Envenimations par Vipéridés en République de Djibouti

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Envenimations par Vipéridés en République de Djibouti
UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE
FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
ANNEE 2007
N°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE
DOCTEUR EN MEDECINE
Discipline : Médecine Générale
Présentée et soutenue publiquement
Le
à BORDEAUX
par
Sébastien LARRECHE
Né le 15 juillet 1979 à Reims (51)
Ancien élève de l’Ecole du Service de Santé des Armées de Bordeaux
(Ecole de Santé Navale)
Elève de l’Ecole du Val-de-Grâce
LES ENVENIMATIONS PAR VIPERIDES
EN REPUBLIQUE DE DJIBOUTI
D’OCTOBRE 1994 A MAI 2006 :
ETUDE RETROSPECTIVE DANS LE SERVICE DE REANIMATION
DU GROUPEMENT MEDICO-CHIRURGICAL BOUFFARD
PRESIDENT DE THESE :
Monsieur le Professeur Christian RIPERT
LE CONSERVATEUR DE LA
BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE
DIRECTEUR DE THESE :
Monsieur le Médecin en Chef Georges MION
Signature du Président de thèse
Cachet de la bibliothèque universitaire
1
A mes parents, pour votre amour et votre soutien indéfectible durant toutes ces années. Je vous
dédie ce travail avec toute mon affection,
A Virginie, ma sœur qui me supporte depuis 22 ans et qui m’a « dépassé sur la dernière ligne
droite » !
A ma famille,
A mes amis Raph et Jérôme, ainsi qu’à Emilie et à Alex qui les ont rendu respectables,
« …Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que… parce que moi, j’ai toi pour t’occuper de moi,
et toi, t’as moi pour m’occuper de toi, et c’est pour ça… » (John Steinbeck, des souris et des
hommes)
Sacré Lennie…
A Caroline, merci pour ton amitié fidèle et ta disponibilité (la papote téléphonique…!),
A mes amis de la promo 97, pour tous ces bons moments : Jules, Popi, Damien, Julien, Dauv’,
Sandra, Pat, Tsir, Morny, MB, Philippe, Sic,
Et à leurs moitiés qui font partie de la famille : Fairouz, Guylène, Prune, Fleur, Vincent,
Gaëlle et Elodie.
A Damien « le Grand Ancien », à Alex, à Justine, à Franck, à Anne et à tous ceux que
j’apprécie et que j’ai eu la chance de rencontrer au 149 bis cours de la Marne,
A mes Anciens et aux foeti de la famille 21, 26, 61 et 79, en particulier à Otto, Yann, Kili,
Mathieu, Ousmane, Flo, Emilie, Frog, Ben, Sabine, Marie, Delphine, Tony, Julie, Laetitia, JB,
Anh Tuan, Brice, Gaëlle, Pauline, Elodie, et à tous ceux à venir…,
A Delphine, ma copine « Béginiste »,
A Jean-Do, pour tout ce que tu m’as appris,
A Céline, pour ta gentillesse et tes encouragements. Peut-être à bientôt sur Toulon (!),
A Monique, Albert, Nath et Val, mes amis de Belgique « Hé Ho ! »,
A Anne-Marie et Valérie, merci de faire vivre le Cercle,
A Santé Navale.
2
« Mari transve mare, hominibus semper prodesse »
3
A Monsieur le Médecin Général CAMILLIERI, pour nous avoir permis de partir au GMC
Bouffard. Trouvez ici nos plus respectueux remerciements.
A Monsieur le Médecin en Chef PUIDUPIN, pour nous avoir aidé dans la préparation de cette
étude. Trouvez ici l’expression de notre profonde gratitude.
A Monsieur le Médecin en Chef BENOIS, pour nous avoir accueilli chaleureusement dans
votre service. Trouvez ici l’expression de notre profonde reconnaissance.
A Monsieur le Médecin en Chef NIZOU, pour nous avoir expliqué les subtilités de l’hémostase
avec gentillesse et humour.
A Fabrice et à sa famille, pour leur disponibilité et leur gentillesse. Merci encore de m’avoir
fait découvrir Mascali.
Au Médecin principal VERRET et au Médecin des Armées MAYET. Votre aide a été
précieuse pour la réalisation de ce travail. Merci d’y avoir consacré autant de votre temps.
4
A NOTRE DIRECTEUR DE THESE
Monsieur le Médecin en Chef Georges MION
Professeur agrégé du Val-de-Grâce,
Directeur du CIIADE du Val-de-Grâce,
Chevalier de la Légion d’Honneur,
Décoré de la Croix de Guerre des TOE.
Sans votre grande disponibilité, votre patience et votre gentillesse, cette thèse
n’existerait pas. Nous sommes particulièrement fier d’avoir travaillé à vos côtés. Votre
compagnonnage, mêlant enthousiasme et rigueur scientifique, représente à nos yeux l’un des
temps forts de notre vie d’interne. Nous espérons que ce travail est à la hauteur de vos
espérances et que nous ne vous avons pas déçu.
Que ce travail soit l’expression de notre sincère reconnaissance et l’assurance de nos
sentiments les plus respectueux.
5
A NOTRE PRESIDENT DE THESE
Monsieur le Professeur Christian RIPERT
Professeur émérite de parasitologie médicale,
Docteur en biologie animale,
Conseiller scientifique pour la démoustication du littoral Atlantique,
Ancien chef de service de biologie,
Officier des palmes académiques
Etudiant à la faculté de Bordeaux II, nous avons été très sensible à la richesse de votre
enseignement de la parasitologie. Nous vous remercions de l’honneur que vous nous faites en
acceptant de présider le jury de cette thèse.
Veuillez trouver ici nos plus respectueux remerciements et l’expression de notre grande
admiration.
6
A NOS JUGES
Monsieur le Médecin Chef des Services Hors Classe Max GOYFFON
Docteur en médecine,
Docteur ès sciences,
Maître de recherches du Service de Santé des Armées,
Professeur associé au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris,
Ancien Directeur du Laboratoire d’Etude et de Recherche sur les Arthropodes
Irradiés (L.E.R.A.I.) du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris,
Ancien Directeur scientifique du Centre de Recherche du Service de Santé des Armées.
Dès notre première rencontre, nous avons été très sensible à la chaleur de votre accueil
et à votre humour. Vous avez guidé nos premiers pas dans l’étude des envenimations avec
bienveillance. Vous vous êtes intéressés à ce travail d’emblée, et vous nous avez conseillé pour
son élaboration. Grâce à votre disponibilité, votre gentillesse et votre compétence, nous avons
appris beaucoup auprès de vous.
Que ce travail soit l’expression de notre gratitude, de notre admiration et de notre
profond respect.
7
Monsieur le Médecin Chef des Services de Classe Normale Jean-Marie SAISSY
Professeur agrégé du Pharo,
Directeur adjoint de l’enseignement et de la recherche
de l’Institut de Médecine Tropicale du Service de Santé des Armées,
Chevalier de la Légion d’Honneur,
Officier de l’Ordre National du Mérite,
Médaille Outre-Mer,
Médaille de bronze pour travaux scientifiques.
Nous sommes très attaché à votre présence dans notre jury. Sans nous connaître, vous
nous faites l’honneur d’accepter de juger ce travail. Nous savons l’importance de vos travaux
sur la réanimation en milieu tropical et nous sommes très honoré de votre présence.
Veuillez recevoir l’expression de notre sincère reconnaissance et l’assurance de nos
sentiments respectueux.
8
Monsieur le Médecin en Chef Laurent DOMANSKI
Assistant du Service de Santé des Armées,
Chef de service du Service d’Accueil et des Urgences
de l’Hôpital d’Instruction des Armées Robert Piqué,
Chevalier de la Légion d’Honneur,
Chevalier de l’Ordre National du Mérite,
Décoré de la Croix de la Valeur Militaire.
Vous nous avez fait découvrir la médecine d’urgence, et vous avez guidé nos premiers
pas dans cette spécialité. Vous avez accepté sans hésiter de juger ce travail, nous y sommes
très sensible.
Veuillez trouver ici l’expression de nos sincères remerciements et de notre profonde
reconnaissance.
9
A Monsieur le Médecin Général Inspecteur Guy BRIOLE,
Directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce
Professeur Agrégé du Val-de-Grâce
Officier de la Légion d’Honneur,
Officier de l’Ordre National du Mérite,
Chevalier des Palmes Académiques.
A Monsieur le Médecin Général FLOCARD,
Directeur Adjoint de l’Ecole du Val-de-Grâce
Professeur Agrégé du Val-de-Grâce,
Chevalier de la Légion d’Honneur,
Officier de l’Ordre National du Mérite,
Récompense pour travaux scientifiques et techniques,
Médaille d’Honneur du Service de Santé des Armées.
10
A Monsieur le Médecin Général DEROSIER
Médecin Chef de l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin
A Monsieur le Médecin Chef des Services BOUAT
Médecin Chef Adjoint de l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin
11
A Monsieur le Médecin Chef des Services Hors Classe Bernard BAUDUCEAU,
Professeur Agrégé du Val de Grâce,
Chef du Service d’Endocrinologie
de l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin,
Responsable pédagogique militaire du DES de Médecine Générale,
Chevalier de la Légion d’honneur,
Chevalier de l’Ordre National du Mérite.
