Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus

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Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus
Maribel Fierro*
Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus :
l’élaboration de la légitimité almohade1
Abstract: Mahdism is one of the means offered by Islamic tradition to legitimize a ruler. It
is of special relevance when the aim is to renovate society and to eliminate old politico-religious
elites and create new ones. Mahdism might be seen as the continuation of the model khalîfat
Allâh, i. e., the ruler as delegate or representative of God on earth, a model that was preserved
by the Shiites but which the Sunnites eventually discarded in favour of the model khalîfat rasûl
Allâh. Yet, the model has resurfaced in the Sunni community in differents periods and in
different forms. The Almohad period (12th century) was one of them. This paper shows how
Almohad Mahdism was shaped as a response to the political and religious establishment that
the Almohads encountered when they conquered al-Andalus.
Résumé : Le mahdisme est l’une des voies offerte par la tradition musulmane pour légitimer un chef politique, particulièrement lorsque le but est de rénover la société et d’éliminer
les vieilles élites politico-religieuses.
Le mahdisme peut être appréhendé comme la perpétuation du modèle du khalîfat Allâh c’està-dire du chef légitimé en tant que représentant de Dieu sur Terre, modèle conservé par les chiites;
les sunnites favorisant le modèle khalîfat rasûl Allâh. Malgré tout, à différentes époques et sous
différentes formes, ce modèle a fait à nouveau surface dans le monde sunnite et la période almohade (XIIe siècle) fut l’une d’entre-elles.
* C.S.I.C., Madrid.
1. Je tiens à remercier D. Wasserstein, M. Acién Almansa et M. Cook pour leurs commentaires.
REMMM 91-92-93-94, 107-124
108 / Maribel Fierro
Cet article montre à quel point le mahdisme almohade a été conçu comme une alternative
au système que les Almohades rencontrèrent lorsqu’ils conquirent al-Andalus, et comme une
justification au remplacement du personnel politique et religieux en place.
Allâhu rabbu-nâ MuÌammad rasûlu-nâ
al-mahdi imâmu-nâ
« Dieu est notre Seigneur, MuÌammad est notre prophète, le mahdi est notre
imâm » (Allâhu rabbu-nâ wa-MuÌammad rasûlu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâ).
Cette formule caractérise tant les monnaies frappées par le rebelle soufi Ibn
Qasî, que celles frappées par les Almohades dans la première moitié du VIe/XIIe
siècle. Sur les premières, on accepte généralement d’identifier al-mahdî à Ibn Qasî
lui-même (m. 546/1151) tandis que sur les secondes on l’identifie à Ibn Tûmart
(m. 524/1130), le fondateur du mouvement almohade.
Le terme al-mahdî signifie littéralement « le bien guidé (par Dieu) ». Dans le cas
d’Ibn Tûmart, il a été interprété comme étant une référence à la figure eschatologique musulmane d’al-Mahdî, celle-ci devant apparaître à la fin des temps pour établir un règne de justice (García-Arenal, 1990). Et, en effet, quand en 627/1230 le
calife al-Ma’mûn renonça dans un décret à la doctrine almohade, il se trouva dans
l’obligation d’y rappeler que le seul Mahdi reconnu par l’islam orthodoxe était
Jésus, fils de Marie. Le terme « mahdi » écrit avec une minuscule (afin de le distinguer de la figure eschatologique, le Mahdi, avec majuscule) sert à désigner une
figure qui elle aussi joue un rôle essentiel dans le salut du musulman et de la communauté musulmane, car elle garantit ce salut, non pas à la fin des temps, mais ici
et maintenant (Madelung, 1986 : 1224b)2. Il y a une conception musulmane de
l’histoire comme un éloignement progressif par rapport à la communauté parfaite
atteinte à l’époque du Prophète MuÌammad. Cet éloignement établit un cycle de
décadence pouvant se traduire par la formule « prophète - calife - roi ». Dans ce
contexte, la figure du mahdi offre la possibilité de recommencer le cycle : « prophète
- calife - roi - mahdi » (Fierro, 1994a : 110). En effet, cette figure du mahdi est liée
au problème de la « continuité de la prophétie » (Friedmann, 1989) : une fois le Prophète disparu, peut-il y avoir un lien entre Dieu et les hommes qui garantisse à ces
derniers qu’ils sont bien en train d’accomplir le mandat de Dieu dans son intégralité et avec certitude? Les chiites ont résolu le problème avec leur imam, qui présente certains attributs de la prophétie et même de la divinité. P. Crone et M. Hinds
ont démontré avec des arguments convaincants que l’imam chiite, en tant que
délégué direct de Dieu (khalîfat Allâh), est la réponse que la communauté primitive musulmane adopta pour résoudre le problème concernant la continuité de la
2. Madelung rassemble diverses traditions dans lesquelles « le Mahdî n’est pas étroitement
associé à la fin du monde ». En outre, il montre qu’après les premiers siècles le rôle eschatologique du Mahdi a progressivement perdu de son importance (1986 : 1225a).
Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus : l’élaboration de la légitimité almohade / 109
prophétie. La solution de l’imam en tant que délégué du prophète de Dieu (khalîfat rasûl Allâh), solution généralement considérée comme étant la première à avoir
été adoptée, aurait au contraire été postérieure. Elle fut conjuguée à la fonction religieuse attribuée aux ulémas chargés d’interpréter le message religieux et juridique
que le Prophète avait légué aux musulmans (Crone et Hinds, 1986)3. Parmi ces ulémas, certains bénéficient d’infaillibilité (al-`ulamâ’ al-ma`Òûmûn) (Crone et Hinds,
1986 : 98). C’est le cas des éponymes des écoles juridiques, notamment de Mâlik
(Turki, 1982 : 43-47; 52).
Dans le cas d’Ibn Qasî, on a vu la même référence eschatologique que dans
le personnage d’Ibn Tûmart. Cependant, l’élément qui caractérise le premier est
son soufisme (Dreher, 1988). J’ai donc proposé que le terme « mahdi », appliqué à Ibn Qasî, soit interprété par rapport à une doctrine soufie que l’on peut
faire remonter à Sahl al-Tustarî (m. 283/896). Ce dernier parla d’un imâm guidé
par Dieu (mahdî), guide (hâdin) à son époque, tant dans les affaires spirituelles
que dans les affaires séculières, qui serait appelé « l’étranger à son époque » (algharîb fî zamâni-hi) (Fierro, 1997 : 490)4.
