MECANIQUE A LA MECATRONIQUE
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MECANIQUE A LA MECATRONIQUE
N °1 0 3 O C T O B R E 2 0 0 6 w w w. j i t e c o n l i n e . c o m LE DOSSIER TECHNOLOGIQUE DES PAYS DE SAVOIE sommaire 2 Ingénierie intégrée et gestion des risques Le poids et l'impact économiques de la mécatronique 3 Comment absorber la mécatronique et la vendre Le déploiement de la mécatronique dans l'industrie 4 Table ronde : la mécatronique en question MECANIQUE A LA MECATRONIQUE RISQUES OU OPPORTUNITES POUR L’INDUSTRIE ? ▲ La mécatronique peut se définir comme l'utilisation simultanée des techniques du génie mécanique, de l'électronique, de l'automatisme, de la micro-informatique et de l'analyse système en vue de la conception et de l'optimisation de produits, d’équipements et de procédés. Mais la conception des équipements mécatroniques ne saurait se résumer à l'adaptation de systèmes de commande électronique pilotés par ordinateur sur des mécanismes existants. Elle nécessite dès le début de l'étude, l'intégration des différentes technologies répondant aux exigences fonctionnelles. On parle alors “d'ingénierie intégrée". Et la mise en œuvre de cette démarche conduit à repenser l'organisation interne de l'entreprise et son mode de fonctionnement. Dans cette perspective, les “processus" qui concourent à l'élaboration des produits, évaluent les solutions techniques permettant de répondre au besoin de l'utilisateur final et des acteurs du cycle de vie. Mais la complexité des produits, l'intégration croissante des métiers d'ingénierie, de maintenance, et le mariage des technologies génèrent des problèmes de fiabilité, de sûreté de fonctionnement et de maîtrise des risques qui deviennent une préoccupation majeure. Les Rencontres Européennes de Mécatronique (EMM), créées par Thésame, ont permis de faire le point sur le sujet. 800 participants de 45 nationalités, industriels et chercheurs, ont échangé durant 4 jours autour du thème de l’usine intelligente. Jean-Yves Catherin et André Montaud Synthèse réalisée pour le compte de Thésame Numéro 103 1 INGENIERIE INTEGREE ET GESTION DES RISQUES Octobre 2006 Mécanique à la Mécatronique risques ou opportunités pour l'industrie Pour expliquer les apports et les concepts de base de l’ingénierie intégrée, Jean-Claude Bocquet, Ecole Centrale Paris, prend l'exemple du système de freinage Messier Bugatti de l'A380. Le développement de ce système hautement mécatronique a été envisagé dans le cadre d'un système industriel traversé par les flux opérationnels et flux support. Dans les arborescences de processus, d'activités et de décisions, le problème majeur de développement des produits est de savoir comment maîtriser les processus décisionnels collaboratifs. Avec pour but d'intégrer à la fois le cycle de vie, les partenaires, les flux, les systèmes, les contraintes, les décisions, les process, les outils, les données… Parlant du déploiement de l’ingénierie de fiabilité lors du processus de conception, Patrick Lyonnet, ENI Saint-Etienne, recense les outils mis en œuvre pour évaluer et construire la fiabilité des systèmes mécatroniques. Fiabilité définie comme “la probabilité pour qu’un élément remplisse une fonction requise dans des conditions définies et pendant une période définie (norme ISO 8927)". “Pour mettre en place une politique de fiabilité, il faut prendre en compte les processus de conception (fiabilité prévisionnelle et fiabilité expérimentale), d'industrialisation, de fabrication (déverminage) et de SAV (fiabilité opérationnelle)". Il fait ensuite le tour des outils de fiabilité “statique" (analyse fonctionnelle, AMDEC, AEEL, bloc diagramme, REX…) et “expérimentale" (essais de qualification, essais sévérisés, accélérés, technique bayésienne…). Dans le prolongement, Dominique Charpentier (Ineris) précise que le concept de réduction du risque est fondamental dans le développement des produits et définit différentes techniques d’analyse de risque issues de l’arbre de défaillance et de l’AMDEC (graphe de risque, matrice de criticité, méthode “layer of protection analysis"…). LE POIDS ET L'IMPACT ECONOMIQUES DE LA MECATRONIQUE Pour introduire l'idée de la compétitivité par l’intégration mécatronique, Patrick Ranson, CETIM, rappelle d'abord que le bon positionnement concurrentiel d’un produit résulte de l’application de la stratégie des 4P (Mac Carthy) : ● Produit : différenciation / concurrence, adéquation au besoin du client, innovation, intégration, ● Prix : accord avec le juste prix estimé par le client, ● Place : distribution, ● Promotion : communication. " ● " Après avoir évoqué deux réussites mécatroniques, la raquette de tennis “Protector" de HEAD Technologie EDS et le rouleNuméro 103 médicale. Elle leur a aussi permis de devenir un interlocuteur privilégié en passant d'un rang n au rang n - 1, d’augmenter leur rayonnement industriel, de développer leur réseau de partenaires dans le cadre de la R&D (SNR avec le LETI ou l’Université de Savoie) et de développer de FACTEURS CLES DE SUCCES POUR UNE ENTREPRISE DE CULTURE MECANIQUE ● La stratégie produit est cruciale. La différentiation sera dépendante du caractère innovant, de l’intégration, des fonctions émergentes, du niveau de qualité. 