479 HANSSENS (Edmond-Winnie-V`/ctor), Capi

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479 HANSSENS (Edmond-Winnie-V`/ctor), Capi
479
HANSSENS (Edmond-Winnie-V'/ctor), Capitaine en 1 e r au 11e régiment de ligne, Agent
supérieur de l'Association Internationale du
Congo (Furnes, 25.7.1843-Vivi, Congo belge,
28.12.1884).
Admis à l'Ecole Militaire le 1 m a r s 1860 et
nommé sous-lieutenant le 22 m a r s 1862,
Hanssens est désigné pour le 11e régiment de
ligne; le 3 juillet 1867 il est nommé lieutenant. Il entre à l'Ecole de Guerre en 1871 et
y conquiert le brevet d'adjoint d'état-major
en 1875. Nommé capitaine en 1876, il est désigné comme répétiteur du cours d ' a r t militaire à l'Ecole Militaire.
En 1881, Hanssens o f f r e ses services au
Comité d'Etudes du Haut-Congo, qui les
agrée; il est détaché provisoirement à
l'Institut cartographique militaire et fin
janvier 1882 il s'embarque pour l'Afrique.
Le 5 mars, il touche Banana et, avec ses
compagnons de voyage, les lieutenants Joseph Vandevelde, Nilis et Grang, il remonte
le fleuve jusqu'à Vivi.
Ici commence — et s'achèvera — une carrière coloniale d'une extraordinaire richesse
de réalisations.
Dès le début, la puissante et noble personnalité de Hanssens se dégage; chaque
jour elle s ' a f f i r m e r a davantage; elle rayonnait dans tout son éclat quand la mort, bien
prématurément, y mit un terme.
C'est le 4 juillet 1882 que Stanley rencontre Hanssens à Vivi. Le grand explorateur
descendait à la côte pour embarquer vers
l'Europe et y prendre le repos que réclamait
son état d'épuisement. Il remet au D1' Pechuel-Loesche, qui avait été désigné par Bruxelles, les pouvoirs qu'il détenait, mais il
confie à Hanssens le commandement de la
région du Bas-Congo.
L'autorité du capitaine Hanssens s'étendait de Vivi à Léopoldville et sa mission
consistait essentiellement à organiser la
région des Cataractes, eu vue du meilleur
et du plus rapide acheminement des ravitaillements vers Léopoldville.
L'accomplissement de cette mission amène
Hanssens, le 3 septembre 1882, à Léopoldville. Il y constate une situation déplorable.
Le D1' Pechuel-Loesche, remplaçant intérimaire de Stanley, et le capitaine Braconnier,
chef du poste, sont tous deux malades;
les relations avec les indigènes sont plutôt
mauvaises; le chef N'galiema, de la bonne
volonté de qui dépend le ravitaillement, ne
se montre plus à la station, et ses sujets
de N'Kitamo n'apportent plus de vivres;
bref, la famine menace la station; le moral
est bas. Hanssens présent, telle situation
ne pouvait perdurer. En effet, le capitaine
Hanssens possédait au plus h a u t degré le
don du commandement. Tous ceux qui partagèrent ses t r a v a u x s'accordent pour lui
reconnaître un bel équilibre mental et physique qui se traduisait par une égalité d'humeur inaltérable et une jovialité de bon aloi.
Généreux et bon, il avait dans ses rapports
avec ses subordonnés des mots qui allaient
au cœur. Il avait l'aspect imposant ; sa voix
sonore, sa belle barbe pleine impressionnaient les indigènes et son f r a n c sourire
lui gagnait leur cœur.
Très cultivé et possédant, avec un jugement sain, un sentiment très élevé du devoir,
l'avenir de l'entreprise du Roi était sa préoccupation la plus pressante.
II jugea tout de suite qu'un PechuelLoesche pouvait tout compromettre.
Ce docteur allemand apparaît dans les
relations de l'époque sous des dehors assez
énigmatiques ; certains n'hésitent pas à voir
en lui un agent de désorganisation conscient ;
d ' a u t r e s le considèrent simplement comme
un être faible, timoré, ridicule; tous cepend a n t sont d'accord pour voir en lui un
homme néfaste à l'œuvre qu'il devait servir.
Le D r Pechuel-Loesche ayant réuni un
conseil pour discuter de la situation qu'il
considérait comme désespérée, Hanssens
feint d'épouser son point de vue et lui suggère de rentrer en Europe pour l'exposer au
Comité d'Etudes.
Pechuel-Loesche accueille la suggestion
avec empressement et remet à Hanssens ses
pouvoirs, non sans lui f a i r e promettre au
préalable qu'en son absence rien ne serait
entrepris. Hanssens, avec un sourire à peine
dissimulé, accepte et embarque le personnage.
Désormais libre de ses mouvements, Hanssens examine la situation. Les projets du
Comité d'Etudes lui sont inconnus; ce n'est
qu'à l'arrivée de Coquilhat, et par lui, qu'il
apprendra ce qu'on pense et ce qu'on projette
à Bruxelles. II est même dépourvu d'instructions générales. Mais Hanssens n'est pas
homme à piétiner sur place. Il jette un
regard derrière lui : les postes de la région
des Cataractes sont tous en bonnes m a i n s ;
devant lui, le Haut-Congo est là non occupé
et objet des convoitises du voisin. C'est vers
lui que Hanssens va diriger ses efforts.