Ibn Tûmart et Ibn Qasî
Nous ne connaissons pas toutes les réponses, à savoir quand, pourquoi, comment et avec quelle intention Ibn Qasî et Ibn Tûmart adoptèrent ce nom d’al-mahdî.
Il n’est même pas certain, en ce qui concerne Ibn Tûmart, que ce soit lui qui l’ait
adopté5. La relation qu’il peut y avoir entre deux proclamations aussi proches
dans le temps n’est pas claire non plus. Celle d’Ibn Qasî offre la chronologie la plus
précise : une monnaie frappée à son nom est datée de 539/1144 ; elle présente la
légende Allâhu rabbu-nâ wa-MuÌammad nabiyyu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâ et Ibn
Qasî y est désigné comme al-imâm al-qâ’im bi-amr Allâh. Pour ce qui est des
monnaies almohades, elles se caractérisent en général par l’absence de date6, de sorte
que nous ne savons pas avec certitude à quel moment elles furent frappées avec la
légende Allâhu rabbu-nâ wa-MuÌammad rasûlu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâ. Récemment, des chercheurs portugais ont proposé l’hypothèse suivante : les Almohades
3. Voir une exposition plus détaillée dans mon compte-rendu dans Al-Qan†ara VII, 1986 : 481485.
4. En ce qui concerne le concept de gharîb, voir Fierro, 2000.
5. La reconstitution des péripéties d’Ibn Tûmart après son départ d’Aghmat présente beaucoup
de zones d’ombre. Il en est d’ailleurs ainsi pour toute sa biographie. L’événement qui a fait couler le plus d’encre concerne la relation qu’il est supposé avoir eue avec al-Ghazâlî (Fletcher,
1997). Il ne faut pas oublier qu’Ibn Tûmart n’est pas le seul dirigeant charismatique à l’origine
du mouvement almohade. À ses côtés il y avait aussi Bishr/Bashîr al-Wansharîsî, personnage
obscur appelé par certaines sources al-masîÌ, le Messie. Les informations livrées par les sources
au sujet de ces personnages peuvent être consultées dans R. Bourouiba (1974) qui, à mon avis,
manque de sens critique à leur sujet.
6. Pour une explication possible à l’absence de date sur les monnaies almohades, voir Fierro,
2000 : 230-1.
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auraient copié Ibn Qasî en utilisant comme lui cette légende. Leur argument principal (outre l’existence de la monnaie datée de 539/1144) réside dans le fait que
la monnaie frappée par Ibn Qasî en offre la version la plus correcte Allâhu rabbunâ wa-MuÌammad nabiyyu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâ. En effet, MuÌammad est
« notre prophète » (nabiyyu-nâ), mais il n’est pas « notre envoyé » (rasûlu-nâ),
sinon rasûl Allâh, « l’Envoyé de Dieu » (Telles Antunes/Sidarus, 1992 ; Sidarus,
19927). Cet argument implique que les Almohades ont été forcés d’utiliser une formule moins correcte pour se distinguer d’Ibn Qasî.
Il ne s’agit pas d’un argument décisif. S’il est possible qu’Ibn Tûmart n’ait jamais
battu monnaie, il peut sembler logique de penser qu’`Abd al-Mu’min, lui, l’ait
fait avant la conquête d’al-Andalus, au cours de la période écoulée entre sa proclamation en 526/1132 et la prise de Marrakech en 541/11478. Cependant, le
fait est que l’on n’a pas la possibilité de le vérifier au moyen de monnaies pouvant être datées (Kassis, 1997 : 322-3)9. Face à l’hypothèse que proposent les chercheurs portugais (et qui n’a pas suscité de consensus pour le moment), on considère généralement que c’est Ibn Qasî qui copia la monnaie almohade. Mais
cette opinion repose à son tour seulement sur ce que rapportent les sources
almohades : les Almohades auraient commencé leur conquête d’al-Andalus après
avoir lutté en faveur d’une doctrine almohade, caractérisée du point de vue politique par un califat, fondé quant à lui sur la légitimité conférée au calife `Abd
al-Mu’min par Ibn Tûmart, en tant qu’al-mahdî al-ma`lûm al-imâm al-ma`Òûm.
Ibn Tûmart, al-mahdî al-ma`lûm al-imâm al-ma`Òûm
Le mélange d’histoire et de légende dans ce que nous savons sur les origines
du mouvement almohade a été mis en évidence par divers auteurs (Fierro, 1997 :
443-8)10. Dans l’étude de la biographie d’Ibn Tûmart et la doctrine qui lui est
attribuée, il convient de s’interroger sur les sources qui nous parlent de l’une et
7. Sidarus cite J. Rodrigues Marinho,1968 ; voir aussi J. Rodrigues Marinho, 1985.
8. Je dois cette observation, formulée lors d’une conversation privée, à Monsieur Salvador Fontenla,
spécialiste en numismatique almohade, qui m’indique en outre qu’il y a des monnaies almohades
où on lit nabiyyu-nâ au lieu de rasûlu-nâ (voir, par exemple, le cas mentionné dans la note 9).
9. H. Kassis 1997 : 322-3, signale une exception, un dinar frappé au nom de `Abd al-Mu’min en
541 dans l’atelier de Jaén. Mais cette monnaie appartient encore au style des dinars almoravides,
même si elle mentionne l’amîr al-mu’minîn `Abd al-Mu’min ibn `Alî et incorpore la légende Allâhu
rabbu-nâ wa-MuÌammad nabiyyu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâ. À mon avis, on peut interpréter ce
dinar comme «de transition», indiquant peut-être que, aux origines du mouvement, les Almohades,
ont battu monnaie de style almoravide et que, en tout cas, ils ont utilisé la légende Allâhu rabbu-nâ
wa-MuÌammad nabiyyu-nâ wa-l-Mahdî imâmu-nâ seulement après la conquête d’al-Andalus.
10. J’ai approfondi quelques-unes des idées exposées dans mon travail de 1997 lors de la conférence « Tres modelos de activistas religiosos y políticos en el Occidente islámico: Ibn Yâsîn, Ibn
Qasî e Ibn Tûmart », que j’ai présentée lors du séminaire « Lenguaje y acción políticas y religión », CSIC, Madrid, 21 mai 1997, dans le cadre du programme « Individu et société dans le
monde musulman méditerranéen », organisé par la Fondation Européenne de la Science (atelier
dirigé par M. García-Arenal).
Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus : l’élaboration de la légitimité almohade / 111
de l’autre. Celles qui sont les plus proches d’Ibn Tûmart, y compris al-Baydhaq11,
s’intéressent moins à lui qu’à `Abd al-Mu’min, premier calife almohade, si bien
que ce qu’elles disent d’Ibn Tûmart semble dépendre en grande mesure du processus de légitimation du calife `Abd al-Mu’min. On pourrait objecter que le Kitâb
d’Ibn Tûmart constitue une source fidèle à la pensée du fondateur du mouvement
almohade, mais nous n’en connaissons qu’une copie, datée de 579/1183-4 et,
bien que des chroniques historiques fassent référence aux parties attribuées à Ibn
Tûmart, on ne peut pas exclure que le texte qui nous est parvenu ait fait l’objet
de remaniements ou de manipulations (Fletcher, 1991 et 1992). Il ne faut pas
tenir compte uniquement des nécessités de légitimation de la dynastie almohade,
mais aussi de l’évolution même du mouvement almohade (Fierro, 1997 : 4456), à tel point qu’il est difficile de préciser en quoi consiste ce que nous avons
l’habitude d’appeler « almohadisme ».
L’almohadisme fut bien sûr une révolution. Elle a donc représenté une rupture
par rapport à la société antérieure : on frappa des monnaies carrées et non plus circulaires; l’écriture cursive fut préférée à l’écriture coufique; les mosquées almoravides furent purifiées et leur qibla corrigée dans certains cas; de nouvelles formules
furent utilisées pour faire l’appel à la prière et, par conséquent, il fallut former de
nouveaux muezzins; les juifs et les chrétiens furent contraints de se convertir à l’islam (Fontenla, 1997; Martínez Núñez, 1997; Molénat, 1997); les musulmans
devaient accepter le nouveau credo almohade afin d’être toujours considérés comme
des croyants et non pas comme des hérétiques anthropomorphistes, ce dont étaient
accusés les Almoravides; les dirigeants almohades se proclamèrent califes alors que
les Almoravides avaient reconnu le califat `abbâsside. Tous ces changements étaient
justifiés par le fait qu’il fallait revenir à la réalité de la communauté primitive du prophète Muhammad à travers les deux sources qui avaient préservé cette réalité, le Coran
et la sunna; pour ce faire, il fallait remplacer les élites politiques et les élites religieuses
qui, jusque là, avaient géré l’interprétation de ces sources. Sans pour autant prétendre
réduire le problème à un schéma trop simple, il convient de s’interroger sur la façon
dont ces deux objectifs ont été conjugués. On peut en effet se demander si c’est la
prise du pouvoir par la combinaison, en termes gellnériens, « prédicateur urbain (Ibn
Tûmart, `Abd al-Mu’min) / tribu militante (berbères MaÒmûda) » qui a fait surgir
la nécessité d’une doctrine révolutionnaire, et non pas vice-versa. La première possibilité ne semble pas avoir été envisagée jusqu’à présent, or je crois qu’elle mérite
de l’être.
La première source non almohade qui nous parle de la doctrine almohade la définit comme madhhab fikr, et ainsi que l’ont montré Laroui (1994) et Nagel (1997),
11. Dans l’ouvrage historique d’al-Baydhaq (qui se présente comme le disciple d’Ibn Tûmart)
manque la première partie qui traitait du mahdî Ibn Tûmart avant son arrivée en Égypte. Dans
l’ouvrage historique d’Ibn ∑âÌib al-Òalât (m. après 594/1197) manque aussi la partie sur la première période almohade. Le livre qu’Ibn ∑âÌib al-Òalât a écrit sur Ibn Qasî (Thawrat al-murîdîn) est perdu. On peut se demander si cette absence indique une « censure » des origines du
mouvement almohade par les Almohades eux-mêmes.
112 / Maribel Fierro
Ibn Tûmart apparaît dans son Kitâb, et plus particulièrement dans la partie connue
sous le titre d’A`azz mâ yu†lab, comme un faqîh mujtahid, son objectif étant de placer l’édifice de la charia sur de nouvelles bases en donnant un rôle central à la raison et en insistant sur la relation de dépendance existant entre ce monde et la divinité (Fierro, 1999b)12. Le rôle de la raison dans l’appréhension de ce monde et de
la divinité apparaît comme la principale caractéristique de la vie intellectuelle almohade, qu’il s’agisse du développement de la philosophie ou de celui du soufisme. En
outre, la rénovation dans le domaine des fondements du droit semble avoir été
parmi les principaux objectifs d’Ibn Tûmart, de sorte que l’on doit supposer que
l’effort réformateur des califes almohades a probablement porté sur la jurisprudence. Cet effort a effectivement été accompli. L’étude de la politique légale et religieuse des califes almohades (Fierro, 1999b) montre pourtant deux choses. D’une
part, les problèmes posés par la recherche d’une alternative claire face au « mâlikisme
almoravide » contre lequel ils s’étaient soulevés. D’autre part, la faible utilisation de
la figure d’Ibn Tûmart dans les efforts que les califes almohades réalisèrent pour trouver cette alternative. Il est vrai que les « nouveaux » musulmans devaient apprendre
la profession de foi tûmartienne (il n’y a d’ailleurs aucune mention d’al-Mahdi, ni
dans la ‘Aqîda, ni dans les deux Murshida-s), et que, dans les documents qu’ils
émettent, les califes almohades insistent sur le fait que le retour au Coran et à la sunna
du Prophète se faisait à l’instigation des enseignements d’Ibn Tûmart. Les califes almohades s’opposèrent fermement à l’existence de divergences (ikhtilâf ) dans l’interprétation de la loi divine. À ce sujet, souvenons-nous de la célèbre anecdote entre
le calife almohade 13 et le faqîh mâlikite Ibn al-Jadd : quand ce dernier essaya d’expliquer au calife les raisons pour lesquelles il y avait des divergences entre les juristes,
le calife lui répondit qu’il y avait uniquement le Coran et la sunna d’un côté, et l’épée
de l’autre. C’est le pouvoir politique qui, finalement, déterminait la manière dont
il fallait interpréter le message de Dieu et de son prophète. Cette voie, la plus
logique, semble avoir été suivie par la révolution almohade sous le gouvernement
des califes mu’minites : Ibn Tûmart était favorable à l’ijtihâd mais opposé à la
doctrine suivant laquelle toutes les solutions obtenues par un interprète qualifié de
la loi étaient valables (kull mujtahid muÒîb); ainsi, c’était Ibn Tûmart et ses successeurs, les califes almohades, en tant que contrôleurs de l’ijtihâd des juristes almohades, qui devaient indiquer le droit chemin14. C’est dans ce sens que l’on doit
12. Sur la relation entre le rôle de la raison et le mahdisme, voir Fierro, 1999b.
13. Il s’agit du second caliphe almohade Abû Ya`qûb Yûsuf (558/1163-580/1184). On doit corriger l’identification avec al-ManÒûr (580/1184-595/1198), ce que je fais dans Fierro, 1999b : 236.
