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LISTE DES ABRÉVIATIONS
AFSSA : Agence française de Sécurité Sanitaire des Aliments
ANAES : Agence nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé
CNSFP : Comité de Nutrition de la Société française de Pédiatrie
ESPGHAN : European Society of Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition
HAS : Haute Autorité de Santé
HTA : Hypertension Artérielle
INRA : Institut National des Recherches Agronomiques
LDL : Low Density Lipoprotein
MAMA : Méthode de l'Allaitement Maternel et de l'Aménorrhée
OGM : Organismes Génétiquement Modifiés
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ORL : OtoRhinoLaryngologie
PMI : Protection Maternelle Infantile
PNNS : Plan Nutrition National Santé
PVD : Pays en Voie de Développement
RMI : Revenu Minimum d'Insertion
SA : Semaines d'Aménorrhée
SFAE : Syndicat Français des Aliments de l'Enfance
SMIC : Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance
SOFRES : Société Française d'Enquêtes par Sondages
TA : Tension Artérielle
TAD : Tension Artérielle Diastolique
TAS : Tension Artérielle Systolique
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance
1
PLAN
INTRODUCTION
CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE DE LA NUTRITION INFANTILE
I. L'allaitement
A/ La place de l'allaitement maternel dans le monde
B/ Les raisons du désintérêt de l'allaitement maternel en France
C/Les bénéfices de l'allaitement maternel
D/ Les lait artificiels
II. La diversification
A/ L'âge de la diversification dans le monde
B/ Historique de la diversification en France
C/ Les recommandations actuelles
D/ Principes généraux de la diversification alimentaire
E/ Préparations industrielles diététiques pour le nourrisson et l'enfant
MATÉRIEL ET MÉTHODES
I. Le recrutement et les critères de sélection des répondantes
II. Les entretiens
III. Modalités d'analyse des entretiens
RÉSULTATS ET DISCUSSION
I. Les caractéristiques de l’échantillon
II. Critique de la méthode
III. Résultats et analyse thématique
A/ La prise de décision : allaiter ou ne pas allaiter
B/ Les représentations sociales de l'allaitement
C/ Les modalités de la diversification
D/ L'information
E/ Les représentations des mères concernant la diversification
VI. Le rôle du médecin généraliste
A/ La prévention en matière de nutrition infantile est un enjeu majeur
B/ Aider la femme à choisir son mode d'allaitement
C/ Le rôle du médecin généraliste dans la diversification
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
TABLES DES MATIÈRES
ANNEXES
2
QUELLES SONT LES REPRESENTATIONS SOCIALES DES FUTURES MERES
PRIMIPARES CONCERNANT L’ALIMENTATION DES NOURRISSONS DE 0 A 1 AN
INTRODUCTION
Depuis plusieurs décennies, on observe une évolution permanente des principes de diététique
infantile. Les connaissances scientifiques dans le domaine de la nutrition ont considérablement
progressé, et sont toujours en remaniement. L'alimentation des petits a toujours été une source de
préoccupations pour les mamans. La pratique de l'allaitement exclusif pendant 6 mois a récemment
été controversée [1], de même que l'âge et les modalités de diversification alimentaire [14] [15]. Qu'en
sera-t-il dans quelques années?
Se préoccuper de nutrition infantile constitue un acte de prévention primaire essentiel. Au-delà de la
pression socioculturelle qui tend à vouloir assimiler précocement l'enfant à l'adulte, il semble
nécessaire que celui-ci acquiert, dès le plus jeune âge, des bases solides en matière de nutrition pour
lui permettre une croissance staturo-pondérale optimale et lui donner la possibilité de continuer à
manger varié et équilibré par la suite. En témoignent les problèmes de santé publique auxquels les
cliniciens restent confrontés tels que l'augmentation de la prévalence de l'obésité, des allergies
alimentaires. Tout l'enjeu de l'éducation nutritionnelle est d'adapter l'information délivrée après
avoir pris en compte les facteurs déterminants des choix alimentaires de chacun.
Ce travail a pour but de :
• s'intéresser au choix du mode d'allaitement et de diversification, et des facteurs l'influençant,
ainsi qu'aux représentations des primipares sur l'allaitement et la diversification, afin de
repérer les erreurs commises et les croyances résiduelles des mères dans ce domaine
• repérer leur source d'information
• rechercher le rôle qu'ont tenu les professionnels de santé, et notamment le généraliste, à
travers leurs expériences respectives
• définir les attentes des mères vis-à-vis des soignants et tout particulièrement des médecins
généralistes
• réfléchir aux différentes possibilités d'interventions nutritionnelles concernant cette période
au sein du cabinet de médecine générale.
Comme d'autres sujets, l'alimentation des nourrissons peut être étudiée sous plusieurs angles. Dans
ce travail qualitatif, ce sont les représentations sociales de l'allaitement et de la diversification qui
seront étudiées.
Le premier chapitre portera sur le contexte social et historique de l'allaitement et de la
diversification dans le monde et en France. Le deuxième chapitre décrira la méthodologie utilisée
pour mener à bien cette recherche, ainsi que la méthode d'analyse et la collecte de données. Enfin,
nous présenterons la synthèse des caractéristiques des répondantes de l'échantillon de recherche. Le
troisième chapitre présentera les résultats. Les propos des répondantes seront analysés en lien avec
la littérature scientifique sur le sujet. Les dernières pages constitueront une brève synthèse des
résultats obtenus ainsi que les pistes de recherche possibles pour approfondir les connaissances sur
l'alimentation des nourrissons.
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CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE DE LA NUTRITION INFANTILE
1. L'allaitement
1.1. La place de l'allaitement maternel dans le monde
« L'allaitement maternel, fonction réputée naturelle, relation spécifique entre la femme et l'enfant,
se révèle donc aussi comme un remarquable analyseur des liens sociaux » Knibiehler [2]. La
promotion de l'allaitement est devenue une priorité aussi bien dans les PVD que dans les pays
industrialisés. Tous, s'accordent à dire que le lait maternel est le meilleur aliment durant les
premiers mois de vie.
Dans la plupart des pays d'Afrique, depuis les années 70, suite aux campagnes pour l'utilisation des
laits en poudre, on observe un déclin de l'allaitement au sein [7]. Mais son délaissement est néfaste
dans ces pays pauvres : le pouvoir d'achat est faible et les mères ont tendance à diluer le lait pour
l'économiser, source de malnutrition.
Dans les sociétés nord-américaines, la recrudescence de l’allaitement maternel s’est intégrée à
l’important mouvement social des années 60-70 pour un retour à la nature. On a observé une prise
de conscience des mères, de groupes de femmes, d'associations comme la Leeche League, y
compris de mouvements féministes. Cela a précédé la reconnaissance médicale des bienfaits de
l’allaitement maternel amorcée vers 1970. Aux États-Unis, en 2006, le taux d'allaitement à la
naissance était de 74%, à 6 mois de 43,5% et à 1 an de 22,7% [7].
Depuis la seconde guerre mondiale, les pays scandinaves [7] ont eu une politique en faveur de
l'allaitement au sein. Vers 1973, en Suède, seuls 30% des bébés étaient allaités à 2 mois alors que
depuis 1980 : 94,4% des enfants sont allaités à la naissance, 78,5% à 2 mois, 64,1% à 4 mois et
40% à 6 mois. C'est en revendiquant leur droit que les mères ont pu bénéficier d'un congé de
maternité pouvant aller jusqu'à 10 mois avec salaire intégral et 1 an avec 80% en Norvège.
De nombreux pays européens affichent des taux d'allaitement à la naissance supérieurs à 90% [7] : le
Danemark, la Suède, la Norvège, la Finlande, la Suisse, la Roumanie, la Turquie. L'Allemagne et
l'Italie affichent 85%, et le Royaume-Uni 63%. L'Irlande présente un taux inférieur à la France avec
42%. La France n’a pas connu cette évolution et n’a pas réellement entrepris de politique pour
l’allaitement, même si on confirme une tendance à la hausse (Annexe 2) [4].
1.2. Les raisons du désintérêt de l'allaitement maternel en France
D'une part, historiquement [5], à partir du XVIème siècle, on a recours aux nourrices. En 1893, le
Docteur Budin ouvre l'œuvre de la Goutte de lait où on distribue gratuitement des bouteilles de lait
pasteurisé, diminuant la mortalité infantile. A la fin du XIXème siècle, c’est le déclin progressif des
nourrices. Il est plus marqué dans les années 1950 à 1970, animé par les mouvements féministes : le
maternage est un esclavage moderne, le biberon est un objet fondamental de la libération
maternelle. Dans les autres pays européens, ont été octroyés de nouveaux droits à la femme avec
« plus de congé maternité », alors qu'en France la revendication a été « plus de place en crèche ».
D'autre part, en France, la pratique de l'allaitement est difficilement compatible avec le travail de la
femme, où actuellement le congé maternité rémunéré est de seize semaines. De plus, il existe une
forte pression publicitaire en France : dans la presse destinée aux futurs parents, les publicités
Danone et Nestlé occupent respectivement 45% et 27% de l'ensemble des pages de publicité pour
des produits liés à l'alimentation infantile [3]. Une femme enceinte aura vu cinquante fois plus
4
d'enfants au biberon qu'au sein, dans la réalité comme en représentation.
Enfin, la France n'applique pas la déclaration Innocenti de 1990 [6] d'engagement de nombreux
gouvernements, de l'OMS et de l'UNICEF pour favoriser l'allaitement maternel. L'initiative
labellisée « Hôpitaux Amis des Bébés », lancée par l'UNICEF en 1991 [7] est peu connue en France.
En 2007, alors que l'on compte 20 000 « Hôpitaux Amis des Bébés » dans le Monde, 650 en
Europe, il n'y en a que 10 en France. Pourquoi ce peu de labels en France? Est-ce parce que les
maternités françaises ont de bons rapports avec les industriels de la nutrition infantile, de qui elles
reçoivent des subventions?
1.3. Les bénéfices de l'allaitement maternel [3] [9] [12]
L'effet préventif de l'allaitement maternel sur l'apparition de maladies est difficile à mettre en
évidence. Pour des raisons éthiques évidentes, il est impossible de réaliser des études prospectives
randomisées comparant l'allaitement maternel et artificiel. Cela induit des biais : les femmes qui
allaitent sont plutôt issues de milieux socioculturels favorisés et à l'écoute des recommandations de
santé. Les nourrissons allaités au sein sont moins rapidement mis en collectivité ainsi plus protégés
du risque infectieux. Les études rétrospectives se heurtent aux biais de mémorisation concernant la
durée précise de l'allaitement maternel et sa nature exclusive ou partielle.
1.3.1. Sur la prévention des infections
Des études confirment l'effet protecteur d’un allaitement maternel d'une durée supérieure à 3 mois
vis à vis des infections digestives, respiratoires et ORL. L'effet prophylactique semble corrélé à la
durée et à l'exclusivité de l'allaitement et paraît se maintenir pendant les deux premières années.
Divers composés ont été ajoutés aux laits en poudre, l’effet immunitaire n'a jamais été démontré.
1.3.2. Sur la prévention allergique
L’efficacité de l’allaitement au sein dans la prévention de l’allergie est controversée. Il existe un
biais car la décision d’allaiter n’est jamais randomisée et le choix d’allaiter est plus fréquent dans
les familles à risque allergique. Une revue littéraire de cinquante six publications parues entre 1966
et 2001 a montré que seulement un peu plus de la moitié concluait à un effet protecteur de
l'allaitement maternel sur la dermatite atopique et l'asthme, plus net chez les enfants à risque.
L’allaitement exclusif pendant 6 mois est actuellement discuté, la diversification après l’âge de 6
mois serait délétère pour la protection allergique [1]. Malgré ces interrogations, l'allaitement
maternel exclusif jusqu’à l’âge de 6 mois fait l'objet d'une recommandation de niveau B dans la
prévention allergique de la part des comités nord-américains et européens. Elle concerne tous les
enfants et rejoint celle de l'OMS d'un allaitement maternel exclusif jusqu'à l'âge de 6 mois, chez
l'enfant né à terme.
