue le point final de la formation des füles44. Elles
disposent de six a dix ans pour apprendre tout ce qu’une future épouse doit savoir.
Celles qui sont scolarisées profitent des fins de semaine et des vacances pour
apprendre ces taches avec leur mere ou leurs tantes.
Quant aux garcons, ils apprennent a couper du bois et a le porter. De plus,
en qualité de futurs représentants de leur foyer, ils doivent maitriser l’usage de
l’espagnol en allant a l’école, ou en accompagnant leurs parents durant leurs
déplacements. Le destin des enfants, et ce qufls devront apprendre, depend de leur
sexe certes, mais aussi de leur rang dans la fratrie et de leurs habiletés. Par
exemple, c’est l’ainé qui accompagne son pere au cours de ses déplacements alors
que ses autres fréres sont scolarisés en primaire.
Certains poursuivent
éventuellement des études avec le concours de leur famille. De plus, il n’est pas
rare qu’un enfant soit destiné a devenir chamane des son plus jeune áge. C’est par
exemple le cas du petit-fils d’un chanteur influent; celui-ci l’emmene avec lui
Selon Schaefer (1993),apprendre a tisser permet aux jeunes filles d’entrer dans le monde des
femmes, Elle met en parailele le savoir de la tisseuse avec celui des chamanes, en raison de l’initiation
que requiert cette activité.
44
23 1
Chapitre 5 : Les ügnages
chaque fois qu’ii le peut. Ou encore celui d’un enfant qui a et6 désigné haqueri du
centre cérémoniel pour une durée de cinq ans et qui n’ira pas a l’école. Dans son
cas, le róle du grand-pere patemel a probablement été crucial car celui-ci etait
membre du Conseil des Anciens, organe qui procéde aux nominations.
Les garcons comme les filles prennent part aux activites agricoles de leur
famille qui ont lieu au cours de l’été ; c’est aussi la période des vacances scolaires.
Nombreux sont ceux qui vivent en ville et reviennent dans la Sierra a cette époque ;
a cette occasion leurs enfants sont familiarisés avec les travaux agricoles.
Cependant, une grande partie des hommes, mais aussi des jeunes couples et des
familles nucléaires entieres, migrent pendant la saison séche pour aller travailler
sur la cóte de Nayarit dans les champs de tabac. Les enfants, füles ou garcons,
travaillent aux cótés des adultes. I1 s’agit la aussi d’un apprentissage qui, cette foisci, se juxtapose au calendrier scolaire. Des leur enfance, certains jeunes sont
familiarisés avec le dinicile travail de l’ensarte du tabac.
Pour les jeunes qui ont été scolarisés, a la sortie de l’école primaire, apres six
années d’études, il est de coutume que les professeurs et les parexits d’éleves
organisent une féte oü les eleves sortants sont a l‘honneur. A cette occasion ont lieu
des parrainages et chaque Eleve recoit d’un couple de parrains, ou d’une marraine,
des vétements et des chaussures. Parfois, les professeurs sont les parrains de la
génération des éléves sortants. Maintenant ils sont de jeunes adultes qui doivent
décider de ce qu’ils veulent faire a l’avenir : aider leurs parents aux táches du
rancho, poursuivre en secondaire, voire se marier. I1 n’est pas rare que les jeunes
filles se marient relativement tót, des quatorze ans, alors que les jeunes hommes
tendent a se marier plus agés.
2.5.2. Monolinguisme et bilinguisme :l’écoie en question
Bien que l’école ne soit pas le seul espace oü un enfant puisse apprendre a parler
espagnol,
c’est
sous l’impulsion des politiques
de
scolarisation que
le
monolinguisme des femmes a diminué.
En général, dans l’état de Jalisco, 26.4% du nombre total de personnes
parlant le huichol ne parlent pas espagnol et sont monolingues. Avec un taux de
monolinguisme général de 16.95% les hommes sont dans leur grande majorité
biiingues. Quant aux femmes, les deux tiers d’entre elles sont bilingues et le t a w
de monolinguisme est de 35.29%. Cependant ces résultats sont généraux et ne
refletent pas les disparités par Age et par sexe.
232
Chapitre 5 : Les lignages
Tab. 9 : Tiux de mowlinguisme p u
MM et
p u &go
p u m i la population pulant le Huichol igáe de plus de cinq nus
d a m I'état de Jdi8co*
-.
Hommes parlant le Huichol
Monoüngue Masculin
5332
T a u de monolbipil me mawcuiin
16.95
Femmes parlant le Huichol
Monolingue Féminin
5664
Tatu de monoiiugnisme TemLiln
T a u gáuérrl de monollripulme
35.29
904
1999
M.4
* Source :Censo de Población y de Vivienda 2000, INEGi, México.
.
Le monolinguisme est plus important parmi les femmes que les hommes (Tableau
9). De plus, le monolinguisme masculin concerne quasi exclusivement les enfants et
les personnes &gees (Tableau IO).
Dans les municipalités de Mezquitic et de Bolaíios, il y a plus de femmes
,
,.
i
.
.-
. ...
huicholes monolingues que dans le reste de l'état de Jalisco (Tableau 10). De plus,
le t a u de monolinguisme feminin est plus eleve a Mezquitic (43,90%) qu'a B o l a o s
(23.70%).
ul
..
,
,
".
N
W
W
234
Chapitre 5 : Les w a g e s
D a s la municipalité de B o l s o s tous les hommes entre 15 et 49 ans
sont
bilingues et a Mezquitic seulement 4.54% des hommes de cette méme tranche d ’ a e
ne parlent que le huichol.
A Mezquitic, parmi la population de femmes agées de 10 a 39 ans, le tau de
monolinguisme est de 29.75%, alors que ce t a u est de 70.51% parmi les femmes
5gées de plus de 40 ans. I1 apparst donc que le monolinguisme a diminué de fagon
importante durant les quarante derniéres années. Le monolinguisme féminin est
moindre dans la municipalité de Bolaños, cependant la tendance observée y est
similaire, avec un tau de monolinguisme de 11.30% pour les 10-39 ans et de
48.51% pour les plus de 40 ans. A Bolafios le monolinguisme conceme unejeune
femme sur dix alors qu’a Mezquitic il conceme pres d’une jeune femme sur trois.
Enfii, c’est normalement a l’áge de 6 ans, soit durant la tranche d’age de 5 a
9 ans, que les enfants entrent a l’école primaire. Les enfants igésde plus de 10 ans
et de moins de 15 ans sont majoritairement bilingues ce qui indique que dans leur
grande majorité ils ont fréquenté la primaire. A Mezquitic seulement 14.10% des
jeunes hommes parlant le Huichol ne parlent pas espagnol contre 25.04% des
jeunes files. I1 est raisonnable de formuler l’hypothese qu’une jeune fille sur quatre
contre un gargon sur diu ne vont pas a l’école dans le municipe de Mezquitic. Et au
VU
du faible niveau de monolinguisme entre 10 et 40 ans, il est fort probable qu’il
existe une correlation positive entre la diminution du monolinguisme en général et
la mise en place de programmes scolaires bilingues a partir des années soixante.
2.6.
La vie adulte : le temp. du peyotl
2.6.1. La pubertá
Nous n’avons pas attesté I’existence de rites de passage entre la jeunesse et l’áge
adulte, par exemple relatifs a la menstruation des jeunes files. Malgré la grande
confiance que m’ont témoignées quelques femmes, elles n’ont jamais fait allusion a
la menstruation. Oubli de ma part? Tabou? Le sang menstruel n’a jamais été
l’objet de nos conversations, bien que j’aie par ailleurs écouté des témoignages de
viols et pu aborder l’épineuse question des grossesses non désirées et des
tentatives d’avortement.
A ce sujet, la question du viol des jeunes files est difficile a traiter car nous
craignons que le lecteur fasse une interprétation discriminante du groupe. Notre
propos n’est pas de signaler les hommes wixaritari comme étant des violeurs ; dans
nos sociétés dites
modemes
B
les viols sont aussi réaiisés d m s le secret des
Chapitre 5 : Les lignages
235
familles. 11 s’a@t de parler d’un phénomene attesté au moment O u les jeunes fiiies
deviennent
hs récits de tentatives de viols et les viols effectifs qui
traversent les histoires de vie de Wenima et de Tikiema, et aussi d’autres jeunes
filles, mettent en evidence l’attitude souvent permissive et paríois violente des
parents proches. Dans l’adolescence de Wenima, sa tante demanda a son frere de
ne pas laisser sa file se rendre sede a la riviere, ce qu’il refusa, et Wenima fut
finalement violée par un oncle apres avoir échappé trois fois. De meme, lorsque
Tikiema eut des relations sexuelles avec son beau-pere et qufls furent pris sur le
fait par sa mere, la réaction du beau-pere fut de frapper son épouse et celle de la
.”,
mere de battre sa fde. Bien qu’en tant que femme, cette violence me paraisse
inacceptable, j’ai tenté de comprendre ce probléme depuis un point de vue
anthropologique et je me suis demandée s’il existe une mécanisme social qui
permette de réguler ou de compenser cette violence. Je considere qu’en général
cette violence est passée sous silence, cependant, voici deux cas qui proposent une
solution. Le premier est celui o u la jeune füle est violée par son pere et o u la mere
,.I
demande réparation aupres des autorités communautaires : ce cas se solda par le
mariage du pere avec la fde. Le second est celui d’une jeune füle Q é e de douze
,.
x.
ans, violée par un inconnu sur le chemin de l’école. Son agresseur la traína sur des
kilometres pour l’abandonner dans une zone inhabitée. Sa tante se rendit compte
de sa mauvaise démarche et, bien que la jeune fille ait nié avoir souffert de
quelconques problemes, la tante fit part de ses doutes a sa belle-saeur laquelle
,
tenta de parler avec sa fille. Sans succes. Elles déciderent donc de l’emmener
passer une visite médicale a la clinique. La docteur diagnostiqua le viol et donna
un traitement a la jeune fde. C’est alors seulement que la jeune f d e reconnut les
faits et les raconta. Les belles-sceurs déciderent de demander un rapport médical
i
écnt qu’elles allerent faire contresigner dans une institution médicale de
Guadalajara. Ainsi elles disposaient d’une preuve écrite qu’elles pourraient faire
valoir lorsque la jeune fille reconnaitrait son agresseur de faqon a exiger de lui,
devant les autontés communautaires, le paiement d’une amende. C’est le fait
d’appartenir a la société mexicaine qui procura alors une stratégie pour demander
.,.-.
réparation.
Pour ce qui est des garcons, je n’ai pas non plus attesté de rite de passage a
l’ige adulte. I1 est possible que la participation a une chasse avec ses freres et son
pere soit l’occasion d’entrer dams le groupe des adultes, et ce, notamment parce
que la chasse réunit uniquement des hommes. Cependant, nous nous inclinons a
penser qu’un jeune homme participe a la chasse -une activité qui precede tout
236
Chapitre 5 : Les lignages
rituel- lorsqu’ii s’est engag6
a fonder un foyer avec une femme ou qu’il a eu un
premier enfant avec elle. L’article de Lemaistre (1991) relate les modalités de la
chasse des groupes de responsables cérémoniels des tukite qui est l’occasion de
nommer teulcari ses compagnons de chasse (Ibid : 38-39). Cependant, aucune
recherche relative a une chasse familiale n’a été publiée qui nous permettrait
d’expliciter l’existence d‘une relation entre la chasse et le passage du jeune homme
a l’ápe adulte. Je n’ai jamais été invitée a y prendre part.
2.6.2. La naissance das eqfants scalle Z’union du couple
Parmi les Wixaritari, la parenté n’est pas réglée par un échange exogamique et le
mariage n’est pas une institution aussi importante qu’elle peut l’etre dans d’autres
sociétés indiennes, par exemple en Amazonie. Les unions ne sont pas l’occasion
d’une grande cérémonie ; cet état de fait avait déja été attesté il y a un siecle par
Carl Lumholtz (1904 : 91-96). De plus, le mariage par rapt tend a se généraliser et
suppose que la jeune f d e soit de connivence avec son ravisseur. Par ailleurs, nous
n’avons pas attesté de pratiques de sororat et de lévirat parmi la génération des
moins de 50 ans, mais seulement parmi des couples igés. Les jeunes gens ont en
général la possibilité de choisir leur conjoint. Une femme dit :
Autrefois, les jeunes mes étaient demandées en mariage a leurs parents
et maxiées sans connaitre l e u mari. Maintenant, les personnes décident
de vivre ensemble. Mes ñiies, j’aimerais qu’eiles se marient a i’ancienne
fqon. Avant, les parents ofiaient un ensemble brodé au conjoint ; a
l’épouse, iis donnaient une coupe votive décorée avec des grains de mds
et au maxi une machette et une buche. Les fiancés étaient assis sur un
tissu blanc brodé de bleu45.
Dans ces quelques lignes, nostaigiques des anciennes cérémonies de mariage, on
entrevoit les échanges accompagnant autrefois les ntuels d’aiiiance entre lignages,
et une allusion a la division sexuelle des táches au sein du couple. C’est en effet la
premiere táche de l’époux de rapporter du bois pour que la femme cuisine les
galettes de mak paapá sur le feu. Le pere de la jeune fille est censé demander a son
gendre, au moment ou celui-ci se présentera a lui, s’il sait travailler, c’est-a-dire s’il
est capable d’aller couper du bois et de cultiver.
Pour les jeunes hommes, le fait de se marier avec une femme nécessite de
rapporter du bois, d’aiier a la chasse, mais aussi d’aider les deux families et de
participer a leurs cérémonies respectives. Le jeune couple réside d’abord chez les
45
~ ~ u r n de
a iterrain 10 décembre 2001.
23 I
Chapitre 5 : Les lignages
parents du jeune homme, sauf si la jeune fiue est la seule ffle de sa fratrie ; dans ce
,..~
cas sa mere peut demander a ce qu’ils resident dans son rancho. 11s peuvent aussi
décider de vivre seuls, au cas ou les familles se disputent l’aide des jeunes gens, et
doivent alors aider leurs deux familles46.
,-.
Si les cérémonies de mariage ne constituent pas un grand moment de la vie
des Wixaritari, et ce d’autant plus que le mariage par rapt s’est largement
développé, du point de vue cérémoniel la confection de la coupe votive xukun entre
une femme et son premier é p o w est importante. Dans le cas des mariages par rapt,
la coupe votive est confectionnée a l’occasion de la naissance du premier enfant, elle
scelle défuitivement
l’engagement du couple. A lheure actuelle, c’est la
r-
..
descendance qui institue l’aiiiance.
La femme est responsable de réaliser la coupe votive xukun a l’aide d’une
plante de la famille des cucurbitacées, connue sous le nom scientifque de
,..__
Lagenaria siceraria (Kindl, 2000 : 37),qu’elle coupe en dew. Elle enduit la coupe
d’une cire naturelle puis la décore avec cinq graines de mais. Le jeune couple est
dorénavant responsable de pounroir non seulement a I’alimentation du foyer, mais
aussi d’assister a w cérémonies, considérées comme bénéfiques a la croissance des
enfants. La coupe votive est gardée dans l’enceinte de la maison et, dans le cas ou
les époux résident dans le rancho de l’ukiratsi, dans le temple des ancétres
C’^
famiiiaux xirüci.
Le xiriki des ancétres familia-
a une importance cruciale en ce qui concerne
la realisation des activités cérémonielles du lignage. Maison de la divinité du mais
niwetsika x notre enfant m4’,
r-
le xiriki est aussi le temple des ancétres familia-
ou
est gardée la fleche a laquelle sont accrochés les urukate48. L’uruhrne, en tant que
cnstallisation de l’ime des ancétres, constitue un lien entre la communauté des
?”’-
.-
vivants et des morts (Perrin, 1996). Le xiriki est le lieu de la fleche, la racine de la
famille, mais aussi des fleches des hommes de la faille49 et des coupes votives des
e.-
femmes, des épis de m&s qui représentent niwetsiku mais aussi des sieges
cérémoniels des hommes, des eaux sacrées, du sang des animaux sacrifiés et des
46
Journal de terrain, octobre 2000.
‘l’enfant-meme * (Lemaistre,
1991 : 28). Cependant, nous pensons que le terme de +si est un suffie qui marque l’appartenance
au lignage et le respect : il est employé pour designer lhomme et la femme Q é e ukicircdsiet ukamisi, les
enfants des freres et des so-urs niwetsi, et les socurs des parents teitsi. I1 connote l’appartenance au
lignage. D’ou notre traduction notre enfant * : niwasika est associée a tous les enfants du lignage.
48 Singulier : urnkame, pluriel : urukrrte.
49 A la difference des femmes, lesqueiles ne font qU’unC coupe votive pour tous leurs enfants, un
homme peut avoir plusieurs fleches. 11 ne les fabrique pas seulement lorsque naissent ses enfants,
mais, & chaque fois qu’il dépose des offrandes.
4’ Le terme peut accepter plusieurs traductions, par exemple ceile de
.,
*-
“.
cerfs chassés, des bougies, de l’encens, etc. soit tout ce qui est nécessaire a ia
réalisation des rituels. Le xiriki est la matérialisation du fignage.
Seule l’épouse peut manipu1e.r la coupe votive xukuri qui est utilisée a
I..
l’occasion de chaque rituel du lignage. Une épouse ne fabrique une coupe votive
qu’avec son premier époux. Si un homme prend plusieurs épouses, et si la premiere
épouse décede et qu’il ne se marie pas avec une de ses sceurs (sororat), la nouvelle
....
épouse confectionne une coupe votive%. L’importance de la femme dans cette
société tient en cet attribut d’étre la responsable de la coupe votive qui représente
..-.
...
,....
. .,
ses enfants. De la méme maniére, les charges de porteurs de coupes votives
xukun’ikame du centre cérémoniel tuki sont attribuées a des couples et c’est la
femme qui est responsable de manipuler la coupe xulcun. Remarquons que dans le
cas ou lhomme a plusieurs épouses, c’est avec la premiere qu’il deviendra membre
de la hiérarchie du centre cérémoniel : les secondes épouses ne jouent pas de róle
ntuel.
”..I
2.6.3. Les alliar et rranuas das couples adulta
.,.
La vie sociale d’une personne mariée est axée autour de deux types de
,-
responsabilités : d’une part, celle de parent engage la participation de leurs enfants
aux ntuels mentionnés auparavant; d’autre part, celle d’adultes membres du
,”l.
district du centre cérémoniel tuki et de la communauté requiert de devenir au
moins une fois porteur de coupe votive pour une durée de cinq ans. Notons que les
secondes épouses ne peuvent pas prendre part a la hiérarchie indigene, il en est de
méme pour les rares méres célibataires. Ces demieres sont marginaiisées et tendent
r-,
.~
I-
,..
,~ . .
.
a s’installer loin des ainés de leur famille, dans une autre communauté, un village,
voire en ville, et c’est lorsqu’elle se marient qu’elles peuvent prétendre revenir
auprés des leurs.
L’éloignement géographique avec la communauté est caractéristique de la vie
adulte. C’est l’époque o u les couples sortent de la Sierra pour travailler comme
ouvriers agricoles, artisans, voire méme comme macons, peintres, etc. L’argent ne
pousse pas dans la Sierra, sauf pour ceux qui ont réussi a faire prospérer un
Apparait ici l’knportance que l’institution du sororat devait encore avoir il y a peu de temps. Dans
I’idéal, les epouses d’un homme sont seurs ; alors il n’est pas nécessaire de faire plusieurs coupes
votives. De plus, le sororat &viteles conílits entre épouses. A lheure actuelle, le sororat est largement
tombé en desuétude, d’ou la nécessité de fabriquer une nouvelle coupe votive lors du décis de la
premiere epouse. Le Pere d’Uru a d’abord été marié a une femme (mere d’üru); elle est décédée. Sa
seconde épouse etait la smur de la premiere ; elle consezva la c o u p votive de sa smur. Puis, elle e8t
decédée. Le pere d’Uru se maria alors avec une femme issue d’un autre iignage ; elle confectionna une
nouvelle coupe votive.
Chapitre 5 : Les lignages
239
commerce ou un troupeau, Dans leur grande majorité, les Wixaritari migrent
périodiquement vers les centres urbains et champs de tabac.
Durant les quinze ou Wigt ans ou les parents sent responsables d’élever
leurs enfants, ils reviendront dans la Sierra a différentes occasions : le baptéme des
enfants, la féte du tambour et pour devenir porteurs de coupe votive pour cinq ans.
Certains sont aussi désignés comme autontés du gouvemement traditionnel, mais
pour cela, il faut déja étre expérimenté et avoir envie d’y prendre part. Pour les
hommes, cette époque est celle de la chasse et du peyotl. En qualité de peres, ils
participent aux chasses emmenés par leur pére, ou par les responsables du htlcisi.
Tous les couples p d c i p e n t un jour ou I’autre a la vie cérémonielle du tu&, pour
cinq ou dix
ars52,
et prennent alors part a de multiples cérémonies, chasses et
pelerinages, notamment celui du peyotl. L’iige du peyotl et de la chasse est celle de
la maturité.
,...-,
2.7.
..”_
.“
A
\
.
. ..
AUX portes de 1. mort: le temps du cerf et du ma’& fermenté
A partir d‘un certain áge, les hommes et les femmes &es passent a un nouveau et
demier stade. 11s sont devenus des personnes respectables, d’expénence, qui ont
élevé leurs enfants et se sont dégagés de la responsabilité de pourvoir a leurs
besoins. Maintenant leur descendance est nombreuse, ils ont un grand nombre de
petits-enfants. Les femmes sont ménopausées et peuvent fumer du tabac, alors
que, jusque la, seuls les hommes avaient le droit d’en fumer. De plus, ce sont elles
qui préparent le n a h w ou tes@ino, cette boisson cuite de mak fermenté qui est
distribuée notamment a la fin -ou au début- d‘un cycle rituel. Quant a w hommes,
ils ne peuvent plus se rendre a la chasse au cerf, car ils sont cerfs, la connaissance
meme. Touchant les portes de la mort, ils sont en quelque sorte des ancetres en vie
et sont dignes d’un grand respect. Lorsqu’ils decedent, au cours de la cerémonie
*-.
. -.
funéraire, I’áme du défunt dit adieu a sa descendance avant d’éire définitivement
bannie du monde des vivants. A cette occasion, le défunt legue un certain nombre
de devoirs a sa descendance.
Cependant, tout le monde ne panrient pas au stade du cerf. D’ailleurs,
I’espérance de vie des femmes est moindre que celle des hommes. Nous
présenterons deux cas de figure, le décés d‘un apprenti chamane et un suicide, de
maniere a mettre en evidence comment ces déces prématurés sont interprétés par
les Wixaritari.
fils des épouses aecondaires participent aux chasses organisees par la famille de leur épouse,
ou, en devenant porteur de coupe votive.
52 Ceux qui participent pendant dix années sont souvent les ainés de leur fratrie.
I’ Les
240
Chapitre 5 : Les iignages
3.7.1. Le &&a
~
..
áu uidl h o m e reapactable
A l’occasion du décés du pere d’un ami, j’ai été invitee a accompagner sa famille au
cours de la cérémonie d’adieu au défunt. Le vieil homme etait mort durant l’été, au
L
mois d’aoüt, apres avoir passé plusieurs mois a se sentir fatigué. I1 était plus qu’un
grand chamane, ii était un
kawiteru respecte par les siens. I1 avait gravi une a une
les marches de la tradition en étant successivement responsable de charges tant
civiles que cérémonielles.
_.
J’éprouvais une grande tendresse et du respect pour cet homme qui s’était
toujours montré chaleureux au cours de nos rencontres. Au moment de l’écouter
chanter, sa voix légere et sa facon quasi enfantine de regarder le feu me laissait
réveuse. La précédente fete du peyotl avait été marquée par l’absence de ce
hwitem jovial
alors malade. Lorsqu’elle prit fui, et avant que j e ne reparte en
direction de Guadalajara, je m’étais rendue a sa demeure pour le saluer. U Et quand
rwiendras-tu ?
u
me demanda le vieil homme. A l’annonce de ma prochaine venue
en septembre ii rétorqua que nous ne nous revemons pas, qu’il serait mort a ce
moment la. Je restai tres perturbée par cette affumation et ne sut quoi lui
_.”*.
répondre. Sans doute n’y avait-il rien a répondre. Quelques semaines plus tard je
révai de son déces et j e partageai mon inquiétude avec mon amie et compagne de
travail de terrain. Je revins en septembre, comme prévu, accompagnée de cette
amie. A Huejuquilla, je rencontrai l’un des petits-fils du vieil homme. Je lui
demandai des nouvelles de son grand-pere. Son visage s’assombrit et il me répondit
u
,..-.
ii repose en paix
N.
I1 me raconta les faits. I1 etait allé a la chasse au cerf en compagnie de son
..
pere et de ses freress. Au bout du troisieme jour de chasse, iis déciderent dc
,.-
rentrer au rancho apres que son pere ait tué un deuxieme cerf. A leur anivée ils
apprirent que le vieil homme était décédé la veille. Le succes a la chasse n’avait pas
permis que leur grand-pere vive plus longtemps54. Le petit-fils avait alors été charg6
,,+...
d’aiier chercher un cercueil pour enterrer son grand-pere deux jours plus tard dans
le cimetiere. I1 m’informa qu’il était prévu que sa cérémonie d’adieu ou
53
u
course de
Son pere est le fils ainé du défunt. I1 est aüé a la chasse avec les fils de sa premiere épouse.
Cependant, cette affirmation ne doit pas éclipser le fait que la chasse fut brillante : deux cexis ont
été tués. Or,dans ce cas precis o u la chasse est destinee a guérir * un vieü hornme, la mort d’un cerf
est aussi ceile du vieü homme (associé au cero. I1 est fort probable (bien queje n’en ai pas eu
confiation) que les chasseurs aient obtenu du souffle de chaque cerf agonisant un urukame, soit
deux urnhe. Plus Yon s’approche de cinq, plus la mort est proche, et plus la personne est
ancestralisée. Sur cette question, consulter Perrin (1996).
54
Chapitre 5 : Les ügnages
l’he
n
u
24 1
soit célébrée le 4 ou 5 novembre, apres la Toussaint, dit-ii. Et il ajouta que
beaucoup de ses amis ne le savent pas encore, c’est obscur ».
Je rendis visite a des amis, et notamment a une femme qui est la niece du
vieil homme. Je lui fis part de la nouvelle. Avec son man, ils se montrerent surpns
et ne répondirent pas. I1 était impossible qu’ils n’aient pas su. Je compns alors qu’ii
existe une interdiction de parler du défunt, en dehors de la famille, tant que la
cérémonie n’a pas eu lieu. En fait, il n’était pas mort et ne le serait qu’une fois le
ntuel d’adieu réalisé.
Quelques jours plus tard je rendis visite au fils aíné du vied homme, un
homme igé de 60 ans. I1 me recut, s’assit et pleura. u Je suis orphelin x dit-il. Puis il
.-
’
I
me raconta qu’ils étaient partis a la chasse aprés avoir promis de faire le nécessaire
pour que son pere recupere sa santé. A leuí retour, il était decédé. Trés émue, je
partageai avec lui les paroles formulées par son pere au moment de mon précédent
séjour. I1 pleura de nouveau et dit que son pere lui avait caché la vénté. Plusieurs
,I
fois il était alié le voir pour lui demander ce qu’il avait, en pleurant, et lui avait
demandé de lutter. I1 promit de faire le nécessaire, de réaliser une cérémonie et
I
d’aller a la chasse. Plusieurs chamanes tenterent de le soigner ; a chaque fois il
,.--,
fallut les payer largement et il s’endetta. puis il me parla de sa mere, morte il y a 35
ans. Alors qu’elle était jeune, elle avait été gravement malade : elle c e s a de manger
pendant un mois.
u
Parce que sa mere avait accepté de lutter x dit-il, son pere et sa
mere firent un vceu dans le site sacre de Bemalejo situé vers le nord. Elle s’était
alors rétabiiess.
Maintenant que son pere et sa mere sont morts, il est le patriarche. C’est la
seconde de ses sceurs, une veuve ágée d’une soixantaine d’années, qui est
dorénavant responsable du rancho o u résidait son pére. Ce demier en avait hénté
I-”
lors du déces de son épouse. A cette occasion, leur fils ainé était devenu
responsable du rancho construit par le grand-pere paternels. Ensuite, l‘homme se
remaria. Maintenant, la veuve et seconde épouse du défunt alterne sa residence
entre ce rancho et celui de ses enfants, issus de son premier mariage.
De retour a Guadalajara, a la demande de cet homme, il m’incomba la
difficile tache d’apprendre a l’un de ses fils que son grand-pere était décédé. Un
mois plus tard eut lieu la fete du tambour. Aiors, l’un des petits-enfants du vieil
homme me confia qu’il espérait étre charge du transport des saints de l’église de
Tuapune jusqu’au rancho a l’occasion de la cérémonie d’adieu. A plusieurs reprises
” I1 est probable qu’il s’agisse du moment oü son pere decida de devenir chamane, en échange que son
épouse et ses enfants soient en bonne santé.
56 Journal de terrain 15 septembre 2000.
Chapiire 5 : Les lignages
242
il avait revé qu’il les porterait. 11 ajouta qu’il faut étre propre de tout péché57 pour
remplir cette fonction. 11 ajouta qu’il avait déja eu l’occasion de transporter un saint
..
depuis la communauté voisine de San Sebastián%.
Lorsque la féte du tambour pnt fin,je me rendis dans le rancho du fils ainé
du défunt. I1 était assis face au feu familial, au centre de la cour. Des coupes votives
étaient disposées devant lui. Elles contenaient les épis de mais et les courges qui
venaient d’étre répartis sur la place du tuki et des morceaux de viande séchee de
cerf. A ses pieds se trouvaient aussi sa fleche cérémonielle muwim‘, d’autres
“.
fleches, des earn sacrées, du se1 et une petite boíte. En une autre occasion il me
l’avait présentée, elle contenait un peyotl, u c’est le chef, Pariízika Y m’avait-il dits?
L’homme devenu patriarche distribua les courges et épis de mais tout en
aspergeant d’eau sacrée le haut du cráne kquri et la bouche de chaque personne,
a l’aide d’une fleur puwariso. Avant de les manger, chacun déposa un grain de mais
et un peu de viande dans le foyer, en offrande au feu Tatewmi. Tous les enfants et
petits-enfants étaient presents : la famille du patriarche était réunie au grand
,“..
complet.
Autour du feu une discussion formelle commenqa entre le patriarche, sa
soeur ainée, l’époux de celle-ci et le chamane, particulierement ágé, qui chanterait a
l’occasion de la cérémonie d’adieu. 11s parlerent longuement, prés de deux heures,
et ils déciderent fmalement de réaliser la cérémonie funéraire le 15 décembre
(,-
..
I-’-
..
suivant, c’est-a-dire trois jours apres la féte de la Vierge Tanana. I1 fallait qu’elle soit
presente. Avec mon ami, ils nous inviterent chaleureusement a les accompagner et
nous leur demandámes ce que nous poumons apporter : des bougies et des bieres.
Nous les remerciámes pour leur hospitalité et partimes.
Le choix de la date du 15 décembre ne me facilitait pas la táche : mon avion
pour repartir en France décollerait de Guadalajara le 19 décembre. Le temps était
seré. NOUSespénons pouvoir assister a la cérémonie, et surtout, qu’elle ne soit pas
retardée. Nous anivámes le 15 décembre dans l’apres-midi au rancho alors que la
-
,r
,~
famille était réunie devant le
xiriki familial et occupée a préparer les offrandes et
objets rituels. Nous donnámes les bougies et les biéres. Dans le xiriki étaient
installés la Vierge Tanana et l’un des Christ Xraturi. Les affaires personnelles du
vieil homme étaient disposées devant le
57
I1 s’agit d’infidélités matrimoniales.
xiriki sur un autel.
Journal de terrain 21 octobre 2000.
de terrain 25 décembre 1999.
6a 11 s’agit d’une fleur de saison, l’ocillet dlnde, qui poussc dans les champs de mais. Eiie protege
contre l’apparition de certains parasites.
58
59 Journal
243
Chapiire 5 : Les wages
Un groupe de chanteurs était assis face au feu et xirilci, c’est-a-dire en
direction de l’ouest, la zone obscure o u le chanteur devait chercher l ’ h e du mort.
.,-_
-..
,___
Le chanteur principal avait été responsable autrefois de chanter les évenements
relatifs au pelennage a Wirikuta : il s’agissait donc d‘un chamane presti@eu. Les
hommes qui avaient été invites pour le seconder étaient le représentant du Soleil
Tayau, le prestigieux cerf bleu Tamatsi u notre frere ainé
,.;*I
..
I,
un musicien du centre
cérémoniel, un neveu du patriarche récemment devenu chamane et un autre
homme queje ne connaissak pas. Le fds ainé du défunt était assis a leurs cotes. Le
chant dura toute la nuit et prit fui a la mi-journée suivante. Durant la nuit, vers 2
heures du matin, a lheure du zénith du soleil dans son chemin sous terre, le fils
I-
*-
.-
ainé se dirigea vers l’autel situé devant le xiriki. Un morceau de bois fut enfiammé
dans le feu. I1 fut déposé dans une jarre bnsée devant l’autel. Un homme, qui est
run des cinq auxiliaires de Tamatsi, fut alors chargé de le surveiiler. Le chanteur
avait localisé l ’ h e du défunt. Elle était parmi nous.
/--
Au début de la matinée, chacun vint deposer dans les coupes votives des
,-
*-
femmes présentes des pieces de monnaie. En une occasion posténeure, elles
serviraient a payer les cierges, le chocolat et autres denrées nécessaires a la
réalisation de fetes. L’argent fut compté puis réparti équitablement entre toutes les
coupes votives.
A la mi-joumée, un jeune taureau fut sacrifié face au xirilci Deux tres jeunes
,
I
.
..
(--’
,
~.
petits-enfants du défunt, une fille et un garcon, furent chargés de tenir les cordes et
le couteau du sacrifice : ils sont les hnqueri. C’est alors que tous les membres de la
familie, agenouillés face au xiriki, pleurerent et s’adresserent au défunt pour une
derniere fois. Son h e iyari ne reviendrait plus jamais parmi eux.
Dans la matinée, plusieurs personnes des localités environnantes passerent
et saluerent la famille et les chanteurs. Le défunt était un grand homme, le
Kawiteru du centre cérémoniel, leur guide et conseiller.
,e-
Chacun fut aiors convié a se laver les mains et le visage avec une eau
-
melangée a des herbes odorantes. Une croix noire fut peinte sur la joue, les
poignets et les chevilies de chacun. La cérémonie d’adieu touchait a sa fin lorsque
furent r é p d s les bouillons de cerf, non salé, et du taureau qui avait été sacrifiéól
que les galettes de mais et haricots. Malheureusement, nous devions partir.
‘
1
..-
Nous ne poumons pas assister a la répartition des affaires personnelles du défunt.
Sinon, la nuit allait nous surprendre avant d’amiver sur les plateaux de la Sierra.
61
Cette soupe fut prealablement offertea l’áme du defunt, en la déposant sur i’autel
Chapiire 5 : Les ügnages
244
Or le lendemain il failait prendre la route des l’aube en direction de Guadalajara.
NOUSremercitimes les membres de la famille et chanteurs et partimes62.
2.7.2.L’mcestralisation s¿paratrlcr
La cérémonie funéraire présentée est exceptionneüe : le défunt était un
hwitm.
Bien que je n’aie pas assisté a d’autres cérémonies, la littérature ethnologique
recele des informations de tres borne q u d t e a ieur sujeF3.
Ces études établissent que lorsqu’une personne décede, c’est le cinquieme jour
suivant sa mort qu’est réaíisé le rituel d’adieu (Leal, 1992 ; Lemaistre, 1997).
Néanmoins, dans le cas précédent, prés de cinq mois se sont écoulés avant que ne
,-
soit effectuée la cérémonie. I1 y a pour cela deux explications, qui sont non
exclusives l’une de l’autre. La premiére est fournie par Fikes (1993) ; il assure que
_...I
cette fete ne peut avoir lieu qu’au cours de la période seche. Elle débute une fois
terminée la féte d’offrande du taureau Mawarixa a la
milPCP+au mois de septembre.
c’est a ce moment-la que les anciens commencent a rever quelles seront les
prochaines autontés du gouvemement traditionnel. La lumiere est intimement
associée au pouvoir politique communautaire, lequel est placé sous l’égide du Solei1
_I-
Tayau. De sorte que cette cérémonie n’aurait pas pu avoir lieu a la fui du mois
d’aoút. Le chanteur responsable de trouver l’áme du mort aurait risque de se perdre
dans l’obscurité. La seconde explication est liée a la personnaiité du défunt. C’était
un
kawiteru,
Ihonorable, le respectable conteur des récits de fondation et le
conseiller. En 1998, un personnage tres important de la communauté, le fondateur
<-
de Nueva Colonia et premier commissaire des biens communaux, m o u n t ; sa
cérémonie d’adieu fut réaiisée juste apres la Toussaint. Selon Leal (1992 : ZOI), les
._.
Tananama
sont des dieux qui habitent le ciel d’oü ils soutiennent la vie des
Huicholes. Ce sont eux qui décident de la fui de la vie et qui chátient les fautes6S.
Réaliser la cérémonie au moment oÜ ces images viennent d’étre honorees assure
qu’elles soient efficaces. Mais il y a plus : ces images sont celles qui permettent de
redéfuiir les frontieres de l’aitérité. Elles agrégent et séparent. Ces deux défunts,
honorés au moment oü les
avaient eu une vie exemplaire. Or le monde des ancetres doit étre clairement séparé
,.-
Journal de terrain 15 et 16 décembre 2000.
Les meilleurs écrits sont celui de Leal (19921, élaboré de faqon minutieuse et systématique, et le
précieux travail linguistique de Lernaistre (1997). I1 faut aussi consulter les travaux de Weigand et
Garcia (19911, Fikes (1993) et Anguiano (1985).
64 Milpa désigne le champ de mais.
65 Ces fautes sont le non respect des promesses d‘otirande et le fait d’avoir eu des relations swtuelles
avec plus de cinq partenaires.
62
63
,,.
tananama étaient vigoureux, ont été ancestralisis : ils
”.
I
Chapiire 5 : Les w a g e s
245
de celui des vivants. Le grand pouvoir des tunanarna est, de notre point de m e , de
redéfinir les limites de l’altérité : les ancetres appartiennent a un autre monde.
Tous les travaux des auteurs mentionnés concordent sur un point crucial:
I ’ a e iyari du défunt voyage dans l’inframonde, une zone obscure, qui est située a
l’ouest, c’est-a-dire vers l’océan Pacifique. Au moment de la cérémonie, le chamane,
qui est en générai un karuiteru (Lemaistre, 1997) en raison du caractere délicat de
cette tache, est chargé de retrouver l’áme puis de la guider jusqu’au rancho familial.
I1 doit déterminer la cause du déces qui peut étre de quatre ordres: mort de
vieillesse, transgression des regles et tabous, sorcellerie et suicide (Weigand &
Garcia, 1991). La sorcellerie étant considérée comme immorale et donc séverement
réprimée, le responsable devra fuir et changer de résidence s’il ne veut pas étre
placé en danger de mort (Fikes, 1993 : 125).
Leal (1992) a mis en évidence une structure mythique générale a partir de
l’étude de 35 récits et de l’assistance a cinq cérémonies. Le nom de ceue-ci est
d’ailleurs variable et serait Muquicueuirra66 a Tateikie (Lemaistre, 1997 ; Anguiano,
1985) et
Hutaiman a Tuapurie (Fikes,
1993). Pour Leal, le rite n’est en fait que la
troisiime et derniére étape du chemin entrepris par l’ime de l’agonisant. Dans un
.-.,
premier temps, aprés que les u voleurs de vie
m
envoyés par les dieux aient attrapés
l’agonisant a l’aide d’une corde noire, l’agonisant visite les dieux principaux et en
,. .
particulier ceux ont donné la vie aux membres de sa famille. Ensuite les dieux
Tananarna décident sF1 vivra ou mourra et, en fonction des promesses d’offrandes
qui furent ou non tenues, ainsi que du nombre de ses fautes sexuelles, il ira au Ciel
ou aux Enfers. Dans un second temps, le défunt se trouve soit au Ciel soit aux
,--,
Enfers. Dans ce cas, les personnes qui furent autrefois la victime du défunt vengent
leur douleur et lui font souffrir le méme sort. Aprés avoir réglé leurs comptes, ils
sont satisfaits et plus personne ne doit rien. Edin, l’esprit du mort est recherché
par le cerf KauyurnarP7, qui le conduit au rancho pour prendre part a la cérémonie
,^
.,
..
.. -.
.-~
organisée par les membres de sa famille qui y ont convié un chamane. Le moment
le plus important de ce rite est le sacrifice d’un animal et la realisation d’offrandes
que le défunt donnera aux dieux. Le défunt se présente a ses parents et leur dit
adieu. Ensuite il ne doit plus rester trace de son passage de facon a rendre
impossible son retour.
Le ciel est pour Lemaistre (1997) Wirikuta, la terre du Soleil Tayau et du peyotl
,-,
Hikun, le lieu de la lumiére par opposition a l’obscure cote du Pacifique. C’est la o u
....
66
67
F6te de l’attentc du mort (Lemaistre, 1997).
C’cst le guide des chamanes au cours de leur communication avec les anc6tres.
246
Chapitre 5 : Les lignages
se rendent ceux qui se sont bien comportés ainsi que les innocents, morts trop
jeunes. Ce fut le cas de la jeune f d e de Wigt ans dont il relata le chant d’adieu. Elle
s’était suicidée, de sa propre volonté a f f i i a le chamane, d
i
n de ne pas suscíter de
conflit social, alors qu’elle semblait souffrir en raison du comportement adultérin de
son maxi. Ce méme type de cas fut exposé par Fikes (1993: 126); il n’hésita pas a
conclure que pour les Huicholes
u
le suicide est tolérable, si ce n’est honorable B.
C’est pour cette raison que seuis des chamanes prestigieux, et de préférence des
Kuwiterut&
,-
peuvent diagnostiquer la raison du déces car leur parole ne peut pas
étre remise en question. Comme le suggere Lemaistre, il est important que le
U
travail de deuil n se fasse doucement.
Le deuil est le moment de I’actualisation des dettes du défunt envers c e w qui
lui ont accordé la vie. Pour Lemaistre le sacrifice est le moment du paiement et,
comme l’atteste aussi Fikes, il a lieu avant le chant en fin d’apres-midi de facon a
demander une K remise de peine Y. u Tout sacrifice est le remboursement d’une dette
contractée rn (Lemaistre, 1997 : 217)et le fait de le réaliser au début peut assurer un
.r-
conire-don immédiat au don du sang du taureau : la précipitation dans le sang de
l ’ h e cristaliisée du défunt sous la forme d’un urukame. Mors, le membre de la
famille du défunt qui recevra du chamane l’umkame comprendra que
injonction a suivre et a reproduire la
,.-.
M
a
c’est une
Costumbre x puisque le don de cette pierre
oblige le donataire a un nouveau cycle fait d’autres sacrifces x (Ibid : 218). I1 est
clair
qu’il
s’agit alors plutot d’une situation d’endettement, cyclique et
générationnel, que de dettes payées au coup par coup assurant le retour a
l’équilibre. Avec les ancitres il ne peut y avoir de jeu a somme nulle. Dans notre
cas, le sacrifice eut lieu a la mi-journée consécutive au chant de nuit. Le sacrifice
fut donc demandé par les ancétres au cours du chant. Le vieil homme était déja
umknme, il avait deja atteint l’iige o u les hommes ne vont plus a la chasse apres
-
,.
-
.^
,. -,
avoir
a
précipité un urukame x
et il n’y avait pas a craindre qu’il ne soit pas
ancestralisé. La cnstallisation de l ’ h e peut s’obtenir a partir du sang du bétail,
mais aussi provenir du soleil, du mak, du baton de commandement du gouverneur,
des oreilles d’un cerf, du bouillon de vache, d’une corne de vache, etc. (Pemn,
,
_..
1996).Je n’ai pas su a que1 endroit s’en alia l ’ h e du défunt, mais vu son statut de
Kam’tem, il a du rejoindre le soleil a Wirikuta. Son petit-fils m’indiqua plus tard
qu’il lui fut reproché de ne pas avoir honoré un lieu ou son grand-pere avait
demandé la vie tuknn. I1 est fort probable qu’il s’agisse du site sacré de Bemalejo, la
ou il avait hi-meme demandé la guénson de sa premiere épouse. Méme le plus
honorable des hommes peut-il étre irréprochable 3 Peut-il étre raisonnablement
Chapitre 5 : Les ügnages
247
quitte ? De notre Point de vue, c’est impossible. C’est ce que nous démontrerons
dans le chapitre 7 intitule La dette transgénérationnelle n.
,,-
.I
2.7.3. Lorsque la vie prend fin trap tot
Tout le monde ne vit pas jusqu’a 1’5ge de 70 ou 80 ans, et de plus, les femmes
vivent moins longtemps que les hommes. Nous avons déja signaié que la mortalite
infantile est particulierement élevée et la réalisation de la féte du tambour a lieu au
cours de cette période ou la santé des enfants est délicate. Au cours de la vie
~,,-
. , ..
,
.,
adulte, les personnes peuvent décéder en raison d‘une maiadie ou par mort
violente. Nous présenterons deux cas de figure qui mettent en évidence comment la
mort d’un adulte est interprétée en fonction de normes culturelles, qui ont trait au
comportement sexuel des adultes.
2.7.3.1. L’espérance de viefiminine estpíus faibíe que Celt. des hommes
Dans l’état de Jalisco, le pourcentage de fillettes &ées entre O et 5 ans nées de
-.-,
parents parlant huichol est de 50,48 940 ; il est donc légerement plus important que
celui des garcons. Cette légére différence en faveur des fdes a la naissance tend a
diminuer a partir de 40 ans et s’inverse défmitivement p m i la population ágée de
plus de 50 ans. Les femmes ne représentent plus que 46,15940 de la population
* -.
totale parlant le huichol de plus de 50 ans. De telle sorte que l’espérance de vie des
femmes est inférieure a celle des hommes (Tableau 1).
,-.....
I1 existe une différence significative entre les municipalités de Bolaíios et de
Mezquitic. La seconde compte une plus grande proportion de personnes parlant
huichol et un indice de féminité moindre au dela de 50 ans de 47,23940 (Tableau 2)
L’analyse de la structure de la population par áge et par sexe dans la
communaute de Santa Catarina Cuexcomatitlán, Tuapurie, a partir de données
collectées dans les années 90, montre que l’indice de féminité68 chute brutaiement a
pariir de 50 ans et s’inverse définitivement en faveur de la population masculine.
Parmi les plus de 50 ans, on compte 70 femmes pour 103 hommes, soit un indice
de féminité de 40,46% (Tableau 3).
-
I
68
L’indice de féminité correspond a la part relative de femmes dans la population totale.
N
P
m
o
0:
c(
n
Y
n
E
VI
D
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--.._..--.
1
I
_
_
.
-
250
Chapitre 5 : Les lignqes
Tableau 13
Structure de la population de Tuapurie p u sexo et p u h e *
:-
d'Ue
0-4
5-9
10-14
15-19
20-24
25-29
30-34
35-39
40-44
45-49
50-54
55-59
60-64
65-69
70-74
75-79
80-84
85 et plus
Total
Hommsr
remules
247
236
162
133
111
94
59
70
40
31
26
23
21
13
8
3
3
6
1286
272
238
169
160
144
114
70
69
46
47
15
21
13
11
2
1
1
6
1399
IM : Indice de masculinité
T0t.l
5 19
474
33 1
293
255
208
129
139
86
78
41
44
34
24
10
4
4
12
2685
IY
IF
0,48
0,50
0,49
0,45
0,44
0,45
0.52
0,50
0,51
0.55
0.56
0.55
0,54
0946
oso
0,so
0,47
0,40
0.63
0,53
0,sa
0,62
0.04
0.80
0.75
0,75
0.50
0,m
0,37
0948
0,38
0,46
0,20
0,25
0,25
0,50
IF : Indice de féminité
* Source : Uniuersidad d e Guadalajara, 1997,Rasgos bioflsiws,soaoculturdes y d e sistemas
productivos para el ordenamiento tenitonal d e la naadn wix&nka,pp. 22.
Fig. 18 :Indice. de iüuculinité ( X H ) et de Fémiaitá (IF)
d a s la communaut6 do Tuipurie
~
Indices de Yucuhitá (IM) et de Fémiaitá (IF)dam 1.
commnnauté de niepurie
Chapiire 5 : Les w a g e s
251
Les résultats de l’enquete réaiisée dans la communauté de Santa Catarha sont
beaucoup plus tranchés que ceux de I?NEGI. Néanmoins on peut conciure que
d’une facon giobale les femmes Wixaritari ont une espérance de vie inféneure a celie
des hommes. Or les femmes sont plus nombreuses que k s hommes au cours de la
jeunesse. Quels sont les facteurs qui favonsent ce phénomene 3
Les statistiques présentées proviennent de deux sources différentes. L’iNEGI
enregistre la population présente au moment du comptage ; sa majeure limitation
méthodologique est de ne pas pouvoir prendre en considération les migrants.
Cependant, nous savons que les résidents permanents de la Sierra sont en grande
partie des femmes, notamment chez les plus ágées, un fait qui favonse un
gonfiement de l’indice de féminité. Quant aux données de l’université de
Guadalajara, elles sont les seules dont nous disposons pour la communauté de
Santa Cataxha. Dans l’un comme dans l’autre des cas, les femmes sont moirs
,-
nombreuses que les hommes au dela de 50 ans. Le fait que l’espérance de vie
féminine soit la plus élevée n’est donc pas une donnée universelle et l’espérance de
vie varie en fonction des sociétés.
Nous ne sommes pas en mesure de donner des éléments de réponse a la
_..”.
question des facteurs qui influencent dans le sens de la plus faible espérance de vie
féminine par rapport a ceiie des hommes. Cependant, cet état de fait nous invite a
réfléchir sur la condition des femmes dans cette société. Nous avons déja fait
allusion aux viols et a la violence conjugale qui surgit au moment ou un homme
I ‘-’
souhaite prendre une autre épouse. Un autre fait notable parmi la société wixatika
est le suicide féminin. Or, les deux anthropologues qui ont évoqué ce phénomene
ont mentionné que, du point de vue wixárika, il semble que le suicide soit
acceptable voire honorable (Fikes, 1993 ; Lemaistre, 1997). La négation de soi et le
silence sont-iis vraiment honorables 3 Le suicide n’est-ii que la triste révélation de
l’absence de pnse de parole d’une majonté de femmes 3
2.7.3.2.
