Décret anti-cagoule : une mesure inapplicable

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Décret anti-cagoule : une mesure inapplicable
Source : http://www.sortirdunucleaire.org/Decret-anti-cagoule-une-mesure
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22 avril 2009
Décret anti-cagoule : une mesure
inapplicable ?
A la suite des incidents des manifestations anti-OTAN à Strasbourg, Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir
interdire le port de cagoules lors des manifestations. Comme l’a réaffirmé le secrétaire général de
l’UMP, Xavier Bertrand, mardi 22 avril sur France Info, une personne manifestant sur la voie publique,
si elle n’a rien à se reprocher, n’a pas besoin de cacher son visage.
Un projet de décret a déjà été transmis au ministère de l’intérieur : il prévoit que "tout participant à
une manifestation publique, en dissimulant volontairement son visage dans le but de ne pas être
identifié, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 5e classe : 1 500 euros".
Alors que nombre de manifestations voient des gens déguisés, grimés ou portant des masques, une
telle mesure semble difficilement envisageable sur un plan pratique.
Les syndicats de police, eux, la jugent tout simplement inapplicable. "Il sera quasiment impossible
d’aller chercher les gens cagoulés au cœur d’une manifestation", fait remarquer Fabrice Ribeiro,
secrétaire général adjoint du syndicat d’officiers Synergie. Michel Tubiana, président d’honneur de la
Ligue de droits de l’homme, dénonce, pour sa part, "une mesure grotesque qui va créer plus de
problèmes qu’elle n’en résoudra".
LIBERTÉ DE MANIFESTER OU TROUBLE À L’ORDRE PUBLIC ?
Autre question posée par une telle disposition : savoir si l’interdiction de masquer son visage
constitue bien une atteinte à la liberté de manifester. C’est l’avis de Sortir du nucléaire qui a prévu
des manifestations masquées les 25 et 26 avril. "Cette manifestation, organisée partout en France,
va-t-elle devenir illégale ?", s’interroge l’association qui craint qu’à l’avenir tout manifestant masqué,
même sans intention de nuire, puisse alors être interpellé.
Xavier Latour, professeur de droit à l’université Paris-V Descartes, nuance : "Le droit de manifester est
encadré depuis bien longtemps en France : la possibilité d’être filmé est la contrepartie du droit de
manifester." "Mais, note l’universitaire, ce qui peut effectivement poser problème, c’est l’usage et
l’éventuel fichage à partir des images recueillies."
Si le décret venait à voir le jour, il y a fort à parier que le Conseil d’Etat serait amené à se pencher sur
la question. "Ce sera à lui de se prononcer sur la compatibilité de la mesure au regard des libertés.
Or, en droit français, le principe de base est la liberté de manifester et l’encadrement par la police
doit rester une exception ", note Xavier Latour.
Reste à savoir comment sera formulé le décret. "Encore faut-il définir ce qu’est une cagoule et à
partir de quel moment son port est délictueux", remarque Michel Tubiana. "C’est l’éternel problème
quand on légifère dans le domaine des restrictions des libertés : trouver l’équilibre entre les
inconvénients de la restriction et les avantages pour l’ordre public", ajoute Xavier Latour. Pour le
professeur de droit, l’argument sécuritaire n’est pas le seul en jeu : "Depuis une loi de 1986, l’Etat est
considéré comme responsable des dégradations commises lors de manifestations. Avec ce projet de
décret, il cherche un moyen dissuasif pour ne plus avoir à payer les pots cassés."

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