12
A NOS MAITRES
Monsieur le Médecin Chef des Services Hors Classe Jean-Marie GARCIN
et
Monsieur le Médecin en Chef François COINTET
Service de Médecine interne et Oncologie
De l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin
Monsieur le Médecin Chef des Services Jean-Eric PONTIES
Service de Gynécologie - Obstétrique
De l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin
Monsieur le Médecin en Chef François ROLLAND
Médecin major du Service médical
De la Base Aéro-Navale de Nîmes-Garons
Monsieur le Médecin Chef des Services Hors Classe Yves MECHINEAU
et
Monsieur le Médecin en Chef François TOPIN
Service d’Accueil des Urgences
De l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin
Monsieur le Médecin Chef des Services Jean-Marie ROUSSEAU
Service d’Anesthésie - Réanimation
De l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin
13
TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS………………………………………………………………………... p 18
INTRODUCTION……………………………………………………………………….. p 19
I- Pourquoi une étude des envenimations ophidiennes en République de Djibouti ? ……p 20
II- Présentation de la République de Djibouti et du Groupement Médico-Chirurgical Bouffard
…………………………………………………………………………………………….. p 21
III- Les Vipéridés de la République de Djibouti ………………………………………….. p 22
MATERIEL ET METHODE…………………………………………………………… p 26
I- Patients …………………………………………………………………………………p 26
II- Méthode ………………………………………………………………………………..p 26
III- Analyse statistique ……………………………………………………………………. p 28
RESULTATS…………………………………………………………………………….. p 29
I- Caractéristiques des envenimations ophidiennes ………………………………………p 30
II- Prise en charge des morsures …………………………………………………………. p 31
III- Evolution de l’hémostase pour les grades 2 et 3 ……………………………………... p 40
IV- Evolution des patients dans le service ………………………………………………... p 45
DISCUSSION……………………………………………………………………………. p 47
I- Caractéristiques des envenimations ophidiennes en République de Djibouti ………... p 47
II- Grade d’envenimation ………………………………………………………………... p 54
III- Prise en charge dans le service de réanimation du GMC Bouffard …………………. p 54
IV- Evolution de l’hémostase ……………………………………………………………. p 57
V- Limites de notre étude ……………………………………………………………….. p 61
PROPOSITION DE CONDUITE A TENIR DEVANT UNE ENVENIMATION PAR
VIPERIDE EN REPUBLIQUE DE DJIBOUTI………………………………………. p 62
I- Prise en charge initiale sur le terrain …………………………………………….……. p 63
II- Evaluation au centre de santé ou à l’hôpital ………………………………………….. p 64
III- Prise en charge en centre de santé ou à l’hôpital ……………………………………... p 65
CONCLUSION……………………………………………...…………………………… p 67
ANNEXES………………………………………………………………………………... p 69
Annexes « Résultats » …………………………………………………………………….. p 70
Revue de la littérature ……………………………………………………………………...p 76
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES………………………………………………. p 161
14
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
Figure 1 : Aire de distribution d’Echis pyramidum ……….……………………………… p 23
Figure 2 : Echis pyramidum ………………………………………………………………. p 23
Figure 3 : Aire de distribution de Bitis arietans ………………………………………….. p 24
Figure 4 : Bitis arietans ………………………………………………………………….... p 24
Tableau 1 : Score clinique pour l’œdème ………………………………………………… p 26
Tableau 2 : Définition des anomalies biologiques ………………………………………... p 26
Tableau 3 : Score clinico-biologique d’envenimation ophidienne ……………………….. p 27
Figure 5 : Distribution des 116 patients hospitalisés en réanimation en fonction du mois
……………………………………………………………………………………………... p 29
Figure 6 : Distribution des cas en fonction de la saison : chaude et « fraîche » …………. p 29
Figure 7 : Distribution des patients en fonction du district où s’est produit la morsure …. p 30
Figure 8 : Distribution des patients en fonction de l’heure de survenue de la morsure …... p 30
Figure 9 : Distribution des patients en fonction de leur sexe et leur âge …………………. p 31
Figure 10 : Distribution des patients en fonction du siège de la morsure ………………… p 32
Tableau 4 : Siège de la morsure en fonction de l’âge et du sexe …………………………. p 32
Figure 11 : Localisation des saignements ………………………………………………… p 33
Figure 12 : Distribution des patients en fonction du stade de l’œdème …………………... p 33
Figure 13 : Autres signes loco-régionaux ………………………………………………… p 34
Figure 14 : Signes généraux présentés par les patients mordus …………………………... p 34
Tableau 5 : Anomalies de la NFS observées chez les patients mordus …………………... p 35
Figure 15 : Bilan d’hémostase initial ………………………………………………………p 35
Figure 16 : Autres troubles biologiques présentés par les patients mordus ………………. p 36
Figure 17 : Fréquence des différents grades ……………………………………………… p 36
Figure 18 : Répartition des cas en fonction du délai de prise en charge …………………. p 37
Figure 19 : Antalgiques et antibiothérapie administrés ………………………………….. p 37
Figure 20 : Posologie totale utilisée pour le FAV-Afrique® ……………………………. p 39
Tableau 6 : Réinjection d’antivenin selon le grade ……………………………………… p 39
Figure 21 : Délai de réinjection entre les deux premières injections de FAV-Afrique® … p 39
15
Tableau 7 : Comparaison des groupes « antivenin » et « pas d’injection » ….…………..… p 40
Figure 22 : Normalisation des paramètres biologiques au cours du temps, avec ou sans
antivenin…………………..………………………………………………………..…….…. p 41
Tableau 8 : Comparaison des groupes « Bitis-Echis-Naja® » et « FAV-Afrique® » ...….…. p 42
Figure 23 : Normalisation des paramètres biologiques au cours du temps, avec utilisation de
FAV-Afrique® versus sérum Bitis – Echis - Naja® ……………………..……………..…… p 42
Tableau 9 : Comparaison des groupes « posologie à 1 ampoule » et « posologie à 2 ampoules »
……………………………………………………………………………..….……….……. p 43
Figure 24 : Normalisation des paramètres biologiques au cours du temps en fonction de la
posologie initiale de FAV-Afrique® administrée …………………………..…….………… p 43
Figure 25 : Normalisation des paramètres biologiques au cours du temps, en fonction du délai
de prise en charge…………………………………………………………….….…………. p 44
Tableau 10 : Comparaison des groupes « délai ≤ 24 h » et « délai > 24 h » ….……..…….. p 45
Figure 26 : Distribution des patients en fonction de la durée d’hospitalisation …..………. p 45
Figure 27 : Distribution des patients en fonction de leur devenir ………………...………. p 46
Figure 28 : Action des venins sur l’endothélium et les plaquettes …………….….………. p 49
Figure 29 : Action des venins sur la coagulation et la fibrinolyse ……….….….……….... p 50
Figure 30 : Radiographies du patient ayant présenté un hémothorax (avant et après drainage)
……………………………………………………………………………….….…………. p 51
Figure 31 : Evolution des paramètres de l’hémostase (TP et fibrinogénémie) dans deux groupes
de patients mordus par « Echis carinatus » en République de Djibouti ………..…..…….. p 58
16
ENVENIMATIONS PAR VIPERIDES EN
REPUBLIQUE DE DJIBOUTI
ETUDE RETROSPECTIVE MENEE
D’OCTOBRE 1994 A MAI 2006
DANS LE GMC BOUFFARD
17
AVANT-PROPOS
Il n’existe qu’une seule espèce d’Echis en République de Djibouti : Echis pyramidum.
Cette espèce a longtemps répondu à l’appellation d’Echis carinatus, dont l’aire de distribution
s’étend de l’Inde à l’Iran et à l’Ouzbékistan.
La littérature médicale et scientifique est riche en références se rapportant au venin
d’Echis carinatus. Or, il est fort probable que certains composants étudiés de ce venin
appartiennent en réalité à Echis pyramidum. Nous avons donc choisi de décrire également ces
protéines mais les difficultés liées à la systématique nous font préférer l’utilisation de
guillemets lorsque nous évoquerons le venin d’ « Echis carinatus ».
Par ailleurs, le lecteur souhaitant obtenir de plus amples renseignements trouvera en
annexe une revue de la littérature portant sur les envenimations par Vipéridés en République de
Djibouti. Dans la partie traitant de la composition et du mode d’action des venins, les
nombreuses confusions dues à la complexité du genre Echis nous ont amené à décrire les
venins des principales espèces du genre Echis.
18
INTRODUCTION
Le nombre annuel de morsures de serpents dépasse 5 millions et le nombre de décès
consécutif aux morsures de serpents 125 000 [28]. A ces chiffres, il faut ajouter 400 000
patients qui gardent des séquelles fonctionnelles graves : amputations, insuffisance rénale,
séquelles neurologiques [98]. Alors que les morsures de serpents nécessitent peu souvent une
prise en charge médicale en France (1000 cas par an) [44], les envenimations ophidiennes en
Afrique représentent un problème de santé publique, par leur fréquence et leur gravité, mais
également du fait des difficultés de leur prise en charge.
Il y aurait, par an, en Afrique, plus d’un million de morsures de serpents suivies de
500 000 envenimations dont 20 à 30 % graves, avec près de 25 000 décès [74] mais ces chiffres
sont certainement sous-estimés. Dans certains pays africains, les morsures de serpents
occasionnent jusqu’à plus d’un quart des décès accidentels chez l’adulte [51]. Une étude menée
en 1993 dans un service de médecine du Burkina Faso a montré que les patients hospitalisés
pour morsure de serpent étaient deux fois plus nombreux que les patients hospitalisés pour
diabète et affections cardio-vasculaires [47]. Cependant, en Afrique Noire, seulement 15 % des
victimes sont hospitalisées et au plus 10 % de celles qui le nécessitent bénéficient d’une
immunothérapie antivenimeuse.
Les statistiques hospitalières ne représentent qu’une faible proportion du phénomène.
La morbidité varie d’un endroit à l’autre en fonction de l’utilisation du système de santé par les
populations et de son attractivité. La létalité, également très variable, reflète les performances
du système de soins [31].
Les Vipéridés sont responsables de plus de 90 % des envenimations ophidiennes en
Afrique tropicale, notamment en savane et dans le sahel [24]. Deux espèces sont décrites en
République de Djibouti : Echis pyramidum et Bitis arietans. Echis pyramidum est certainement
le plus important sur le plan médical : les Echis sont suspectés de provoquer 20 000 décès
annuels en Afrique de l’Ouest ; ils remplissent 10 % des lits d’hospitalisation dans certaines
régions du Nigeria à certaines périodes de l’année [91]. Toujours au Nigeria, la mortalité
atteignait 10 à 20 % avant l’utilisation de l’antivenin [66]. Les Bitis occasionnent moins de
19
morsures, mais celles-ci sont généralement sévères et exigent un traitement rapide surtout pour
ces derniers [12].
L’association d’une atteinte clinique et/ou biologique de l’hémostase et d’un syndrome
local (douleur, œdème, nécrose et/ou gangrène), constitue une entité syndromique appelée
syndrome vipérin et évocatrice en Afrique d’une envenimation par Vipéridé [87].
I- POURQUOI
UNE
ETUDE
DES
ENVENIMATIONS
OPHIDIENNES
EN
REPUBLIQUE DE DJIBOUTI ?
La connaissance épidémiologique des morsures de serpents est parcellaire. Elle est
pourtant fondamentale pour améliorer la prise en charge des envenimations ophidiennes ;
notamment en Afrique où le risque d’envenimation est majeur ; et l’infrastructure sanitaire, la
disponibilité en médicaments et la formation du personnel sont insuffisantes [28]. Elle pourrait
également encourager les laboratoires à développer la production et la distribution d’antivenin,
et à en diminuer les coûts [87].
Alors que l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Sud ont fait l’objet de nombreux
travaux, les données de la littérature sont rares, en ce qui concerne la Corne de l’Afrique. Il est
très difficile de trouver des données sur les envenimations ophidiennes en République de
Djibouti [86, 87]. Nous présentons ici une synthèse sur une longue période (plus de dix ans)
des caractéristiques des envenimations ophidiennes prises en charge par le service qui reçoit le
plus d’envenimations dans les armées, à savoir le service de réanimation du Groupement
Médico-Chirurgical (GMC) Bouffard de la République de Djibouti.
Lors de nos recherches bibliographiques, nous avons constaté le manque de données sur
l’évolution, notamment biologique, des patients mordus. Nous nous sommes donc plus
particulièrement intéressés à cette question, en dressant les courbes des temps de normalisation
de différents paramètres biologiques, avec versus sans utilisation d’antivenin, en fonction de
l’antivenin utilisé, en fonction de la posologie initiale utilisée pour le FAV-Afrique® et en
fonction du délai entre morsure et administration d’antivenin.
La République de Djibouti est le pays où se trouve le plus important contingent de
militaires français en poste à l’étranger. La situation internationale impose à la France de
garder des positions militaires géostratégiques hors de son territoire. Le risque d’envenimation
est considéré avec une grande attention dans les armées appelées à manœuvrer dans les zones
20
peuplées de serpents venimeux. Quel que soit l’incidence (de 10 à 50 morsures par an pour
100 000 militaires en opération dans les régions tropicales) les principaux soucis de l’étatmajor sont de disposer sur place des moyens spécifiques de traiter correctement une
envenimation (antivenins appropriés en quantité suffisante) et d’éviter la panique des troupes
face à un risque auquel elles ne sont pas préparées [12].
Or, le traitement de cette pathologie peu enseignée fait l’objet de plusieurs protocoles
qui diffèrent selon les auteurs et reste assez obscur pour nombre de praticiens. En conséquence,
nous avons développé une conduite à tenir basée sur la littérature et sur nos résultats, et
destinée aux médecins qui prendront en charge un patient mordu en République de Djibouti.