14. La similitude de cette position avec celle de certains soufis se reflète clairement dans ces
paroles du soufi MuÌyî l-dîn Ibn `Arabî (m. 638/1240) : « Le Mahdî imposera la loi de l’Islam
par le sabre, et Jésus sera l’un de ses wazîrs ; il sera infaillible dans son idjtihâd sans recourir à
l’analogie juridique (Èiyâs) et les fuÈaha’ des diverses écoles seront ses adversaires tandis que les
saints Òûfis seront ses partisans naturels » (Madelung, 1986 : 1226a). Les Almohades, cependant,
ont accepté le qiyâs (Brunschvig, 1955 ; 1970).
Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus : l’élaboration de la légitimité almohade / 113
comprendre la fonction des noms donnés à Ibn Tûmart : « le mahdi connu, l’imam
infaillible » (al-mahdî al-ma`lûm al-imâm al-ma`Òûm).
La première partie rappelle que l’apparition du Mahdi a été décrite dans les
sources musulmanes d’après des signes qui furent reconnus chez Ibn Tûmart. Ainsi,
un opuscule eschatologique inséré dans le Kitâb attribué à Ibn Tûmart contient
des attaques contre les Almoravides qui sont accusés d’être anthropomorphistes
et d’avoir pris part à des innovations. Le dernier chapitre explique que six éléments permettront de reconnaître le mahdi : sa noblesse acquise (Ìasab), c’està-dire, pour avoir établi le parti des Almohades (Ìizb al-muwaÌÌidîn); sa noblesse
héritée ou sa généalogie (nasab), en tant que descendant de Fâ†ima (une descendance fâ†imî fut attribuée au berbère Ibn Tûmart) ; l’époque et le lieu où il
apparaîtra ; ce qu’il dira ou fera (A`azz mâ yu†lab, éd. ™âlibî, 1985 : 240-54).
La deuxième partie nous parle d’un imâm, plus qu’ « impeccable », « infaillible »,
et indique que le leader est à l’abri de l’erreur, tout comme les prophètes (Chaumont, 1992 ; Abrahamov, 1993). Les califes almohades n’ont pas poussé le capital politique et religieux que leur offrait cette « infaillibilité » d’Ibn Tûmart jusqu’à l’extrême chiite (l’ont-ils essayé ?)15. De même, et bien que le fait d’être ses
héritiers le leur eût permis, ils ne se sont pas réclamés de cette « infaillibilité »
(Garulo, 1995 : 151)16. À mon avis, il est possible que les califes almohades aient
envisagé d’imposer un code légal unifié, du genre de ce qu’Ibn al-Muqaffa` avait
suggéré au calife `abbâsside al-ManÒûr dans sa Risâlat al-ÒaÌâba (Fierro, 1999b).
Mais, si ce projet a existé, il n’est pas parvenu à se matérialiser. Par contre, le fait
qu’ils soient califes et héritiers du Mahdi justifiait que les Almohades créent de
nouvelles élites, les †alaba, qui se trouvaient sous leur dépendance tant du point
de vue de leur formation que de leur subsistance (Fricaud, 1997). C’est essentiellement lors de la formation de ces nouvelles élites que s’est concrétisé le
potentiel révolutionnaire visant à l’instauration d’un nouveau califat, légitimé à
travers la personne d’un leader directement guidé par Dieu, et infaillible.
Ibn Tûmart et Ibn Yâsîn : deux modèles différents ?
En principe, Ibn Tûmart aurait pu devenir une figure semblable à celle de son
prédécesseur, Ibn Yâsîn, berbère également, et leader du mouvement almoravide.
Leurs biographies présentent beaucoup de points communs. Toutes deux répondent
au modèle gellnérien d’un prédicateur urbain qui rejette le pouvoir politique établi et qui s’adresse aux tribus militantes en dénonçant, au nom de la loi sacrée, le
gouvernant impie (Gellner, 1983 : 55). Fletcher en est venu à dire que le mahdisme
d’Ibn Tûmart « simply provided the formulation of the leadership role traditionally
15. Dans Fierro, 1999b : 232, j’explore les relations de l’« almohadisme » avec le chiisme.
16. Garulo (1995 : 151) a mis en évidence la manière avec laquelle les califes mu’minites se sont
présentés comme l’équivalent de Josué, face au modèle de Moïse, représenté par Ibn Tûmart.
114 / Maribel Fierro
granted by Berber custom to the holy man » (Fletcher, 1992). Mais s’il en est ainsi,
pourquoi n’y a-t-il pas eu de mahdisme dans le cas d’Ibn Yâsîn? On s’interroge d’autant plus que parmi le matériel biographique concernant Ibn Yâsîn, on trouve facilement des éléments susceptibles d’avoir été développés vers le mahdisme 17.
Selon mon hypothèse, c’est l’establishment politico-religieux auquel chacun
d’eux dut faire face avec la conquête d’al-Andalus qui a conditionné le mahdisme
d’Ibn Tûmart et le non mahdisme d’Ibn Yâsîn. En d’autres termes, je pense
qu’à l’origine les mouvements almoravide et almohade, en tant que combinaison « prédicateur urbain/tribu militante », n’avaient pas prédéterminé la forme
politique qu’ils finiraient par adopter après s’être emparés d’al-Andalus (région
du monde musulman qui possédait une tradition étatique qui manquait dans le
Maghreb) poussés par l’élan guerrier que leur `aÒabiyya tribale donna à la prédication islamisatrice de deux personnages charismatiques. C’est au contact de
la réalité politique andalouse que se fixèrent les deux solutions qui différencient
les Almoravides des Almohades 18.
Au moment de légitimer leur gouvernement, les Almoravides ont maintenu la
solution conçue par les rois de Taifas qui les avaient appelés sur la Péninsule.