I,--
Le suiddejéminin :un dícb honorable 2
Nous avons remarqué que la perpétuation de la polygynie est problématique,
d’autant plus que le sororat tend a disparaitre et que le mariage par rapt se
genéralise, faisant la part belle a l’élection du conjoint. Les jeunes femmes sont
r-
souvent peu disposées a partager leur époux, alors que ces derniers souhaitent
parfois avoir plusieurs épouses. A force de coups et épuisées par de fortes
,--
dépressions, les femmes finissent par accepter de partager leur époux avec une
concubine ou alors elles s’en vont. Le suicide des femmes délaissées existe aussi.
--- .
1
,
-----<
a
_
-
252
Chapiire 5 : Les lignages
Les travaux de Fikes (1993) et de Lemaistre (1997) relatent deux ceremonies
funéraires consécutives a la pendaison de jeunes femmes qui souffraient d’adultére
de la part de leur époux. 11s conclurent, que du point de vue wixárika, u le suicide
est tolerable si ce n’est honorable D (Fikes, 1993 : 126). L’institution de la polygynie
””.
permet a l’épow adultérin de prendre son amante pour concubine, en toute
légaiité, a moins qu’elie ne soit déja mariée. Existe-t-il une relation entre le suicide
féminin et les réaménagements que connait le systeme de parenté? Le suicide
serait-il une réponse par la négation de soi face a la violence physique exercée par
l’époux adultérin ? Au cours de mon travail de terrain, j’ai eu connaissance d’un cas
de suicide féminin consécutif a la violence exercée par l’épow sur sa femme, qui
.^
l’aurait pris en flagrant délit d’adultere. Le corps de la morte indiquait qu’elie avait
été frappée.
Nous considérons qu’une telie problématique ne peut pas étre traitée sans
prendre en compte les aspects
u
extemes B de l’organisaüon sociale, c’est-a-dire
l’appartenance a la société mexicaine. La polygynie est une institution ancienne
attestée parmi les sociétés indiennes du nord du Mexique au moment du contact
,r-
avec les Espagnols. Notre hypothese est que le probleme de la violence exercée
contre les femmes n’est pas inhérent a la polygynie mais qu’eile est en partie due a
.c-
.
la coexistence de plusieurs facteurs * internes B et
u
extemes B
. Au niveau interne
nous avons déja mentionné les changements intervenus en matiere de mariage. Au
niveau exteme, les politiques publiques ont favorisé la scolarisation des jeunes, la
réduction du monolinguisme féminin et la découverte de nouveaux horizons et
valeurs. La société mexicaine connait une effervescence du discours féministe et
I’EZLN est l’une des organisations politiques qui prend part au débat relatif a la
place des femmes dans la société. Tous ces facteurs favorisent le fait que les jeunes
fiíies aspirent a choisir leur époux et a ne pas le partager.
En outre, la discipline anthropologique n’est pas restée en marge des changements
socioculturels globaux et les questions de parenté ont été davantage abordées par
des femmes. Q u a t aux jeunes hommes wixaritari, nombreux semblent etre ceux
’,.
_.
_..
qui souhaitent que l’institution de la polygynie se perpétue. En voici un exemple.
Lors de la rédaction du statut communal en 2000, une avocate membre de M A G I
attendait avec impatience, en qualité d’assesseur des autorités communautaires et
militante du Front Zapatiste, de voir quels seraient les termes du débat parmi
l’assemblée au moment de décrire les formes de mariage. Le moment venu, le juge
,,
de la communauté prit la parole et mentionna qu’ils n’ailaient pas faire ailusion a la
polygynie dans le statut communal. Un bon nombre dhommes, les seuls membres
Chapitre 5 : Les iignages
253
de l’assemblée communale, rirent de bon coeur et l’afíaire fut ciassée. Pourtant, il
était question de vérXer la constitutionnalité du statut communal. Le silence, ou la
complaisance, l’emporterent
... une fois de plus. L’assemblée communale est un
autre espace d’expression communautaire o u les femmes n’ont pas de v o k
2.7.3.3.
La d i c i s des rrppnntia chamanes adult¿rins
Dans un cas de figure, la mort des hommes adultes est justifiée par leur
comportement adultérin. C’est le cas des hommes qui suivent un apprentissage
pour devenir chamanes. Ceux-ci, au moment de formuler leur engagement
d’entreprendre leur initiation, doivent se présenter dans un lieu sacré accompagné
,..,
de leur épouse. Si un apprenti souhaite prendre une autre femme, il en a la
possibilité. Pour ce faire, il doit la présenter aux ancétres dans le lieu o u il avait
e-
contracté son engagement et leur demander pardon. Si te1 n’est pas le cas, il est un
. _ .
époux adulténn, et selon la conception wucarika, il décedera d’une maladie qui n’est
..,-
autre que le reflet de son manquement a son engagement. Ce fut le cas du troisieme
époux de la mere de Wenima. I1 s’unit a elle sans la présenter, sans lui avoir dit
qu’il était en cours d’initiation chamanique, et il décéda. La vie sexuelle des
chamanes est normée par la tradition, ils doivent respecter leur épouse et sont
P
souvent astreints a de longues pénodes de jeüne sexuel. Cette normalisation, ou
moralisation de la vie sexuelle des chamanes, contribue a éviter la violence liée aux
adulteres. Cependant, tous les wixaritari ne s’engagent pas a devenir des chamanes
,-
et reconnaissent qu’il est particulierement difficile de tenir de tels engagements.
2.7.3.4.
Lu pavo& rbpruatrce
I1 existe un autre ntuel qui contribue a la normalisation de la conduite sexuelle des
couples d’adultes. I1 s’agit du ntuel de confession des pelerins du peyotl ; il suppose
que les hommes et les femmes disent publiquement s’ils ont eu des relations
sexuelles non permises, c’est-a-dire avec une personne qui n’est pas leur conjoint.
On dit que l’ingestion de peyotl empeche de mentir; sinon, les hallucinations
rendent fous ceux qui taisent leurs infidélités. C’est un autre moyen de réguler la
conduite sexuelle des membres du groupe et d’offrir une compensation sociale par
la parole.
..
La pratique du sororat a le plus sürement permis d’éviter les tensions entre
épouses. Le sororat, la confession des pelerins, l’engagement des apprentis
chamanes, se révelent aujourdhui des moyens inSufisants pour réguler la violence
exercée envers les femmes. Bien qu’elles pourraient demander réparation aupres
Chapitre 5 : Les lignages
254
des autorités communautaires, elles ne le font généralement pas. Le rire des
hommes de l’assemblée communale, décidant de passer sous silence i’institution de
la polygynie lors de la rédaction du statut communal, en dit long a ce sujet. Cette
situation reflete le fait que les femmes sont mises a l’écart des décisions politiques.
Dans le chapitre suivant nous présenterons queues sont les responsabilités qui
incombent a chacun au dela de la sphere domestique et du lignage : les centres
cérémoniels, la communauté traditionneiie et agraire et les institutions mexicaines.
Pour finir, rappelons que n’y participe pas une frange minoritaire de la
,”’.’
..
.I
population : les personnes converties au protestantisme évangélique. Or, l‘un des
arguments qui semble conforter ces personnes est que les épouses considerent que
leurs conditions de vie se sont améliorées, leurs maris les traitent avec plus de
respect. L’étude de ce phénomene reste a faire dans la cornmunauté de Santa
/I-
Catarina, o u est visible une augmentation du nombre des personnes converties au
protestantisme évangélique.
Chapitre 6 : La biérarchie indigene
255
..I..
,-
Les lignages constituent l’unité socio-politique de base. Dans la communauté de
%nta Catarina, ils sont reliés au travers de la vie cérémonielle et politique des
c-
centres cérémoniels tukite. Cependant, le caractere centralisateur de ceux-ci n’est
pas attesté dans toutes les communautés wiuaritari. Par exemple, il semble ne pas
y avoir de tdci a Tuxpan de Bolai~ostandis qu’a Santa Catarina, les membres de la
hiérarchie des tukite sont particulierement influents et représentent des intéréts
lignagers.
L’organisation sociale wixárika se caractérise par son aspect gérontocratique,
chamanique et en interdépendance avec la société mexicahe. En premier lieu, elle
est a tendance gérontocratique au sens ou l’ascension sociale est conférée par I’áge
et la reconnaissance des méntes. Pour obtenir des responsabilités importantes dans
le systeme de charges, il est nécessaire de débuter a des niveaux inféneurs. La
hiérarchie indigene est un
u
systeme a echelons * (Carrasco, 1961 ; in De la Peña,
1980 :66). En second lieu, les chamanes ou mara’akntez, c’est-a-dire les personnes
initiées a soigner et/ou a chanter, sont des personnages clés. Seuls des chamanes
prestigieux peuvent prétendre devenir membre du Conseil des Anciens. Edin,
chaque communauté a des autontés traditionnelles et agraires qui sont reconnues
par l’état mexicain. Elles ont pour vocation d’assurer la médiation avec les
instances municipales et fédérales. Parce que ces autorités sont parties prenantes
I
.
de la hiérarchie indigene, I’organisation sociale indienne est en interdépendance
avec l’état fédéral.
Les membres du conseil des anciens de chaque centre cérémoniel tuki ont
la responsabilité de la nomination des candidats aux charges cargos de la
hiérarchie indigene. Ces hommes agés sont situés au sommet de l’échelle des
méntes. 11s sont les représentants d’intéréts lignagers et, en quaiité de chamanes
prestigieux, leur reconnaissance sociale s’appuie sur un vaste groupe de soutien ou
cercle d’influence n.
Notre hypothese est que les tukite sont les centres
névraigiques de l’activité politique. Au sein d’une meme zone, un groupe de lignages
se constitue en reseau autour des activités politiques, extremement ritualisées, d’un
tuki.
Les charges de la hiérarchie indigene sont nombreuses. Les prérogatives
associées a celles-ci sont bien d é f ~ e s Certaines
.
charges sont plut6t toumées vers
1
Mam’akame : singulier, Mam’akcde : pluriei.
256
Chapitre 6 : La hierarchie indigene
la vie
6
interne n et d’autres verS llexteme
~
I).
Ave&ssons que cette distinction est
heuristique plus que réelle. Les anciens et les &amanes s’occupent plutot de
l’inteme
w
; cependant, p a c e qu’ils nomment les autorités chargees de la
representation
u
exteme
Y,
ils sont p&e
prenante de cene-ci. Les anciens SOnt
avant tout des conseillers qui táchent d’établir un consensus entre les différents
lignages. Le systeme politique est
I
tukicen-es
et, bien que les autorités
communautaires soient reconnues par les instances mexicaines, ieur iégitimité
émane du seul consensus des anciens.
La vie politique des tukite est hautement rituaiisée. La période de référence
est de cinq années. La sous-périodisation annuelle est fonction du cycle agricole,
lequel oscilie entre sécheresse et pluies. Les périodes du calendrier institutionnel
mexicain sont adaptées a la vie quotidienne indienne. Les autorités traditionnelles
entrent en fonction au début du mois de janvier mais ont éte nommées au sortir de
la pénode des pluies, plus de deux mois auparavant. Seules les autorités agraires,
renouvelées tous les trois ans, échappent a la périodisation agricole. Cependant, les
,
assemblées communales qu’elles président sont tenues a dates fues : avant les
...
pluies, apres celles-ci et en pleine sécheresse. La communauté agraire et
,.-.
traditionnelle est une entité politique soumise aux intéréts des lignages et des
cercles d’iduence. La correspondance entre les activités productives, coopératives
et politiques est quintessencielle. S’exercer comme politique signiiie avant tout
-
chose coopérer a la représentation de son lignage en participant aux activités du
tuki de référence, et pour un certain nombre d‘hommes adultes, aux affaires
communautaires.
Les
cérémonies
associées
aux
activités
agricoles
ont
principalement lieu au cours de la saison des pluies et sont réalisées dans les
...
,
_.
ranchos et les tukite. Lorsque le travail agricole est achevé, durant la période seche,
la grande majorité des adultes se consacre a vendre de l’artisanat ou a travaiiler
d a s les champs agricoles. C’est I’époque du soleil, des cérémonies a caractere
communautaire de Tuapurie et des voyages rituaiisés des représentants des tukite
ainsi que des migrants. Les fetes de Tuapurie sont moins prisées que celles des
tukite. Ce fait montre la prééminence des ranchos et des tukite dans la vie sociale et
politique, ainsi que l’importance de la migration lors de la saison seche. Enfin, la
.
période seche est aussi celle de l’école. Les enfants scolarisés et les professeurs,
-,
ainsi que des femmes et quelques représentants des institutions, foment le gros
des résidents permanents a cette époque de l’année.
251
Chapitre 6 : La hierarchie indigene
1) Les piliers de la tradition geiyovi
Les piliers de la tradition sont les anciens b&erutsuci, les chamanes et les
.
.
personnes qui prennent part a la vie des &te
pour une durée de c h q anS, les
jicareros ou porteurs de coupe votive xukun’iate. Les kiwiterutsixi et les chamanes
membres des tukite integrent le conseil des anciens, l’autonté politique maximale,
alors que les porteurs de coupe votive cooperent a la vie du tuki au nom de leur
lignage. Les chamanes, qui ne sont pas membres de la hiérarchie du tu&, peuvent
&re plus ou moins influents en fonction de leur expénence et de leur nombre
d’apprentis et de patients. Leur initiation les predispose a prendre part a la vie des
tukite parce que n’y siegent que des chamanes expérimentés. Tout dépendra de leur
capacité a élargir leur cercle d’infiuence. A l’image des piliers qui soutiennent le toit
du W, les chamanes sont les piliers de la reproduction sociale, de la tradition
.,*-.
yeiyan..
1.1. Les chamanes ou mara’akate
1.1.1. Qu’eaccr que la chamanisme 2
,-
Le róle central des chamanes est l’une des trois caracténstiques de la societe
wixárika. Or, il est plus facile de le prétendre que de le démontrer tant le tenne de
chamanisme pose probleme. Les tentatives de définition a partir de la comparaison
..,
entre aires culturelles et époques montrent que les traits communs sont peu
,. ...,
nombreux. Le chamanisme serait-il une construction des sciences sociales ?
.-
Rossi (1997: 24) s’est posé la question de savoir comment a évolue le
f,
concept de chamanisme parmi les sciences sociales, en particulier en Anthropologie
, -,
et en Histoire des Religions. Au début, les travaux relatifs au chamanisme étaient
empreints d’évolutionnisme et le concevaient comme un résidu de pratiques
amenées a disparaitre. A partir des années sokante, ils s’onenterent soit vers
l’expénence subjective du chamane, notamment c e w de Mircea Eliade, soit vers les
_-
logiques collectives du
chamanisme et
ses fonctions tant
politiques et
thérapeutiques que d’intégration sociale. Au dela des divergences, ces approches
s’accordent sur deux points. En premier, que le chamanisme n’est pas un
épiphenomene de la communication entre morts et vivants qui apparait partout
dans le monde. En second, qu’il n’est pas non plus un trouble pathologique lié au
vécu individuel. Ces deux définitions par la négativene répondent guere a la
question de savoir ce qu’est le chamanisme.
Chapitre 6 : La biérarchie indigene
258
Pour Pemn (1995 : 5-1 l), les trois caractéristiques du chamanisme sont :
une conception dualiste du monde et de la personne, un mode de communication
spécifique entre ce monde-ci et le monde-autre, notamment au moyen du reve, ainsi
qu’une institution sociale dont la principale fonction est de rétablir des
déséquilibres de différents ordres. Cette défuiition est prOviSOire et constitue plUt6t
un idéal type (Ibid : 5) et c’est pourquoi nous l’enrichissons des spécificités propres
.~.
au I monde n wixárika.
En ce qui concerne la premiere caractéristique, notre sentiment est qu’en lieu
et place d’une conception dualiste de la personne et du monde il est préférable de
lui substituer celle de la nécessité de l’aitérité pour définir l’identité. Or, les figures
_.,
de l’altérité sont multiples : le monde des ancétres ou des dieux, mais aussi celui
des wixaritari des autres communautés, des autres lignages, des métis, des gringos,
etc. La seconde caractéristique est de loin la plus intéressante parce que c’est la
facon de communiquer avec ces * autres n qui est a notre avis propre au
chamanisme. Le réve est une piéce fondamentale du puzzle wixkika. Les
chamanes, mais aussi les anciens et les porteurs de coupe votive sont des
médiateurs entre les ancetres kakauyarDn‘ et les vivants, gráce a la maitrise de la
cx
technique du réve*. 11s sont jusqu’a un certain point leurs représentants panni les
humains. Le reve consiste en le voyage de l’áme iyari ;la maitrise de cette technique
,-
s’apprend. C’est par le biais de la consultation de leurs réves que les membres du
conseil des anciens proposent les candidats a l’obtention de responsabilités
,,.I
politiques et cérémonieiles. C’est la technique du r 6 e et le róle social de ses maitres
qui permettent de caracténser la société wixárika comme chamanique. En effet, si
le chamanisme est indiscutablement une institution sociale, c’est parce qu’ii joue
un róle clé dans la reproduction sociale. Or, nous montrerons dans le demier
chapitre qu’il ne s’agit pas d’une reproduction a l’identique, d’un retour a
l’équilibre. L’état de desequilibre est plus une regie qu’une exception. Le
chamanisme prend part a la dynamique sociale et a notamment pour vocation de
. ^*
faire aller la société vers l’avant, en l’ouvrant vers les autres, en faisant sienne
certains aspects de l’aitérité.
-,
..
,”-.
-
11 convient d’établir une distinction entre ceux qui maitrisent cette pratique, les chamanes et
membres du Conseil des Anciens, et ceux qui sont en cours d‘apprentissage. Certains porteurs de
coupe votive sont des apprentis, des écoliers d‘une gigantesque salle de classe, dont le cocur est le
centre cérémoniel h<ki et les limites sont les points cardinaux de la géographie mythique wixarika.
Cependant, tnus les porteurs de coupe votive ne se destinent pas a &re des chamanes ; pour une
grande partie d’entre eux, ils coopérent a la vie du groupe au nom de leur @ w e . Ces demiers sont
initiés au a r&e n mais n’en dominent pas la technique : ils restent places SOUS la surveillance de
responsables.
2
259
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
Dan~
ce chapitre, nous traiterons de l’organisation sociale d’un point de vue
statique. Nous la décrirons telle qu’elle nous est apparue au cours des séjours de
terrain. La perspective dynamique sera abordée au cours des deux chapitres
suivants sur la base des questions, ces signaux a priori de déséquilibre, que la
perspective statique laisse en suspens.
1.1.3. Devenir chamane
,
I1 y a deux sortes de chamanes ou mara’akate : ceux qui savent soigner et ceux qui
,..,.I
savent soigner et chanter. L’initiation chamanique se réalise en plusieurs étapes et
il est plus long et dinicile d’apprendre a chanter que de soigner.
Une personne peut étre prédisposée a devenir chamane. I1 y a des noms
prédestinés, donnés par les grands-parents, attestant du role fondamentai que ces
<I.-’-
demiers jouent dans l’initiation (Lemaistre, 1997 :47) et plus généralement dans la
transmission de la tradition yeiyari. J’ai pu observer le soin particulier qu’attachait
,.
un prestigieux chamane a emmener partout oü il allait son petit-fils uxa tilki3. Alors
ágé de trois ans environ, il recevait de son grand-pere de petites portions de peyotl.
Celui-ci me comrnenta que son petit-fils
,.
U
sera mara’akame ~ 4 Par
.
ailleurs,
Les parents peuvent faire le v o x d’apprendre pour leurs eníants, mais sans
le leur dire. Quand l’enfant devient u jicarero B, ii voit, ii apprend bien et
devient chamane en cinq ans. Mais a condition qu’ii ne sache pas (la
promesse faite par les parents). Quand ses parents décedent, ii garde tout le
pouvoir5.
Etre un enfant predispose n’est pas suffisant car il faut prendre la décision
,..”.
d’entreprendre l’initiation. Elle commence par un don des ancétres : I’acquisition
d’une s vision x nierika. L’histoire de vie suivante met en évidence que cette capacité
a
u
voir
n
est un don recu des ancetres. Une fois sa décision prise, l’apprenti doit
faire preuve d’une détemination sans faille car l’initiation est a bien des égards un
chemin parsemé d’embúches.
Matsia est un jeune mara’akame agé de vingt-six ans. I1 ne connut pas son pere qui
était onginaire de Keuruwitia de par son pere et de Rawepa de par sa mere. Quant a
..
”
sa mere, elle grandit dans le rancho patemel, a Rawepa, alors qu’elle etait onginaire
de Keuruwitia. Une fois veuve, elle s’installa dans la ville de Durango avec ses
.Selon Lemaisixe, il s’agit d’un nom prédestine (Ibidem).
Journal de terrain, octobre 1998.
5 Journal de terrain 23 mars 2000.
3
4
260
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
quatre enfants. Plus t a d , elle aurait laissé Matsia et son unique f i e dans Sa
loc&te d’origine, a Rawepa. A l’ápe de quatorze ans Matsia fut appelé
porteur de coupe votive du
devenir
tuki de Rawepa. Les Anciens lui dirent qu’gs 1’aVaient
beaucoup révé. I1 ne comprenait pas. Plus tard il compnt : il u vit
,...
a
m.
Autrement dit il
compns qu’il était destiné a devenir chamane et c’est pour cela quU accepta d’étre
le porteur de la coupe votive, celle de la terre Yulianaka, durant cinq années de
pluss. Selon Matsia, seuls les porteurs de coupe votive qui s’engagent, ceux qui font
une promesse, apprennent a soigner. Dans le cas contraire ils se contentent de
coopérer et il ne s’agit pas d’une initiation.
Maintenant, cela fait treize ans qu’il s’est engage et a pns la decision de
devenir mara’akarne. I1 sait deja soigner et chante dans des fétes de ranchos.
,...
i_..
,..
Cependant sa formation n’est pas encore achevée et il prévoit de la terminer dans
deux ou trois 01187. Au bout de cinq années, une personne sait soigner. Cinq années
plus tard elle sait chanter. Matsia est deja passé par l’étape o u Yon apprend du cerf
et du peyotl,
n
c’est la méme chose x , et puis par celle du feu. La demiere est celle
des pluies et de la foudre. I1 sait déja se transformer en loup, et pour cela N il faut
savoir écouter x, mais pas encore en puma, en jaguar o u en aigle. 11 en est a cette
,_<
,.
étape, l’ultime et la plus diffcile,
ou il est question de dompter la foudre. Durant les
nuits de tonnerre, il est aux aguets : il doit réussir a déposer une coupe votive la ou
va tomber un éclair. Une fois que l’on sait dompter la foudre, le chamane et son
épouse portent a leur poignet un bracelet de perles bleues et blanches appelé
Matsia. L‘initiation a pris fin et peut étre rendue publique.
Ce jeune rnara’akame n’a pas d’épouse. C’est un fait rare entre les
.,I
mara’akate, bien que celui qui l’aida dans son initiation ne se maria pas non plus.
Peut-étre est-ce pour cette raison qu’il le choisit. Matsia n’est pas marié pour une
..”,,
bonne raison : il est homosexuel. I1 aurait reconnu avoir eu des relations sexuelles
avec des hommes lors des séances de confession qui ont lieu au cours des
pelerhages au peyotl. Une abstinence sexuelle stricte est requise a différents
moments de l’initiation. De par son homosexuaiité il est relativement discriminé par
les siens : a deux reprises j’ai assisté a des séances publiques de moquene a son
égard. Mais le jeune homme a du mordant et sait rétorquer. I1 est possible d’étre
mar% lorsqu’on décide de devenir chamane, et dans le cas contraire, ii faut attendre
6
_..*
Pour étre porteur de coupe votive, il faut étre a priori marié. Ce n’etait pas le cas de ce jeune homme.
Das une cérémonie postérieure, aiors qu’il n’éíait toujours pas marié et participait en iant que
sacrifrant, c’est sa seur qui porta sa coupe votive.
7 De sorte que le temps de formation totale est de 10 B 15 ans et confme les données recueillies par
Lemaistre (1997 : 71).
-
d’avoir termine l’initiation pour se maner.
celalui
ceux qui lui demandent ironiquement q u a d
-.-.I.
d’excuse pour faire patienter
va enfin prendre une épouse. si un
apprenti est deja marie et veut prendre une seconde femme pendant son initiation,
il peut s’unir a eíie s’il en demande la permission, d a s le lieu sacre oÜ il S’était
engagé a devenir chamane. I1 devra alors faire une coupe votive xukuri avec cette
seconde épouse. Selon Matsia, les apprentis qui prennent une autre femme sont
moins eficaces : u iis soignent moins bien
n.
Quand a c e w qui ne vont pasjusqu’au
bout de leur initiation, ils se dédieraient a la sorcellerie, par jalousie dit-il.
Une autre personne me confia que c e w qui échouent, en raison des fautes
sexuelles commises pendant l’initiation chamanique, se suicident parfois par
pendaison ou en sautant d‘une falaise ; parfois certains sont retrouvés noyés. Le
suicide est de nouveau a x l‘honneur
I)
et sanctionne ceux qui ne réussissent pas a
vivre leur sexuaiité selon les normes. Je lui demandai si, en raison de la violation de
la promesse, l’épouse et les enfants d’un apprenti fautif risquaient d’étre malades.
Dans le cas oü la femme n’a pas fauté, elle est épargnée et doit aller déposer des
offrandes dans le lieu ou son maxi s’était engagé avec elle. Mors, elle conserve le
pouvoir, autant dire le savoir, et si elle le souhaite, elle peut devenir chamanes.
Les chamanes ne se consacrent pas seulement a soigner et a chanter. 11s
peuvent aussi avoir une boutique, du bétail, etc. Ce jeune homme a d’ailleurs
plusieurs occupations. I1 soigne des jeunes enfants et chante dans des fétes de
ranchos et est aussi auxiliaire de sante 4 RawepaQ et membre d’une association,
placée sous la tutelie d’un nutritionniste de l’üniversité de Guadalajara. Pendant
quelques années, il travailla a Tijuana. I1 y vendait de l’artisanat a m u gringos x. La-
.
bas vivent aussi deux de ses frees, l’un travaille dans une fabrique de Tijuana et
l’autre dans les champs agricoles d’Ensenada. Deniierement, avec son beau-frere et
sa sceur, il a ouvert une épicene pres du centre cérémoniel de Rawepa. I1 a
plusieurs cordes a son arc. Matsia est en effet une personne subtile, ouverte et a
mon plus grand plaisir, rieuseio.
1.1.3. Chwnanes et sorciers :le cercle á’iqfluence
Les chamanes savent soigner et peuvent aussi
I
faire du mal n. L’exercice de la
sorcellerie est socialement réprouvé. Pour Matsia, ce serait par échec et par jalousie
que certains pratiqueraient la sorcellerie. Pour d’autres, c’est par gout de l’argent ou
Journal de terrain 23 mars 2000.
Programme d’Amplification de la Couverture midicalc du Miniatere de la Santé.
10 Les données recueiiiies SoUs la forme d‘une histoke de vie sont principalement extraites des
journaux de terrain du 14 octobre 2000 et du 18 avril20Oi.
8
9
262
Chapitre 6 : La hiémchie indighe
par recherche du pouvoir. J’ai obsewé que la nvalité entre chamanes est tres
importante. En voici deux exemples :
Un chamane, qui est chanteur d’un centre cérémoniel, me confie un jour que
les autres chanteurs
~l
ne savent nen
x.
Quelques temps plus tard, a la suite du
déces d’un chamane, une rumeur se répandit : on l’accusait d’étre le responsable de
sa mort. I1 lui aurait jeté un sort. Le. responsable du chant funéraire ne
diagnostiqua pas publiquement le déces par sorcellene, afui de ne pas souffnr la
vengeance de l’accusé, mais il aurait fait part de ses soupcons a la famille du
, -
défunt. La charge de chanteur du centre cérémoniel ne lui fut pas confiée pour les
cinq années suivantes. C’est, dit-on, a parce qu’il ne s’entendait pas avec les autres
chanteurs dl.
..,.
En une autre occasion, un homme se plaignit d’un chamane-chanteur parce
~
.-
,
.1
qu’il colportait des rumeurs au sujet de son pere. Or, son pere était un chamane
qui avait initié celui qui est maintenant devenu son rival.
Les rumeurs et accusations de pratique de la sorcellerie mettent a jour les
limites des cercles d’influence des chamanes. Celui qui est un tres bon chamane
pour les uns peut étre un sorcier pour les autres, et vice-versa. A chaque chamane
”-
correspond un groupe de soutien, un cercle social sur lequel il s’appuie. Selon
Fajardo (2000 : 1lo),
,-
Cada uno de los mara’akame tiene un circulo de influencia, estrecho y
amplio, que descansa en sus familiares, discípulos en capacitación, así como
pacientes tratados y famüiares de éstos. La expresión de tal influencia es
manejada a veces en aigunas decisiones colectivas como elección de
autoridades tradicionales, o de candidatos de partidos políticos, juicios
públicos sobre familias entre familias, incluso manejo de fondos
institucionaies.
,..,-
, ...
Chaque rnara’akarne a un cercle d’iniluence, bien délimité et ample, qui
repose sur sa famille, ses disciples en formation, ainsi que sur les patients
qu’ii traite et les parents de ceux-ci. L’expression de cette iníiuence est
pariois manipuiée a l’occasion de certaines décisions collectives telles que
l’élection d’autorites traditionnelles, de candidats de partis politiques, de
jugements publics sur ou entre f d e s , voire meme en ce qui conceme
l’emploi de fonds institutionnels.
I
Les accusations de sorcellene sont un moyen de contrebaiancer le pouvoir des
chamanes et des groupes qui les soutiennent. De plus, comme le montre l’anecdote
suivante, ils n’ont pas le monopole de la communication avec les ancétres au moyen
du
H
réve W. Toute personne peut étre susceptible de recevoir des messages, des
11Journal
de terrain du 14 mars 2002.
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
263
iriformations, des dons de la part des ancétres. Tout le monde r&e apres toUt...et
les chamanes n’ont qu’a bien se tenir I
En 1992, une femme t o m b malade pendant 3 mois et 3 jours. Elle ne
pouvait boire que de l’eau et du tsinari, une épaisse boisson de maisl? Elle se
demanda si elle était responsable de sa maladie. Ou recevait-elle une punition de
Dieu 3 Ou quelqu’un h i voulait-il du mal 7 Aprés trois mois, elle fit un reve. Une
vieille femme a w cheveux blancs’3 lui indiqua de regarder devant elle. Elle
reconnut le tuki de Keuruwit+a. I1 y avait un homme a l’intérieur, qui ne pouvait
pas la voir, il manipulait des coupes votives bleues. Celles-ci étaient disposées
autour d‘une grande coupe votive, celle du soleil. Elle reconnut l‘homme14. La vieille
femme lui dit alors de regarder demere elle. Puis elle lui dit de regarder en haut.
Mors elle vit un homme formé en croix qui avait les cheveux longs. Avec ses
cheveux, il lui b m a la vue. Elle se réveilla. Elle n’était plus malade. A la demande
de son épow, ils firent une féte une semaine plus tard. Pendant la fete, le
rnara’akame ne diagnostiqua pas que quelqu’un lui avait fait du mal. Selon elle,
bien qu’il ait pu voir si elle avait été victime de sorcellene, il aurait préféré se take.
Sinon, il serait entré dans une lutte a mort avec le sorcier. C‘est pourquoi un
chamane dira toujours au malade que son mal-Etre est dú au fait que u tu n’as pas
déposé tes offrandes 11.15
En conclusion, plus les chamanes sont prestigieux, plus leur cercle
d’iduence est grand, et plus ils sont respectés et craints a la fois. Pour Lemaistre
(1997 :66),en raison de I’amplitude de leur savoir, les membres du conseil des
anciens sont craints et 4 l’accumulation méme de ce savoir les rapproche de la mort
et donc des pratiques de la sorcellene n.
1.2. Le Conse11 des anciens du tuM
Dans la communauté de Tuapurie il existe trois tukite situés dans les localtés de
Keuruwitia, Rawepa et Tuapune. A chacun d ’ e w correspond une zone d’iníluence,
un districtl6, constitué d’un certain nombre de localités. Le tableau suivant montre
de quelle faqon est répartie la population, par localité, entre les trois districts. Celui
12 Refuser de boire de l’eau et de manger du mais reviendrait a déshonorer Niweisilca. Pour une
femme, c’est impensable : elle est chargée de prendre soin de Nwetsilar
13 11 s’agit de 1’Arriere Grand-Mere Takutsi NQkaWe.
1) Elle n’a pas cite son nom lors du récit, mais plus tard. I1 s’agit d’un chamane prestigieux, membre
du conseil des anciens.
15 Journal de terrain 28 mai 2000.
16 La zone d’influence d’un niki est nommie * district rn par Weigand (1992, 44-68). Afm d’iviter la
démultiplication des termes employis par les anthropologues pour designer un meme objet, j‘utilise
aussi le terme de N district a pour designer la zone d’influence d‘un niki.
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
264
de KeuruwiGa est plus densément peuplé que les deux autres. Au niveau politique
communautaire, les responsables de ce district sent particuliérement influents.
Tableau 14 :
Réputition de la population par htki d.ns la communautb de TuapUAO*
,.
.,,
...”
.,..-
Source: ‘Rasgos biopsicos, sociocultumles y de sistemas pmducths pam el
ordenamiento tenitonal
de la w ’ 6 n URranW, Universidad de Guadalajara, CUCEI, UCIHJ, CONAQ’T, IN1 Jalisco, 1997.
.,..
Chaque district constitue une entité politico-sociale. Le conseil des anciens n’a
d’autre siege que les centres cérémoniels tulcite et la Casa Real du chef-lieu de
-.
Tuapune. L’autonté des anciens des tukite prime sur celle des autorités
communautaires. Les anciens lcawiterutsixi sont l’autonté maximale et nomment
les personnes chargées des responsabilités suivantes : chanteurs et porteurs de
” Donnee queje
considkc incorrecte.
Etant donné que la localit6 de Taymarita est situ& a égaie distance entre les ”Mite de Keuruwitia et
de Rawepa, ses habitants vont aux fetes de 1Zin ou de l’autre. Bien que cela soit arbitraire, j’ai choisi
d’attribuer un montant identique dhabitants de Taymdta a l’un et a l’autre des deux % M e .
18
Chapitre 6 : La hiérarchie in&gene
265
coupes votives des centres cérémoniels Tukite, membres du gouvemement
traditionnel et autontés agraires. ~e processus de sélection se réalise au moyen de
la consultation entre les anciens de leurs
N
réves
u.
Ensuite, les propositions de
nomination sont rendues publiques et ce sont les autontés sortantes qui sont
chargées de convaincre les candidats a leur succession.
Le conseil des anciens se compose de deux membres a vie, les h w i t e r u t d d 9 ,
et des trois chanteurs principaux du tuki. I1 est d’usage que ces demiers oficient
pendant au moins deux pénodes de cinq années. Le porteur de la coupe votive du
Solei1 Tayau, une entité ancestraie éminemment politique, est également invité a y
siéger. Cependant, ce demier n’est en poste que pour une durée de cinq années.
Un kawiterutsi est nécessairement un chamane qui sait chanter. C’est en
fonction des services qu’il a rendu au district et a la communauté qu’il devient
candidat a intégrer le conseil des anciens. Un
kawiteru est le dépositaire vivant du
savoir et est chargé de le transmettre. Le terme de
kuwitu signife
I
narration *
(Montemayor, 2000 : 102). Le kawiteru est le narrateur des récits de fondation et
l’incmation de la parole des ancetres. A chaque
htki correspond un groupe de
trois chamanes-chanteurs : celui de la saison des pluies et celui de la saison séche
et celui du pelerinage a Winkuta. 11s dingent les activités cérémonielles du groupe
des porteurs de coupe votive xukuri’ikate20. Les responsables immédiatement
supéneurs de ceux-ci sont les porteurs des coupes votives de tarnatsi, notre frere
a i n é le cerf bleu, puis de Tayau, notre pére le soleil. Pañois, un chamane-chanteur
cumule une méme responsabiiité entre deux tukite. C’est le cas du chanteur du
pelennage a Winkuta qui oficie a Rawepa et a Keuruwitia. Ou encore celui de l’un
des kawiterutsixi de Keuruwitia qui est aussi le chanteur des pluies de Rawepa. Les
anciens de la communauté ne sont pas quinze, mais une poignée d‘hommes ágés et
respectés, dont l’autonté se fonde sur un cercle d’innuence plus ou moins vaste.
L’ultime division politique du district correspond a celle qui sépare les partisans des
kawiterutsixi. Le conseil des anciens n’est pas un groupe situé au faite d’une
pyramide. Chaque hcki a des intéréts propres et des lignages qu’il réunit sont des
deux
unités socio-politiques qui ne s’emboitent pas au sein d’une structure plus vaste et
homogene, la communauté indienne. Selon Negrin (1985 :16),
Dentro de cada grupo tribal existían bien definidos clanes de famüias
extendidas y vecinas con una relación endogamica e intereses regionales
en común. Cada clan tenía su propio centro ceremonial, tuquipa, como
19
20
Kawitem : suigulier, Kawiremfsui : pluriel.
xukun’ikame : singuüer, mkun’ikade :plunel
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
266
lugar de aSamblea politico-religiosa. Ai jefe del clan le pusieron el nombre
de comisario, dotado de su propio top’i,y en efecto un Tatoani local, en
segunda representación del Tatoani de la cabecera general. Este sistema de
gobiemo tradicional no fue invento de los franciscanos, a pesar de los
El sistema de clanes o
titulos españoles de las autoridades secund-.
tuquipa corresponde a regiones geográficas bien deñnidas por la orografía y
los lazos familiares. Hoy día este sistema de gobiemo por consultas
populares, en asambleas a nivel de clan, con ocasión de fiestas paganas en
los tuquipa, es todavía el que impera en la comunidad de Santa Catarina,
Tuapurie.
Dans chaque groupe tribal existaient des clans bien déñnis constitués de
famiiies étendues et voisines qui entretenaient une relation endogame et
avaient des intéréts communs. Chaque clan avait son propre centre
cérémoniel, tuquipa, le lieu de l’assemblée poiitico-reiigieuse. Au chef du
clan ils lui donnerent le nom de Comisario, doté de son propre topil, en
quaiité de tatoani local qui représente le tatoani de la cabecera générale. Ce
systéme de gouvemement traditionnel ne hit pas inventé par les
franciscains, maigré les noms espagnols des autorités secondaires. Le
systeme de clans tuquipa correspond a des régions géographiques bien
déiinies par l’orographie et les liens famüiaux. Aujourd’hui, ce systeme de
gouvemement de consultations populaires, lors des assemblées du clan a
l’occasion des fetes paiennes des tuquipa, est toujours celui qui est a
l’auvre dans la communauté de Santa Catarina, Tuapurie.
Les intérets de la communauté sont subordonnés a ceux des tukite et des lignages.
Ce systeme social est
u
tuki-centrique
*.
Ce
u
tuki-centrisme N se manifeste aussi
dans la maniere dont sont réparties les charges de jicareros ou porteurs de coupe
votive xukun’ikate.
1.3.
Les porteurs de coupe votive x u k u r l Y k a t e
1.3.1. Porter la masque d’un an-
A chaque tuki correspond un district. Tous les cinq ans, au sein de sa population,
sont désignées les personnes chargées de mener a bien la vie du tuki. Les membres
du Conseil des Anciens proposent les candidats. Le jcarero sortant est chargé de
convaincre le candidat a sa succession de l’importance de réaliser cette activité,
jusqu’a ce qu’il accepte d’assumer, ou non, cette responsabilité. La responsabilité
est attribuée a un couple; c’est la femme qui manipule la coupe votive
correspondant a l’ancétre que le couple incarne21. I1 ne s’agit pas seulement
d’honorer un ancetre mais de le représenter, de porter son masque. Au sein du
groupe de jicareros les personnes s’interpellent par le nom de l’ancetre qu’iis
représentent.
Les jicarems doivent faire la coupe votive de l’ancetre qu’ils incarneront (Kindl, 2000). Les coupes
votives ne circuleraient donc pas entre un groupe de &xarerns soriants et un groupe de jicareros
entrants.
21
267
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
La charge de H V e n est attribuée a un garcon et une fdle ágés entre 5 et 10
ans
environ. 11s sont responsables de porter les objets rituels nécessaires aux
sacrifices. En raison de leur jeune @e, ils sont considérés comme étant purs, ils ne
connaissent pas encore la souiilure sexuelle. Leurs parents sont de par le fait
engagés envers le
tuki. C’est leur mere qui porte la coupe votive.
La charge de jcarero requiert une grande disponibilité. Durant cinq années
consécutives, le couple participe a un grand nombre d’activités : de multiples rituels
se succedent22, des voyages pour d e r déposer des offrandes, trois pelerinages a
Wirikuta, les chasses précédant les rituels, la culture du mais pour le compte du
centre cérémoniel, la réparation des toits des temples xinkite et du tuki, etc. La
réaiisation de ces activités a caractére coopératif implique que ces personnes ont
peu de temps a consacrer a leur activités familiaies : ensemencer leurs parceiles,
faire de l’artisanat ou encore migrer. Les porteurs de coupe votive parlent de leur
responsabilité comme d’un travail diffkile, pénible, un sacrifice : une charge.
1.3.2. Lu hihamhie ües charges du tuki
La hiérarchie d’un tuki est présidée par le conseil des anciens : deux kaWitemts¿ri,
trois chamanes-chanteurs et le porteur de la coupe votive du Soleil Tayau. La
hiérarchie indigene du
hcki se décompose en trois groupes, celui des chamanes-
chanteurs, le représentant du soleil, les cerfs bleus et ses freres cadets, les
représentants des autres ancétres principaux et les enfants haqum’.
Les chamanes-chanteurs qui dirigent les rituels du groupe sont au nombre
de trois. Le chanteur de la saison seche et confesseur du pelerinage a Wirikuta
idcuekame ; c’est le
N
porteur de la fleche
I).
Le chanteur de la saison des pluies
hckarima’ana. Le chanteur du pelerinage a Wirikuta qui offcie durant la Féte du
peyotl Hikuri Neixra.
Le responsable du groupe des porteurs de coupe votive est le chamane qui
incarne I’ancetre cerf, notre frere ainé Tamatsi Kayaumari. I1 est assisté par cinq
seconds porteurs de coupes votives de cerfs : Tamatsi Panetsika, le cerf de I’onent,
Tamatsi %aka Teiwan, le vent, Tamatsi iriye, la fleche, Tamatsi Walciri, le Tepehuan,
et Tamatsi Teiwan Yuawi, le métis bleu23.
Voir la section a Le cycle rituel *.
N’ayant pas obtenu une liste complete des coupes votives au cows de mes séjours de terrain, je
m’appuie sur le matériel publié par Neurath (2000). Au début des années quatre-vingt-dix, ii a fait un
travail de terrain dans ce district. 11 a en grande partie travaiiié avec un kawitem de ce district,
aujourdhui décédé ; c’est pourquoije considere ses données fmbles. Par ailleurs, jhi remarqué que les
charges ne sont pas identiques entre les tukite de Keuruwitia et de Rawepa ; cette information ne peut
etre généralisée a l’ensemble des centres cérémoniels.
22
23
..
L~ porteur de la coupe votive du Pere Soleil Tayau est le responsable
...
immédiat apres Tarnatsi.
Les autres jicareros sont responsables des coupes votives suivantes :
TatWari, notre grand-pere le feu, Tatutsi M a x a b d , notre aniere-grand-pere
queue de cerf, Kamikime, le loup, Xurawe Ternai, l’étoile du matin, N & &pluies
torrentielles, Tsakairnuta, cerf de la Mesa del Nayar, Takutsi, notre grand-mere de la
fertilité, K u h r e , l’aiglette a queue rouge. De plus on compte les cinq meres de la
pluie et les cinq chasseurs. Les meres sont Tatei Kiewimuka, pluie de l’occident,
-.,
Tatei Nia’anwarne, pluie de l’orient, Tatei Ywiarneka, pluie du nord, Tatei
Xapauriyerne, pluie du sud, Tatei Uti’anaka, mere des poissons et Tatei Werika
~.,..
Wirnan, la jeune Aigie. Les chasseurs sont aussi les représentants des cinq points
cardinaux : wawatsan, le sud et jaguar Tuwe, Ututawi; le nord et puma Maye,
.” ~ - ,
-.
<_
,.-.
,..-,,
Tsipurawi, l’ouest et loup Lxawe, Tutu Hauki, l’est et lynx kaprwi, Tututaka-Pitsiteka
le centre et chat sauvage Mitsu.
Enfin, les benjamins de cette organisation sont le couple d’enfants Haquen,
les anges.
Le nombre de coupes votives honorées aurait augmenté au cours de ce siécle. Alors
qu’en 1938 Forgen Myers répertona douze divinités célébrées a Keuruwitia, en 1971
John et Colette Lilly en comptabiliserent 2524. A lheure actuelle le nombre de
coupes votives, et donc de divinités célébrées, est de plus de trente. Cela atteste
I
d’un important renouveau culturel, voire d’une croissance démographique et
lignagere. J’ai remarqué qu’il n l avait pas deux freres ou hommes appartenant a
, ...,
un meme lignage qui soient porteurs de coupe votive en méme temps. C’est
pourquoi l’augmentation du nombre de coupes votives serait proportionnel a celle
..-.
..^I
,
de la population et des groupes lignagers.
1.3.3. Les ruiCitraS üu tuki et des xirlMte Zigncagers
A chaque lignage correspond une maison de ses ancetres familiaux et de l’enfant
mais Niwetsika, appelée xiriki. Ce temple est une maténaiisation du lignage
patrilinéaire. Au centre du rancho kiezs, la ou vit le patriarche avec ses épouses et
une partie de ses enfants et beaux-enfants, se trouve une cour nommée t a b a . On
”
y ailume le feu autour duque1 les personnes se réunissent pour discuter de facon
Commentaires de I’eXPOsition de photographies de John et Colette Liily, Museo Zacatecano,
Zacatecas, octobre 2000.
25 ~ i: singulier,
e
Kiete : pluriel.
14
-
-,
__I-
269
Chapitre 6 : La hiérarchie
formelle ou informelle. Le feu est un ancétre, le grmd-pére Tatman, caeur de la
famille et symbole de sa vitalité.
~
Par le biais du systéme de charges du hki, les lignages contribuent a la
realisation des activités cérémonielles du district. Le tuki est la maison des ancétres
pnncipaux26. Les Wixaritari considérent &e
leurs descendants. Selon Neurah
(ZOO0 :71), les relations de parente entre les ancetres du
iuki
et les Wkaritari
peuvent étre schématisées de la facon suivante :
Figure 19 :
Relations de parent6 entre les amétres du
m
P
u
M at les Wharitui
.L
.
--<
Tututsi M
m Kwan fut le premier chef a diriger le pelennage au peyotl. C’est le
premier chef de la hiérarchie du tu&. Le tuki, c’est sa maison. Son siege est installé
,.
au faite du toit, sur la barre transversale. Le feu de T a t u a n est situé au centre,
-.
entre les deux piiiers qui soutiennent le toit. Sous le foyer se trouve une pierre
sacnficielle Tepan. Le tuki est le centre du monde, le lieu oü b a l e le feu Tatewan,
symbole de la vie des habitants du meme district. Aux quatre autres points
cardinaux sont disposées, sous la terre, des pierres sacrificielles. La porte du tuki
, .”_
est onentée vers l’est, vers le levant, en direction de la terre du peyotl, la oü se leva
pour la premiere fois le solei1 dans le ciel, l’aboutissement du chemin de création
,,
-.
wkárika qui va d’ouest en est. La porte du
Ces ancéires ne sont pas seulement ceux du district mais aussi ceux du groupe ethnique.
L’ensemble des Wkaritari partagent un méme panthéon myihologique.
26
..
tuki donne sur un temple xinki, consacré
270
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
a I'anCétre tutéiaire de ce
wki: pan&&a27. Vers l'ouest est instaíié un aUte1, Cehi
de Haramara. En effet, les -btari
regardent vers l'est, le nord se trouve alors a
leur gauche, le sud a leur droite et leur lieu d'ongine dans le dos. Le
une place, un peu plus basse que le sol du
,"
tuki, le
tuki donne sur
tuhipa, qui est entouree de
plusieurs temples xirikite. Le tuki de Keuruwitia et ses temples xirikite sont disposés
de la facon suivante.
_I
Fig. 20 : Disposition des temples i Keuruwitk
,-
Les xirikite qui bordent la place tuhipa sont orientes vers l'est, le nord et le sud.
Ceux de l'est sont consacrés au soled Tayau, au cerf ainé Par¿et&
et au vent
% a h . Ceux du nord a Nia'ariwame (1) et a Tahtsi (2). Ceux du sud aux meres de
la pluie du sud Xapawiyerne (3),de la Mesa del Nayar Kiewimuka et Tsakairnuta (3),
du Nord ainsi qu'aux freres ainés le métis bleu de Bernalejo YVarneka et Teiwari
. .-,
Yuaui (3). A c6té de ceux-ci, se trouve la Comisaria des autorités de Santa Catarina.
Le feu Tatewari est l'unique divinité ancestrale qui existe tant au niveau du
tuki que des xirikite iignagers. A l'occasion de chaque ntuel du tuki, les jcnreros
,
mais aussi les sacrifiants occasionnels Teiwarnametezs, connectent le feu de leur
xiriki a celui du
2'
28
tuki Par exemple, ils laissent un cierge allumé dans le xiriki -ou le
Chaque tuki est placé sous i'égide d'un ancétre tutélaire.
Personnes désignées pour faire une offrande de taureau M a m ' mau cours d'une fete du IL<ki.
-
e"-....-
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
27 1
feu du talcwa- durant la fete du
tuki, de retour iis offrent au feu familial le sang du
taureau sacrifié, etc. Ces actes ntuels montrent qu'il est important de relier ces feux
et de faire comme s'ils n'étaient qu'un seul. La contribution des f e u familiacelui du
a
tuki, et vice-versa, régénere le u tuki-centrisme u.
1.3.4. Rdpartition des charges et logiquc de consensus
La répartition des charges du tuki incombe aux membres du conseil des anciens. 11s
décident des candidats au moyen de la consultation de leurs reves B. Au sujet des
,+-
...