1.3.3. Sur le développement du diabète insulinodépendant
Le rôle de l'allaitement maternel ou la relation entre consommation de lait de vache et diabète de
l'enfant restent très controversés : les résultats de deux méta-analyses sur la relation entre
allaitement maternel et diabète de type I ne sont pas homogènes. L'effet protecteur reste une
hypothèse, et, s'il existe, est probablement de faible importance. Pour la population générale, cela ne
justifie pas de recommandation systématique.
1.3.4. Sur le risque cardiovasculaire
Une méta-analyse effectuée à partir de vingt-quatre études montre une diminution moyenne de 1,1
5
mmHg de la TAS chez les personnes ayant été allaitées, sans modification de la TAD. Cette baisse
de la TAS paraît trop modeste pour avoir une importance en terme de santé publique.
L'analyse des études met en évidence un LDL-cholestérol plus élevé chez les nourrissons de moins
d'un an nourris au sein. A l'âge adulte, la cholestérolémie est plus faible chez les adultes allaités par
leur mère. Ce résultat est important car même une faible baisse de la cholestérolémie est associée à
une réduction notable de l'incidence de l'insuffisance coronarienne.
La plupart des études attestent d'une augmentation du risque d'obésité pendant l'enfance et
l'adolescence en l'absence d'allaitement maternel. Mais elles sont difficiles à interpréter en raison
des nombreux facteurs de confusion tels que le poids de naissance, le tabagisme maternel ou surtout
les antécédents familiaux d’obésité et le niveau socioculturel familial.
1.3.5. Sur le développement intellectuel
L'affirmation de la supériorité du lait maternel pour développement intellectuel de l'enfant est
controversée. Une méta-analyse reprenant des publications de 1929 à 2001 n'en retient que quarante
pertinentes : pour les deux études ayant bénéficié de la meilleure méthodologie, les auteurs
concluent, pour l'une, à l'effet positif significatif, et pour l'autre, à une absence d'effet. La
controverse porte sur l'affirmation que cette différence vient des qualités du lait de femme, alors que
cela pourrait être en lien avec un environnement affectif et une stimulation cognitive différents : les
études ont montré que l'allaitement maternel est associé à des niveaux socioéconomiques et
éducatifs plus élevés [20] [19].
1.3.6. Sur le risque de cancer
Davis et al. concluent que les enfants qui n'ont jamais été allaités présentent un risque supérieur, par
rapport aux enfants allaités exclusivement pendant plus de 6 mois, de développer un lymphome
Hodgkinien. D'autres études sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse.
Une méta-analyse conclut que l'allaitement au sein diminue la prévalence du cancer du sein.
L'analyse de la littérature montre que l'initiation et la poursuite de l'allaitement pendant 2 à 7 mois
sont associées à une diminution significative du risque de cancer de l'ovaire d'au moins 20%.
1.3.7. En post-partum
Les tétées précoces préviennent les hémorragies du post-partum et les endométrites. L'allaitement
maternel diminuerait la perte en fer, en retardant le retour de couche et pourrait, dans certaines
conditions, avoir un effet contraceptif (méthode MAMA). L'allaitement maternel protège de la prise
de poids en permettant l'utilisation des dépôts lipidiques accumulés pendant la grossesse.
1.4. Les lait artificiels [11]
Dans toute l'Europe, la composition des formules pour nourrissons est similaire. En 1989, la
Commission européenne a harmonisé les textes réglementaires : aujourd’hui, elle ne reconnaît que
deux types de substituts de lait maternel :
Les préparations pour nourrissons (« 1er âge ») adaptées aux moins de 5 mois. Ils sont enrichis en
vitamine D de 1000 à 1400 ng/dl, les lipides sont représentés par des graisses végétales uniquement.
Il existe des variations importantes dans leurs compositions en fonction des propriétés de chacun.
Les préparations de suite (« 2eme âge »): par rapport aux laits 1er âge, leur contenu protéique et
glucidique est plus élevé, et la teneur en lipides est réduite. Ils sont enrichis en vitamine D et en
6
acide folique. Ils ont pour objectif de pallier les inconvénients de la diversification, les carences en
fer et acides gras essentiels. Destinés à l'enfant qui commence à avoir au moins un repas complet
par jour sans lait, jamais avant 6-7 mois, ils sont délivrés à raison de 500 à 750 ml/jour jusqu'à 1 an.
Les préparations spécifiques (« croissance ») ne sont pas réglementées : la plupart des fabricants
s'alignent sur les directives européennes régissant la composition des laits de suite, les laits de
croissance sont liquides et parfumés. Le frein majeur est leur coût, généralement à un euro de plus
que le lait de vache au litre. N’oubliez pas que la formule qui a précédé la version « nouvelle et
améliorée » était aussi « presque comme le lait maternel ».
2. La diversification
2.1. L'âge de la diversification dans le monde
Lors de la 54ème Assemblée Mondiale de la Santé par l'OMS [12] en 2001, un comité d'experts
recommande « l'alimentation exclusive au sein pendant six mois », suivie « d'une alimentation
complémentaire à partir de l'âge de 7 mois à l’aide d’aliments apportés au bon moment ; adéquats ;
sûrs et correctement administrés, parallèlement à la poursuite de l'allaitement jusqu'à 2 ans ou plus
longtemps si désirée par la mère et l'enfant ».
L'âge d'introduction des aliments non lactés varie énormément dans les différents pays d'Europe [12]
[14]
: l'introduction de poisson ou d'œufs diffère considérablement de 4 à 6 mois dans certains pays et
de 9 ou 12 mois dans d'autres. Le lait de vache est dans la plupart des pays non recommandé avant
l'âge de 12 mois, alors que le Danemark, la Suède et le Canada déclarent qu'il peut être introduit dès
l'âge de 9 mois. Dans une étude réalisée en 2000 dans douze pays européens, 67 % des enfants
recevaient une alimentation solide à l'âge de quatre mois. En 2005, 34% des mères italiennes ou 51
% des mères anglaises signalent une diversification avant 4 mois. En France, en 1997, 90 % des
enfants de moins de 4 mois avaient consommé des aliments non lactés. Ils étaient 46 % en 2005.
2.2. Historique de la diversification en France [13] (Annexe 3)
Au siècle dernier, l'alimentation du nourrisson était gérée par sa famille, enracinée dans la
géographie du lieu de vie et son terroir, la succession des saisons, l'appartenance sociale. A la fin du
XIX ème siècle, l'État considère l'enfant comme un enjeu national et se donne les moyens de les
protéger. La petite enfance devient un objet médical, un fait social et politique. Dans les années 50,
une diversification précoce était recommandée, cette notion a persisté trente ans, et a touché une
génération entière. Ce n'est que vers 1980 que l'âge de 4/ 6 mois a été avancé, malgré des
recommandations établies depuis vingt ans. A partir des années 1990, l'âge de diversification est
repoussé. Le début intervenait à 3 mois en 1981, à 4 mois en 1997, à 5 mois en 2005. Aujourd'hui,
la médicalisation de la petite enfance est totale depuis l'accouchement, voire avant. Sommes-nous
libres à ce jour d'alimenter nos petits? Les nourrissons du XX ème siècle mangeaient-ils la même
chose que ceux du XIX ème siècle et mangeront-ils comme ceux du siècle suivant?
2.3. Les recommandations actuelles
Récemment, le comité européen ESPGHAN [14] recommandait de diversifier après 17 semaines et
avant 26 semaines. La période idéale d’introduction du gluten serait entre le 4ème et le 6ème mois,
tout en maintenant l’allaitement maternel, chaque fois que cela est possible. Il n'existe aucune
preuve scientifique que l'introduction d'éviter ou de retarder de potentiels allergènes alimentaires,
tels que le poisson ou les œufs, diminue les allergies, pour tous les enfants. Les aliments doivent
être ajoutés un à un, afin de détecter des réactions allergiques.
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Le guide du PNNS [15] conseillait de retarder après l'âge de 6 mois, chez les enfants à risque,
l'introduction des aliments autres que le lait, pour certains aliments (œuf, kiwi, céleri, poissons et
crustacés) après 1 an, voire 3 ans pour les fruits à coque ou les produits contenant de l'arachide.
Le CNSFP en 2008 [16] conseillait le début de la diversification alimentaire après 6 mois, et non pas
après 4 mois, ne peut en aucun cas être considéré comme délétère dans l'état actuel des
connaissances. Il a souligné que l'œuf et le poisson peuvent être introduits dès la fin du 1er semestre
de vie et non plus après 1 an, comme cela était classiquement conseillé.
2.4. Principes généraux de la diversification alimentaire [16] [17]
Cette étape doit se faire progressivement, de manière agréable. L'intervalle d'introduction n'est
soumis à aucune règle. Il n'y a pas d'ordre précis, mais on peut débuter par les légumes doux et peu
fibreux, puis les légumes ayant une fermentation colique importante ou aux goûts plus prononcés.
Les fruits, facilement acceptés, peuvent tous être donnés, sauf les fruits exotiques et à coque,
allergisants. Cela participe aux découvertes gustatives et habitue l'enfant à des saveurs variées.
Les farines ne sont pas indispensables. Il n’y a pas d'intérêt nutritionnel, ni sur la satiété nocturne.
L'introduction ne se fait pas avant l'âge de 4 mois, sans gluten et sucre. Une introduction du gluten
avant 4 mois ou après 7 mois semble corrélée au développement d'auto-anticorps contre les cellules
du pancréas. Ainsi, les recommandations européennes déclarent une introduction progressive du
gluten entre 4 à 7 mois. L'introduction des féculents et du pain est plus tardive, après 8 mois.
La viande, le poisson et les œufs sont introduits vers 7/ 8 mois. Toutes les viandes peuvent être
données, y compris les abats. Les protéines animales doivent être limitées en quantité et une seule
fois par jour. Les produits laitiers seront introduits progressivement, sans sucre. Ils ne remplacent
pas le lait, mais constituent un apport supplémentaire de calcium et de protéines.
On peut ajouter huile végétale ou beurre, à partir de 6/ 8 mois, afin d'apporter un apport calorique
supplémentaire, et complémenter ainsi l'apport en acides gras essentiels.
L'eau doit être la seule boisson proposée, non sucrée et non aromatisée. Le traditionnel jus d'orange
pour apporter de la vitamine C n'est plus d'actualité. Le café et thé sont peu recommandés. L'alcool
est interdit.
Les produits de sucre raffinés (sucre, chocolat, confiserie, miel) n'apportent aucun apport
nutritionnel sauf le chocolat en minéraux. Trop de saccharose entraîne des caries au niveau des
incisives supérieures. Le phénomène du babybottle tooth caries a été largement décrit chez les
bébés qui s’endorment avec un biberon sucré. Le miel ne doit pas être introduit avant l'âge de 12
mois, en raison de spores de Clostridium botulinium, exposant au risque de botulisme infantile. Au
vu des données épidémiologiques récentes (sept cas déclarés en France depuis 2004), une
sensibilisation des professionnels de santé et des parents semble nécessaire.
2.5. Préparations industrielles diététiques pour le nourrisson et l'enfant
Les produits alimentaires transformés destinés au nourrisson et au jeune enfant doivent, lorsqu’ils
sont vendus ou distribués, respecter les normes applicables recommandées par la Commission du
Codex Alimentarius, ainsi que par le Code d’usages du Codex recommandé en matière d’hygiène
pour les aliments destinés aux nourrissons et enfants en bas âge : depuis 1997, les plats industriels
destinés aux nourrissons ne contiennent ni pesticides, ni conservateurs, ni colorants et édulcorants,
anabolisants, antibiotiques ou arômes. La teneur est limitée en matière grasse, en sel inférieure à
200mg/100g et en sucre.