Malheureusement, ses moyens sont singulièrement modestes.
h'En-Avant
est immobilisé : une pièce
essentielle de la machine a disparu et ne se
retrouvera qu'au retour de Stanley à Léopoldville. Il ne reste comme embarcation
disponible qu'une baleinière, l'Eclaireur. Il
f a u t brûler d'une foi extraordinaire dans le
succès pour oser tenter l'aventure avec de
tels moyens.
Hanssens arrête son programme et, sans
désemparer, le met à exécution.
Il envoie Braconnier prendre un repos à
la côte et le remplace à Léopoldville par le
sous-lieutenant Grang; il met en chantier
la construction d ' u n e route entre Manianga
et Léopoldville; il renoue les relations avec
le chef N'Galiema, dont l'arrogance va jusqu'à exiger qu'un otage blanc réside à
Kitamo pendant la durée de ses visites chez
Hanssens; il décide de constituer à M'Suata,
chez le brave chef Gobila, un dépôt de
vivres et de matériel pour ravitailler les
f u t u r e s stations du H a u t Fleuve.. Ses arrières assurés, le Bas-Congo et Léopoldville ne
réclamant plus sa présence, le 13 octobre 1882, le capitaine Hanssens embarque
sur VEclaireur,
accompagné d'un agent,
Boulanger, et de onze Zanzibarites.
Le 17 octobre, 11 est à M'Suata, où commande le lieutenant J a n s s e n s ; il y renforce
son escorte par le prélèvement sur la garnison d'une douzaine de Zanzibarites et il
remplace provisoirement Janssen, qui a préparé le voyage vers le H a u t , par Boulanger.
Le 23 octobre, VEclaireur, escorté de deux
pirogues, se dirige vers le H a u t . Le 24, il
est devant l'embouchure du Kasai et le 27
devant Tshumbiri. Depuis trois jours, les
populations riveraines devant lesquelles on
défilait manifestaient les sentiments les plus
agressifs. Enfin, le 30, l'expédition touchait
Bolobo, résidence du grand chef des Bayanzi. Après une dizaine de jours de pourparlers, le chef Kuka des Bayanzi signa u n
traité plaçant ses terres et leurs populations
sous le drapeau de l'Association, Les équipages de la flottille entamèrent immédiatement la construction d'un poste.
On reste étonné du rapide succès obtenu
par Hanssens chez les Bayanzi, population
particulièrement
turbulente,
quand
on
retient qu'il aborda Bolobo, descendant
d'une modeste allège montée par huit rameurs, escortée de deux pirogues et six
pagayeurs. Pour s'imposer à ces foules primitives, défiantes et brutales, la personnalité de Hanssens suffisait : leur attention se
concentrait sur lui, elles oubliaient de
constater que son escorte était bien faible
et que lui-même n'était pas armé.
Le ravitaillement emporté touchant à sa
fin, Hanssens renvoie VEclaireur à Léopoldville pour y prendre des charges et amener
à Bolobo le lieutenant Orban, désigné pour
prendre le commandement de la nouvelle
station.
Le 22 décembre 1S82, il est rejoint par le
lieutenant
Coquilhat,
arrivé
récemment
d'Europe, qui le met au courant des vues
du Comité d'Etudes du Haut-Congo et des
projets de création de stations à l'Equateur
et chez les Bangalas.
Ces nouvelles enchantent Hanssens, qui
prend ses dispositions pour regagner Léopoldville et y organiser l'expédition que
demande le Comité d'Etudes.
A la descente, il conclut des traités avec
les indigènes de l'embouchure du Kasai et
y acquiert, le t e r r a i n nécessaire à l'édification du poste de Kwamouth.
En moins de trois mois l'autorité nominale de l'Association avait été portée à plus
de 300 kilomètres en amont du Stanley-Pool
et les portes du bassin du Kasai lui étaient
acquises.
En débarquant à Léopoldville, au début
de janvier 1883, Hanssens apprend le retour
inattendu au Congo de Stanley et sa désignation par celui-ci au commandement de la
zone comprise entre l'Atlantique et le
Stanley-Pool, celle-ci comprenant la totalité
du bassin du Kwilu-Niari.
Hanssens se met aussitôt en route. Il
rencontre- Stanley à Manianga, où il reçoit
ses instructions comportant le rattachement
de Manianga à l'expédition Kwilu-Niari, partie de Vivi le 13 janvier sous les ordres du
capitaine Grant-Elliott et qui a comme base
Isangila.
L'opération répondait à une grave préoccupation du Roi. Les prétentions portugaises menaçaient de priver les territoires de
l'Association de leur débouché naturel vers
l'Océan; si elles prévalaient il fallait que
l'Association f û t assurée par une occupation
effective de la possession de l'exutoire plus
septentrional que constituait le Loango.
Le colonel Van Gèle, qui f u t un des lieutenants et le continuateur de Hanssens dans
sa mission d'occupation du Haut-Congo,
consacre à son ancien chef quelques pages
dans lesquelles débordent les sentiments de
haute estime et d'affection qu'il nourrissait
à son égard et qui mettent en lumière le
rôle éminent du,capitaine Hanssens au cours
de la période de constitution du nouvel E t a t
africain.
« La mission du capitaine Hanssens »,
écrit Van Gèle, <i était extrêmement délicate,
car il fallait longer la zone concédée à
M. de Brazza par les chefs Bateke et, sans
froisser les sentiments de l'expédition f r a n çaise, tâcher d'obtenir la priorité dans
l'octroi des traités de cession. L'importance
politique de cette démarche justifie le choix
de Stanley. Le capitaine belge était l'homme qui convenait pour accomplir avec succès cette tâché ingrate et pleine d'écueils.