U
réves u Lemaistre (1997 : 23) souligne que:
i.
'
le réve peut voiler bien des strategies. Si un kawitero dit qu'il a fait le meme
x réve x qu'un autre, il faut traduire qu'ils ont étabii un consensus qu'ils
pensent bénéfique a la cohésion sociale, aux relations entre M rancherías a et
groupe de x jicareros *, aux aiiiances inter-famüiales.
...
Les nominations sont en fait un sage et difficile jeu d'équilibre entre les différents
lignages. La répartition de la trentaine de coupes votives xulcurite répond donc a
."-'
i
,..
une logique de consensus.
Nous avons tenté d'évaluer le nombre de Xirikite appartenant au district de
"",
Keuruwitia, ce qui revient a évaluer le nombre de groupes lignagers du district.
Nous sommes parvenus au nombre de trente-troiszg. Bien que ce résultat ne
constitue qu'une évaluation30, il existe néanmoins une corrélation forte entre le
.-
nombre de lignages et le nombre de charges de porteurs de coupe votive
xukuri'ikate.
Confirmant l'flirmation de Negrin (1985 : 16), la répariition des charges de
la hiérarchie du Tuki obéit a une logique de consensus entre les u clans *. De notre
,
.
.
l
"
.
point de vue, ces clans sont un ensemble de lignages patrilinéaires, menés par des
patriarches, réunis sous l'égide des anciens et chanteurs du tuki. Ce sont les
,. ".
lignages qui constituent les unités politiques de base. Cette affiiation semble étre
généraüsable
a
Teponahuastlán
deux
autres
(Weigand
et
communautés
García,
2000)
wixaritari,
et
San
San
Andrés
Sebastián
Cohamiata
(Liffman,1996). Selon Liffman (1996 : 50)
Voici le détaü de mon evaluation du nombre de Xirikite par localité appartenant au district de
Keuruwitia : 6 a Las Latas (Keuruwitia), 7 dans la Sierra de Nueva Colonia, 4 a Santa Cruz, 8 a
Pedernales, 1 a La Manga et 7 a Taymarita.
'O En différentes occasions, j'ai pris soin de demander a des personnes différentes, selon des moyens
divers, le nombre de xirikite que compte une localité.
29
I
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
La base organizativa del sistema [de tenencia de la tierra] es el kie
(ranchería), controlado por el patriarca (‘ukimtsr),quien maneja la acción
ritual en tomo del adoratono doméstico (xirib). Estos ritos relacionan el
hogar familiar y su temtorio inmediato con el hogar del tuki (centro
ceremoniai) y su territorio globai. En el modelo clásico, los kiete
colindantes en el espacio son de parientes paidbeales, y se organizan en
tomo al mismo tuki (Weigand, 1992). Es decir, el único modelo perdurable
de unidad política gira en tomo de los ‘ukirawetsvB (patriarcas), quienes
mantienen lazos religiosos, políticos, económicos y de parentesco entre
kiete y tukite. (...) Este sistema de tenencia de la tierra y cargos constituye
una base para la integración temtorial wixarika: la totalidad de los lugares
sagrados, kiete y íukite conforma una red jerárquica de intercambio que
estructura la comunidad como tal, independientemente de las
jurisdicciones políticas impuestas por el Estado.
,
>- ,
212
.
,.I,
La base organisatnce du systeme (organisation temtoriale) est le kie
(rancho),contróM par le patnarche (‘ukiratsr), qui dirige l’action rituelle
relative au temple domestique (xirib). Ces rites mettent en relation le foyer
familial et son temtoire immédiat avec le foyer du tuki (centre cérémoniel),
et le temtoire global. Dans le modele classique, les kiete voisins dans
I’espace sont ceux de parents paidbéaires, et s’organisent autour du
méme tuki (Weigand, 1992). C’est-a-dire que le s e d modele perdurable
d’unité politique toume autour des ‘ukirawetsixi (patriarches), qui
maintiennent les liens religieux, polítiques, économiques et de parenté
entre kiete et tukite (...) Ce systeme d’organisation temtoriale et de charges
constitue une base pour l’intégration temtoriale wixárika : la totdté des
l i e u sacrés, kiete et tukite, forme un réseau hiérarchisé d’échange qui
structure la communauté comme telle, indépendamment des juridictions
poiitiques imposées par l’état.
Selon Weigand et García (ZOOO), la province o u habitaient les ancétres des
Wixaritari était une société formée de iignages, gouvemée par des Kawiterutfi et
orientée vers la guerre et les sacrifices. L’incorporation de nouveiíes charges
politiques fut permanente et celle de kawiteru fut placée a la base dors que les plus
récentes, a l’instar de la UCIHJ, furent placées en haut. F’résentons la nature de ces
responsabilités de caractere interethnique.
2) L8 repr6SentitiOn POlkiqUe COmmUn8Ut8h
,_.-.
Au début de la colonie, les Indiens Principales étaient responsables de la
representation politique externe. Avec la création du district de Colotlán, les Indiens
frontaliers furent dotés d’autorités31. Force est de constater que le temps passant,
ces responsabiiités furent articulées au monde socio-poiitique indien jusqu’a étre
considérées comme traditionnelles. Elles sont appelées Itsikate, ce qui signifie
porteurs de batons de pouvoir
it&. Les autorités agraires sont plus récente ; dans la
communauté de Santa Catarina, ce sont les anciens qui en proposent les candidats,
.-
c’est pourquoi eiies sont considérées comme étant légitimes.
’’ Cf.Chapitrcs 1et I1
Chapitre 6 : La hicrarchie indigene
273
2.1.1. Rirogativrr &a gouwrnement traditionnel
Le
gouvemement traditionnel se compose d‘un gouverneur tatocmi, d’un second
gouvemeur tatoani segundo, d’un alguacil alguacil, d’un capitaine capitdn, d’un
juge juez, d’un secrétaire secretario, d’un second secrétaire secretario segundo et de
“.-,
policiers topiles. Ses membres sont habituellement des hommes, cependant en
”.
_.-
2000, la derniere des épouses du gouverneur fut nommée secrétaire. Comme nous
le verrons dans le cas des autontés agraires, certaines responsabilités requierent de
savoir lire et écrire en espagnol, si bien que les professeurs et les jeunes gens qui
été scolarisés sont des candidats potentiels.
Le gouvernement traditionnel a pour vocation de régler un certain nombre
d’affaires internes: litiges matrimoniaw, vols et organisation des travaux de
réparation des édifces communautairesJz. I1 n’est pas competent en matiere
d’homicide. Dans ce cas, c’est le Ministerio Públicd3 qui intervient a la demande
d’un plaignant. Le gouvemement traditionnei et les autorités agraires sont chargées
de préparer et de présider les assemblies communales. Elles ont lieu trois fois par
,
a n , au mois de février, de juin et d’octobre.
C’est le conseil des anciens qui propose les candidats, selon le procédé déja
décrit. Le gouvernement traditionnel est reconnu par les autontés municipales. A
l’occasion de son entrée en fonction, au début du mois de janvier, les gouverneurs
sortant et entrant vont notifier leur nomination a la présidence municipale de
Mezquitic. Le gouverneur, plus que les agents municipaux34, est responsable de la
representation communautaire auprés de la municipalite de Mezquitic. I1 est invité
a sieger une fois par a n a la reunion du COPLADEMUN35 et
il r$nd régulierement
visite au Maire ou a son secretaire. I1 demande parfois des aides financieres a la
municipalité, par exemple pour fmancer les frais du rituel de changement de
gouvernement Cambio de varas, ou il suggére la réparation d’un chemin. Ces
demandes sont étudiées a I’occasion des reunions du conseii municipal Cabildo.
32
,--
La casa red est la Présidence, le lieu ou siege le gouvemement traditionnel, et la teyopm’ est
1Eglise. L‘église est le centre cérémonicl de la communaute.
33 Ministire de I’intérieur .
34 I1 y a seize agesces municipales dans cette communauté. Dans chaque localité, un homme est
responsable pendant un an des relations entre les habitants et le personnel des institutions,
notamment lorsqu’il faut organiser une réunion. Les agents municipaux sont censes reprérenter la
Mairie de Muquitic, mais les relations avec le maire et son secrétaire sont quasi inwristantes.
Néanmohs, ils peuvent utiliser le tampon de la municipalité pour sceller des actea. C’ est au C O U ~ Sde
la derniere assemblée communale annuek, au mois d’octobre, qu’ils sont nommés par le public de
l’assemblée.
35 Comité de Planeación del Desarrollo Municipal: Comite de planification du développement municipal.
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
214
Le gouvemeur est généralement un homme d’áge mur qui a déja eu plusieurs
responsabilités dans son district ou dans la communauté. Au cours des dix
demieres années, dans la communauté de Tuapurie, a la différence de celle de
Tateikie36, le profil des gouvemeurs était plut6t a modeme *. I1 s’agit de personnes
qui savent bien parler espagnol et connaissant les ressorts des institutions
métisses. Le gouvemeur est une clé fondamentaie de la représentation politique
exteme a Santa Catarina.
Etre gouverneur génere de fortes dépenses. I1 faut voyager régulierement a
.. .
Mezquitic, voire a Guadalajara, la capitale de l’état de Jalisco, pour rencontrer les
representants de la municipalité et de l’état. De plus, a la différence des autontés
,..“,
agraires, le gouvernement traditionnel est a lhonneur a l’occasion de deux rituels
du chef-lieu communautaire. Au début de l’année civiie, lors du Cambio de varus, le
nouveau gouverneur recoit du gouvemeur sortant une grande quantité de cadeaux.
>.-
C’est sa seule rétribution. Pendant toute l’année, il est tres occupé a voyager et
,.,.,
régler différentes affaires. I1 n’a pas le temps de se consacrer a ses affaires
familiales, encore moins de travailler comme ouvrier agricole ou artisan pour gagner
de l’argent. Or, il doit nourrir les participants des assemblées, payer ses voyages, et
sortir la téte haute. Lorsqu’il termine son mandat, il doit sacrifier un taureau et
,;
..
,
offrir a son successeur la méme quantité de présents qu’il a recus lorsqu’il est entré
en fonction. En général, le gouvemeur acheve son mandat endetté, et pour les plus
fortunes, appauvris. Tous s’accordent sur ce point : la responsabilité de gouvemeur
est particulierement lourde du point de vue financier. Cependant, il s’agit d’une
fonction prestigieuse
,.
-_
.,.
,.-
qui rempiit dhonneur celui qui a mené a bien sa tache.
L’année de son mandat, le gouvemeur est l’objet d’une surveillance de la part de ses
concitoyens: ils évaiuent en permanence son travail, sa capacité a se faire
respecter, sa facon de s’exprimer en public, etc.
L’exemple suivant montre de quelle facon s’est déroulée la réunion de
presentation du nouveau gouvemement traditionnel en l’an 2000. Elle fut l’occasion
d’évaluer le travail du gouvemement précédent. J’y remarquai le pouvoir morai
qu’exercent les hommes des ?Lckite.
Les autorités traditionnelles de Tateikie se Sont CaraCteriseeS par leur connaissance de la tradition ;
souvent, elles ne savaient pas s’wtprirner couramment en espagnol. Par aiücurs, le gouvemeur
app-tient
au district de San Jose (Carlos Chavez, janvier 2000). J’ai vérifie si te1 est le cas a
Tuapurie ; il n’en est rien : le gouverneur n’est pas censé appartenir a un district spicifique.
36
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
gouvemements entrant et sortant étaient réunis
275
a napurie. Le passage rituel des
fonctions avaient débuté a Mezquitic avec la notification des nouvelles autorites
aupres des autorites municipales. Une fois de retour dans leur communaute, un
chant nocturne fut réalisé a Pueblo Nuevo pour célébrer ce premier pas. Le jour
suivant, les autorités sortantes et entrantes rejoignirent a pied Tuapurie. En
chemin, elles échangérent sans c e s e des boissons atcoolisées pour célébrer le
relais des fonctions. Le jour suivant commenca la fete de la vara I1 s’agit du baton
de pouvoir ; c’est l’insigne que porte toute autorité politiquea’. C’est le gouvemeur
sortant qui fut chargé de confectionner les batons de pouvoir des successeurs. Au
cours de la joumée, il offrit au nouveau gouvemeur du tabac, des fruits, des
boissons, et sacrifia un jeune taureau le jour suivant, au petit matin, apres un
chant nocturne.
Deux jours plus tard commenca la réunion dans la cour de l’église. Les
autorités sortantes firent le rapport de leurs activités m u e l l e s puis le nouveau
gouvemement présenta ses projets. Ensuite, pendant deux jours, les travaux de
réfection de la casa real se poursuivirent. Le gouvernement sortant n’était pas
parvenu a terminer dans les délais ces reparations et il fut l’objet de critiques
séveres.
La réunion aurait díi commencer la veiile. Elle avait été ajoumée parce que le
commissaire des biens communaux était absent. En attendant son arrivée, les
autorites avaient regu les membres de I’ONG Conservación Humana A.C. venus
pour dormer une copie digitale du titre de propriété agraire datant de la ViceRoyauté. Finaiement les Topiles revinrent accompagnés du commissaire des biens
communaux. La réunion débuta le jour suivant a 10 heures du matin. Le public
était composé de quelques habitants de la locaiité, de deux chanteurs du tuki de
Keuruwitia, des autorités agraires et des peyoteros de Tuapurie38. Le gouvernement
sortant allait entamer la presentation de son rapport lorsqu’un homme respecté de
Keuruwitia39 fit remarquer que chaque agent municipal sortant devait aussi
Ceux qui poss*dent un baton de pouvoir sont les membres du gouvernement traditionnel et les
porteurs de coupe votive. Chaque batan est adorné d’un ruban de couleur differente. C’est la couleur
qui indique le type de responsabilité.
38 Les peyotems ou Hikuritamete sont les portcurs de coupe votive ainsi appelés lorsqu’ils sont alles a
Wirikuta et ont rapporté du peyotl Hikuri. Alors. ils sont les filsdu Feu. 11s cessent d’étre des peyotems
au cours de la fete du peyotl HfkunNeUm EUe est réaiisée vers la fm mai.Alors ils rcdeviennent des
gorteurs de coupe votive.
Cette personne a eté topii, deux fois porteur de coupe votive, Gouverneur et Commissaire des biens
communaux. De plus, il est le fils d’un kawitem.
3’
Chapitre 6 : La hierarchie indigene
216
presenter un rapport écrit de ses activités annuelles. Or ils étaient absents. Les
topiles partirent a leur recherche. La réunion débuta.
Le gouverneur sortant dut foumir des explications sur le retard PAS dans les
travaux de rénovation de la casa real. Debout, face au public, le gouvemeur se
justifa et montra une attitude génée. I1 avait choisi de refaire non seulement le toit,
mais aussi les murs, et cela avait augmenté considérablement le temps nécessaire.
Le toit de la casa real, comme ceux des tukite, doit étre refait tous les cinq ans. En
somme, le gouvemeur, ambitieux, n’avait pas pu accomplir l’intégralite des travaux
qui étaient sous sa responsabilité. F’remier faux pas.
Ensuite, le juge sortant montra les plans de refection de l’éghse. Du fait de
dommages subis apres que son toit se soit écroulé il y a plusieurs années, un toit
en tole ondulée avait été disposé de facon provisoire. Et le provisoire dura. Ceux de
Keuruwitia lui demanderent de presenter les justificatifs correspondants au 22 O00
pesos de dépenses annoncées correspondantes au dessin des plans. I1 ne les avait
pas. Deuxieme faux pas. Les discussions durerent jusqu’a la pause déjeuner.
C’est apres la pause que le nouveau gouvernement presenta ses projets. I1
faudrait d’abord terminer les travaux de la casa real puis réparer le toit de l’église.
Tout le monde était d’accord. L’affaire fut vite traitée. I1 fut ensuite question de
construire une route entre Pueblo Nuevo et Tuapurie. Ceux de Keuruwitia
demanderent a ce que la question soit étudiée en assemblée. Ce fut une facon
d’éviter le débat et de le repousser. En effet, les avis sont tres partagés a cet égard40.
Les nouvelles autorités commenterent qu’en février allait avoir lieu le recensement
de population. I1 faudrait le faire sérieusement, notamment parce que le suivant,
prévu pour l’année 2001, leur semblait étre visiblement bien plus important : il
serait destiné a compter le betail.
Au cours des discussions, l’un des hikuritamete de Tuapurie faisait des
pitreries. Clown rituel Tsikuaki du groupe, il répartissait parmi le public des
morceaux de peyotl en donnant sa bénédiction, a la facon d’un prétre, en disant
11
santa cura n. Armé d’une mitraillette en bois, il jeta a plusieurs reprises un homme
saoul en dehors de la cour. Les nres fusaient et rompaient la monotonie des
discussions.
Les nouvelles autorités décidérent de reprendre la question des agents
municipaux lancée au début de la joumée. En tant que représentants de la
Municipalité ils disposent d’un tampon municipal qui sert a signer des actes.
Dépendent-ils du gouvemement traditionnel ou de la Municipaiité? 11s ont le
Ctchapitre IV.
---
7
277
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
tampon de la municipalité I Cette question du tampon POSait Probleme. Le nouveau
gouvemement décida de rendre visite a chaque agence municiPde Pour Presenter
ses projets.
La nuit était tombée lorsque le probleme le plus épineux fUt trait&. 11
s’agissait de la maladie des éleves de l’intemat scolaire de Pueblo Nuevo41. Malgré
les cérémonies réalisées, la maladie des enfants intemés avait empiré.
passe-t-il
avec
l’éducation
scolaire
de
nos
enfants?
x .
u
Qui
a
Que se
a
engagement envers les éIéves ? Les parents d’éléves ou les professeurs ? n
un
.
Un
maitre d’école prit la parole. I1 parla de citoyenneté. Ceux de Keuruwitia
intervinrent :
u
Ce sont les parents qui en sont responsables ! *. Dans un climat
d’inquiétude, extrémement tendu, quelqu’un demanda comment en fuiir avec cette
situation. Un homme parla de sorcellerie : elle serait davantage pratiquée dans cette
communauté que dans les autres I Le chanteur de la pluie de Keuruwitia intervint
longuement et l’aífaire fut momentanément close.
Comme il faisait nuit et qu’une grande partie des participants avaient quitté
I’assemblée, je décidai d’alier dormir. La veille au
soir, j’avais rencontré le nouveau
gouvemeur pour lui faire part de mon projet de séjoumer quelques mois dans la
communauté. I1 m’avait donné la possibilité de presenter mon projet au cours de la
réunion. Mon tour n’était pas anivé. Alors que j’étais endormie depuis une demiheure, un topi1 me réveilla et me demanda de rejoindre les autorités. Face a la table
des autorités, j’expliquai que j’étais étudiante, que j’avais été reque comme
boursiere dans un programme d’échange académique, et queje souhaitais faire une
._.
étude sur la coopération. Bien que le juge parlait en wmmka, je compris a son ton
de voix qu’il s5 opposait fermement. Le secrétaire ajouta en espagnol qu’ils
appréciaient que le gouvemement soit intéressé par l’étude des peuples indigenes.
Cependant, ils n’avaient jamais autorisé la réalisation de travaux du type these
....
doctorale. 11s n’autoriseraient de tels travaux que lorsque des Huicholes écriraient
sur leur culture. Les autorités reprocherent a mon h6te de m’avoir emmenée a
Tuapurie. I1 s’abrita demere la figure de son pere qui est Kawitenc. I1 argumenta
que ce dernier avait beaucoup d’amis. Face a cette réponse negative, je repartis me
,
-.,
coucher triste et préoccupée.
J’avais
_.I__
connu
personnellement le gouvemeur sortant deux années
auparavant. J’étais restée plusieurs jours chez lui. Le jour suivant, il vint me
chercher pour m’annoncer qu’il avait parlé avec les nouvelles autorités. 11s les avait
convaincues de me hisser séjoumer dans la communauté. Surprise, et encore
41
Cf.chapitre VII.
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
218
émue des évenements de la veille, je l’accompagnai. La reunion etait terminée. Les
topiles étaient allés chercher de la main d’aeuvre dans les localités alentours et les
kavaux de la casa real avaient repns. Chaque personne devait y apporter sa
contribution durant trois jours. Les nouvelles autorités me regurent et accédérent a
ma demande. puis ils me demanderent de dactylographier les documents relatifs a
la nomination des commissaires. 11s sont les représentants du gouvemement
traditionnel dans les tukite de Rawepa et de Keuruwitia42 J’étais devenue la
secrétaire d’un jour.
La discussion publique des activités des autorités traditionnelles constitue
un moment privilégié pour évaluer le travail du gouvemement sortant et engager le
suivant a respecter les engagements pris. Elle s’effectue sous le regard des hommes
des tukite, et en particulier ceux de Keuruwitia. La presence remarquée des
hommes forts de ce district met en évidence leur importance dans la vie politique
communautaire. A la facon de sénateurs, ces hommes respectables posent les
regles du jeu, par exemple lorsqu’ils décident s’iiest temps ou non de discuter de
l’éventualité de construire une route. Le processus de decision en assemblee n’obéit
pas a un pnncipe de vote majoritaire. Les décisions sont fonction du respect
accord6 a la parole de ceux qui sont considérés comme dignes de respect : les
hommes des tukite. De la meme maniere, les pitreries du clown rituel des
hikuntamete de Tuapurie n’ont eu de cesse de rappeler la relativité des pouvoirs
politiques communautaires. De plus, en parodiant des rites catholiques et le soldat
charge du maintien de l’ordre, ii s’était moqué des représentants des institutions
mexicaines. C’est une facon de pratiquer l’autonomie et de rappeler la supénorité
.-
morale des membres de la hiérarchie des tukite. De la méme maniere, la U mise en
boite
,^.,
.
n
publique de l’anthropologue, et les arguments présentés, illustrent ce désir
de montrer leur indépendance.
,.,I
..
I
2.2. L’appropriation dea autorit6s agraires et de la UCiHJ
L’une des conséquences de la réforme agraire post-révolutionnaire fut la creation
d’autontés agraires. C’est apres les évenements violents des années cinquante, et
l’obtention des résolutions présidentielles des années soixante, que les quatres
communautés traditionnelles de Jalisco furent organisées en trois communautés
agraires et dotées de droits et d’autontés spécifiques en la matiére. La propnété
communale de la terre implique qu’elle ne puisse étre n
ivendue ou louée, nimise
en gage, ni donnée en héritage. Le Commissaire des biens communaw est chargé
42
Journal
de terrain janvier 2000.
219
Chapitre 6 : La hierarchie indigene
de surveiller les éventueis abus, de doter d’une parcelle toute personne qui en fait la
demande, ainsi que d’organiser les assemblées communales. I1 est assist& du
responable du Conseil de vigilance et d’un Secrétaire. Ces autontés sont nommées
pour une durée de trois ans. La procédure de désignation établie par la Loi m a i r e
prévoit que ces autontés soient élues en assemblée. Cependant, ce sont les anciens
qui proposent les candidats et l’assemblée ratifie les nominations.
..
La terre est un facteur fondamental de la construction de l’identité e t h n i q ~ e ~ ~
et communautaire. L’importance des conflits agraires avec les métis voisins, mais
,
aussi entre communautés“’, constitue une manifestation de ce phénomene. Bien
avant la réforme agraire, les métis de Mezquitic et les bureaucrates de l’état de
, -
..
I~
Jalisco considéraient que les Indiens ne méritaient pas de posséder autant de
terres. En 1903, plus de mille hectares de terre de Santa Catarina furent pns en
gage par ceux de Mezquitic, parce que les autontés de la communauté n’avaient pas
payé les imp6ts correspondants. Le gouverneur de Santa Catarina écnvit au
gouverneur de Jalisco pour lui demander la restitution des terres et argumenta
qu’ils n’avaient pas payé les imp6ts parce qu’ils étaient pauvres. Le gouverneur de
...
l’état de Jalisco lui répondit qu’ils étaient pauvres car ils N manquaient d’exigences
sociales »45
(Aidana, 2000:
306-307).
Quant a la
réforme
agraire post-
révolutionnaire, elle contribua a développer l’idée que la terre appartient a celui qui
la travaille, c’est-a-dire au paysan. La lutte pour la terre entre les vecinos et les
Wixaritari n’en fut que plus rude. Pour les métis, les Indiens sont des fainéants et
des voleurs. Pour les Wixaritari, les métis sont des voleurs... Cependant, a la
différence du 19ltmc siécle, un cadre jundique défuiit les droits et les devoirs des
membres des communautés agraires, les comuneros, et ceux des paysans des
ejidos, les ejdatanos. Dans cette ordre d’idée, l’idendité de comuneros s’est
construite avec la réforme agraire.
Les premiers commissaires des biens communaux furent les leaders qui
militerent pour l’obtention des résolutions présidentielles46. La fonction de
Commissaire des biens communaux a été considérée comme prestigieuse des sa
création. Ensuite, la création d’organisations qui concentrérent leurs efforts pour
obtenir la restitution,de terres limitrophes aux mains de métis, MAGI47 puis la
Cf. Partie 1.
Cf. Chapitres 1 et 5. Rappelons que les vols de bétail entre communautés expriment des litiges
d’ordre identitaire entre communautés, notamment entre Tateikie et Tuapune.
4s Carecen de exigencias sociales s.
46 Cf. Chapitre 1.
47 Asociación Jalisciense de APOYO a las Comunidades Indígenas. A.C.
43
..*
44
,.
.....~.
.
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
1
_
I
280
1UCIHJ48, a renforcé l'importance de la fonction de Commissaire des biens
communaux tant au niveau communautaire que régional. Le statut jundique de la
,
'I
..
.^.-
UCIHJ emane de la Loi agraire ; elle est dingée par les autontes asaires et
traditionnelles des trois communautés wixaritari de Jalisco. Rapidement, les
communautés s'appropnerent cet organe de représentation et marquerent des
points décisifs. Par exemple, dans la communauté de Wautia, un contrat forestier
qui avait été signé avec un exploitant privé fut dénoncé au début des annees
quatre-vingt-dix, inaugurant le premier succés de cette organisation. D'une fagon
/-
générale, ces autorités, qui sont placées tant sous l'égide de la Loi Agraire que des
us et coutumes, ont acquis une légitimité plus importante au cours des demieres
I-
années49.
La structure décisionnelle de la UCIHJ integre les autorités agraires et
C.."
traditionnelles. Le Conseil d'Administration est formé des trois Commissaires des
biens communaux et de trois suppléants, qui altement aux postes de Président,
Trésoner et Secrétaire de la UCIHJ. Le Conseil de Surveillance regroupe les trois
Gouvemeurs traditionnels et trois suppléants". Les trois Secritaires auxiliaires ont
,
.
I
-
a leur charge le crédit, la commercialisation et l'action sociale. 11s forment au total
un groupe de 15 délégues. Selon la coordinatrice de 1'iNI de Mezquitic u bien que sa
.
P
...
structure dépende de la loi agraire, c'est une organisation huichole u 51. Les postes
qui sont liés a la culture, par exemple celui de Résident du Conseii des Anciens,
sont destines a la représentation culturelle interethnique. Par exemple, le Résident
des jicareros de la UCIHJ n'a aucune autonté sur les jicareros, mais il assite a des
forums de discussion avec des Mexicains, organisations, institutions, etc. Quant a
la figure du Commissaire des biens communaux, si pour la fonctionnaire de l'INI ii
ne fait pas de doute que sa légitimité émane de la Loi Agraire, pour le Commissaire
,"'_'
de Santa Catarina, sa charge est u traditionnelle B . Le titre de propnété qui date de
l'époque de la Vice-Royauté, le
ffhcfovin-einal, est sacré car il a regu le sang des
sacrifces5? I1 a été noum du sang de l'autre, celui du bétail, cet otage de la guerre
,_-.
e-
agraire de l'ere modeme.
Les habitants de Santa Catarina, ses comuneros,ont intégré la fonction de
Commissaire des biens communaux et la UCIHJ a la structure décisionnelle
Unión de Comunidades Indígenas Huicholas de Jalisco.
L'influence des autorités agraires est variable dans les communautés, notamment en fonction de la
gravité des problemes agraires. Les communautés agraires de San Sebastiin et de San Andrés ont
plus de conflits agraires avec leurs voisins mitis que celle de Santa Catarina.
50 Sachant que Tuxpán (Tutsipa) et San Sebastiin (wautia) forment une meme communauté agraire,
leurs gouverneurs alternent pour occuper le siege du Conseil de surveillance.
51 Entrevue avec Tamara Rojas, 11 fevrier 2000.
s2 Entrevue avec Tamara Rojas, 11 février 2000.
4~
."-
49
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
281
communautaire. L’actualité recente montre a quel point ils ont appris a jouer avec
les ressorts de la Loi agraire. A l’occasion du conflit avec les convertis a
l’évangélisme, ils eurent recours a la h i agraire, pour faire valoir le fait que le lien
:,,-
..
__../.
entre les habitants de la communauté passe par la terre. Le Pasteur évangéliste, ne
dans une localité qui correspond au district de Keunwitia, avait refuse de devenir
jcarero alors que l’assemblée le lui avait ordonné. C’est pourquoi il avait été
emprisonné pendant quelques heures et qu41 avait porté plainte auprés de la
Secretaría de Gobernación pour violation a la liberté de cultes. La conséquente
rédaction du statut communal mit l’accent sur le fait qu’etre comunero suppose la
réalisation d’activités a caractére coopératif, notamment celle de porteur de coupe
,,.--.
votive, qui mettent en jeu la relation entre les hommes a travers la terre.
3) Le cycle rituel
Les autorités agraires sont les seules autorités qui ne prennent pas part a des
rituels des tukite ou de la cabecera. Cependant, les assemblées communautaires
sont a bien des égards ritualisées. L’exemple de déroulement d’une assemblée,
exposé précédemment, montre a quel point le vote unanime est le fruit d’un
consensus qui refléte l’autorité morale des hommes des tukite. Le déroulement de
l’assemblée de rédaction du statut communal fut similaire. Cette fois ce sont les
_..-
peyoteros de Keuruwitia qui y assisterent et se chargerent de faire des pitreries...
L’organisation temporelle des activités a caractére politique sont liées a celles
i
”I
a caractére productif, c’est-a-dire a la culture du mais et a la migration. La durée
du cycle ntuel de référence, c’est-a-dire celui des rituels des tukite, est de cinq
auruwi exprime la complétude et tout acte qui est répété
.-
années. Le chiffre u cinq
....
cinq fois est considéré comme étant bien fait. Le chifire cinq, et ses multiples, sont
performatifs. L’alternance entre les saisons humide et pluvieuse rythme
I’organisation des activités. D’ailleurs,
pluie
8 .
u
année
I)
se dit
witan
et signife aussi
L’année est découpée en deux périodes, celle des pluies qui est axée
autour de la vie familiale, lignagére et agricole, et la période seche qui est plut6t
communale, axée vers l’exténeur et marchande.
,. ,
3.1.
Le cdeadrier rituel
Les grands moments de la vie sociale, rituelle, économique et politique des
habitants de Tuapurie débutent en juin, a l’occasion des semaiiies, au moment de
iI<-.
~
l’alternance entre les saisons seche et pluvieuse. C’est la précédente féte du peyotl
. 53
Cf. Paragraphe 2.5. du Chapitre 1.
282
Chapitre 6 : La hiérwchie indigene
~,, .
Hikuri
qui
p~-~
le cycle annuel. Elle m’a été presentee comme une facon de
mettre un terme en apothéose au cycle du feu54. Cette féte Se realise tous les deux
e-.
ans, soit trois fois durant le cycle de cinq années des trois groupes de XIJCLU¿W~~.
.....
Elle coincide toujours avec le debut, le milieu et la finde cette période de cinq ans
..
de coopération a la vie des tukite. c’est a cette occasion, tous les cinq a s , qu’une
..
nouvelle équipe de jcareros remplace l’ancienne. Cette cérémonie, qui se déroule fin
,“*
,
-
,.”
mai ou début juin, clót un cycle long par le brülis des champs.
._.
Au début de la période des pluies, lors de la fete des semailles
n&a,
/-’I
les
w
namawita
cordes des batons de pouvoir se dénouent *, ce qui indique que la vie
politique communautaire est mise entre parentheses : tout le monde se presse
d’aller travailler sa miipa. Elle reprendra oficiellement a partir du mois de
septembre. Bien que les autontés traditionnelles entrent en fonction en janvier, soit
i-
au début de l’année civile, elles ont été
moment ou
n
I
révées x par les anciens en septembre, au
les cordes des batons de pouvoir se nouent 8 , puis ratifiées durant le
/-4
.-
,
r
.-
I-
-
mois d’octobre au sortir de la période des pluies. Quant aux autontés agraires, elles
sont en fonction pour une durée de trois ans. Bien qu’il s’agisse d’une nonne qui
soit établie par la loi agraire, les candidats sont eux aussi I révés n par les anciens,
au méme moment que les autontés traditionnelles. C’est l’alternance entre les
pluies et la sécheresse qui fait basculer la vie socio-politique d’un état vers un
autre.
Rappelons que la residence varie aussi en fonction de cette dualité
.-,
.
climatique. Pendant la période des pluies, le bétail, les chevaux et les mules, sont
déplacés vers les plateaux de la Sierra et une partie de la famille s’installe dans le
U
rancho des eaux *. Pendant la période seche, de janvier a mai environ, un grand
nombre de personnes migre pour travailler dans les champs de tabac ou pour
vendre l’artisanat dans les centres urbains. La communauté est vidée d’une grande
partie de ses habitantsjusqu’a ce que les travaux agricoles reprennent a partir de la
fin mai. Les fétes des tukite et des ranchos familiaux senrent de póles d’attraction a
la population: ceux qui vivent en ville rendent alors visite a leur famille et
remplissent leurs obligations rituelles. Les fétes du chef-lieu sont moins prisées et
seuls y participent ses habitants, les autorités, les responsables rituels et des
visiteurs curieux.
Pendant cette période seche o u la population est moins nombreuse, les
personnes qui gerent les questions politiques communautaires sont les membres du
gouvemement traditionnel et les autorités agraires. Elles sont chargées de réunir la
54
Le terme qui a été utilisé en espagnol est celui de remate
Chapitre 6 : La hierarchie indigene
283
population au cours de trois assemblées communaies qui se déroulent en février,
,.I..
juin et octobre. Lorsque les piuies commencent a tomber, que la population croit et
s’appréte a travailler dans les champs par groupes familiaux, les activités des
autorités communautaires sont mises entre parentheses : l’heure est au travail
agricole. A l’occasion du ntuel des semailles, célébré a la fui du mois de juin, les
U
_.-
cordes des batons de pouvoir se dénouentn et s’ouvre aiors une période
d’obscurité : le Solei1 Tayau, ancétre masculin éminemment politique, commence
son voyage sous la terre. Dorénavant, ce sont les Meres des pluies qui sont a
,
.-
l‘honneur et chargees de faire croitre l’enfant mais Niwetsika dans chaque famille.
Pendant cede période a lieu une grande quantité de rituels dans les ranchos
I._
.
/“-.
,..
familiaux, notamment pour réguler la chute des pluies. La période d’obscurité
s’acheve au cours du mois de septembre avec le réve des Kawterutski préaiable a
la nomination des nouvelles autorités. Elle cohcide avec le rituel de la fete de
l’offrande du taureau dans les tulcite et ranchos familiaux ainsi qu’avec la date de la
fete de l’indépendance mexicaine du 16 septembress. C’est alors que les w cordes des
batons de pouvoir se nouent n : l’activité politique communautaire peut reprendre.
r-
e-.
r-.
,--.
55 I1 est intéressant de remarquer la coincidence entre des evenemenis poiitiques majeurs de la
communauté avec certaines dates du calendrier mexicain. Celui-ci est tout aussi civil (fete de
l’indépendance) que reiigieux (Saints CathOiiqUCS) a l’instar de celui des Wixaritari. Les habitants de
Tatekie cilébrent le retour du politique le 4 octobrc, a I’occasion de la Saint-Franqois, en réference a
I’ordre franciscain qui a Cté charge de I’évangélisation. D’aiiieurs, les franciscains sont encore *,resents
dans la communauté de Tateikie.
-
."
~
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
284
Fig. 21: Rituals du cycle politique et productif annuel
?at8d8SMtdUU
Inscord.sdes
batons de WUVOII
. .
,
<,
.,..
quliqnenlle de la
blbnrable des
tukit.
n
I
-
285
Chapitre 6 : La hierarchie indigene
Hob
AutoritQ
Jiiin
Assemblée communale
7
W
e
e
C&¿ulOniu
RF
Déplacement du
bétail vers la
“Les cordes des batons
Sierra
de pouvoir se dénouent‘
Semaiües
climat et rQidsncess
Fáte des semailles
N&XQ
N-&Q
Premieres pluies
Retour massif a la Sierra
RE y RF
Juillet
Pluies
Aoat
eptembre
le‘
désherbage
Réve des Anciens
‘Les cordes des batons
2ime désherbage
de pouvoir se nouent‘
Octobre
Mais tendre
prochaines autorités
fowmbre
Décembre
Janvia
REYRF
Pluies
Fete du vent
RE,RFyEC
Fete de la
milpa ou
Pluies
du taureau
Travail dans les champs de
MQWdm
haricots, Fresnillo
Fete du tambour
Assemblée communale
Présentation des
Féte de la pluie
VimaKwurro
RFyEC
Tcdei NeirrO
Soleil
Récolte et
RFyEC
égrainage
Soleil
Récolte et
RFyEC
égrainage
Froid sec
Rotation du
Libre
Changement des
gouvernement
déplacement du
batons de pouvoir
RF y EC
traditionne1
bétail
YUpQ Pd&Q
Froid sec
Débroussaillage
FMar
RF y EC
Assemblée communale
Rotation des
Débroussaillage
responsables du Fond
Pelerinages
Départ pour les champs de
Team
tabac, Nayarit
Fete du coamil
RFyEC
Manu K h y a
Secheresse
Semaine sainte local
RF y EC
Weiy&‘
Sicheresse
Fete du peyotl
RF y EC
Hikun Neixm
Secheresse intense
Régional tous les 2 ans
Entrée des autorités
M-
agraires tous les trois
Débroussaillage
aIIS
A
d
Débroussaillage
Hd
Rotation des Jimrems
tous les cinq ans
Brülis
RE Rancho des Eaux, RF Rancho familial, EC Extra-communautaire.
.
- .
--._-I.
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
3.2
286
Les latas de la saison bumide : les xirikite sont i l’honneur
C’est lorsque la chaleur est la plus intense, au cours du mois de mai, que les
parcelles situées a flanc de montagne sont brúlées. Ce travail débute aprés qu’aie
eu lieu la féte associée au feu de l’ancétre tatewari et au peyotl hikuri la danse du
..-
peyotl ou hikuri neixra Les xukuri’ikate sont revenus du pélerhage au peyotl au
début du pnntemps et depuis lors on les appelle les hikuritamet&7. La fete du
” .“
peyotl dure environ cinq jours et cinq nuits et débute avec le brúlis des parcelles
du
tuki. Les chanteurs racontent les aventures du pélerhage a Wirikuta. Ensuite, le
groupe des hikuritamete danse frénétiquement sur la place du centre cérémoniel, en
...
frappant avec force la terre asséchée
di
de soulever la pousiiere et former des
nuages. 11s boivent de grandes quantités de peyotl. Le peyotl a été préalablement
séché, de la méme maniere que l’on fait sécher la viande de cerf, puis moulu comme
,-.,
s’il était mais. Le mais y est aussi consommé frais. La trilogie I Peyotl - cerf - mais n
I
repérée par Lumhotlz (1904) au début du siecle est alors patente. Tous les cinq ans,
cette cérémonie est aussi I’occasion de célébrer la rotation des membres du groupe
*-
des porteurs de coupe votive du
tuki.
C’est ainsi que s’acheve ntuellement la
pénode séche pour céder la place aux attendues pluies fertiles.
Lorsque tombent les premieres pluies, il est temps de semer les graines de
I<-
mais avec celles des courges et haricots. Cependant, avant de commencer a semer,
a lieu la fete des semailles
c<-
namawita neixra. Les graines de
mais qui avaient été
conservées dans les xirikite sont grillées puis réparties. Alors que le climat bascule
,-
de la sécheresse vers lhumidité pluvieuse, l’ordre politique s’inverse et l’accent est
dorénavant
*..I.
mis
sur
les
activités
agro-lignagéres
plutót
que
politico-
communautaires : I les cordes des batons de pouvoir sont dénouées m. Expression
ntueile de cette inversion, de ce passage de la lumiére politique vers i’obscurité
r-.
,.
‘
r
.
fertile, les sacrifices qui sont dhabitude réaiisés dans la premiere partie de la
matinée ont lieu a la mi-nuit. Tout feu est éteint d i n de solliciter la feriilité et les
pluies : au cours de la nuit les porteurs de coupe votive sautent sur un tronc
résineuxs en feu jusqu’a ce qu’il s’éteigne. La vieiile divinité féminine de la
croissance et de la fertilité Takutsi Nakawe, associée au déluge qui précéda la
transformation des Wixaritari en cultivateurs du mais, est habillée de vieux habits
remplis d’épis de mais puis est promenée en dansant sur la place du tuki.
57 Le statut de Hikuritame est conféré aux porteurs de coupe votive xukdri’ikcde qui se sont rendus en
pélerinage a Winkuta. : ils sont des peyoterus, des fils du feu T a t e m ; et comme signe de leur
capacité a e voir B ils portent un chapeau orné de plumes et des petits miroirs nierika autour de leur
cou A leur retour de Wirikuta, en février ou mars, est réalisée une cérémonie Teaxa dans chaque
centre cérémoniel ‘lhlci au cours de laquelle ils répartissent du peyotl hikun a w membres du district.
58 C e pin résineux est celui qui sert a faire les piliers qui soutiennent le toit du tuki .
287
Chapitre 6 : La hierarchic indigene
Pendant les piuies, les parcelles
SOnt
désherbées a deux reprises: une
premiere fois en aoút pour garantir la pousse des cultures et une seconde fois en
septembre S i n de les aérer. A cette méme période ont lieu deux rituels dans les
ranchos familiaux. Le premier est destiné a ce qu’il pleuve sufilsamment et le
second est dédié au vent S
i que les pluies ne chutent pas de facon brutale : il faut
éviter que se forment des tourbillons ou
w
serpents de pluie
n
qui risqueraient de
coucher les tiges de mais. A l’occasion de la féte nationale mexicaine, qui est fetée
dans tout le pays la nuit du 15 au 16 septembre, est réaiisée une cérémonie dite de
l’offrande du taureau a la miZpa59. Plusieurs taureaux sont sacrifés et leur sang est
utilise pour alimenter la terre et ses fruits : le mais, les courges et les haricots. Au
cours de la précédente fete de la
namawita
neixra avaient été designées les
personnes chargées de donner des animaux en sacrifice a cette occasion. Le mois
de septembre est une pénode particulierement délicate : un e x e s de pluie pourrait
compromettre la récolte alors qu’une prompte arrivée du soleil ne permettrait pas
que les jeunes épis grossissent suffisamment. Une fois la fete du tuki achevée, les
cérémonies se succedent dans les ranchos familiaux. Les anciens commencent alors
a
^”,
,
.
(I
réver I> quels sont les hommes qui pourraient devenir les prochaines autontés et
I’ordre politique s’inverse de nouveau:
pouvoir se nouent n
H
les cordes qui entourent les batons de
. Les pluies arrivent a leur terme et le soleil pointe chaque fois
davantage.
3.3.
,.,.<.
.-
Les Stas de.l uison d c h a : I’accentuation des hibruchies
Le soleil est de retour avec la fete du tambour m’ma kwarra et la consécutive danse
nocturne d’adieu aux Meres de la Pluie tatei neixra. La récolte est proche et ne
_
x
.
,
‘..
,. ,.
pourra avoir lieu qu’une fois ce rituel exécuté : il levera l’interdiction de manger les
épis tendres. Au cours de la premiere nuit, alors que le feu brúle au centre du tuki,
,
les anciens rendent publics les noms des candidats aux postes d’autorités. Les
c--
.
messagers des autorités partent alors a leur recherche pour les ramener au tuki
din qu’ils se compromettent publiquement au cours de la seconde journée du
rituel60. La premiere joumée dite
des enfants ágés de moins de
wima kwaxra correspond
a un rituel d’initiation
six ans. Le chanteur emmene leurs &mes iyan dans
un voyage a Wirikuta, ou pousse le peyotl et o u est apparu pour la premiere fois le
soleil, a Leunar. 11s sont présentés rituellement aux ancetres et durant les cinq
annees durant lesquelles ils prennent part a cette cérémonie, ils sont peu a peu
/--^
59
M
i
Ce terme désijpe la parcelle. A cette époque, le mais est encore en train de croitre.
Cf. la description détaiilée de ce rituel, lorsqu’il est realisé dans un niki, dans le chapitre 7.
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
288
socialises au sein du district. Les courges et le mais tendres sont bénis,
CUitS
Puis
offerts a la consommation : la récolte peut commencer. 11 existe une relation causale
entre les fetes d’entrée et de sortie de la penode des pluies :les noms des SaCrifiantS
de la féte de l’offrande du taureau mawarixa du mois de septembre sont annoncés
,
-.
en juin au cours de la namawita neixra. Ces mémes personnes doivent ensuite
participer a la tatei n e k a en tant que seconds chanteurs du chanteur principal.
Les deux autres grandes fétes de la pénode seche sont liées aux activités de
débroussaillage des parcelles et de brúlis.
Le débroussaillage consiste en couper les branchages et les tiges seches de
mais. I1 peut débuter des le mois de décembre et durer jusqu’en avril. La féte qui lui
est associée est la
marra
kuiariya. Sa principale caractéristique est la
consommation d’une soupe de cerf ou d‘une boisson de peyotl. Elle peut étre
réalisée dans les ranchos familiaux a une date quelconque de cette période. Le
peyotl et le cerf sont deux expressions d’un méme ancétre : le peyotl est né des bois
du cerf qui sont tombés. La tige séche de mais qu’il faut
u
faire tomber rn est une
autre image de la maturité. Ce rituel a sa correspondance au niveau du tuki : soit
au moment du retour des pelerins au peyotl lors de la fete tema qui a lieu tous les
,,-.
deux ans, soit a I’occasion du changement du toit et des piliers du tuki qui a lieu
tous les cinq ans61. Si bien qu’aux environs du mois de mars, a lieu dans le tuki une
I..<.
I.
grande cérémonie qui inclut le débroussaillage des parcelles. Dans ce cas il s’agit
des parcelles qui entourent le tuki et dont la responsabilité incombe aux jimreros.
La période seche est aussi celle de la convivialité communale, de la politique
communautaire. Lui sont associés deux ntuels au chef-lieu. Le premier a lieu au
mois de janvier a l’occasion de l’entrée en fonction des nouvelles autontés du
gouvemement traditionnel et la seconde lors de la Semaine Sainte. Lors de la féte
de rotation du gouvernement Yupa Patsixa, le gouvemement traditionnel sortant est
charge de donner un grand nombre de cadeaux aux autorités entrantes. En plus
des batons de pouvoir, fait en bois de brésil, il offre des cigarettes, boissons, fruits
c-
et un taureau en sacrifice, ensuite consommé par tous62, Puis a lieu l’assemblée de
presentation des activités passées et a venir des autorités dans la cour de l’éghse.
F”
L’eglise Teyopani
est le temple du pouvoir communautaire. La Teyopani est
organisee selon des codes spatiaux similaires a ceux des tulcite :elle a cinq points
,--
cardinaux et plusieurs pierres sacrificieiies Tepari y sont enterrées.
Une description de ce rituel sera présentée dans le chapitre 8.
Voir I’article de Geist (1997) au sujet des échangcs qui ont lieu a cetie occasion dans la
communauté de San Andrés Cohamiata.
61
62
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
..
289
c’est a l’occasion de la Semaine Sainte qu’a lieu i’autre s a n d rituel des
autorités traditionnelles. Au cours de cette fete weiyalci sont racontés les r e d s
/cawitu relatifs au pouvoir traditionnel communal et a w saints catholiques
autochtones. Le saint le plus important est un Christ appelé Xratun Ampac OU
Grand Christ et le responsable de cette image est un chamane qui a pour
responsabiiité de “faire aller de l’avant la communauté”63. Lime des caracténstiques
de cette Semaine Sainte est d’étre un rite de fertilité et de recherche de la
prospérité. Au cours de la nuit du mercredi, les participants se flagellent cinq fois le
,..,
dos dans l’obscurité a l’aide de feuilles d’agave en signe de penitence et en vue de se
pu&ie1+4.
Une fois revenus chez e m , avec ces memes lamelles d’agave, ils frappent
leurs arbres fruitiers, animaux, etc. d i n qu’ils se multiplient. Les saints ont de
multiples pouvoirs : faire pousser les arbres fruitiers, enseigner a jouer des belles
mélodies ou encore faire fortune. Pendant que les autorités traditionnelles et les
majordomes remplissent leurs obligations cérémonielles et sont installées sous
leurs abris ramadasas, un gouvemement intérimaire les remplacebb. Le Vendredi
Saint, apres le bain des saints et participants, commence une course complexe
durant laquelle est répariie de facon hiérarchisée la noumture qui fut préparée
collectivement au cours de la nuit précédenteb’. Les repas sont d’abord offerts aux
saints, puis sont transportés au pas de course vers la Casa Real o u est instalié le
gouvemement intenmaire, ensuite ils sont répartis entre chacune des treize
ramadas des autotitéses. Enfii, la noumture qui est alors concentrée dans les
ramadas des autorités est fmalement redistribuée a w participants avec des petits
verres d’aicool de mezcal ou de tequila. Cette grande répartition de noumture,
.-.
‘1-
63 Les six majordomes sont responasbles des saints catholiques de la teyoponi. Pendant la semaine
sainte, les quatre apótres ou qpbstoles sont chargés de surveiller les trésors des saints dans la
teyopani alors que les majordomes, habituellement responsables de surveiller ces trésors, sont
occupés. Durant la colonie espagnole, dans l’état de Morelos qui est situé plus au sud, les majordomes
étaient responsables de la richesse de la communauté (De la Peña, 1980 : 66).
64 La flagellation n’est pas douloureuse, a la dinérence de celle que les métis de Huejuquilla réaljsent
durant leur semaine sainte.
65 I1 s’agit d’une petite maison devant laquelle a été installé un toit couvert de paime. C’est la ou
s’assoient les autorités et leurs accompagnateurs.