II- PRESENTATION DE LA REPUBLIQUE DE DJIBOUTI ET DU GROUPEMENT
MEDICO-CHIRURGICAL BOUFFARD
La République de Djibouti, également connue sous le nom de « Pays des Braves »
appartient à la Corne de l’Afrique, composée également par la Somalie, l’Erythrée, l’Ethiopie
et le Kenya. Elle est située au bord de la mer Rouge et fait face à la péninsule arabique. Ce petit
pays de 23 700 km² est bordé à l’extrême nord par l’Erythrée, au nord et à l’ouest par
l’Ethiopie, au sud par la Somalie et à l’est par le Golfe d’Aden. Elle est subdivisée en cinq
districts : Djibouti, Ali Sabieh, Dikhil, Obock et Tadjourah.
Le paysage est aride, à la fois montagneux et désertique. C’est l’une des régions les plus
chaudes du globe. La population compte 460 700 habitants (en 2001) et la densité est de 20
habitants/km². La ville de Djibouti et sa zone périurbaine défavorisée hébergent plus de 75 %
des habitants du pays. La République de Djibouti est un pays pauvre, classé au 168ème rang
mondial avec un produit national brut de 700 dollars en 1995. Le salaire mensuel moyen à
Djibouti-ville est de 35 000 FDJ (soit environ 150 euros). Il existe une nette inégalité de la
répartition des richesses et plus de la moitié des habitants vivent en dessous ou au niveau du
seuil mondial de pauvreté [42].
Centré sur le soutien sanitaire des Forces Françaises à Djibouti (FFDJ) et leurs familles,
ainsi que sur celui des Forces Armées Djiboutiennes (FAD) et leurs familles, le Groupement
Médico-Chirurgical (GMC) Bouffard participe également aux soins de la population locale. Le
GMC comprend un service de médecine et de psychiatrie, un service de chirurgie polyvalente,
un service de réanimation polyvalente, une maternité, un service d’accueil des urgences ainsi
21
qu’un service d’imagerie médicale doté d’un scanner, un laboratoire d’analyses médicales et
une pharmacie. Les militaires français ne représentent que 3 % des journées d’hospitalisation
(345 sur 12 446) et 11 % des consultations (2 383 sur 21 818) en 2001. L’aide médicale
gratuite représente environ la moitié de l’activité du GMC [130].
III- LES VIPERIDES DE LA REPUBLIQUE DE DJIBOUTI
Les données de la biologie moléculaire ont mis en évidence le fait que les Vipéridés
sont une famille plus ancienne que celles des Colubridés et des Elapidés [11]. Les Vipéridés
sont des serpents solénoglyphes, c’est-à-dire qu’ils sont dotés d’un crochet venimeux mobile
qui se déploie à l’ouverture de la gueule. Ce crochet, relié à une glande à venin entourée d’une
forte musculature dérivée des muscles temporaux, agit un peu à la manière d’une seringue
hypodermique [12].
.
A- Echis pyramidum
Les vipères du genre Echis sont également appelées échides, saw-scaled vipers ou
carpet vipers. Le nom de saw-scaled vipers fait référence au bruit caractéristique qu’elles font
lorsqu’elles se sentent menacées : elles frottent leurs anneaux recouverts d’écailles carénées
entre eux et produisent ainsi un bruit strident qui rappelle celui d’une scie coupant du bois.
Elles émettent de puissants sifflements en cas de menace. Le nom de carpet vipers provient de
leur pattern [83].
Le genre Echis est largement distribué de l’Afrique occidentale au Sri Lanka et à l’Asie
centrale [12]. Les espèces de ce genre sont généralement irascibles et probablement
responsables du plus grand nombre d’accidents et de décès liés aux serpents en Afrique
occidentale ainsi que nombreuses envenimations en Inde et au Pakistan [23].
La définition du genre Echis sous-tend une des problématiques les plus importantes de
la systématique ophidienne, rassemblant des espèces souvent confondues les unes avec les
autres. Jusqu’en 1990, Echis leucogaster, Echis ocellatus et Echis pyramidum n’étaient pas
reconnus comme espèces et étaient toutes considérées comme Echis carinatus. Ainsi, il n’est
pas rare de trouver des publications concernant des envenimations par Echis carinatus en
Afrique, alors que cette espèce est absente de ce continent [43, 143].
Echis pyramidum (échide ou vipère des pyramides) est le seul Echis présent en
République de Djibouti. Echis pyramidum est décrite notamment au Maghreb et en Afrique de
l’Est (Fig. 1).
22
Pays où l’espèce a été décrite
Figure 1 : Aire de distribution d’Echis pyramidum
Les principales caractéristiques morphologiques d’Echis pyramidum sont une tête ovale,
un cou marqué, un œil moyen ou grand avec une pupille verticalement elliptique, un corps
cylindrique et recouvert d’écailles de petite taille et une queue courte. Les adultes mesurent en
moyenne 400 mm avec une taille maximale de l’ordre de 700 mm. Le dos est couleur sable ou
latérite avec des taches vertébrales claires entourées d’une zone plus sombre gagnant les flancs.
Le ventre est blanc avec des ponctuations noires (Fig. 2) [11, 12, 43, 143].
Figure 2 : Echis pyramidum (source : Internet)
Ses biotopes sont essentiellement les plaines arides et les savanes, les clairières, les sols
sableux et les amas de rochers. Cette espèce est discrète et nocturne, se tenant cachée durant le
jour dans divers abris : terriers de mammifères, vieilles souches, fissures rocheuses. En région
désertique, elle peut s’enterrer dans le sable, ne laissant dépasser que la tête. Son activité est
particulièrement intense après la pluie et lors des nuits humides [83].
23
B- Bitis arietans
Bitis arietans (« Puff adder ») est un serpent de moeurs crépusculaires ou nocturnes,
mesurant entre 90 cm et 2 mètres pour un poids de 6 kg). C’est une espèce savanicole ou
sahélienne commune, retrouvée en Afrique, du Sahara à l’Afrique du Sud (Fig. 3). Son
identification est aisée : grosse taille, tête large, plate et triangulaire, fort détachement du cou,
corps aplati et trapu (jusqu’à 30 cm de circonférence), dos de couleur beige foncé (Fig. 4) [74,
82].
Pays où l’espèce a été décrite
Figure 3 : Aire de distribution de Bitis arietans
Elle se déplace lentement et n’attire guère l’attention en raison de sa coloration dorsale
aux motifs complexes qui constitue un bon camouflage au milieu des herbes sèches et des amas
de feuilles mortes. C’est en lui marchant dessus que surviennent la plupart des accidents [131].
En situation de danger, elle se dresse, le cou en S, tête vers le sol en sifflant bruyamment [74].
L’espacement de plusieurs centimètres entre la marque des deux crochets permet d’identifier la
morsure si elle est intervenue la nuit et qu’elle n’a pu être observée [131].
Figure 4 : Bitis arietans (photographie S. Larréché)
24
C- Les autres serpents venimeux de la République de Djibouti
Naja pallida ou Cobra rouge possède un venin riche en neurotoxines [11].
L’envenimation provoque un syndrome local majeur avec une douleur intense, un œdème
important, des phlyctènes et une nécrose sèche, ce qui est rare pour un Elapidé. Il n’existe pas
de trouble de l’hémostase en revanche. Le venin est également responsable d’une neurotoxicité
à l’origine d’une paralysie respiratoire par atteinte de la jonction neuromusculaire : on parle de
syndrome cobraïque [135]. Naja pallida est capable de projeter son venin jusqu’à trois mètres
de distance en visant les yeux de son agresseur. Cette projection entraîne des douleurs oculaires
intenses, un blépharospasme et un œdème palpébral, qui peuvent au final évoluer vers une
kératite, voire une cécité définitive en l’absence de soins appropriés [2, 88].
Dispholidus typus ou Boomslang est un Colubridé doté de crochets venimeux placés en
position postérieure dans la gueule (serpent opisthoglyphe) et d’un venin très toxique, composé
d’enzymes protéolytiques et d’un activateur de prothrombine [11, 62]. Le syndrome local est
modéré, des troubles de la coagulation apparaissent rapidement, accompagnés de céphalées,
d’hypotension artérielle, voire de convulsions et d’arrêt respiratoire [2].
Atractaspis microlepidota et Atractaspis Leucomelas sont dotés d’un venin caractérisé
par des cardiotoxines spécifiques, les sarafotoxines, qui agissent au niveau du système
vasculaire en entraînant une contraction réversible du muscle cardiaque ainsi que des muscles
lisses de différents tissus [49]. Ces sarafotoxines peuvent provoquer un bloc auriculoventriculaire du premier degré, une bradycardie ventriculaire et une désynchronisation de
l’excitation cardiaque [12] ainsi que de véritables ischémies myocardiques [88]. Une
bronchoconstriction, une neurotoxicité et un choc anaphylactoïde sont également possibles. En
revanche, le syndrome local (inflammation, nécrose) est modéré et il n’y a pas de trouble de la
coagulation [2].
Le serpent marin Pelamis platurus est le seul représentant des Hydrophidés décrit en
République de Djibouti. Les myotoxines de son venin se fixent sur les canaux potassium ou
calcium des cellules musculaires, sans altérer les récepteurs à acétylcholine et provoquent leur
nécrose [12]. Une rhabdomyolyse apparaît en trente minutes environ [88, 110] et le décès
survient soit à la suite des désordres hydro-électrolytiques ou de l’insuffisance rénale, soit à la
suite de la défaillance respiratoire secondaire à la lyse des muscles respiratoires [88].
25
MATERIEL ET METHODE
I- PATIENTS
Nous avons étudié de façon rétrospective tous les cas de morsure de serpent pris en
charge par le service de réanimation du GMC entre octobre 1994 et mai 2006. Sur les 116
patients du registre d’hospitalisation, 84 dossiers ont été retrouvés. Les dossiers introuvables
ont été détruits lors de l’inondation des archives, en 2004.
Les cas de morsure de serpent admis en réanimation à l’Hôpital Peltier (hôpital civil de
Djibouti) entre avril 2003 et mai 2006 ont été également colligés.
II- METHODE
Les données ont été colligées au moyen d’une fiche questionnaire (annexe 1). Cette
fiche comportait des renseignements sur les circonstances de la morsure, les caractéristiques du
patient, les caractéristiques cliniques, les résultats des examens biologiques et le traitement
reçu. Les stades désignant l’œdème sont ceux décrits par Chippaux (Tab. 1). Les valeurs
choisies pour définir les différentes anomalies biologiques sont précisées dans le tableau 2.
Stade de l’oedème
Stade 0
Stade 1
Stade 2
Stade 3
Stade 4
Stade 5
Description de l’oedème
Pas d’œdème
Remonte à la jambe ou à l’avant-bras sans atteindre le genou ou le coude
Atteint le genou ou le coude
Dépasse le genou ou le coude sans atteindre la racine du membre
Atteint la racine du membre
Dépasse la racine du membre
Tableau 1 : Score clinique pour l’œdème (d’après Chippaux) [16]
Anomalie biologique
Anémie
Hyperleucocytose
Thrombopénie
Augmentation des CPK
Augmentation de la CRP
Insuffisance rénale aigue
Hypokaliémie
Hyperkaliémie
Hyponatrémie
Hypophosphorémie
Hypocalcémie
Hypercalcémie
Augmentation des transaminases
Hyperbilirubinémie
Valeur seuil
Hb < 9 g/dL
GB > 10 G/L
Plaquettes < 150 G/L
CPK > 300 U/I
CRP > 10 mg/L
Créatinine > 120 µmol/L
K+ < 3,5 mmol/L
K + > 5 mmol/L
Na+ < 135 mmol/L
P+ < 0,77 mmol/L
Ca2+ < 2,2 mmol/L
Ca2+ > 2,6 mmol/L
ASAT> 40 U/I ; ALAT> 65 U/I
Bilirubine totale > 17 µmol/L
Tableau 2 : Définition des anomalies biologiques
26
Chaque patient a été côté en fonction d’un grade évaluant la gravité de l’envenimation
et la nécessité de l’antivenin (Tab. 3). Nous avons élaboré ce score en confrontant les données
de la littérature [12, 18, 19, 21, 24, 25, 29, 78, 86, 87, 127, 136] et sur l’expérience clinique des
médecins réanimateurs du GMC.