2 ment de roue ASB de SNR, il poursuit en affirmant que “l’intégration de la mécatronique a permis à ces deux sociétés de prendre des parts de marché et d’élargir leur offre. SNR est ainsi fournisseur potentiel d’électronique de mesure et Head est en posture d'une dimension para- ● ● ● ● ● ● ● ● ● s’intéresser à l’usage qui est fait du composant par l’acheteur, s’intéresser à l’ensemble final, à la technologie employée et à son évolution, raisonner en “fonction" et non en "pièce, disposer d’ingénieurs et de techniciens curieux, créatifs, “vendeurs" de leurs idées, protéger son idée dès le début par des brevets, donner aux ingénieurs les moyens de s’informer, de développer et maquetter leurs idées, savoir s’entourer de compétences complémentaires connaissant les métiers porteurs, s’allier à des laboratoires de recherche, rester dans son cœur de métier, passer des alliances stratégiques avec de grands équipementiers (SNR-Bosch), informer les clients potentiels des avancées de la technologie. nouveaux partenariats industriels (SNR avec Continental THEVES pour l’intégration du capteur dans le volant)". Pour illustrer le poids économique de l’électronique automobile, Thierry Dujardin, cabinet Décision, fait état d'un taux de croissance global de l'industrie électronique de 6,5 % avec pour l’électronique automobile un taux de 6,7 %, soit un poids pour l'UE de 25 MM€/an. Selon lui, les principaux “moteurs" de la mécatronique automobile sont la baisse des coûts, la satisfaction de fonctions innovantes, l'accroissement de la “prestation client" et l'amélioration des technologies “traditionnelles". C'est aussi l'apport d'une plus grande fiabilité et d'autodiagnostics puissants (remèdes aux pannes), l'observation de réglementations de plus en plus contraignantes (pollution, consommation, sécurité des passagers et piétons…) et la garantie d'une barrière face aux pays “low cost". Thierry Dujardin estime que le marché européen de la mécatronique évalué aujourd'hui à 32 MM€ devrait atteindre 39 MM€ en 2015, soit une croissance de 3,5 % par an sur la période 2010 – 2015. L’électronique rentrant pour 25 % du coût d’une automobile en 2004, sera présente à hauteur de 30 % en 2010, mais… Et nous revenons aux notions de fiabilité puisqu'aujourd’hui, 35 % des défaillances proviennent de l’électronique (chiffre ADAC). “Les constructeurs doivent donc faire évoluer leur organisation, historiquement très “mécanique" avec trois grandes approches : la mise en place d’une véritable culture mécatronique, le développement d’une véritable standardisation, (est-il nécessaire qu'il y ait un ABS Peugeot et un ABS Renault ?) et enfin une approche globale de la conception à la mise sur le marché". Analysant les compétences qu'exige la mécatronique, il pose quelques facteurs clés de réussite (voir encadré page précédente). COMMENT ABORDER LA MECATRONIQUE… ET LA VENDRE ? " Les entreprises forteresses, c'est terminé ! La mécatronique pousse les entreprises vers l'extérieur. " Selon Jean Denis Sauzade, Telemaq, il y a trois raisons à cela. L'entreprise est organisée par métier, or la mécatronique exige la pluridisciplinarité, l'ouverture vers d'autres métiers et la quête d'informations extérieures. Elle est aussi organisée séquentiellement (BE, BM, R&D, production…) alors que la mécatronique implique une approche globale et induit l'idée de relations coopératives (ingénierie concourante, co-conception…). Enfin, l'entreprise est hiérarchisée alors que la mécatronique conduit à la flexibilité, d'où l'accès aux notions d'agilité… “La conception externalisée est une clef de succès. Elle suppose une certaine neutralité face aux solutions technologiques. Les transferts technologiques permettent de bénéficier d’expériences acquises dans d’autres domaines, d'augmenter le rythme d'innovations (réduction du “time to market", d'avoir un meilleur contrôle des coûts de R&D et d'accélérer les prises de décision". La mécatronique générant une nouvelle approche projet, elle induit aussi une évolution du métier du vendeur vers un mélange des technologies (mécanique, électrique, information). Pour Pascal Laurin, Bosch Rexroth, le vendeur spécialiste devient un multispécialiste. Il doit aller vers la recherche de clients demandeurs de systèmes intégrés et compacts et devenir un “chargé d’affaires". Son positionnement est différent. “La vente dite "individualiste" doit devenir une vente d’équipe. La démarche mécatronique suppose un mixage des technologies, des compétences ainsi que des interlocuteurs-décideurs. Le vendeur idéal est un homme/ femme de synthèse, capable d'aborder un projet dans sa globalité et de fédérer différents services". LE DEPLOIEMENT DE LA MECATRONIQUE DANS L’INDUSTRIE Alpes Deis (Développement Electronique Informatique Systèmes) a mené 388 projets en 10 ans dont 64 projets mécatroniques. Elle possède un porte-feuille de clients aussi prestigieux que