66 Les membres du gouvernement intérimaire ne sont pas nécessairement originaires de Tuapurie ;
sont invitées a y prendre part des personnes respectables d’autres communautés wixaritari liées par
des relations de parenté. On peut parler de rituel d’inversion dans la mesure o u ces invités ont des
fonctions politico-rituelles dans une autre communauté.
67 11 s’agit d’ccufs et de tortillas de mais. L’ceuf remplace la viande dont la consommation est interdite.
A u c o w s de la nuit précédente, les a u f s ont éti battus par les hommes et leurs coquilles exhibees sur
le m u r des maisons des autorités, dide pouvoir étre comptées. Tous doivent avoir donne une méme
quantite d’aufs. Pour battre les aufs, les hommes se relaient d’une mmada a une autre. En échange
de ce service, ils reqoivent deux petits verres d’alcool. Quand aux tortillas, le mais a éte moulu par les
femmes a l’aide d’un metate, et non pas d’un moulin comme il est d’usage dans la vie quotidienne.
Comme les hommes, elles se sont rclayécs d’une ramada a une autre et ont requ en remerciement des
petits verres d‘alcool.
68 Sept membres du gouvemement traditionnel et six majordomes.
Chapitre 6 : La hierarchie indigene
:._,.
290
prepwee par tous la nuit précédente, repartie plusieurs fois d’une ramada a I’aUtre,
, .
produit un effet communal et rappelle a la fois que1 est l’ordre hiérarchique. Le
,<-
Samedi de Gloire, dans une chaude ambiance de féte ont lieu les sacrifices bovins a
l’inténeur de la teyopani. Les abstinences de consommation d’eau, de viande, de
”-.
relations sexuelles, de sommeil, de bruit, sont levées. Pourtant, personne n’avait
montré de zéle et bien au contraire, toutes sortes d’explications étaient vaiables
pour réussir a contourner ces interdictions69. Au cours des jours saints l’ambiance
était plutót au jeu avec les régies, réaffirmant ainsi le caractere d’inversion, quasi
carnavalesque, de ce rituel. Le samedi matin est euphonque, une folie cacophonie
envahit l’égiise au moment des sacrifices : en offrande a San José, les groupes de
,”. ...
,.-.
musiciens jouent tous ensemble leurs morceaux preférés, alors que les petards
résonnent depuis le toit de l’église et annoncent les sacrifices. L’apres-midi chacun
vient de toutes parts de la communaute pour se faire bénir et deposer une piece
dans la coupe votive de chaque saint dams l’espoir que la prospénté lui soit
,-
consentie. Le Dimanche de Páques est distribuée la boisson de mah fermenté
1.
nahuá que les tenanches, des parentes ágées des autontés, ont préparée pendant la
semaine. De meme, des enfants sont baptisés a la facon wixárika donnant lieu a
”-
des relations de parenté fictive.
En conclusion, ces deux fetes du chef-lieu sont particulierement complexes et se
I,
caractensent par la quantité exagérée d’échanges ntuels, bien structurés, et par le
sentiment communautaire qu’elies produisent. Les biens sont répartis de facon
,.“.
hiérarchisée, ils sont toujours donnés par les autorités, transformés et consommés
par tous de maniere ntuelle. Fetes des autontés par excellence et du pouvoir
communautaire, réaiisées en dehors des réseaux de parenté des tukite, d’aiileurs
moins pnsées que ces dernieres, elies alimentent le sentiment communal et
réafibnent l’ordre hiérarchique communautaire.
.,
, ..
- ,..
3.4.
La relation entre les Rte. ¿es xirlMte et ¿u tuki
Chaque moment important de la vie agricole a une correspondance dans le
I
”^
’*
-
<.
I-
calendner ntuel lignager ; toutes les fetes du tuki qui ont été présentées sont aussi
réalisées au niveau familial. C’est dans le rancho familial qu’ont lieu les cérémonies
de baptéme des enfants, la féte du tambour, les cures, le changement du toit du
x¿rikiet la course de l’áme du défunt. D’une facon générale, ce qui est du domaine
L’attitude anti-tele des tuapunetan, lesquels ne cherchent pas a respecter les normes, est l’un des
multiples signes d’inversion de ce rituel. Cette attitude de jeu avec les regles d’abstinence contraste
fortement avec le zele des indiens coras de Jesus Maria qui sont fiers de s’fliger de dures abstinences
lors de la h d e a (González, 2001).
69
291
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
agricole est intimemerit lié au fignage : la maison des ancétres
..
xiriki est
aussi le
temple de l‘enfant-mais niwetsikn
Dans les ranchos, les cérémonies a caractére agricole sont célébrées pendant
une période de cinq années et sont l’illustration d’une promesse faite par le
patriarche. Par exemple, il peut avoir décidé de faire durant cinq années de suite la
féte du tambour pour ses petits enfants, ou encore, cinq fetes de taureau mawarixa
au mois de septembre. La réalisation et la participation a w fetes n’est a priori pas
obligatoire. Néanmoins, elles sont considérées comme favorables a la bonne santé et
a la prospérité de la famille, particuliérement celle des enfants. Ne pas réaiiser de
féte reviendrait finalement a se mettre a dos les ancétres, quelque peu assoiffés
^I.
d’offrandes, ce qui a un moment ou un autre sera interpreté comme la raison de la
maladie d’un ou plusieurs membres de la famille. C’est alors qu’un patriarche peu
pressé d‘honorer les ancétres sera finalement convaincu d’entreprendre un cycle de
cinq cérémonies consécutives.
Ce cycle rituel de cinq ans est identique pour les tulcite et les ranchos. I1 s’agit
d’un cycle long de cinq années. C’est en representation des lignages que les couples
d’adultes participent aux cérémonies a la hiérarchie des tulcite. Ses membres les
-.
plus distingués, les chamanes-chanteurs et les anciens, sont les représentants de
plusieurs lignages agrégés au sein de leur cercle d’iníiuence. Au niveau des ranchos
et des centres cérémoniels, les solidarités sont fortement déterminées.
” ^
3.5.
lidcite et chef-lieu communm~tdrecabecera
Une grande partie des fetes des tulcite et des ranchos sont réalisées au cours de la
période pluvieuse en raison de leur forte relation avec le domaine agricole. Au
contraire, les fetes communautaires ont lieu durant la saison seche. L’altemance
entre les pluies et la sécheresse a de multiples déclinaisons et expressions
sociopolitiques. L’image des cordes des batons de pouvoir qui se dénouent ou se
nouent illustre la dualité, cependant hiérarchisée, des formes de l’autorité dans le
,.,.,
temps. A bien des égards les tukite et la cabecera semblent s’opposer
systématiquement.
Les rituels de la cabecera, auxquels assiste un nombre moins important de
participants qu’a ceux des tukite, réiterent les solidarités existantes au dela des
limites des districts. Les dons faits par les autorités sont marqués par la recherche
de l’équivalence, que ce soit d’une année sur l’autre, ou que ce soit entre les
I
-
différentes autorités du gouvernement traditionnel. Ceci atteste de la cohesion
toujours précaire entre les différents tukite et les cercles d’infiuence.
Chapitre 6 : La hiérarchie indigene
292
Néanmoins, les tulcite au travers de leur Conseil des Anciens, conferent leur
légitimité aux autorites traditionnelles qu’ils nomment. Pendant la pénode séche,
les autorites traditionnelles dirigent l‘activité politique communautaire, a la fason
d’un pouvoir exécutif et les anciens et les patriarches, tels des sénateurs, obsement
leurs actions et interviennent parfois dans les assemblées. Ces assemblées, ainsi
que les deux ntuels de la cabecera, attisent la convividté communautaire alors que
les fétes agricoles, qui sont les plus nombreuses, n’ont de cesse de réafiumer les
liens familiaux et l’autonté des patriarches et des chamanes.
.
,..._
Les patriarches des groupes lignagers constituent un groupe hétérogene.
L’autonomie des lignages est forte et les décisions de l’assemblée, a pnon concues
comme des décrets, peuvent étre défiées par les patriarches. En effet, l’autonté
qu’ils exercent au sein de leur lignage et les relations entretenues avec d’autres
lignages, notamment au moyen du cercle d’influence du mara’akarne de la famille,
sont concues comme légitimes. 11s n’ont pas d’autre supéneur hiérarchique que les
mcmbres du Conseil des Anciens, groupe composé de mara’akate devenus
patriarches.
,..
”,’
I-
293
Chapitre. 7 : Dette transgénérationneue et chamanisme
Dette transg6n6rationnelle et chamanisme
Les hommes forts des tulcite sont des chamanes prestigie-.
Leur prestige est
fonction des services rendus a la communauté, de leur cercle d’influence c’esta-dire
de leur succes en tant que guénsseur. Les chamanes, a l’aide de la maitrise de la
%..
technique du réve, entrent en contact avec les ancetres et désignent les raisons
pour lesquelles une personne est malade. Ces diagnostics impliquent la réalisation
d’un certain nombre d’actes ntualisés qui consistent invariablement en des
offrandes destinées aux ancétres responsables de la maladie. Notre objectif est de
mettre en évidence le role joué par les chamanes dans la reproduction d’un
,.
mécanisme d’endettement transgénérationnel.
La relation entre les vivants et leurs ancétres est vitale et a caractere loyal.
Les premiers concoivent les seconds comme des entités donneuses de vie,
généreuses et exigeantes a la fois. Si leurs ancétres sont a méme d’assurer la bonne
santé de la famille et de favonser l’abondance, ils peuvent aussi provoquer des
,,.,s.
-.-
maladies en guise de sanction a l’encontre de ceux qui ne font pas les offrandes et
les sacdices promis. En qualité de porte-paroles des ancétres, les chamanes sont
”-
des personnages clés de cette société, dont les membres consacrent une grande
partie de leurs efforts et de leurs revenus a honorer des promesses d’offrande.
Lorsque ces médiateurs diagnostiquent les raisons qui expliquent un état maladif,
ils recourent inéluctablement a une explication liée a un défaut d’offrande aux
ancétres. En incitant le malade et sa famille a remplir leurs devoirs cérémoniels, ils
favorisent l’activation de liens sociaux a caractere solidaire, tout en exercant un
controle social. Plus généralement, les chamanes se chargent de réduire
.“
l’incertitude inhérente a la vie paysanne. Or, cette incertitude est-elle liée aux
conditions particulieres de la paysannene ? Notre hypothese est que l’incertitude
est la condition sine qua non de la reproduction sociale et consiste en l’absence de
fermeture du systeme social.
,
...
,’-’-
I
.
1.1.
Incertitude et confiance
L’une des caractéristiques communes aux sociétés rurales est l’incertitude
inhérente a la variabilité des conditions climatiques. Dans le cas des WiXd&,
ii
est crucial que l’arrivée des pluies ne soit ni trop prompte ni trop tardive. De la
i
n de
méme maniere, la quantité de pluie ne peut étre niexcessive niinsuffisante d
garantir la croissance du mais et une bonne récolte. C’est dans ce contexte qu’il est
possible de comprendre la pratique d’actions rituelles qui visent a contróler la chute
des pluies.
En premier lieu, a la facon des Associations Rotatives de Crédit (VeiézIbañez, 1993), les rituels sont une invention culturelle qui pemet de réduire
I’incertitude et d’amplifier la confiance mutuelle. C’est-a-dire que les ARC et les
rituels s’appuient sur une confiance initiale. Elle consiste en une disposition a
s’engager dans une relation de reciprocité généralisie avec d’autres.
En second, la confiance s’acquiert par la répétition d’actions a w
fins
heureuses, sans qu’un échec occasionnel implique forcément que le moyen de faire
soit erroné (Luhmann, 1996 : 68). En somme, la répétition des actes est favorable a
l’établissement d’une situation de confiance.
En dernier lieu, pour Luhmann et Veléz-Ibaíiez, il est fondamentai que les
relations sociales ne soient pas déteminées a priori. En d’autres termes, un &at
d’endettement mutuel positif (Godbout, 2000) ou une situation de confiance mutuelle
généralisée (Veléz-Ibañez, 1993), ne peuvent souffrir trop de contrainte. Sinon il est
a craindre qu’une personne qui se sente obiigée a donner considere qu’elle a domé
plus qu’elle n’a r e p . L’état d’endettement mutuel est alors négatif et les relations
sociales sont projetées en dehors des réseaw de loyauté et de codiance : la sphere
de la réciprocité négative de Sahlins (1976).
L’objet de ce chapitre est de montrer que l’incertitude est surtout fonction de
l’incomplétude du systeme social et de son ouverture. Le risque porte sur la
décision prise (Luhmann, 1992) d’entrer ou non dans le cycle du don (Godbout,
1992) avec les ancétres, et par la-méme, avec les siens. La décision informe de l’état
de confiance dans les relations sociales. Les chamanes, en tant que spécialistes de
la communication avec les ancétres, sont des personnages clés car ils sont charges
de gérer collectivement l’incertitude, de telle sorte que la confiance en l’efficacité
ritueIle de leurs actions est fondamentale.
295
Chapitre 7 : Dette transgénérationnelleet chamanisme
1.2.
.I.,
S’dlier avec 10s ancétres et dendetter
Le nom tukan évoque la vie, lafortune,voire la prospérité, et s’applique aux
personnes, a w cultures, au bétail, a la vente &sanale,
c’est-a-dire a tout ce qui
est doté d’un caractere vital. De telle sorte que le tukan du mak, des vivants, etc.
r
peut étre sollicité au moyen de rites obéissant a une méme logique. Par exemple,
l’association vitale existante entre les enfants, le mais tendre et les courges est
particuliéement explicite au cours de la fete du tambour
wima
Inuara. Cette
cérémonie a lieu au mois d’octobre, avant que ne commence la récolte, et consiste
,,.
.
en leur présentation aux ancétres. 11 s’agit de placer les jeunes enfants sous leur
protection dm qu’ils grandissent en bonne santé et soient bien alimentés.
L’incertitude relative a la santé des enfants est particulierement importante
dans cette société qui souffre d’une forte mortalité infantile. Les statistiques a ce
.~
,
sujet sont imprécises car beaucoup d’enfants meurent en bas age avant méme
d’avoir eté enregistrés a l’état civil. Au cours de mes séjours de terrain, j’ai constaté
I-
que toute mere a connu la douloureuse expérience d’avoir perdu au moins un
enfant en bas age. L’une des raisons évoquées par les médecins travaillant dans
F.
cette zone est la malnutrition dont souffrent les meres enceintes. Selon un
chercheur de l’üniversité de Guadalajara, animant un groupe de travail auquel
participe une dizaine d’indiens et d’étudiants en nutrition dans la localité de Pueblo
I . -
Nuevo,
El 60% de los niños se enferman y mueren por la asociación de
desnutrición e infecciones. Aquellos que sobreviven quedan como niños
chiquitos. En el caso de las mujeres, cuando crezcan tendrán pocas
reservas para tener niños en su vientre. Habria que empezar por nutrir a
las mujeres y a los niños bien’.
60% des enfants tombent malades et décedent en raison de la conjonction
entre la malnutrition et les infections. Ceux qui survivent sont de petite
?-’-
tailie. Dans le cas des femmes, quand eiie grandissent, elles auront peu de
reserves pour que leur enfant croisse dans leur ventre. I1 faudrait
commencer par no&
les femmes et les eníants correctement.
A ce sujet, la recherche de Horacia Fajardo (2000) établit que les criteres de
mesure de la malnutrition de l’organisation Mondiale de la Santé sont inadéquats,
. ._
et qu’aux rapports taille/áge et poids/áge, il faudrait rajouter un rapport
1 Présentation présentée par le Docteur Croker, médecin et chercheur de 1Université de Guadalajara,
pendant le a Foro Sierra Madre Huichola‘, Guadalajara, Jalisco, table ronde. La salud en pueblo de
curanderos m, janvier 2000. 11 dirige le groupe ORESNUT, Organización de Estudiantes para la
Nutrición, de la Universidad de Guadalajara.
Chapitre 7 : Dene trasgén&rationneUeet chamanisme
296
poids/taille. En appliquant ce troisieme ratio, elle montre que les t a w de
malnutrition des enfants de la communauté de Tuxpan sont moindres. De 80% iis
passent a 6% (Ibid : 47). Cependant, dans certaines zones prises au ceur de
problemes d’invasions territoriales, la part de la population infantile souffrant de
malnutrition est élevée. L’intéret de son travail réside dans la relation qu’elle établit
entre la maiadie des enfants et la réaiisation des devoirs cérémoniels des parents.
,..l
Au bout du compte, la malnutrition des enfants est un symptóme de la
malnutrition des ancétres qui demandent, voire exigent, leurs aliments: des
..-
offrandes.
Dans ces conditions incertaines, les enfants comme le mak nécessitent des
soins spéciaux. Les enfants sont la descendance et l’avenir de cette société, et le
mais, leur aliment. M i de s’assurer contre une mauvaise récolte et les maladies,
-
,-
c’est-a-dire en vue de gérer cette incertitude, les Wixaritari réalisent des alliances
avec leurs ancétres : iis leur donnent des offrandes en échange de leur protection.
,-,--
e
La loyauté qui caractérise toute aiiiance avec les ancétres udonneurs de vien
implique la régularité des cérémonies et des offrandes nécessaires au maintien du
pacte. Sinon, les ancétres chstient les personnes les plus regardantes en les
rendant malades. Endettés envers leurs ancétres et fmalement engages a leur
donner régulierement des offrandes pour proteger leur descendance, les Wixaritari
participent d’un
mécanisme d’endettement transgénérationnel qui légitime
l’institution du chamanisme.
En qualité de porte-paroles des ancétres, les chamanes sont chargés de
diagnostiquer les causes des maladies, c’est-a-dire de determiner quelle partie du
pacte a été négiigée : quelles offrandes ont été oubliées et que faire pour réparer
cette situation ? S’il est important d’étre loyal envers les ancétres, il faut également
,’+
avoir confiance dans le praticien. En effet, les chamanes, en rappelant
régulierement a l’ordre ceux qui ont oublié de réaliser leurs devoirs cérémoniels,
exercent un contróle social sur les membres du groupe. Ce contróle doit etre
consenti et ne peut etre trop contraignant au risque de paraitre abusif. Les
Wixaritari observent et évaluent aussi le comportement des chamanes, ils jugent
..”_
s’ils sont dignes de leur confiance. Si te1 n’est pas le cas (si ces demiers abusent),
ils sont accuses de pratiquer la sorcellerie et sont alors discrédités. En ce sens, les
rumeurs et la suspicion relative aux chamanes déviants constituent un contrepouvoir du contróle social que ceux-ci exercent.
~..
-
..____,-
--.”....
,
1 .
a
.
-
291
,.Tame taMiti iwamann viesta tepuwem’rime
toiukantn‘emieme
kiawaisie areteteMenekcdsie
Nous, en tani que famille, M U S fmsons des fees,
Pour le bien de tous $OUT noire vie d tous)
Pour&
,
’--
bien Id 00 M U S sommes.
De nombreux rituels scandent la vie des personnes et renouvellent régulierement
les termes du pacte vital qui les unit a leurs ancétres. Une cérémonie mérite une
attention particuliere : la féte du tambour. Le patriarche ukiratsi, au cours de la
prime jeunesse de ses petits-enfants, est responsable d’organiser durant un cycle
de cinq années une cérémonie préalable a la récolte du mais. Elle consiste en une
présentation ntuelle des jeunes a leurs ancétres au cours d’un voyage imaginairez a
y-
,--
Wirikuta qu’ils réalisent en écoutant le chant d’un chamane et le son du tambour.
De mon point de vue, les cinq participations successives a la féte du tambour
inaugurent l’alliance unissant les jeunes et les ancetres de la famille et de l’ethnie.
La féte du tambour est un terme non vernaculaire que les Indiens utilisent
/--
pour désigner cette cérémonie lorsqu’ils s’adressent a leurs amis étrangers. Sous
r-
cette appellation sont en fait regroupées deux ceremonies qui s’enchainent : la fete
wima kwara et la cérémonie nocturne tatei neUcra ou
Les jeunes enfants participent seulement a la wima kwara.
diume des premiers fruits ou
I
Danse de nos Méres H.
J’ai assisté a plusieurs fétes du tambour au cours de mes différents séjours
de terrain (Durin, 1998, 1999). Cette cérémonie est réalisée dans les ranchos et
.-.
centres cérémoniels tulcite. Dans le premier cas, il s’agit d’une promesse faite par
l’ukiratsi de réaliser cette fete a cinq reprises, c’est-a-dire le nombre de participation
des jeunes enfants. La cinquiéme et derniére fois, ils doivent aussi assister a la fete
du tambour du hcki, durant laquelle ils seront présentés aux ancétres de l’ethnie. A
partir de ce moment, ils deviennent des membres a part entiere du district et sont
susceptibles d’intégrer sa hierarchies. Dans le cas ou la cérémonie n’aurait pas lieu
Le terme x voyage imaginaue x évoque le fait que les enfants restent physiquement dans le lieu oü est
exécuté le rituel. C’est leur ame iyan qui voyage vers Wirikuta, au son du tambour et des chants
chamaniques, de la mérne maniere qu’elle se déplace durant les réves. 11 s’agit donc d’un temps
liminaire ; on pourrait aussi le qualifier d’onirique.
3 Les plus jeunes porteurs de coupe votive sont les
anges Haqueri; ils portent les objets rituels
utilisés au cows des sacrifices. Parce qu’ils n’ont pas eu de relations sexuelles, ils sont considérés
comme étant e purs e.
2
,
.
,
au niveau familial, les jeunes enfants peuvent assister a cinq reprises a la féte du
tambour du tuki. Je présente ici une cérémonie qui eut lieu en octobre 2000 d a s le
centre cérémoniel de Rawepa’.
2.1.1. Description de la fite du tambour
Alors que le jour est tombé et qu’il est pres de 2 1 heures, le feu est aiiumé au centre
du tuki. A l’inténeur de celui-ci sont assises les autontés traditionnelles de
Tuapune, a cóté des kawiterutsixi, et en face d’eux, se trouve le chamane chanteur
qui va oficier. Aux pieds des Anciens, sur un tissu qui est posé a meme le sol, sont
..*-
disposés les bátons de pouvoir des autontés a c6té des plumes rnuwieri. Les
e-’
Anciens procedent a des echanges d’alcool, puis de caisses de bieres et de boissons
kawiterutski
kawiterutsixi parlent d’abord,
gazeuses, certainement offertes par les autontés aux
Les discussions commencent : les
puis le
Gouvemeur et le Juge auxiliaire. Ce jour-la sont présentes toutes les autontés du
r
.
.
._
,,.-.
Gouvemement traditionnel. Elles sont accompagnées des agents municipaux de
Pueblo Nuevo et de Taymarita5 et du Commissaire des biens communaux. Seul le
Conseil de vigilance est absent. Les autontés sortent du tuki et n l restent que les
kam’terutsixi, le chamane chanteur et quelques autres personnes. I1 s’agit d’une
,I-.
reunion du Conseil des Anciens préalable a la nomination du nouveau
gouvemement traditionnel.
Pendant ce temps, des porteurs de coupe votive vont chercher le tambour
..
tepu dans le temple xiriki du Soleil Tayau. Cet instniment n’est utilisé qu’au cours
de deux cérémonies, celle qui precede les semailles
narnawita
neixra et celle qui
nous occupe et ouvre le temps de la récolte. Le tambour est ensuite installé pres du
feu, en direction de l’Est, la o u le soleil se leve.
Plus tard, pres du feu le chamane chanteur resoit un enfant ágé de moins de
dix ans. I1 est accompagné de plusieurs adultes et en particulier d’un homme qui
s’adresse au chamane chanteur. I1 s’agit de la présentation de ce jeune garcon a
‘
.”.
,*--
l’occasion de son ultime participation a la féte du tambour. Finalement, en guise de
cloture a la discussion, le mara’akarne passe sa plume muwieri de droite vers la
gauche au dessus du tambour et de la tete du jeune homme. I1 est tard et chacun
rentre chez soi pour se reposer.
4
5
Le nom mexicain est Pochotita.
I1 s’agit des deux localités les plus peuplées de ce district.
299
Chapitre 7 : Dette transgénératiomelle et chamanisme
jour suivant, les préparatifs de la fete durent jusqu’a la mi-joumee. Deux
tambours vont étre utilisés. L’un est particuli&rementusé et avait été gardé dans le
.-,
xinki du Soleil. I1 a été noirci par les flammes du bois résineux, qui servirent a le
chauffer et a tendre sa peau de cerf a de multiples reprises par le passe. L’autre est
visiblement nouveau et provient d’un rancho voisin. Plus tard, au cours de la
cérémonie, la peau du vie-
.-.
..
tambour creva et l’autre servit a le remplacer.
Au cours de cette joumée de w’ma &ara le chamane chanteur officie dans
la cour tukipa en face du
xinki du Soleil Tayau. Face a lui est disposé le tambour
sur lequel ont été peints quelques motifs jaunes a l’aide de l’écorce de uxa C’est la
/-
marque distinctive de ceux qui sont allés en pelerinage a Wirikuta, l’endroit ou
poussent cet arbuste et le peyotl. C’est la-bas que le soleil a défmitivement pris sa
place dans le ciel. Le tambour est entouré d’un collier de fleurs jaunes puwan,
~.-.
....
,c..
,.*.
lesquelles fleunssent a cette saison ou point le soleil apres la pénode des pluies.
Plusieurs de ces fleurs sont enfilées sur une ficelle qui relie le tambour, la queue de
cerfs située au pied du chanteur ainsi que le tUihn7, placé a cóté du xiriki du Soleil.
A cet endroit est dressé un autel improvisé ou sont disposés un füet de chasse, des
courges et des épis de mais tendre. Au pied de la chaise du chanteur sont disposées
la queue de cerf et des cigarettes, déposées au fur et a mesure par les participants.
Avant que le chant ne commence, les hommes des familles participantes et les
porteurs de coupes votives viennent offrir des boissons au chanteur. Plus tard, au
cours du chant, ce dernier les répartira entre ses accompagnateurs. I1 comrnencera
par ceux qui sont situés aux extrémités, c’est-a-dire par les
~
aigles royaux P qui
sont chargés de guider le groupe des enfants en pelerinage a Wirikuta, puis les
,,...,
seconds chanteurs. Cette année, sept personnes se relaient pour accompagner le
chanteur principal. Au cours de la Namawita N&a
de juin, elles ont été désignées
pour sacnfier un taureau a la fete de la mi-septembre, en conséquence de quoi elles
,.-.
sont tenues d’assister a cette fete du tambour comme seconds chanteurs. Des easacrées leur seront offertes en retour : les responsables du tuki les ont rapportées
des lieux sacrés ou ils sont allés au préalable deposer leurs offrandes. Ces eaux ont
la propriété, une fois réunies, de faire croítre tout ce qui vit. En attendant, elles
_-
viennent d’étre disposées dans chacun des xinkite qui bordent la place tukipa, ainsi
que du chocolat et du mais cru moulu et dilué dans de l’eau, appelé tumari. Le
*-
Le premier ancétre qui se rendit en pelerinage a Wirikuta est un cerf Tautsi Marra KWani e Notrearriere-grand-pere-queue-de-cerf
*. 11 fut le premier chef de la hiérarchie du tuki.
7 Croix en bois, tissée de laine de couleur, en forme de losange, connue sous le nom des e i i de dieu *.
Ce nom lui fut donné par Lumhotlz.
6
I”’
300
kman est Confectionné a 1’aide des épis de m&i qui ont et6 gadés dans les %inkite
depuis la recolte passée.
Le voyage des enfants commence une fois qu’ils se sont tous assis, en
””._
compagnie de leurs meres, demere les chaises des chanteurs. Les parents ont
préalablement preparé un tsilcuri pour chaque enfant : il compte autant de 10SangeS
de laine de couleur que de participations de leur enfant a cette fete. La cinquieme
année, le tsikun de l’enfant compte cinq losanges et est a l’image des cinq points
cardinaux : haut, bas, droite, gauche et centre. I1 exprime la complétude. Chaque
enfant tient aussi dans ses mains une sonnaille qu’il agitera durant le voyage rituel.
Quatre des personnes assises au cóté du chanteur prennent les tsilcuri des enfants,
l í
-
’
ainsi que leurs plumes rnum’eri,et les passent au dessus du tambour pendant que
le
mara’akarne le frappe. Le son du tambour annonce le début du voyage.
Le chant commence et une fois les peleriris arrives a la premiere étape du
-,...
voyage, c’est-a-dire a Mezquitic, les femmes jettent des fleurs sur le sol entre le
xi&
/-’
et les chaises des chanteurs alors que les hommes vont planter au pied de
l’autel des fleches fleuries de papier crépon. Ces mémes fleurs sont utilisées lors
r
“
-
.-
des sacrifices de taureaux, elles oment leurs comes, et suggerent une pétition de
bonne santé. Ensuite, le porteur de la coupe votive du Solei1 en téte, les hommes
e%
~
-
passent dans le tuki et les
-.
ancétres.
xirikite
pour présenter les épis de m a k tendres aux
Réguliérement, tout au long du chant, les femmes viennent bníler de
r-
..,
l’encens face a l’autel. Pendant le déroulement de la féte, nous discutons avec l’un
des seconds chanteurs de la situation politique actueile. Les élections en vue de
désigner un nouveau président municipal approchent et le Parti d’Action Nationale
(PAN) fait campagne dans la Sierra. Cet homme appuie ce parti parce qu’il a promis
de nommer trois régisseurs huicholes par communauté, w i t neuf au sein du
conseil municipal, alors que le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) propose de
n’en nommer qu’un seul par communauté.
Beaucoup de porteurs de coupe votive sont absents car ils sont partís
travailler a Fresnillo a la récolte du haricot. Tenus normalement d’étre présents, il
est possible qu’ils fassent l’objet d’une pénalisation monétaire. A cette période de
l’année oÜ les personnes attendent la nomination de nouvelles autorités, beaucoup
e-.
s’absentent par peur d’étre designees. Devenir gouvemeur ou commissaire d’un tuki
est une charge qui nécessite une grande disponibilité et des dépenses importantes.
,.
-.
301
Chapitre 7 : Dette transgénér.qtionnelle et chamanisme
D’une faqon générale, les frais et rétributions sont un paramébe important
dans la décision de participer aux activités de la communauté et des ceremonies.
Cet aprés-midi la, une jeune femme ailaitant un bébé me confia qu’eIle ne
participait pas a la féte parce qu’elle n’avait pas d’argent.
Au moment o u le chant du chamane arrive a Tatei Matinieri, une source
d’eau sacrées située peu avant Wirikuta, le rnara’akarne soigne les enfants en
..
échange d’un paiement. Boissons a offrir, participation monétaire, noumture a
répartir, les frais sont parfois au dela des moyens de certains.
Le pelerinage des enfants marque un temps d’arrét a Tatei Matinieri o u les
enfants font l’objet d’un soin. Sur le sol est installé un lit d‘herbe et les enfants qui
souffrent de malnutrition sont placés la tete en bas. Selon la conception médicale
des natifs, ils souffrent de la u maladie du cerf n et le rnara’akarne doit leur óter des
r-
poils de cerfg.
La nuit est deja tombée lorsque les enfants de la cinquieme et derniere
année passent au centre du demi-cercle formé par les chanteurs. Les garqons vont
pouvoir frapper le tambour pour la premiere fois, mais pas les filles. Le mara’alcarne
leur fait faire un tour autour du tambour en guise de clóture de ce cycle.
Les courges et les jeunes mais de l’autel sont bénis au moment de l’arrivée
des jeunes pelerins a Leunar, la o u le soleil est monté dans le ciel. A ce moment
tous les assitants passent10 devant l’autel et s’agenouillent pour étre bénis avec les
eaux sacrées, en méme temps qu’ils touchent les deux tétes des cerfs posées sur le
I
-
sol -qui ont été chassés préalablement a la féte- et deux grands cierges qu’un
homme soutient. La bénédiction est réalisée par le rnara’akarne;il baigne d’abord le
dessus de la téte k u p k d’eau sacrée a l’aide d’une fleur puwari puis la bouche d’ou
émane le souffie.
,-.
Les enfants entreprennent alors le retour vers leur tuki en suivant le chant
qui dure jusqu’a la mi-nuit. Une fois arrivés,
;-
,
seconde partie de la cérémonie : la tat& n&a
ils
vont se reposer. Débute alors la
Elle a lieu a l’intérieur du tuki et
consiste en un voyage en sens opposé a celui vers Wirikuta. I1 s’agit de se rendre en
,
I
direction de l’ouest, vers la cóté du Pacifique, a Haramara, en suivant les sons du
tambour et le chant du chamane.
Cette source serait une reserve d‘eau de mer, restée apres que la mer se soit retirée. Ici, les pelenns
confessent leurs souillures sexuelles, et, se préparent a entrer purüiés a Wirikuta.
9 Pour plus d5nformation concernant cette maladie, voir la section 2.2.2.
10 C’est-a-dire y compris les visiteurs.
8
I
.
i
1
..-I.--..-.
,
-
302
Chapitre 7 : Dette transgénérationnelle et chamanisme
A la droite du chaman chanteur est install6 un narrateur et le porteur de la
coupe votive du Solei1 Tayau. Une fois arrives a Haramara, commence la danse
neiva au son de la guitare et du violon. Le chant relate alors le voyage par
l’inframonde, depuis Haramara jusqu’a Wirikuta, le chemin de la création par
excellence. A l’aube, la cour et le centre cérémoniel sont balayés par les femmes en
signe de renouveau. Ensuite des échanges d’alcool ont lieu a l’inténeur du centre
cérémoniel. Les femmes dansent dans le Tuki en tenant dans leurs bras les jeunes
épis de mak puis les déposent sur l’autel disposé a l’ouest, vers Haramara.
I
La matinée est radieuse et les Anciens sont ivres de sommeil et d’alcool. 11s
’-
délirent littéralement et sont l’objet de nos fous nres. L’ambiance est paisible et
..-
..
chaleureuse. Bientót le tambour va cesser de résonner. Dans le iuki, les femmes
viennent deposer du
iuman
dans la cavité sacrée centrale puis dans le feu en
marquant les points cardinaw. Ensuite, le
mara’akame se leve
et passe remercier
un a un ses accompagnateurs. Les accompagnateurs a leur tour remercient les
U
aigles royaw B et les seconds chanteurs, puis les porteurs de coupe votive entrent
et remercient un a un tous les participants.
1 .
La cérémonie s’acheve avec la repartition des jeunes mais et des courges, qui
ont été cuits au cours de la nuit, dans de grandes jarres remplies d’eau, le festin
peut commencer...Les jours suivants ont lieu de nombreux ntuels du méme type
dans les ranchos familiaux.
2.1.2. Appartenir i la famiiie et m u district
Ce ntuel diurne
wima kwara consiste
en une initiation destinée aux plus jeunes
membres de la famille et du district. Selon un homme, qui a déja honoré sa
promesse de faire cette cérémonie durant cinq années, l’objet de celle-ci est d’abord
,
.,I
de présenter les enfants a leurs ancétres et,
...c’est pour cela qu’il vaut mieux la faire dans le rancho, plutot qu’au tuki,
car la-bas il y a beaucoup d‘enfants et c’est plus long et difiiciie de les
présenter en personne aux ancetres. Dans le rancho il faut promettre de
faire la fete durant cinq années. Mon pere l’a déja faite pendant 10 ans. Moi
je l’ai faite pendant cinq annéesii.
Cette cérémonie clot la saison pluvieuse et célebre le retour du soleil ; elle introduit
peu a peu les enfants a l’apprentissage de la tradition yeiyan. En écoutant les
chants du chamane et de ses seconds, leurs &mes iyan se rendent en pelerinage a
11
Journal de terrain 15 septembre 2000.
c
Chapitre 7 : Dette transgénérationnelleet c h a h s m e
303
la teme sacrée de Wirikuta OÜ s’est levé l’ancetre Solei1 Tayau dans le ciel et d’oU les
porteurs de coupe votive rapportent le peyotl. Successivement, ils sont présentés
aux différents ancetres dans les lieux sacrés qui jalonnent le chemin du pelerinage.
A l’occasion du pelennage e reel n a Wirikuta, en chacun de ces endroits, les pelenns
déposent des offrandes et ils en rapportent aussi l’eau sacrée de Tat& Matinieri et
bien sür, le peyotl.
La tradition Yeiyari est conque comme un chemin, une route, un pelerinage.
L’explication de ce terme donnée par Lemaistre et Kind1 (1999: 85) est
particulierement intéressante au sens o u elle met l’accent sur la dimension
générationnelle inherente au concept de tradition :
i
-
*..._
Les concepts huicholes les plus proches de l’idée de tradition * sont yeiyari,
dont la traduction oscille entre l’idie * d‘etre B et ceiie de ‘chemin”, et nuiuari
(de nuiua: “mitre”) qui signiñe aussi ‘‘famille, descendance”. De plus, les
Huicholes, quand ils parlent en espagnol disent “la costumbre o u “ei’
costumbre. Dans ce cas, ils soulignent la pratique active, difticile: ‘el
costumbre es trabajoso”,“pénible, dur“, ainsi disent-ils.
On saisit alors l’importance de réaliser cette fete d a s le rancho et d’achever ce cycle
de cinq années en prenant part a la fete du tambour du tuki. Le chemin a suivre est
d’abord celui emprunté par les ancetres de la famille, et c’est seulement une fois
,
.-.
,,.-. .
que I’alliance entre les ancétres et leur descendance sera scellée que ces jeunes
seront présentés aux grands ancetres de l’ethnie, tels que le Soleil Tayau et le cerf
Marra Kwari, par les soins du chamane chanteur officiant au tuki. Une fois ce cycle
achewé, ils sont membres du district a part entiere et places sous l’égide du pouvoir
politique solaire de Tayau. 11s seront a meme de prendre part, dans quelques
années, a la hiérarchie du tuki en tant que porteurs de coupe votive et pelenns au
peyotl.
Avant d’achever cette section, remarquons qu’en sus de la dimension sociaie
de ce ntuel, ses aspects politique et économique sont particulierement flagrants
lorsque sont présentées les nouvelles autontes du prochain gouvernement
traditionnel. Cette année-la, lors de la méme cérémonie qui eut lieu dans le tuki de
Keuruwitia quelques jours plus tard, fut présenté le nouveau cornmissairel2 de ce
tulci. I1 avait été attrapé dans la nuit par les messagers des autontés alors qu’il se
cachait dans les champs de mais d i n d’échapper a la nomination a ce poste. I1 fut
12 Le Commissaire mmisano est membre du Gouvemernent traditionnel ; il le représente dans chaque
centre cerémoniel iuki.
Chapitre 7 : Dette transgénérationnelieet chamanisme
304
donc présenté les mains attachés, habill6 de haillons, dams la cour tukipa. J’ai déja
évoqué la lourde
u
charge n économique de ce type de responsabilité; c’est cette
caractéristique qui explique la mise en scene de la réticence a obtenir une
responsabilité au sein de la hiérarchie indigene. Se préparer a étre attrapé et étre
vétu de haiilons est une maniére de rappeler le coút qu’implique cette
responsabilité.
2.2.
Les cárémonies de guirison
L’apparition des maladies est intimement liée a la création du Soleil. C’est pourquoi
l’un des moments clés du ntuel de la féte du tambour consiste en la bénédiction
des participants au moment ou les enfants arrivent a Leunar. Apres que l’enfantsoleil se soit immolé dans le feu et ait été transformé en Soled (créant de
nombreuses maladies), le soleil Tayau surgit de sous la terre a Leunar ou il
s’instaiia dans le ciel.
Cependant, les maladies ne sont pas exclusivement associées a l’ancétre
Soleil; l’étude des méthodes curatives montre que l’ensemble des ancétres
I.
Kakauyar¿xi sont responsables des désordres pathogenes. Ce sont les rnara’akate
qui sont chargés de diagnostiquer l’ancétre concerné et les moyens assurant la
guérison du souffrant.
2.2.1. L’origine mythologique de la maladie
Les récits relatifs a la création du soled, compilés par divers ethnologues, mettent
en évidence la relation entre la création du Soleil et l’apparition des maladies. Par
ailleurs, ils témoignent du caractere politique de cet ancétre : il est le fondateur des
autontés des centres cérémoniels.
Le récit compilé par Marino Benzi (1971) établit dans un premier temps que
les ancétres échouerent a cinq reprises dans leur tentative de faire surgir le soleil en
immolant des enfants dans le feu. Dans un second temps, c’est le héros mythique
” .<-
et guide des chamanes, le cerf Kauyurnan, qui découvre l’enfant a méme d’étre
offert au feu. Bien qu’il soit laid et malade, il a le don de savoir tirer des fleches au
.,
.
~
centre de sa cible13. L’enfant accepte de s’immoler et demande que des offrandes
soient préparées, dont les batons de commandement, et que soit construit un
.
...
centre cérémoniel pour se rassembler. Dans un troisieme temps, alors que les
13 11 est donc doue d’un pouvoir de vision, cehi du nierika, la vision juste. Elle s’acquiert notamment
par l’ingestion de peyotl ; elle est propre aux chamanes.
305
Chapitre 7 : Dette trasgenératioweue et chamanisme
ancétres sont réunis a Leunar et que des
ont éte offertes aU Centre du
monde’+, l’enfant s’immole apres avoir indiqué les cinq régions du monde. Dans son
sillon, les maladies se répandent. Le solei1 marche cinq pas sous terre et apparait
alors que les ancétres unissent leurs voix. Sa chaleur fut si intense qu’il les bnila.
Alors le cerf poussa de son bois le soleü dans le ciel et sa chaieur diminua.
L’ancétre Feu offnt au Solei1 une fleche et une chaise cérémonielle: il préside
dorénavant les groupes des centres cérérnoniels.
Les différents récits rapportés par Casillas (1990) évoquent le fait que les
maladies seraient apparues non seulement lors de la création du soleil, laquelle est
a l’ongine de variole, rougeole, maladies de la peau, entre autres. Plus tard,
Seriecarne - Marracuani, qui n’est autre que le cerf qui a dingé le premier pelennage
a Winkuta, se serait chargé d’envoyer chacune de ces maladies en un lieu precis du
monde. Si bien que de nos jours, en chacun de ces l i e u se trouve un xiriki qui
correspond a un ancétre knkauyari et une maladie qui lui est associée. C’est la qu’il
convient de déposer des offrandes pour guérir (Ibid :116). Pour cela il faut marcher,
se déplacer, migrer.. .
2.2.2. M6thodss curativas
Au cours de la féte du tambour a lieu une cure au moment o u les pelenns &vent
a Tatei Matinien. I1 s’agit de soigner les enfants qui sont atteints de la maladie du
cerf Márrarriyá ou Márra s i d l e
8
cerf ~t et -my& est le suffie qui indique l’état
maladif (Casillas, 1990 :98). Cette maladie consiste en un état de malnutrition
avancé; les enfants atteints ont le ventre ballonné et sont particuliérement
apathiques. Selon les Wixaritari, c’est l’áme d’un cerf qui provoque la maladie. Un
rnara’akarne réalise une cérémonie de deux jours au cours de laquelle il doit tuer
l ’ h e du cerf. Pour cela, il faut d’abord préparer un piége pour attraper le cerf,
apporter de l‘herbe coupée et des branchages de l’arbre préféré uupari du cerf, faire
une fleche et allumer un feu. Lors de la cure, l’enfant est placé sur l’herbe coupée,
le charnane réalise un simulacre de sacrifice du cerf pour tuer son h e pnse au
piege. Finalement, le chamane simule d’6ter la peau du malade comme on quitte
celle du cerf qui a été chasss. Ce ntuel peut étre réaiisé soit lors de la féte du
tambour, soit lors de la fete du peyotl (Ibidem).
Cette cure consiste seulement en une partie d’un processus qui compte
plusieurs étapes. I1 commence par la sélection d’un chamane de confiance : il peut
14
Lieu du Feu Tcitauan connu comme Teakata. Cet endroit est situé pres du chef-lieu Tuapurie.
Chapitre 7 : Dette transgénérationnelleet &amanisme
306
étre membre de la famille étendue, étre réputé ou finalement vivre pres du lieu o u
se trouve le malade. Ensuite, au cours de la premiere rencontre entre le chamane et
le malade, le praticien extrait doucement de l’abdomen diíférents objets tout en
secouant doucement ses plumes muwieri. Ces objets sont des grains de mais, du
charbon, des bougies, de la fumée, etc. Apres que le chamane ait révé, et grace aUx
objets extraits qui lui servent d’indices, il peut établir quelle est la raison du mal-
.-..
étre. Alors, il réalise la prescription : bniler une bougie, offrir un animal lors d’une
cérémonie, deposer une coupe votive ou des bougies en un lieu sacré, rapporter des
eaux de certains l i e w sacrés, recevoir une charge du gouvernement traditionnel ou
du
,
^
.,
tuki
(Fajardo, 2000: 74).
Le moment clé de ce processus est celui du diagnostic que le chamane réalise
a l’aide du
.
K
réve
n
et de l’indice matériel extrait du corps. Lemaistre (1997) a
retranscrit, en wixárika et en franqais, plusieurs chants thérapeutiques dans la
,
communauté de San Andrés Cohamiata. La chant est le moment du u réve rn evoqué
,“a’-
*”
par Fajardo, celui oü le chamane entre en communication avec les ancétres et
prend connaissance des raisons de la maladie.
Dans l’un des chants thérapeutiques relatés par Lemaistre (Ibid : 201-ZlS),
,
*<
le chamane qui ofiiciait était le fds de la malade. Avant que ne débute le chant, la
malade eut un entretien avec son fds dans le xirikifamilial au cours duque1 elle
.,.
I
-.
répéta a plusieurs reprises le nom d’une divinité ancestrale : Nü’ariwame. Des les
.
premiéres strophes, N le chant va montrer qu’il s’agit bien d’une faute a son égard P
-’
(Ibid : 203), ce qui fait dire a l’anthropologue : I donc le chant ne découvre rien (...)
Tous les assistants savent cependant au départ le u cceur x de la faute : la malade et
son époux avaient fait le vmu dhonorer cinq années de suite Ta Tei Nü’ariwame
dans sa grotte au fond du ravin, Nü’ariwameta, située sur le temtoire de la
communauté voisine de Santa Catarina. 11s n’ont accompli leur promesse que deux
fois... La dette est lourde
n
(Ibidem). Consciente d’etre endettée, la femme sera a
méme d’assumer la responsabilité des offrandes qu’il lui reste a faire : le sacrifice
d’une chevre dans le champ familial pour l’ancétre offensée ainsi que les ancétres
qui sont a Wirikuta les émissaires du solei1 (Ibid : 209) et une chasse au cerf. Par
ailleurs, des la fin du chant la femme réalisa une coupe votive xukuri décorée de
deux figurines de cerf, d’un épi de mais et d’un ruban bleu dédié au créateur du
tuki de son district, et son é p o w confectionna une fleche pour Nü’ariwame.
,. .-
Un autre cas nous introduit a la dimension transgénérationnelle de la
maladie : il s’agit d’une familie dont les enfants sont malades parce que leur grand-
.
307
Chapitre 7 : Dette transgénérationneiieet chamanisme
pere matemel n’avait pas accompli ses promesses aux ancétres (Ibid : 394-407). La
cure fut particuiierement ionwe : le chanteur dirigea trois chants répartis sur trois
semaines. 11 fallut faire une chasse, se rendre aux quatre points cardinaux de la
géographie mythologique huichole, puis offrir le cerf chassé ainsi qu’un taureau,
des cierges et des rubans au cours d’une féte dans le rancho de la famille.
Tuer un taureau, le donner en sacrifice, c’est faire une mawarka. C’est
. “.
I’offrande par excellence. Elle donne son nom, mawarka, a la
II
féte de l’offrande n
réalisée a la mi-septembre. Dans ce cas, il s’agit de * guérir U un phénomene
,,..
nature1 : pluies insufisantes ou excessives, maladie du mais et du troupeau (Ibid :
202).
A l’idée de
a
guérison
L
, un ami wixárika lui préféra celle de
u
remerciement n
adressé aux méres de la pluie, a la terre et a la milpa :
La fete du 15 et du 16 septembre est celle de la pluie. Pendant la Narnawitn
N&a en juin, ils (les chanteurs) demandent de la pluie et s’engagent a
rendre gráce en septembre, au cours de cette fete. C’est pour cela qu’ils
offrent des taureaux. 11sremercient tant les pluies que la terre et la milpa’s.
Lors de la féte Mawarixa de cette famille dont les enfants étaient malades, le
,“..
chamme put extraire de la come du taureau un iRkame ou
ancetre
B.
u
&me cristaiiisée d’un
I1 s’agit ici d’une superbe expression du lien qui unit les générations deux
a deux (le grand-pére matemel et petits-enfants).
En conclusion, la cure chamanique obéit a une logique qui lie les
,-,
.-
manifestations visibles de la maladie a des manquements a la tradition. Cette
logique de la maiadie est sous certains aspects
u
persécutive et cuipabilisante n
(Pemn, 1994 : 197) et elle considere que le seul moyen d’étre en bonne santé est
d’accomplir ses devoirs rituels. Corps au singulier, corps au pluriel, pour Rossi le
corps du wixárika malade est social et
u
on peut parler d‘un usage social de la
maladie, par lequel, en suivant les propositions des mara’akate, les Wixaritari
réordonnent leur existence * (Rossi, 1997 : 125).
La section suivante a pour objet de mettre en évidence la logique
. -.
d’endettement qui lie les générations entre eiles.
/-
15
Journal de terrain, 15 septembre 2000.
,
..
,
308
3) Echange inégd et endettement
La relation vitaie unissmt les vivants aux ancétres a été attestée au cows des
sections précédentes. En résumé, si les ancétres sont généreux et peuvent conceder
la vie, la fortune, la prospérité tukari, ils sont aussi susceptibles de chátier ceux qui
ont tendance a négliger leurs devoirs rituels en envoyant des maladies. Celles-ci
sont donc concues comme une manifestation pathogene d’une dette d’offrande. En
somme, la relation qui unit les vivants a leurs ancétres requiert loyauté. Notre
hypothese est que cette conception de la maladie (sous certains aspects
_-_.
culpabilisante) légitime l’institution du chamanisme. Le róle des chamanes est
essentiel: ils sont la pierre angulaire de la société.
,.
3.1.
f-’.
....
De la morde des échanges : le sentiment d’étre en dette
3.1.1. L’inconunensurabiliti da ce qui est r e p
Par défuition le tukari est incommensurable de sorte que le
u
don de vie n recu des
ancétres s’inscrirait dans un échange de caractere inégal. Incapables de rendre en
intégralité ce qu’ils ont recu, les Wixaritari seraient inexorablement endettés envers
I-
!
leurs ancétres.
