Le corps d`un soldat américain avait été trouvé l`été dernier par un

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Le corps d`un soldat américain avait été trouvé l`été dernier par un
Le corps d’un soldat américain avait été trouvé l’été
dernier par un promeneur en forêt de Dambach. Les
résultats des tests ADN viennent de tomber : le corps de
Cecil E. Harris va pouvoir être rendu à sa famille et
inhumé, soixante-neuf ans après sa mort.
C’est une bande blanche qui dépassait légèrement du sol qui a attiré le regard de Vito De
Luca, en forêt de Dambach, le 21 août dernier. Un curieux bout de chiffon au bout duquel
étaient accrochées plusieurs cartouches pourries. Une réminiscence de la guerre, à peine
enfouie sous quelques poignées de terre. De ce sol sablonneux, le promeneur a fait émerger
des ossements qui lui semblaient humains.
« Il a refermé immédiatement le trou et en a parlé à son ami Eric Schell, un passionné de la
Seconde Guerre mondiale, qui est venu me trouver », raconte Pierre Lindauer qui habite
Neunhoffen, le village voisin, dont il connaît bien l’histoire. Les deux hommes ont tout de
suite pensé à la terrible opération Nordwind, l’ultime offensive allemande qui a enflammé
l’Alsace du Nord, en janvier 1945.
Rendez-vous a été pris sur place, au lieu-dit Modenberg près du rocher de l’Homme, quelques
jours plus tard. Un corps tout entier se trouvait bien là, « à 20 ou 30 centimètres de la surface
du sol ». « Nous avons pensé qu’il pourrait s’agir d’un soldat », se souvient Pierre. Le trio a
aussitôt appelé le cimetière militaire allemand de Niederbronn-les-Bains.
Sa femme attendait un enfant
Jamais le malheureux soldat n’avait eu autant de visite. Le lendemain, le responsable de la
nécropole, accompagné de l’adjoint au maire de Dambach, a creusé davantage, avant de
prévenir les responsables du cimetière américain de Saint-Avold en Moselle et les gendarmes.
Des boutons d’uniforme ainsi que 200 balles de mitrailleuse avaient chu entre les os du
squelette. Et surtout, une plaque d’identification militaire portant un nom gravé dans l’inox : «
Harris, Cecil E ».
Un garçon de 19 ans l’avait fièrement passée autour de son cou soixante-dix ans auparavant.
Ce petit gars de Shelbyville dans le Tennessee venait de s’engager dans l’US army. Il serait
affecté au premier bataillon, compagnie D, du 179e régiment, de la 45e division. Le GI a
embrassé une dernière fois sa jeune femme Helen qui attendait un enfant. Le monde était en
guerre.
Sur le vieux continent, il a été affecté à une équipe de mitrailleurs et chargé de l’alimentation
en munitions. À la toute fin de l’année 1944, il était posté sur les hauteurs de Dambach qui
offraient une vue imprenable sur l’avancée ennemie par la vallée du Schwarzbach. C’est là
qu’il est tombé, sûrement le 2 janvier 1945 (*). « Probablement touché par balle », murmure
Pierre en montrant des impacts dans la roche.
Combien de randonneurs sont passés à côté du « H » et de la croix, gravés sur une avancée de
grès ? Ils ne pouvaient se douter qu’il s’agissait d’une épitaphe, dessinée à la hâte par ses
camarades afin d’offrir à ce garçon, âgé de 20 ans, une sépulture.
Des scientifiques venus d’Hawaï
En septembre dernier, le ministère de la Défense américain a dépêché discrètement une
équipe du JPAC, le plus grand laboratoire de médecine légale militaire au monde, basé à
Hawaï. « Ils ont défini un périmètre de sécurité autour du corps et évacué la terre
minutieusement, à la brosse à dents », se souvient Pierre qui a suivi les opérations pendant
deux jours au côté du consul général des États-Unis, de la propriétaire du bois et de ses
gardes-forestiers. « Les experts ont emporté chaque partie du squelette, l’anthropologue avait
absolument besoin des dents pour pratiquer des analyses. »
Un choc pour son fils, William Harris, 70 ans, lui-même vétéran des guerres du Vietnam et du
golfe Persique. Il n’a pas connu son père mais sait que ce dernier l’a serré dans ses bras, lors
d’une permission en novembre 1944, deux mois avant de périr. Retrouvé grâce au nom sur la
plaque militaire, William a accepté de fournir un échantillon d’ADN. Le résultat est tombé la
semaine dernière : positif.
Au mois de juillet, Cecil E. Harris devrait être inhumé au cimetière national d’Arlington, dans
l’État de Virginie. « C’est l’épilogue, souffle son fils. Maintenant, je sais qu’il est rentré à la
maison. »
(*) Un document évoque le décès de Cecil E. Harris à « Langensulzbach » (sic) le 2 janvier
1945, il apparaît comme « MIA » (disparu) sur les listes du cimetière américain d’Épinal dans
les Vosges.