Grade
Syndrome local
0
Douleur modérée,
Traces des crochets
Douleur importante,
Œdème ne dépassant
pas le coude ou le
genou
1
2
3
Syndrome
hémorragique
Signes généraux
Biologie
Hyperleucocytose,
Rhabdomyolyse,
Modifications mineures de
l’hémostase :
- 80 < Plaq < 150
- 45 % < TP < 70 %
- 1< Fib < 2
Œdème dépassant le Saignement au niveau du Vomissements,
Coagulopathie :
coude ou le genou,
site de morsure,
Diarrhée,
- Plaq < 80
Phlyctène(s)
des points de ponction,
Douleur thoracique ou
- TP < 45 %
hématurie
abdominale,
- TCA > 3
macroscopique ou
Lipothymie, Collapsus
- Fib < 1g/L
gingivorragies
(PAS < 80 mmHg)
- TCTS > 30’,
Frissons, sueurs
Insuffisance rénale
profuses
(créatinine > 120mmol/L)
Œdème atteignant ou Epistaxis,
Etat de choc,
Coagulopathie définie
dépassant la racine
Hémoptysie,
Troubles neurologiques, en 3, associée à une Hb
Saignement digestif,
Coma,
< 9 g/dL
du membre,
Nécrose
Autre saignement
Insuffisance respiratoire
Bradycardie (FC<50)
Tableau 3 : Score clinico-biologique d’envenimation ophidienne
Un grade 2 avec l’un de ces critères était considéré comme grade 3 :
âge < 11 ans ou > 60 ans,
poids < 25 kg,
grossesse,
morsure du visage ou du cou,
intoxication éthylique aigue,
antécédents : ulcère digestif, diabète, pathologie cardio-vasculaire,
tuberculose, troubles congénitaux de l’hémostase.
Le grade 0 correspondait à une morsure sèche, sans envenimation. Le grade 1
correspondait à une envenimation modérée, le grade 2 à une envenimation grave et le grade 3 à
une envenimation menaçant immédiatement le pronostic vital.
Afin d’étudier l’évolution des paramètres biologiques, nous avons colligé pour chaque
patient (tableau présenté en annexe 2) la date et l’heure de la morsure, la date et l’heure de la
première injection d’antivenin, l’évolution de quatre paramètres : la numération des plaquettes,
le taux de prothrombine (TP), le rapport de temps de céphaline activée (TCA malade / TCA
témoin) et la fibrinogénémie. Les analyses biologiques présentées dans cette étude ont toutes
été effectuées au laboratoire du GMC. Nous avons exclu deux dossiers pour cette partie de
27
l’étude : un patient traité par héparine et un patient traité par antivenin administré par voie
sous-cutanée.
III- ANALYSE STATISTIQUE
Nous avons saisi ces données dans une base de données sous Access®. Les
informations recueillies ont été ensuite analysées avec le logiciel de statistiques Epi-Info®
version 6.0. Le test du Chi² et le test exact de Fisher (pour les petits effectifs) ont été utilisés
pour comparer les variables qualitatives. Le test H de Kruskal-Wallis a été utilisé pour
comparer les durées d’hospitalisation avec ou sans antivenin. Le risque d’erreur α était de 5%.
Des courbes de normalisation de quatre paramètres de l’hémostase ont été réalisées
selon la méthode de Kaplan-Meier. Cette méthode permet de calculer la probabilité de
normalisation à chaque fois qu’au moins une anomalie de l’hémostase était enregistrée sur le
bilan biologique. Si on appelle :
Vi : le nombre de patients présentant une valeur anormale du paramètre d’hémostase au début
de l’intervalle de temps ti – ti-1
Di : le nombre de patients présentant une valeur normale du paramètre pendant l’intervalle ti – ti-1
qi : la probabilité de normalisation du paramètre pendant l’intervalle ti – ti-1 : qi = Di / Vi
Si : la fonction de normalisation à l’instant ti : Si = p0p1 … pi = piSi-1
Temps
t0
t1
t2
…
ti
Nombre de patients
présentant une valeur
anormale
0
V1
V2
…
Vi
Nombre de patients
présentant une valeur
normale
D0
D1
D2
…
Di
Probabilité de
normalisation
Fonction de
normalisation
Q0 = 0
Q1 = D1 / V1
Q2 = D2 / V2
…
Qi = Di / Vi
S0 = 1
S1 = S0p1
S2 = S1p2
…
Si = Si-1pi
L’analyse de la fonction de normalisation par la méthode de Kaplan-Meier s’exprime
par un graphique portant en abscisses le temps et en ordonnées la probabilité de normalisation.
Cette probabilité est le pourcentage de l’effectif dont le paramètre d’hémostase dépasse le seuil
arbitrairement fixé pour définir le trouble de l’hémostase. La courbe est en marche d’escalier
ascendant. Chaque plateau représente la probabilité de normalisation pendant l’intervalle. Le
montant de la marche représente le gain de la probabilité de normalisation du paramètre
d’hémostase constatée à l’instant t.
Nous avons utilisé le test du log-rank pour comparer les courbes de normalisation des
paramètres biologiques (α=5%), en tenant compte des sujets qui ne se normalisent pas. Ce test
ne peut pas comparer deux courbes qui se croisent.
28
RESULTATS
L’analyse des registres du GMC et de l’Hôpital Peltier a montré un nombre de patients
plus important pour l’hôpital civil (n=97 vs n=30) sur la même période (avril 2003 à mai 2006)
(annexes 3 et 4). Aucun décès n’a été enregistré au GMC alors que neuf décès ont été déplorés
à l’Hôpital Peltier.
L’incidence saisonnière des morsures calculée à partir des 116 patients du registre du
GMC montre l’existence de deux pics en mai et septembre. Les mois de l’année où l’on
constate le moins de morsures sont février et novembre, qui correspondent aux périodes les
plus humides (Fig. 5). Il existe une prédominance des cas en saison chaude (Fig. 6).
25
nombre de cas
20
20
15
15
12
10
12
11
10
8
7
7
6
4
5
4
Ja
nv
ie
r
Fé
vr
ie
r
M
ar
s
Av
ri l
M
ai
Ju
in
Ju
ille
t
A
Se
oû
pt
em t
br
e
O
ct
N obr
e
ov
em
b
D
éc re
em
br
e
0
Figure 5 : Distribution des 116 patients hospitalisés en réanimation en fonction du mois
13
14
12
12
Nombre de cas
10
10
10
8
7
8
8
7
5
6
4
3
4
4
4
3
3
3
2
1
2
0
1
2 2
1
2
1
0
0
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
Saison chaude (n=64)
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Saison froide (n=52)
Figure 6 : Distribution des cas (n=116) en fonction de la saison :
chaude (de mai à septembre) et « fraîche » (d’octobre à avril)
29
I- CARACTERISTIQUES DES ENVENIMATIONS OPHIDIENNES
A- Circonstances de morsure
La provenance était précisée pour 75 patients. Quarante neuf patients (65 %)
provenaient du service des urgences du GMC. Les autres provenaient de l’Hôpital Peltier (21
cas soit 28 %), d’une des infirmeries des Forces Armées Djiboutiennes (3 patients soit 4 %) ou
du dispensaire d’Obock (2 patients soit 3 %).
Le recrutement du service de réanimation est national (Fig. 7).
Djibouti (n=21)
25%
Dikhil (n=13)
15%
Obock (n=12)
14%
Tadjourah (n=10)
12%
Ali Sabieh (n=1)
1%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
Figure 7 : Distribution des patients en fonction du district où s’est produit la morsure (n=57)
Le pic des morsures survient à 20 heures. Les morsures survenaient majoritairement en
fin de journée, entre 18 et 20 heures : 18 cas (21 %) (Fig. 8).
12
10
nombre de cas
10
8
8
6
4
4
3
4
3
3
2
2
1
1
1h
2h
2
2
1
2
3
2
1
4
2
1
1
1
1
1
0
3h
4h
5h
6h
7h
8h
9h
10 h 11h
12 h 13 h 14 h 15 h 16 h 17 h 18 h 19 h 20 h 21h 22 h 23 h 0 h
Heure de la journée
Figure 8 : Distribution des patients en fonction de l’heure de survenue de la morsure (n=84)
30
Dans 36 cas (44%), le serpent responsable n’était pas identifié dans le dossier. Une
vipère, sans notion de genre ou d’espèce, était mise en cause dans 34 dossiers (40 %) et le
genre Echis était spécifié dans 12 dossiers (14 %). Deux patients auraient été mordus par des
Naja (2 %).
B- Age et sexe des patients
La population de l’étude se répartissait en 64 hommes et 20 femmes. Le sex-ratio (H/F)
de cette population était de 3,2. L’âge moyen était 28 ans +/- 15 (extrêmes : 1 - 61 ans).
Les morsures concernaient toutes les classes d’âge mais survenaient préférentiellement
chez les jeunes hommes âgés de 21 à 40 ans. Les enfants de moins de 10 ans représentaient
15% de l’effectif global et ceux de moins de 5 ans, 8 % (Fig. 9).
30
24
25
25
20
16 16
nombre de
15
cas
16
13
10
9
8
6
7
5
7
7
3
5
4
1
1
0
0
5 ans et
moins
6 à 10 ans
11 à 20 ans
Femmes
21 à 30 ans
Hommes
31 à 40 ans
41 ans et
plus
Ens emble
Figure 9 : Distribution des patients en fonction de leur sexe et leur âge (n=84)
C- Caractéristiques cliniques
Le siège de la morsure était le membre supérieur pour 36 patients (43 %) et le membre
inférieur pour 48 patients (57 %). Il n’y avait pas de morsure au niveau de l’extrémité
céphalique (Fig. 10).
Il n’y avait pas de lien significatif entre siège de la morsure et âge, ni entre siège de la
morsure et sexe (p=0,5) (Tab. 4).
31
50%
46%
40%
37%
30%
20%
10%
1%
2%
1%
0%
1%
1%
4%
0%
0%
Cuisse
(n=0)
Genou
(n=0)
6%
0%
Epaule
(n=1)
Bras (n=2)
Coude
(n=1)
Avantbras (n=0)
Poignet
(n=1)
Main (n=
31)
Fesse
(n=1)
Jambe
(n=3)
Cheville
(n=5)
Pied
(n=39)
Figure 10 : Distribution des patients en fonction du siège de la morsure (n=84)
Membre supérieur
Membre inférieur
Nombre Fréquence Nombre Fréquence
5 ans et moins 3
4%
4
5%
6 à 10 ans
4
5%
3
4%
11 à 20 ans
4
5%
9
10 %
21 à 30 ans
8
10 %
17
19 %
31 à 40 ans
8
10 %
8
10 %
41 et plus
9
10 %
7
8%
Total
36
43 %
48
57 %
Femme
8
10 %
12
14 %
Homme
28
33 %
36
43 %
Total
36
43 %
48
57 %
Tableau 4 : Siège de la morsure en fonction de l’âge et du sexe (n=84)
(voir tableau détaillé en annexes 5 et 6)
Des saignements ont été présentés par 42 patients (50%). Les signes hémorragiques les
plus fréquents sont une hématurie macroscopique (19 %), une hémoptysie (18 %) et des
gingivorragies (17 %) (Fig. 11).