Marcel Mauss avait remarqué dans L’Essai sur le don qu’il est bon
d’échanger avec les dieux parce qu’ils sont susceptibles de donner une
U
chose a la place d’une petite Y :
L’un des premiers groupes d’étres avec lesquels les hommes ont dü
contracter et qui par déñnition etaient la pour contracter avec eux, c’étaient
avant tout les esprits des mods et les dieux. En effet, ce sont eux qui sont
les véritables propriétaires des choses et des biens du monde. C’était avec
eux qu’il était le plus nécessaire d’échanger et le plus dangereux de ne pas
échanger. Mais, inversement, c’était avec eux qu’il était le plus facile et le
plus sür d’échanger. La destruction sacrificieiie a précisément pour but
d’étre une donation qui soit nécessairement rendue (Mauss, 1995 : 167).
et,
On croit que c’est a w dieux qu’il faut acheter et que les dieux savent rendre
le prix des choses (Ibidem).
edin,
,.
Ces dieux qui donnent et rendent sont la pour donner une grande chose a la
place d’une petite ([bid, 169).
grande
.-
.__..-,..-.-....._-..I
--
1
.
I
,
309
Chapitre 7 : Dette transgénératioMeue et ,--,amanisme
Cette conception de l’échange entre les dieux et les vivants, ou dans notre cas entre
les générations passées et presentes, suakre que les vivants sont obliges
d’échanger et en méme temps intéressés par l’échange. I1 y aurait donc un intérét a
l’échange contraint. 11s sont intéressés par le résultat de l’échange : ils recoivent
plus qu’ils ne donnent (3.1.2).11s sont contraints a échanger au sens o u ils sont
menacés d’étre malades s’ils négligent leurs devoirs cérémoniels (3.1.3.). De telle
sorte que, ce qui justiferait l’acceptation de cet endettement, serait le sentiment de
recevoir plus que ce que i’on donne : le sentiment d’étre en dette.
3.1.1. ~ ~ i c h inágal
g e :recsvoirplua que ce que ron ne rend
C’est donc le défaut de réciprocité comptable, l’étemel sentiment d’&e en dette, qui
justifie la conception wixárika de la santé et l’importance de réaliser des échanges
cérémoniels. Ainsi le don initial du
tukan ouvre un échange par défdtion inégai :
qui donne en premier endette l’autre parce qu’ a il donne une grande chose a la
place d’une petite w et le récipiendaire n’est pas en position de rendre l’intégralité de
ce qu’il a requ.
En quelque sorte, c’est le sentiment d’&e
en &e
qui déclenche la
micanique de la reproduction sociale. Quand un chamane diagnostique les raisons
qui ont donné lieu a Yapparition d’une maiadie, il a pour habitude de demander que
soit réalisée une cérémonie dans le rancho, ou un sacrifice de taureau dans une fete
du tulo, etc. A cette occasion, chaque membre du groupe participe a la réalisation
de la féte, ce qui a pour effet d’activer les relations sociales et de le libérer
(temporairement) de ses obligations cérémonielles.
Par ailleurs, la possibiiité de demander le tukari aux ancétres unit les
générations deux a deux : celle des grands-parents teukari avec celle de leurs petitsenfants teukari. La parenté du teme tukari avec celui de teukari utilisé pour
désigner les grands-parents et les petits-eniants met en évidence un lien vital
intergénérationnel. Les grands-parents leguent a leurs petits-enfants ce devoir de
a
rendre la vie
recue par les soins de leur bienveiliant grand-pere, c’est-a-dire en
x
continuant d’aller déposer des offrandes la ou
fortune
Y
il demanda la vie, la chance, la
qui leur permirent de grandir bien alimentes et en bonne santé. En
somme, leur devoir n’est pas celui de e rendre N mais plutót celui de a transmettre P
ce
a
don de vie
B
a leurs petits-enfants lorsque leur tour sera venu. En effet, la vie
recue des grands-parents c’est d’abord le nom, l’appartenance familiale, et comme
3 10
Chapitre 7 : Dette transgénérationneiieet cham-sme
le remarque LemaiStre (19971, parfois aussi le don de devenir un chamane.
Rappeions-nous que le premier chamane fut le grand-pere Feu w T a t u a n .
Dans un iangage plus materialiste, il est possible de dire que ce systeme
fonctionne en faisant
’ ..
”
w
comme si u les personnes payaient les intérets d’une vie
saine, sans jamais rendre de facon intégraie le capital de vie initial, mais en le
transmettant.
3.1.3. Contdle da la dciprocit&:le c
d
m obligé d. l’ichange
Le fonctionnement de ce systeme d’endettement intergénérationnel suppose un
moyen de controle de la réaiisation des devoirs cérémoniels, en d’autres termes, de
...
...
,.”.
remerciement, ou de paiement, pour la vie et la fortune concédées. L’une des
facettes du
sentiment d’&e en &e
consiste en une menace qui plane sur la
descendance : la maladie ou l’infortune. Cette menace qui plane sur la descendance
garantit l’échange inégal entre les générations.
Mí d’iiiustrer ces propos, il est intéressant de se référer aux travaux de
Mark Rogin Anspach (1998) relatifs a l’application de la théone des jeux a
-.,,
l’entendement des fondements rituels de la transaction monétaire. Selon Rogin, le
i
-
troc ne peut pas exister sans une relation verticale, qu’il matériaiise sous la forme
d’un tueur a gage. La menace de mort qu’exerce le tueur a gage sur la personne qui
,-
a requ en premier l’oblige a donner en échange de ce qu’elle a regu : elle garantit la
réciprocité. En exercant un controle de l’échange, cette relation verticale agit sur la
1
.
-
relation entre les personnes de telle sorte qu’elle favorise -voire impose- la
réciprocité.
.,-,
Dans le cas des Wixaritari, la transmission intergénérationnelle des dettes, et
donc de la maladie, selon laquelle les ancétres sont susceptibles de se fgcher
r-’ lorsqu’ils ne reqoivent pas les offrandes requises, constitue la menace latente qui
, ..,
,
.-
incite a la réciprocité ou la dévolution. D’une certaine maniere les ancetres sont le
Pere Noel et le Pere Fouettard a la fois et, le sentiment corollaire a celui d’etre en
dette est celui de craindre pour sa santé.
En conclusion, cette relation verticale décrite par Rogin est de l’ordre de la
.-
morale et fait poindre l’ordre social vers un idéai. Le controle social est exercé par
les chamanes (via le diagnostic des causes de la maladie), lesquels se chargent de
-
rappeler que les dons et les dettes se transmettent au travers des générations. En
..
ce sens, les chamanes constituent un groupe de pouvoir qui réitere régulierement
I-
. ..
les termes d’un discours selon lequel il est bon et nécessaire de remplir ses devoirs
s’adressent a leurs amis mitis, pour défuiir
cérémoniels. Lorsque ,les W&&
cette obligation morale de réaliser des offrandes et des cérémonies, ils disent : a hay
que cumplir con el costumbre 816. Car c’est la sede facon d’avoir une vie saine. C’est
N
parce que nous sommes WiXantari
3.2.
Hau et
x
, disent-ils.
lktkari : le role der chrmines
“iciil n’y apas besoin d’argentpour vim.
ii f i t remplir ses pmmesses envers les divinités d qui l’on demande la s a t & , du Mail, etc.
C’est difléreni d’une demande d’argent.
lci awir de l’argeni en banque c’est awir des uaches et des chevres.
Les inter& ce soni les veles chevremur.
El ce soni les coydes et les pumas qui mmmeüeni les hold-up1 J 7 .
,...I
-
L’épigraphe de cette section correspond a une explication qu’un wiuárika donna un
jour a une visiteuse étrangére qui souhaitait en savoir plus au sujet d’un des sites
sacrés situé sur notre route, le lieu sacré de Tataoan, le Grand-pere Feu, Teakata.
Comme cette femme ne parlait pas espagnol, j’avais été chargée de lui traduire ses
propos, lesquels nous fvent éclater de rire! L’image des animaux sauvages
transfomés en dévaliseurs de banque était pour le moins savoureuse ! L’emploi
d’images successives témoignait d’un désir de rendre intelligible les méandres de la
pensée wixárika, ainsi que d’une grande générosité de la part de notre
interlocuteur. Voici ce que j’écnvis dans mon journal de terrain du 9 avrii 2001:
En arrivant a Tuapurie, Y. (la visiteuse.) posa difiérentes questions a A. au sujet de
Teakata et je me fis l’interprete a sa demande. A. lui répondit que Teakata est située
au caur du monde uhxanka, que tout a commencé ici. De la sont apparus les
difiérents lieux sacrés, Chapala, etc. jusqu’a Wirikuta Quand le mara’akame unit les
eaux des difiérents sites sacrés principaux, s’il bénit la tern d’une seule goutte de
cette eau, aiors cela su5t pour faire pousser des milliers de pins.
I1 dit que sa vision de la politique n’est pas la recherche d’argent. lci il n’y a
pas besoin d’argent pour vivre. I1 faut remplu ses promesses envers les divinités a
qui l’on demande la santé, du béiaii, etc. C’est Mérent d’une demande d’argent. Ici
avoir de i’argent en banque, c’est avoir des vaches et des chévres. Les intédts, ce
sont les veaux, les chevreaux. Et ce sont les coyotes et les pumas qui commettent les
hold-up1 &es I
I1 existe des sites sacres, des répliques des sites w r é s principaux, qui sont
situés pr6s de Tuapune. Un peu plus vers le nord il y a un lieu correspondant a
Cerro Gordo. Vers Tuxpan,il y a une répiique de Haramara Et, dit4 en montrant un
mont Situé prés de nous, il s’agit d’une réplique de Leunar o u Yon va déposer des
offrandes en urgence lorsqu’il s’agit d’une demande exprese du soleil. 11 existe
difiérentes répliques des iieux sacrés principaux en différents endroits de la sierrais.
l6
* 11faut remplir ses devoirs coutumiers P.
17 Journal
de terrain, 9 avril2001.
Le dernier passage, relatif aux répiiques des sites sacrés, n’a pas de relation imrnédiate avec la
question posée dans cette section. Je l’ai conservé pour ne pas décontwthialiser la citation.
1s
312
La relation établie entre intérét et veaux par 1’anthropologue wixárika devant
un auditoire médusé, rappelle inévitablement cette chere problématique du hau qui
fascina Mauss et fut interprétée par Sahlins comme une sorte de taux d’intérét :
Le sens du hau qui se dégage de l’échange des taonga est aussi séculier que
l’échange lui-meme. Si le deuxieme don est le hau du premier, alors le hau du
bien, c’est le bénéfice qu’il procure, sa R crue *, de méme que le hau de la forét
est saproductivité (Sahlins, 1972 : 211).
Et :
Toutefois, des lors qu’il ne s’agit plus d’une simple réciprocité s spirituelle *, ni
méme de réciprocité tout court, mais du simple fait que le don d’un homme ne
saurait devenir le capital d’un autre et donc que les fruits du don doivent faire
retour au donataire initial, survient la nécessité d’introduire un troisieme
partenaire dont l’intervention est nécessaire précisément pour mettre en
évidence ce bénéfice net : le don a produit ; le donataire en a fait un usage
profitable. (. ..) Le terme hau intewient dans la discussion (...) lors de l’échange
entre le second et le troisieme partenaire, c o m e le veut la logique qu’il
représente le produit du don, sa a crue x (Ibid : 212).
Le rappel des écrits de Sahlins permet de faire une comparaison, des plus
N
productive
R
dirait ce demier, entre la vision du monde des Maoris et des
Wixaritari. En effet, avant d’user le terme d’ U intérét X , l’anthropologue wixárika dit :
u
quand le mara’akame unit les eaux des dñfférents sites sacrés principaux, s’il bénit
la teme d’une seule goutte de cette eau, alors cela suffit pour faire pousser des
milliers de pins
n.
La similitude entre la pensée du sage maori et celle de
l’anthropologue wixárika est troublante : ce sont les chamanes qui, en unissant les
eaux sacrées, produisent le rUkari(hau).
Ainsi inteMent un troisieme terme dans la
relation entre les ancetres (forét) et les vivants (chasseurs) : les chamanes (pretres).
Or, ce schéma d’interprétation fonctionne aussi pour éclairer le róle des
échanges Uribugu et Pokala parmi les Trobriandais ! Dans ces trois cas de figure, la
relation entre les échangistes inclut un troisieme partenaire de telle sorte qu’il ne
peut pas y avoir de contre-don direct :
1 ) Maoris : Ce sont les
qui déposent le hau dans la forét lequel permet
aux oiseaux de croítre et... d’étre chassés.
2) Trobriands : I1 est nécessaire de faire des offrandes Pokala sur le chemin du
Kula. Elles permettent d’éviter de tomber malade. Des offrandes similaires
Pokala sont faites aux esprits ancestraux et aux esprits des héros
civilisateurs qui fonderent l’institution de la made (Maiinowski, 1995 :327).
Les savoirs de la magie horticole sont hérités en ligne matemelle (Ibid : 73) :
iis permettent de faire münr les aliments qui constituent le Poknla. Ce terme
désigne les offrandes destinées aux esprits ancestraux, le tribut versé au chef
et la donation annuelle Uribugu du frere a l’époux de sa sceur. Ces deux
types d’échanges sont qualifiés par Maiinowski de
paiements habituels et
de compensations irrégulieres sans stricte équivalence B.
3) Wixaritari : Ce sont les chamanes qui unissent les eaux sacrées de facon a ce
II
,-.
...
~
~
,,,--.
qu’elles procurent le hclcari qui assure l’abondance, la fortune, etc.
Sahlins, au sujet du hau,conclut que :
a Tout se passe c o m e si x les Maori reconnaissaient un concept de portée tres
générale, un principe de productivité,le hau :une catégone qui n’admet pas de
distinctions, n’appartenant nia la sphere que nous nommons e spirituelle N
a la sphere dte e maténelle *, et applicable néanmoins a l’une et a l’autre
inméremment (Ibid : 220).
I)
*.*.,
La troublante similitude entre le hcknri et le hau nous permet de mettre en
,..-.
....,
-,.
~-
/*..
,,-.
évidence l’importance de la fonction sociale des chamanes.
Le schéma qui relie les
générations deux a deux nécessite un troisieme partenaire : les chamanes. 11s sont
la pierre angulaire du systéme social et maitrisent les clés de la communication
avec les ancétres. 11s savent les paroles et les gestes qui permettent de vivre dans
l’abondance, d’étre fortune. En somme, tout se passe comme s’il fallait un bras
pour a placer le hau dans la forét x ou encore * unir les eaux Y.
De telle sorte que la confiance dans les chamanes doit étre sufisamment
importante pour que regne un &at d’endettement mutuel positif entre les membres
de la société et que la responsabilité du défaut d’offrande soit assumée pleinement
par le malade ou par sa famille. Ces conditions sont favorables a la reproduction
des liens sociaux, en d’autres termes, elles sont nécessaires au maintien de la
solidarité. Dans le cas contraire, lorsque le contróle social exercé par les chamanes
I
’*””
para3 abusif, ils sont discrédités, voire accusés de sorcellene, et la réalisation des
devoirs cérémoniels apparait moins légitime. En ce sens, l’accusation de sorcellene
est un contre-pouvoir du chamanisme.
. ,
Cependant, cette parité ne peut fonctionner que dans un contexte ou il
n’existe pas d’autre alternative a la cure chamanique dans un systéme social
I
-‘
relativement fermé. Dans un contexte de multiplicité des options offertes aux
membres de la societe, les accusations de sorcellene aiimentent le discrédit envers
,-
les chamanes. 11 peut paraitre parfois souhaitable de substituer au chamane -
Chapitre 7 : Dette transgénérationuelleet chamanisme
3 14
médiateur avec les ancétres- des prieres que tout un chacun peut proférer te1 que le
propose l’évangélisme. La conversion évangélique est conque comme une alternative
^
I
aux pratiques chamaniques qui sont parfois fort coüteuses et dont le succes n’est
pas toujours garanti. Et du point de vue des convertis, leur nouveau mode de vie les
met a l’abri de la sorcellerie. La santé est, dans un cas comme dans l’autre, le bien
supreme dont chacun souhaite étre le bénéficiaire.
4) Sorcellerie et Óvangblisme : d’autres mídiations .out-elles pouibles 2
4.1.
Contre-pouvoit et sorcellerie
Dans les íles Trobriands, la magie noire bwaga’u suscite une grande apprehension
et elle est un des moyens de maintien de l’ordre établi (Malinowski, 1995 : 88). I1 est
,-
..
possible d’avoir recours a la magie noire dans deux situations. Soit lorsque le chef
contracte les services d’un sorcier pour nuire et tuer un rival, soit lorsqu’un associé
Kula a été déloyal (fausse réciprocité). I1 vise donc a renforcer les institutions masculines- de la chefferie et du Kula et, d’une certaine faqon, a maintenir la
division sexuelle des prerogatives dans cette société ou la matrilinéarité fait autonté
*-.
en matiére d’agriculture et de magie horticole. Les savoirs relatifs a la magie noire
sont transmis par le pere d’ego sa vie diirant, ou par l’oncle matemel d’ego en
échange d’une pokala, ou bien encore iis s‘héritent en ligne matrilinéaire. Lorsque
l’oncle matemel echange des savoirs contre une pokala, le premier acte de
sorcellerie d’ego devra étre réalisé a l’encontre d’une de ses meres classificatoires.
Pour bénéficier de ce savoirpar l’intermédiaire d’un membre du groupe
matrilinéaire, il faut donc toujours qu’une femme décéde. De mon point de vue, la
magie noire des Trobriands s’inscrit dans une recherche d’équilibre des pouvoirs
entre ceux liés a la matrilinéarité, la chefferie et le Kula.
Parmi les Azande d’Afrique centrale (Evans-Pritchard, 1976), la sorcellerie
,.
I..
mangu se transmet de pere en fils ou bien de mere en fdle. Avec la magie et les
oracles, la sorcellene forme un complexe o u les deux premiers termes sont destinés
a contrecarrer ou éviter les effets du troisieme. Dans la culture Zande la sorcellerie
,-
joue un role fondamentai étant donné que tout déces est concu comme étant une
consequence de la sorcellerie. La mort doit étre vengée, a l’aide de la magie de la
vengeance, apres que la famille de la victime ait identifié le responsable gráce a la
consultation d’un oracle. Dans ce contexte, o u tous peuvent étre désignés comme
,. ._.~
étant le sorcier responsable du déces d’un de ses voisins, pour Evans-Pritchard les
sorciers ne peuvent pas avoir d’existence réelle, du moins tels que les Azande les
dépeignent (1976 : 83). Néanmoins,
El concepto de brujería les proporciona una filosofia natural mediante la cual
se explican las relaciones entre los hombres y los sucesos desaforhuiados,
existen medios disponibles y estereotipados para reaccionar ante tales
acontecimientos. Las creencias en la brujería también incluyen un sistema de
valores que regula la conducta humana (ibidem).
Le concept de sorcellerie leur donne une philosophie naturelle par laquelle ils
expliquent les relations entre les hommes et les évenements malheureux, ; il
existe des moyens disponibles et stéréotypés pour réagir dans de telles
circonstances. La croyance en la sorcellene inciut aussi un systeme de valeurs
qui régule la conduite humaine.
De telle sorte que la fonction sociale de la sorcellerie dans la culture Zande est
comparable a celle du diagnostic chamanique wixárika de manquement a la
tradition : elle explique l’infortune, la maladie et les déces. Ces deux conceptions
expliquent le monde et normalisent les relations sociales. De plus, te1 le tukan,
applicable a un ensemble d’activités qui vont de la culture du mais, a l’élevage, a
l’artisanat et méme au commerce, le mangu pénetre toutes les spheres dans l’ordre
du vital. C’est la crainte de subir les conséquences de la sorcellerie qui invite les
Azande a consulter des oracles, a solliciter les services d’un mage pour se venger ou
encore a demander a un exorciste de danser pour éloigner la sorceiierie ambiante.
Panni les Wixaritari, a la différence des Azande, tout le monde ne peut pas
étre accusé d’étre un sorcier : seuls les chamanes et les apprentis sont a méme de
pratiquer la sorcellerie. Celle-ci étant socialement réprouvée, particulierement
crainte et objet de rumeurs, ii n’est pas possible d’accuser seul et de facon directe
une personne d’étre un sorcier, mais toujours par le biais de la rumeur, du bouche
a oreille, dans la confidence. Au bout du compte, la sorcellerie explique ici aussi un
grand nombre d’iníortunes sans solution apparente. Inévitablement mise en
relation avec l’envie, la jalousie, le désir de possession de richesse ou meme d’une
femme, les accusations de sorcellerie mettent a mal la réputation des chamanes et
de ceux qui ont échoué dans leur entreprise pour le devenir. Elles jettent le
discrédit tout en confortant le savoir d’un autre chamane, celui qui
v
sait n et agit
conformément au code moral. Voici quelques aíiirmations relatives a la sorceiierie et
a ses praticiens :
316
Chapitre 7 : Dette transgénérationnelie et chamanisme
Ceux qui s’adonnent a la sorcellerie sont ceux qui n’ont pas réussi a devenir
chamwe. 11s sont jaioux.19
Les parents ne veulent plus envoyer leurs enfants aux fétes car ils disent que
les chamanes leur jettent des sorts.20
Comment pourrait-on juger les chamanes qui pratiquent la sorcellerie?
Faudrait-il reunir deux ou trois chamanes pour qu’ils évaluent si oui ou non
un autre se rend coupable de sorcellene ? 21
Pendant la cérémonie de cure il est impossible que le rnara’akme dise qui lui
a fait du mal méme s’il voit. Dans le cas contraire ii entrerait dans une lutte a
mort avec le somier. Le discours va toujours étre te1 que tu n’as pas déposé
_-
tes ofiandes
L’argent rend fou méme un bon chamane, dit-elle. 11s sont jaioux entre eux,
pour avoir le pouvoir, et en obtenir de l’argent. Je lui demande en quoi
consiste le paiement du chamane : de l’argent, du bétaii. Est4 possible qu’il
demande une jeune fiUe? Oui, mais si elle est d’accord. I1 est possible de
répondre qu’elle a déja été demandée. Elie rajoute qu’un chamane qui jette un
sort peut se protéger en aiiant déposer des ofiandes.23
.^i
,,
.
....
,.“.
”.*2
La sorcellerie est donc inümement liée a la pratique du chamanisme. Seuls peuvent
la pratiquer des chamanes, ou encore, a en croire un chamane, ceux qui auraient
échoué dans leur tentative de le devenir. De telle sorte que les chamanes sont a
l’image des ancitres qui peuvent donner et reprendre, contenter et chátier: ils
savent faire le bien et le mal. Cependant, les motifs de faire le mal sont autres que
celui de
u
chátier
B.
En effet, la jalousie est un motif recurrent : les sorciers sont
dépeints comme étant des personnes avides de pouvoir et d’argent. 11s ne peuvent
pas former un groupe de pouvoir homogene, uni, soudé. Au contraire, l’ensemble
des chamanes est presenté comme un corps miné par la discorde et l’envie
mutuelle. Un chamane ne peut pas reconnaitre publiquement qu‘une personne est
maiade en raison d’un sort qui lui aurait été jetéz-‘. Sinon
E
il entrerait dans une
lutte a mortn avec le responsable. Ainsi, les diagnostics des maladies peuvent
masquer des raisons autres que le défaut d’offrandes. Pourtant, il sera prescnt au
malade d’accomplir ses devoirs cérémoniels. Les techniques de la sorcellerie ne
semblent guere différer de celles du chamanisme, d’ou l’ambivalence de cette
institution, cependant il est diffcile d’obtenir des informations a ce sujet. Qui peut
bien parler ouvertement de ces techniques sans risquer d’itre accusé d’etre un
Paroles d’un chamane, Journal de terrain du 18 avril2001.
Paroles d’un homme qui a rédige un livre sur la tradition en langue wixárika, Journal de terrain du
3 juin 2000.
21 Paroles du Gouverneur, au cours d’une assemblée, Journal de terrain du 26 mars 2000.
22 Paroles d’une mere de famille, Journal de terrain du 28 mai 2000.
23 Ibid.
24 Néanmoins, ii semble possible qu’il le reconnaisse dans la confidence des parents proches.
19
20
Chapitre 7 : Dette transgenérationnelleet chamanisme
sorcier ? Finalement, les rumeurs relatives
3 17
a la pratique de la sorcellerie jettent le
discrédit sur un chamane, redorant par la-meme le blason d’au moins un autre...
Or, tout chamane a un cercle d’influence, plus ou moins important, voire
extrémement vaste dans le cas des chamanes chanteurs des centres cérémoniels.
..,,
Dans ce sens, les accusations de sorcellerie agissent sur les limites des cercies
d’influence et les possibiiités d’ascension dans la hiérarchie indigene.
La sorcellerie est moralement condamnée et une personne soupconnée a tout
..
intéret a changer de résidence car elle est en danger de mort (Fikes, 1993 : 125).
,.-,.
Dans la communauté de Tuapurie, en 1998, deux hommes furent sommés de
répondre publiquement aux accusations de sorcellene : ils etaient tenus pour
.
.,-
.,.
. >.
responsables des crises d’hystérie collective dont souffraient les eleves de l’intemat
scolaire de Cajones. Apres avoir été physiquement maltraités, ils avouerent et
accepterent de dkiger une cérémonie de cure, mais iis furent rapidement lynchés
par les adolescents malades. L’un d’eux mourut et l’autre décida de fuir et de se
placer sous la protection du Ministere Public25. Finalement, le gouvemeur et a la
fois chamane de la communauté voisine Tateikie realisa une cérémonie qui mit fui
aux crises d’hystérie en échange d’un paiement relativement Elevé. L’anthropologue,
, -.,
qui fut chargé par lTNI d’évaluer ce cas, estime que les accusations de sorcellerie
..
sont une facon de sanctionner les actes antisociaux ou de manipuler le status quo
.-
d’une communauté (Escalante, in Rojas et Hemández, 2000 : 125). La sorcellerie
.,
exerce une fonction de controle social lié a l’ambivaience de la fonction du chamane
qui fait de lui un sorcier potentiel. Les signaux qui indiquent une deviation de son
,-
-.
,
role de soigneur provoquent la suspicion, laquelle peut conduire a sa dénonciation
publique : les chamanes sont sans c e s e sous l’emprise des jugements de l’opinion
publique. Par ailleurs, pour Escalante les accusations de sorcellerie mettent en
.
..,
. -.
circulation les tensions communales, qui sont liées a la rupture des normes, et
l’accusé devient une sorte de bouc émissaire. Le cas de l’intemat scolaire de
Cajones met en évidence que le lynchage peut, dans un cas extreme, sanctionner
les pratiques de sorcellerie. Cependant, le lynchage ne garantit pas forcément le
retour a la normale et, lorsque les problemes ne se résolvent pas, la méfiance
..
augmente et affecte l’institution du chamanisme. Dans chacune des trois localités
de Tuapune qui disposent d’un intemat scolaire, des crises d’hystérie collectives
25
Sur cette question, voir les informations et opinions compilées dans I’ouvrage de Rojas Rojas y
Agusün Hernandez (2000). Au cours des dix demieres années, ces crises dhystérie collectives ont été
fréquentes dans les internats scolaires de la Sierra ; il semble que ce phénomene ne soit pas recent. La
nouveauté réside plut6t dans le nombre d‘acteurs concernés : institutions, presse.
Chapitre 7 : Deite iransgénérationneiie et chamanisme
318
m t été attestées a differentes reprises au cours de la décade passée. Elles furent
avérées a Nueva Colonia, puis a Cajones et plus tardivement a Pueblo Nuevo. Dans
les deux premiers cas, les crises furent jugulées. Dans le cas de Pueblo Nuevo,
apres plusieurs rituels de cure non concluants, ses habitants déciderent d’avoir
recours a un chamane de la communauté wixárika de Tuxpan. C’est dans ce
contexte qu’il faut comprendre que
w
les parents ne veulent plus envoyer leurs
enfants aux cérémonies car ils disent que les chamanes leur jettent des sorts x.
Dans de tels cas, certes extrémes, les personnes Souffrantes sont tentées de
..-.
se rendre en dehors de la communauté pour guénr et dépasser les nvaiités entre
chamanes et familles. Elles peuvent consulter un chamane lointainement
apparenté, voire méme un médium en ville, ou avoir recours a d’autres méthodes de
soin qui impliquent cependant un changement radical de mode de vie. Dans cet
* ’
ordre d’idée, l’évangélisme est une alternative a la cure chamanique qui met le
malade a I’abri de la sorcellerie.
,
4.2.
L’évangólisme : une autre option de santá ?
Le discrédit dont peuvent souffrir certains chamanes lorsqu’ils sont soupconnés de
_-.
pratiquer la sorcellerie ne conduit pas irrémédiablement a remettre en cause
l’ensemble du systeme chamanique. La sorcellerie a sa place dans ce systeme social
,.I”
au sens ou elle regule les limites des cercles d’influence des chamanes et agit
comme un contre-pouvoir. Les réactions en réponse a certaines situations
inquiétantes, et souvent douloureuses, ne sont cependant pas previsibles. Gardonsnous bien de penser que la sorcellerie agit uniquement comme un contre-pouvoir
qui ferait revenir le groupe social vers un état d’équilibre initial. Les reactions sont
fmalement des plus diverses et, avant de présenter l’une d’entre elles dont les
conséquences sont particulierement drastiques, la présentation d’un témoignage
. “.
permet d’introduire notre propos : c’est la médiation avec les ancétres qui est en
cause lorsque surgissent des accusations de sorcellerie. La moralité des chamanes
est remise en question mais pas la loyauté des ancétres.
4.2.1.Le ravC &non&atacr :l’hluation de la m o r a l i d’un
~
chamane
Dans une section anténeure, nous avons présenté le cas d’une femme qui fut
malade et apprit au moyen du 8 réve u qu’elle avait été ensorcelée par un chamane.
Chapitre 7 : Dette transgénérationneiieet chamanisme
319
Elle recut un message, une information, ou encore un don de la part des ancétresZ6.
Le chamane en question etait au moment de la narration le chanteur d t n hcki, qui
<’’
plusieurs mois apres ce récit, fut évincé de la hiérarchie du tuki. Pour cette femme il
n l avait pas doute : les autres chanteurs s’étaient rendus compte qu’il pratiquait la
.., .,
sorcellerie.
D’autres personnes croyaient aussi qu’il était un sorcier. Par exemple, une
..
*.._
veuve le rendait responsable de la mort de son mari, qui était lui aussi chamane. La
veuve expliqua que, une fois la cérémonie funéraire de son époux terminée, le
chanteur aurait annoncé aux intimes du défunP qu’il serait décédé des suites de la
sorcellene perpétrée par son beau-fils a son encontre. 11s auraient éte rivaux des le
jour ou le defunt lui avait donné sa f d e aínée en mariage. La jeune f d e n’était pas
vierge ; le gendre accusa son beau-pere d’avoir violée sa f d e lorsqu’elle étaitjeune28.
La liste des accusations contre cet homme pourrait etre plus longue. I1 a été
jeté dans le discrédit. Pourtant, ces deux femmes qui considerent cet homme
comme un chamane immoral, ne rejettent pas le systeme chamanique et éprouvent
un grand respect pour certains chamanes. Certes, elles les craignent en raison de la
duaiité de leurs savoirs. Selon la premiere d’entre elle, le chamane le plus fort x est
celui qui oficie durant les cérémonies du rancho de son pere. Or, le chamane
qu’elle dénonca est un rival déclaré de ce demier. A l’occasion d’une cérémonie du
tuki, j’assistai a une violente altercation entre eux.
Le discrédit jeté sur I’un
reaffirme la confiance en un autre sans pour autant se propager a l’ensemble du
<~.
systeme chamanique. La confiance dans le chamanisme n’est pas altérée.
Paradoxaiement, c’est le savoir d’un autre chamane qui est renforcé.
4.2.2. La sorcellerie da Satan
Les travaux de Otis (1998)*9 relatifs a la conversion a l’évangélisme de familles
..-.
wixaritari, dans plusieurs localités Wixaritari de Nayarit, montrent que le rejet de la
sorcellerie est un facteur déterminant dans le processus de conversion.
Avant de présenter de facon détaillée les recherches d’Otis, il est utile de
rappeler que la conversion a l’évangélisme de natifs n’est pas récente. Elle débuta
dans les années sokante, dans les zones ouest et sud, notamment de facon
26 Cf.
Chapitre 6.
’’ 11 ne s‘agit pas d’une annonce publique, mais d‘une confidence ;c’est le domaine de la rumeur.
m Journal de terrain, mars 2002.
Les localités de Santa Rosa et de ZOqUiPan Sent situées en dehors des terres communales indiennes
reconnues par le ministere de la réforme =aire.
29
320
conjointe a l ’ h v é e des linguistes de l’institut Lhguistique d’Eté (ILE) dont l’objectif
était de préparer un lexique qui pennettrait de traduire la Bible en langue
vernaculaire. Par ailleurs 1TLE collaborait alors avec le Ministere de 1’Education a la
rédaction de manuels scolaires bilingues. Cette collaboration prit fin. aux débuts des
années soixante-dix apres que professeurs bilingues et anthropologues eurent
dénoncé le non respect par lTLE des cultures natives. D’abord cantonnées a la
partie occidentale de Nayarit, il semble que les premieres conversions dans les
communautés de la Sierra de Jalisco intervinrent dans les années quatre-vingt-dix.
Lhistoire des évangélistes dans la Sierra reste a écrire30. Actuellement, aucune des
communautés traditionnelles n’est exempte de cas de conversion en son sein. A
plusieurs reprises, ces nouvelles situations sociales ont généré de fortes tensions
_-.
car les convertis ne sont pas a disposés a participer aux systeme de charges. Dans
le cas de Santa Catarina, il ne m’a pas été possible de converser directement avec
des évangélistes étant donné la stigmatisation dont ils sont l’objet de la part de la
,_a+
!
majorité de la population. La conversion est récente et le climat était trop tendu au
moment de mon travail de terrain pour queje risque d’étre moi-méme stigmatisée.
Parmi les motifs qu’invoquent les convertis pour expliciter leur adhesion aux
pratiques et a la doctrine évangéliste, l’un d’entre eux est crucial : la santé physique
personnelle. En effet, la nouvelle religion entre en concurrence avec la cosmologie
indigene au sujet de l’origine divine de la santé. Le systeme chamanique des
Wixaritari a ses limites et les convertis lui reprochent que les cures ne fonctionnent
pas toujours et ce, maigré les efforts rituels du chamane et du patient. De plus,
elles sont longues et coüteuses (Otis, 1998 : 53).
Cette affíumation mérite toute notre attention car le caractere difficile, pénible
et coüteux des pratiques traditionnelles est un élément central du discours tant en
faveur qu’a l’encontre de celles-ci. Avoir consacré beaucoup de temps et de
ressources est un motif de prestige, c’est par exemple tres clair dans le cas d’un
gouverneur. Par ailleurs, le coüt élevé des pratiques rituelles est parfois évoqué sur
un ton de reproche, de mécontentement. Le reproche a du sens : comment faire une
féte pour demander la fortune si pour cela il faut la sacflier 3 Un homme Agé qui
eut quatre charges au cours de sa vie31 me confia un jour : u c’est la coütume qui
30
La percée de I’évangélisme dans les communautés indiennes nécessite d’étre analysée de faGon
croisée avec la collaboration d’institutions avec I’iLE dans les années soixante et avec la promulgation
de la loi relative a la libere &association reiigieuse LAW pendant les années quatre-vingt-dix,
31 I1 fut Haquen au cours de sa prime jeunesse, porieur de coupe votive, Commissaire des biens
communaux et Gouverneur. Depuis, on I‘invite a étre second chanteur lors des fétes d’un n<ki.
321
Chapitre 7 : Dette transgénérationnelleet chamanisme
nous ruine ; dans trente ans ii n’y aura plus rien de tout cela Y. Et ii ajouta : fi ne
faut pas le dire aux anciens car cela les fache da. Cet homme, apres avoir &té
gouverneur, était criblé de dettes. Depuis, il cherche par tous les moyens a miper
aux Etats-Unis pour travailler d a s les champs. La-bas, le travail est mieux payé et
relativement moins dur que dans les champs de tabac de Nayaxit,
w
je suis trop
v i e w pour cela n dit-il.
De plus, les cérémonies ne garantissent pas la guérison. Par ailleurs, l’échec
des tentatives de soins est souvent compris comme une conséquence de la
c-.
x_
,.
“..
sorcellerie (Ibid : 55). En somme, il y a d e w raisons qui expliquent les déces : les
manquements a la tradition -ou dettes d’offrandes- et la sorcellerie (Ibid : 56). Les
convertis a l’évangélisme considerent que la maladie est due a la sorcellerie, alors
que ceux qui vivent dans la tradition, ne nient pas l’existence de la sorcellerie et
considerent les personnes converties comme des malades n’ayant pas rempli leurs
promesses d’offrandes (Ibid : 5 7 ) .
Aux accusations prononcées a l’encontre des chamanes (ne pas bien soigner,
demander de lourds paiements et pratiquer la sorcellerie), les évangélistes ont
substitué une explication alternative de la maladie : le monde est fait de vertu et de
j_.,.
,
vice et ces deux entités ne se mélangent pas (Ibid: 57). A la différence des
chamanes qui peuvent faire le bien et le mal,iXeu ne fait que le Bien. De plus, les
techniques de cure sont plus démocratiques au sens o u il est seulement nécessaire
de prier sans faire nécessairement appel a un spéciaiiste : tous ont le pouvoir de
soigner et les soins sont gratuits (Ibid : 60-62).
-.,
Otis repéra une tendance au syncrétisme entre évangéiisme et conception
wixárika de la maladie : dans l’un comme dans l’autre des cas, il faut respecter ses
promesses. Etre en retard dans ses prieres, étre donc en dette de priere, peut
expliquer le retour de la maladie...Certains décident alors de reprendre le chemin de
,’...
I
-.
,”.
la coutume, d’autres changent de groupe évangélique, et finalement la santé -ou la
maladie- reste un facteur qui contribue a l’instabilité des groupes évangélistes
wixaritari (Ibid : 64). Les théologiens du protestantisme ne s’y trompent d’ailleurs
pas lorsqu’ils reprochent a leurs convertis indiens d’étre pragmatiques et de ne pas
abandonner leur coeur a Dieu. 11s rendent un culte en échange du bien-étre
physique, de la méme facon qu’ils pratiquaient la tradition, montrant ainsi leur
I
’”
intérét pour le bien-étre et l’harmonie dans ce monde (Ibid : 65).
32
Journal de terrain, 24 mars 2000
Chapitre 7 : De& transgénérationneüe et chamanisme
322
En conclusion, pour Otis, les convertis considerent les chamanes comme des
assassins en puissance : ils ont perdu le respect pour leur systeme traditionnel de
santé et ses praticiens. Le cóté obscur du chamanisme, la sorcellerie, a conduit a
l’abandon de la culture traditionnelle d’un segment considérable de la société
wixárika (Ibid : 68). Les convertis se sentent maintenant plus en sécunté et ne
vivent plus dans la crainte des conséquences de la sorcellerie.
4.2.3. La santi au camr du probüma ?
La santé est un bien dont la valeur est incommensurable. Autrement dit, solliciter
le tukari engage le wixárika et sa descendance a réaliser les actes cérémoniels
requis pour honorer ce don de vie. Dans le contexte des politiques sociales
implantées dans la sierra, notamment les sanitaires, il serait tentant de penser que
la pratique médicale allopathique entre en concurrence avec les savoirs des
.-
chamanes. Or te1 n’est pas le cas : le diagnostic chamanique est complémentaire de
celui du docteur qui est chargé de soigner les manifestations corporelles d‘un mal
I
--
lié aux engagements pns envers les ancétres. La médecine allopathique n’entre pas
directement en concurrence avec la pratique chamanique ; elle propose une vision
,.-..
alternative du monde compatible avec la conception wixárika de la santé.
Te1 n’est pas le cas des pratiques curatives des égiises évangéiistes. Le
.I<
chamanisme et l’évangélisme33 expliqueraient de facon similaire l’ongine de la vie et
de la maladie (Fajardo, 2000 : 150). I1 existerait une coincidence intime entre la
proposition évangéliste et la conviction huichole en l’existence d’itre puissants qui
peuvent proteger et faire du mal. Fajardo relate le cas d’un couple de Tuxpan dont
le fils se convertit a l’évangélisme. La maladie développée par ce garcon durant sa
prime jeunesse fut interprétée comme un signe qu’il devait devenir chamane a
l’avenir. Or, la mere ne souhaitait pas -et son fils non plus- qu’il devienne
chamane : son pere avait été chamane et était décédé des suites de la sorcellerie. De
plus, elle et son époux sont professeurs et ont arrete de semer le mais : ils ne sont
plus inscnts dans une relation d’échanges vitaux avec les ancétres. Pour cette
raison, la mere sait que sa santé et celle de son fils sont en danger. Elle vit
constamment sous l’empnse de cette menace. Elle se trouve dans une situation o u
la tradition ne lui laisse pas d’issue de secours :
En ce qui concerne l’évangélisme qui est pratiqué dans la Sierra huichole, Otis (1998 : 49) parle de
protestantisme fondamentaliste *.
33
x
.
~
Chapitre 7 : Dette transgénérationnelle et chamanisme
323
Por las exigencias del empleo niuguno de ellos (maestros) siembraun Coamil
individual. Es decir, no todos los cambios de habitos tienen la dsma
repercusión, en este caso se trata de la interrupción de un hábito
fundamental y deiinitivamente de vida o muerte. Por eso es que se crea el
dilema De acuerdo a la tradición, el Coamil familiar organizado por doña
Marta protege a los hijos y nietos, porque todavia no entrega a su cuidado la
s e d a de maíz. Pero esto no incluye a la nuera, porque el maíz obliga
biiateralmente y los hijos de esta deberían seguir también las fiestas de la
casa matema. Marcela sabe que por esto ella sufre múltiples enfermedades
en tanto que su esposo se conserva sano (Ibid 152).
.,
En raison d’exigences professionnelles, aucun des deux (professeurs) ne
sime le champ individuel. C’est-a-dire que tous les changementsd‘habitudes
n’ont pas tous la méme repercussion, dans ce cas iI s’agit de l’interruption
d’une habitude fondamentaie et déiinitivement vitale. C’est ce qui créé le
dilemme. En accord avec la tradition, le champs famiiiai organisé par Doña
Marta (mere de l’époux) protege ses ñls et ses petits-enfants, parce qu’elle n’a
pas encore transmis la responsabiüté des graines de mais. Mais cela n’inclut
pas la belle-ñlle (Marcela), parce que le mais oblige biiatéraiement et les
enfants de celle-ci devraient d e r aux fétes de la maison matemelle. Marcela
sait que c’est pour cette raison qu’elle soufñe de multiples maladies aiors
que son époux est sain.
1
...
Apres qu’une jeune f d e Wixatika soit revenue dans sa communauté apres avoir été
soignée a Zacatecas par des évangélistes, son fils a pns part aux réunions
organisées par les évangélistes. Sa mere comprend son désir de chercher une
protection divine alternative : elle est consciente d’étre pnse dans une impasse les
privant d’etre en bonne santé et elle éprouve du ressentiment envers les chamanes.
C’est le résultat d’un systeme social ouvert, d‘une recherche par certains
,-
Wixaritari d’autres options de santé ; ceci génere des alternatives a la pratique du
chamanisme.
I
4.3.
Lea limite. du ayat¿ma social en queation
La question de la fermeture du systeme social invite a reprendre l’écheveau de ce
,.
I
travail. Dans les chapitres précédents, les problemes et hypotheses ont surtout été
posés en faisant
a
comme si
le systeme social était fermé ou bien délimité. Cette
analyse statique de l’organisation sociale a le mérite de montrer quelles sont les
responsabilités de tout un chacun en fonction de son appartenance lignagere, de
son b e , de son sexe. De plus elle permet de montrer la construction de la morale,
et la défuiition des codes de conduite, en relation avec I’institution du chamanisme.
I1 s’agit néanmoins d’une image quelque peu figée qui présuppose l’existence d’un
état d’équiiibre. Cette analyse ne permet pas de mettre en évidence le caractere
,.-.
dynamique du systeme social puisqu’elle a posé a pnon les limites de celui-ci.
Chapitre 7 : Dette transgénératiannelleet Chamanisme
324
L’exemple de la conversion évangéliste pour des motifs sanitaires rappelle que les
Wixaritari vivent entre la Sierra, les centres urbains et les champs agricoies ; i1S
participent aussi a des programmes institutionnels en tant qu’employés, OU,
population destinataire de ces programmes.
Dorénavant, il est question de montrer que le chamanisme et les rituels ont
une autre fonction a partir du moment o u l’on considere que les relations sociales,
.
.L
économiques et politiques des Wixaritari ne s’arretent pas a celles qu’ils
entretiennent avec les membres de leurs communautés, c’est-a-dire qu’ils sont
aussi membres de la société mexicaine. La multiplicité des roles génere des conflits
et, dans ce contexte, notre hypothese est que la participation cérémonielle permet
parfois de rendre compatibles ces roles. Le chamanisme peut &e
intégrateur
lorsqu’il est capable de réagir aux changements sociaux lies a l’appartenance a une
société plus vaste. Le probleme n’est pas tant U dans quelle mesure le chamanisme
est-il limité ? B mais plutót u quelles sont les limites du systeme social ?
N
.
L’existence d’altematives qui s’offrent aux personnes leur permettent parfois
de dépasser des états de souffrance lies a la sensation d%tre dans l’impossibilité de
solutionner un probleme grave. Rappelons-nous le cas de la jeune fille violée, dont
la mere et la tante chercherent du soutien aupres de l’institution de santé
mexicaine. I1 s’agit de surmonter une situation douloureuse qui n’est pas réglée
.-.
dans le cadre communautaire. Voici un autre exemple : une amie wixárika, mere
célibataire, qui vit de la vente artismale dans le petit village de Huejuquilla,
m’expliqua qu’elle était de nouveau malade puce qu’elle n’avait pas pu acheter les
médicaments qu’un docteur lui avait prescnt quatre années plus tót. Or, comme
elle avait perdu l’ordonnance, elle était tres préoccupée. Selon elle, cela ne servirait
a nen de refaire un autre diagnostic, il fallait d’abord retrouver l’ordonnance.
Finalement, c’est un acte manqué qui marque sa trajectoire sans quelle puisse s’en
libérer. Le sentiment d’impasse est peut étre l’un des plus difficiles a supporter et a
surmonter. Dans son cas, elle interprete la médecine allopathique selon la
conception native et c’est le
a
défaut d’ordonnance n qui cause la poursuite de sa
maladie. Défaut d’offrandes, défaut de prieres, défaut d’ordonnance.. .a chacun son
interprétation a partir de sa situation personnelle. Toutes les alternatives n’offrent
pas de solutions miracles.
L’incomplétude du systeme social confere un degré d’incertitude. Nous ne
pouvons pas faire
u
comme si
le systeme social était fermé ; l’incertitude est l’un
des moteurs de la reproduction sociale. La communauté, le groupe familial, les
Chapitre 7 : Dette transgénérationneííeet chamanisme
325
personnes sont inscntes dans un ensemble de relations avec la société mexicahe,
au travers des emplois, des programmes institutionnels, des associations civiles ou
religieuses ou relations d’amitié qui dépassent les barrieres ethniques. Comprendre
la reproduction sociale en fonction des relations que les membres du groupe
ethnique entretiennent avec la societe mexicaine est I’objet du chapitre suivant.
L’identité ou l’appartenance ethnique, parfois plus que la santé, est placée au cmur
du dilemme que vivent les Wixaritari sur les différents chemins qu’üs empruntent :
Sierra, villes et champs agricoles.
1.
,.
I
,
.-
Chapiire 8 : Assumer d‘etre wixárika
326
Assiimer d’stre wixárika
I1 est ici question d’analyser la dynamique sociale en prenant en compte
l’appartenance des Wixaritai a la société mexicaine. Les Indiens sont partie
prenante d’un réseau de relations interethniques; ils entretiennent des relations audela de leur famille, district et communauté. Par exemple, ils migrent pour vendre
leur artisanat en ville et/ou travailler dans les plantations de tabac. Certains sont
employés dans des institutions mexicaines, en particulier les professeurs bilhgues.
D’autres collaborent a la mise en place d’actions institutionnelles, par exemple
celles du fond régional. Au cours des demieres décennies, la présence des
institutions mexicaines a considérablement augmenté dans la Sierra et le nombre
de politiques destinées aux populations indiennes a été démultiplié. Elles
,-.
s’occupent de la santé, de l’éducation scolaire, de la production, etc. Conjointement,
des fonctions de représentation et de coordination ont été créées.
Une personne peut jouer différents róles sociaux : étre pere de famille, fils
d’llntel, comunero, parent d’éleve, auxiliaire de santé et collaborateur d’un
programme de médecine naturelle mis en place par une organisation non
..
goiivemementale. Certains róles, c’est-a-dire les conduites associées aux dsérentes
positions sociales qu’occupe une méme personne, sont parfois antagoniques
(Merton, 1984). Par exemple, i
l
est diffcile d’étre a la fois auxiliaire de santé et
travailleur saisonnier. En effet, étre auxiliaire de santé suppose d’6tre présent en
permanence au dispensaire, alors qu’accepter un travail saisonnier implique de
quitter son domicile durant plusieurs semaines. Citons un autre exemple : celui du
pere de famille qui est aussi parent d’éleve et travailleur saisonnier. En qualité de
parent d’éleve, on attend de h i qu’il considere que ses enfants doivent assister
al’école. Pourtant, il peut décider d’emmener ses enfants travailler dans les
plantations de tabac. Au vu de ces deux exemples, on pourrait penser que seules
...
les personnes concemées par ces dilemmes sont a méme de les résoudre. Notre
hypothese est qu’il existe des mécanismes sociaux qui permettent de réduire les
conflits entre roles sociaux, a priori antagoniques, et d’éviter la paralysie (Ibid). 11s
permettent au systeme social de réagir aux changements liés a l’appartenance a la
société mexicaine et participent a l’appropriation des róles interethniques.