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MATERIEL ET METHODES
1. Le recrutement et les critères de sélection des répondantes
Le recrutement s'est fait par la méthode « Boule de neige ». Nous avons expliqué à différents
personnels de santé le but de notre travail, pour recruter des femmes susceptibles de répondre à nos
critères de sélection. Soit ces professionnels nous transmettaient les coordonnées téléphoniques de
femmes puis nous nous chargions directement de leur expliquer notre travail et si elles acceptaient,
de fixer un rendez-vous. Soit ces professionnels leur en parlaient lors d'une consultation, puis pour
celles qui acceptaient, nous les rappelions pour fixer un rendez-vous. Le recrutement s'est déroulé
dans quatre lieux différents en Sarthe : dans deux cabinets de médecine générale en périphérie du
Mans, au Centre hospitalier du Mans, à la PMI de Loué et à l'Espace Bien-Être au Mans.
Le premier critère était la primiparité. Il avait pour but d'exclure les femmes ayant déjà allaité un
enfant puisqu'il s'agissait de comprendre le sens de l'allaitement et de la diversification chez des
femmes n'ayant jamais vécu cette expérience. Le deuxième critère concernait le stade de la
grossesse, les femmes devaient avoir complété leurs deux premiers trimestres de grossesse. Cela
pour s'assurer qu'elles aient décidé d'une part de mener à terme leur grossesse, et d'autre part,
qu'elles aient reçu un minimum d'informations.
Nous n'avons pas fixé de limites d'âge, afin de cerner les représentations de femmes mineures et
majeures. Nous avons regroupé un panel de femmes de différents milieux sociaux, pour comprendre
les normes et les valeurs qui sous-tendent leur choix. Pour évaluer l'information, nous avons choisi
des femmes ayant différents suivis pendant leur grossesse : obstétricien, sage-femme et médecin
généraliste, bénéficiant ou non de cours de préparation à l'accouchement. Les femmes pouvaient
avoir choisi ou non d'allaiter, puisqu'il était prévu de comparer les représentations sociales de ces
deux groupes afin d'en extraire les similarités et les distinctions. Nous avons exclu les grossesses
multiples, qui choisissent préférentiellement l'allaitement au biberon, en raison de la charge de
travail. De même pour les femmes d'origine étrangère parlant très peu ou mal le français, afin de ne
pas interpréter faussement leur propos, lors de la traduction à l'aide d'une tierce personne.
2. Les entretiens
Vingt-trois entretiens ont été réalisés du 3 juin au 23 novembre 2010 dans le département de la
Sarthe. Afin de vérifier la clarté, la durée et la validité du contenu des questions, deux pré-tests ont
été réalisés, mais n'ont pas été analysés. Au total, vingt-et-une entrevues (Annexe 6) ont fait l'objet
d'une analyse. La participation était volontaire et les répondantes pouvaient à tout moment refuser
de répondre à une question. Dix-sept femmes ont préféré accorder l'entrevue dans le confort de leur
foyer, les autres entrevues ont été réalisées au Centre Hospitalier directement après une consultation
de suivi. La durée des entrevues a oscillé entre 12 et 70 minutes. Tout a été enregistré sur
magnétophone après autorisation de la répondante. Des notes ont étés prises au cours de l'entretien
afin de retenir les idées importantes et de clarifier certains propos. L'ensemble des entrevues a été
mené à l'aide d'un guide d'entretien (Annexe 5), divisé en trois blocs de questions portant sur les
thèmes suivants : le premier bloc portait sur l'allaitement avec la prise de décision d'allaiter ou non,
les facteurs influençant ce choix, ainsi que les représentations sociales de l'allaitement. Le deuxième
bloc abordait la diversification alimentaire, avec les connaissances et les représentations des
primipares, ainsi que sur le mode de diversification. Le troisième bloc évaluait les attentes des
femmes sur l'alimentation du nourrisson, ainsi que le rôle du médecin généraliste dans la conduite
de l'allaitement et de la diversification. Les données sociodémographiques des répondantes ont été
abordées à la fin de l'entrevue.
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3. Modalités d'analyse des entretiens
Toutes les entrevues ont été d'abord été retranscrites littéralement intégralement puis mises sous la
forme de verbatim. Les données ont été traitées à l'aide du logiciel Excel. Chacune des entrevues a
d'abord été analysée pour elle-même, pour générer une première série de catégories. Nous avons
comparé le résultat des différents entretiens entre eux au fur et à mesure de l'analyse, afin de
modifier ou de fusionner les catégories conceptuelles établies par l'analyse de chaque entretien.
Plusieurs relectures des entrevues en cours d'analyse ont contribué à établir des liens entre
différentes catégories. Des liens avec la littérature existante ont été faits au fur et à mesure de
l'analyse. Ce type d'analyse permet un rapprochement entre les divers entretiens, et la mise à jour
des similitudes et divergences des diverses représentations et pratiques des répondantes, permettant
de comprendre leur mode d'action et de pensée.
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RESULTATS ET DISCUSSION
1. Les caractéristiques de l’échantillon
Les femmes rencontrées avaient de 17 à 42 ans. Six étaient mariées, trois pacsées et douze vivaient
en concubinage. On retrouvait tous les niveaux de formation et cinq catégories
socioprofessionnelles différentes (à savoir les 3, 4, 5, 6 et 8 : Annexe 4). Treize étaient actives, et
huit sans profession. Le revenu global mensuel du couple oscillait entre 1200 et 5000 euros net par
mois. Quatre femmes étaient nées en Afrique dont deux au Maghreb et deux en Afrique Noire, les
autres toutes originaires de France. Trois femmes présentaient des antécédents personnels d'allergie.
Le suivi de la grossesse était assuré par : un médecin généraliste pour neuf femmes, une sagefemme pour cinq autres et un obstétricien pour les sept restantes. Au moment de l'entrevue, la
majorité des femmes était entre 32 et 38 semaines d'aménorrhée. Deux avaient dépassé 38 semaines
d'aménorrhée (39SA). Quinze femmes ont bénéficié de l'entretien prénatal et quatorze ont suivi les
cours de préparation à l'accouchement.
2. Critique de la méthode
L'entretien est l'instrument privilégié de l'exploration des systèmes de représentations et pratiques
sociales. Le choix de l'entretien semi-directif a été fait devant la volonté de ne pas restreindre
l'expression des attentes des mères comme l'aurait fait une enquête par questionnaire.
La maîtrise de l'entretien n'est pas aisée : une certaine expérience s'impose. Il est quasi impossible
d'éviter que nous, intervenants non spécialisés en sciences sociales, induisions ou influencions des
réponses auprès des répondantes et nous abstenions de jugements lors des récoltes de données. De
plus, l'entretien se heurte à des réticences, afin d'amener la personne en confiance. Une répondante
s'est contentée de réponses très fermées, sans permettre un discours et un échange libre. Pourquoi
n'avons-nous pas pu installer un climat de confiance? Il s'agissait d'une femme faisant partie de la
communauté des gens du voyage. Leur rencontre avec les professionnels de santé est la
confrontation de deux représentations différentes, qui se heurtent à des problèmes de
compréhension. Quel professionnel de santé ayant été consulté par un patient de cette communauté
n'a pas été confronté à une opposition de ce dernier? Nous pensons aussi que le thème de
l'allaitement, étant en rapport avec les seins et la sexualité, est tabou dans ces sociétés.
La première limite concerne la méthode. Le guide d'entrevue a été l'objet d'une pré-structuration,
certains éléments de discussion ont été choisis au détriment d'autres. Le mode de recrutement par
effet "Boule de Neige" produit des échantillons biaisés car les professionnels de santé nous ont
fourni des répondantes de leur patientèle, susceptibles d'avoir des caractéristiques communes,
engendrant une sur-représentation de certaines caractéristiques des répondantes. Afin de minimiser
cela, nous avons couvert une grande diversité de suivis de grossesse et de secteurs de recrutement.
La deuxième limite de cette recherche est la taille de l'échantillon. En limitant le nombre
d'entrevues, les résultats ne peuvent être généralisés à l'ensemble de la population féminine,
composée de points de vue multiples. L'échantillon révèle la grande variété des expériences
personnelles. Nous avons favorisé l'expression des problèmes et de leurs connaissances par les
intéressées pour déterminer les besoins d'information.
Les connaissances ou ce qui peut être dit durant l'entretien ne reflètent pas forcément les pratiques
des mères, puisqu'il n'était pas réalisé en temps réel, sur le terrain. Il existe une distorsion entre
savoirs, attitudes et comportements en matière d'alimentation infantile. Notre travail illustre les
11
représentations, ou ce que les mères pensent faire le mieux. Les pratiques sont mieux évaluées à
l'aide de méthodes quantitatives.
3. Résultats et analyse thématique
3.1. La prise de décision : allaiter ou ne pas allaiter
3.1.1. Facteurs liés à la mère
Comme dans les enquêtes de périnatalité [20], il s'avère que ce sont les plus de 30 ans qui allaitent le
plus et plus longtemps. L'origine de naissance semble modifier le taux d'allaitement au sein : les
mères étrangères déclarant un allaitement maternel à la maternité sont plus nombreuses que celles
de nationalité française (83,9% contre 59,5%) [20]. Toutes les natives d'Afrique de notre étude
souhaitent allaiter. Il paraît s'agir de quelque chose "d'ancré" dans la culture, de traditionnel :
"au Maroc, oui, on ne se pose pas trop la question"E14
D'une manière générale, les femmes qui ont été allaitées, qui ont déjà vu une mère allaiter, allaitent
plus et plus longtemps que les autres [19]. La plupart des femmes du groupe futures allaitantes
avaient été elles-mêmes allaitées, mais aucune femme optant pour le biberon n'a été allaitée.
"c'est qu'on a toujours donné le biberon"E3
Chez les Françaises [20] [19], comme dans notre travail, la probabilité d'allaiter au sein augmente avec
le niveau d'études, le revenu global ainsi que la catégorie professionnelle : le niveau de formation
était plus élevé pour les futures allaitantes et des revenus faibles étaient associés à un plus faible
taux d'allaitement maternel : aucun des ménages du groupe non allaitantes n'avait un revenu
supérieur à 2800 € net par mois. Les femmes françaises appartenant aux cadres supérieurs ou aux
professions intermédiaires allaitent plus et plus longtemps. Aucune femme future non allaitante
n'appartenait à la catégorie des cadres ou des professions intermédiaires.
3.1.2. Facteurs liés à l'entourage
Selon les études [19], les pères ont un rôle influent dans la prise de décision des femmes d'allaiter,
dans notre travail, le conjoint semble jouer un rôle mineur dans la prise de décision d'allaiter : une
seule femme évoque le soutien de son mari dans sa prise de décision.
"c'est naturel d'allaiter, pour lui, c'est pour les mêmes raisons que moi... ça m'a confortée dans mon
idée" E7.
Indépendamment des professionnels de santé et du contexte social favorable à l'allaitement, il
semble que le milieu familial ait joué un rôle important dans la sensibilisation des femmes à
l'allaitement. Les femmes sensibilisées de manière précoce à l'allaitement sont plus favorables à
cette pratique. Les femmes qui n'ont pas été allaitées ont déclaré vivre dans un environnement
moins favorable à l'allaitement. Leur pair n'encourage pas cette pratique. Un soutien des pairs
permet parfois d'améliorer la durée et l'exclusivité de l'allaitement maternel.
"ma mère a allaité, elle a géré les choses exactement comme j'envisage de les gérer"E14
3.1.3. L'information des professionnels de santé
Bien que certains auteurs [21] concluent à l'importance du rôle des professionnels de la santé dans la
prise de décision d'allaiter, aucune des mères rencontrées n'abonde en ce sens.
"ce n'était pas une nécessité de parler de l'allaitement, j'avais déjà une idée préconçue"E1
Dans notre travail, toutes les femmes désirant allaiter disaient avoir reçu une information par un
12
professionnel de santé, alors que toutes les futures non allaitantes, sauf une, estimaient ne pas avoir
reçu d'information. Taveras et al. [19] ont observé des problèmes de communication au sujet de
l'allaitement entre les mères et les soignants en consultation : alors que 91% des obstétriciens
déclarent discuter de l'allaitement, 16% de leurs patientes disent que le sujet a été abordé.
