Sarkozy au Congo : les dessous d`une conférence embarrassante

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Sarkozy au Congo : les dessous d`une conférence embarrassante
Sarkozy au Congo : les dessous d’une conférence embarrassante
Écrit par Mediapart
Mardi, 29 Juillet 2014 08:41 - Mis à jour Mardi, 29 Juillet 2014 09:17
L’ancien président français a été copieusement rémunéré par Forbes Afrique pour une
conférence controversée, donnée le 25 juillet au Congo, en présence de l’autocrate Denis
Sassou Nguesso. Selon plusieurs documents judiciaires obtenus par Mediapart, le directeur de
la société propriétaire du magazine est aujourd’hui suspecté par la police française d’être un
homme de paille du clan Sassou dans plusieurs opérations de détournements de fonds
pouvant atteindre
60 millions d’euros.
Où a-t-il encore mis les pieds ? Avant un possible retour politique à la rentrée en France, c’est
chez le très controversé président congolais Denis Sassou Nguesso que Nicolas Sarkozy a fait
cette semaine un discret et très rémunérateur aller-retour, comme plusieurs médias s’en sont
fait l’écho ces dernières 48 heures. L’ancien chef de l’État s’est en effet rendu, vendredi 25
juillet, au Congo-Brazzaville, pour une intervention au Forum économique Forbes, organisé par
le magazine Forbes Afrique, en présence de Sassou Nguesso.
D’après un organisateur, qui s’est confié à Mediapart sous le couvert de l’anonymat, Nicolas
Sarkozy a été directement rémunéré par Forbes – certains avancent la somme de 100 000
euros
–,
dont le président-fondateur, l’homme d’affaires Lucien Ebata, est un proche du président
congolais.
Nicolas Sarkozy accueilli au forum par Lucien Ebaba, Mais la présence d’un autre
personnage-clé dans la galaxie de Forbes Afrique pourrait s’avérer embarrassante pour Nicolas
Sarkozy, déjà empêtré dans de nombreuses affaires financières en France.
Selon plusieurs documents judiciaires obtenus par Mediapart, le directeur de la société
propriétaire du magazine, F. Afrique Medias Holding SA, domiciliée en Suisse, est aujourd’hui
suspecté par la police française d’être un homme de paille du clan Sassou dans plusieurs
opérations de corruption et de détournements de fonds pouvant atteindre 60 millions d’euros.
L’homme s’appelle Philippe Chironi. C’est un Français, établi à Nyon, en Suisse.
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Sarkozy au Congo : les dessous d’une conférence embarrassante
Écrit par Mediapart
Mardi, 29 Juillet 2014 08:41 - Mis à jour Mardi, 29 Juillet 2014 09:17
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L’opération de promotion de Sassou Nguesso
Une partie des sommes a servi à l’achat par la famille Sassou Nguesso d’au moins 7,7 millions
d’euros de montres, bijoux, costumes, chemises dans des boutiques de luxe à Paris, comme
Mediapart l’a déjà raconté. Pendant ce temps, le Congo, lui, continue defaire partie des « pays
pauvres très endettés » (PPTE) référencés par la Banque mondiale. Près de la moitié de la
population y vit en dessous du seuil de pauvreté ; l’accès à l’eau potable ou à l’électricité
demeure encore difficile ; le taux de chômage national dépasse les 30 % et un quart des
enfants congolais de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique.
Une précédente édition du Forum économique Forbes, en 2013, avait été financée par Orion
Oil et la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), dont le conseiller juridique, Sylvain
Lekaka, “parent” de Sassou, selon La Lettre du Continent, préside le conseil d’administration de
Forbes Afrique.
Sassou Nguesso et Lucien Ebata sont des familiers de plusieurs personnalités politiques
françaises. L’année dernière, lorsque Nicolas Sarkozy avait décliné son invitation au forum,
Ebata avait convié Jean-François Copé. L’ancien président de l’UMP avait lui aussi
étérémunéré pour son intervention (30 000 euros, selon Le Journal du Dimanche). Dans le
même temps, l’ancienne ministre UMP Rachida Dati avait été reçue très chaleureusement par
Sassou Nguesso. Au point que des sites africains s’étaient interrogés sur l’objet des visites des
responsables UMP (lire notre article).
Face à la polémique suscitée au Congo par le coût démesuré de la conférence, Lucien Ebata
avait dû venir s’expliquer en catastrophe sur la télévision nationale, TV-Congo. Il avait assuré,
en dépit des informations déjà confirmées, que les intervenantsétaient venus à titre gratuit et
que l’État n’avait pas déboursé un centime.
Deux ans plus tôt, ce sont les anciens premiers ministres chiraquiens Jean-Pierre Raffarin et
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Dominique de Villepin qui étaient présents au lancement de Forbes Afrique. Comme Copé, ils
avaient fait le déplacement dans un avion de 50 places, spécialement affrété depuis Paris.
Chaque année, les invités sont hebergés dans des hôtels cinq étoiles de la capitale.
En se rendant à cette conférence, Nicolas Sarkozy a en tout cas participé à l’opération de
promotion de Sassou Nguesso. Le forum comme la revue sont à la gloire du président
congolais et visent à améliorer son image sur la scène internationale. « Forbes Afrique
ouForbes Sassou ? » s’interrogeait d’ailleurs, le 30 août 2012, La Lettre du Continent,
publication spécialisée dans les questions africaines. Dès son premier numéro, Forbes Afrique
lui a consacré un dossier de six pages – modestement intitulé « Congo-Brazzaville : l’aube
nouvelle ». On pouvait y lire que, depuis son retour au pouvoir en 1997, Sassou Nguesso « a
travaillé essentiellement à redonner l’espoir de vivre à ses quelque 3 millions et demi de
compatriotes ».
Dans ce même numéro, figurait aussi un portrait de Vincent Bolloré. L’homme d’affaires
français, qui contrôle l’agence publicitaire Havas, organisatrice du forum Forbes, est bien établi
au Congo. En 2009, il a remporté la concession du terminal à conteneurs de Pointe-Noire.
Selon l’homme d’affaires franco espagnol Jacques Dupuydauby, Nicolas Sarkozy aurait alors
fait pression sur le président Sassou Nguesso, qui avait pesé de tout son poids pour que
Bolloré, concurrencé par Dubaï Ports, l’emporte. Ce qu’avait démenti à Mediapart l’industriel
français, en affirmant l’avoir obtenu « en toute légalité ».
Boite noire
Sollicitée à plusieurs reprises, Véronique Waché, la conseillère presse de Nicolas Sarkozy, n’a
pas retourné nos appels. Contacté par mail, Lucien Ebata n’a pas répondu à nos questions.
Par Fabrice Arfi et Marine Turchi
Source Mediapart
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