Son talent, son profond sens politique, son
expérience et son habileté à résoudre des
situations difficiles devaient f a i r e miracle. »
Stanley, dans son ouvrage « Cinq années
au Congo •>•., lui consacre ces lignes :
« Le capitaine Hanssens semblait avoir
endossé, pour venir en Afrique, cette armure
qui rend l'homme invincible à tout : le
courage moral. Chargé de conduire une
expédition et de fonder des stations dans
des régions inconnues, il faisait ses prépar a t i f s avec une célérité et une sûreté étonnantes, pensant à tout, n'omettant rien,
veillant à ce qu'il ne m a n q u â t ni une carabine ni une aiguille ; et quand il se mettait
en route, l'aspect martial de son escouade
était le gage du succès qui l'attendait. »
(Lieutenant-colonel Van Gèle*: » Le capitaine Ha'nssens », Flambeau, n° 30, avril
1936.)
Accompagné du lieutenant I-Iarou, Hanssens s'enfonce à l'intérieur, dans un pays où
tous les obstacles semblent avoir été entassés pour arrêter la marche ; à ceux-ci
s'ajoute l'hostilité des populations. Hanssens tourne ou domine tout ce qui s'oppose
à sa progression. Il quitte Manianga le 23 février 1883 et, à travers la forêt, sans route
tracée, presque sans vivres, il a t t e i n t le
Niadi à K i n d a m b a ; q u a t r e jours plus t a r d ,
le 2 avril, il opère sa jonction avec Destrain,
à Stéplianieville ; r e m o n t a n t le Niadi, il
fonde le poste de Philippeville, à la limite
des territoires concédés à de B r a z z a . Sur le
chemin du retour, à N'Guda, il est a t t a q u é
p a r les indigènes et blessé a u pied p a r un
projectile de f u s i l à pierre. L ' a r d e n t dévouement de ses hommes le dégage de la mêlée.
Le 20 mai, il r e n t r e à Manianga et descend
à Borna f a i r e soigner sa blessure. A peine
rétabli il remonte d a n s le H a u t - N i a d i conclure des t r a i t é s avec les chefs indigènes
et fonde le poste de Mukumbi, sur le t r a j e t
Manianga- Philippe ville. Il en confie le commandement à Oasman.
L'expédition du Kwilu-Niari f u t exécutée
avec une célérité peu commune; ses résultats, bien exploités, f u r e n t d ' u n e importance
de premier ordre. En e f f e t , la conquête de
ces territoires m e t t a i t e n t r e les mains de
l'Association le gage qui lui permit de résoudre le problème, vital pour elle, du libre
accès à l'Océan. Elle ne f i t l ' o b j e t que de
peu de commentaires, car elle a p p a r u t vite
comme n ' é t a n t qu'une habile m a n œ u v r e
d a n s une action diplomatique. L'occupation
de la région f u t brève, puisqu'elle cessa
après la conclusion des accords de 1885 avec
le P o r t u g a l et la F r a n c e .
Sans vouloir minimiser la p a r t que p r i r e n t
à
cette
expédition
les
Grant-Elliott,
Destrain, Vandevelde, etc., on p e u t dire que
les résultats qui la couronnèrent sont dus,
en ordre principal, à. la brillante intervention de Hanssens.
L ' a n n é e 1883 s'achève pour Hanssens d a n s
les multiples préoccupations de l'organisation des territoires placés sous son commandement. P e n d a n t que le capitaine H a n s sens a s s u r a i t les arrières, Stanley a v a i t
entrepris deux g r a n d s voyages dans le H a u t Congo. Une station avait été fondée à
l ' E q u a t e u r , une a u t r e a u x Stanley-Falls.
E n t r e ces deux points l'occupation — qui
s ' a v é r a i t difficile — restait à r é a l i s e r ; à
Bruxelles comme en Afrique, on estimait
qu'il y avait urgence à l ' e n t r e p r e n d r e ; mais
Stanley, épuisé, s o u f f r a n t du foie, sentit la
nécessité de r e n t r e r se reposer en Europe
et de passer la main. Tout désignait le capitaine Hanssens pour r e p r e n d r e la direction
des opérations d a n s le Haut-Congo.
Assurément, Hanssens, à ce moment,
n ' a v a i t pas l'expérience des choses d u ~ H a u t
que Stanley avait si durement acquise, mais
à un plus h a u t degré que celui qu'il allait
remplacer, il possédait l ' a r t de s ' a t t a c h e r
les c œ u r s et de susciter les dévouements.
A l'appel de Stanley, Hanssens quitte Manianga et retrouve à Léopoldville, le 15 février 1884, l'illustre explorateur.
Celui-ci lui dit que son é t a t de santé ne
lui permet pas de reprendre la r o u t e des
F a l l s ; que c'est à lui, Hanssens, qu'il appart i e n d r a d'ouvrir définitivement à la civilisation la p a r t i e du Fleuve qui s'étend du poste
extrême fondé aux Stanley-Falls, à la station de l ' E q u a t e u r .
Hanssens, sans t a r d e r , organise son expédition, Celle-ci comprendra trois petits
vapeurs, j a u g e a n t ensemble une vingtaine de
tonnes ; l'EricAvant,
l'A, I. A. et le Royal;
quelques allèges compléteront la flottille qui
embarquera sept Européens : le capitaine
Hanssens, Wester, Amelot, Drees, Guérin,
Courtois et Nicholls, une cinquantaine de
Noirs et u n e g r a n d e quantité de m a r c h a n dises et de ravitaillement.