Alors que le thème de l'allaitement n'est pas abordé systématiquement, les cours prénatals sont, pour
les femmes rencontrées, une source d'information majeure : le fait d'avoir suivi des cours de
préparation à la naissance est associé à un taux d'allaitement maternel plus élevé. L'impact des cours
prénatals sur l'allaitement a été peu étudié. Une étude exploratoire [22] montre que les femmes sont
bien préparées à l'accouchement, mais qu'elles le sont peu aux soins à donner à l'enfant.
"on y pense, une fois que la tête est vidée de la grossesse et de l'accouchement"E14
3.1.4. Autres sources d'information
La majorité des femmes affirme qu'elles ont consulté au moins une autre source d'information
portant sur l'allaitement : livres ou documentation sur internet. Les femmes souhaitant allaiter
paraissaient plus curieuses de se renseigner.
3.2. Les représentations sociales de l'allaitement
Il faut souligner que dans notre travail, toutes les femmes, futures allaitantes ou non avaient une
image positive de la femme qui allaite son enfant : "c'est quand même une belle image de voir une
maman nourrir son bébé"E13
3.2.1. Le lait maternel : un aliment “idéal”, protecteur et surtout naturel
Tout comme dans les discours actuels de promotion [12] de l'allaitement maternel, la moitié des
répondantes perçoivent le lait maternel comme un aliment “idéal” et “bon pour la santé”. En raison
de sa composition et de ses qualités nutritionnelles, les femmes jugent le lait comme parfaitement
adapté aux besoins du nourrisson, et meilleur que le lait artificiel.
"parfaitement adapté"[..] "c'est l'adéquation parfaite du lait aux besoins du bébé"E20.
Comme la nature, le lait maternel revêt un caractère sacré et ancestral le rendant parfait et pur. Il a
un caractère authentique et unique, en raison de sa provenance humaine. La moitié des femmes
évoquent cet aspect naturel : "c'est naturel, ça repose sur de vraies bases"E4
Le lait maternel est selon toutes les futures allaitantes un “aliment protecteur”, un vaccin naturel
pour le nourrisson. Les femmes relatent les bienfaits des anticorps sur les défenses du nourrisson,
pouvant lutter favorablement contre les infections. Il s'agit d'augmenter les chances d'avoir un
nourrisson en bonne santé en lui donnant les outils nécessaires pour combattre la maladie.
Le lait artificiel n'est source de méfiance que pour une femme future allaitante, substance pouvant
comporter des risques pour le nouveau-né. Aucune des futures non allaitantes ne paraît méfiante.
"j'ai des doutes sur les lait artificiels, sur leur qualité et leur compatibilité avec l'enfant"E8
3.2.2. Allaiter : un geste simple, qui nourrit un lien plus fort qu'avec le biberon
Pour les futures allaitantes, l’allaitement est un geste simple, sans besoin de préparation : la notion
de stérilisation ou de chauffage des biberons est retrouvée comme une difficulté allant contre
l'allaitement au biberon. Aucune n'a l'air de savoir que ces étapes ne se font plus. Les femmes ne
désirant pas allaiter, pensent que le biberon est simple et allaiter paraît compliqué.
"le sein, je ne sais pas comment faire" et "c'est facile et pratique le biberon"E3
13
L'allaitement est crucial pour le développement de la relation mère-enfant. Le concept
d'attachement est d'ailleurs au cœur des discours sur l'allaitement [12]. Toutes les femmes allaitantes
interrogées, sauf une, s'entendent à dire que la pratique de l'allaitement permet de créer un lien
“fort”, “privilégié” ou “de contact” entre la mère et le nourrisson.
"un échange privilégié entre la maman et l'enfant"E18
La moitié des futures non allaitantes conviennent que l'allaitement au biberon permet de favoriser
l'implication du père et la création d'un lien père-enfant. Mais elles sont la moitié à regretter
l'absence ou le lien moins fort qu'elles vont créer avec leur enfant.
3.2.3. Allaiter nécessite une disponibilité maternelle, à l'inverse du biberon
L'allaitement demande une disponibilité physique et mentale. Elles sont plusieurs à regretter que
l'entourage ne puisse avoir une place dans cette dyade. Pour la plupart, elles pensent que s’occuper
d’un enfant ne se résume pas à le nourrir : les pères peuvent s’associer à d’autres choses: soins
quotidiens, massage, bercement, portage, jeux.
"je pense qu'il peut participer autrement...sa présence, qu'il le prépare..."E16
Il existe aussi des moyens pour que le papa participe à l'allaitement maternel : si la mère tire son
lait. Peu de femmes de notre travail en ont connaissance et pour elles, l'allaitement est lié à la notion
de Naturel ce qui rend toute intervention instrumentale difficile à vivre.
"J'avais envisager tirer mon lait, mais je trouve ça un peu barbare, c'est moins naturel"E16
L’assurance maladie américaine vient de refuser le remboursement des tire-laits car “Le système de
sécurité sociale considère que l’allaitement peut renforcer l’état de santé des bébés, certes, mais tout
comme manger des oranges immunise contre le scorbut, les tire-laits sont à considérer au même
titre que des presse-oranges”. Comment les femmes peuvent-elles avoir un avis positif sur le sujet?
L'allaitement artificiel est considéré par les futures non-allaitantes comme une “libération” puisqu'il
peut être donné par d'autres personnes. Laurence Pernoud [25], cite “le biberon est une occasion de
contact supplémentaire entre le bébé et son père, et soulage certaines mères”.
"si je ne suis pas là, il y a le papa"E19
Cependant, aucune des femmes de notre travail n' a ressenti l'allaitement comme une aliénation de
la femme. L'image de la femme chimpanzée décrit par E. Badinter dans Le conflit, la femme et la
mère [26] n'est pas retrouvée dans les discours des femmes de notre travail : pour celles qui disent
avoir lu son livre, uniquement futures allaitantes, elles sont en désaccord avec son point de vue.
"Dans notre couple, on partage les tâches, je ne trouve pas frustrant ni réducteur d'allaiter"E18
3.2.4. Un geste naturel qui s'apprend
Le geste d'allaiter est perçu comme un comportement "instinctif" et "animal" qui rappelle que les
femmes sont des mammifères.
"Naturellement, les animaux" [...] "ne pas les utiliser, c'est bloquer le naturel"E8
La plupart des femmes sont conscientes que des difficultés associées à l'allaitement peuvent
survenir. Pour elles, les difficultés sont celles qui ont touché leur entourage. Dans notre travail,
l'objectif de durée d'allaitement au sein oscille entre 2 et 6 mois. Cependant, les difficultés perçues
sont autant de facteurs pouvant faire stopper de façon précoce leur allaitement, bien avant leur
objectif. Les raisons sont basées sur les besoins de la mère, à l'inverse de la prise de décision
d'allaiter, motivée par les besoins de l'enfant : la fatigue, l'épuisement, la douleur...
"je redoute d'avoir, comme ma tante, des crevasses"E2
14
Les professionnels de santé semblent avoir joué un rôle mineur dans la sensibilisation aux
difficultés du sein : aucune des femmes ne dit avoir reçu d'information concernant les embûches
possibles durant son suivi. Marie Darrieussecq [27] cite "il tétait encore [...] je me réveillais, je me
rendormais, il faisait jour, il faisait nuit, personne ne m'avait prévenue que ce serait si ennuyeux ou
je n'y avais pas cru". Un grand nombre de femmes envisagent avec appréhension le fait
d'abandonner. Elles sont plusieurs à "croire" que tout se déroule comme prévu.
"J'imagine que je vais y arriver, je ne veux pas croire que ça ne marchera pas"E21
Les femmes non allaitantes ont d'ailleurs fait le choix du biberon en raison de l'absence de
pathologie sénologique.
3.2.5. Allaiter : un geste économique qui préserve la nature
L'alimentation d'un nouveau-né avec des substituts du lait maternel présente un coût. L'aspect
économique de l'allaitement maternel est évoqué par certaines mères :
"du fait du coût de l'allaitement au biberon"E8
En 1997, dans son mémoire de DESS en Économie et Gestion Hospitalière, Anne Marie Leclercq
[28]
estime à 14,2% d'un RMI et 6,4% d'un SMIC le coût par mois, pour les six premiers mois
d'allaitement artificiel, a ceci s'ajoutent les frais liés aux soins médicaux et aux jours d'absentéisme
au travail. L'allaitement maternel peut servir de contraception, économisant ainsi un contraceptif.
Une élévation de 5% du taux d'allaitement maternel permettrait de diminuer de 2,68 millions
d'euros par an les dépenses liées aux pathologies des nourrissons de 0 à 6 mois. Ce sont les familles
qui lisent le moins, dont le niveau scolaire est le plus bas qui sont encore leurrées par le
"modernisme" du biberon. Ceci ne fait que de les “endetter” encore un peu plus. A peine la moitié
des non-allaitantes évoquent l'aspect non-économique du biberon.
L'allaitement maternel ne gaspille aucune ressource ni énergie, ne nécessite ni emballage, ni
transport, et ne produit aucun déchet à l'inverse des laits artificiels, préparés à partir du lait d'une
autre espèce, celui de la vache. La production de laits industriels est néfaste à l'environnement.
3.2.6. La représentation sociale des seins : allaiter ou l'art de la discrétion
Pour arriver à concilier la fonction nourricière des seins avec leur représentation sexuelle, les
femmes valorisent la discrétion lorsqu'elles allaitent en présence d'autres personnes ou dans un
espace public. La gêne d'allaiter en public existe chez environ 40% des mères dans les études [10] et
est associée à une durée d'allaitement moindre. Leur pudeur et le souci des autres motivent cette
discrétion. Or, les femmes ont le droit d'allaiter en public. En 2009, à Prague, elles étaient soixante
huit à allaiter en public pour protester contre un site internet qui avait retiré des photos
d'allaitement, jugées obscènes. Pour les futures non allaitantes, c’est un inconvénient majeur à
l'allaitement au sein.
"je suis un peu pudique, et le regard des autres c'est surtout ça qui me gêne pour allaiter"E19
3.2.7. Ce que les mères ne nous ont pas dit
Aucune femme n'a parlé du plaisir d'allaiter. Cela se comprend dans notre travail, puisqu'il s'agit de
primipares, sensibilisées par leur entourage aux difficultés (crevasses, douleur, manque de lait),
mais rarement au plaisir que peut procurer l'allaitement au sein. Or, le plaisir que trouve la mère à
allaiter est multiple : plaisir des sens, de la détente et de la relaxation induites par la tétée grâce aux
endorphines, plaisir de se réaliser, de réussir par soi-même, de voir l’enfant grandir. Pour ce qui est
du plaisir physique, on peut dire qu’il est variable d’une femme à l’autre. Certaines disent éprouver
de vrais orgasmes pendant la tétée. Citons A. Leclerc [29] : “C’est le corps qui est heureux quand le
15
lait monte dans les seins comme une sève vivace, c’est le corps qui est heureux quand le bébé tète”.
Aucune notion de pression sociale, culpabilité ou de manque de considération n'est retrouvé dans le
discours des futures non allaitantes. Pour elles, les inconvénients liés à l'allaitement au sein
surpassent les bénéfices apportés aux nourrissons. En France, le discours de promotion de
l'allaitement maternel est probablement beaucoup moins “sanctionnant” envers les femmes qui ne
décident pas d'allaiter que dans d'autres pays. D. Jodelet [30] pense que “respecter une tradition,
satisfaire à un devoir, une obligation ou une fonction dévolue à la femme, sont des idées qui
motivent les allaitantes mais n'effleurent pas l'esprit des réfractaires”.
3.3. Les modalités de la diversification
P. Bensoussan, pédopsychiatre [31]: “Nourrir un bébé relève plus aujourd'hui de la prescription
médicale pédiatrique, que du libre choix, des traditions et du poids propre de l'histoire des familles.
L'alimentation du nourrisson est devenue une affaire sérieuse; lieu d'expression de luttes d'intérêt et
de pouvoirs multiples, économiques tout particulièrement”. C'est sans doute pour cela, que les
futures mères de notre travail se sentent perdues dans la diversification. Aucune n'a de repères
précis. La diversification pour la majorité actuellement en fin de grossesse est une pensée lointaine.