Il n’y avait pas de lien significatif entre saignements et âge du patient (RR=0,68
intervalle de confiance [0,29 ; 1,58]) (annexe 7).
32
Hématurie macroscopique (n=16)
19%
Hémoptysie (n=15)
18%
Gingivorragies (n=14)
17%
Epistaxis (n=6)
7%
Saignement au niveau de la morsure (n=6)
7%
Saignement au niveau des points de ponction (n=5)
6%
Placard hématique (n=2)
2%
Hématémèse (n=2)
2%
Méléna (n=1)
1%
Hémothorax (n=1)
1%
Hématome des muscles lombaires (n=1)
1%
Hématome abdominal (n=1)
1%
Hématome de la cuisse (n=1)
1%
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
18%
20%
Figure 11 : Localisation des saignements (n=84)
Un syndrome loco-régional a été présenté par 80 patients et tous avaient un œdème
(95 %). L’importance de cet œdème n’a pas été précisée dans 15 dossiers (œdème
indéterminé). L’œdème a atteint ou dépassé la racine du membre dans 12 cas sur 69 (18 %)
(Fig. 12). Il n’y a pas de relation significative entre les stades de l’œdème et l’âge du patient
(RR=1,75 intervalle de confiance à 95% = [0,96 ; 3,20] (annexe 8).
28%
30%
28%
25%
20%
20%
15%
10%
12%
6%
6%
5%
0%
Stade 0
(n=4)
Stade 1
(n=20)
Stade 2
(n=19)
Stade 3
(n=14)
Stade 4
(n=8)
Stade 5
(n=4)
stade de l'oedème
Figure 12 : Distribution des patients en fonction du stade de l’œdème (n=69)
33
Les patients ont présenté d’autres signes loco-régionaux. Les deux principaux sont la
présence de phlyctènes (16 %) et de nécrose locale (10 %) (Fig. 13).
Phlyctène(s) (n=13)
16%
Nécrose locale (n=8)
10%
Adénopathie loco-régionale (n=2)
2%
Gangrène (n=2)
2%
Paresthésies loco-régionales (n=1)
1%
Erythème extensif (n=1)
1%
0%
5%
10%
15%
20%
Figure 13 : Autres signes loco-régionaux (n=84)
Une nécrose locale était présentée par 8 patients : 2 au niveau de la pulpe d’un doigt, 3
au niveau d’un seul doigt, 1 au niveau de plusieurs doigts sans atteinte de la main, 1 au niveau
de la paume de la main et 1 au niveau d’un pied. Il n’y a pas de relation significative entre
nécrose et âge du patient (RR=3,56 ; intervalle de confiance à 95 % [0,91 ; 13,9] (annexe 9).
37 patients (44 %) ont eu un ou des signes généraux (Fig. 14).
16%
Tachycardie (n=13)
Vomissements (n=12)
14%
Hypotension artérielle (n=11)
13%
Fièvre (n=7)
8%
Douleur abdominale (n=7)
8%
Malaise (n=2)
2%
Céphalées (n=2)
2%
Agitation (n=1)
1%
Obnubilation (n=1)
1%
Hypersialhorrée (n=1)
1%
Sueurs profuses (n=1)
1%
Hypothermie (n=1)
1%
Diarrhée (n=1)
1%
Toux (n=1)
1%
Douleur thoracique (n=1)
1%
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
18%
Figure 14 : Signes généraux présentés par les patients mordus (n=84)
34
Des complications ont été présentées par 5 patients (6 %) :
- 1 état de choc,
- 1 érysipèle du membre mordu,
- 1 syndrome des loges,
- 1 décompensation asthmatique,
- 1 épanchement pleural bilatéral.
D- Caractéristiques biologiques
La fréquence et les valeurs extrêmes des anomalies de la NFS sont rapportées dans le
tableau suivant (Tab. 5). Huit cas de thrombopénie modérée isolée (entre 80 et 150 G/L) ont été
rapportés (9,5 %). En revanche, nous n’avons enregistré aucun cas de thrombopénie importante
isolée (inférieure à 80 G/L).
Anomalies de la NFS
Valeur maximale rapportée
Fréquence
Anémie (HB<9 g/dL)
2,8 g/dL
34 cas (40%)
Hyperleucocytose (GB>10 G/L)
50 cas (60 %)
44 900 /µL
Thrombopénie (Plaquettes < 150 G/L) 37 cas (44 %)
17 000 /µL
Tableau 5 : Anomalies de la NFS observées chez les patients mordus (n=84)
Une coagulopathie était présentée par 68 patients (82 %) : thrombopénie inférieure à
80 G/L, TP < 45 %, TCA <2 ou fibrinogène < 1 g/L. Les fréquences pour les valeurs nulles
initiales sont présentées par la figure 15. Un seul patient (1 %) a présenté une afibrinogénémie
sans aucun autre trouble de l’hémostase associée (afibrinogénémie isolée).
TP initial nul
(n=42)
50 %
TCA initial non
calculable (n=41)
49 %
Fibrinogène initial
nul (n=59)
70 %
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
Figure 15 : Bilan d’hémostase initial (n=84)
35
Les autres anomalies du bilan biologique sont présentées par la figure 16.
Augmentation des CPK (n=45)
54%
Hyponatrémie (n=28)
33%
Hypokaliémie (n=28)
33%
Augmentation de la CRP (n=27)
32%
Hématurie (n=24)
29%
Hypocalcémie (n=14)
17%
Augmentation des transaminases (n=10)
12%
Protéinurie (n=8)
10%
Hyperbilirubinémie (n=8)
10%
Hyperkaliémie (n=8)
10%
Hypophosphorémie (n=4)
5%
Insuffisance rénale aigue (n=3)
4%
Hypercalcémie (n=1)
1%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Figure 16 : Autres troubles biologiques présentés par les patients mordus (n=84)
E- Lien entre syndrome hémorragique et troubles biologiques de l’hémostase
Deux patients ont présenté des saignements sans trouble de l’hémostase (2 %). Sur les
68 patients ayant une coagulopathie, 42 ont saigné (62 %) et 26 n’ont présenté aucun
saignement (38 %).
F- Grade d’envenimation
La distribution des patients selon le grade est présentée par la figure 17.
70%
61%
60%
50%
40%
26%
30%
20%
10%
5%
8%
0%
Grade 0 (n=4)
Grade 1 (n=7)
Grade 2 (n=22)
Grade 3 (n=51)
Figure 17 : Fréquence des différents grades (n=84)
36
II- PRISE EN CHARGE DES MORSURES
A- Délai de prise en charge
Le délai moyen était 34 ± 39 heures (extrêmes : 1 - 192 heures) (Fig. 18). Plus d’un
tiers des patients (36 %) sont arrivés avant la 12ème heure, 62% avant la 24ème heure et 79 %
avant la 48ème heure.
35
30
nombre de cas
25
20
15
10
5
0
0 - 12
13 - 24
25 - 36
37 - 48
49 - 60
61 - 72
73 - 84
85 - 96
97 - 108 109 - 120 121 - 132 133 - 144 145 - 156 157 - 168 169 - 180 181 - 192
heures
Figure 18 : Répartition des cas en fonction du délai de prise en charge (n=84)
B- Mesures thérapeutiques non spécifiques (n=59)
Le volet aspécifique de la prise en charge comprenait systématiquement une antalgie,
une corticothérapie, l’éventuelle correction du statut antitétanique, ainsi qu’une désinfection
des plaies et une antibiothérapie. La répartition des différents traitements antalgiques et des
antibiotiques prescrits est présentée par la figure 19. Un patient a eu un drainage thoracique. Un
patient a été traité par héparinothérapie à dose curative.
antalgiques
Paracétamol (n=33)
38%
Paracétamol + Dextropropoxyphène (n=5)
6%
Agonistes-antagonistes morphiniques (n=13)
16%
Morphine (n=8)
10%
antibiothérapie
pénicilline G + métronidazole (n=29)
48%
amoxicilline + acide clavulanique (n=20)
34%
amoxicilline (n=7)
12%
oxacilline (n=1)
2%
tazocilline + métronidazole + gentamicine (n=1)
2%
métronidazole + amoxicilline + acide clavulanique (n=1)
2%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Figure 19 : Antalgiques et antibiothérapie administrés (n=59)
37
Cinq patients ont été transfusés : 2 ont reçu 1 concentré érythrocytaire, 2 ont reçu 2
concentrés et 1 a reçu 6 concentrés. Le patient présentant l’hémothorax a été autotransfusé avec
utilisation du cell saver.
C- Antivenin
2 antivenins ont été utilisés successivement sur la période de notre étude : le sérum
Pasteur – Mérieux Bitis Echis Naja® jusqu’en juillet 2001 puis le FAV-Afrique® de Aventis –
Pasteur. 69 patients (82 %) ont reçu un antivenin : 40 ont reçu le sérum Bitis – Echis – Naja®
et 29 ont reçu le FAV-Afrique®.
Patients non traités
Patients traités
Grade 0
Nombre Fréquence
2
2%
2
2%
Grade 1
Nombre Fréquence
3
4%
4
5%
Grade 2
Nombre Fréquence
8
10 %
14
17 %
Grade 3
Nombre Fréquence
2
2%
49
58 %
Il existe un lien significatif entre grade et prescription d’antivenin (Chi²=24 ; p< 0,05).
Les patients de grade 2 et 3 ont reçu de l’antivenin dans 63 cas (86 %). En revanche, 2
patients de grade 0 ont reçu de l’antivenin (50 % des grades 0) et 4 patients de grade 1 ont reçu
de l’antivenin (57 % des grades 1). Au total, 54,5 % des patients n’en nécessitant pas ont reçu
de l’antivenin.
Deux patients présentant des saignements (hématurie macroscopique pour l’un et
gingivorragies pour l’autre) n’ont pas reçu d’antivenin mais ne sont pas décédés.
1- Voie d’administration
A l’exception d’un seul à qui le sérum Bitis – Echis – Naja® a été administré par voie
sous-cutanée, à proximité du site de morsure, la voie intraveineuse a été utilisée pour la totalité
des patients,. Les ampoules d’antivenin étaient administrées en 1 heure, diluées dans 250 ou
500 mL de sérum physiologique ou de glucosé 5 %.
2- Posologie
La posologie initiale pour le sérum Bitis Echis Naja® est de 1 ampoule (38 patients 97
% des patients traités par sérum BEN®). Un seul patient a reçu 2 ampoules d’emblée. Quatre
patients ont reçu une deuxième injection de sérum BEN®. Concernant ces patients, la posologie
totale a été de 2 ampoules pour 3 d’entre eux et de 4 pour le dernier.
La posologie initiale la plus fréquemment utilisée pour le FAV-Afrique® était de 2
ampoules (19 patients soit 65%). Les autres patients n’ont reçu qu’une ampoule (10 patients
38
soit 34,5 %). La posologie totale utilisée pour le FAV-Afrique® est présentée par la figure 20.