Dans certains cas, la participation rituelle est un mécanisme social qui
permet de réduire ces contradictions. En particulier, elle offre aux personnes qui
Chapitre 8 : Assumer d‘etre wixárika
321
occupent des róies interethniques la possibilité de se mettre en scene en tant que
Wixárika, de redorer ainsi leur blason identitaire et de gamer en legitimite. si un
róle social est u la conduite de ceux qui occupent une position sociale x et que leur
conduite u est orientée vers des attentes fKées par d’autres qui définissent les droits
et les devoirs
n
(Ibid : 58) ; la participation rituelle est une mise en scene
particulierement efíicace de la personne sociale car elle h i offre l’opportunité de se
conduire selon les attentes du groupe et de surmonter les antagonismes.
De nombreux róles de l’actuel systeme de charges ont été appropries, c’est-adire, intégrés. C’est par exemple le cas des autorites agraires et de 1’Union des
Communautés Indigenes Huicholes de Jalisco. Si la creation de ces autorites, et
organe de representation, a modifié I’équilibre des pouvoirs dans les communautés,
ces roles de médiateurs ont néanmoins été absorbés. La récente multiplication des
emplois institutionnels pose le probleme de savoir si ces róles peuvent étre conGus
comme une responsabilité, une charge, que reprend a son compte la communauté.
Des ma premiere visite dans la Sierra, j’ai été frappée par la participation
d’employés institutionnels aux cérémonies des tukite. Cette situation s’est répétee a
maintes reprises et en divers endroits de la Sierra. Nous analyserons les raisons
pour lesquelles ce cas de figure se répete lors de I’analyse d’une cérémonie. Les
sacrifiants étaient des employes institutionnels et, 1 d’une maniere générale, les
divers participants étaient insérés dans un vaste réseau de relations interethniques.
Certains roles interethniques peuvent étre légitimés en collaborant aux activités
cerémonielles du district. De plus, dans un contexte ou les personnes vont et
viennent entre la Sierra et la ville, entre les champs agricoles et le rancho, entre
l’école et la maison, les experiences se conjuguent au pluriel et le sentiment
d’appartenance ethnique est crucial. La participation rituelle et les discours
chamaniques prennent alors une autre dimension: ils ont une fonction tant
régulatrice qu’identitaíre.
Cependant, le recours a ce mécanisme social ne fonctionne pas toujours,
notamment lorsqu’il s’agit de ramener a la communauté des convertís a
l’évangélisme qui refusent de participer au systeme de charges des tukite. Le
caractere impératif des identités, tant ethniques que religieuses, fait que pour
l’instant chacun campe sur ses positions. Les faits sont encore récents et les
mécanismes sociaux encore a inventer ou a réaménager.
-I-
r
i
l
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I
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8
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00
329
Chapitre 8 : Assuer d’etre wixasika
Le ton de ce demier chapitre est resolument optimiste et met l’accent sur la voionté,
plus que l’obligation, qui accompagne tout geste de dormer, recevoir ou rendre. Par
la méme, il montre la liberté ressentie par la personne au moment o u elle prend la
décision d’entrer ou non dans le cycle du don et d’assumer d’étre wixárika. Comme
le souiigne Goffman, u étre un type de personne ne signifie pas simplement posséder
les attributs requis, mais aussi maintenir les normes de conduite et d’apparence
..
qu’attribue le groupe social auquel on appartient x et w un statut, une position, une
situation sociale ne sont pas des choses matérielles que l’on puisse posséder et
I-
donc exhiber. Ce sont des modeles pour une conduite appropnée, cohérente,
élégante, et bien aríiculée s (Goffman, 1973 : 76).
,-
,” .-,
1) Absorption das chugas drns la hiérarchie indighe
Avec la création de nouvelles autorités au cours des dernieres décennies, en
particulier les autontés agraires qui sont dorénavant membres de la UCIHJ,se pose
le probléme de savoir quelles sont les conséquences en t e m e de recomposition de
l’échiquier politique indien. Autrement dit, cette innovation implique une
recomposition
,-’
de
l’équilibre
des
unidirectionnelles et uniquement
pouvoirs.
u
Les implications, loin d’étre
internes », sont diverses. Ces nouvelles
configurations permirent la création de nouveaux espces de participation politique
,.~.
. ..
ci-
aux niveaux local, régional voire national. Cependant, dans le cas de Santa
Catarina les deux auteurs qui ont évalué ces transformations ont eu tendance a
n’en percevoir que l’aspect négatií et a en souligner les nsques en termes de
clientélisme politique et de diííérenciation sociale (Negrín, 1985 : 21 ; Torres, 2000 :
,,”-
97, 211, 226, 284). Dans la communauté de San Andrés, les avis convergent et
,”
...
mettent l’accent sur le manque de légitimité de cette organisation. Cependant, leurs
avis sont moins tranchés parce que cette organisation rassemble un certain nombre
I
_-
d’acteurs autour d’une méme lutte, la recuperation des terres communaies (Arcos,
1998 ; Liffman, 1996, 1997).De notre point de vue, il y eut des précédents d’un
méme type qui nous permettent d’aborder cette problématique de facon moins
alarmante. Les autorités dites traditionnelles ont elles aussi été créées, appropriées
et pour comprendre comment cela a été possible, il est nécessaire d’avoir recours a
une anaiyse dynamique.
Chapitre 8 : Assumer
1.1.
330
d‘étre wkádca
Lea dimrent. niveaux de ia hiérarchie indighe
L’ensemble des lignages emmenes par les patriarches et centres autour des centres
cérémoniels tukite est composé d’unités socio-politiques aux intéréts divergents,
unités qui s’insérent dans une communauté. La prééminence de ces hommes et des
chamanes dote la hiérarchie indigene d‘un caractere gérontocratique, c’est-a-dire
que les autorités les plus importantes de la communauté sont des personnes
expérimentées et Sgées: le conseil des Anciens. Les Anciens sont chargés de
nommer les membres du systeme de charges. D‘une certaine maniere, il s’agit du
,..-.
.”
noyau dur de l’organisation sociale. Le systeme de charges permet de fake valoir
ses mérites, confere prestige et respect pour les fonctions qui ont été accomplies. I1
comporte plusieurs niveaux, celui des
kawitenctsixi, chanteurs et porteurs de coupe
votive des tukite, celui des charges communautaires de la cabecera et de son temple
teyopani, et les autorités agraires, enfin, celui de la UCIHJ qui rassemble les
autontés traditionnelles et agraires Wivaritari de Jalisco. Finalement, la nature du
systeme politique n’est pas exclusivement gérontocratique étant donné que
prennent part a la hiérarchie indigene des couples adultes. La participation des
adultes, plus ou moins jeunes, est relativement importante, et tous les adultes sont
censés participer a la hiérarchie indigene un jour ou l’autre, exception faite de
certaines femmes, ainsi que des convertis a I’évangélisme qui refusent d l prendre
Part.
Fig. 23 : Lea differants niveaun de la hiéruchie indighe
.
.
L
Traditionncks
des communau
tés de Jaüsco
Cette présentation schématique de la hiérarchie indigene par niveaux a pour but de
rappeler que les lignages et districts jouent un role décisif dans la vie politique
Chapitre 8 : Assumer d‘etre wixárika
33 1
communautaue. La legtimite politique emane des patriarches et chanteurs des
districts. Les autontés traditionnelies et agraires, et par la-méme la UCIHJ, sont
considérées comme iégitimes en raison de leur nomination par les anciens. La
UCIHJ n’est en aucun cas un organe décisionnel situé au-dela des anciens et
chanteurs.
_-
1.2.
Anciennes et nouvelles chugas de médiateurs
Les autontés de la communauté traditionnelle et agraire, lesquelles remplissent des
_I
_-
fonctions considérées comme des charges cargos, ont été instaurées a differentes
époques. Le gouvemement traditionnel a été créé durant la coionie, avec la mise en
place du district de Colotlán, et la communauté indienne qu’il represente regroupe
une population au sein d’un temtoire bien défini. Le fait que son temple de
prédilection soit la teyopani, l’église, rappelle le róle joué par les Franciscains
.”“
durant l’époque coloniaie. Ces autontés n’ont jamais été supprimées et ont continué
a représenter la communauté indienne aprés l’indépendance et la révolution. Ce
gouvemement est aujourd’hui considéré comme parfaitement legitime. I1 a donc été
appropné, intégré. En accord avec Negrín (1985 : 16), pour gouvemer, les autontés
..-,
du gouvemement traditionnel doivent obtenir le consensus entre les diííérents clans
ou districts. Elles doivent prendre en consideration les réseaux des lignages centrés
autour des tukite.
L’une des innovations post-révolutionnaires fut la création d’une institution
chargee de la réforme agraire. Au vu des problemes temtonaux que connaissaient
. ^.
-
alors les communautés, elles présenterent des requétes auprOs des autorités
mexicaines dés 1920. En ce qui conceme Santa Catarina, en 1954 a été émise une
résolution présidentielle futant les limites reconnues de la communauté agraire par
l’état mexicain. Cette nouvelle situation légaie implique des droits et des obligations,
prévues dans l’article 27 constitutionnel et la Loi agraire. Elles prévoient la
propneté communaie de la terre et la nomination par l’assemblée communaie du
Commissaire des biens communaux, du Conseil de Vigilance ainsi qu’un secrétaire
pour une durée de trois ans. Le mécanisme de nomination, qu’adopterent les
comuneros de Tuapune, ne fut pas exactement celui prévu par la Loi mais celui qui
leur parut le plus légitime : les candidats sont proposés par les membres du Conseil
des Anciens, aprés consultation de leurs reves. Ensuite, pour respecter la Loi
c
-
agraire et la Constitution, les comuneros ratifient ces nominations au cours d’une
assemblée communale.
332
Chapitre 8 : Assumer d'étre wixárika
A partir des années sokante, la politique indigéniste debuta dans la Sierra.
Les grands travaux du plan Huicot commencerent dix ans plus tard. En 1975, sur
initiative des bureaucrates, fut créé le Conseil supreme huichol di de faciliter les
prises de décision relatives a la mise en marche de programmes institutiomels. A
son sujet Negrin commente :
El nuevo frente, desde el sexenio del licenciado Echevema, es el de la
integración económica-política fomentada por la infraestructura de
comunicación aérea y vid, por créditos ganaderosy agrícolas, por la creación
de nuevos puestos politicos, supeditando a las autoridades agrarias
representativas de los comisariados de bienes comunales, de los consejos de
vigilancia y de los gobiernos tradicionales. No es remota la posibilidad que,
en un futuro próximo, quede formado un supragobierno con sede en Tuxpan
de Bolaños, con vinculos económicos a los Huicholes más privilegiados de
las diferentes comunidades, que logre reemplazar el sistema político indígena
a través del control de caciques internos (Negrin, 1985: 21).
Le nouveau front, depuis la présidence de Echevema, est celui de
l'intégration politico-économique au moyen du développement des
infrastructures de communication aériennes et routiéres, des crédits a
l'élevage et a l'agriculture, de la création de nouveaux postes politiques,
soumettant les autorités agraires représentatives des commissaires des biens
communaux, les conseils de vigiiance et les gouvernements traditionnels. I1
est fort probable que dans un futur proche soit formé un supergouvernement qui siegerait a Tuxpan de Bolaños, ayant des liens
économiques avec les Huicholes les plus pridégiés des Mérentes
communautés, qui réussisse a remplacer le systgme politique indigene au
Wavers du contróle des caciques internes.
Mais ce conseil eut une existence courte et ii est probable que ce fut en raison de
l'absence d'enracinement de cette organisation dans le systeme de charges, c'est-adire que les anciens et les patriarches n'avaient pas de prise sur celui-ci. Pourtant,
selon Torres (2000, 264-266), c'est a partir de la création du Conseil Supreme
Huichol que la lutte pour devenir Commissaire des biens communaux aurait pris de
l'ampleur. Un nouveau groupe poiitique, celui des leaders agraires, principalement
constitué de professeurs biiingues et de
wixaritari riches acomodados, aurait
dépassé le pouvoir traditionnel des anciens et du gouvernement traditionnel. Ce
nouveau groupe de leaders politiques aurait par la suite pris le contróle de la
UCIHJ.
Dans les années quatre-vingt-dix, d i n de mettre en place le programme du
Fond regional de solidarité (PRONASOL), fut créée une nouveile organisation pan*&a,
1'UUnion des Communautés Indigenes Huicholes de Jalisco (UCIHJ). Elle
rassemble les trois communautés agraires wixaritari de l'état de Jalisco1 qui sont
1 San Sebastián Teponahuastián (Wautia), San Andrés Cohamiata (Tateikie) et Santa Catarina
Cuexcomatiüán (Tuapurie).
I
333
Chapitre 8 : Assumer d'etre Wixárika
I
..
aussi organisées en quatre communautés traditionnellesz. Ses dirigeants sont les
Commissaires des biens communaux et gouvemeurs traditionnels. Au cours de
....
cette décade, les autontés agraires ont eu chaque fois davantage d'importance, et
en général, ceux qui occupent ces charges sont des personnes sachant lire et écrire.
c-.
L'ensemble des auteurs, qui abordent la question de l'action institutionnelle au
cours des dix demiéres années, parlent de
l
.
N
charges civiles u pour designer les
autorites agraires, la UCIHJ, les agents municipaux et de N charges traditionneiies x
en référence au gouvemement traditionnel et membres des rukite. Cette nouvelle
-..
situation implique un phénomene de recomposition a w effets multiples.
En ce qui conceme la communauté agraire de San Andrés Cohamiata, selon
c-
,_-.
cI",.
Arcos
(1998 : 14) les KaWiterUtsiri ont vu leur pouvoir altéré par celui des autontés
civiles, en particulier lorsque le Ministére de la Réforme Agraire introduisit les
autontés agraires. Avec la création des fonctions d'Agents municipaux, Procureur
des Maires Indigenes, Resident de la UCIHJ, President du Fond Régional, la
querelle entre les clans pour les méntes que confere l'ascension dans la hiérarchie a
r-'
augmenté. Dorénavant il existerait deux formes d'accession
au pouvoir, l'une
traditionneiie, issue du systeme de charges, et l'autre alimentée par l'exténeur,
e'-'
*.->
-.
".*,.
r--
c'est-a-dire les institutions. Dans ce contexte, selon Liffman:
Las dependencias del estado y la UCIHJ tienden a confinar el papel de los
expertos rituales en el marco ceremoniai y a no otorgarles poder decisivo en
sus jerarquías, aunque cuentan con personal indígena, üecuentemente
maestros biiingües (1996: 53).
Les instances de l'état et de la UCIHJ tendent a confiner le role des experts
rituels au contexte cérémoniel et a ne pas leur donner de pouvoir décisif
dans leurs l&&chies, bien qu'elles aient du personnel indien, fréquemment
des professeurs büingues.
Les mara'alcate résistent aux tentatives de la nouvelle bureaucratie qui souhaite les
4"-
isoler de la vie poiitique. 11s ont eu un róle actif dans les revendications territoriales
en articulant le discours mythique traditionnel avec le discours agraire revendicatif.
Les anciens, lors des grandes cérémonies communautaires de Semaine Sainte et du
changement des batons de pouvoir, bénissent les machines a écrire, les lettres et
c
'
I
'
les tampons des autontés. Ainsi, ils essaient de continuer a exercer une certaine
hégémonie sur les &aires politiques et temtonales au travers de leur discours
P-'
2 La communauté agraire de San Sebastián Teponahuastlán (wautia) est divisée en deux
communautés traditionneiies, Tuxpan de Bolanos (Tutsipa) et San Sebastián Teponahuastlán, qui
disposent chacune d'un gouvemement traditionnel. De plus, eUes appartiennent a deux municipalites
différentes: Mezquitic et Bolaños.
334
Chapitre 8 : Assumer d‘étre wixásika
sacré sur les maitres ancestraux de la nature. Selon Liffman, ces contradictions
n’expnment pas un conflit entre jeunes et anciens, étant donné, qu’avec l’action de
l’organisation MAGI, a surgi un nouveau groupe de jeunes possédant une grande
experience biculturelle et revendiquant des droits communaux en s’appuyant sur
les valeurs miilénaires diffusées par les anciens (Ibid, 53-56).
Les ONG sont apparues au cours des précédentes décennies. ADESMO puis
MAGI, pour ne citer que les deux plus importantes, ont travaillé dans les trois
communautés
agraires de
Jalisco
sur
des
questions
de
développement
(environnement, production, éducation scolaire) et ont apporté leur soutien
juridique en matiére agraire. La convergence des intéréts autour de la question
..
agraire entre MAGI, les comuneros et les autorités traditionnelles et agraires
membres de la UCIHJ favonsa l’appropriation de cette nouvelle organisation
regionale. L’opinion de Torres (2000 : 264) au sujet de l’action de ces organisations
_--
non gouvernementales, qui sont
e
en faveur de l’intégration, et majontairement
emmenées par des métis *, est extrémement critique. Elles tireraient les leaders
indiens vers un projet modernisateur et vers une culture métisse. En somme, pour
ce dernier, l’intervention des ONG et des institutions mexicaines désarticule
l’organisation sociale indienne.
Dans les difíérentes communautés, la UCIHJ a une base sociale plus ou
moins légitime en fonction des liens qu’elle entretient avec les réseaux de lignages.
Dans le cas de Tuapurie, cette organisation est concue comme étant légitime, dans
,,,-
le sens ou il appartient au Conseil des Anciens de nommer les autorités agraires et
traditionnelles. Dans le cas de San Andrés, Liffman expiique que:
..
~..
..
Para entender la base social (de la UCIHJ) y sus prácticas, a las cuales los
intermediarios tienen que aproximarse para ganar la legitimidad, el sistema de
tenencia de la tierra, organizado en tomo del parentesco y los lugares sagrados
del entomo, es sumamente importante. El fundamento ideológico de este es la
religión mesoamencana (...) Las familias se vinculan con sus ancestros y los
Seres sagrados a través de sacrificios de sangre y otras ofrendas en lugares
claves. Por lo cual se dice entre los Wixaritari que ‘aunque hables el idioma, si
no haces costumbre no eres Wixárika”
Este
. sistema y los cargos religiosos son
la base de la integración temtorial wixárika: ‘la totaiidad de los lugares
sagrados, ranchos y centros ceremoniales (tukife) conforma una red jerárquica
de intercambio que estructura la comunidad como tal, independientemente de
las jurisdicciones impuestas por el Estado” y ‘para las bases sociales cualquier
grupo que no participe en este sistema de reciprocidad ceremonial no goza de
la confianza politics" ( L h a n , 1997: 5).
Pour comprendre la base sociaie de la UCIHJ et ses pratiques, desquelies les
internédiaires doivent s’approcher pour gagner en légithité, le systéme de
propriété de la terre, organisé autour de la parenté et des lieux sacrés
alentours, est extrémement important. Le fondement idéologique est la religion
méso-américaine (...) Les families entrent en contact avec leurs ancétres et les
335
Chapitre 8 : Assumer d‘étre wixárika
entités sacrées au travers de sacrüices de -g
et autres o5randes dans des
liew ciés. C’eSt pOUrqUOi les wutaritari &sent a bien que tu parles wixárika, Si
tu ne fais pas la costumbre,tu n’es pas wixálika X. Ce systéme et les charges
religieuses sont la base de l’intégration territoriale wixárika : la totalité des
l i e u sacras, ranchos et centres cérémoniels (tukite) forme un réseau
hiérarchisé d’échanges qui structurent la communauté comme telle,
indépendamment des juridictions imposées par l’état B et x pour les bases
sociales, un groupe qui ne participe pas a c e systeme de réciprocité cérémoniel
ne jouit pas de la confiance politique x.
.
I
A Tuapune, les nominations qui ne relévent pas du Conseil des anciens sont
celle des 16 agents municipaux et des personnes responsables de gérer le fond
*”.
régional. Les premiers jouissent de peu d’autonté, ils invitent seulement a
participer aux reunions organisées dans la localité qui ont généralement trait aux
-e.
actions du personnel du Ministere de la santé. Bien que les agents municipaux
devraient a priori étre chargés de la communication avec la Municipalité de
.,
Mezquitic, ce sont en fait les autorités du gouvemement traditionnel qui vont a la
F-’
Mairie lorsqu’elles le jugent
nécessaire ou y
sont invitées.
Quant aux
..~.
responsabiiités liées au Fond régional (Président, contróleur, etc.), elles existent
,._-.
depuis 1996 et leur exercice dure deux ans. Jusqu’a présent, les trois présidents
successifs ont été des personnes expénmentées dans la gestion, ce qui correspond a
une requéte normative de ITNI, deux d’entre eux étaient des commerqants et le
troisiéme travaillait de faqon temporaire et legale aux Etats-Unis comme jardinier.
,
I
”
. .I
1.3.
Las amplois institutionnels :un nouveau type de chupe 2
La mise en place de programmes institutionnels a complexifié le panorama relatif a
l’organisation sociale. En plus des charges de representation présentées ci-dessus,
,
il existe un nombre important de postes et emplois institutionnels.
.,
I
Le Développement Intégral de la Famille (DIF), le Programme pour
l’Education, 1’Aiimentation et la Santé (Progresa) et le Ministere de la Santé
-
travaillent avec l’aide de promoteurs et d’auxiliaires qui ne reqoivent pas de salaires
,.
mais des u aides B. I1 s’agit du promoteur de Progresa, des neuf promoteurs du DIF,
~
répartis au sein des trois intemats scolaires, et des auxiliaires de santé des deux
ciiniques (unpar clinique).
Les maitres d’école forment le plus important corps de fonctionnaires
..
I
..
wixaritari. En 2001, il y avait 30 maitres d’école primaire. 11s sont les seuls a
percevoir un salaire. 11s ont une activité professionnelle a temps complet, ce qui
limite sérieusement leur participation aux assemblées et cérémonies. 11s ont un
savoir pariiculier : celui de la lecture et de l’écriture en espagnol. C’est la raison
pour laquelle plusieurs professeurs ont eté nommés autorites agraires. Au cours
Chapitre 8 : Ass-er
336
detre &&‘&a
des années quatre-vingt-dix, trois professeurs furent commissaires des biens
communaux de Tuapurie. De cette faqon, iis ont pu prendre part a la vie politique
communautaire. Pour eux, ce fut un véritable sacrifice professionnel car ils durent
quitter leur poste et ils ont perdu de l’ancienneté. Bien que les professeurs puissent
avoir la posibilité de prendre part a la vie publique en devenant une autonté
agraire, il leur est cependant difficile de participer a la vie cérémonielle en raison
des horaires scolaires et de la grande distance les séparant généralement de leur
districts.
Enfin, pour les éleves, il leur est aussi dZicile de conjuguer Education
scolaire, programmes institutionnels et participation cérémonielle. Lorsqu’a deux
reprises au cours d’un méme mois, ils n’assistent pas a l’école, ils perdent leur
bourse Progresa. C’est un motif a prendre a compte ; certains considerent qu’il est
important de ne pas etre absent de faqon répétée a l’école. Dans ce contexte, les
chanteurs et porteurs de coupe votive font des efforts, car eux aussi sont des
parents d’éléve, et ils essaient de réaliser les cérémonies les fms de semaine et en
particulier, celle de la fete du tambour.
Notre hypothése est que les contradictions relatives au róle de maitre d’école
bilingue peuvent se réduire grace a la participation cérémonielle. En acceptant de
participer de facon ponctuelle, en tant que sacrifiant, les maítres d’école
s’acquittent de leurs devoirs cérémoniels. En se conduisant selon des normes
wixaritari, ils sont légitimés dans leur róle d’employé institutionnel. L’étude du cas
suivant relate l’expérience vécue par quatre personnes, désignées pour faire une
offrande de taureau rnawarka au cours d’une fete du
htki de Keuruwitia. Panni
elles, se trouvaient deux membres de la Direction de 1’Education Indigéne (DEI) et le
Président sortant du Fond régional. Le jour ou allait étre célébrée la fete, les maitres
d’école devaient animer une rencontre scolaire de trois jours a laquelle
participeraient tous les éléves de la communauté. Jusqu’a ce que ne commence la
féte du centre cérémoniel, il plana une incertitude quant a la participation des
membres de la DEI. Les chanteurs et porteurs de coupe votive retardérent a
plusieurs reprises la date de la fete de telle sorte que tous les sacrifiants désignés
puissent y prendre part et démontrerent ainsi leur disposition a négocier.
En 2001 environ 20% des professeurs du primaire exerqant a Tuapurie itaient originaires de cette
communauté. En général ils sont nommes en dehors de leur communauté.
3
-
~
~
~~
~
~
~
337
Chapitre 8 : Assumer d‘éire wixarika
L‘étude de cas présente un ntuel qui a lieu tous les cinq ans. I1 s’agit de la
rénovation du toit du tuki du district de Keuruwitia. L’analyse de cette cérémonie
met en évidence que le fait d’accepter de devenir porteur de coupe votive durant
cinq ans a de multiples implicationsen terme de temps, de coüt, d’identité, de
prestige, etc. De plus, a partir du témoignage d’une femme désignée pour sacnfier
un taureau, surgit l’importance de transformer la désignation des chanteurs en une
décision personnelle : il s’agit d’assumer la responsabilité de participer a un ntuel.
Par ailleurs, trois autres personnes participerent en tant que sacrifants. Trois des
quatre sacnfiants sont, ou ont été, responsables de la mise en Deuvre des
programmes institutionnels. Par le jeu croisé de la designation et de l’acception du
don du taureau, les conilits liés au caractere inter-ethnique de leurs róles peuvent
etre surmontés. La participation rituelle, et en particulier le fait de donner un
taureau en sacrifice, est un mécanisme social qui permet de réduire de tels
antagonismes.
2.1.
Travail coopératif, volontb et intérét pour.
L’activité de rénovation du toit du tuki de Keuruwitia se réalise tous les cinq ans
lorsque le groupe de porteurs de coupe votive entame sa demiere année d’activité.
Parce qu’ils sont responsables de réaliser les activités traditionnelles relatives aux
grands ancétres (Feu, Soleil, Pluies, etc.), ils leur incombent de maintenir les
temples en bon état : le tuki et ses xirikite. La réfection des toits a lieu au cours de
la période seche, en méme temps que le débroussaillage des champs, de telle sorte
que le symbolisme associé a cette fete puise dans le registre du débroussaillage :
couper et faire tomber. Par ailleurs, plusieurs toits de
xirikite
lignagers sont
égaiement rénovés. 11s forment un réseau centré autour du centre cérémoniel tukL
Le processus commenca au début du mois de janvier. Le toit du
tuki fut
enlevé lors des premiers jours de février. Dans le centre cérémoniel, les chanteurs
écouterent les demandes des ancétres et annoncerent les noms des personnes
désignées pour faire une offrande de taureau rnawarka a l’occasion de la féte qui
célebrerait le changement du toit quelques semaines plus tard. De méme, les
chanteurs reverent quels étaient les pins ‘ u hqui devaient étre coupés pour servir
de piliers du toit4.
~~
L’une des traductions qui me fut donnée du nom Keuruwitia est x lieu du pin coupé o ü x keuruwi
signitie e pin coupé et désigne un mont sacré proche du
et x tia- est un locatif. La personne
4
mki
338
Chapitre 8 : Assumer d‘étre wixárika
Au début du mois de mars débuterent les travaux avec l’installation de ses
piliers. En face du tuki s’installerent les cinq membres les plus importants de la
hiérarchie dans leurs chaises cérémonielies uweni :les trois chanteurs pnncipaux,
le chef des porteurs de coupe votive Tamatsi et le porteur de la coupe votive du
Solei1 Tayau. A leurs pieds, ils installérent entre autres leurs plumes mum’eri et,
surtout, la pierre sacrificielle tepan, d’ordinaire située au centre du tuki. Elle fut
déterrée pour I’occasion. Plus tard, elle sera enterrée de nouveau apres avoir recu le
sang des sacrifices. Le jour suivant furent disposes les plus petits troncs d’arbre,
qui constituent l’armature de la charpente. 11s accrocherent ces tiges transversales5
a l’aide de ficelle d’agave. Sur les traverses, les travailleurs disposerent lherbe a
peine séchée zacate.
_-
Ces opérations de charpentage nécessitent une grande quantité de main
d’euvre. En plus des porteurs de coupe votive, tous les hommes que compte la zone
travaillérent pendant un jour et demi.
ils étaient entre soixante-dix et quatre-vingts
hommes montés sur le toit, travaillant avec rapidité, dans la joie et la bonne
I.
humeur. Les plus anciens, trop &géspour monter sur le toit, et l’anthropologue peu
expénmentée dans le charpentage, s’activaient a la découpe de l’agave pour faire
des ficelles. Les épouses préparaient et distribuaient le repas. D’autres femmes
préparaient la boisson de mais fermenté n 6 h a qui serait distribuée pendant la féte.
-..
Quant a l’anthropologue, elle offrait a boire a défaut de savoir faire la cuisine. .. Bref,
chacun y participait avec bonne volonté. La nuit d a i t bientot tomber lorsque les
-,
...
femmes passerent pour distribuer de délicieuses boulettes map& roulées dans le
miel : apres en avoir donné aux anciens, elles les lancaient aux hommes perchés
sur le toit. Nors qu’ils faisaient des acrobaties pour les attraper, rires et
exclamations fuserent de toutes parts.
., -..
Le travail de porteur de coupe votive est concu comme un travail coopératif.
C’est une responsabilité importante et, sous certains aspects, pesante. Lorsqu‘une
personne devient porteur de coupe votive, elle sait qu’elle se consacrera a temps
complet aux activites associées a cette fonction durant cinq années. De ce fait, il est
impossible de combiner cette activité avec un emploi salarié. I1 est généralement
difficile d’avoir un moment de disponible pour un travail saisonnier d i n de gagner
quelques sous... A cette occasion d’ailleurs, plusieurs porteurs de coupe votive
,-
ajouta qu’en somme a keuruwi veut dire centre cérémoniel et donc keuruwitia est le lieu du centre
cérémoniel X.
5 11s designent ces tiges transversales par le terme espagnol de * latas B qui est aussi le nom espagnol
donné a la localite de Keuruwitia. De sorte que l’association existante entre x pin coupé rn et u toit du
centre cérémoniel x et. nom du lieu fonctionne aussi lorsqu’ils s’adressent en espagnol.
6 Elles sont faites de graines appelees wawe ou amarento n en espagnol.
-
339
Chapitre 8 : Assumer &&irewixárika
étaient pressés d’achever la refection du toit du tuki pour d e r travailler dans les
champs de tabac du Nayant. C’est l‘une des rares oppo*nités
de gagner de
l’argent avant que ne débutent les activités de brúlis (mai) et de semailles üuin).
C’est pourquoi le fait d’accepter cette charge est si souvent présenté comme un
sacrifice. De plus, au cours des cérémonies, il faut donner a manger aux
participants. I1 faut aussi se rendre en pelerinage pour d e r déposer des offrandes,
rapporter les eaux sacrées et le peyotl. Enfm, a l’heure de rendre sa charge, aprés
cinq années d’intense travail, il est nécessaire de tuer un jeune taureau pour se
libérer de cette fonction. Pour des personnes qui n’ont pas de revenus réguliers,
cela constitue un véritable sacrifice. Honorer la tradition est dSiciie, prend du
temps et coúte cher.
Les porteurs de coupe votive sont responsables d‘honorer les ancEtres au
nom de leur lignage. Cette responsabilité est confiée a des couples qui sont le plus
souvent de jeunes parents. Les uns apres les autres, tous les couples d’un li5age
cooperent a la vie de leur district. De plus, en participant, les personnes réaffirment
leur identité wixárika, et ceci est d’autant plus vrai pour les résidents urbains,
chaque fois plus nombreux. Plusieurs porteurs de coupe votive que j’ai connus,
avant d’occuper cette fonction, vivaient en ville ; ils revenaient dans le Sierra pour
les semaiiies et a l’occasion de cérémonies familiaies. Le fait de revenir dans leur
communauté pour assumer cette responsabilité r é a f f i i e leur appartenance au
groupe et conforte leur identité. Si la responsabilité dejcarero consiste en un devoir
lié au fait d’étre membre d’un lignage, il est important d’étre volontaire. I1 faut faire
preuve de conviction et d’intérEt pour la coopération. En voici deux exemples.
Felipe, avant de devenir jcarero, travaillait comme peintre a Guadalajara. Au cours
des travaux de changement du toit du Wa,il me confia qu’il était préoccupé. I1 ne
savait pas qui d a i t lui succéder a cette charge. Dans une année, sa coopération
aux activités du centre cérémoniel arriverait a son teme.
Felipe: I1 faudra le convaincre. Q u a d l’un de nous a une coupe votive que
quelqu’un aimerait bien avoir, c’est plus facile. I1 lui donne un peu
d‘argent et la coupe votive est rÉservée. Sinon, iI h u t irouver
quelqu’un qui veut devenir jcarero ou rester cinq années de plus.
Jusqu’a présent je ne sais pas qui est ce qui me remplacera.
SD:
I1 faut donc étre volontaire pour le devenir.
Felipe: Oui c’est F a 11faut étre motivé.
Et on ne peut pas obliger,quelqu’un a le devenir?
SD:
Felipe: Non, ce n’est pas possible. I1 faut étre int6reS.d pour cela. En plus il
faut sacritier un taureau au moment de rendre la charge. Mais moi
j’ai déja rempli cet engagement, Mon pere a fait une fete.
....
1
c1
..
Chapitre 8 : Assumer d’étre wixarika
340
C’est sufñsant?
Felipe: Oui a partir du moment o u c’est quelqu’un de la f d e
Et Rogelio (il est j i c u m ) , son kére Juan va sacrifier un taureau
SD:
demain. Rogelio n’aura plus a sacriiier de taureau lorsqu’il rendra sa
charge? 11 sera libre n’est-ce pas?
Felipe: Oui, c’est ca7.
SD:
Je posais une problématique similaire a Flor quelques jours apres la fete. Elle avait
-
été
désignée pour y sacrifier un taureau. Par ailleurs, elle est l’épouse de Juan, le
directeur de l’ecole la plus proche.
.SD:
Flor:
,,,A.
._
SD:
Flor:
,.~..
SD:
Flor :
SD:
Flor:
SD:
,..I
Flor:
SD:
.^,.
Flor:
SD:
Flor:
SD:
Flor:
SD:
Flor:
SD:
Flor:
7
Quand va-t-on savoir quels sont les nouveaux porteurs de coupe
votive?
Au retour de Wirikuta, en janvier environ. 11s (les pqotems) iront a la
chasse et c’est alors qu’ilsdiront les noms. Ensuite ils enverront les
top‘ies. C’est pour cela que beaucoup de personnes s’en vont a
Fresnillo, Guadalajara, pour ne pas étre attrapees. Ici ils ont
davantage peur (de la charge) qu’a San Andrés.
Et pourquoi?
C’est c o m e cas.
Un jicarero me commenta que s’il ne trouvait pas de successeur a s a
charge, il devrait rester cinq andes de plus. On ne peut donc pas
obliger quelqu’un a le devenir?
Si. I1 envoient les topiies. Si quelqu’un ne veut pas, alors il doit quitter
la communauté.
C’est ce qui s’est passé avec les évangélistes et pourtant ils sont
encore le...9
Oui et c’est pour cela qu’ils sont fachés au tuki de Las Latas.
I1 ne serait pas possible de leur demander en échange de participer a
une féte et de sacriiier?
Mais méme cela ils ne veulent pas le faire I Et ils se fachent encore
plus (a Las Latas). Les évangélistes disent qu’ils sont purs et que
nous sommes des diables. 11s ne veulent pas s’approcher des &aras,
ils disent qu’ils vont se salir.
Et les professeurs. ils peavent devenirjicareros?
Alors ils doivent laisser leur place pendant cinq ans.
Et s’ils ne veulent pas, ils doivent partir?
C’est ce dont ils parlent (a Las Latas). Que les professeurs aient une
charge. Qu’eux aussi doivent sou5-k.
Si bien que Fa devrait étre votre tour...?
Selon ce qu’ils disent, oui. Moi j’aimerais bien, mais lui (son époux
Juan)ne veut pas.
Et que peut-il faire?
Accepter une charge et que quelqu’un s’en occupe a notre place.
Cependant il faudra étre présent aux fetes de temps en temps. I1
faudra leur dormer du tissu, des sandales, pour les fois o u ils sont au
tuki. Voir ce dont ils ont besoin, leurs besoins. 11s doivent pouvoir
aussi se reposer et nous, d e r aux fétes a leur place.
Y-a-t-il déja eu des professeursjicareros?
Oui, Roberto, mais une fois a la retraite.
Journal de terrain du 6 mars 2001.
Voici une superbe expression de l’ethnocentrisme qui fait qu’une personne est convaincue que la
tradition est rnieux faite dans sa cornmunauté que dans les cornmunautés voisines.
9 La perspicacite de l’anthropologue peut parfois paraitre deplaisante lorsqu’il veut cornprendre les
contradictions.... !
8
341
Chapitre 8 : Assumer d’éire wixádca
ARIO:
SD:
Flor:
11me confia qu’il avait payé quelqu’un lorsqu’il était prof.
Et une personne q” n’est pas d’ici et qui est mariée avec une femme
d’ici, il doit aussi fake la fete?
Oui, si elle est d‘ici. Si son feu est d’un autre endroit, noni 1.
Ces deux témoignages mettent en evidence qu’il faut faire preuve d’intérét pour
cette activité coopérative. Dans le cas contraire, il s’agit d’un affront et d’une
conduite jugée immorale. C’est le cas des évangélistes qui craignent la souillure.
Quant aux professeurs, leurs arguments pour retarder le moment de leur
coopération sont relatifs aux impératifs institutionnels.
I1 existe un dilemme relatif au temps nécessaire a l’exercice de la fonction de
porteur de coupe votive. C’est pour cette raison que les professeurs peuvent
difficilement y prendre part. Le cas du professeur a la retraite Roberto montre qu’il
est possible de négocier. I1 paya quelqu’un pendant qu’il était professeur et
maintenant qu’il est a la retraite, il a accepté d’étre responsable de la coupe votive
du Soleil Tayau. De plus, la tension relative a la participation cérémonielle a
augmenté avec la conversion a l’évangélisme de personnes de la localité de
Pedernales, une localité qui dépend du tuki de Keuruwitia. Elies refusent de
s’approcher des coupes votives et prétendent qu’elles vont se salir, se souilier parce
qu’elles sont diaboliques. Trois ans plus tót, le Pasteur évangéliste fut sommé par
l’assemblée de devenirjimero et refusa. La tension avec les convertis atteignit alors
son maximum.
S’il est acceptable qu’un professeur paye quelqu’un pour devenir porteur de
coupe votive a sa place, c’est parce que ce denier est prét a assister d a s la limite
de sa disponibilité et surtout parce qu’il partage les valeurs morales liées a cette
fonction. C’est dans ce cadre que l’on comprend le terme de
mentionné par Felipe ou de
a
I
étre volontaire
u
étre intéressé pour” . De plus, pendant la période de
désignation des futurs porteurs de coupe votive, les personnes susceptibles de le
devenir ont la possibilité de se cacher ou de sortir temporairement de la Sierra pour
ne pas étre attrapées. Elles évitent ainsi d’étre présentées au tuki devant une
assemblée de jicareros disposés a les convaincre. Enfin, accepter une charge de
porteur de coupe votive, c’est aussi reconnaitre la légitimité du systeme de charges
et, par la-méme, celle du Conseil des Anciens. Nier radicalement équivaut a défier
cette autorité.
IO
11
AR : Angélica Rojas. Compagne de terrain anthropologue.
Journal de terrain du 14 mars 2001.
342
Chapitre 8 : Assumer d‘etre wixárika
Enfin, n’oublions pas qu’accepter de remplir cette fonction a indéniablement
des conséquences jugées positives : protection, prospérité, changement de statut,
ascension hiérarchique12 et méme $e réaffirmation identitaire.
2.2.
Donner du sen. i
la participation : le c u de Flor
2.2.1,&périence inter-ethnique drr sc~?riflcvits
Lors du chant du mois de février quatre personnes furent désignées pour sacdier
un taureau a l’occasion de la fete du
hcki. I1 s’agit de Flor, l’epouse du directeur de
l’école, de Lalo, le superviseur de la zone scolaire, de Vicente, le président sortant
du Fond regional, et de José, le chanteur de
hikun‘ neizra I1 existe une
caractéristique commune entre les trois premiéres personnes : leur relation avec les
institutions mexicaines.
Lalo, originaire du district, est le Superviseur de la zone scolaire. I1 a été
Commissaire des biens communaux et Président de la UCIHJ au début des années
quatre-vingt-dix. Cet homme calme, de consensus, est marié a une femme wixárika
originaire de l’état de Nayarit. Elle fut autrefois infmiere et est maintenant
promotora du programme Progresa. I1 l’a connue dans le Nayarit alors qu’il étudiait
pour devenir professeur.
Vicente, a l’instar des autres sacfliants, est originaire de la zone. Chaque
année il voyage aux Etats-Unis pour travailler comme jardinier. C’est une des
personnes riches de la communauté et il possede une camionnette achetée dans le
Norte13. La Directrice du Centre Coordinateur Indigéniste me confia a son sujet qu’il
a éte nommé Président du Fond regional parce qu’il peut fmancer les voyages14 que
sa fonction implique : se rendre au CCI de Mezquitic et a llNI de Guadalajara.
Flor est mariée a Juan, un personnage dont l’histoire personnelle est
déterminante pour comprendre pour quelle raison elle fut désignée. En effet, il est
inhabituel que des femmes soient désignées. Juan est né dans un rancho du
district. A i’iige de six ans, sa mere est décédée et cet évenement dramatique
marqua le début d’une longue période d’errance et d’instabilité. Maltraité par son
oncle et rejeté par les autres épouses de son pére, il vécut dans différents foyers et
finalement, il quitta la Sierra accompagné d’un frere. Une famille métisse le
recueillit et l’éleva. I1 entreprit des études universitaires, qu’il délaissa rapidement,
12 C’est pourquoi certaines coupes votives sont plus prisées que d’autres. comme la tres disputée
coupe votive du soleil Tayau qui permet de donner son avis au sein du Conseil des Anciens.
13 Expression populaire utiliséc pour désigner les Etats-Unis.
14 Interview avec Tamara Rojas, 7 juillet 2000.
343
Chapitre 8 : Assumer d’6tre wixárika
se maria, travailla quelque temps d a s l’Armée, multiplia les emplois et divorca. 11
lut les ouvrages de l’an&opologue
Peter Furst, en copia les modeles pour
confectionner des tableaux de laine et gagna un p h comme artisan. I1 décida de
retourner dans la Sierra. Pendant ce temps, son pere était décédé. I1 obtint une
place de professeur de la SEp et debuta sa carriere dans une localité de
la
communauté de San Andrés.
La répétition des invasions territoriales dont étaient responsables les éleveurs de
bétaü des environs le décida a soutenir la lutte des habitants. Avec le soutien de
MAGI, ii voyagea pour présenter une requéte a I’Organisation Internationale du
Travail de Geneve. De nos jours, ce litige reste encore irrésolu. En 1998, six ans
apres étre revenu dans la Sierra, il retouma s’installer dans sa communauté
d’origine, Tuapurie, ou il exerca comme professeur bilingue. Trois années plus tard,
il devint directeur de l’école de Nueva Colonia.
Juan est une personne charismatique qui ne cache pas son soutien a la iutte
zapatiste et sa préférence pour le parti d’opposition de gauche, le Parti de la
Révolution Démocratique (PRD). Les avis a son sujet sont souvent divergents. I1 ne
laisse jamais indifférent. D’un cOté, il existe une réelle jalousie a son égard : il a
voyagé a l’étranger a plusieurs reprises, il a beaucoup d’amis de toutes parts et
donc de multiples appuis, et surtout, il percoit un salaire, possede une voiture et
une grande maison. Cependant, il est percu comme étant une personne douée
parce qu’il sait parler en public et connait les lois. I1 n’a jamais eu de charge au sein
de la hiérarchie indigene. En 1998, on disait de lui qu’il était un bon candidat pour
devenir Commissaire des biens communaux et présider la UCIHJ. Mais il quitta de
la communauté quelques semaines pour ne pas étre designé. Selon lui, cette
organisation est cooptée par lTNI et les politiciens de la région. En janvier de l’année
200 1, avec trois autres wixaritari, l’assemblée de la UCIHJ le désigna candidat pour
occuper des postes institutionnels directifs15. En résumé, ce qui caracténse Juan
est une appartenance en pointillé a un lignage fragilisé et une grande capacité en
matiere de relations inter-ethniques.
Flor, son épouse, a soutenu ses luttes. De mon point de vue, elle possede les
qualités requises pour se devenir un leader féminin : elle n’a ni peur de parler en
public, ni de parler avec des étrangers. Flor, parce qu’elle a été employée de maison
a Guadalajara aprés le depart de son premier époux, parle bien espagnol et connait
la facon d’étre des métis. Elle connut Juan a Guadalajara et ensemble ils eurent
deux enfants. En comparaison avec les autres femmes wixaritari, c’est une femme
344
Chapitre 8 : Assumer d’etre Wixarika
independante. Chaque annie elle s’absente quelques semaines de la Sierra pour
d e r vendre son artisanat. Elle en profite pour acheter des sandales pour ses
enfants, du tissu, et parfois, elle p d e n t a mettre un peu d’argent de cóté. Elle est
tres respectueuse de la tradition et tache d’élever ses enfants dans cet état d’espnt.
Du cóté de Juan, le lignage recommence a peine a reprendre vie depuis que son
frere est devenu jicarero. Bientót ce dernier sera a méme de reprendre a son compte
les renes du lignage et d’organiser des cérémonies. En attendant, Flor veut que ses
enfants soient élevés comme des wixaritari et c’est pourquoi elle les emmene aux
fetes organisées par son pere.
Ces histoires de vie montrent la longue expénence dans les relations interethniques de chacune de ces personnes. C’est pourquoi Lalo et Vicente ont eu des
responsabilités telles que Commissaire des biens communaux ou président du
Fond régional. Quant a l’époux de Flor, Juan, il est jugé par les siens comme étant
un bon candidat pour remplir ce type de fonction. Mais pourquoi avoir désigné une
femme ? Et pourquoi ne pas avoir désigné Juan ?
2.2.2.RiWr, c’cst arrvoir
Lorsque les chanteurs annoncerent les noms des sacrifants, les Topiles s’en
allerent les chercher a leur rancho di de les emmener au tuki. Flor était absente et
vendait son artisanat a Cancun, si bien qu’ils emmenerent Juan. En presence des
chanteurs, il dit que son épouse était absente et qu’il ne pouvait donc pas c o n f i i e r
leur participation. Les chanteurs lui rappelerent qu’ils ont eu ensemble des enfants
et que c’est pour eux qu’il faut faire la féte. I1 répondit que ce serait sa femme qui
déciderait. I1 contacta ensuite Flor d i n qu’elle revienne. Les chanteurs ne s l étaient
pas trompés : Juan, a la difference de Flor, est peu disposé a les écouter.
Quelques jours avant la cérémonie. je rendis visite a Flor et Juan. Je
remarquais qu’ils mangeaient sans se1 : il s’agit d’une preparation rituelie qui
nettoie des péchés d’ordre sexuel. 11s m’annoncerent qu’ils allaient participer
prochainement a une fete. Juan me dit que cela lui paraissait problématique car
elle était prévue au méme moment qu’une rencontre scolaire de trois jours. I1 ajouta
que Lalo, le SupeMseur scolaire de la zone, allait aussi participer a ces deux
événements. Je leur demandais pourquoi deux professeurs allaient participer a une
cérémonie. Juan me raconta que
x
c’est de sa faute (a Flor) * , une affirmation que
Flor nia du regard. Puis Juan dit a son épouse que le chef des porteurs de coupe
votive leur avait annoncé, a lui et a ~ a i o qu’ils
,
leur rapporteraient les eaux sacrées
‘5
Directeur de leducation Indigene, Procureur des affaires indigenes, Délégué de llNI Jalisco
345
Chapitre 8 : Assumer d’étre wixárika
a l’occasion de la féte du tambour au mois d’octobre. I1 était visiblement preoccupé.
1 1 devraient
~
etre presents a la féte de presentation des prochaines autontés. Tout
semblait indiquer que leur tour était venu & de devenir&areros.
Bien que Juan soit directeur de I’école et occupé a temps plein par ses
activités professionneiles, le fait qu’il soit onginaire du district l’oblige a remplir des
responsabilités de type cérémoniel. Deux faits mettent en évidence qu’ii est
, *.
important que Juan, tout comme Lalo, prennent part a la vie cérémonielle. En
premier, le groupe du tuki retarda de plusieurs jours le date de début de la
cérémonie. Ainsi ils donnerent aux professeurs la possibiiité de participer a ces
deux événements. En second, quelques jours avant la fete, Flor était préoccupée
parce que le messager qui devait confmer la date de début de la fete n’était pas
encore venu lui rendre visite. Sous une pluie battante, elle décida d’aller voir les
chanteurs du TUki. Etant donné les conditions climatiques, ils furent tres surpns
par son attitude déterminée, d’autant plus qu’ils pensaient qu’elle n’allait pas y
participer. Ainsi elle montra son désir d’etre sacnfiant : c’était sa responsabilité. A
,.._
cette occasion, les chanteurs reconnurent leur manque d’attention au travail des
professeurs et lui dirent qu’ils se rendraient a l’école pour assister a la rencontre
scolaire. Bien que la situation de Flor soit indissociable de celle de son époux, Flor
interprete les événements relatifs a sa nomination de sacrifiant d’une tout autre
fason et dépasse ainsi la condition de
u
l’épouse de Juan *. Avant d’ailer voir les
chanteurs du ZWci, elle me confia que :
11 y a quelque temps j’ai révé que j’aiiais sacrifier a cinq repriaes dans une
fete du tuki. En premier dans une féte pour les 5ands ancétres, puis pour
les Meres, et pour le Soled. Ensuite dans une hikun’ nekwa. Pour iinir, une
namam‘ta neixra’6.Cela fait cinq ans que j’en ai révé. C’est pour cela que j’ai
accepté17.
Bien que Flor ait été désignée comme sacriíiant au cours d’un chant, elle avait eu
connaissance de cette destinée au moyen d‘une relation directe avec les ancétres :
par le réve. Flor est convaincue qu’elle est dans la ligne de mire des ancétres, elle, et
non pas son époux. Juste avant la cérémonie, en rendant visite aux chanteurs, elle
réitéra que c’était elle qui avait été élue et non pas son mari. Aiors je lui demandais
si les épouses de Vicente et de Laio avaient été désignées. Elle répondit que non,
!
qu’elle était seule dans cette situation, et murmura un
e
... n en
qui sait pourquoi
16 La fete pour les ’grands ancetres” a laquelle se réfere Flor est précisément la fete de changement du
toit du hcki’.