3.3.1. L'âge de diversification et les facteurs l'influençant
Dans notre étude, une petite majorité de futures mères avaient l'idée d'un âge de diversification
conforme aux recommandations actuelles [16], alors que pour un tiers, il n'était pas conforme. Cela
confirme le fossé existant entre les recommandations et la pratique, données déjà rapportées par
différentes études en Europe [32].
La durée d'allaitement maternel influence le moment de la diversification. Skinner [32] a retrouvé
que les enfants allaités artificiellement étaient diversifiés plus tôt. Lorsque l'allaitement maternel est
poursuivi à 4 mois, c'est qu'il est satisfaisant pour les nourrissons et leur mère. Il n'y a pas de raison
d'introduire d'autres aliments. Dans notre travail, toutes les femmes qui voulaient allaiter au sein
pour plus de 3 mois pensaient diversifier à l'âge de 6 mois.
Il paraît exister un lien entre la non conformité aux recommandations et le niveau socio-économique
faible. Les mères ayant de faibles revenus et niveaux d'étude ont tendance à diversifier plus tôt et
allaitent moins leur enfant : toutes les femmes, sauf une, qui avaient une diversification non
conforme aux recommandations avaient un niveau de formation inférieur ou égal au IV.
Dans notre travail, les mères qui pensent que l'âge de diversification n'est pas semblable pour tous,
évoquent les traits comportementaux et physiques de l’enfant comme justifiant le début de la
diversification. C. Schilling [33] constatait dans une étude que les mères prennent tout d'abord en
compte le comportement de l'enfant pour le choix d'introduction des premiers aliments.
"non, c'est particulier à chaque enfant qui évolue différemment"E6
3.3.2. Ordre d'introduction des aliments
Les aliments lactés : les enquêtes nationales [35] demandées par la SFAE révèlent que la proportion
d'enfants à consommer du lait de vache est faible : environ 3% des moins de 4 mois, 2% des 4 mois
et 5% des 5 mois. Pour la majorité des femmes de notre travail, le lait durant la période de
diversification est un aliment essentiel, plus de la moitié sait qu'il faut poursuivre avec un lait
artificiel, et aucunement avec du lait de vache, non adapté :
"les laits infantiles en fonction de l'âge, mais pas du lait de vache, ce n'est pas conseillé"E21
16
Les légumes et les fruits : la majorité des futures mamans n'avaient pas d'idées précises sur le sujet.
Le délai d'introduction entre chaque catégorie d'aliment ou même pour les aliments d'une même
catégorie n'était jamais cité.
Les boissons autres que le lait : J.P. Deschamps [34] constatait en 1977 l'introduction des jus de
fruits précoce et leur consommation fréquente : avant l'âge de 6 mois, 100% d'enfants y avaient déjà
goûté. Cette idée semble s'atténuer aujourd'hui. Cependant, on constate qu'une majorité des femmes
interrogées pensent introduire en complément du lait, des boissons sucrées chez leur enfant avant ou
durant la période de diversification. La préférence innée pour l’eau sucrée est maintenue chez le
nourrisson qui a reçu de l’eau sucrée pendant les six premiers mois, alors qu’elle diminue chez celui
qui n’en a pas reçu. "j'avais vu ma nièce qui prenait des jus, des vitamines lorsqu'elle était bébé"E2
Nous remarquons que toutes les femmes d'origine africaine pensent donner des boissons sucrées à
leur nourrisson. L'une d'entre elles corrèle pouvoir sucrant et pouvoir antalgique :
"les tisanes sucrées pour apaiser et calmer les douleurs"E14
3.3.3. Place respective des préparations industrielles et personnelles
L'utilisation des plats industriels infantiles est fréquente. Les enquêtes nationales ont observé une
augmentation globale de la consommation des aliments de la gamme infantile non lactée de 6 à 18
mois [35]. La moitié des femmes de notre étude utilisera des plats maisons ou des petits pots en
dépannage, l'autre moitié des préparations industrielles pour nourrissons. Depuis 30 ans, les
avantages et les inconvénients sont identiques. La commodité d'emploi et le gain de temps sont
toujours au premier rang des avantages. Dans notre travail, celles qui pensent les utiliser en
dépannage, trouvent celui-ci pratique, tandis que pour celles qui mélangeront les deux modes, le
gain de temps est l'argument avancé pour leur utilisation, en raison de leur travail:
"je mettrai les deux selon mon emploi du temps"E6
Dans les enquêtes nationales françaises demandées par la SFAE [35], plus de la moitié des mères
déclaraient que la préparation des repas était vécue douloureusement en dépit de l'amélioration des
équipements, de l'accessibilité aux aliments et de la facilité de conditionnements. Il serait urgent de
montrer aux parents concernés, en tenant compte des contraintes de la vie quotidienne, que la
préparation du repas d'un enfant peut être faite ludiquement, et qu'un plaisir peut en découler.
Une des femmes de notre travail, de religion musulmane, évoque un frein à l'utilisation des petits
pots, non hallal. Il n'y a en France qu'une seule marque de produits alimentaires pour bébé halal.
Elle est cependant mal distribuée, et, malheureusement, beaucoup plus coûteuse que les autres.
"mais dans les petits pots salés, la viande, c'est parfois du porc, et elle n'est pas halal"E2
3.4. L'information
Le besoin d'information semble réel mais difficilement évaluable. Cette période de la vie est peu
ciblée par les campagnes de prévention et d'éducation sanitaire.
3.4.1. L'avis médical
Dans notre étude, il est rassurant de constater que le corps médical est la principale source de
conseils, en cas de difficultés, quelque soit l'âge des mères. Le médecin généraliste représente la
première source et le pédiatre la seconde. Le fait inverse est retrouvé dans une enquête française. Ce
sont des piliers fondamentaux de la formation des jeunes mères. Skinner [36] a retrouvé les
recommandations du médecin comme facteur significatif expliquant l'âge d'introduction des
premiers aliments solides. L. Spiegelbatt [37] observe une tendance des mères informées sur la
17
diversification à mieux se conformer aux recommandations par rapport aux mères non informées.
Les futures mères de notre travail expriment leur regret vis à vis du manque d'information des
médecins sur la diversification. Pourtant, plus de la moitié des femmes interrogées estimaient que
l'information devrait être dispensée pendant la grossesse. L'autre moitié ne souhaitait pas recevoir
d'information se disant ni disponible ni réceptive, elle ne se projettait pas encore sur cette étape.
"je ne peux me projeter sur l'alimentation que le bébé aura dans 6 mois, alors que je ne sais pas
encore si l'allaitement va bien se passer"E20
3.4.2. L'influence de l'entourage
Dans l'étude de Spiegelbatt [37], les coutumes culturelles font partie des raisons invoquées par les
mères pour expliquer pourquoi, contre l'avis médical, elles commencent tôt les solides. L'entourage
familial mais surtout amical était cité par moins d'un tiers des répondantes, comme source de
conseil sur la diversification et pour une seule en cas de difficultés au cours de cette période.
Les mères actuelles connaissent bien moins le soutien transgénérationnel que connaissaient nos
aïeules du fait de l'évolution des structures sociales, de l'éclatement et de la disparition des familles.
Quelques femmes citent même, que les connaissances de leur mères sont obsolètes :
"Parler avec les mères, ce n'est pas la même génération... les conseils ne sont plus les mêmes"E4
3.4.3. Les autres sources
En remontant à trois décennies, une grande place est réservée aux livres de puériculture, comme
ceux de L. Pernoud [25]. Schilling [33] cite la presse, la radio, la télévision. Dans l'enquête nationale,
les médias constituaient une source d'information pour 30% des mères. Une minorité des femmes
disaient avoir lu des documents, une aurait consulté un site sur internet.
"je me suis beaucoup servi du livre Bleu"E4
3.5. Les représentations des mères concernant la diversification
3.5.1. C'est nourrir la relation parent/ enfant
Les parents sont le principal interlocuteur de l'enfant et beaucoup de choses se jouent avec leur
enfant, au moment des échanges alimentaires. La diversification alimentaire favorise la maturation
neuropsychologique et la socialisation. Elle apprend à élargir les liens au-delà de bébé/maman/papa,
à vivre ensemble, à découvrir les autres. L'introduction de nouvelles habitudes, goûts et textures est
très tôt réclamée par certains nourrissons et certaines mères y voient une source d'échanges avec
leur bébé. Schilling [33] retrouve la date d'introduction des légumes justifiée par les mères par des
arguments psycho-affectifs, tout comme Deschamps en 1977 [34]. L'enfant est maintenant mature,
c'est un des arguments cités par les futures mères de notre étude :
"à cause des gencives, des dents qui commencent à pousser"E4
Les futures mères situent l'évolution de l'alimentation dans la perspective du développement de
l'enfant, générant un sentiment de fierté : manger des aliments solides pour un bébé est “un grand
accomplissement”. A cette période, l'enfant se transforme rapidement comme son alimentation.
"plus l'enfant grandit, plus il lui faut des choses pour sa croissance"E5
3.5.2. Diversifier, c'est l'éducation alimentaire familiale au goût
Les enfants sont prédisposés génétiquement à préférer les goûts sucrés et salés, à rejeter les goûts
acides et amers, et les nouveaux aliments. Skinner [32] a montré que les prédispositions génétiques
18
sont modifiées par l'expérience : les parents jouent un rôle majeur dans l'éducation nutritionnelle, et
dans les préférences alimentaires futures des enfants. “La répétition et la variété des aliments jouent
un rôle important dès le début de la diversification dans la formation du goût et favorisent la
consommation d'aliments nouveaux et notamment de légumes” a dit S. Nicklaus, chargée de
recherche à l'INRA. Huit à dix expositions seraient nécessaires pour faire accepter un aliment à un
enfant de 2 à 3 ans. Le goût et l'acceptation se construisent dès les premières années de la vie pour
ensuite se transformer en habitudes alimentaires. L'exemple des parents semble déterminant dans
les préférences des enfants. Les parents forts consommateurs de fruits et de légumes encourageront
leurs enfants, tant par leurs recommandations que par leur propre comportement.
"je compte sur l'aliment même pour apprendre le goût à l'enfant"E4
3.5.3. Les inquiétudes des mères fluctuent
La plupart des mères souhaitent être rassurées par leur médecin quant aux modalités de
diversification. Avant de commencer, les mères se sentent perdues dans ce domaine. Ces
préoccupations sont d’autant plus présentes qu’il s’agit de leur premier bébé et que les mères n’ont
guère reçu d'informations initiales sur le sujet. L’introduction des solides est un comportement
complexe et les parents en général, les mères en particulier, ont besoin de modèles
comportementaux sur lesquels s’appuyer et d’informations pertinentes. Un soutien est nécessaire.
Le médecin généraliste doit renforcer la confiance des parents dans leurs compétences à observer
leur enfant, s’adapter à son rythme, tout en proposant une alimentation de qualité pour instaurer de
bonnes bases alimentaires.
"qu'il me rassure s'il a des difficultés à manger"E21
Les femmes qui pensent utiliser les deux modes de diversification ont un sentiment de confiance
envers les petits pots : elles sont confortées par leur qualité nutritionnelle garantie par la
réglementation. Certaines futures mères qui prépareront elles-mêmes pour leur nourrisson, font part
de leurs inquiétudes vis à vis des colorants, des additifs, alors que celles qui les utiliseront
n'évoquent jamais cet aspect. Les mères ont-elles la notion que la majorité des plats spécialement
préparés pour les enfants ne sont pas garantis sans OGM? Il n'y a aucune réglementation sur les
OGM dans les préparations pour nourrissons. Le risque des OGM est microbiologique avec une
aggravation des résistances aux antibiotiques, l'apparition possible de virus pathogènes par
recombinaisons virales. Les effets allergisants des OGM n'ont été que peu étudiés, mais ils
pourraient jouer un rôle non négligeable dans leur développement.