Celle-ci consistait à reconnaître un ambigu al-imâm `abd Allâh amîr al-mu’minîn 19. Il s’agissait avant tout d’une déclaration de loyauté envers le principe califal ; elle ne fut dotée que lentement d’un contenu clairement `abbâsside, et devait
aboutir à la formule inéquivoque al-imâm `abd Allâh al-`abbâsî. Celle-ci apparaît pour la première fois sur des monnaies frappées en 535/1140 (Wasserstein,
1993 ; Clément, 1997). Deux circonstances contribuèrent à ce que les Almoravides adoptent la solution que les royaumes des Taifas avaient apportée au problème califal. D’une part, le fait qu’il y eut sous leur gouvernement plus de continuité que de rupture dans le monde des ulémas20. D’autre part, le fait qu’ils ne
soient jamais parvenus à contrôler complètement les élites locales andalouses,
pas même celles qui les avaient soutenus dans leur intervention sur la Péninsule.
Celles-ci n’accordèrent aux Almoravides la légitimité pour les gouverner qu’avec
17. C’est le cas d’actions miraculeuses et d’impositions légales légitimées par le fait qu’elles
étaient fondées sur son autorité. Al-Bakrî en est venu à dire que, longtemps après la mort d’Ibn
Yâsîn, les ∑anhâja préféraient prier avec quelqu’un qui avait été en contact avec lui plutôt
qu’avec quelqu’un de plus vertueux mais qui ne l’avait pas connu.
18. Dans ce sens, il est intéressant de comparer les carrières d’Ibn Yâsîn et d’Ibn Tûmart avec celle
d’al-Murâdî, le faqîh mâlikite et théologue ash`arite qui accompagna le chef Abî Bakr b. `Umar
al-Lamtûnî vers le Sud lorsque la division almoravide se produisit avant la conquête d’al-Andalus.
Le souvenir d’Ibn Yâsîn et d’Ibn Tûmart dans la mémoire de leurs partisans était lié à la réalité
politique qu’ils avaient rencontrée en al-Andalus : Ibn Yâsîn fut considéré comme un faqîh mâlikite et Ibn Tûmart comme un mahdi. Al-Murâdî, lui, fut converti en saint (Kassis, 1992).
19. Sur l’ambiguïté de la formule al-imâm ‘abd Allâh, cf. Wasserstein, 1993.
20. Cette situation a été sans doute influencée par la faible présence de ulémas dans le Maghreb
et donc le besoin d’utiliser les ulémas andalous. Le remarquable contraste entre le monde des
ulémas andalous, si développé, et le monde des ulémas maghrébins, presque inexistant (comme
le montre l’absence de dictionnaires biographiques), mériterait d’être étudié.
Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus : l’élaboration de la légitimité almohade / 115
beaucoup de réticence, aussi étaient-elles prêtes à la remettre en question à la
moindre erreur qu’ils commettraient. C’est ce que montre l’épisode de la lettre
d’Ibn Abî l-KhiÒâl (Guichard : 1990-1991, I, 91-2). Elles étaient prêtes également
à manifester leur hostilité à des coutumes et à des usages qui leur étaient étrangers, tels que le port du voile pour les hommes almoravides alors que les femmes
allaient à visage découvert. Sans entrer ici dans la complexité des relations entre
gouvernants et gouvernés à l’époque almoravide, déjà mise en évidence par P. Guichard 21, je crois que l’absence d’élites juridico-religieuses dépendant directement
des Almoravides fut l’une des causes principales de leur fragilité politique.
Contrairement aux Almoravides, les Almohades ne furent pas invités sur la
Péninsule. Les élites andalouses qui s’étaient soulevées contre les Almoravides,
avec les cadis comme leur « leaders », étaient prêtes à essayer l’auto-gouvernement
(Fierro, 1992). Au même moment, dans une zone rurale de la Péninsule, éloignée du contrôle des élites religieuses traditionnelles et en marge du contrôle de
l’État centralisé, un mouvement soufi, celui d’Ibn Qasî, se lança lui aussi à la
conquête du pouvoir politique. Il s’appuyait sur des bases doctrinales où la figure
du mahdi sembla avoir occupée une place bien précise (Fierro, 1999a : 188-9)22.
Les Almohades durent définir leur légitimité face à ces deux mouvements, celui
des cadis andalous qui avaient usurpé le pouvoir politique, et celui des soufis. Leur
anti- « mâlikisme almoravide »23 rendait légitime leur lutte contre les juges qui
s’étaient emparés du gouvernement de plusieurs villes andalouses. En outre, le
mahdisme de leur leader Ibn Tûmart leur permettait, en toute légitimité, d’ôter
son titre à Ibn Qasî et de l’obliger à accepter le commandement almohade, du
moins dans une première phase.
21. L’interprétation de la maqâma barbariyya composée par al-Ashtarkûwî (m. 538/1143) met
en évidence cette complexité : cf. les différentes conclusions des études réalisées par I. Ferrando,
1991 ; J.T. Monroe, 1997. Tandis que Ferrando y voit l’évidence d’une attaque andalouse
contre les Berbères, Monroe y voit au contraire la reconnaissance, de la part des Andalous, de
leur nécessité d’être gouvernés par les Almoravides. Il est possible que ces deux interprétations
soient correctes et qu’elles reflètent les sentiments contradictoires des Andalous vis-à-vis de leurs
gouvernants berbères.
22. À l’époque almoravide, le soufisme est le mouvement qui, du point de vue théorique, a le
plus développé le problème du commandement spirituel de la communauté. C’était sans doute
grâce à l’existence de gouvernants directs, les Berbères almoravides, auxquels on ne reconnaissait
pas ce commandement spirituel, et à celle d’un gouvernant indirect, le calife `abbâsside, trop
éloigné pour être effectif. À l’époque des Taifas, la même solution avait mieux fonctionné car les
gouvernants directs et leurs troupes n’étaient pas perçus comme des étrangers. Voir sur les
Almoravides comme des étrangers Fierro, 2000 : 259, note 91.
23. Je le définis ainsi et non pas comme de l’« anti-mâlikisme » tout court car, comme le montre
Nagel dans l’article qu’il publie dans ce même numéro, la doctrine attribuée à Ibn Tûmart présente beaucoup de points communs, du point de vue juridique, avec le mâlikisme. L’almohadisme,
selon les textes analysés par Nagel, pourrait être interprété comme un mâlikisme « réformé »
(Fierro, 2000 : 240-3 ; 1999b : 238-9). Une question pour l’instant sans réponse est celle de savoir
si cette caractéristique de l’almohadisme reflète une phase spécifique de son évolution, c’est-à-dire,
le moment où les Almohades ont du établir un compromis avec les savants malikites.