17 Journal de terrain, 4 mars 2001.
346
Chapitre 8 : Assumer d’étre wixarika
dissimulant mal sa fierté d’avoir été désignée. Flor sait qu’elle a un don, celui de
rever, un chemin, et ses réves, dit-elle, ne la trompent jamais. Et d’ailleurs elle dit
savoir tout ce que fait son mari lorsqu’il est absent... Ainsi elle intervertit la
situation d’u épouse de Juanr de maniere a ce que la situation de son époux prenne
un sens a partir d’elle, u l’époux de Flor
.“
SD:
Flor:
SD:
Flor:
SD:
Flor:
SD:
Flor:
SD:
Flor:
Flor :
”-
Y‘
*. Elle dit:
Et le Supemiseur et Vicente, leurs épouses aussi ont été désignées ?
Elles non. Qui sait pourquoi
Et les chanteurs t’ont dit que tu devrais le faire cinq fois ?
Non, ils me le dirent pour cette fois-ci, mais je sais que cela va se
passer ainsi, je l’ai révé. C’est mieux ainsi. Je préfkre faire la féte
(sacrifier) qu’étre jicarera. Imagines-toi, cinq années de travail. ..
Tu ne vas donc pas étre jicarera?
...
Non.
11s (Juan et Lalo) ont des emplois qui ne le leur permettent pas d’étre
jicareros.
Oui, c’est pour cela, ils sont occupés tout le temps.
Et Vicente a u k...
Lui non, il devra étre jicarero. 11 n’a pas de place h e , il ne part d’ici
que pénodiquement.
(silence)
En plus de dire le nom de la personne, il faut d e r chaser un cerf.
Et si le cinquieme jour, aucun cerf n’a été chassé, aiors la personne
ne fera pas la féte et ils en choisiront une autre. Dans mon cas, un
cerffut chasséla.
La désignation de Flor est intimement liée a la situation de son époux, lequel n’est
pas convaincu de vouloir prendre part aux activités du tub. Mais pour Flor, c’est
*.“.-.
bien elle qui a été désignée, et en s’appuyant sur son reve, sa désignation fait sens
et la met a l‘honneur. Quelques jours aprés la féte, elle me raconta qu’elle avait
senti une forte jalousie de la part de certaines personnes, qui devaient se
demander pourquoi elle avait été choisie. Elle était fiere d’avoir accompli son devoir
cérémoniel et, en raison de son reve prémonitoire, elle savait que cela était juste.
,,’_
2.2.3. Coút et prestige de íafate
Comprendre ce qui se passe au cours d‘une fete suppose de l’aborder depuis une
perspective temporelle dépassant les jours de sa réaiisation. Les préparatifs sont
longs, coüteux et apres la féte, il faut encore aller déposer des offrandes. La
,
séquence des événements relatifs a une cérémonie est donc relativement longue.
Quand une personne a été désignée pour sacrifier, sa participation n’est encore
I-
..~
que conditionnelle. Comme le dit Flor, le chant est une condition nécessaire mais
non suffisante, dans le sens ou la personne désignée doit se charger d’organiser
18
Journal de terrain du 5 mars 2001
347
Chapitre 8 : Assumer d’etre wixásika
,*-
une chasse au cerf. C’est la réussite de la chasse qui la rend apte a p h c i p e r ;
d’une certaine faqon, la chasse est une condition nécessaire et suffisante. Apres la
I
.-
fete, il faut encore réaliser un certains nombres d’actions rituelles, ayant entre
autres pour effet de coníírmer le réseau des relations entre les xirikite familiaux et
le tuki. Chaque sacrifiant doit emporter avec lui des objets cérémoniels personnels
et familiaux : fleche, jícara, eau sacrée, épis de mais. Ces objets cérémoniels seront
-. ,
utilisés durant le rituel et oints de sang. De plus, une bougie doit etre allumée
dans le xiriki lignager pendant qu’a lieu la féte du
( -
.. ,
tuki. Une fois le rituel terminé, il
faut rapporter les objets sacrés dans le xirilci et offrir, au feu du rancho, du sang,
de l’encens, de l’eau sacree et des paroles. Le feu est ainsi alimenté par ces
,.-,
<...
,_
..
offrandes et est relié au feu des grands ancétres du
iuki.
Et Participer, c’est
Coopérer. On offre un repas et des boissons aux personnes qui y assistent et, en
particulier, a w porteurs de coupe votive, chanteurs, musiciens et chasseurs. Flor
dépensa environ 3400 pesos a cette occasion, et son époux environ 3000 pesos. La
fete est une forte dépense, un gastón pour reprendre les termes de Flor, et
.--
l’offrande de taureau mawarixa coüta en tout 6400 pesos.
Selon Aguirre Beltrán (1991 : 172), les fortes dépenses liées a l’occupation
*.e,.
-,
d’une charge dans la hiérarchie indigene se justiiient par le désir d’acquisition de
prestige. Ces dépenses impliquent qu’un futur carguero épargne, ait recours au
credit alors quFl est en fonction et paye ses dettes une fois celle-ci terrninée. I1
/‘*
. *.
appelle cette faqon de dépenser avec excés le U patrón de despilfarro x et considere
qu’il remplit deux fonctions : favoriser la cohésion du groupe via le travail coopératif
et redistribuer les richesses entre tous. C’est pourquoi pour Aguirre (Ibid : 175) le
””
travail migratoire doit etre compris comme un moyen de financer la recherche de
prestige. Or, dans le cas de Flor, il apparait que ce n’est pas tant la recherche de
prestige qui motiva sa decision d’aller vendre son artisanat, mais plutót celui de
pouvoir faire face a des dépenses nécessaires (vétements) voire imprévues
(cérémonie). Pour migrer, eiie dut recourir a l’emprunt. Par ailleurs, il me semble
incorrect de croire que le prestige s’acquiert mais, comme le suggere Goffman
(1973 : 76) au sujet de la conduite de la personne, Flor accepta avec plaisir de
p d c i p e r en qualité de sacrifant, malgré le coüt important, car se fut une belle
occasion de montrer son attachement et son respect envers a sa tradition. Elle
saisit sa chance d’agir publiquement de facon cohérente.
Chaque année, Flor s’organise pour aller vendre son artisanat en ville. Cette
vente constitue sa seule rentrée annuelle de ressources monétaires. Son époux
contribue aux frais du foyer, mais il n’assume pas seul la famille. Lorsque Flor vend
348
Chapitre 8 : Assumer deire wiuárika
son artisanat, elle achete du tissu, des sandales pour elle et ses enfants, du
materiel pour faire de l’artisanat et parfois, elle met un peu d’argent de cóté.
,
Lorsqu’elle fut désignée pour sacrifier un taureau, Flor vendait son artisanat a
Cancun depuis un mois et sa vente avait été relativement prospere. Son époux
...-.
l’appela a plusieurs reprises din qu’elle revienne et participe a la fete. Avec Flor,
nous fímes les comptes : combien d’argent avait-elle de cóté avant de partir, ce
qu’elle emprunta, ce qu’elle dépensa (voyages, alimentation, logement), ce qu’elle
vendit, combien d’argent rendit-elle (préts anciens et récents), ce qu’elle reinvestit
en achetant du matériel et ce qu’elle dépensa pour la cérémonie. A son depart elle
avait 2000 pesos et une dette envers un neveu. Elle emprunta 4700 pesos aupres
de quatre personnesl9, qu’elle remboursa a son retour. Elle profita de ses gains
pour rembourser la dette contractée aupres de son neveu. Elle ne devait plus
,
i
d’argent a qui que ce soit. Son gain net fut en grande partie absorbé par le
/...
réinvestissement en matériel, ce qui lui permet de continuer a créer son artisanat,
,..”
épargné environ 5000 pesos. Cette fois-ci, elle put mettre de cóté 1600 pesos.
et dans les frais cérémoniels. Si elle n’avait pas pris part au sacXice elle aurait
D’une perspective économique, il s’agit d’un modele de reproduction simple
.~
,-.-
qui ne pennet pas de générer une accumulation, mais un simple réinvestissement
en matériel pour perpétuer l’activité artisanale. Si elle n’avait pas participé, elle
.e-
i
..
,-
aurait acheté deux vaches. Cependant, Flor considere que si la féte fut une grosse
dépense, elle est contente de l’avoir fait. De plus, elle dit ne plus rien devoir a
personne. La perspective indigene souiigne que la participation cérémonielle est une
conduite appropriée donnant de la chance.
. -,
Plusieurs semaines plus tard, Flor eut un eczéma. Selon elle, il s’agissait
d‘une conséquence de la jalousie des artisans
wixaritari avec lesquels elle vendit
son artisanat a Mexico avant d’aller a Cancun. Pour se soigner, en plus d’aller voir
un médecin généraliste, elle consulta deux chamanes et termina de dépenser
l’argent qui lui restait. Les rnara’akate lui demandérent d’assister a la prochaine
narnawita n-.
^.”
fete du tuki, la fete des semailles ou
En juin, elle n’avait plus un
.
sou et me confia qu’elle se sentait sure et protégée. Elle préparait son artisanat en
vue d’une future sortie. Pour fmancer son voyage elle empruntera de l’argent, pres
de 5000 pesos : préter et emprunter est un trait marquant de la vie wixárika.
‘9
Sa mere, une employée institutionneile, une amie qui travaille dans une ONG et un voisin fortune.
349
Chapitre 8 : Assumer d’etre wixárika
2.3.
Deux Stcs: dbpuM+Lcaet Marra k w d y c i
Présentons les moments les plus importants de la féte de changement du toit du
,...*
tuki. L’objectif est de détailler le moment des sacrifices m a w a r k ainsi que la
maniere dont les échanges cérémoniels sont réalisés. Nous verrons que ces derniers
sont particulierement hiérarchisés.
La fete commenqa au début du mois de mars, cinq jours apres que le toit ait
/’-
,-
été changé et trois jours aprés que la féte de l’école soit terminée. Ce laps de temps
permit a Juan et Laio de se préparer. La cérémonie se découpe en deux parties : la
féte de l’offrande du taureau mawarUca et celle de marra h a n y a , qui porte le nom
du cerf Marra Kwan, le premier chef de la hiérarchie du tuki. Dans les ranchos
c-
..
,.
aussi, la féte associée au changement de toit du
xiriki se divise en deux parties.
D’une certaine maniere, on peut donc parler de deux fetes qui ont chacune une
logique d’exécution propre. La f6te de Marra h w i y a sera mentionnée brievement.
Durant la nuit, le chanteur de la période séche raconte les aventures
civilisatrices de Marra Kwari, l’ancetre Queue de Cerf. Le récit est une fois de plus
,...
un chemin, un pélerinage, qui est propre a toutes les aventures civilisatrices
..I
wixaritari. Ce chemin va de la mer au desert, de l’ouest vers l’est, des pluies vers le
soleil, c’est le chemin de la creation Wixaiika. En de multiples points sont réalisées
-
I
des offrandes a w ancetres. Le premier chef de l’expédition a Wirikuta était le
porteur de la fleche du Feu Tatewan, le cerf Marra Kwm‘ (Benzi, 1972 : 267-271).
Dans la hiérarchie actuelle du tuki, l’urukuekame ou porteur de la fleche, est le
,,,
chanteur de la saison seche et c’est lui qui confesse les peyoteros20. Durant la
_....,
I
cérémonie, le feu est allume
h l’extérieur du centre cérémoniel. C’est apres les
sacrifices et la réalisation des offrandes souterraines qu’il est a nouveau installé a
l’intérieur du tuki. Ce feu rénove acheve et ouvre a la fois un cycle de cinq années. I1
,
correspond au temps de travail des porteurs de coupe votive.
Les sacrifices ont lieu une fois achevé le long chant de nuit. Les cordes
sacrificielles, servant a attacher les comes et les pattes des taureaux, et décorées
,.-,
I
.
avec des fleurs en papier crépon en guise de demandes adressées aux ancétres,
circulent entre tous les hommes. Ceux-ci entourent les femmes. Au cri de lien ! n
21,
la corde part en sens inverse, passe d’une main a l’autre, en suivant un tracé
bien défini qui enlace les poteaux du centre cérémoniel, le groupe des chanteurs,
~
_”L
.”
____
Etre un pelerin au peyotl implique de respecter un certain nombre d’abstinences, notamment
d’avoir des relations sexuelles, et le role du responsable du pelerinage consiste en partie a purifier les
pelerins de leurs péchés sexuels.
21 Les personnes crient
l i e m X. Ce terme espagnol désigne le lasso. J’ai pu attester a plusieurs
reprises que c’est ainsi qu’ils désignent les cordes sacriiicieiles.
20
350
Chapitre 8 : Assumer d'etre wixaiika
etc. et h s i quatre fois, c'est-a-dire autant de fois qufl y a de taureau fi sacrifier24
11 semble que la corde unit tous les participants comme s'ils étaient destinés, en
tant que groupe, a profiter des effets du sacrifice. Ensuite ont lieu les sacrifices sur
la place du tukipa face aux xirikite du Soleil Tayau, du cerf Paritzika et du vent
Ealca, et un quatrieme au cmur du tuki. La personne chargée de tuer l'animal et de
récolter son sang n'est pas celle qui a été designee pour donner un taureau mais
quelqu'un d'expérimenté : le sacrifice est une opération délicate, et seuls des
chamanes peuvent la réaliser. Ceux qui tiennent les couteaux et les cordes
sacnficielles sont les couples d'enfants haquen, purs de toute souillure sexuelle. Le
."
premier jet de sang qui sort de la gorge du taureau sert a bénir le siege cérémoniel
du Feu Tatewari, habituellement situé en haut du toit du W,
mais aussi des
fleches, des cierges, les pierres sacnficielles tepari, etc. Ceux qui font lbffrande
I--
rnawar¿xa gardent du sang qu'ils utiliseront pour offrir au feu de leur rancho et
pour oindre des objets de culte, épis de mais, etc.
/---
\
Dans l'apres-midi, aprés que la viande ait été dépecée et en partie cuite, on
.-
sert le bouillon de viande de taureau. I1 est d'abord offert aux ancétres et disposé
,I-
sur leur autel ; ensuite aux anciens, etc. et fmalement aux participants et convives.
,-
I1 est accompagné de galettes de mais, de tamales de mais etjou de haricots ainsi
que du náhua23. Le jour suivant, aprés une nuit de repos bien méritée, est
y-
I_-
organisée une grande répartition a l'intérieur du centre cérémoniel puis sur la
place. On repartit tout ce qu'ont apporté les sacriiiants : boissons gazeuses, viande
de taureau, fruits et galettes de mais sucrées caxro. Ces dernieres ont été attachées
sur l'autel ouest du tuki en signe d'offrande a
Aramara, les
pluies de I'Océan
Pacifique. La distribution obéit de nouveau a un code hiérarchique : les pattes des
taureaux sont destinées a w chamanes, qui ont mis a mort les taureaux, ainsi
qu'aux musiciens*4 et chanteurs du tuki. Les porteurs de coupe votive et les
,<."
chasseurs reqoivent aussi leur part de boissons. Les oranges sont surtout données
aux femmes et font le délice des enfants. De nouveau, on sert le náhua et chacun
repart avec de grandes quantités de c a r o dans les bras.
Dans l'aprés-midi, au niveau des cinq points cardinaux du tuki, des hommes
,'
I
.
s'activent a sortir de sous la terre les pierres sacrificielles tepan. Elles vont étre
ointes de sang sacrificiel, d'eaux sacrées et de
22
turnan25
avant d'etre replacées sous
I1 y a une corde par taureau a sacrifier. Chaque corde fait un aller-retour dans le centre cérémoniel.
*' Boisson de mais fermenté.
"un guitariste et un vioioniste.
Le fuman est fait a base des graines de mais, conservé dans les .%idcite.Ces graines sont moulues et
mélangées a de l'eau.
25
Chaptre 8 : Assumer d’etre wixárika
351
terre avec des fleches destinées aux ancatres. Une heure plus tard, les trow sont
rebouchés et le tepan du centre est replacé. C’est ainsi que se termine la rnawarixa.
La Marra Kwariya se caracténse par le fait de réunir les activités de
coarnileaflb et de partager la soupe de cerf. Une fois que les champs des porteurs de
coupe votives sont nettoyés et préts a etre brúlés, la soupe est répartie. Dans les
ranchos o u le toit du xiriki a été change, la procédure est similaire. Et les fetes
s’enchaínerent les unes apres les autres pendant tout le mois de mars.
.-
La participation a la fete des sacdiants s’acheva avec la m a h a et la
répartition des aliments. Néanmoins ils devaient encore d e r déposer des offrandes,
ointes du sang du sacrifice, en différents l i e u sacrés. Pour ce qui est des offrandes
qui doivent étre déposées dans des lieux sacrés lointains, c’est un membre de la
famille qui est jicarero qui se chargera de les déposer lorsqu’il ira la-bas. Juan
confectionna donc des fleches. A l’une d’entre elles, en guise de demande de tulcari
pour ses enfants, il accrocha un petit cahier d’école miniature qu’il fit lui-méme.
D’une certaine faqon il personnalisa le canal par lequel il allait entrer en relation
avec les ancetres et lui donna une touche scolaire. Sa füle aínée y écrivit les noms
de ses soeurs et de deux cousines. Comme leur mere est aujourd‘hui seule, Juan se
.”.
,
sent responsable d’elles. Dans un petit cercle de bois, il colla des figurines en cire
representant les animaux de la famille, des vaches et des chiens. La féte leur assure
aussi une bonne santé. Et ils allerent déposer ces offrandes en cinq lieux différents
de la zone et notamment, dans un xiriki situé pres de l’école, pour que tout ailie
bien a l’école et que les éleves ne tombent pas malades.
2.4.
Les racrifiuits
La participation cérémonielle peut étre explicitée en fonction du type de relations
que les Wixaritari entretiennent avec leurs ancétres. Faire une féte assure une
..
bonne santé, une récolte fructueuse voire une activité artisanale florissante. C’est
aussi une faqon de se conduire d’une facon appropnée et de se revendiquer
, .*_
. _ . de plein droit : je suis wixárika parce que j’agis comme tel. Par ailieurs,
e
participer a un ntuel met en branle le systeme social : ii faut organiser une chasse,
donner du tissu pour remercier les chasseurs, solliciter un chamane pour h e r le
taureau, le remercier, ainsi que les chanteurs, etc. En somme prendre part a une
féte réailime les liens hiérarchisés organisés autour des ranchos familiaux et du
tuki
.
I
2Coamielar: Préparation des champs de mais coamiles consistant a couper les branchages et les tiges
seches de mais.
Chapitre 8 : Assumer d’etre witatika
352
Ce que notre étude de cas apporte c’est que trois des sacrifiants sont en
relation avec des institutions mexicaines. Deux d’entre eux, Lalo et Juan, étaient
membres de la Direction de 1’Education Indigene. I1 est comrnun d’opposer la
tradition a l’école, ou encore la coutume a la modemité. Ce cas de figure met en
.“
evidence que les relations entre école et tradition, a priori conflictuelles, promettant
plus de crises que réaménagements sociaux, sont pourtant sans c e s e négociées. La
négociation est possible parce que les porteurs de coupe votive et les chanteurs
sont des péres de famille et des parents d’éleve. Le devenir de leurs enfants au sein
d’une société multi-ethnique les préoccupe. I1 n’est pas tenable qu’ils soient
déchirés entre la tradition et l’éducation scolaire, si par ailleurs ils considerent qu’il
I”
est important de savoir parler et écnre en espagnol. Quant aux professeurs, ils sont
aussi conscients des enjeux relatifs a l’identité et a la culture. Leur activité
,
professionnelle ne peut étre legitime que s’ils montrent aussi patte blanche de
-.
temps a autre : montrer l’intérét qu’ils portent a leurs semblables et afíkner leur
désir de coopérer.
Quelques jours apres la féte, Lalo eut un accident de voiture avec l’ensemble
de sa famille alors qu’il se rendait a un événement de la DEI a Colotlán.
Heureusement, ils furent sains et saufs et seule la voiture de la DEI fut tres
endommagée. Juan, alors qu’il racontait les faits, se montra surpris de ce qui s’était
passe : avoir fait la féte aurait dü le protéger. Juan dit alors ‘si Yon vient de faire la
féte ... Est-ce que l’on devrait encore quelque chose, nous, les professeurs?”27.
Malheureusement, la discussion fut interrompue. Cependant, ce commentaire
montre que Juan avait concu sa participation a la fete comme une dette des
membres de la DEI envers leur district tuki. Lalo, le superviseur de la zone scolaire,
,_....
,..I.
est marié a une femme wixárika qui, a la difference de Flor, est originaire de
Nayarit. Cependant Lalo est originaire de ce district, de sorte qu’il a des devoirs
cérémoniels a remplir s’il veut jouir d’une certaine legitimité pour exercer sa
profession.
A f n de conforter la these relative a la participation cérémonielle des
professeurs, voici ce que me raconta Nacho a leur sujet. I1 est actuellement étudiant
en premiere année a l’université de Guadalajara. Lorsque je lui parlais de la
surprise que j’avais eprouvée en raison de la participation de Juan et Lalo a cette
féte, il me comrnenta que quelques jours auparavant une réunion avait eu lieu au
tuki. Les chanteurs, porteurs de
coupe votive et quelques patriarches de la zone
s’étaient réunis et avaient invité Juan, Lalo et le Superviseur des intemats
353
Chapitre 8 : Assumer d‘etre wixárika
scolaires. Ce demier est originaire de Tuxpan de Bolaños. Selon Nachoz8, les
professeurs percoivent un saiaire, n’ont pas a se préoccuper de s’ils vont pOUvOir
manger ou non, puisqu’ils achétent tout a la boutique, et n’assistent ni aux Etes ni
aux assemblées. Cependant dit-il, au cours de cette réunion, ils reconnurent
publiquement qu’il était important qu’ils participent aux fetes. Ce qu’ils firent.
Finalement, il reste a expliciter la participation Vicente et du chanteur José
en qualité de sacrifiants. Nous ne prétendons pas donner une interprétation
défuiitive mais des pistes qui permettent de comprendre la raison de leur
I
désignation.
Vicente a été responsable durant deux ans de la gestion du Fond régional.
Cette occupation ne lui a pas permis d’etre actif du point de vue cerémoniel. De
plus, son activité saisonniere de migrant transnational multiplie ses absences. A ce
sujet, Flor precisa que l’emploi de Vicente, a la différence de celui des professeurs,
n’est pas a plein temps; c’est pourquoi il peut difficilement refuser de devenir
porteur de coupe votive. S’il avait été un bon candidat pour devenir F’résident du
Fond Régional et pour participer a la vie politico-écomique communale, il était aussi
important qu’il prit part aux activités du tuki.
José est chanteur de la hikuri n&a
depuis quatre années dans les centres
cérémoniels de Keuruwitia et de Rawepa. I1 est dexenu mara’akame lorsque son
..~
pere, qui était lui aussi chamane, décéda il y a environ quinze ans. I1 était son füs
ainé et devint responsable des activités cérémonielles de sa famille. I1 s’engagea a
apprendre a devenir chamane et le réussit briiiamment. Avant cet événement
tragique, José vivait a Guadalajara et o u il travaillait comme artisan. I1 me confia
,
-,
“.
qu’alors w il ne savait rien
. Durant dix ans, il a été le porteur de la coupe votive de
I’étoile du matin Xurave avec sa femme. Durant ce temps, il apprit la tradition.
Dorénavant c’est un mara’akarne important et il chante dans deux tukite. Deux
mois apres cette fete, il recut une autre charge de chanteur, cette fois-ci de la
.
teyopani, celui de Xratwi Ampac le grand Christ de la Semaine Sainte. Son cercle
*.
d’influence est chaque fois plus grand. De plus, il réalise aussi des guérisons
aupres d’une clientele métisse et des cérémonies qu’il organise pour les adeptes de
la Nouvelle Ere New Age29. Les chamanes w i x a r i h i sont fameux et réputés pour
Journal de terrain du 18 mars 2001
Discussion du 11 juin 2001.
29 José a par exemple organisé une cérémonie a Real de Catorce, en haut du Cerro Quemado, Leunar,
a l’occasion du changement de miiiénaire. En 1998, dans i’état de Michoacán, j’ai assisté avec lui a
une cirimonie organisie par des membres de l’E@ise des Natifs Américains N&“W American Churrh
cérémonie a laquelle nous avions éte invités. A cette occasion, il a exorcise publiquement une femme
qui était possédée. Des membres de sa famille l’emmenerent lorsqu’ils apprirent la venue d’un
chamane wixárika. En 2001, José me raconta qu’il a des clients de Saltillo, dans l’état de Coahuila.
27
28
,.I,.
354
Chapitre 8 : Assumer d’etre wixárika
étre de bons guérisseurs. Son fils ainé est macon et vit dans le village de
Huejuquilla. I1 est devenu porteur de la coupe votive de Xuraue une fois que son
pere termina sa pénode de coopération. Pourtant, son fils est souvent absent aux
fetes du htki; d’une certaine maniere, il est endetté avec les ancetres du tuki.
Manquements a la tradition de son füs, agrandissement du cercle d’influence,
accentuation des relations avec des New Agers, toutes ces pistes sont vaiables pour
expliciter la participation de José. Enfm il en existe une quatriemequi, de mon
point de vue, est plus pertinente : José rendra sa charge de chanteur de la fete du
peyotl lorsque s’achevera sa cinquieme année de service au tuki. Et, pour se faire, il
doit se libérer des obligations qu’il a avec son tuki en sacrifiant un taureau.
,’...,
II
a.5.
La fondion wciaie des sacrifices
Cette étude de cas montre que l’action de sacsier un taureau dans une fete du htki
est un moyen de négocier sa participation au sein de la hiérarchie indigene.
Certaines personnes, car elles ont des emplois institutionnels ou collaborent a la
mise en place de projets, n’ont pas la posibilité immediate de devenir porteur de
coupe votive. Cependant, si elles sont prétes a coopérer aux activités cérémonielles,
,,...~.
elles ont la posibilité de le faire ponctuellement en réaiisant une offrande
mawanica. I1 s’agit d’un acte negocie, d’un arrangement, qui permet
.-.
a chacun de
poursuivre ses activités en évitant de subir les conséquences dues a la negation de
coopérer. Les chanteurs donnerent aux professeurs la posibilité de coopérer en
,.”.
I.
fonction de leurs contraintes de travail et, en acceptant de le faire, les professeurs
prirent part a la reproduction socioculturelle. C’est ainsi que le dialogue
s’installa entre les professeurs et les responsables des centres cérémoniels. Les
professeurs reconnurent : u il est vrai que nous n’assistons pas aux fetes I ; et les
chanteurs considérerent :
,.-
u
il serait bon de rendre visite aux éleves dans les
ecoles et voir ce que font les professeurs B. Indéniablement, ces paroles engagent et
recréent du lien social.
,,” ,
Au premier abord, l’école et la tradition s’opposent de la meme maniere que
l’on a tendance a opposer la tradition a la modemité. Or, les mémes personnes sont
.-
a la fois des membres de lignages et des parents d’éleves, ou encore des porteurs de
coupe votive et des migrants, voire des chanteurs et animateurs d’activités de la
Nouvelle Ere New age. C’est parce que chacun remplit differents róles sociaux qu’il
.
est souhaitable et possible de negocier aíii de dépasser ces oppositions. Dans ces
conditions, il est acceptable d’etre professeur et, le temps d’une cérémonie, d’étre
celui ou celle qui fait une offrande Mawanica aux ancetres.
Chapitxe 8 : Assumer d‘étre wixárika
355
Les empiois institutionnels et saisonniers, la vente artisanale, les actions des
ONG,la visite des anthropoiogues, sont autant de faits qui attestent de l’importance
des relations inter-ethniques. Cet etat de fait positionne la question de l’identité au
cceur de la problématique de la reproduction sociale. Qu’est-ce qui fait queje suis
wixárika ? Comment sommes-nous ensemble des Wixaritari 3 La participation aux
relations d’échanges avec les ancétres acquiert une dimension identitaire. En
comparaison avec les autres (ceux qui ne font pas comme nous), la coopération aux
activités cérémonielles conforte l’appartenance ethnique. Par exemple, elle est un
.-
horizon de vie pour ceux qui resident de faqon quasi-permanente en ville: dans
queiques mois, ils iront semer avec leur famille ou encore ils se rendront a une fete
,-
,
“.
.
,,
de leur rancho. Puis, viendra le moment de prendre la releve et de devenir porteur
de coupe votive. D’ou l’importance, dans un contexte inter-ethnique, du role de
sacrifiant : accepter de remplir cette fonction, c’est assumer d’étre un wixárika.
,
,-
En conclusion, si le róie de porteur de coupe votive est la maniere la plus courante
de coopérer a la vie sociale et politique du district, en raison de la mise en place de
nouvelles autorités et de la création de nouveaux róles (par exemple ceux
d’employés institutionnels), il est parfois diífícile d’accepter de le devenir. C’est dans
ce contexte que les différents acteurs en présence ont négocié pour tenter de
-I
-
r-,
surmonter ces contradictions. Les exemples des professeurs qui acceptent, tant
bien que mal, d’étre les sacrifants d’un jour, et, des chanteurs qui modiiient les
dates des cérémonies, montrent qu’il existe des arrangements possibles. Le sacrifice
occasionnel, x el hacerfiesta w comme disent les Wixaritari, c’est-a-dire consentir a
,--
.,I.-)
faire une rnawarka, est un mécanisme social permettant de surmonter les
antagonismes. Par la meme, ce mécanisme permet l’appropriation de nouveaux
roles sociaux et la légitimité de leur exercice. L’ordre social est préservé, mais
attention, le systeme social ne revient pas a la normaie, il continue a fonctionner
selon de nouvelles modalités.
Cependant, les nouvelles corifigurations sociales ne sont pas digérées de
facon automatique ; rappelons que les professeurs exercent dans la Sierra depuis
pres de quarante ans. Les années 90 ont eté le théátre de changements sigtilficatifs
au niveau global, notamment en ce qui concerne les modiiications successives
apportées a la constitution mexicaine. Celles relatives a la liberté de culte30, aux us
-
.I
I
En 1992 une réforme constitutionnelle etablit le droit a la liberté religieuse. De plus la Ley de
Asociaciones Religiosas y CURO Público (LARCP) fut promuiguee ; elle dote les églises et groupes
religieux d’une personnalité juridtque sous la forme de asociaciones.
30
,
....._....-.,-__*~_
,.
1
,
356
Chapitre 8 : Assumer d’etre wix&a
et coutumes31 et a la propnet6
.---
de la terre32, ont aííecté de maniere
importante le monde indien. Ces nouvelles configurations ont genere des conflits
entre differents acteurs, et de nature juridique, entre c e w qui demandent la
reconnaissance de leurs droits individuels et les partisans du droit coutumier. En
guise d’introduction, voici un schema qui presente les modaiités du probleme.
<e-
”.
..
~
.. .
L’article 4 de la constitution, promulgué en 1991, reconnait la constitution multiculturelie du
Mexique.
32 Modification de l’article 27 de la constitution en 1992. EUe prévoit que les parcelies ejidos puissent
étre vendues.
”
. ~ . . _ . I .,l...,.._..
~
,-.-"
--.--
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-
0
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-.
p1
I
v)
o
,*'
.-
,-.
..I
_I-
-
L
R
Chapitre 8 ; Assumer d’étre Wixárika
358
3) Le local et le global : antagonismer et redífinitions
L’étude de cas precedente montre que le mécanisme de la participation rituelle
I
-
,,
.-
mawaha offre la possibilité de se conduire comme un wixárika et de réaffimer
son identité ethnique. En acceptant d’entrer dans le cycle d’échanges entre les
ancétres et les membres du groupe de référence, des roles, tels que celui de
professeur bilingue, peuvent étre appropnés. Ce mécanisme permet de négocier et
de surmonter les conflits entre des roles a priori antagoniques. Cependant toutes
,.-
les contradictions ne sont pas a méme d’étre dépassées. Bnévement, nous
présentons deux cas exemplaires de ces situations. En premier, celui des
personnes de la localité de Pedernales qui se sont converties a l’évangélisme
baptiste. En second, nous faisons un parallele entre les responsabilités politiques
de Régisseur de la municipalité et de Conseiller des peuples indigénes.
3.1.
Les ivangélirtes : la bataille juridique
A partir de 1998, plusieurs personnes de la localité de Pedernales de la
communauté de Tuapune se sont converties a l’évangélisme. Elles sont membres de
I’église baptiste de Guadalupe, Zacatecas. En 1999, apres le retour remarqué dans
,*-.
la localité d’un wixárika devenu Pasteur, et de convertis, au cows d’une assemblée
communale, il fut décidé que ces personnes n’étaient pas exemptes de participer
aux activités des centres cerémoniels tukite. Le Pasteur refusa d’étre porteur de
coupe votive, et, d i n de l’intimider, il fut attaché au cepo, c’est-a-dire qufl eut les
jambes enchainées pendant quelques heures. Ce recours est généralement utilisé
pour dégriser ou calmer les personnes violentes. Le Pasteur informa l’égiise de
l’incident et cette derniere entrepnt une action auprés de la Secretaría de
.*--
...
Gobernacion a Mexico. Elle dénonqa ce qu’elle considérait comme un mauvais
traitement et une atteinte a la liberté religieuse individuelle. En conséquence, en
octobre 1999, un représentant de cette institution, la coordinatrice du CCI de
Mezquitic et le Président municipal se rendirent a Pedernales pour tenter de
,.I
.
r
.
.
négocier. Face aux diffcultés rencontrées, ils proposérent d’organiser une réunion
de conciliation au début du mois de février suivant.
Les personnes présentes a cette réunion furent les autontés traditionnelles et
agraires, des Anciens, des membres de la UCIHJ, les convertis, un représentant de
la Secretaria de Gobernacion, des assesseurs de la société civile invités par MAGI,
la coordinatrice du CCI, les autontés municipales et un représentant de
lbrganisation d’églises évangéliques Cofratemizaje. Au cours de cette réunion, les
évangélistes accepterent de ne pas faire de prosélytisme au sein de la communauté.
359
Chapitre 8 : Assumer d’etre wixMa
Cependant ils refuserent
nouveau d’accepter des charges d m s les centres
cérémoniels. En échange ils proposerent de prendre part aux activités du Comité de
Santé de la Secretaria de Salud, de devenir agent municipal ou de collaborer a des
travaux collectifs de réparation. Toutes ces responsabilités sont placées en dehors
du reseau des échanges avec les ancétres et donc du systeme de charges (De la
Peña, 2002).
Si l’on prend en considération l’absence d’instruments juridiques permettant
de faire valoir les droits culturels33, malgre la promulgation de la composition
multiculturelle de la nation dans la Constitution mexicaine en 1991, durant les
mois qui suivirent ceite reunion, fut rédigé un statut communal d i n de disposer
d’un instrument jundique garantissant le respect du droit coutumier. I1 mit l’accent
sur le fait que la relation particuliere des comuneros
wixaritari avec la terre, et
l’obligation de participer a un certain nombre d’activités coopératives. Durant
plusieurs assemblées et réunions, avec l’appui de MAGI et de la hocuración de
Justicia de lINI, les devoirs, droits et sanctions des comuneros furent mis par écnt.
L’un des devoirs est de participer aux activités des centres cérémoniels tukite et
donc d’etre porteur de coupe votive aiin de reproduire le lien ancestral avec la terre.
Finalement, le statut communal fut enregistré aupres du Registre Agraire National.
Depuis, la tension a temporairement diminui et dorénavant, chaque partie dispose
d’un instrument juridique lui permettant de faire reconnaitre ses droits. Pour ce qui
est des comuneros, ils s’appuient sur l’article 4 de la Constitution et la Loi Agraire.
Pour ce qui est des convertis, ils sont protégés par la liberté individuelle de culte.
Voici un cas exemplaire du caractere impératif de l’identité au sens o u elle
contraint lfndividu dans toutes ses activités et ne peut pas étre passée outre. Selon
Barth. l’identité est :
similar al sexo y al rango, en cuanto constnne ai sujeto en todas sus
actividades y no sólo en algunas situaciones defínidas. Se puede también
decir que es imperativa, en cuanto no puede ser pasada por alto o
temporalmente suprimida por otras definiciones de la situación (1976: 20).
simüaire au sexe et au rang, car contraignant le sujet dans toutes se8
activités et pas seulement dans des situations déñnies. On peut aussi dire
qu’eiie est impérative au Sens o ü ne peut pas passer outre ou la supprimer
totaiement par d’autres défínitions de la situation.
Si l’on considere que la participation au systeme de charges est la voie par laquelle
est reconnue l’appartenance ethnique, il faut alors se demander si les convertis
360
Chapitre 8 : Assumer d’etre wixárika
sont encore wixaritari? Et s’ils le sont, le sont-ils par le
probleme est de taille parce que, pour étre un
I
sang * ou la
converti wixárika
y,
race * ? Le
il faudrait
assumer des roles par définition incompatibles. Rappelons-nous des paroles de Flor
selon lesquelles les évangélistes ne veulent pas s’approcher des coupes votives
..
parce qu’ils ont peur de se salir, de se souiller. Or, depuis le point de vue wixatika,
..
étre porteur de coupe votive est la facon indiquée de se conduire et il ne s’agit pas
,-
seulement de professer une religion. Pour l’étudiant Nacho, étre porteur de coupe
votive ne devrait pas empécher d’étre évangéliste, et pour lui il s’agit de deux choses
,.--
distinctes. I1 dit méme qu’au fond
II
chacun peut croire en ce qu’il veut
~ 3 Le
~ .
probleme est que si certains sont autorisés a s’abstenir de coopérer, d’autres
pourraient en faire de méme a l’avenir. De plus, refuser de participer aux activités
,--,
du centre cérémoniel a des consequences immorales et contribue a disqualifier le
systeme de charges, et par la méme, l’autorité du Conseil des Anciens.
.,....
Dans ce contexte o u les convertis refusent de s’approcher des coupes votives,
la participation rituelle comme mécanisme permettant de réduire les conflits est
rendue inoperante. Ce ne sont pas deux roles sociaux qui sont en conflit, mais deux
identités : l’une ethnique et l’autre religieuse. Or, elles sont aussi impératives l’une
..-
que l’autre. Si pour l’instant la situation est relativement tranquille, la probabilité
de nouveaux conflits futurs est réelle. La déléguée de I’INI Jalisco confia que les
comuneros avaient cité la possibilité aux convertis de presenter des projets
productifs aupres du fond régional35. De son point de vue, il s’agit d’une attitude
I
intolerante et elle affinna que pour I’INI , tous sont Huicholes 13. Mais la logique
ethnique, dorénavant appuyée sur le statut communal agraire, envisage les droits
et les obligations des comunerosdepuis des criteres organisationnels et non pas
raciaux. La coopération est la base d’un systeme social auquel chacun est censé
participer un jour ou l’autre.
C’est en ayant recours a des instances mexicaines, la Secretaria de la
-.
Reforma Agraria y la Secretaría de Gobernación, que les parties en connit tenterent
de se défendre et aniverent a un statu
TO
momentané. Parce que les Wixaritari et
les convertis sont des mexicains, la défmition de leur identité passe par cette
relation qu’ils entretiennent avec les institutions nationales. La promulgation des
reformes constitutionnelles de 1991 (Art. 4) et de 1992 (LARCP) relatives a la
..
L
DMS ce contexte les termes de droits culturels, droits collectifs et droit coutumier sont considéres
comme equivalents.
34 Discussion du 14 novembre 2000.
35 Discussion du 31 octobre 2001.
33
361
Chapitre 8 : Assumer d'etre wixárika
composition multiculturelle de la nation et a la liberté individuelie de cuke
conditionnent la definition de l'ethnicité.
a.2. Parti8 polltiquei et bame aocide ethnique
Le cas des évangélistes met en évidence que certaines identités, religieuse et
ethnique, sont antagoniques parce qu'impératives.
I1 existe d'autres roles
potentiellement codictuels. I1 s'agit des postes de représentation politique au
niveau municipal et
régional. Présentons brievement la faSon dont les
communautés indigenes de Jalisco, wixaritari et nahuas36, proposerent un
candidat a la présidence de la délégation de 1'INI Jalisco. Puis nous ferons un
parallele entre ce cas et les élections municipales du mois de novembre 2000.
3.2.1.L'hlection en assenlbkb du ccrndidait india
En 2001, Marcos Matias, un intellectuel indien originaire de l'état de Guerrero, fut
nomme directeur de 1'INI féderal. I1 souhaitait que d'autres Indiens occupent des
postes décisionnels au sein de 1'INI. I1 insista pour que les communautés indiennes
de Jalisco désignent un candidat pour devenir délégué de I'INI Jalisco, si bien que
dans les temtoires wixaritari et nahua furent organisées des assemblées pour élire
un representant.
Au cours du premier semestre 2001, les autorités des communautés
wixaritari s'étaient réunies a l'occasion de l'assemblée communale de Tuapurie et
avaient déja designé plusieurs candidats, non seulement pour devenir déiégué de
I'iNI, mais aussi Directeur de 1'Education Indigene et Procureur des Affaires
Indigenes. Tous les candidats se caracténsaient par leur grande expérience
interethnique. En juin, pour répondre au souhait du directeur de I'INI fédéral, fut
organisée une consultation dans les communautés indigenes de Jalisco pour
designer le candidat a la délégation de I'INI Jalisco. Elle fut organisée par la
UACI37, une ONG qui travaille surtout avec les Nahuas du sud de Jalisco. L'unique
membre wixárika du Congres National Indigene (CNI) recut un appui unanime.
Cependant, bien que le document füt envoyé aux autorités fédérales concemées, la
déléguée resta en poste ... Promesse non tenue. Voyons maintenant deux autres cas
o u ce procédé de délégation collective de la représentation ethnique n'a pas été
appliqué.
~~
Les Nahuas vivent au sud de l'état de Jalisco.
37 Unidad de Apoyo a las Comunidades Indigenas, ONG liee a 1'Université de Guadalajara.
36
Chapiire 8 : Assumer d’etre wixárika
362
3.2.2,Les dilemmes d. 1’~ltamanca
pdsklentiell. au n b a u local
En novembre 2000 eurent lieu les élections municipales. En raison de i’altemance
présidentielle de juiUet 2000, qui conduisit au pouvoir un membre du Parti
d’Action Nationale (PAN), il semblait possible qu’au niveau municipal se produise
aussi une altemance. I1 convient de signaler qu’au cours de l’élection de juillet
2000 seulement 20%
a 30% des Wixaritari inscrits sur les listes electorales
votérent, c’est-a-dire que la participation des Wixaritari fut extrémement faible38.
Dans la municipalité de Mezquitic (ou le Parti Révolutionnaire Institutionnel
(PRI) a toujours gagné), en vue des élections municipales, chaque parti politique
,..
.
(PRI, PAN, PRD) organisa sa campagne et inclut des Wixaritari a leur équipe.
Chaque parti proposa que des Wixaritari deviennent régisseurs municipaux en cas
de victoire. Le PAN promit trois postes de régisseurs, et le PRI, un. Le PAN organisa
une réunion a Pueblo Nuevo et le PRI a Nueva Colonia. Le PRD visita le centre
r -
cérémoniel de Keuruwitia a l’occasion de la fete du tambour, sans grand succes.
Au sujet de ces élections, deux faits méritent de retenir notre attention:
*-
l’utilisation des clienteles et des moyens institutionnels pour faire campagne et les
essais des membres des tukite de rappeler que l’autonté morale en matiere
politique est le Soleil Tayau.
Dans le cas de Tuapurie, les personnes candidates a l’obtention d’un poste
de régisseur pour le PRI et le PAN étaient des hommes forts, c’est-a-dire des
commerpnts prosperes (PAN et PRI) et les autorités agraires (PRI). Les rencontres
eurent lieu la oÜ les candidats avaient le plus d’influence. Le PRI gagna et les
observateurs du processus électoral dénoncerent les méthodes clientélistes
utilisées par ceux qui gagnerent39. Les autorités agraires, qui s’étaient enrolées
avec le PRI, auraient réparti des fonds du programme PROCAMPO de soutien a
l’agriculture et transporte dans la camionnette du Fond Régional les personnes
disposées a voter pour le PRI. Cependant, je n’ai pas eu l’occasion de vérifier
aupres de I’iFE si cette accusation avait fait l’objet d’une requéte. De plus, le mois
précédent, la communauté avait gagné le procés de demande de restitution des
territoires de kanarita et les éleveurs métis furent éconduits en toute légalité. Cela
constitua un grand succes pour les autorités agraires et... un bon theme de
,.-,
38
Discussion avec un conseiller électoral wuárika de llnstitut Fédéral Electoral, Colotian, 6 juillet
2000.
,.
39 Bien que le PRI gagna de nouveau dans la municipalité de Mezquitic, les résultats cumuient les
votes des communautés de San Andrés, Santa Catarina et San Sebastian, ainsi que ceux des
habitants métis de la municipalité. 11 est difficile d’évaluer, sans réaliaer une analyse des résultats
plus approfondie, combien de wixaritari ont voté et que1 fut le candidat qui recut le plus grand nombre
de votes.
363
Chapitre 8 : Assumer d’etre wixaiika
campagne politique en leur faveur. Le jour de la restitution des terres, eut lieu la
cérémonie de la fete du tambour et, de retour de
.._
,
kanarh, le Commissaire des
biens communaux expliqua, ivre d’orgueil et d’alcool, a un petit groupe qu’il fallait
voter pour lui, et donc pour le PRI, parce qu’il avait récupéré les terres. I1 voulait
transformer le mérite que lui conférait cette opération réussie en un argument qui
serve aussi a apprécier sa candidature au poste de régisseur.
.<
Dans le centre cérémoniel de Keuruwitia, alors que les autorités agraires se
frottaient la panse, se déroulait la fete du tambour. Sur le mur de la
Comisaria, la
maison des représentants du gouvemement traditionnel, avaient été accrochés les
afiiches du PRI, PAN et PRD. Quinze jours avant, cette méme cérémonie avait eut
,
x
,
..I..
lieu dans le centre cérémoniel de Rawepa. La-bas, les affiches des différents partis
politiques avaient été accrochées sur le mur du temple du Soleil Tayau. C’est
l’ancetre qui guide la conduite des affaires politiques. Et c’est justement au cours
cette cérémonie que l’on célebre le retour du Soleil et que les anciens annoncent les
candidats du prochain gouvemement traditionnel. Ce fut une facon de rappeler la
transcendance de l’organisation ethnique sur l’affiiiation politique.
3.2.3. &z r v d ¿ ~ i t i o n
permanente dasfrontihs ethniqws
_-<
i
.,.
Le cas des évangélistes et celui des représentants politiques montrent que les
processus globaux, c’est-a-dire les réformes en matiere de droits culturels et de
liberté religieuse, les crises économiques et l’altemance présidentielle, affectent les
regles du jeu inter-ethnique. I1 convient donc de considérer que la recomposition
des pouvoirs dans la communauté participe au sein de processus plus vastes.
,..
.-..
-.
,..+_
I
...
L’exemple des professeurs biiingues nous renvoie a la politique indigéniste qui, a
partir des années soixante dans la zone wixárika, initia la formation de promotores
du changement social. L’opposition communément établie entre les I modemistes B
et les
u
traditionalistes *, laquelle positionne face a face les professeurs et les
anciens, s’insére dans un contexte social, politique, économique et historique. Ce
contexte a la fois transcende et redéfinit les frontieres ethniques. Au niveau local,
des mécanismes sociaux sont inventés et/ou adaptés d
i
n de surmonter et
,..-.
i
n qu’il existe un certain degré
absorber certains changements d’ordre structure1 d
d’ordre social.
L’identité ethnique, en tant que mode d’organisation sociale, est sans cesse
modifiée et redéfde. L’exemple des professeurs bilingues montre que l’on peut
négocier sa participation au sein du systéme de charges lorsque, pour des
questions professionnelles, il est impossible de se consacrer a temps compiet aux
Chapitre 8 : Assumer d'etre wixárika
activités cérémonielles. L'une des fonctions sociales de l'offrande
3 64
de taureau
mawariwa est de réguler ces conflits en permettant au sacrifiant de se conduire de
,"A
facon appropnée. Cependant, certains processus nationaux récents ont suscité la
confusion en ce qui conceme la definition de l'ethnicité; dans ce cas, ce
mécanisme n'a pas pu fonctionner. Les identités ethniques et religieusessont
impératives et défmissent un code moral et ses limites; elles condamnent
,
kémédiablement les pratiques jugées immoraies. Pour certains, il s'agit de refuser
de participer au systeme de charges ; pour les autres, de se compromettre avec le
diable. Dans ce contexte, les moyens employés par les convertis et les non
convertis pour tenter de faire valoir leurs droits furent de faire appel aux instances
I-
mexicaines. Or, la situation locale est a l'image du flou juridique constitutionnel. I1
existe deux types de droits légalement reconnus qui sont liés et juxtaposés : les
droits individuels et les droits collectifs.
,e-
...-
,-
_I.
...
Conclusion
365
Conclusion
1) ModernitL indbnne ou anthropologique?
Les Wixaritari ont fasciné, et fascinent aujourdhui encore, de nombreux visiteurs et
scientifiques. Carl Lumholtz, grand ethnographe norvégien de la fin du 191Cmc siecle,
< ”
est l’auteur de la premiere étude soiide de leur mode de vie. Aujourdhui, son
ouvrage a valeur de document histonque (Lumholtz, 1981). Plus encore, l’une des
,<-
-
grandes quaiités de ce travail est d’offrir une perspective régionale. En effet, avec un
grand soin, Lumholtz y décrit l’état des relations entre les Wixaritari et les habitants
des villages environnants, leurs allées et venues pour aller travailler dans les
haciendas situées pres de Tepic ou dans la distillerie de Mezquitic, et le commerce
auquel ils se livraient avec leurs voisins métis. Gráce a ces données, nous avons
donc pu analyser l’évolution de leurs relations commerciales, depuis la fin de la
Colonie jusqu’a la pénode pré-révolutionnaire. Trois décennies plus tard, Robert
Zingg, observant alors les Wixaritari de San Sebastián et de Tuxpan, met en
évidence la division entre les deux grands temps de l’année : la pénode séche et la
panode pluvieuse (Zingg, 1982). Son approche devait contribuer a l’étude du rituel
depuis une vision systématique.