"je pense que les plats préparés sont plus adaptés, il y a plein de recherches"E21
Extrait du guide de GreenPeace OGM en 2006: aliments pour bébé:
PRODUCTEUR
Blédina
Candia
Heinz Frozen
PRODUITS/ MARQUES
Blédina, Blédine, Blédilait, Gallia, Blédichef
Babylait, lait de croissance
Petits pots variés, laits
Rouge
Rouge
Vert
Vert : le fabricant garantit ne pas utiliser de produits issus d'animaux nourris aux OGM
Rouge : le fabricant ne garantit pas que la fabrication de ses produits se fait hors de la filière OGM
ou bien n'a pas répondu au questionnaire.
Les futures mamans que nous avons rencontrées sont plus de la moitié à penser que la teneur en
sucre et en sel que contiennent les plats industriels est adaptée, même celles qui prépareront ellesmêmes. Les utiliseraient-elles en sachant que 100g de purée ou de compote maison contiennent
deux fois moins de sucre qu'un petit pot de contenance égale, due à l'ajout de farines et d'amidon?
L'exemple, sur un pot “haricots-verts dindonneau” : celui-ci contient 26% de légumes et 8% de
19
viande, le reste est constitué de pommes de terres et d'amidon transformé. S. Gojard en 2000 [38]
souligne que peu de mères se soucient du risque potentiel d'obésité que le sucre représente, constat
surtout fait dans les classes sociales les plus basses.
"avec tout ce qu'ils nous disent, c'est censé être approprié aux bébés"E9
Le constat est le même pour le sel : le goût pour le sel n'est pas inné, mais l'agro-alimentaire crée
cette dépendance dès le plus jeune âge en salant les produits pour l'enfant. Pourquoi les industriels
ont-ils la main lourde sur la salière et ne sont-ils pas pressés de suivre les recommandations de
l'Afssa, à savoir une réduction de 30% des apports sodés? Si on supprimait le sel dans tous les
produits alimentaires, les industriels perdraient du chiffre d'affaires. De plus, le sel fait boire...une
manne pour tous les géants de l'agroalimentaire, de Nestlé à Danone, qui dominent aussi le marché
de l'eau minérale et des sodas...
Le nombre des enfants obèses en France a plus que doublé depuis les années 80 [41]. C'est un sujet
qui préoccupe les mères interrogées. Pour une majorité, l'obésité est le risque principal d'une
diversification mal conduite, mais un tiers estime que cette période n'est pas la période “clé”.
"non, quand ils sont petits, je ne pense pas quand même"E19
3.5.4. Ce que les mères ne nous ont pas dit
Aucune mère ne connaît les différents types de laits proposés aux enfants. Il aurait été intéressant
d'aborder la place et l'intérêt des laits de croissance, d'autant qu'uniquement en France, ils sont en
plein essor. Le CNSFP [9] et le PNNS [15]se prononcent pour leur emploi, conseils repris dans le
carnet de santé. En revanche, les laits de croissance n'ont pas de place à l'étranger. Les sociétés
suisse et canadienne de pédiatrie ne les conseillent pas. L'OMS [12] ne les mentionne pas. "Alors y at-il vraiment un intérêt à les utiliser? [39]".
Ils allèguent trois modifications majeures par rapport au lait de vache standard : supplémentation
martiale, en acides gras essentiels et moindre teneur en protéines. En 2008, la collaboration
Cochrane a publié une méta-analyse portant sur les intérêts d'une supplémentation en acides gras
essentiels : concernant le développement psychomoteur, la croissance staturopondérale ou l'acuité
visuelle, les auteurs ont conclu que les laits supplémentés en acides gras essentiels n’avaient pas
d'intérêt et ne pouvaient être recommandés. Pour la diminution des apports protéiques, il n’est pas
démontré qu’elle prévienne une insuffisance rénale chronique.
Dès 1981, suite à la première enquête de la SFAE, les pédiatres ont recommandé la consommation
de laits infantiles pour éviter la carence martiale. Dans une revue de littérature de 2001, un lien a été
démontré entre anémie par carence en fer et retard psychomoteur : un biais majeur était lié à la forte
corrélation entre niveau socio-économique défavorisé et carence martiale. Le résultat d'une métaanalyse a montré l’absence de différence significative de la croissance staturo-pondérale avec ou
sans supplémentation en fer. Une méta-analyse reprenant vingt-huit essais a conclu à l’absence
d'effet de la supplémentation en fer sur l'incidence des infections infantiles.
Les mères de notre travail citent volontiers la carence martiale dans les carences propres au
nourrisson, mais elles ne savent pas quelles sont les sources de fer : deux citent la viande comme
l'aliment contenant le plus de fer, les autres, les légumes avec les fameux épinards...Aucune ne
connaît le rôle du fer sur la santé. Deux femmes citent le lait artificiel comme riche en fer, dixit une
publicité télévisuelle. Pourquoi la publicité ne compare-t-elle pas ce lait au lait maternel? Les mères
pensent-elles que l'allaitement maternel ne comble pas les besoins en fer du nourrisson.
"pour que l'enfant n'ait pas de carence en fer, il faudrait qu'il boive 12 litres par jour de lait de
vache ou seulement deux biberons de lait artificiel"E16
20
Comme nous l'avons signalé précédemment, les futures mères sont imprécises. Les futures mères
aux antécédents allergiques n'évoquent pas le bénéfice de l'allaitement en terme d'atopie pour le
nourrisson, le retard de diversification à 6 mois ou les aliments déconseillés pendant la
diversification.
4. Le rôle du médecin généraliste
4.1. La prévention en matière de nutrition infantile est un enjeu majeur
Face à ces enjeux de santé publique, des campagnes de prévention et des actions d'éducation
nutritionnelle sont menées, mais les mères des nourrissons sont une population difficilement
accessible à ces campagnes. Il est difficile de modifier les attitudes et croyances parentales. Petr
Skrabanek et James Mc Cormick [40] décrivent que "les mesures préventives ont plus de chance
d'être efficaces lorsqu'elles ne reposent pas sur une modification du comportement des individus
eux-mêmes... Malheureusement l'essentiel de la prévention efficace repose sur une modification du
comportement”. Et “en attendant, notre action devrait se limiter à conseiller ceux qui demandent à
être aidés”.
4.1.1. Impact en terme d'obésité [41]
Entre 6 mois et 3 ans, les données scientifiques manquent. Cependant trois études récentes
suggèrent l’existence d’un risque à distance, chez l’enfant et l’adulte, quand la diversification
débute avant 15 semaines, selon un scénario évoquant une programmation. De plus, comme
souligne l’ESPGHAN, la surconsommation d’aliments à forte densité calorique, pourrait entraîner
une prise de poids trop rapide et un risque de surcharge pondérale ultérieure.
L’obésité de l’enfant est une maladie grave qui prédispose à l’obésité de l’adulte et à ses
conséquences, mais qui constitue, quelle que soit l’évolution pondérale, un facteur de risque à l’âge
adulte : il existe une surmortalité coronarienne chez les sujets ayant été obèses durant l’enfance.
Les lésions vasculaires se constituent dès l’enfance. Le médecin généraliste exerce un rôle
particulier en matière de prévention, par sa connaissance verticale et horizontale d’une même
famille, et se trouve à une place stratégique dans l’identification des facteurs de risques.
Il existe deux villes en France, Fleurbaix et Laventie, qui agissent dans les lieux de restauration de
la ville et en milieu scolaire. A Paris, le choix a été fait d'intervenir en milieu scolaire. Tous ces
acteurs de prévention savent que l'idéal est d'agir avant cet âge, et une réflexion est en cours pour
mettre en œuvre des actions de prévention dans les crèches et les maternités. D'où l'importance du
médecin généraliste, il est l'un des seuls acteurs de prévention à cette période de la vie.
4.1.2. En terme d'allergie
L'allergie alimentaire constitue un problème de santé publique [16] : 4 à 8% des enfants d'âge
préscolaire sont concernés par celle-ci, alors que, seulement 2,1 à 3,8% dans la population générale.
Elle est en augmentation ces dernières années. Il est possible de limiter la fréquence de survenue
des manifestations allergiques chez des nourrissons à risque. Les mères de notre enquête n'ont
aucune notion sur le sujet, bien que certaines d'entre elles présentent des antécédents personnels
d'allergie.
4.1.3. La carence martiale
A l'âge de 10 mois, 29% des enfants nés de parents métropolitains et 50% des enfants nés de parents
immigrés présentent une carence martiale. Une étude longitudinale [42] européenne a révélé que la
21
durée de consommation des préparations lactées infantiles enrichies en fer est positivement corrélée
au statut martial des enfants à l'âge de 12 mois, alors qu'aucune corrélation n' a été mise en évidence
avec la consommation de viande, de fruits et légumes. Mais la carence martiale chez le nourrisson
a-t-elle un impact sur sa santé? Il est donc urgent de mener d'autres essais afin d'éclaircir ces points.
4.2. Aider la femme à choisir son mode d'allaitement
4.2.1. Délivrer une information structurée et adaptée pendant la grossesse
Les mères ont besoin d’information et d’écoute pour décider d’allaiter et pour mener leur projet à
terme. L'information doit être claire, précise et donnée au moment opportun, lorsque la femme en a
besoin. Fairbank et al. [43] suggèrent qu'une information structurée pendant la période prénatale
améliorait le taux de mise en œuvre de l'allaitement et dans certains cas, sa durée, si on les compare
à ceux qui sont associés à une prise en charge habituelle. Dans notre travail, la moitié désirait avoir
une information sur l'allaitement en début de grossesse, l'autre moitié, en fin. Donc, quand proposer
une information? Pendant la grossesse, cela semble certain... peut-être même avant...
Elle doit cibler les populations à risque susceptibles d'avoir un taux d'allaitement au sein faible :
Dyson et al. [44] ont montré que les interventions éducatives ont amélioré de manière significative, le
taux de démarrage de l'allaitement, chez les femmes de milieux défavorisés. Dans cette optique,
nous pensons que les généralistes que nous sommes, ont un rôle à jouer.
4.2.2. Prendre en compte la place du père
Un allaitement épanoui est celui qui associe le père à sa décision et où celui-ci trouve sa place. Une
place qui n’est pas toujours facile à prendre, car le père n’a généralement reçu aucune transmission
familiale, traditionnelle ou culturelle autour du bébé.
4.2.3. Conseiller en postpartum
Les évènements stressants répertoriés par la mère en postpartum, sont en premier lieu l'allaitement
maternel. La perception des mères vis-à-vis de cet événement est fortement négative. Le médecin
généraliste serait consulté en cas de difficultés d’allaitement, en troisième position après les
associations de soutien et les sages femmes, mais avant le pédiatre et le gynécologue [23]. Dans notre
travail, la moitié pense demander conseil à leur médecin traitant en cas de difficultés au cours de
l'allaitement. Notre rôle est de permettre à celles qui décident d’allaiter de réaliser leur projet par un
accompagnement dans la confiance et la valorisation de leurs compétences. Probablement pas de
modifier le taux d’allaitement, mais d'aider à la réussite du projet.
4.2.4. Aider au respect des politiques de santé publique
Il existe une discordance entre les deux mois postnatals de congé maternel en France et les
recommandations de l'OMS [12] de six mois d'allaitement exclusif : en France et dans notre travail,
les femmes qui doivent reprendre rapidement leur travail pensent allaiter moins longtemps, en
raison des difficultés à concilier travail et allaitement [19]. Le taux d’allaitement maternel augmente
significativement à partir du troisième enfant : est-ce parce que les congés maternité sont plus longs
à partir du troisième enfant, laissant plus de disponibilité aux mères pour allaiter?
4.3. Le rôle du médecin généraliste dans la diversification
Par sa fonction de premier recours, il est au premier plan en matière d'alimentation. Dans le
domaine de l'alimentation infantile, son efficacité émane aussi des fonctions de continuité et de
22
coordination. La pratique de la médecine générale évolue et à la demande de soins, s'ajoute une
demande de conseils de santé. La diversification alimentaire fait partie des quatre grands thèmes de
questions des parents au sein de la consultation pédiatrique. Les mères de notre étude ont légitimé
sa place dans la conduite de la diversification alimentaire : elles seraient au moins la moitié à se
tourner vers lui. Les mères attendent énormément de la qualité de la relation et de l'échange avec le
médecin qui suit leur enfant. Les fonctions du médecin généraliste font de lui l'interlocuteur
privilégié des mères pour les éduquer à bien nourrir leur enfant. Il prend en charge la globalité
enfant-famille.