L e d é p a r t de Léopoldville a lieu le
23 m a r s 1884.
Après un a r r ê t à M ' S u a t a , où les indigènes pleurent encore la mort de l'ancien
chef de poste, le lieutenant J a n s s e n , accidentellement noyé dans les flots du Congo,
Hanssens rencontre le 29, près de Kwamouth, P i e r r e de B r a z z a ; entrevue cordiale
qui ne détourne pas H a n s s e n s de ses intentions d ' a t t e i n d r e au plus tôt la région des
Bangalas.
. Le 3 avril, l'expédition atteint Bolobo, où
le lieutenant Liebrechts a f a i t des B a y a n z i
des collaborateurs dévoués. Hanssens ne s'y
a t t a r d e pas. Il reprend la navigation, fonde
le poste de N ' G a n d u et, e n t r e Bolobo et
Equateurville, conclut avec les chefs des
t r a i t é s qui étendent à leurs territoires la
souveraineté de l'Association,
Le 17 avril, Hanssens a m a r r e sa flottille
à la rive d'Equateurville, où il retrouve
Van Gèle et Coquilhat, qui, en dix mois, ont
f a i t de ce poste une station modèle. Son
arrivée y est fêtée par les Blancs et les
Noirs.
Le personnel du Haut-Congo, en e f f e t ,
s a c h a n t Stanley en route vers la côte, se
d e m a n d a i t , non sans une certaine inquié' tude, quel serait le chef qui les conduirait
e n son absence. L a désignation de « N ' S a s si » — nom indigène de Hanssens — les
combla de joie.
Van Gèle et Coquilhat, en t r a i t a n t d e la
situation de la région, exposent à Hanssens
le vif désir qu'ils éprouvent de p a r t i r en
exploration vers l'Ubangi pour y relever le
confluent et le cours inférieur d e la rivière
signalée p a r Stanley en 1877, v e r s . la rive
occupée p a r les Ubangi.
Hanssens, qui dispose de l ' E n - A v a n t ,
décide d ' e f f e c t u e r immédiatement la reconnaissance. Le 19 avril, la petite expédition,
composée de Hanssens, du lieutenant Van
Gèle, du pharmacie'n Courtois, de Guérin et
du mécanicien Amelot, tous Belges, se met
en route. L'équipage comprend dix Zanzibarites et un indigène de l ' E q u a t e u r qui
servira d'interprète.
L ' E n - A v a n t , après trois jours de pénible
navigation d a n s u n dédale d'îlots, rencontre e n f i n des pêcheurs qui consentent à
piloter le bateau jusque d a n s les e a u x de
l ' U b a n g i ; c'était le 21 avril 1884.
On côtoie la rive droite ; bientôt la berge
se couvre d'indigènes, qui ne m a n i f e s t e n t
que de la surprise. Après avoir navigué sur
u n e distance d'environ
40 kilomètres,
l'En-Avant
accoste au village de Bisongo. L a
rive fourmille d'indigènes en armes. H a n s sens, accompagné de l ' i n t e r p r è t e et suivi
des a u t r e s Blancs, descend à t e r r e le premier en caressant sa barbe d'un geste f a m i lier. L ' i n t e r p r è t e communique à la foule les
intentions du grand chef blanc qui les
visite; la foule approuve et quelques heures
après le chef Makoko f a i t avec Hanssens
l'échange du sang. Tous deux passent
ensuite un t r a i t é contresigné p a r Van Gèle,
Courtois et Amelot, qui assure k l'Association le protectorat des deux rives de
l'Ubangi. Cette prise de possession des deux
rives de l'Ubangi avait, du point de vue de
la détermination ultérieure des limites des
possessions respectives d e l'Association et
de la France, une importance m a j e u r e . E t
cependant, on omit d'en t i r e r a r g u m e n t au
cours des longues et pénibles négociations
de rétablissement du t r a i t é de délimitation
de cette région du Congo. Cette inexplicable
omission f i t qu'on amorça la f r o n t i è r e à un
point de la rive du Congo situé en amont
de l'embouchure de l'Ubangi.
Hanssens n'avait-il pas donné k cette
prise de possession une s u f f i s a n t e publicité?
Le 25 avril 1884, dans une l e t t r e que Le
Congo Illustré de 1892 a publiée, Hanssens
expose qu'en t r a i t a n t avec le chef Makoko
il s ' a s s u r a i t le protectorat sur le territoire
d l I r a n g a et de l'Ubangi rive gauche, « point
intéressant, commandant la sortie d ' u n
a f f l u e n t considérable qui était renseigné sur
les cartes comme existant
probablement,
mais de l'existence réelle duquel, écrivait-il,
j ' a i pu m ' a s s u r e r , puisque j ' a i pénétré à
plusieurs lieues à l'intérieur. L ' a f f l u e n t
porte vers sa jonction avec le Congo le nom
de M ' B u n d j a » (qui f u t altéré plus t a r d en
N'Kundja).
L e 11 m a i 1884, Hanssens expédiait à
l ' A d m i n i s t r a t e u r Général, sir F r a n c i s de
Winton, r a p p o r t sur la visite des postes et
les reconnaissances qu'il a v a i t effectuées
j u s q u ' à cette date. Ce r a p p o r t donnait une
relation complète et précise de la reconnaissance du Bas-Ubangi et il est certainement
a r r i v é à Bruxelles, car trois mois plus t a r d
— le 11 août — le « Mouvement géographique » annonçait, sur communication de
l'Association, l'occupation de l'Ubangi par
Hanssens.