Nestlé, SEB, Invensys, PSA, SNR, EDF, Thalès ou Somfy. Mentionnant un échec (niveau d'une bouteille de gaz) et deux réussites (montre haut de gamme “Swiss made" avec mouvement mécatronique et support mural pour écran télévision motorisé télécommandable), Eric Bruyat, responsable de laboratoire, analyse les facteurs d'échec : Numéro 103 3 le marketing : concurrent plus rapide, idée trop en avance, gadget… ● le cahier des charges : manque de rigueur et oubli, précision excessive… ● l'étude : données de sortie insuffisante, mauvais partenaire… fabrication : choix du ● la partenaire industriel, choix de délocalisation… Parmi les facteurs de succès, il propose de savoir profiter des fonctions gratuites de l'électronique… et d'avoir vécu des échecs pour en tirer les conséquences ! Serge Grygorowicz, directeur de RB3D, note pour sa part qu'une démarche mécatronique génère trois axes de gains. Gains commerciaux par l'originalité de ● Octobre 2006 Mécanique à la Mécatronique risques ou opportunités pour l'industrie l'offre et des outils manuels standards. Gains de développement par le biais d'un métissage technique impliquant créativité, cohésion d'équipe, compacité, intégration des produits et définition des interfaces en amont. Gains en production. Ludovic Marais, Rexroth montre comment la mécatronique a totalement métamorphosé une vanne pneumatique en incorporant le pilotage au cœur de la partie pneumatique. Le CETIM s'est mobilisé sur l'intégration de mécatronique et d'intelligence dans les engins mobiles. Guy Galand, Startec, mentionne trois secteurs d'étude (sécurité/réglementation, augmentation des performances, maintenance préventive) sur trois démonstrateurs : une structure poly-articulée hydraulique (minipelle hydraulique Volvo), une nacelle (détection d'obstacles) et un treuil installé sur banc. Enfin, dernier exemple du déploiement de la mécatronique dans l’industrie, Denis Reboul, Cegelec et Jean-Pierre Thomesse, Loria Nancy, présentent le système Proteus, plate-forme d'intégration d'outils de maintenance. Système qui part du constat qu'un équipement peut être vu de plusieurs manières différentes par la maintenance (par le système de gestion CMMS, par l'ERP, par un système experts…) et que “tous sont complémentaires, mais pas forcément cohérents. La nécessité de Proteus est de donner une cohérence à la description des modèles des outils". TABLES RONDES : LA MECATRONIQUE EN QUESTION 4 Numéro 103 formation de mécatronicien en sortant de l'école. “On le devient avec l'expérience. On ne regarde pas assez la mécatronique au niveau de la formation continue et là, les Centres Techniques ont un rôle fondamental à jouer ". En réponse à une question sur une éventuelle stagnation de la mécatronique, voici l’affirmation de André Montaud, Thésame. " Former des mécatroniciens, oui ! Mais qui, quand, en combien de temps, par qui, pour qui et comment ? Jacques Lottin, ESI d’Annecy, cerne le secteur de la formation en mécatronique et la façon dont elle répond aux attentes industrielles. Il pose aussi une autre question : peut-on anticiper les capacités d'un technicien ou d'un ingénieur à gérer un projet mécatronique ? En effet, cet homme/femme doit avoir une spécialité, mais parallèlement il doit avoir une certaine pertinence en mécanique, en électronique, en informatique, en automatique… voire même en science des matériaux ! La perspective d'une “sainteté mécatronique" a fait sourire l'assistance. “Mieux vaut cependant revenir sur terre : promouvoir le développement de la culture mécatronique, assurer les moyens de compléter la formation des jeunes ingénieurs (d'où la nécessité de formations continues) et attirer des étudiants…". Un intervenant fait remarquer qu'on ne peut avoir une bonne Les industriels affichent rarement le “Mécatronique Inside" comme un facteur différenciant… même si le concept commence à devenir un élément marketing. " “La difficulté à “entrer en mécatronique" se situe plus au niveau de l'industrialisation que de la conception, car le basculement est un vrai changement de métier surtout au niveau du contrôle qualité". Rebondissant sur l'idée que les PME ne pour- ront jamais maîtriser la totalité des disciplines de la technologie, il évoque le CIME : “Arve Industrie développe l'outil mutualisé CIME (Centre d'Intégration Mécatronique Européen) qui rassemble les offreurs publics (formation, R&D et précompétitif), les offreurs privés acteurs du développement (fournisseurs de briques mécatroniques, BE spécialisés…) et enfin les utilisateurs (PME ou groupes industriels) qui “récupèrent" les flux apportés et les transforment en produits". Thierry Dujardin pense que la mécatronique est un bon exemple de ce dont l’industrie a besoin aujourd’hui. “Le métier d'ingénieur change… Les industriels ont besoin d’experts de plus en plus “pointus" et doivent leur donner les moyens de "voir ailleurs" pour conforter leur expertise. Ils ont également besoin de chefs de projet capables de diriger une diversité de talents en posant les bonnes questions, en comprenant les réponses et en tirant les bonnes conclusions".