La posologie totale moyenne était de 2, 5 ± 1,5 ampoules de FAV-Afrique®.
nombre d'ampoules
1 (n=4)
14%
39%
2 (n=11)
34%
3 (n=10)
7%
4 (n=2)
5 (n=1)
3%
6 (n=1)
3%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
Figure 20 : Posologie totale utilisée pour le FAV-Afrique® (n=29)
Il n’y avait pas de lien significatif entre la posologie initiale ou totale de FAV-Afrique®
et l’évolution (séquelles, durée d’hospitalisation) [p=0,3] (annexes 10, 11, 12 et 13).
3- Réinjection d’antivenin
22 patients (26 %) ont reçu une ou plusieurs réinjections d’antivenin (Tab. 6). Les dossiers
ne précisaient pas les indications de réinjection. Il n’existe pas de relation significative entre le
grade et la réinjection ou non d’antivenin (p= 0,15).
Grade
Grade 0
Grade 1
Grade 2
Grade 3
Plusieurs injections d’antivenin
0
0
5
17
Une seule injection d’antivenin
4
7
17
34
Tableau 6 : Réinjection d’antivenin selon le grade
4- Délai de réinjection
Les 4 patients qui ont reçu une deuxième injection de BEN l’ont reçue respectivement
2, 5, 8 et 13 heures après la première injection. Pour le FAV-Afrique, le délai de réinjection est
délai de réinjection
présenté en figure 21.
2 à 3 heures (n=2)
12%
4 à 5 heures (n=9)
52%
30%
6 à 8 heures (n=5)
9 heures et plus (n=1)
6%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Figure 21 : Délai de réinjection entre les deux premières injections de FAV-Afrique® (n=29)
39
5- Efficacité de l’antivenin
Sur les 39 patients qui ont reçu du sérum BEN par voie intraveineuse, 26 avaient
initialement un sang incoagulable (67 %). Sur ces 26 bilans, 21 ont été corrigés avec 1 ampoule
(81 %) ; 4 ont été corrigés avec 2 ampoules (15 %) et 1 a été corrigé avec 4 ampoules (4 %).
Sur les 29 patients qui ont reçu du FAV-Afrique, 25 avaient initialement un sang
incoagulable (86 %). Sur ces 25 bilans, 4 ont été corrigés avec 1 ampoule (16 %), 9 ont été
corrigés avec 2 ampoules (36 %) et 12 ont été corrigés avec plus de 2 ampoules (48 %).
6- Effets secondaires
Deux patients (l’un avec le sérum Bitis Echis Naja, l’autre avec le FAV-Afrique) ont eu
une réaction allergique lors de l’administration de l’antivenin, soit 3 % des patients traités. Les
manifestations observées étaient un prurit et une hypotension artérielle au début de la perfusion
d’antivenin. Cette perfusion fut interrompue puis reprise après administration d’adrénaline. Il
n’a pas été noté d’incident allergique retardé, ni de maladie sérique.
III- EVOLUTION DE L’HEMOSTASE POUR LES GRADES 2 ET 3
A- Evolution avec antivenin (n=62) versus sans antivenin (n=9)
Du fait d’un croisement des courbes, nous ne pouvons conclure grâce au test du Logrank à l’existence d’un lien significatif entre le délai de normalisation et l’administration
d’antivenin. Néanmoins leur allure est en faveur d’une normalisation plus rapide en cas
d’utilisation d’antivenin (Fig. 22). Les caractéristiques des groupes « antivenin » et « pas
d’injection » sont présentés dans le tableau 7.
Caractéristiques
Age (en années)
Sex-ratio (H/F)
Délai de prise en charge (en heures)
Pourcentage de grade 3
Groupe « antivenin »
(n=62)
26 ± 16
3
34 ± 36
77 %
Groupe « pas d’injection »
(n=9)
32 ± 11
8
66 ± 64
88 %
Tableau 7 : Comparaison des groupes « antivenin » et « pas d’injection »
50 % des patients avaient un taux de fibrinogène normalisé à la 80ème heure postmorsure pour les patients traités, versus à la 217ème heure pour ceux non traités.
50 % des patients avaient un TP normalisé à la 50ème heure post-morsure pour les
patients traités, versus à la 107ème heure pour ceux non traités.
40
TP
100%
% de patients présentant un
TP > 45 %
% de patients présentant un
taux de fibrinogène > 1 g/L
FIBRINOGENE
75%
50%
25%
0%
0
48
100%
75%
50%
25%
0%
96 144 192 240 288 336 384
0
48
96 144 192 240 288 336 384
heures
pas d'injection (n=9)
heures
antivenin (n=62)
pas d'antivenin (n=9)
PLAQUETTES
100%
% de patients présentant un
taux de plaquettes < 80 G/L
% de patients présentant un
TCA < 3
TCA
75%
50%
25%
0%
0
48
96
144 192 240 288 336 384
100%
75%
50%
25%
0%
0
48
96
144 192 240 288 336 384
heures
pas d'antivenin (n=9)
antivenin (n=62)
antivenin (n=62)
heures
pas d'antivenin (n=9)
antivenin (n=62)
Figure 22 : Normalisation des paramètres biologiques au cours du temps, avec ou sans antivenin
(H0 : heure de la morsure)
41
B- Evolution en fonction du produit utilisé : Bitis – Echis – Naja® (n=33) versus FAVAfrique® (n=29)
Les délais de normalisation sont en faveur d’une action similaire des deux produits (Fig.
23). Les caractéristiques des groupes « Bitis-Echis-Naja® » et « FAV-Afrique® » sont
présentées dans le tableau 8.
Bitis-Echis-Naja®
(n=33)
28 ± 7
2
32 ± 30
82 %
Caractéristiques
Age (en années)
Sex-ratio
Délai de prise en charge (en heures)
Pourcentage de grade 3
FAV-Afrique®
(n=29)
24 ± 14
5
36 ± 43
75 %
Tableau 8 : Comparaison des groupes « Bitis-Echis-Naja® » et « FAV-Afrique® »
TP
% de patients présentant un TP
> 45 %
% de patients présentant un
taux de fibrinogène > 1g/L
FIBRINOGENE
100%
75%
50%
25%
0%
0
48
96
144
192
240
288
100%
75%
50%
25%
0%
336
0
48
96
heures
FAV-Afrique (n=29)
sérum BEN (n=33)
FAV-Afrique (n=29)
% de patients présentant un
taux de plaquettes > 80 G/L
% de patients présentant un
TCA < 3
75%
50%
25%
0%
96
144
288
336
sérum BEN (n=33)
192
240
288
336
100%
75%
50%
25%
0%
0
48
96
heures
FAV-Afrique (n=29)
240
PLAQUETTES
100%
48
192
heures
TCA
0
144
sérum BEN (n=33)
144
192
240
288
336
heures
FAV-Afrique (n=29)
sérum BEN (n=33)
Figure 23 : Normalisation des paramètres biologiques au cours du temps, avec utilisation de
FAV-Afrique® versus sérum Bitis – Echis - Naja®. (H0 : heure de la morsure)
42
C- Evolution en fonction de la posologie initiale de FAV-Afrique® administrée : 1
ampoule (n=10) versus 2 ampoules (n=19)
Les délais de normalisation sont en faveur d’une efficacité similaire pour ces deux
posologies (Fig. 24). Les caractéristiques des groupes « posologie à 1 ampoule « et
« posologie à 2 ampoules » sont présentées dans le tableau 9.
Caractéristiques
Age (en années)
Sex-ratio
Délai de prise en charge (en heures)
Pourcentage de grade 3
Posologie à 1 ampoule
n=10
25 ± 13
Pas de femme dans le groupe
26 ± 44
70 %
Posologie à 2 ampoules
n=19
23 ± 14
3
42 ± 42
79 %
Tableau 9 : Comparaison des groupes « posologie à 1 ampoule » et « posologie à 2 ampoules »
TP
FIBRINOGENE
% de patients présentant
un TP > 45 %
% de patients présentant un
taux de fibrinogène > 1 g/L
100%
75%
50%
25%
0%
0
24
48 72
100%
75%
50%
25%
0%
96 120 144 168 192 216 240
0
24
48
72
Heures
1 ampoule (n=10)
2 ampoules (n=19)
1 ampoule (n=10)
% d e p a tie n ts
p ré s e n ta n t u n ta u x d e
p la q u e tte s > 8 0 G /L
% de patients présentant un
TCA < 3
75%
50%
25%
0%
48
72
96 120 144 168 192 216 240
100%
75%
50%
25%
0%
0
24
48
72
96 120 144 168 192 216 240
Heures
1 ampoule (n=10)
2 ampoules (n=19)
PLAQUETTES
100%
24
120 144 168 192 216 240
Heures
TCA
0
96
2 ampoules (n=19)
Heures
1 ampoule (n=10)
2 ampoules (n=19)
Figure 24 : Normalisation des paramètres biologiques au cours du temps,
en fonction de la posologie initiale de FAV-Afrique® administrée. (H0 : heure de la morsure)
43
D- Evolution en fonction du délai : délai inférieur ou égal à 24 heures (n=39) versus délai
supérieur à 24 heures (n=23)
Il n’existe pas de lien significatif entre le délai de normalisation du fibrinogène et la
délai de prise en charge (test du Log-rank, p<0,05). Le test du Log-rank ne peut pas être utilisé
pour les autres paramètres mais l’allure générale des courbes est similaire (Fig. 25).
TP
100%
% de pa tients présentant
un TP > 45 %
% de patients présentant un
taux de fibrinogène > 1 g/L
FIBRINOGENE
75%
50%
25%
0%
0
100%
75%
50%
25%
0%
0
24 48 72 96 120 144 168 192 216
24
48
72
96 120 144 168 192 216
heures
heures
délai < ou = à 24h (n=39)
délai < ou = à 24h (n=39)
délai >24h (n=23)
PLAQUETTES
100%
100%
% de patients présentant un
taux de plaquettes > 80 G/L
% de patients présentant un
TCA < 3
TCA
délai >24h (n=23)
75%
50%
25%
0%
0
24
48
72
heures
délai < ou = à 24h (n=39)
délai >24h (n=23)
96
75%
50%
25%
0%
0
24
48
72
96
heures
délai < ou = à 24h (n=39)
délai >24h (n=23)
Figure 25 : Normalisation des paramètres biologiques au cours du temps,
en fonction du délai de prise en charge
(H0 : heure d’injection de l’antivenin)
44
Les caractéristiques des groupes « délai ≤ 24 h » et « délai > 24 h » sont présentées dans le tableau 10.
« délai ≤ 24 h »
(n=39)
25 ± 16
3
72 %
18 / 21
Caractéristiques
Age (en années)
Sexe-ratio
Pourcentage de grade 3
FAV-Afrique / Bitis-Echis-Naja
« délai > 24 h »
(n=23)
28 ± 16
4
91 %
11 / 12
Tableau 10 : Comparaison des groupes « délai ≤ 24 h » et « délai > 24 h »
IV- EVOLUTION DES PATIENTS DANS LE SERVICE
A- Chirurgie
7 patients ont été opérés (8 %) : une amputation transmétacarpienne des 2, 3, 4 et 5ème
rayons, une fasciotomie, deux amputations (un doigt, un orteil) et trois nécrosectomies
pulpaires.
Il n’existe pas de différence significative entre la nécessité d’une chirurgie et
l’administration d’antivenin, ni entre la nécessité d’une chirurgie et le délai de prise en charge
(test exact de Fisher, p=0,01).
B- Durée d’hospitalisation
La durée moyenne d’hospitalisation était de 4,8 jours avec un écart type de 2,6
(extrêmes 2 - 14 jours) (Fig 26).