Ce n'est pas la f a u t e de Hanssens si,
après sa mort, la découverte qu'il avait
f a i t e de l'Ubangi ne f u t pas exploitée à
fond, et il reste que ce qu'elle a procuré
à l ' E t a t Indépendant du Congo est d ' u n e
valeur inestimable.
R e n t r é à la station de l ' E q u a t e u r , Hanssens y achève minutieusement les préparat i f s de son expédition chez les Bangalas.
Le lieutenant Coquilhat, dont le choix
s'indiquait en raison de la connaissance
qu'il avait de cette population, pour avoir
participé avec Stanley, en janvier 1884, à
une tentative d'occupation, devait l'accompagner et, en cas de succès, prendre le
commandement de la nouvelle station.
Prévenu par l'échec de Stanley des difficultés que présente l'occupation qu'il projette, Hanssens ne néglige aucune chance.
Il recueille avec le plus g r a n d soin,
descendant d a n s les moindres détails, toutes
les informations susceptibles de lui faciliter
la tâche.
Amplement documenté sur le caractère des
chefs bangalas, sur les mobiles particuliers
qui animent chacun d'eux, sur l'esprit des
populations et sur les moyens propres à se
concilier tout le monde, Hanssens, après
avoir complété le personnel de l'expédition
p a r q u a t r e n a t i f s de l ' E q u a t e u r qui lui
serviront d'interprètes et d ' i n f o r m a t e u r s ,
lève l'ancre et vogue vers le H a u t .
Le 27 avril 1884, la flottille accoste à
Lulonga. T r è s rapidement, Hanssens p a r vient à dissiper la f r o i d e u r et la défiance
que les populations avaient manifestées lors
du passage de Stanley, et c'est presque avec
enthousiasme que les chefs finissent p a r
signer des traités.
Le 4 mai 1884, on est en vue de Makanza,
résidence du chef Iboko des Bangalas. R a r e s
sont les indigènes qui accourent à la rive,
mais toute la population, dissimulée d e r r i è r e
les huttes, observe avec mauvaise h u m e u r
et défiance les b a t e a u x qui approchent.
Après qu'un interprète, muni de quelques
cadeaux, eut a t t e r r i et annoncé que ce
n ' é t a i t pas Stanley qui allait aborder, la rive
se peuple d'hommes en armes, de femmes,
d ' e n f a n t s , a t t e n t i f s et silencieux. Hanssens,
résolu à vaincre l ' a p p a r e n t e indifférence des
Noirs à son égard, descend à t e r r e le premier, n ' a y a n t pour toute a r m e que sa pipe
et sa blague à t a b a c ; il fend la foule sans
p a r a î t r e r e m a r q u e r l'appareil guerrier de
certains groupes, et se dirige vers le quartier du c h e f ; il l'aperçoit et l'aborde en
lui p r e n a n t la main qu'il secoue vigoureusement. Le .vieux chef, interloqué, contemple
cette f i g u r e ouverte, souriante, r e s p i r a n t la
bonté; il est séduit et dit : « Soyons f r è r e s
de sang ».
La cérémonie eut lieu sur-le-champ, chacun
des Européens descendus à la suite de
Hanssens p r e n a n t parmi les notables un
f r è r e de sang.
Le t r a i t é plaçant le territoire d'Iboko
sous la souveraineté de l'Association f u t
signé le 7 mai, Cependant, il f a l l u t encore
trois j o u r s de laborieuses tractations pour
régler la question de l'établissement d ' u n
poste à Iboko; H a n s s e n s ' n ' e n l e v a la décision qu'en m e n a ç a n t le chef d'aller s'installer chez les Mobeka, tribu ennemie d ' a m o n t ,
et en simulant un départ.
Le 11 mai, Hanssens redescend à l'Equateur pour renouveler et compléter ses approvisionnements en vue de son voyage vers les
Stanley-Falls. Le 24, il est de r e t o u r à
Iboko, où il retrouve Coquilhat, qui métho-
d i q u e m e n t o r g a n i s e son i n s t a l l a t i o n .
Ce n ' e s t p a s s a n s a p p r é h e n s i o n s u r le
sort et l ' a v e n i r du v a i l l a n t o f f i c i e r qu'il
a b a n d o n n e avec de bien p i è t r e s moyens, a u
milieu de 30.000 a n t h r o p o p h a g e s , que H a n s sens, le l e n d e m a i n , f a i t ses a d i e u x à
Coquiihat et s ' e m b a r q u e pour le H a u t .
L e voyage d é b u t e p a r u n e brève reconn a i s s a n c e d e l a rivière. Mongala, le chef
Mobeka i n s t a l l é p r è s d e l ' e m b o u c h u r e , signe
u n t r a i t é a c c e p t a n t le d r a p e a u de l'Association.
Le 4 j u i n 1884, l'expédition a t t e i n t l ' I t i m biri, qu'elle r e m o n t e s u r u n p a r c o u r s de
15 k i l o m è t r e s .
L e 21 j u i n , on est à Basoko, à l'embouc h u r e d e l ' A r u w i m i . Un poste de t r o i s
Haoussas. y est é t a b l i . Mais le p h a r m a c i e n
Courtois est a t t e i n t d ' h é m a t u r i e et, m a l g r é
les soins e m p r e s s é s de ses compagnons, il
succombe le 26 j u i n .