116 / Maribel Fierro
Ces deux éléments (anti-mâlikisme almoravide et mahdisme) existaient-ils dans
le mouvement almohade avant la conquête d’al-Andalus ? Peut-être oui, peutêtre non ou peut-être qu’ils étaient parmi les développements possibles de ce
qu’avait été l’expérience tûmartienne. Même s’il se peut que la solution mahdiste
ait été fortement présente aux origines du mouvement almohade, j’incline à
penser qu’elle ne s’est fixée sous la forme que nous connaissons qu’au moment
de la conquête d’al-Andalus, qui la rendit indispensable pour légitimer le gouvernement almohade. Cette solution permettait aussi de résoudre l’un des problèmes auxquels les Almoravides avaient dû faire face : l’appui que leur prêtaient les élites andalouses manquait de ferveur. Celles-ci en effet soutenaient les
Almoravides car elles avaient besoin du potentiel militaire des tribus berbères,
mais elles n’étaient pas disposées à accorder la légitimité du droit à gouverner à
des gens qui étaient différents des Andalous. Aussi les Almohades décidèrent de
se passer de ces élites, craignant qu’elles n’adoptent une conduite semblable à celle
qu’elles avaient adoptée face aux Almoravides, et ils créèrent les leurs propres :
celles-ci se trouvant sous leur dépendance dans tous les domaines, ils s’assuraient qu’elles ne pourraient leur ôter le droit de gouverner.
L’hypothèse que je propose ici s’inscrit dans un schéma plus vaste qui montre
clairement que la construction de la légitimité en al-Andalus a toujours été étroitement liée à la légitimité à laquelle on souhaitait mettre un terme et contre laquelle
on prétendait lutter.
Le mahdi omeyyade
Le calife omeyyade al-Îakam II profita de la fête organisée dans le palais
califal de Cordoue en 363/974 à l’occasion de la fin du jeûne (`îd al-fi†r) pour
commémorer son triomphe sur le gouvernant idriside nord-africain Îasan
b. Qannûn al-Îasanî. Dans l’un des poèmes récités au cours de cette célébration, et qui fait référence au calife omeyyade, celui-ci est appelé al-mahdî et
mahdî l-wulât (Pinckney Stetkevych, 1997)24. Les califes omeyyades andalous ne
furent pas les premiers à être désignés ainsi. Le terme al-mahdî (que ce soit au
sens eschatologique, au sens de réformateur religieux, ou aux deux sens du
terme) avait déjà été attribué à leurs ancêtres orientaux, les califes omeyyades de
Damas (Crone et Hinds, 1986 ; Madelung, 1986 : 1221/b), ainsi qu’aux Idrissides (García-Arenal / Manzano, 1995) en tant qu’héritiers de l’expérience « mahdiste » du `Alide al-Nafs al-Zakiyya (m. 145/762), aux `Abbâssides (Bacharach,
1993)25 et aux Fâ†imides (Halm, 1996 ; Madelung, 1986 : p. 1228a)26.
24. Voir aussi Ibn Îayyân, 1965 : 196-202, poème de MuÌammad b. ShukhayÒ. Ce poème
affirme que le sang du calife peut soigner la rage. Cf. un membre de la famille du Prophète qui
était capable de ressusciter les morts et de soigner les lépreux dans L. Capezzone, 1996 : 425-32.
25. Bashshâr b. Burd donna le nom d’Al-Mahdî au fils du calife `abbâside al-ManÒûr car il corrigeait les corrompus et faisait couler le sang des débauchés (Chokr, 1993 : 252).
26. Sur l’utilisation du même nom à d’autres époques, voir H. Moehring, 1997 : 177-224.
Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus : l’élaboration de la légitimité almohade / 117
Qualifier al-Îakam II de mahdî fut l’un des nombreux recours qu’utilisèrent
les Omeyyades andalous pour légitimer leur adoption du titre califal, processus
complexe et sophistiqué (Fierro, 1989 ; Martínez-Gros, 1992 ; Safran, 1998)27.
Succédant à son grand-père `Abd Allâh, `Abd al-RaÌmân III fut proclamé émir
en 300/912. Après avoir étouffé les rébellions internes qui avaient menacé le gouvernement omeyyade en al-Andalus, celui-ci s’écarta de la politique suivie par ses
prédécesseurs et se proclama calife en 316/929. Cette mesure fut en partie motivée par la nécessité de contrer la propagande du califat fâ†imide proclamé en Ifrîqiya en 297/909. `Abd al-RaÌmân III n’a pas seulement adopté le laqab alnâÒir li-dîn Allâh grâce auquel on le connaît. Il semble qu’il ait aussi utilisé celui
d’al-qâ’im bi-llâh. Un laqab très proche de ce dernier a été utilisé pour la première fois par le deuxième calife fâ†imide (r. 322/934-334/945). Le terme al-qâ’im
a une forte connotation messianique dans l’islam ismâ`îlite ; concept central de
la doctrine fâ†imide, il est aussi au centre de sa propagande. Le fait qu’`Abd alRaÌmân III ait utilisé un laqab contenant ce terme doit être compris dans le sens
où il lui était nécessaire de contrer la propagande fâ†imide : face au qâ’im bi-amr
Allâh que les hérétiques chiites attendaient28, les sunnites d’al-Andalus pouvaient offrir un qâ’im bi-llâh en la personne d’`Abd al-RaÌmân III. Dans l’Islam,
le changement de siècle a de fortes résonnances eschatologiques et est associé à
l’apparition d’un rénovateur (mujaddid) (Landau-Tasseron, 1989). `Abd al-RaÌmân III semble avoir su tirer parti de cette croyance, et le fait que son ascension
au pouvoir ait coïncidé avec le début du IVe siècle de l’hégire l’y a sans doute aidé.
Ainsi, dans l’une de ses lettres à ses alliés d’Afrique du Nord, il affirme que Dieu
lui a permis de rénover (yujaddid) les traditions (sunan) en voie de disparition.