"c'est son rôle, c'est lui qui a un suivi au long cours, il y a une continuité"E8
La proximité et les relations de confiance qui s'établissent entre les médecins généralistes et leurs
patients constituent un atout essentiel pour la mise en œuvre d'une éducation pour la santé.
C'est sans doute l'un des rôles le plus important du généraliste. Une future mère évoque cela :
"il doit y avoir cette relation qui s'installe, moi, je ne l'ai pas, pour mon enfant, ce sera pareil"E9
Il est nécessaire d'actualiser régulièrement ses connaissances dans ce domaine car les normes ont
subi et subiront encore de fortes variations. Certaines mères de notre travail pensent que le médecin
généraliste n'est pas assez précis sur certains sujets.
"le médecin traitant n'est pas assez pointu pour certains sujets"E12
Encore faudrait-il qu'une politique de formation fortement affinée aille dans ce sens, que tous les
professionnels aient la même approche et prennent le temps de contribuer véritablement à apporter
les informations nécessaires aux parents. Les médecins jugent que leur formation est insuffisante
dans le domaine de l'alimentation infantile et qu'ils ne peuvent répondre aux demandes des mères de
famille, ou bien de façon imprécise. La formation des médecins devrait consacrer plus de temps aux
stratégies d'éducation à la santé, à la médecine sociale, permettre aux étudiants un travail en
collaboration avec d'autres partenaires de l'éducation à la santé.
Un sondage TNS de 2008 [24] montre que les médecins sont demandeurs d'informations sur la
nutrition. Ils se sentent mal informés à 55%. Ils sont 61 % à placer dans leurs souhaits
d’informations dans leurs salles d’attente l’alimentation en tête devant l’alcoolisme, les vaccinations
et le tabac. L’obésité est également dans le trio de tête (55 %), ce qui renforce le poids de la
demande des généralistes en informations alimentaires.
Comment les professionnels de santé peuvent-ils transmettre l'information sur l'alimentation
infantile? Les supports écrits peuvent-ils être un moyen ? Le carnet de santé est un outil
d'information : 96% des familles venant pour un enfant de moins de 5 ans apportent le carnet de
santé. Le carnet de suivi alimentaire, distribué dans les maternités est un outil de dialogue
complémentaire au carnet de santé. Il permet de « parler alimentation », de personnaliser les
conseils, et doit permettre un travail de suivi et de prévention. Nous n'avons pas entendu parler de
ce guide avant cette recherche, les parents jouent-ils le jeu? Les cabinets médicaux sont de plus en
plus informatisés. Le médecin peut disposer de fiches informatisées, prêtes à être imprimées et
distribuées aux mères, en les ayant expliquées au préalable. Le support écrit ne paraît pas pertinent.
Le médecin doit orienter et conseiller sur certains sites internet sérieux. La nutrition et la santé sont
les thèmes les plus consultés par les personnes surfant sur internet. Ainsi, il faut poursuivre
l'élaboration d'outils pédagogiques en collaboration avec les généralistes.
23
CONCLUSION
Les connaissances scientifiques sur la nutrition infantile sont en perpétuel remaniement : elles ont
évolué et continueront à le faire ces prochaines années. La pratique de l'allaitement exclusif pendant
6 mois a récemment été controversée [1], de même que l'âge et les modalités de diversification
alimentaire. Qu'en sera-t-il dans quelques années?
En ce qui concerne les facteurs influençant le choix de l'allaitement maternel, notre travail obtient
des résultats semblables aux enquêtes de périnatalité [4] : les femmes de 30 ans ou plus, mariées,
appartenant aux cadres supérieurs ou aux professions intermédiaires allaitent plus, les plus jeunes,
seules, de plus faible statut socioéconomique allaitent moins. Il semble que les mères, sœurs, bellesœurs, tantes, aient joué un rôle important dans la connaissance et la sensibilisation des femmes à
l'allaitement.
Toutes les femmes rencontrées proposent une image enviable de l'allaitement maternel. Les
répondantes mettent principalement l'accent, comme dans les campagnes de promotion
internationales et nationales, sur les aspects naturels, nutritionnels et protecteurs du lait maternel. Il
nécessite une disponibilité maternelle, qui peut parfois exclure le père et c'est l'un des avantages de
l'allaitement artificiel. Allaiter en public face au regard des autres, est un partage, désiré ou
involontaire, d'un moment d'intimité et c'est une des raisons en faveur du biberon. Nous devons
conseiller aux mères allaitantes des astuces : porter l'enfant dans un porte-bébé adapté à
l'allaitement, mettre un large foulard ou un châle qui permettra de se préserver...
Les femmes doivent être informées et aidées dans le respect scrupuleux de leurs convictions.
L'information doit cibler les populations à risque d’allaitement faible. Elle doit être structurée et
adaptée : elle doit portée sur la physiologie, les avantages, ainsi que sur les difficultés de
l'allaitement. Dans le discours de promotion de l'allaitement, les difficultés sont quasi-absentes.
75% des femmes françaises aimeraient allaiter au sein, mais près d'un quart y renonce. Les femmes
insistent sur la nécessité d'être accompagnées dans la parentalité et guidées au moment où elles en
ont besoin : l'absence de complications dans les quatre premières semaines a une influence positive
sur sa durée. Pourquoi ne pas proposer des consultations "obligatoires" en postpartum immédiat afin
de renforcer les connaissances liées à l'allaitement et au rythme de l'enfant ?
Malgré l'intention des femmes de poursuivre l’allaitement, l'emploi de la mère est associé à un
sevrage précoce. Donner aux mères la possibilité de tirer leur lait dans un lieu approprié sur leur
lieu de travail ne demande qu'un investissement minime. La loi offre des possibilités [18] de
poursuivre l'allaitement au travail : l'article L224-2 du Code du travail stipule que : "Pendant une
année, les mères allaitant leurs enfants disposent à cet effet d'une heure par jour durant les heures de
travail", et l'article R 224-1: "La durée d'une heure est répartie en deux périodes de trente minutes.
Le moment où le travail est arrêté pour l'allaitement est déterminé par accord entre les intéressées et
leurs employeurs". L'article L 224-3 dit que : "Le local doit être séparé de tout local de travail, être
pourvu d'eau en quantité suffisante, se trouver à proximité d'un lavabo, être pourvu de sièges
convenables pour l'allaitement".
La diversification pour les femmes de notre travail actuellement en fin de grossesse est très
imprécise. Il paraît exister un lien entre la non-conformité aux recommandations actuelles et le
niveau socioéconomique faible. Les erreurs se portaient sur l'âge de diversification mais surtout sur
l'ajout de boissons sucrées à l'alimentation des nourrissons. Pourtant, l'équilibre nutritionnel du
jeune enfant est un enjeu pour son avenir. L'inquiétante augmentation de la prévalence de l’obésité
infantile justifie une recherche axée sur la prévention à travers l’identification des groupes à risque.,
Le médecin généraliste est en mesure de le faire, par sa connaissance des ascendants, descendants et
24
de la fratrie d’une même famille. Les tentatives de promotion de la perte pondérale sont d'une
efficacité restreinte, la prévention en bas âge semble la meilleure stratégie à adopter. Elle concerne
d'autant plus les milieux socialement et culturellement défavorisés, plus exposés à l'obésité, que les
taux d'allaitement maternels y sont les plus bas et qu'ils n'ont pas connaissance des
recommandations médicales en matières de diversification.
Les futures mères de notre travail expriment leur regret vis-à-vis du manque d'information des
médecins sur la nutrition infantile. Aucune étude n'a permis de cerner à quel moment les mères
élaborent le projet de diversifier l'alimentation de leur enfant. Quand peut-on dispenser ces
informations, sachant que la plupart des femmes ne se disent pas réceptives pendant la grossesse?
Faut-il le faire en début de grossesse ou à la maternité comme le suggère une enquête de
Deschamps [34]?
Les campagnes de prévention sont-elles efficaces? Elles améliorent les connaissances, aident à la
prise de conscience du risque, renforcent la solidarité, mais n'ont pas d'impacts réels sur les
comportements. Pourquoi? La réponse est cruciale pour définir une action de prévention.
L'inefficacité des campagnes d'éducation serait aussi liée à la relation de type autoritaire entre
l'éducateur et la population cible. Les messages médiatiques doivent transiter par des réseaux
d'individus proches pour être incorporés et appropriés; comme le comportement d'un pair, d'un
leader d'opinion tel que le médecin de famille selon Corbeau et Poulain [8]. Il est rassurant de
constater que le corps médical, et le médecin généraliste sont la principale source de conseils dans
notre étude.
A tous les niveaux, la formation initiale universitaire et continue, traite trop peu de l'importance de
la nutrition infantile pour la santé des enfants. Nous n'avons pas bénéficié dans notre cursus de
cours sur la nutrition du nourrisson. Par ce travail, nous souhaitons l'encourager. Pour ce faire,
faudrait-il introduire de façon obligatoire dans le DES de médecine générale, une formation de
nutrition adaptée et sans cesse réactualisée?
Pour conclure, nous pouvons suggérer de compléter ce travail qualitatif par un travail quantitatif
complémentaire, permettant d'explorer les faits saillants relevés par nos entretiens. L'utilisation de
méthodes quantitatives permettra d'exprimer avec précision et de rendre vérifiables les idées
principales de notre travail.