L ' e x p é d i t i o n endeuillée a t t e i n t e n f i n les
F a l l s le 3 juillet. H a n s s e n s y t r o u v e le
chef de poste Binnie, qui y réside depuis l a
visite de S t a n l e y , en décembre 1883 ; la
s i t u a t i o n a u poste est bonne. B i n n i e , a u
cours de ces sept mois, s ' é t a n t acquis
l ' a f f e c t i o n des indigènes. L e l i e u t e n a n t
suédois W e s t e r et Amelot, qui lui r e s t e r a
a d j o i n t , r e m p l a c e r o n t Binnie, que H a n s s e n s
r a m è n e r a vers la côte.
L e 11 j u i l l e t 1884, H a n s s e n s q u i t t e les
F a l l s ; il descend le f l e u v e en l o n g e a n t la
r i v e g a u c h e et p é n è t r e d a n s le L o m a m i . L à
encore il conclut avec les indigènes des t r a i tés qui a s s u r e n t à l'Association la souver a i n e t é s u r d ' i m m e n s e s régions.
Le 19 juillet, il accoste à Iboko, où l a
s i t u a t i o n est t e n d u e , les indigènes n e pouv a n t c o m p r e n d r e que H a n s s e n s a i t f a i t
l ' é c h a n g e du s a n g avec leurs ennemis, les
Mobeka. Avec calme, f r a n c h e m e n t , é n e r g i q u e m e n t , il leur f a i t c o m p r e n d r e que le
B l a n c r e c h e r c h e l ' a m i t i é de t o u s les Noirs,
m a i s q u ' e n a u c u n c a s il n e s ' a l l i e r a avec
u n e t r i b u quelconque c o n t r e u n e t r i b u rivale,
Cette d é c l a r a t i o n i m p r e s s i o n n e désagréablem e n t les gens d ' I b o k o , c a r elle d é t r u i t u n
espoir qu'ils n o u r r i s s a i e n t d e p u i s l ' a r r i v é e
du B l a n c chez eux, celui de bénéficier de sa
f o r c e d a n s les e n t r e p r i s e s de b r i g a n d a g e
a u x q u e l l e s ils se l i v r a i e n t . D e v a n t leur
déception, H a n s s e n s , p o u r p r é v e n i r u n e réaction b r u t a l e dont e û t p u p â t i r l a j e u n e station, décide d ' y r é s i d e r quelques j o u r s .
C'est a u cours de ce s é j o u r à Iboko que
le c a p i t a i n e H a n s s e n s r e ç u t u n e l e t t r e autog r a p h e d u Iioi, lui f a i s a n t p a r t , n o t a m m e n t ,
d e la h a u t e i m p o r t a n c e q u ' i l a t t a c h e à la
p r o m p t e c r é a t i o n d ' u n e s t a t i o n chez les
Bangalas.
L e 22 juillet 1884, H a n s s e n s lève l ' a n c r e
p o u r r e g a g n e r Léopoldville ; il y a r r i v e le
6 a o û t , a p r è s u n e absence de 136 j o u r s .
Le b i l a n des r é s u l t a t s de l ' e x p é d i t i o n t o u t e
p a c i f i q u e qu'il
vient
de t e r m i n e r
est
impressionnant.
P a r t a n t dé Léopoldville, H a n s s e n s a é t a b l i
d e u x postes, l ' u n à Mubimo, p r è s de T s h u m biri, l ' a u t r e à Gombe, f a c e à l ' e m b o u c h u r e
de l ' U b a n g i ; il a d é c o u v e r t avec V a n Gèle
et acquis les rives 'de cette e m b o u c h u r e ; il
a conclu des t r a i t é s qui a s s u r e n t à l'Assoc i a t i o n des concessions à N ' G a n c h u , L i s a n gu, L i r a n g a et L u l o n g a ; p o u r s u i v a n t sa
m a r c h e plus en a v a n t , il. a occupé les B a n g a l a s ; il a f a i t recevoir le d r a p e a u bleu
étoilé d ' o r à Mobeka, à M ' P e s a , I r e n g e ,
Upoto, B u m b a , Yambinga, Ibembo, Monongeri, I s a n g i ; il a découvert la M o n g a l a ; il
est p a r v e n u à é t a b l i r u n p o s t e à Basoko, à
l ' e m b o u c h u r e de l ' A r u w i m i . Cette somme de
r é a l i s a t i o n s obtenues en moins de cinq mois,
avec des m o y e n s p a r f o i s dérisoires, s u f f i r a i t
p o u r a s s u r e r au c a p i t a i n e H a n s s e n s u n e
place d e choix a u p r e m i e r r a n g des Belges
qui s e r v i r e n t a u Congo la cause de l a
civilisation.
A son a r r i v é e à Léopoldville, H a n s s e n s y
r e n c o n t r e sir F r a n c i s de W i n t o n , l'Admin i s t r a t e u r G é n é r a l de l'Association. I l lui
d e m a n d e et il obtient l'envoi d ' u r g e n c e d e
r a v i t a i l l e m e n t et d e r e n f o r t s p o u r les B a n g a l a s . P u i s il r e p r e n d l a r o u t e d u H a u t ,
p o u r a s s u r e r p a r de n o u v e a u x t r a i t é s l e s
d r o i t s de l'Association s u r t o u t le t e r r i t o i r e
qui s ' é t e n d e n t r e Kwamouth' et Bolobo.