25
22
nombre de cas
20
14
15
10
9
10
8
6
5
3
2
2
0
1
0
1
1
13
14
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
nombre de jours
Figure 26 : Distribution des patients (n=79) en fonction de la durée d’hospitalisation
45
Durée d’hospitalisation
Inférieure à 4 jours
Entre 5 et 8 jours
Supérieur à 8 jours
Grade 0
3
0
0
Grade 1
7
0
0
Grade 2
13
6
2
Grade 3
23
20
5
Total
46
26
7
Fréquence
58 %
33 %
9%
Il n’y a pas de lien significatif entre grade et durée d’hospitalisation (p=0,15).
On ne trouve pas de différence significative dans la durée d’hospitalisation qu’on ait
utilisé un antivenin (4,3 ± 2,5 jours, n=69) ou non (5,5 ± 3,9 jours, n=15) ; test H de KruskalWallis =0,677, p=0,41.
C- Transfert des patients
Plus de la moitié des patients ont rejoint directement leur domicile. Aucun décès n’a été
constaté (Fig. 27).
Retour à domicile
(n=45)
61%
Transfert en
chirurgie (n=12)
16%
Transfert en
médecine (n=8)
11%
Retour au régiment
djiboutien (n=8)
11%
Transfert à l'Hôpital
Peltier (n=1)
1%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
Figure 27 : Distribution des patients (n=74) en fonction de leur devenir
46
DISCUSSION
Les deux seules études épidémiologiques publiées sur les morsures de serpents dans la
Corne de l’Afrique ont été menées au Kenya [41, 118]. L’évaluation de l’incidence et de la
gravité des morsures en République de Djibouti est inexistante [86]. De nombreuses études sur
les serpents africains ont été menées en Afrique de l’Ouest mais les variations de la
composition du venin d’une même espèce selon l’origine justifient notre étude sur le risque
ophidien en République de Djibouti [12, 46]. Il existe par ailleurs peu d’étude sur l’efficacité et
la tolérance du FAV-Afrique® [34].
I- CARACTERISTIQUES DES ENVENIMATIONS OPHIDIENNES EN REPUBLIQUE
DE DJIBOUTI
Les Vipéridés sont responsables de 90 % des envenimations en Afrique tropicale [22,
47]. La présentation clinique et biologique (œdème important, fréquence des saignements et
afibrinogénémie initiale, absence de nécrose étendue ou de signes neurologiques, identification
ou description du serpent) nous amène à considérer Echis pyramidum comme principal
responsable dans notre série, en dehors de quelques cas rapportables à Bitis arietans.
A- Circonstances des morsures et caractéristiques des patients
Bien que le recrutement du service de réanimation soit national, la non appartenance du
GMC au système de soins djiboutiens ne nous permet pas de prédire une incidence des
morsures en République de Djibouti. Les décès survenus à l’Hôpital Peltier sont certainement à
attribuer à l’indisponibilité fréquente de l’immunothérapie pour cet hôpital où 5 % seulement
des patients envenimés recevaient ce traitement [Marc Puidupin, communication
personnelle].
Les morsures sont un peu plus fréquentes en saison chaude. Le climat djiboutien ne
comporte que deux saisons : la saison fraîche d’octobre à avril et la saison chaude de mai à
septembre. La saison fraîche, qui se caractérise par deux périodes de pluie relative (septembre
et avril), offre des températures moyennes de 20° à 25°, avec des pics n’excédant pas 35°. La
saison chaude démarre à 35° pour culminer à 45° en juillet-août [42]. Rüttimann et al. avaient
constaté l’inverse : plus de morsures en saison fraîche [107]. Cette majoration du risque en
47
saison chaude est expliquée en Afrique de l’Ouest par le comportement des serpents qui vont
chercher refuge à l’ombre des arbres et croiser plus fréquemment les hommes qui s’y reposent
[47]. Les fréquences les plus faibles surviennent en février-mars et en novembre, ce qui va à
l’encontre des constatations faites en Afrique de l’Ouest où les accidents sont plus fréquents en
saison pluvieuse [12], périodes d’activité maximale d’Echis pyramidum. En Afrique de l’Ouest,
où les patients sont en majorité des paysans, il existe une incidence saisonnière des accidents
liée au calendrier agricole [47] au contraire de la République de Djibouti, où l’agriculture est
peu répandue.
Les morsures surviennent majoritairement en fin de journée, lorsque activités humaines
et ophidiennes reprennent [61]. Cette répartition sur le nycthémère, semblable à celle d’Afrique
de l’Ouest, est expliquée par les mœurs crépusculaires et nocturnes d’Echis pyramidum.
Contrairement à Chippaux qui relate quelques cas de morsure nocturne, à domicile, infligée au
cours du sommeil par des serpents circulant dans les maisons en quête de nourriture [12], nous
n’avons pas fait de constatation similaire : les morsures nocturnes ont eu lieu à l’extérieur.
Plus de la moitié des patients ont été mordus par un serpent identifié comme un
Vipéridé. La rareté des envenimations par Elapidés - 2 patients seulement mordus par Naja pourrait s’expliquer par l’évolution très rapide vers le décès : les patients n’auraient pas le
temps de gagner l’hôpital [124]. Dans les autres dossiers, l’identification du serpent n’a pas été
possible, peut-être en rapport avec l’horaire crépusculaire et la fuite du serpent.
Comme en Afrique de l’Ouest, où les hommes jeunes (15-50 ans) subissent 50 à 75 %
des morsures, les hommes, préférentiellement entre 21 et 40 ans, sont touchés trois fois plus
que les femmes. Une étude menée aux urgences chirurgicales de l’hôpital Gabriel-Touré de
Bamako au Mali retrouve le même résultat [48]. La fréquence des morsures dépend plus de
l’activité du sujet, qui était rarement précisée dans les dossiers, que de son âge ou de son sexe
[11, 12]. Les enfants, alors qu’ils représentent près de la moitié de la population générale, sont
rarement mordus, de même que les femmes. Un âge inférieur à 11ans est considéré comme
facteur de mauvais pronostic : avant cet âge, 80 % des envenimations sont graves [78].
Les deux sites préférentiels de morsure sont le pied (46%) et la main (37%). Dans notre
série, il n’a pas été mis en évidence de relation significative entre le siège de la morsure et le
sexe ou l’âge. En Afrique de l’Ouest, Chippaux a constaté que plus de 80 % des morsures
siègent au membre inférieur, principalement au-dessous du genou [12]. Nous n’avons pas eu de
cas de morsures multiples, plus fréquentes durant le sommeil [6].
48
B- Syndrome hémorragique
En Afrique, un syndrome hémorragique doit faire évoquer en premier lieu une morsure
d’Echis mais peut être parfois la conséquence d’une envenimation par d’autres Vipéridés ou
par Dispholidus typus [2, 88]. Cette atteinte est responsable de plus de la moitié de la morbidité
et de la mortalité dues aux morsures de serpents dans le monde [140].
Les venins d’Echis pyramidum et de Bitis arietans sont riches en protéines agissant sur
l’hémostase, avec notamment de nombreuses enzymes [9]. Ces protéines peuvent être classées
en quatre groupes selon leur action. Les hémorragines induisent des troubles de la
perméabilité capillaire [12, 20, 64, 89]. Les protéines perturbant l’hémostase primaire
peuvent aussi bien activer qu’inhiber l’activation plaquettaire : phospholipases A2 [12, 140,
146], sérine protéases et métalloprotéases [12, 77], L-amino-acido-oxydases [12, 77],
phosphoestérases [12], désintégrines [146], lectines de type C (Fig. 28) [9, 80, 92]. L’inhibition
des plaquettes réduit leur efficacité tandis que l’activation pathologique réduit le nombre de
plaquettes circulantes, d’où une thrombopénie [140].
SOUS-ENDOTHELIUM
Hémorragines
Phosphoestérases
Phospholipases A2
Désintégrines
Lectines de type C
PLAQUETTE
Protéases
L-amino-acido-oxydase
ENDOTHELIUM
LEGENDE
Effet délétère
sur l’endothélium
Action inhibitrice
sur les plaquettes
Action inhibitrice et/ou
activatrice sur les plaquettes
Figure 28 : Action des venins sur l’endothélium et les plaquettes
49
Les protéines interférant avec la coagulation sont distinguées entre protéases
procoagulantes (activateurs de la prothrombine [145] et activateur du facteur X [121]) et
protéases anticoagulantes (inhibiteurs du facteur IX et X [12], activateurs de la protéine C [135,
139], phospholipases A2 [77]). Chaque protéase procoagulante possède des propriétés
analogues à l’un des facteurs de la coagulation dont elle prend la place : c’est le principe de
substitution. Lorsque le processus de coagulation est activé, il persiste jusqu’à épuisement d’un
ou plusieurs facteurs de la coagulation (phénomène de consommation) et conduit à un
syndrome hémorragique dû, le plus souvent, à une afibrinogénémie [12]. Ces protéases
n’entraînent jamais de syndrome thrombotique in vivo lors d’une morsure de Vipéridé africain
[140]. Enfin, des protéines susceptibles d’activer la fibrinolyse, les enzymes fibrinolytiques,
possèdent des propriétés similaires à la plasmine et sont susceptibles d’hydrolyser à la fois le
fibrinogène et la fibrine (Fig. 29) [12, 70].
Inhibiteur du facteur IX
Voie intrinsèque
(Facteurs XII, XI, IX et VIII)
Voie extrinsèque
(Voie du facteur VII ou facteur tissulaire)
Activateur de la protéine C
Facteur V activé
Activateur du facteur X
Activation du facteur X
Inhibiteur du facteur X
Activateur de la prothrombine
Formation de THROMBINE
Phospholipases A2
Formation de FIBRINE
Elimination du thrombus
(fibrinolyse)
Activateur de la protéine C
Enzyme fibrinolytique
LEGENDE
Action procoagulante
Action anticoagulante
Figure 29 : Action des venins sur la coagulation et la fibrinolyse
50
1- Au plan clinique
La moitié des patients ont présenté des saignements qui surviennent 48 heures après une
morsure d’Echis mais peuvent être plus précoces en cas de morsure de Bitis [86].
Le syndrome hémorragique peut associer des saignements intarissables au niveau de la
morsure, des points de ponction et des muqueuses (gingivorragie, épistaxis, hématurie,
hémorragie digestive, hémoptysie). Dans les formes gravissimes, on peut observer un choc
hémorragique ou une hémorragie cérébro-méningée [18, 86, 89]. Des cas d’épanchement
intracavitaire abondant (hémopéritoine, hémothorax) ont été décrits mais il s’agit là de
localisations atypiques (Fig. 30) [66, 85].
Figure 30 : Radiographies du patient ayant présenté un hémothorax (avant et après drainage)
(Photographies Marc Puidupin)
2- Au plan biologique
L’hémoglobine peut s’effondrer brutalement du fait d’une hémorragie ou diminuer de
façon insidieuse, y compris en l’absence de saignement. D’après Manent, une anémie avec un
taux inférieur à 9 g/dL à J3 est de mauvais pronostic en l’absence d’immunothérapie. Au
contraire, le maintien au-dessus de 11 g/dL est de bon pronostic ; entre ces deux valeurs,
l’évolution en l’absence de traitement reste imprévisible [78].