En 317/929, les Qarmates assaillirent La Mecque et s’emparèrent de la Pierre Noire
du sanctuaire principal de l’islam. `Abd al-RaÌmân III sut exploiter le scandale
provoqué par cette profanation, notamment dans la propagande dirigée à ses alliés
d’Afrique du Nord, en mettant l’accent sur la décadence du califat `abbâsside ainsi
que sur le droit d’être calife que lui conférait l’héritage (mîrâth) de ses ancêtres.
Dans les lettres qu’il adressa à ses alliés, `Abd al-RaÌmân III affirmait qu’il com27. Tant qu’ils ne furent pas califes, les Omeyyades andalous durent affronter deux modèles
« mahdistes » d’opposition : le mouvement d’al-Fâ†imî et celui d’Ibn al-Qi††. (Fierro, 1987). Le
premier était influencé par l’expérience mahdiste d’al-Nafs al-Zakiyya (Fierro, 1996). Le mouvement d’Ibn al-Qi††, qui se développa sous le règne du grand-père de `Abd al-RaÌmân III et
qui semble avoir été provoqué par un agent ismâ`îlite, répond clairement au modèle « prédicateur urbain / tribu militante ». Il a probablement beaucoup influencé `Abd al-RaÌmân III dans
sa décision de se proclamer calife, car il montrait que la propagande fatimide, avec son modèle
de khalîfat Allâh, pouvait triompher en al-Andalus. Le cas d’Ibn ÎafÒûn est particulièrement
intéressant étant donné qu’il a essayé tous les moyens de légitimation qui étaient à sa portée :
reconnaissance des califes `abbâside et fâ†imide, reconnaissance des idrisides, conversion au
christianisme et peut-être même imitation du modèle ommeyyade (Fierro, 1995).
28. On a vu que le même laqab fut utilisé par le soufi Ibn Qasî.
118 / Maribel Fierro
battrait en Orient les `abbâssides qui n’avaient pas su défendre le territoire de l’Islam et citait des transmissions et des traditions (riwâyât, âthâr) qui semblaient
favorables à cette opération et faisaient de lui le protagoniste. En somme, `Abd
al-RaÌmân III utilisa avec habileté tous les moyens à sa portée, à la fois pour légitimer sa proclamation en tant que calife et pour contrer la propagande fâ†imide.
La littérature eschatologique fut l’un de ces recours (Fierro, 1989).
Un autre moyen décisif consista à se présenter comme un défenseur de la tradition (sunna) et comme le destructeur des hérésies. Cette mesure n’était pas uniquement théorique : `Abd al-RaÌmân III promulgua une série de décrets contre
les masarrites et commença à les persécuter. Parmi les différentes tendances religieuses accusées de soutenir Ibn Masarra, il y avait celles qui croyaient que l’autorité spirituelle n’était représentée ni par le calife, ni par les ulémas, mais par
d’autres types de personnages, des leaders spirituels tels qu’Ibn Masarra, c’est-àdire une autorité mystique et quasi prophétique, qui pouvait rivaliser avec l’autorité califale (Fierro, 1999a). Face à cette menace, le calife omeyyade était le bien
guidé, le rénovateur de la religion, le défenseur de la véritable tradition prophétique et le destructeur des hérésies. Les califes omeyyades andalous éliminèrent les personnages possédant une autorité mystique et donnèrent leur soutien
aux ulémas mâlikites dont ils officialisèrent la doctrine. Avec eux ils imposèrent
un monopole juridico-religieux tout en se réservant les décisions finales en cas
d’hérésie.
`Âmirites face aux Omeyyades : la figure d’al-Qăânî
À la mort d’al-Îakam II (350/961-366/976), le pouvoir effectif passa aux mains
d’Ibn Abî `Âmir al-Ma`âfirî. En raison de ses succès militaires dans le jihâd et de
ses actions pour la défense de l’orthodoxie, qui s’était matérialisée avec la purge de
la bibliothèque d’al-Îakam II, celui-ci adopta le nom d’al-ManÒûr (« le Victorieux »). Le fils d’al-ManÒûr, al-MuÂaffar, poursuivit le modèle établi par son père
en maintenant formellement le califat omeyyade. L’auteur d’un article récent montre
qu’il est possible qu’al-ManÒûr ait lui-même essayé de se proclamer calife (Bariani,
1996)29. C’est `Abd al-RaÌmân Sanchuelo (m. 399/1009), un autre fils d’alManÒûr, qui mena à bien cette tentative. Il essaya de légitimer sa proclamation
comme héritier du calife omeyyade de différentes manières (Fierro, 1996). On a
29. Cf. Guichard, 1995, qui conclut que le surnom adopté par Ibn Abî `Âmir n’a jamais été « alManÒûr bi-llâh ». En ne s’attribuant pas un nom honorifique de type califal, Ibn Abî `Âmir
aurait fait preuve de prudence en matière politico-religieuse. Mais en choisissant « al-ManÒûr »,
je crois qu’Ibn Abî `Âmir étudiait les possibilités du califat. Il aurait effectivement pu se limiter
à utiliser « al-ManÒûr », mais le terme en soi évoquait « al-ManÒûr bi-llâh », de la même manière qu’un titre comme « al-Mahdî » évoquait « al-Mahdî bi-llâh », même si cette dernière partie
n’est pas toujours spécifiée. J’ajoute qu’« al-ManÒûr » a aussi pu être choisi comme référence à
un personnage messianique yéménite (Madelung, 1986 : 1223a).
Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus : l’élaboration de la légitimité almohade / 119
raconté notamment qu’il prétendit être al-Qăânî, une figure eschatologique chez
les arabes du Sud supposée apparaître à la fin des temps pour imposer la justice avec
la force de son bâton. Sanchuelo pouvait être al-Qăânî parce que sa famille descendait d’arabes yéménites (ma`âfirites), contrairement aux omeyyades, arabes du
Nord ou qaysites. Ibn `Idhârî nous informe qu’il y avait une prédiction selon
laquelle les omeyyades allaient être détrônés par quelqu’un qui réunissait les qualités d’al-ManÒûr, notamment sa descendance yéménite (nasab) et la couleur jaune
des paumes de ses mains (aÒfar al-kaffayn – Ibn ‘Idhârî, éd.1951 : II, 257). Ibn `Idhârî
toujours, note qu’au moment de sa mort et de sa défaite, Sanchuelo avait les mains
et les pieds teints avec du henné (muÒfarr al-yadayn wa-l-rijlayn bi-l-Ìinnâ - Ibn
‘Idhârî, éd. 1930 : III, 74). Divers leaders yéménites qui s’étaient soulevés contre
les califes omeyyades d’Orient furent connus sous le nom d’« al-AÒfar al-Qăânî »
ou simplement d’« al-AÒfar ». Je crois que la couleur jaune associée à Sanchuelo fait
référence à cette figure d’opposition aux Omeyyades (Fierro, 1998) : le recours à des
précédents historiques permettait de construire une opposition convaincante face
à la légitimité que l’on prétendait renverser. Bien que pour les Yéménites les possibilités d’accéder au pouvoir finirent par être totalement exclues, il ne faut pas oublier
qu’au cours des premiers siècles de l’Islam, ils essayèrent à plusieurs reprises d’établir et de légitimer cette possibilité. Le souvenir de ces tentatives perdura dans l’Occident islamique, non seulement en raison de l’apport démographique yéménite qui
fut très important, mais aussi parce qu’au cours du processus d’acculturation arabomusulman, certaines tribus berbères s’attribuèrent des généalogies yéménites30.