C'est à Bolobo, chez le l i e u t e n a n t Lieb r e c h t s , que lui p a r v i e n t d ' E u r o p e , le
18 octobre 1884, l ' a n n o n c e de sa n o m i n a t i o n
de Chevalier d e l ' O r d r e de Léopold. H a n s sens est le p r e m i e r o f f i c i e r belge a u q u e l
cette f l a t t e u s e d i s t i n c t i o n est décernée p o u r
services en A f r i q u e . Il f u t sensible à l ' h o n n e u r qui lui é t a i t échu, m a i s sa n a t u r e
g é n é r e u s e lui f a i t p r e n d r e i m m é d i a t e m e n t
la plume p o u r é c r i r e à Coquiihat :
« J e viens d ' ê t r e n o m m é chevalier d e
l ' O r d r e de Léopold p a r a r r ê t é du 19 juillet.
C'est la création des B a n g a l a s qui m ' a v a l u
cette distinction. J e vous renouvelle à c e t t e
occasion m e s r e m e r c î m e n t s p o u r l ' a s s i s t a n c e
intelligente et dévouée que vous m ' a v e z
p r ê t é e d a n s cette a f f a i r e ; s a n s vous j e
n ' a u r a i s j a m a i s r é u s s i ; c'est donc à v o u s
que j e dois m a croix, mon cher c a m a r a d e ,
et vous avez votre p a r t d a n s le r u b a n que
le Roi vient de placer à m a b o u t o n n i è r e , »
Coquiihat, c o m m e n t a n t c e t t e noble l e t t r e ,
se h a u s s e à la g r a n d e u r d e son chef en
écrivant :
« Ce digne chef qui p r e n d p o u r lui seul
les responsabilités veut p a r t a g e r les honn e u r s avec ses subordonnés. C'est de sa p a r t
u n a c t e de g r a n d e indulgence et de g r a n d
cœur. »
E t Van Gèle, leur compagnon à t o u s d e u x ,
dont l ' â m e est i m p r é g n é e des m ê m e s sentim e n t s , s ' é m e u t à leur voix et d i t :
« Ne croirait-on p a s e n t e n d r e d e u x hommes de P l u t a r q u e ? »
Q u i t t a n t Bolobo, H a n s s e n s se dirige v e r s
L u k o l e l a et I r e b u ; il s ' e n g a g e d a n s le chen a l qui relie le f l e u v e a u l a c T u m b a , en
f a i t la c i r c u m n a v i g a t i o n , p u i s r e m o n t e à
l ' E q u a t e u r , où il r e t r o u v e V a n Gèle, qui lui
f a i t u n e description e n t h o u s i a s t e des richesses agricoles du p a y s b a k a n g a situé s u r la
r i v e droite du fleuve, en f a c e de la s t a t i o n ,
« Allons ensemble occuper ce p a y s , d i t
H a n s s e n s , et y f a i r e f l o t t e r le d r a p e a u de
l'Association. »
E n moins d ' u n e semaine l'occupation f u t
réalisée et t o u t le t e r r i t o i r e e n t r e l ' U b a n g i
a u S u d , l'Iboko a u Nord, r a t t a c h é a u
d o m a i n e de l'Association.
E n r e n t r a n t à E q u a t e u r ville, H a n s s e n s y
t r o u v e u n message de s i r F r a n c i s d e W i n ton; l'Administrateur Général l'invitait à
r e n t r e r à Léopoldville.
H a n s s e n s y a r r i v e le 31 octobre 1884,
a c c o m p a g n é de Liebrechts, qu'il a p r i s à
Bolobo.
T o u s les E u r o p é e n s , la g a r n i s o n en a r m e s ,
les indigènes sont r a s s e m b l é s d e v a n t
le
d é b a r c a d è r e . I n t r i g u é s , H a n s s e n s et Lieb r e c h t s descendent à t e r r e et se- d i r i g e n t
v e r s le g r o u p e d ' E u r o p é e n s ; le colonel sir
F r a n c i s de W i n t o n s ' e n d é t a c h e et d o n n e
l e c t u r e de l ' a r r ê t é r o y a l d é c e r n a n t l a Croix
d e l ' O r d r e de Léopold a u c a p i t a i n e H a n s s e n s . L e c a p i t a i n e Zboinski, s o r t a n t des
r a n g s , a t t a c h e le b i j o u s u r la p o i t r i n e de
H a n s s e n s , p e n d a n t que les t r o u p e s présent e n t les a r m e s . Les a c c l a m a t i o n s m o n t e n t
d e t o u t e s p a r t s : Léopoldville f ê t e et h o n o r e
le pionnier qui s'est imposé à l ' a d m i r a t i o n
d e t o u s et q u i a conquis t o u s les c œ u r s .
L e 3 novembre, on a p p r e n d à Léopoldville
que l'Association, à la d e m a n d e d u R o i
d ' I t a l i e , a décidé d'envoyer u n e expédition
-chez les -Basokos p o u r t e n t e r la d é l i v r a n c e
de l'explorateur italien Casati, capturé par
les r i v e r a i n s d u Nepoko, a u r e t o u r d ' u n e
campagne an Soudan. Immédiatement Hanss e n s e n v i s a g e d ' e n p r e n d r e le commandem e n t . Mais t r o i s j o u r s plus t a r d , à l'issue
d ' u n e n t r e t i e n avec sir F r a n c i s d e W i n t o n ,
il a n n o n ç a i t a u x a g e n t s placés sous ses
o r d r e s , s a n s t o u t e f o i s dévoiler les m o t i f s de
sa d é t e r m i n a t i o n , q u ' i l compte r e n t r e r en
Belgique p a r la m a l l e p o r t u g a i s e q u i t t a n t
B a n a n a le 17 n o v e m b r e .