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28
Table des matières
INTRODUCTION ......................................................................................................................................................... 3
CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE DE LA NUTRITION INFANTILE ..................................................................... 4
1. L'allaitement.......................................................................................................................................................... 4
1.1. La place de l'allaitement maternel dans le monde............................................................................................................ 4
1.2. Les raisons du désintérêt de l'allaitement maternel en France.......................................................................................... 4
1.3. Les bénéfices de l'allaitement maternel............................................................................................................................ 5
1.3.1. Sur la prévention des infections............................................................................................................................... 5
1.3.2. Sur la prévention allergique..................................................................................................................................... 5
1.3.3. Sur le développement du diabète insulinodépendant ............................................................................................... 5
1.3.4. Sur le risque cardiovasculaire .................................................................................................................................. 5
1.3.5. Sur le développement intellectuel............................................................................................................................ 6
1.3.6. Sur le risque de cancer............................................................................................................................................. 6
1.3.7. En post-partum ........................................................................................................................................................ 6
2. La diversification .................................................................................................................................................. 7
2.1. L'âge de la diversification dans le monde ........................................................................................................................ 7
2.2. Historique de la diversification en France........................................................................................................................ 7
2.3. Les recommandations actuelles ....................................................................................................................................... 7
2.4. Principes généraux de la diversification alimentaire........................................................................................................ 8
2.5. Préparations industrielles diététiques pour le nourrisson et l'enfant................................................................................. 8
MATERIEL ET METHODES........................................................................................................................................ 9
1. Le recrutement et les critères de sélection des répondantes.................................................................................. 9
2. Les entretiens......................................................................................................................................................... 9
3. Modalités d'analyse des entretiens ...................................................................................................................... 10
RESULTATS ET DISCUSSION .................................................................................................................................. 11
1. Les caractéristiques de l’échantillon .................................................................................................................. 11
2. Critique de la méthode ........................................................................................................................................ 11
3. Résultats et analyse thématique .......................................................................................................................... 12
3.1. La prise de décision : allaiter ou ne pas allaiter ............................................................................................................. 12
3.1.1. Facteurs liés à la mère ........................................................................................................................................... 12
3.1.2. Facteurs liés à l'entourage...................................................................................................................................... 12
3.1.3. L'information des professionnels de santé ............................................................................................................. 12
3.1.4. Autres sources d'information ................................................................................................................................. 13
3.2. Les représentations sociales de l'allaitement.................................................................................................................. 13
3.2.1. Le lait maternel : un aliment “idéal”, protecteur et surtout naturel ........................................................................ 13
3.2.2. Allaiter : un geste simple, qui nourrit un lien plus fort qu'avec le biberon............................................................. 13
3.2.3. Allaiter nécessite une disponibilité maternelle, à l'inverse du biberon................................................................... 14
3.2.4. Un geste naturel qui s'apprend............................................................................................................................... 14
3.2.5. Allaiter : un geste économique qui préserve la nature ........................................................................................... 15
3.2.6. La représentation sociale des seins : allaiter ou l'art de la discrétion ..................................................................... 15
3.2.7. Ce que les mères ne nous ont pas dit ..................................................................................................................... 15
3.3. Les modalités de la diversification................................................................................................................................. 16
3.3.1. L'âge de diversification et les facteurs l'influençant .............................................................................................. 16
3.3.2. Ordre d'introduction des aliments .......................................................................................................................... 16
3.3.3. Place respective des préparations industrielles et personnelles.............................................................................. 17
3.4. L'information ................................................................................................................................................................. 17
3.4.1. L'avis médical........................................................................................................................................................ 17
3.4.2. L'influence de l'entourage...................................................................................................................................... 18
3.4.3. Les autres sources.................................................................................................................................................. 18
3.5. Les représentations des mères concernant la diversification.......................................................................................... 18
3.5.1. C'est nourrir la relation parent/ enfant ................................................................................................................... 18
3.5.2. Diversifier, c'est l'éducation alimentaire familiale au goût .................................................................................... 18
3.5.3. Les inquiétudes des mères fluctuent ...................................................................................................................... 19
3.5.4. Ce que les mères ne nous ont pas dit ..................................................................................................................... 20
4. Le rôle du médecin généraliste ........................................................................................................................... 21
4.1. La prévention en matière de nutrition infantile est un enjeu majeur .............................................................................. 21
4.1.1. Impact en terme d'obésité ...................................................................................................................................... 21
4.1.2. En terme d'allergie ................................................................................................................................................. 21
4.1.3. La carence martiale................................................................................................................................................ 21
4.2. Aider la femme à choisir son mode d'allaitement........................................................................................................... 22
4.2.1. Délivrer une information structurée et adaptée pendant la grossesse..................................................................... 22
4.2.2. Prendre en compte la place du père ....................................................................................................................... 22
4.2.3. Conseiller en postpartum ....................................................................................................................................... 22
4.2.4. Aider au respect des politiques de santé publique.................................................................................................. 22
4.3. Le rôle du médecin généraliste dans la diversification .................................................................................................. 22
CONCLUSION............................................................................................................................................................ 24
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................................................................................. 25
TABLE DES MATIÈRES .................................................................................................................................................... 29
ANNEXES................................................................................................................................................................... 31
ANNEXES
DÉFINITIONS
Nourrisson à risque d'allergie : les comités européen et australien retiennent, pour définir un
enfant à risque, l’existence d’une allergie avérée chez au moins un des parents du premier degré
(père, mère, frère ou sœur). Le comité de nutrition pédiatrique américain recommande de retenir la
présence d’une allergie chez au moins deux parents du 1er degré. Le CNSFP considère que la
position européenne doit être retenue.
Allaitement maternel exclusif : le nourrisson reçoit uniquement du lait maternel à l'exception de
tout ingestat y compris l'eau. La prise de vitamine n'est pas prise en compte.
Allaitement mixte : l'allaitement maternel est associé à une autre alimentation: substituts de lait,
céréales, eau.
Sevrage : arrêt complet de l'allaitement maternel.
Diversification alimentaire : introduction d'aliment non lacté chez un nourrisson nourri au sein ou
par un lait artificiel. L'ESPGHAN, à la différence de l'OMS, ne considère pas comme
diversification l'utilisation d'une formule pour nourrisson.
Évolution des taux d’allaitement maternel en France de 1995 à 2004
Les données officielles ne comprennent que les taux d’allaitement à J5 pour des raisons
administratives.
Année
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2004
Taux d'allaitement en France
45,60%
46,40%
48,80%
48,30%
50,00%
52,30%
54,50%
56,20%
60,00%
Les Dix conditions pour le succès de l'allaitement maternel d'après OMS/UNICEF 1999
Tout établissement qui dispense des services de maternité et des soins aux nouveau-nés devrait
observer les dix conditions ci-dessous.
1. Adopter une politique d'allaitement maternel formulée par écrit et systématiquement portée
à la connaissance de tous les personnels soignants.
2. Donner à tous les personnels soignants les compétences nécessaires pour mettre en œuvre
cette politique.
3. Informer toutes les femmes enceintes des avantages de la pratique de cet allaitement.
4. Aider les mères à commencer à allaiter leur enfant dans la demi-heure suivant la naissance.
5. Indiquer aux mères comment pratiquer l'allaitement au sein et comment entretenir la
lactation même si elles se trouvent séparées de leur nourrisson.
6. Ne donner aux nouveau-nés aucun aliment ni aucune boisson autre que le lait maternel sauf
indication médicale.
7. Laisser l'enfant avec sa mère 24 heures par jour.
8. Encourager l'allaitement au sein à la demande de l'enfant.
9. Ne donner aux enfants nourris au sein aucune tétine artificielle ou sucette.
10. Encourager la constitution d'associations de soutien à l'allaitement maternel et leur adresser
les mères dès leur sortie de l'hôpital ou de la clinique.
L'âge de début de diversification a subi de nombreuses variations au cours des dernières décennies,
issu du livre de G. Delaisi de Perseval et S. Lallemand L'art d'accommoder les bébés [13].
1887 (Morère)
1936 (Bressan)
1937 (Comité national de l'enfance)
1938 (Mon foyer)
1939 (Lerebouillet)
1945 (Croix Rouge)
1947 (Boutier)
1954 (Gay et cousin)
1955 (Larousse ménager)
1956 (Roueche)
1963 (Thiry Vincent)
1965 (Hennaux)
1966 (Lelong, 2eme édition)
1966 (Pernoud)
1975 (Cohen Solal)
1978 (Pernoud)
1998 (comité de Nutrition de
la société française de pédiatrie)
2000
Introduction d'une nourriture diversifiée
6-10 mois
8 mois
5 mois
6 mois
6 mois
3 mois
4 mois
3 mois
3 mois
3 mois
2 mois et demi
3 mois
4 mois
5 mois
Début de sevrage
9-10 mois
7-8 mois
6 mois
6 mois
6- 8 mois
7 mois
4 mois
4 mois
3-4 mois
3 mois
Circulaire no 11-67-300 du 11 juillet 1967 : Nomenclature interministérielle par niveaux, BO
no 29 du 20 juillet 1967. Construite en référence à celle de 1967, cette nomenclature renvoie à
un niveau de qualification.
Niveau VI : personnel occupant des emplois n'exigeant pas une formation allant au-delà de la
scolarité obligatoire.
Niveau V : personnel occupant des emplois exigeant normalement un niveau de formation
équivalent à celui du brevet d'études professionnelles (BEP) ou du certificat d'aptitude
professionnelle (CAP), et par assimilation, du certificat de formation professionnelle des adultes
(CFPA) du premier degré.
Niveau IV : personnel occupant des emplois de maîtrise ou d'ouvrier hautement qualifié et pouvant
attester d'un niveau de formation équivalent à celui du brevet professionnel (BP), du brevet de
technicien (BT), du baccalauréat professionnel ou du baccalauréat technologique.
Niveau III : personnel occupant des emplois qui exigent normalement des formations du niveau du
diplôme des instituts universitaires de technologie (DUT) ou du brevet de technicien supérieur
(BTS) ou de fin de premier cycle de l'enseignement supérieur.
Niveau II : personnel occupant des emplois de cadre exigeant normalement une formation d'un
niveau comparable à celui de la licence ou de la maîtrise.
Niveau I : personnel occupant des emplois de cadre exigeant normalement une formation de niveau
supérieur à celui de la maîtrise.
Les catégories socioprofessionnelles principales en France
Les 860 professions et catégories socioprofessionnelle établies par l'Insee sont progressivement
regroupées en fonction du statut (salarié ou indépendant), de la taille de l'entreprise, du secteur
d'activité, du niveau de qualification nécessaire pour l'emploi exercé, jusqu'à arriver à 8 catégories
principales :
1. les agriculteurs exploitants : secteur primaire ;
2. les artisans, commerçants et chefs d’entreprises ;
3. les cadres, professions intellectuelles supérieures ;
4. les professions intermédiaires ;
5. les employés ;
6. les ouvriers ;
7. les retraités ;
8. les autres personnes sans activité professionnelle.
Les chômeurs ayant déjà travaillé sont classés en fonction de leur dernier métier. Ceux n'ayant
jamais travaillé sont classés dans le métier recherché (ceux n'en cherchant pas étant classés inactifs).
GRILLE D'ENTRETIEN
-L'allaitement
Que pensez-vous choisir comme type d’allaitement pour votre enfant? Pour quelles raisons? Par qui
avez-vous été informée?
A quel moment de vie de votre enfant débuter l’allaitement? Pour quelle durée? Selon quelles
modalités?
Quels sont les avantages et les inconvénients de chaque type d’allaitement?
Quels facteurs/ raisons pourraient vous faire stopper un allaitement maternel? A qui demanderiezvous conseil si cela arrivait?
Quels sont les bénéfices de l’allaitement maternel?
Que représente pour vous l’allaitement au sein?
Vos opinions religieuses, philosophiques ou votre mode de vie semblent-ils avoir une influence sur
votre projet d’allaitement? Votre mère a-t-elle allaité?
-La diversification alimentaire
A quel âge pensez-vous introduire les aliments autres que lactés à votre enfant? Pour quelles
raisons? Selon quelles modalités: ébauchez un bref calendrier de la diversification.
Pensez-vous que le lait soit un aliment essentiel? A quel âge commencer à le diminuer? Quel type
de lait? Quelles peuvent être les autres boissons autorisées?
Pensez-vous que l’âge de la diversification soit le même pour tous les enfants?
Que pensez-vous choisir comme mode de diversification purée/ compote commerce ou produits
préparés à la maison? Pour quelles raisons? A quel type de recours faites-vous le plus confiance?
Pensez-vous que la teneur en sucre/ sel que contiennent les petits pots soit trop importante pour
votre enfant? Avez-vous déjà goûté les préparations industrielles pour nourrissons?
Pensez-vous qu’il y ait un rapport entre l’alimentation de 0 à 1 an et la santé future de votre
enfant? Pensez-vous que l’alimentation du nourrisson puisse avoir un impact en terme d’obésité? Y
a-t-il des risques qu’un enfant soit carencé?
-Rôle du médecin généraliste dans la conduite de l’allaitement et la diversification
Avez-vous abordé ces sujets durant votre grossesse et avec qui? Qui est le plus adapté pour en
parlez selon vous? Le médecin généraliste a-t-il sa place? .
Quelles sont vos sources d’informations? Avez-vous lu le livre d’E. Badinter Le conflit, la femme et
la mère?
A qui aurez-vous recours selon vous en cas de difficultés au cours de l’allaitement ou de la
diversification?
Quel est selon vous le rôle du médecin généraliste dans la conduite de la diversification?
Pensez-vous que la grossesse soit le bon moment pour parler allaitement et diversification?
-Questions générales
Age des parents
ATCD personnel, Allergie
Statut matrimonial
Niveau d’études des parents
Pays d’origine ou de naissance
Catégorie Socioprofessionnelle
Revenus par tranche
Nombres de personnes dans le foyer
Lieu de résidence actuelle
Type d’habitation
Poids/ Taille
Lieu de recrutement pour l’enquête
Terme au moment de l’entretien
Qui suit votre grossesse?
Bénéficiez-vous des cours de préparation à l’accouchement?
Avez-vous bénéficié de l'entretien prénatal au cours du 4eme mois?
Durée du congé maternité/ paternité?
Lieu de l’entretien
Durée de l'entretien