Le modèle eschatologique utilisé par Sanchuelo a donné lieu à ce que quelquesuns des prétendants au trône pendant l’époque de la fitna utilisent le titre d’alMahdî (Clément, 1997 : 251).
L’opposition aux Almohades
En se proclamant premier calife almohade, le Berbère Zanâta `Abd al-Mu’min
s’attribua une descendance qaysite. Il manifestait ainsi son désir d’établir l’analogie « Prophète - khulafâ’ râshidûn » / « Mahdi - califes mu’minites », mais
l’analogie réelle se concrétisa avec les califes omeyyades andalous31 dont les
mu’minites utilisèrent l’art (Cressier, 1994 : 164-7) et voulurent récupérer la capitale, Cordoue. Aussi n’est-il pas étonnant de constater que l’opposition andalouse
face aux Almohades ait presque toujours pris une tournure pro-`abbâside. C’est
ce que l’on a observé avec Ibn Mardanîsh et avec Ibn Hûd al-Mutawakkil 32. Cer30. Le combat yéménite pour le califat, qui s’est toujours soldé par des échecs, mériterait de faire
l’objet d’une étude monographique.
31. Al-Marrâkushî (m. après 621/1224) écrit son histoire des Almohades (Kitâb al-mu`jib fî talkhîÒ akhbâr al-Maghrib) sans parler du Maghreb, de sorte que les Almohades apparaissent
comme des successeurs des gouvernants d’al-Andalus et non pas des Idrissides, par exemple.
120 / Maribel Fierro
tains l’expliquent par un sentiment religieux très hostile au califat almohade
(Fierro, 1997 : 449), mais on peut aussi l’interpréter dans le sens où l’« omeyyadisation » des Almohades ne permettait pas à leurs opposants d’avoir recours au
modèle ommeyyade pour se légitimer. Aussi étaient-ils contraints de s’orienter
vers la légitimité qu’offrait le califat `abbâside.
La descendance qaysite adoptée par les mu’minites impliquait que ceux qui
se soulèveraient contre `Abd al-Mu’min et ses descendants pourraient légitimer
leurs prétentions en se présentant comme les ennemis traditionnels des Qaysites,
c’est-à-dire comme des Yéménites. D’ailleurs, peu de temps après la mort du calife
almohade Ya`qûb al-ManÒûr, en 595/1198, `Abd al-RaÌâm b. `Abd al-RaÌmân
b. al-Faras se souleva chez les berbères Jazûla et se proclama « al-Qăânî » 33. Plus
tard, le chef almohade Abû Zayd ibn Wajjân (m. 625/1228), Berbère Hintâta,
se révolta contre les Almohades. Les sources ajoutent à son nom le surnom « alAÒfar », qu’il pourrait avoir adopté pour ses connotations yéménites (Fierro,
1998). Il faut aussi tenir compte du fait que, parmi les croyances eschatologiques musulmanes qui sont apparues après la mort du prétendant `alide-fâ†imide
al-Nafs al-Zakiyya, il est dit que le Mahdi régnera pendant 24, 30, 39 ou 40 ans
et que ce sont des califes de sa famille ou bien al-Qăânî qui lui succéderont
(Madelung, 1986 : 1224b).
En guise de conclusion
Le mahdisme est l’un des recours qu’offre la tradition musulmane pour légitimer un dirigeant du point de vue religieux et politique. C’est un recours particulièrement utile lorsque l’objectif est de rénover les élites de la société. Cela
implique aussi que toute action mahdiste apporte une doctrine de purification
qui justifie d’une part l’élimination de ce qui existe, et qui est considéré comme
une hérésie et, d’autre part, l’implantation de la nouveauté en tant que tradition
retrouvée. Ce potentiel révolutionnaire rend le mahdisme particulièrement
gênant dans le cadre de la tradition musulmane sunnite, celle-ci étant profondément marquée par la conviction qu’un gouvernant injuste vaut mieux que n’importe quel désordre social, et que c’est le consensus qui sanctionne ce qui relève
de la tradition et ce qui relève de l’innovation. Le modèle mahdiste peut être considéré comme un vestige du modèle politique symbolisé dans la formule qui dit
que le dirigeant de la communauté musulmane est khalîfat Allâh (« calife, délégué de Dieu ») et non khalîfat rasûl Allâh (« calife, délégué du Prophète de
Dieu »). Ce modèle, préservé par les chiites, a été rejeté par les sunnites au cours
32. Voir Molina, 1995 (avec mention de bibliographie antérieure), ainsi que Guichard, 19901991 : I, 139-145.
33. Il était un disciple d’Ibn Rushd (Averroes) et un expert dans les `ulûm al-awâ’il (Puig, 1992).
Je soulève l’hypothèse qu’il peut avoir combiné le messianisme avec l’idée du roi-philosophe
qu’Ibn Rushd avait discuté en relation avec le calife almohade (Fierro, 2000 : 260).
Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus : l’élaboration de la légitimité almohade / 121
du processus de formation de l’Islam. Il est réapparu dans la communauté sunnite sous des formes diverses et à différentes époques. Cette analyse montre que
l’expérience mahdiste almohade s’est développée à l’intérieur d’un jeu complexe
de relations avec les légitimités exercées auparavant et par des contemporains
comme Ibn Qasî. Les protagonistes de ce jeu tissèrent ainsi un réseau dont la
matière première était l’histoire même de la communauté musulmane.
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