I l p a r t a g e son c o m m a n d e m e n t en d e u x
régions : il confie l a p r e m i è r e , qui s ' é t e n d
d u Pool à l ' E q u a t e u r , à C a s m a n , qui remp l a c e r a Van Gèle à E q u a t e u r v i l l e ; celui-ci
p r e n d r a le c o m m a n d e m e n t de la seconde
région, qui de l ' E q u a t e u r va j u s q u ' a u x F a l l s .
Ces dispositions prises, il q u i t t e Léopoldville le 8 n o v e m b r e .
Que s ' é t a i t - i l p a s s é ?
Ce s e r a i t s i n g u l i è r e m e n t m é c o n n a î t r e le
c a r a c t è r e de H a n s s e n s q u e d ' a t t r i b u e r sa
b r u s q u e décision à u n coup d e tête.
E n f a i t , le c a p i t a i n e H a n s s e n s a v a i t depuis
longtemps d e m a n d é , avec i n s i s t a n c e , que l a
s t a t i o n d e Léopoldville, base de l ' o c c u p a t i o n
des t e r r i t o i r e s d ' a m o n t , f û t r a t t a c h é e a u
c o m m a n d e m e n t d u Haut-Congo. Cette demande,
absolument
raisonnable,
n'avait
j a m a i s été accueillie. Elle f u t r e p r é s e n t é e
avec u n e i n s i s t a n c e p a r t i c u l i è r e , j u s t i f i é e
p a r les a g i s s e m e n t s d u chef d e poste d e
Léopoldville, le c a p i t a i n e a n g l a i s Saulez,
qui, a b u s a n t de sa s i t u a t i o n i n d é p e n d a n t e ,
r e f u s a i t à H a n s s e n s les h o m m e s et les r a v i t a i l l e m e n t s que celui-ci d e m a n d a i t pour la
bonne exécution de sa mission.
L'Administrateur Général ayant écarté
c e t t e fois encore la légitime r e v e n d i c a t i o n
du c o m m a n d a n t d u H a u t - C o n g o , celui-ci
e s t i m a q u e la décision d e v a i t f a i r e l ' o b j e t
d ' u n appel i m m é d i a t et q u ' i l c o n v e n a i t —
son t e r m e de service é t a n t
d'ailleurs
e x p i r é — q u ' i l le p o r t â t lui-même
à
B r u x e l l e s , A r r i v é à Vivi, H a n s s e n s revoit
sir F r a n c i s d e W i n t o n , qui s ' e f f r a i e d e s
conséquences q u ' e n t r a î n e sa décision et des
responsabilités q u ' e l l e lui f a i t a s s u m e r . Il
revient s u r celle-ci et r e t i e n t avec satisf a c t i o n la décision que p r e n d
Hanssens,
sur-le-champ, de d i f f é r e r sa r e n t r é e en congé
et de r e m o n t e r d a n s le H a u t .
M a i s H a n s s e n s a t r o p p r é s u m é d e ses
forces. Cet h o m m e , d ' u n e r é s i s t a n c e physique et m o r a l e e x t r a o r d i n a i r e , qui, a u c o u r s
des d e u x p r e m i è r e s a n n é e s d e son s é j o u r ,
n ' a v a i t j a m a i s é p r o u v é m a l a i s e ou d é f a i l lance, qui s ' é t a i t t o u j o u r s s e n t i dispos et
a r d e n t , qui d a n s l ' a c t i o n d u j o u r se repos a i t des f a t i g u e s d e la veille, qui a v a i t
e n d u r é la f a i m , la soif, les r i g u e u r s d ' u n
ciel de f e u , s a n s que sa bonne h u m e u r f û t
e n t a m é e , depuis quelque t e m p s p a y a i t son
tribut au climat.
A Vivi, la f i è v r e n e le q u i t t e p a s et malg r é les soins e m p r e s s é s d u D r Leslie,
l'hématurie l'emporte.
- Il m e u r t , le 28 décembre 1884, en d i s a n t :
(t Adieu les rêves, a d i e u à t o u s et à t o u t >,.
D a n s les m i l i e u x coloniaux et particulièr e m e n t p a r m i les p i o n n i e r s et les v é t é r a n s ,
la m é m o i r e d u c a p i t a i n e H a n s s e n s est l'obj e t d ' u n e v é r i t a b l e v é n é r a t i o n . L e s Coquiih a t , les Van Gèle, l e s L i e b r e c h t s , q u i f u r e n t
d i r e c t e m e n t sous ses ordres, eux-mêmes hér o s d ' u n e m a g n i f i q u e épopée, t o u s ceux qui
le c o n n u r e n t u n i s s e n t l e u r voix p o u r proc l a m e r q u e H a n s s e n s f u t en A f r i q u e u n
g r a n d chef, u n g r a n d c œ u r , u n g r a n d Belge.
H a n s s e n s repose à Vivi,
E n j u i l l e t 1890, V a n Gèle et L e M a r i n e l
b a p t i s è r e n t d u n o m de « C h u t e s H a n s s e n s »
les r a p i d e s qui a r r ê t è r e n t l e u r reconnaissance d u B o m u .
L a ville de F u r n e s a élevé u n m o n u m e n t
à la m é m o i r e de son i l l u s t r e e n f a n t .
On doit à la p l u m e de H a n s s e n s : Les premières explorations
du Haut-Congo,
lettres
inédites, Congo I l l u s t r é , 1892. Les
Bayanzi
mœurs et coutumes,
Mouvement géographique, 1884. Les service des transports
entre
Matadi et Manianga,
Mouvement géographique, 1891.
23 décembre 1946.
A. Engels.
Inst. roy. colon. belge
Biographie Coloniale Belge,
T. I, 1948, col. 479-493
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