I--
,.-
._
A partir des années soixante, avec les débuts de l’action indigéniste dans la
région, les Wixaritari furent a nouveau le centre d’attention de visiteurs cuneux.
Les indigénistes mexicains prónaient l’acculturation. Parallélement, l’école
américaine, sous l’impulsion de scientifiques caiiforniens, s’intéressait aux
mécanismes d’endoculturation (Anguiano et Furst, 1987) et aux racines ancestrales
des Wixaritari (Myerhoff, 1974 ; Furst et Myerhoff, 1972). C’est a cette époque qu’un
,_
I.
“apprenti anthropologue” de l’üniversité de Californie -0u apprenti sorcier, Carlos
Castañeda- écrivit ses premiers ouvrages sur l’usage des plantes hailucinogenes, a
partir des enseignements supposés d’un sorcier Yaqui. La plante hallucinogéne
dont il fit le plus de cas, ou qui fascina le plus ses lecteurs, fut le macalito [le
peyotl) consomme rituellement par les Wixaritari. A cette méme pénode, le
journaliste Fernando Benitez et son photographe Marino Benzi parcouraient les
communautés indiennes du Mexique, pour témoigner de leur savoir (Benítez, 1968 ;
Benzi, 1971). Le mouvement de la contre-culture était en pleine apogée dans les
milieux urbains et la fin des années soixante fut, indiscutablement, l’époque ou les
Wixaritari entrerent en force dans l’espace public mexicain, a travers une littérature
-. .I-.
.
“.*,
1
/_” I *
.
..----366
Conclusion
dsgée au grand public comme au monde academique. Des lors, la passion pour ces
indiens, présentés comme dotés d’une culture ancestrale, vivant reclus dans leurs
,..-
communautés montagnardes, extrémement religieux et souvent hostiles aux
visiteurs, augmenta et ne tarit plus.
Ce sont les ouvrages de Benitez et de Castafieda, voire ceux de Lumholtz et
.
de Furst, qui servent d’introduction au visiteur avant qu’il ne se rende dans la
Sierra Huichol : ils sont disponibles dans les bibliotheques municipales et les
.,-
librairies. Notre propos n’est pas, ici, de discuter de la qualité ethnographique des
écrits de la fin des années soixante. Ces ouvrages répondaient aux inquietudes de
l’époque’. Et les objectifs des auteurs étaient tout aussi légitimes que ceux des
anthropologues et curieux de tous poils qui sillonnent aujourd‘hui la Sierra.
Cependant, il est important de signaler que ces travaux ont participé a la
construction d’une certaine image des indiens Wixaritari : ils étaient envisagés a
travers le double prisme d’une société mexicaine urbaine a la recherche de ses
racines, et d’une quete occidentale de spiritualité. Cette précision est fondamentale
1
~
.,
car c’est sur ces prémisses que l’on se forge une idée de qui sont les Wixaritari.
De nombreuses etudes anthropologiques ont été réalisées dans le sillage de
ces explorateurs, anthropologues et ecrivains. Dans leur grande majorite, peu de
,-.,
cas était fait a la dimension historique, tout au moins jusqu’a la fui des années
quatre-vingt. En effet, la publication en espagnol des travaux de Phil Weigand
.,e,-.,
(Weigand, 1992) a impulsé une nouvelle approche de la réalité Wixaritari. Phil
Weigand a réalisé un travail extrémement scrieux sur l’organisation sociale dans les
communautés de San Sebastián et de Tuxpan durant les années 60. Plus tard, il se
consacra a la recherche archéologique et ethnohistonque dans l’Occident du
Mexique. Parallelement, en vue de disposer d’informations historiques sur les litiges
agraires des Wixaritari avec leurs voisins métis -et a la demande du directeur de
l?NI de l’époque, Guillermo Espinoza- Beatriz Rojas réalisa une étude historique a
partir des documents disponibles (Rojas, 1992). La population wixárika, sans
histoire, prise dans l’immobilite de la continuité culturelle, entra alors dans
l‘histoire.
,-,,.I,
a
Los
Huicholes en
la historia ” (Rojas, 1993) montre la part prise par les
Wkaritari dans certains événements nationaux pour résoudre des conflits locaux,
principalement temtoriaux.
Notre révision bibliographique est sommaire et a pour vocation de délimiter
des grandes tendances qui marquent ce champ d’étude; la bibliographie
,.
.,.
Conclusion
. .-
367
commentée des publications relatives aux Gran Nayar de Jauregui (1992) ayant,
sur ce point, le ménte d’étre exhaustive. En ce qui concerne les dix dernieres
,.
-
années, la connaissance de la région a été enrichie par des études portant sur les
actions des ONG et des institutions (Arcos, 1998 ; Liffman, 1996, 2002 ; Rojas c ,
1998 ; Fajardo, 2000 ; Torres, 2000).
En plus de ces chercheurs, rendons hommage a deux norvégiens, Carl
Lumholtz (1981) et Frednk Barth (1969). Le premier pnt soin de décnre les
relations des Wixaritari avec les métis. A partir de la seconde moitié du 20lemc siecle,
._
dans une perspective plus genérale, le second insista sur le fait que la construction
de l’identité se réalise en interaction avec d’autres groupes. Notre recherche s’est
*-.
...
.
inscnte dans cette optique. En particulier, elle a eu pour vocation de montrer que
les Wixaritari ont, de tous temps, eu des relations avec les sociétés de I’Occident et
du Nord du Mexique. De notre point de vue, le mythe des Wixaritari vivant reclus
dans leurs communautés montagnardes n’a plus lieu d’étre. Leur génie, notre
nouveau romantisme, réside dans leur capacité a répondre aux défis sociopolitiques qui ont jalonné leur l’histoire, de l’hérique coloniale a nos jours. 11s ont
appris a vivre avec 1’Etat et le marché, sans pour autant se fondre dans le monde
métis. 11s ont utilisé des mécanismes propres pour juguler les conséquences de leur
insertion a la Couronne espagnole, puis a 1’Etat mexicain et au marché.
2) L’interdisciplinuité : une stratbgie
I1 est donc nécessaire d’appréhender plus précisément la maniere dont ces
populations indiennes vivent au sein de la société mexicaine, sans pour autant
.c
postuler qu’elles sont isolées du marché et de l’état, ou encore, qu’elles en sont les
proies passives.
Avoir recours, dans une perspective histonque, a l’étude minutieuse des
relations inter-ethniques, en particulier en suivant le tracé des anciennes routes du
commerce, nous est apparu comme une démarche particulierement intéressante,
un moyen pour faire chanceler le mythe de l’isolement. Nous espérons avoir montré
de quelle maniére l’expansion de l’exploitation des mines dans la région d’étude a
fortement iniiuencé les relations entre les groupes en présence et, comment iis ont
réagi, sur la base de leurs modes d’organisations et conceptions culturelles, a ces
changements globaux.
1
Pour connaitre la teneur des critiques a I’encontre de I’école de Californie, consulter Fikes (1993-b).
Conclusion
368
Nous avons combiné cette démarche a une analyse des données statistiques
disponibles. Bien que devant étre utilisées avec precaution, ces données nous
permettent de discuter les questions de mobilité, d’espérance de vie et d’influence
de la scolarisation a moyen termez. Ainsi, il a été possible de soutenir plusieurs
hypotheses : Tout d’abord qu’une part significative de la population réside de facon
semi-permanente ou permanente en ville; de méme, que le tau de bilinguisme
augmente chez les femmes, en particulier parmi celles agées de moins de 40 ans ;
enfin, que l’espérance de vie des femmes reste moindre par rapport a celle des
,...,
..
hommes.
En somme, en plus de l’anthropologie, nous avons eu recours a différentes
disciplines des sciences humaines : lhistoire, la sociologie et l’économie. Nous
avons conscience que de nombreux points mériteraient d’étre approfondis, discutés,
réfutés ou affiiés; l’ambition de cette recherche étant, modestement, d’ouvrir
..I
l’étude de la problématique Wixaritari a une démarche interdisciplinaire.
3) Un mode puticulier d’insertion 8u m u c h 6 et i
18 socibtá globde
Nous avons insisté sur la mobilité des indiens Wixaritari, c’est-a-dire sur le fait
qu’ils resident de facon saisonniere dans les communautés de la Sierra. La
migration est partie prenante de l’organisation productive, elie inclut la vente de la
>-.
main d’oeuvre et des produits décoratifs artisanaux. De méme, nous avons montré
que les Indiens ont appns a utiliser certaines initiatives institutionnelles et cadres
juridiques nationaux et internationaux pour prendre en charge leur développement.
Le mode d’insertion des Wixaritari au marché et a la société mexicaine est
p d c u l i e r : la production agricole saisonniere du mais, organisée sur la base des
lignages, se combine a la production capitaliste de produits agricoles dont les
Wixaritari sont l’ultime maillon de la chaine. Ce sont c e u qui récoltent les feuilles
de tabac. Autrefois, ils récoltaient aussi le coton dans l’état de Nayarit, tout comme
les Braceros mexicains dans les plantations du sud des Etats-Unis.
Les conditions de travail des travailleurs saisonniers sont extrémement
n-’
dures : le traitement chimique des plants de tabac génére des maladies et entraine
parfois des décés. Une organisation non gouvernementale, Huicholes y Plaguicidas
A.C., fait pression sur la multinationale British Amencan
Tabaco pour que certains
produits nocifs ne soient plus utilisés. Malgré tout, de nombreux d’indiens se
Nous avons discuté la viabiiité de ces données statistiques i partir des expériences de terrain et des
recherches de Knab (1981) et Guzman (1998).
2
369
Conclusion
rendent année apres annee sur la cote de Nayarit pour y travaiiler. En effet, les
cérémonies qui ont lieu dans la Sierra sont financées avec les revenus du travail
d a s les champs de tabac, de la vente de l’artisanat, et pour c e r t h s , de la vente de
bétail et de biens de consommation. Au cours des cérémonies, des boissons
gazeuses et alcoolisées, ainsi que du bétail sont offerts : tous ces biens doivent étre
préalablement achetés. Si quelques cérémonies sont fmancées avec le soutien de la
municipalité (changement des autorités traditionnelles) ou des fonds verses par
1?NI, ces aides ponctueiles ne sauraient constituer l’ensemble des ressources
monétaires nécessaires au fmancement des nombreux rituels. Dans la grande
majorité des cas, c’est la vente de main d’ceuvre agricole et de production artisanale
qui permet les financer. Ainsi, périodes séches et pluvieuses altement, au rythme
.“ .
des pluies et des modes de production integrés. Si le marché n’est pas au centre du
systéme social, il en fait partie, de la méme maniere que 1’Etat mexicain et ses
,.
..,
institutions participent a la dynamique sociale.
Les personnes qui vont et viennent entre la Sierra et les états environnants
se retrouvent, durant plusieurs mois de l’année, relativement atomisées,
éparpíilies. Cependant, la force des mécanismes d’endettement soude cette
communauté extremement mobile: ils agissent a la maniere d’un aimant qui
attirent les hommes vers les poles magnétiques xirikite. 11s réafííment ainsi, avec
régularité, les liens entre les membres des lignages, des districts et d’une méme
communauté. Arréter de cultiver le mais n’est pas a l’ordre du jour, méme pour
ceux qui recoivent des revenus permanents ou résident en viile : le lien avec le mais
ne doit pas étre coupé. Le mak, la conquéte civilisatrice des indiens, unit les
générations et les hommes entre e m . Plus spéciiiquement encore, les Wixaritari se
sentent investis d’une mission : protéger le mais aux cinq couleurs, leur mais, le
mais wixárika. La production de cette plante est d’ailieurs placée en marge du
marché : bien que les fertilisants, désherbants et tracteurs aient fait leur entrée, le
mode de production de cette céréale reste organisé autour de la figure du chef du
lignage. Rappelons que le mais n’est pas vendu aux mitis : il est consommé au sein
des familles. Les graines, qui sont gardées dans les temples
xirikite des lignages,
circulent durant les fetes des centres cérémoniels tukite, de la meme facon que le
__
sang du cerf et du taureau. Cette circulation se réaiise via les actes d’offrandes aux
ancétres ; elle unit les lignages. De plus, le mais ne peut croítre que grace a l’union
des eaux sacrées rapportées des points éloignés du temtoire vécu.
I -
-
370
Conclusion
Ceux qui se trouvent a la pénphéne de l‘organisation productive lignagere,
peuvent aussi participer en offrant le sang du taureau aux ancétres lors des ntuels
des centres cérémoniels tukite. C’est notamment le cas des professeurs des écoles et
des résidents permanents des centres urbains. A la différence du m z s , le bétail est
un bien qui fait l’objet de transactions commerciales entre indiens et avec les métis
des environs, les vecinos. Des les premieres décennies de la Colonie en Nouvelle
Galice, le bétail a été un bien d’échange inter-ethnique: il était recu en gage
d’aliiance, ou bien encore il était vole. Aujourdhui, ii est l’enjeu et l’expression des
disputes territoriales entre les communautés indiennes voisines : le voleur de bétail
est un voleur de terre. En effet, le bétail rivaiise avec les hommes pour lbccupation
des terres et la consommation du mais, de la meme maniére que les comuneros
nvdisent entre e w , ou avec les vecinos, pour la reconnaissance des limites des
communautés agraires. Le bétail, tout comme les voisins, est leur semblable et...
leur rival. Les echanges qui mettent en scene le bétail ont pour vocation d’affirmer
.,-.I
, ”.
des ioyautés au sein de groupes temtorialisés. Faire un sacrifice est une maniere de
réaffirmer son appartenance au district du tulci, ou a la communauté, et de signifier
,.-.
-
son sentiment d’étre en dette.
En somme, les modes de production capitaiistes et lignagers sont intégrés et
*.
.
I
.L
s’alirnentent mutuellement. Cette articulation, &si
que i’insertion a la société
mexicaine génerent des coníiits. Le cas des évangéiistes est un exemple de c o d i t
qui, dans l’immédiat, n’a pas rencontré de solution.
4) Perspectives
I1 nous semble que certaines problématiques abordées dans ce travail mériteraient
d’étre approfondies et de faire l’objet de iecherches a part entieres. Parmi elles, la
conversion d’indiens a l’évangélisme et les relations des artisans urbains avec des
acteurs non-indiens nous semblent particulierement intéressantes.
4.1. L’ivtangblisme indien
De larges pans de l’histoire de la conversion des populations indiennes du Mexique
,. *.
aux cultes Protestants restent encore a écrire. Au sujet des wixaritari convertis
dans l’état de Nayarit et a Tuxpan de Bolaños, seuls les travaux de Otis (1996,
1998) et de Fajardo (2000) apportent des informations. C’est a partir des années
cinquante que les conversions ont commencé, conjointement a l’entrée de l’institut
,”..,
Linguistique d’Eté dans la Sierra. Mais depuis quelques années, des conflits sont
Conclusion
37 1
apparus dans toutes les communautés de la Sierra. Ce phénomene n'est pas
exclusif des Wixaritari: il concerne d'autres
populations, indiennes et non
indiennes, du Mexique et d'hérique Latine. Nous pensons qu'une telle Etude
devrait prendre en compte le développement des églises évangélistes au niveau
global, ainsi que l'histoire des relations entre 1'Etat mexicain et les églises
organisées sur son temtoire. De plus, il serait nécessaire d'amorcer une démarche
comparative systématique avec la situation observée d'autres communautés
indiennes du Mexique, afui de connaitre les termes des conflits et les solutions dont
ils ont pu faire l'objet. Un travail de terrain parmi les évangélistes wivaritari
permettrait de comprendre pourquoi ils ne se sentent plus en dette avec les autres
membres de leur district. Quelle est l'histoire de leur lignage ? Ont-ils eu la
possibilité d'occuper des responsabilités dans leur communauté ? A quelles
activités productives se consacrent-ils ? Au cours de leurs déplacements, avec quels
acteurs entrent-ils en relation? Toutefois, les convertis sont les parias de leurs
communautés, raison pour laquelle réaliser une telle recherche s'avere difficile. A
Santa Catarina, par exemple, la tension est a son comble et les positions sont
radicaiisées : les non convertis veulent obliger les convertis a reprendre le chemin
de la tradition, et ces derniers considerent que la réalisation des rituels les
souillerait.
4.2. Les artisans urbdns : phénomines de revitiliaation ethnique
Une recherche sur les artisans urbains pourrait éventuellement pennettre
d'approfondir la problématique de la conversion évangéliste. Les Indiens qui
travaiilent comme artisans et résident en d e , de faqon temporaire ou permanente,
entretiennent des relations avec divers acteurs, dont des groupes religieux.
I1 s'avere que nous connaissons mal le mode de vie des artisans urbains, et,
seuls deux travaux ont été publiés a ce jour (Knab, 1981 ; Gúzman, 1998). Knab a
établi une distinction catégorielle entre les Indiens résidents permanents, semipermanents et temporaires de Mexico. Ce travail, réalisé entre 1973 et 1974 a
Mexico, devrait etre actualisé et amplifié. Pour sa part, Gúzman a montré que les
wixaritari de Mexico vendent de l'artisanat pour financer des cérémonies. En outre,
nous savons que des artisans Wixaritari se rendent dans d'autres villes du Mexique.
Au cours de notre travail de terrain, nous avons découvert, par exemple, que des
artisans wixaritari ont construit un temple dans un parc écologique bordant la ville
de Monterrey, au nord-est du Mexique. Un te1 phénomene de sacralisation d'un lieu
372
Conclusion
de deskation des migrants, qui s’opere d a m un contexte de croissance de la
production artisanale et d’un réaménagement des destinations des artisans, nous
x
semble particuliérement intéressant. Cependant, le principal intérét de ce temple
est d’étre le théatre de nouvelles formes d’interactions : chaque année, les Indiens
migrants invitent des acteurs urbains a participer a la cérémonie qu’ils réalisent.
Cette revitalisation ethnique, ou peut-étre ethnotemtoriale, se produit en
...~
interaction avec un groupe hétérogene d’acteurs désireux de connaitre les wixaritari
et de dialoguer avec eux. A cet égard, nos hypotheses sont les suivantes.
..-
En premier lieu, l’artisanat est devenu une nouvelle source de revenus a
partir
des
années
cinquante et,
depuis,
la
production
artisanale
s’est
considérablement développée. Considérée comme un trait positif de la culture
indienne,
i
-
,.”.
cette
activité
a
été
activement
promue
par
des
instances
gouvernementales. Les anthropologues indigénistes, tout comme ceux de Califomie,
ont largement contribué a la diffusion de l’artisanat wixárika. Bien que l’appui a la
production artisanale constitue une “folklorisation“ des indiens -ce qui ne rime pas
forcément avec dignité- ces demiers l’ont reprise a leur compte. Dans leur immense
majorité, les Indiens savent faire des bracelets, des colliers, des objets décoratifs en
/-
perles et des tableaux de laine. Récemment, apres plusieurs années d’essor, le
marché national de l’artisanat wixárika a atteint une relative saturation.
,-
Aujourdhui, les artisans doivent se rendre toujours plus loin pour vendre leurs
”.
créations. Certains tentent de passer la frontiére et d’atteindre le marché nord-
_,-.
américain ; d’autres essayent de vendre leur production sur internet.
Dans le cas précédemment cité du temple de Monterrey, nous considérons
_,
‘-’
qu’il s’agit tout d’abord d’une stratégie de vente, répondant aux inquiétudes
d’acteurs urbains non indiens : la recherche, au travers des indiens, d’une nouvelle
,
..
spiritualité. Cette rencontre entre acteurs urbains et indiens, en dehors des canaux
._
institutionnels et corporatistes habituels, constitue une nouveauté.
En second lieu, ce phénomene témoigne d’un mouvement de revitalisation
. -.
ethnique qui se produit en interaction avec des acteurs non indiens. Rappelons ici
le cas de notre ami wixárika qui, alors qu’une famille métisse l’avait recueilii enfant,
lut les ouvrages de Peter Furst et commenca a faire des tableaux de laine. Apres
avoir gagné un concours d’artisanat a Puerto Vallarta, il a cherché a se réconcilier
avec les siens, puis a décidé de retoumer dans la Sierra. La diffusion de l’artisanat
wixárika, accompagnée de commentaires positifs sur cette culture, a donc participé
,”--
a un phénoméne de revitalisation identitaire. L’anthropologie culturaiiste et le
373
Conclusion
mouvement de la contre-culture ont contribué a construire une image mystique des
Wix&tari : ils sont un peuple de chamanes. Parallélement, le courant New-Age a
lui aussi accordé une grande valeur aux savoirs spirituels des populations les plus
exotiques de la planete : moines tibétains, indiens d’hérique, Celtes, entre autres.
Ces croyances ont rencontré un écho favorable dans les milieux urbains et,
notamment, dans la viile de Monterrey. Dans le nord-est du Mexique, tous les
indiens natifs ont été exterminés au 191“~siecle. Ces racines indiennes d’un autre
temps, que le discours post-révolutionnaire encensait pour construire une identité
.
I
.
+
x
mexicaine moderne et métisse, semblent donc resurgir.
Mais, a la différence des Wixaritari qui ne font que passer, les Indiens qui
résident a Monterrey de faqon permanente ne jouissent pas du privilege de pouvoir
se vétir comme des indiens : d’étre visibles. Souvent, ils cherchent au contraire a se
fondre dans la masse urbaine ; c’est par exemple le cas des femmes de ménage
_..
nahuas. Récemment, les ñhaiius3, dont certains résident a Monterrey depuis trois
..
generations, ont obtenu un financement institutionnel pour créer un groupe de
danse préhispanique. Depuis, ils sont devenus c o n c h s , et dansent a l’occasion de
....
l’équinoxe de printemps, a l’endroit méme ou les Wixaritari ont construit leur
.... Les concheros
temple. Les Indiens ñhaiius suivent les traces d’autres indiens
apparaissent désormais sur les lieux de pelerinage de la région, comme par exemple
a l’Espinazo, le lieu de culte du
Niflo Fidencio ou ils effectuent, a leur tour, leurs
danses. Quant aux Mixtéques, ils vendent aujourd’hui leur artisanat de porte en
porte. Eux aussi ont gagné un concours et ont formé leur groupe musical, une
banda. Faut-il, pour vendre authentique, étre habillé comme un indien, étre visible,
faire état de ces racines ? Ou s’agit-ii d’une manifestation de I’impérieuse nécessité
““
de se différencier, que l’on soit Indien ou adepte du New Age ? Ce phénoméne est
complexe car les adeptes du New Age sont par ailleurs membres de classes sociales
qui méprisent ce que représentent les Indiens, perqus comme l’antithese du
progres. Nous proposons d’aborder cette problématique de la facon suivante.
I
Dans un premier temps, la création et le développement du marché de
l’artisanat peuvent étre mis en parallele avec l’essor d’idées ayant rendu possible la
valorisation des activit& artisanales et des cultures indiennes. Min de déiimiter
notre analyse, nous proposons de nous limiter au centrer sur le cas des Wixaritari.
Pour ce, il est tout d’abord nécessaire d’identifier les acteurs qui promeuvent les
activités artisanales et autres expressions culturelles indiennes. I1 peut s‘agir
Conclusion
374
d’institutions, d’organisations non gouvernementales, d’anthropologues, de groupes
religieux et politiques. Concemant les Indiens urbains, il faut différencier c e w qui
résident de facon permanente de ceux qui passent temporairement dans les villes. A
Mexico, la présence W i x W a est reiativement ancienne et doit maintenant
comprendre trois générations. Ce n’est pas le cas a Monterrey, ou les Wixada~fne
font que passer. 11s sont invisibles dans les recensements et, cependant, visibles a
l’occasion de leur visite attendue. I1 faudrait donc anaiyser les relations qu’ils
entretiennent avec les résidents indiens permanents de Monterrey ; s’interroger sur
la nature des attentes et des motivations des autres acteurs qui entrent en contact
avec les Indiens: adeptes du New Age, travailleurs institutionnels, membres
/x_
....
d’associations et de groupes politiques et religieux. Ainsi, a partir de l’exemple des
artisans wixaritari, nous espérons désormais expliciter l’état des relations entre les
Indiens urbains et les autres acteurs qui participent de la construction de leur
identité.
I-
r-
Y-
-
,
-.
..
I-
-
Otomies, originaires de I’état de Querctaro.
.
1
....
Index des Figures et des Tableaux
_
I
375
Index des 5gures et des tableaux
Index des Figures :
Fig. O :
Secteurs de réciprocite et secteurs résidentiels de parente
Fig. 1 :
Les civilisations du classique tardif méso-améncain (600-900) 33
Fig. 2 :
L'expansion des états Caxcanes
35
Fig. 3 :
Les langues parlées en Nouvelle Galice en 1530
36
Fig. 4 :
La Grande Chichimeque
41
Fig. 5 :
Le District de Colotlán
44
Fig. 6 :
Etat des invasions temtoriales pendant les années quatre-vingt
64
Fig. 7:
Estimation des différents modes de vie des indiens Wixaritari
79
Fig. 8 :
Localisation des communautés agraires de la Sierra Huichol
Fig. 9 :
Toponymie des communautés agraires Wixaritari
Fig. 10 :
Les difíérents noms du mais
a2
84
95
Fig. 11:
Cycle annuel des activités productives
98
Fig. 12 :
Orientation géographique des limites du temtoire comptant des
lieux de pelerinage
Fig. 13 :
9
106
Carte schématique indiquant par des zones pointillées la
répartition geographique du Peyotl
130
Fig. 4:
Essors miniers de 1550 a 1800
136
Fig. 5 :
Distribution géographique de la production miniere 1850-1876
146
Fig. 6 :
Le xiriki de I La Huasteca 8 a Monterrey, Nuevo León
157
Fig. 7:
Indices de Masculinite (IM) et de Féminité (IF) parmi la
population parlant huichol dans l'état de Jalisco en 2000
Fig. 18 :
248
Indices de Mascuiinité (IM) et de Fémhité (IF) dans la
Communauté de Tuapurie
250
Fig. 19 :
Relations de parenté entre les ancétres du Tuki et les Wkaritari
269
Fig. 20 :
Disposition des temples a Keuruwitia
270
Fig. 21 :
Rituels du cycle politique et productif annuel
284
Fig. 22 :
Roles sociaux et relations inter-ethniques
328
Fig. 23 :
Les différents niveaux de la hiérarchie indigene
330
Fig. 24 :
Mécanisme de légitimation de l'exercice des roles sociaw ;
Communaute de Santa Catarina Cuexcomatitlán, Tuapurie
357
Index des Figures et des Tableaux
376
Index des Tableaux. :
Tab. 1 :
Requétes agraires des communautés wixaritari et de leurs
voisins
60
Tab. 2 :
Population parlant le Huichol par sexe au Mexique en 2000
76
Tab. 3 :
Répartition de la population parlant Huichol dans les etats
de la fédération mexicaine
Tab. 4 :
Répartition de la population parlant le Huichol entre la zone
de la Sierra et les grands centres urbains
Tab 5 :
178
Destination des préts accordés par le fond régional depuis
1991, communauté de Santa Catarina Cuexcomatitlán
Tab. 7 :
78
Détail de la répartition par poste du budget de la délégation de
l'INI Jalisco, année 1999
Tab. 6 :
77
179
T a w de remboursement des projets productifs individuels,
fond régional de Santa Catarina Cuexcomatitlán, Jalisco
182
Tab. 8 :
Terminologie classificatoire de Uru et Wenima
209
Tab. 9 :
Taux de monolinguisme par sexe et par áge parmi la
population parlant le Huichol ágée de plus de cinq ans dans
i'état de Jalisco
Tab. 10 :
232
Taux de monolinguisme parmi la population parlant le Huichol
ágée de plus de 5 ans, par sexe et par áge, dans les municipalites
de Mezquitic et de Bolaños
Tab.
1:
233
Indices de féminité (IF) et de masculinité (IM) parmi la population
totale parlant le Huichol ágée de plus de 5 ans dam l'état de
Jalisco
Tab. 2 :
248
Indices de féminité (IF) et de masculinité (IM) parmi la
population totale de personnes ágées de plus de 5 ans parlant
le Huichol dans les municipalités de Mezquitic et de Bolaíios
249
Tab. 13 :
Structure de la population de Tuapune par sexe et par áge
250
Tab. 14 :
Répartition de la population par Tuki dans la communauté
de Tuapurie
Tab. 15 :
264
Correspondances entre les activités productives, agricoles et
migratoires avec les activités politiques et les ntuels associés
285
311
Index des Sigles
Index de. side.
..--
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,..
,,...
ADESMO
Asociación para el Desarrollo Ecológico de la Sierra Madre Occidental
MAGI
Asociación Jaliscience de Apoyo a los Grupos Indígenas
CHAC
Conservación Humana Asociación Civil
CNDH
Comisión Nacional de Derechos Humanos
COPLADE
Comité de Planificación del Desarrollo (-MUN : Municipal)
CONAFE
Consejo Nacional de Fomento Educativo
DEI
Dirección de Educación Indigena
DIF
Desarrollo Integral de la Familia
EZLN
Ejercito Zapatista de Liberación Nacional
IFE
Instituto Federal Electoral
INEGI
Instituto Nacional de Estadísticas Geogrdia e Informática.
IN1
Instituto Nacional Indigenista
OIT
Organización Internacional del Trabajo
PAI
Procuraduna de Asuntos Indígenas
PROGRESA Programa para la Educación, la Salud y la Alimentación
,-
RAN
Registro Agrario Nacional
SAGAR
Secretaría de Agricultura, Ganadena y Recursos Hidráulicos.
SCT
Secretaría de Comunicaciones y Transportes
SEDESOL
Secretaría para el Desarrollo Social
SEDER
Secretaria de Desarrollo Rural
SEMARNAP Secretaría del Medio Ambiente Recursos Naturales y Pesca
,-
SEP
Secretm-a de Educación Pública
SRA
Secretaría de Reforma Agraria
SSA
Secretaría de Salud
UACI
Unidad de Apoyo a las Comunidades Indígenas
UCIHJ
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I
405
Plan
Sur les routes de la fortune.
Commerce
longue distance, endettement et soUduit6 chez les
Wixaritui (Hmichol), Muique
...
REMERCIEMENTS
1
INTRODUCTION
3
1) La modernité des kchaw-
c6rbmodels
1.1.
Les échanges
4
1.2.
Etre Wivárika
5
2) Les concepts d’analysa
_..-
3
6
2.1.
Echanges, don et endettement
7
2.2.
La réciprocité
8
2.3.
La modernité du don
10
2.3.1. Le rejet de l’equivdence
10
2.3.2. Rapport de don et rapport marchand
11
2.3.3. Risque et confiance
12
3) Le déroulement des s6jorus de terrain
13
3.1.
3.2.
Le premier voyage dans la Sierra : l’école et la tradition
13
Vouloir devenir anthropologue : les voleurs de culture
15
3.3.
Les apprentissages du terrain
17
3.4.
La redéfinition de ce qui mérite d’étre observé
20
4) C o d b de p h c i p e s et attitudes pragmatlques
21
5) A la croisée de l’histoke, de la sociologie et de l’anthropologie24
,’-’.
‘
6) Les limites du territohe et de l’organisation sociale
26
..
Plan
406
PARTIE I *:-%ES CONFINS DU TERRITOIRE
29
CHI La formation historique de8 communaut68 *aires
30
1) Le r¿gne des chefs guerriers : 13’me
x
1.1.
- 17*me sibcles
31
Une région pluri-ethnique o u se rencontrent I’Occident et le Nord 32
1.1.1. Tradition de Chaichihuites et formation des Etats
Caxcanes : 3em - 1 3 6 ~
siecles
34
1.1.2. L’organisation guemere et commerciale des Nayarhs du
13=mcsiecle a 1530
36
1.1.3.La conquéte de Nufio de Guzmán et la Guerre du
MixtÓn : 1530-1542.
38
1.2. La fin des chefs indiens scelle la création des
autorités communaies
39
1.2.1. Les Wixaritari deviement membres du district de Colotlán 40
1.2.2.Ceux de Tuapurie regoivent leurs terres d’un Cora
baptisé Gamboa
46
1.2.3. La chute du Tonati de la Mesa del Nayar
^-
I
,.-.
-
47
1.2.3.1.LesWixaritari se réorganisent en communautés
47
1.2.3.2....et participent a la chute du Tonati
49
1.2.3.3.Les mérites des gouvemeurs wixaritari
52
.-..
2) La sacnlisation de la terre
, -,
. -.,
54
2.1. La fin des privileges des soldats frontaiiers
54
2.2. Indépendance et libéraiisme : la terre menacée
56
2.3. L’avenement des commissaires des biens communaux
59
2.3.1. La révolution permet l’expulsion temporaire
des envahisseurs
59
2.3.2. Et la Sierra sombre de nouveau dans la violence pendant
I
-
*-,.
la Guerra Cristera (1926-1938)
59
2.3.3. La multiplication des démarches auprés des
autorités agraires
60
2.3.4.Les années chquante : désespérance et violence
,
..
2.4. L’entrée des ONG et la formation de la UCIHJ
,
61
407
(Union des Communautés Indigenes Huicholes de Jalisco)
62
2.4.1.Stratégies des communautés au cours des trente
demieres annees
..
2.4.2.Les restitutions de l'année 2000 et les dossiers en attente
...
2.5. La sacralisation de la terre : la redaction du statut communal
CH ii
Sur les routes de la fortune
63
66
67
70
1) Qu'est-ce qu'un gsoupe ethnique 3
72
2) Les Wixaritari constituent une popuiation mobiíe
74
I-
-
2.1
Malgré l'amélioration des méthodes de recensement la
population wiuárika reste difficile a capter
74
2.2
Une population mobile aux modes de vie variés
78
2.3
La Sierra, les villes et les champs agro-industriels foment le
temtoire vécu
81
2.3.1.Les communautés de la sierra
81
r-
2.3.1.1.Les centres commerciaux et administratifs de
Mezquitic et Huejuquilla
83
2.3.1.2.Les localités institutionnelles de Pueblo Nuevo et
Nueva Colonia
r
'
.
2.3.1.3.Les ranchos familiaux
,..--
85
86
2.3.2.Les centres urbains
87
2.3.3.Les champs agro-industriels
88
"
.
L
.
3) YobiUt6 et contrOle culture1 du territoke
,..-..
3.1. Dis-moi a que1 temps il fait N et je te dirais I a quelle époque
on vit
.
,-
-
89
3.2.
89
m
Culture du mais et construction sociale de l'espace-temps
93
3.2.1. Les noms féminins du mais
3.2.2. La culture saisonniere du mais
94
96
3.2.3. La complémentarité entre l'élevage et la
Production agricole
,,e..
3.2.4. Prendre part aux activités agricoles de la familie
98
99
408
Plan
3.3.
CH iiI
Expansion et contraction pinodique du temtoire
101
3.3.1. Migrants et pelenns de la saison séche
101
3.3.2. Dispersion des hommes puis réunion des eaux sacrées
104
Le
territoire
au
socioéconomique
81
de
des
échanges.
l’organisation
Histoire
territoriale
10s
wixárika
...
,
.,,
_-
,
,
,
._
.I
1) Echanges et dynamique socia& sur k e
1
-
période
108
1.1.
Chercher la fortune aux codins du temtoire
108
1.2.
Anciennes et nouvelies routes des échanges
1o9
1.3.
Construction identitaire en interaction
110
1.4.
Relire lhistoire
112
2) Les habitants de l’époque clnssique : mines,guerres
113
et sacrifices
2.1.
La route qui relit la Sierra et la cote Pacifique
2.2.
Les minéraux précieux de l’époque classique : la
113
turquoise et l’obsidienne
115
2.3.
Le se1 : un bien fondamentai de production hautement localisée 117
2.4.
L’altemance saisonniere des activités : guerre,
_-
commerce et agriculture
118
3) aUerres, commerce et mines durant le Post-ciassique tardif et les
-
,,
,
premikes ann6es de la colonie
119
3.1.
Guerre, sacrifices humains et alliances
120
3.2.
Textiles et cacao : tribut, moyen d’échange et
3.3.
La reorientation des économies locales en fonction de
/
ou d’alliance 3
l’exploitation miniere
-~
121
122
3.3.1. Incursions en territoires indiens a la recherche du
métai argenté
124
3.3.2. Les salines de Colima : la relation fonctionnelie
entre exploitation miniere et production saline
n
125
409
Plan
3.3.3.Les Salines de Santa María de las Charcas
126
3.4. Divination et w souleries n : le peyotl apparait
129
3.5. La complémentanté entre la Sierra et les régions
chaudes et fertiles
131
-
-
.-.
."
.-
I
4)
Economie miniirre, indiens fiontaiiers et Indiens insoumis
133
4.1. L'economie miniere dans la frontiere nord : de mine en mine
135
4.2. Les prideges des Indiens frontaiiers
137
4.3. Le commerce du se1 d'ouest en est
4.3.1.Le róle du se1 dans la réduction de la Sierra de N a y d t
139
139
4.3.2.Commercer ne signiiie pas sceiier des alliances
141
4.3.3. Les Wixarítari a arrieros de sal B entre la cóte et les
mines de Bolaños
141
4.3.4.Les mines de Catorce
143
4.3.5.La question des terres et des mines au 19"m~siecle
144
4.3.6.Existe-t-il une antique route du se1 It du peyotl qui va
d'ouest en est ?
.5) Tabac
A
,~
,...
,.,'-
,c-,
et
artisanat:
les
148
ressources
monétaires
du
a@&='
siácle
149
5.1. Les usages indiens, espagnols et métis du tabac
149
5.2. Les échanges interethniques a la fui du 191em siecle
151
5.3. La culture du tabac sur la cóte pacifique
154
5.4. L'essor de la production artisanale wixárika et sa vente
155
410
Plan
CHN
L’acciliration de la circulation des personnes et
des ressources
158
1) Etre indien, c’est itre paume 3
159
2) Les enfants de Paction indigéniste : historique de son action 161
2.1. Création de llNI, objectifs et méthodes
161
2.2. L’action indigéniste dans la région wixárika
163
2.2.1.Antécédents en matiére scolaire
163
2.2.2.Désenclavement, formation de promoteurs et
création des localités institutionnelles
164
2.2.3. Les grands travaux : HUICOT et COPLAMAR
165
2.2.4. Les critiques a la politique htégrationniste : les
professeurs changent de direction
2.2.4.1.
La création de la DGEI
2.2.4.2.
Les professeurs bilingues
2.2.5.L’ere des préts : le PRONASOL
3) Nous avons acheté un bus
166
166
167
168
171
3.1. La UCIHJ et le Fond Regional de Solidarité :
clientélisme politique 3
171
3.2. Les routes du commerce
173
3.3. Les préts ou les dons du Fond Régional 3
177
3.3.1. Le programme du Fond Regional de Solidarité
177
3.3.2.La question du remboursement des préts
179
3.3.3.L’économie politique de llNI
183
4) Rencontres a w carrefours de 19 Si-
et des viSies : convergences
et divergences
184
4.1. La convergence entre intéréts ethniques et démocratiques :
les ONG
185
4.1.1.Contre-culture, visiteurs et ONG
185
4.1.2. Néolibéralisme, Zapatisme et la fin du régime PRI
188
4.2. Les acteurs religieux : divergences identitaires et juridiques
189
192
D’&I‘RE EN DETTE
193
Les iignages
CH V
O.1. Méthodologie : les outils de l’anthropologie et de la sociologie
”..
..
,
..
*_
195
1) Laparenti
1.1.
Histoires d’inceste
196
1.2. Endogamie communautaire et absence de regle d’exogamie
197
1.3. Résidence patrilocale
200
1.4. La terminologie de parenté : systeme générationnel hawaYen
200
1.4.1.Homme parlant : Uru
1.4.2. Femme parlant : Wenima
203
205
1.4.3. Systeme générationnel
208
1.5. Respect et hostilité : la distance sociale
213
1.5.1. Le systeme des attitudes
213
1.5.2. Le patriarche Ulciratsi
215
2) Le cycle vital
.
195
216
2.1. La vie d’une personne vue par Uru
217
2.2. La naissance nuiwa
218
2.3. Le parrainage : l’altérité faite identité
219
2.3.1.La parenté fictive : l’élection de l’élargissement de la
sphere des relations fortes
2.3.2. Les parrains tananama : les saints e catholiques
220
B
222
2.3.3.Si différents et pourtant si semblables a la fois : le
sevrage civilisateur
223
2.3.3.1. Le bétail : motifde discorde et bien sacrifciel
2.3.3.2. Les cycles vitaux des enfants et du bétail
223
2.3.3.3. Manger l’autre
225
224
2.4. La Fete du tambour Wima Kwaxra :le temps des jeunes courges 227
2.4.1.Remercier la fertilité et célébrer la croissance
227
2.4.2.De l’obscurité vers la lumiere : la course du Pere
, "
412
Plan
Solei1 Tayau
2.5. L'apprentissage des jeunes : le temps du mals
228
2.5.1.Le calendner des apprentissages
230
2.5.2.Monolinguisme et bilinguisme : l'école en question
23 1
2.6. La vie adulte : le temps du peyotl
.,-.
..".
234
2.6.1. La puberté
234
2.6.2. La naissance des enfants scelle l'union du couple
236
2.6.3. Les allées et venues des couples adultes
238
2.7. Aux portes de la mort : le temps du cerf et du mak fermenté
..-.
,I_.
229
239
2.7.1 Le décés du vieil homme respectable
240
2.7.2 L'acestraiisation séparatrice
244
2.7.3 Lorsque la vie prend fin trop tot
247
2.7.3.1.L'espérance de vie féminine est plus faible que
. ..
celle des hommes
,,,/.-,
,*-,
247
2.7.3.2.Le suicide féminin : un deces honorable ?
251
2.7.3.3.Le déces des apprentis chamanes adultérins
253
2.7.3.4.La parole réparatrice
253
I
4
-"
CNvl La hiérmhie indighe
,/-
I-
.-
,
..
.-
..
1) Les pilius de lo tradition yayari
1.1.
Les chamanes ou rnara'akate
257
1.1.1. Qu'est-ce que le chamanisme ?
257
1.1.2.Devenir shaman
259
1.1.3. Chamanes et sorciers : le cercle d'infiuence
26 1
1.2. Le Conseil des anciens du tuki
1.3. Les porteurs de coupe votive xukuri'ikate
1.3.1. Porter le masque d'un ancetre
1.3.2.La hiérarchie des charges du
,I-
," -'
.<'.h.
257
tuki
1.3.3. Les ancetres du tuki et des xirilcite lignagers
1.3.4.Repartition des charges et logique de consensus
263
266
266
267
268
271
413
Plan
2) La repr&entation politique communautaire
2.1.
2.2.
Les autorités du gouvemement traditionnel
273
2.1.1. Rérogatives du gouvemement traditionnel
273
2.1.2. Gouvemement traditionnel et hommes des tukite
274
L’appropriation des autontés agraires et de la UCIHJ
278
3) Le cycle rituel
._
.
.-
I
Le calendner ntuel
28 1
3.2.
Les fétes de la saison humide : les xuikite sont a lhonneur
286
3.3.
Les fetes de la saison seche : l’accentuation des hiérarchies
287
3.4.
La relation entre les fétes des xirikite et du tuki
290
3.5.
Tukite et chef-lieu communautaire cabecera
291
La dette transgénérationneiie
293
1) Avoir coniiance en la m¿diation chamanique
,.-.,
294
1.1.
Incertitude et codiance
294
1.2.
S’allier avec les ancétres et s’endetter
295
2) Conceptions relatives i la vie et B ia maladie
2.1.
1
2.2.
.-.
281
3.1.
CH M
..
272
La fete du tambour : la présentation de la descendance aux
ancétres
297
2.1.1. Description de la fete du tambour
298
2.1.2. Appartenir a la famille et au district
302
Les cérémonies de guérison
304
2.2.1. L’ongine mythologique de la maladie
304
2.2.2. Méthodes curatives
305
3) Echange inégal et endettement
3.1.
297
308
De la morale des échanges : le sentiment d’étre en dette
308
3.1.1. L’incommensurabilité de ce qui est requ
308
3.1.2. L’échange inégal : recevoir plus que ce que l’on ne rend
309
3.1.3. Contróle de la reciprocité :le caractére obligé de l’échange 310
414
Plan
3.2. Hau et %kan : le role des chamanes
4) üorcellerie
..
.,
.,
-
et
h n g é b m e : d’autres
311
médiations
pouibles 3
314
4.1. Contre-pouvoir et sorcellene
314
4.2.
L’évangélisme : une autre option de santé ?
318
4.2.1. Le reve dénonciateur : l’évaluation de la mordité d’un
chamane
.._,
4.3.
319
4.2.3. La santé au coeur du probleme 7
322
Les limites du systéme social en question
323
1) Absorption des charges dam la HtCnuchie indighe
1.1.
318
4.2.2. La sorcellene de Satan
CH Wii Assumer d’etre wixárika
,-
sont-elles
Les différents niveaux de la hiérarchie indigene
1.2. Anciennes et nouvelles charges de médiateurs
1.3. Les emplois institutionnels : un nouveau type de charge ?
326
328
330
331
335
2) Don du taureau et appropriation des roles sociaux
interethniquer
337
2.1. Travail coopératif, volonté et intérét pour
337
Dormer du sens a la participation : le cas de Flor
342
2.2.1. Expénence interethnique des sacrifiants
342
2.2.2. Réver, c’est savoir
344
2.2.3. Coüt et prestige de la féte
346
2.3.
Deux fétes: MawaroCa et Marra kwanya
349
2.4.
Les sacriftants
351
2.5.
La fonction sociale des sacriíkes
354
2.2.
.-
,
415
Plan
3) Le locai et le global : antagodsmer et redéiinitions
358
3.1.
Les evangélistes : la batdle jundique
358
3.2.
Partis politiques et base sociale ethnique
36 1
3.2.1. L’élection en assemblée du candidat indien
36 1
3.2.2. Les dilemmes de l’aiternance presidentielle au niveau
I
local
3.3.
362
La rédéfinition permanente des frontieres ethniques
CONCLUSION
365
1) Modernit6 indienne ou anthropologique 3
365
2) L’interdisciphuité : une stratégie
367
3) Un mode particulier d’ip.artion au marché et
Ir sodété
globale
’,...
363
4) Perspectives
368
370
,
,~.
4.1.
4.2.
L’évangélisme indien
Les artisans urbains : phénomenes de revitalisation ethnique
370
371
Index des figures et des tableaux
375
Index des sigles
377
Bibliographie
378
Plan
405
....
Sur les routes de la fortune.
COUUllSrCe P longue d h h l a , endettment Ct Mltduité che. Ia W
-
(HUkhOi), YeidpriC
L'ethnographie des lndiens huicholes, qui se nomment eux-mime Wixaritari, montre qu'ils ont
été en relation avec les sociétés de l'occident et du Nord du Mexique pendant des siecles. En
particulier ils sillonnaient la région miniere nord-occidentale du Mexique pour faire commerce du
sel, un bien absolument nécessaire a I'exploitation miniere coloniale. A la suite de conflits
portant sur les limites territoriales, l'espace communautaire fut sacralisé et devint la base des
relations inter-ethniques. De méme en e s t 4 des destinations des commerqants, lesquelles sont
situées aux confins d u n vaste temtoire OU les Wixatari se rendent encore aujourdhui pour
commercer, travailler et faire des échanges cérémoniels avec leurs ancétres. La culture du mds,
fondement de I'alimentation, a lieu durant la saison des pluies; elle est organisée sur une base
lignagére. Pendant la saison séche les lndiens migrent pour travailler dans les champs de tabac
des grandes propriétés métis, vendre de I'artisanat et se rendre en pélerinage; avant l'arrivée des
premieres pluies, ils re@ennent vers leurs communautés d i n de prendre part aux travaux
agricoles et aux rituels qui leur sont associés. La migration participe de la reproduction sociale.
Les modes de production capitaliste et lignager sont intégrés et s'alimentent mutuellement; de
méme, le développement de la scolarisation n'implique pas forcément une remise en question des
codes de conduites et de l'ordre social. La cohésion des communautés indiennes repose sur des
mécanismes dendettement. Le sacrifice rituel du taureau, i'offrande muroNrq met en jeu des
loyautés et jugule les conflits qui surgissent de l'articulation du systZme communautaire
wixaritari avec I'ktat et le marche le sacrifice est une maniere de coopérer, de manifester son
obligeance et dexpnmer un sentiment dendettement. Sa modernité tient dans sa capacité a
reconnaitre de nouveaux roles inter-ethniques.
MOT8 CLEü :
Wixaritari - Huichol - Mexique - échanges - don - endettement - coopération et solidaritésystéme générationnel - lignages - temtoire sacré don sacrificiel - commerce a longue distance
- peyotl - se1 - indigénisme - patriarcat
-
On the fortunes road.
Long dixtance trade, endebtment and MU&Z~Q among the W i x a r i U i (Hufchol), Mexico.
When considered with its historical dimensions, the ethnography of the Huichols Indians, who
call themselves Wixaritari, shows that they had ties with the societies of Western and Northern
Mexico for centuries. Thus the Wixaritari used to travel in the north-western mining region to
exchange salt, a commodity on which colonial mining depended heavily. Following conflicts
related to boundaries, the community space became consecrated, and then the common basis for
interethnic relations. The destinations of the merchants were also consecrated; they are located
at the limits of the large temtory that groups still travel to trade, to work and to make offerings
to their ancestors. The corn harvest takes place during the rainy season and is organized
through lineages. During the dry season, Wixaritari migrate to work in metis tobacco plantations,
to sell handcraíts and to embark on pilgrimages: while for months they are dispersed, just before
the rain season begins, they come back to their communities to take part in agricultural labor
and related rituals. Migration is a part of the reproduction of society, for capitalist and ancestral
modes of production are integrated and feed each other. in the same way the development of
formal State education does not necessarily question the codes of conduct and the traditional
order. Endebtment is the main mechanism of social cohesion. The ritual gift of the bull, the
mauroNra sacrifice, puts loyalties at stake and mitigates the conflicts which derive from the
articulation between community social system and the State and the market. The mwarixa
represents a way to cooperate and to express a sense of indebtedness and obligation; the
modernity of this traditional offering consists in its ability to recognize new interethnic roles.
KEYWORDS
-
W W t a r i - Huichol - Mexico exchange system - endebtment - cooperation and solidarity generational system -lineage - sacred temtory - sacrifice - long distance trade - peyotl - salt indigenism - patriarchate
Inatitut de. Hautax Etude. d'Amarique Litine (MEAL)
28 rue Saint-Guillaume, 75007 PARiS

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