Les anomalies du bilan d’hémostase sont fréquemment décrites [24, 34, 78, 87]. La
multiplicité des tableaux biologiques et des délais de normalisation traduit la complexité du
venin et la variabilité de la quantité inoculée [24]. Une thrombopénie est fréquemment
observée avec Bitis arietans mais rarement avec Echis [146]. Le TP (temps de Quick) explore
de façon globale la voie extrinsèque. Son effondrement traduit l’action simultanée de
l’inhibiteur et de l’activateur du facteur X, de phospholipases A2 et de l’activateur de la
prothrombine. Le TCA explore l’ensemble de la voie intrinsèque. Son allongement est lié à
l’action conjointe de l’activateur de la protéine C, de l’inhibiteur et de l’activateur du facteur X,
de phospholipases A2 et de l’activateur de la prothrombine.
51
L’afibrinogénémie traduit l’action de l’activateur de la protéine C et des enzymes
fibrinolytiques, ainsi que des activateurs de la prothrombine et du facteur X. Elle évoque
également l’existence d’enzymes thrombiniques, bien que ces molécules n’aient pas été
retrouvées dans le venin d’Echis pyramidum. Au Cameroun, Chippaux a décrit une incidence
d’afibrinogénémie isolée plus importante pour Echis ocellatus (15 %) [24].
Lors des troubles de l’hémostase induits par les venins ophidiens, il n’y a pas de
surproduction de thrombine mais production d’une meizothrombine, insensible à l’héparine. De
plus, le nombre de plaquettes, le taux d'antithrombine III, le taux de facteur XIII et le taux de
D-dimères peuvent être normaux [115]. Il ne s’agit donc pas de CIVD (coagulation intravasculaire disséminée), qui répond à des critères biologiques obligatoires : une thrombopénie,
une augmentation des D-dimères et une diminution de l’antithrombine III. Il est plus exact de
parler de coagulopathie de consommation ou d’hypocoagulabilité par fibrinogénolyse.
3- Relation entre clinique et biologie
Il existe souvent une discordance entre la biologie et la clinique. Il est à la fois possible
de constater des saignements sans perturbation biologique ou bien une coagulopathie sans
manifestation clinique [51]. 38 % des patients ayant une coagulopathie n’ont eu aucun
saignement. Cela tient à l’absence de lésions qui pourraient saigner. Dans une étude menée au
Cameroun, 30 % des morsures de serpents entraînaient des troubles d’hémostase sans signes
cliniques [36]. L’apparition des signes cliniques est fréquemment retardée par rapport aux
troubles biologiques qui sont précoces, dans les minutes ou les heures qui suivent la morsure
[12].
C- Syndrome local
Un œdème loco-régional et l’utilisation d’antalgiques témoignant d’une douleur
probablement importante sont quasiment constants dans notre étude. En revanche, la nécrose,
toujours modérée, n’a été rapportée que dans 8 dossiers.
Le syndrome local associe douleur, œdème, nécrose humide (allant parfois jusqu’à la
gangrène) et troubles cutanés divers tels que des pétéchies, un purpura ou des phlyctènes [2, 16,
18, 20, 47, 88, 101, 115]. L’importance de l’œdème est proportionnelle à la quantité de venin
injectée et donc à la sévérité de l’envenimation. En revanche, c’est un médiocre indicateur
d’amélioration clinique [16] : un œdème modéré n’exclant pas une évolution fatale [47].
Sur les 8 cas de nécrose, 7 concernent la main. Blaylock attribue cette prédominance au
niveau du membre supérieur à la diffusion lymphatique du venin. Les patients mordus au
52
niveau du membre inférieur vont quand même marcher voire courir pour se rendre à l’hôpital,
alors que ceux qui sont mordus à la main vont pouvoir immobiliser ce segment [6]. Ce résultat
vérifié par l’expérimentation chez la souris remet en question l’utilité voire l’innocuité de
l’immobilisation et du bandage dans les premiers secours, qui a été surtout étudié pour les
envenimations par Elapidé en Australie [7]. D’après Chippaux, un risque de nécrose est plus
fréquent chez les enfants [6]. Nos résultats vont également dans ce sens mais l’effectif manque
de puissance pour conclure.
La physiopathologie de ce syndrome local est complexe et fait intervenir la cascade de
réactions inflammatoires initiée par le venin [12, 115], l’anoxie tissulaire liée à la thrombose
vasculaire locale, à l’œdème et à l’extravasation [20], la surinfection fréquente et la iatrogénie
des gestes intempestifs de premiers secours (garrot, scarifications, emplâtres, etc.) et des
interventions chirurgicales locales [12].
D- Autres caractéristiques cliniques et biologiques
Une hypotension artérielle est constatée chez 13 % des patients. Moins spécifique,
l’atteinte circulatoire peut constituer toute la gravité immédiate d’une envenimation par
installation brutale d’un état de choc [61, 88].
L’atteinte rénale, plus fréquente avec Bitis était rare (4 %). Cette atteinte rarissime lors
des morsures d’Echis [12] contribue de manière significative à la morbi-mortalité des
envenimations ophidiennes dans certains pays [140].
Une augmentation fréquente des CPK (54 %), témoin d’un œdème important, d’une
nécrose et/ou d’une rhabdomyolyse, était observée. Néanmoins, la notion de morsure par un
serpent marin n’était mentionnée dans aucun dossier.
Un patient a présenté une douleur thoracique mais l’efficacité de l’antivenin exclut une
envenimation par Atractaspis.
L’absence de tableau neurologique ou de paralysie respiratoire évocateur d’un
syndrome cobraïque dans notre série exclut une envenimation par morsure de Naja pallida. Des
paresthésies loco-régionales ont été décrites chez un patient mais le reste du dossier laisse
néanmoins supposer que l’espèce responsable n’était pas un Naja mais un Echis (multiples
saignements, absence de ptôsis, petit serpent brun). De plus, des paresthésies loco-régionales
isolées ont déjà été rapportées chez des patients mordus par « Echis carinatus » [106].
53
II- GRADE D’ENVENIMATION
Ce grade a été élaboré afin d’une part de déterminer la gravité d’une envenimation et
d’autre part d’aider le clinicien à poser l’indication de l’antivenin. Le grade 0 correspond à une
morsure sèche ou dry bite [88], infligée par un serpent venimeux qui n’injecte pas de venin
[12]. Ces morsures représentent moins de 10 % des morsures pour les Echis [127]. Dans notre
série, 4 % des patients ont subi une morsure sèche.
La gravité d’une envenimation repose sur les caractéristiques de la victime (âge et poids
du patient [46, 78], notion de grossesse ou d’alcoolisation aiguë [40], antécédents [89]) et de la
morsure (localisation de la morsure [17, 98], volume et composition du venin injecté [12, 98,
119], âge et état nutritionnel du serpent [73]), ainsi que de la qualité de la prise en charge
(délai de consultation, qualité des structures de santé, disponibilité du matériel et des
médicaments, concurrence des « thérapeutes traditionnels », coût du traitement et iatrogénie
des premiers soins sur le terrain [12, 24, 28]).
Un patient présentant un œdème modéré peut être emporté par une autre complication
[47]. De même, le saignement au point de morsure peut traduire l’action locale des
hémorragines ou au contraire annoncer une atteinte systémique. Ce signe, même isolé, n’est pas
à considérer comme le signe d’une envenimation mineure [24]. C’est pourquoi nous avons
également intégré des items biologiques, de sensibilité supérieure [25].
Une différence significative de la proportion d’œdème et de saignements est observée
selon le grade. Par contre, il n’existe pas de relation significative entre le grade et la durée
d’hospitalisation.
III- PRISE EN CHARGE DANS LE SERVICE DE REANIMATION DU GMC
BOUFFARD
La prescription d’antibiotiques et de corticoïdes, systématique pour les patients pris en
charge au GMC, ne respecte pas les recommandations. En effet, la corticothérapie n’a d’autre
indication que la prévention et le traitement des accidents allergiques de l’immunothérapie
[87].
Si l’antibiothérapie utilisée reprend les molécules préconisées dans la littérature, son
utilisation sans discernement entraîne un surcoût et l’émergence de résistances. Des études,
l’une rétrospective et l’autre prospective, menées dans des hôpitaux du Zimbabwe ont rapporté
également une utilisation abusive et inappropriée des antibiotiques [94, 123]. En dépit des
germes buccaux et du risque de surinfection fréquent, l’antibioprophylaxie n’a pas fait la
54
preuve de son efficacité mais elle entraîne un surcoût et un risque d’émergence de bactéries
multi-résistantes [101, 123]. Nous recommandons une antibiothérapie uniquement en cas de
plaie surinfectée, de phlyctènes, de nécrose, de gangrène, de sepsis ou de thérapeutiques
septiques des premiers secours ou de médecine traditionnelle telles les scarifications. En cas de
nécrose ou de gangrène, elle doit être secondairement adaptée aux résultats de prélèvements
bactériologiques et de l’antibiogramme.
Le sérum Bitis – Echis – Naja® de Pasteur – Mérieux n’est plus fabriqué depuis la mise
en vente du FAV-Afrique® en 2000. Le FAV-Afrique® est l’un des antivenins disponible en
Afrique. Il est purifié d’après les normes européennes [50] et est constitué de fragments
d’immunoglobulines F(ab’)² équines dirigées contre les constituants toxiques des venins
de Echis ocellatus, Echis leucogaster, Bitis arietans, Bitis gabonica, Bitis nasicornis, Naja
haje, Naja melanoleuca, Naja nigricollis, Dendroaspis polylepis, Dendroaspis jamesoni et
Dendroaspis viridis [12].
Il semble à la fois plus efficace et de meilleure tolérance que l’IPSER Afrique® [33]
mais son prix est 12 fois supérieur [131]. Il est vendu sous forme d’ampoules de 10 mL. Le
prix d’une ampoule de FAV-Afrique® est de 60 euros [37]. La dose recommandée varie entre
20 et 60 mL, soit 2 à 6 ampoules et un coût oscillant entre 120 et 360 euros [51]. Ce traitement
peut être utilisé dans les centres de santé périphériques peu équipés par un personnel formé
mais il n’existe pas de protocole thérapeutique définissant les indications du FAV-Afrique®
dans ce cadre-là [34].
L’antivenin a été utilisé dans plus de 80 % des cas. En revanche, les indications sont
mal définies ou mal connues : 86 % des patients de grade 2 et 3, envenimés graves, ont reçu de
l’antivenin, mais 55 % des patients non envenimés en ont reçu également. Le grade semble
assez bien retranscrire les habitudes de prescription des réanimateurs en poste au GMC mais ne
permet pas de conseiller dans la décision de réutiliser ou pas l’antivenin. Nous conseillons
néanmoins d’être plus vigilant en cas de grade 3.
La voie intraveineuse, préconisée dans la littérature, est la seule utilisée au GMC. C’est
la voie la plus intéressante car seule une faible proportion d’anticorps injectés atteint le
compartiment vasculaire après injection intra-musculaire ou sous-cutanée [40, 105]. Elle
diminue l’incidence des décès, prévient l’extension des complications locales et raccourcit la
durée d’hospitalisation [87]. De plus, il s’agit de la seule voie que l’on peut interrompre (et
reprendre) à tout moment.
55
Un quart des patients ont nécessité une ou plusieurs réinjections. Le délai de réinjection
est assez variable, ce qui est à mettre sur le compte de l’absence de données factuelles. La
persistance des anticorps dans le sang doit être suffisamment longue pour permettre
l’élimination du venin fixé aux tissus [27]. La demi-vie des F(ab’)² est deux à trois fois plus
élevée que celle des composants des venins des Vipéridés ; c’est pourquoi une seule injection
est généralement suffisante [3, 104].
La tolérance du FAV-Afrique® comme du sérum Bitis - Echis - Naja® est excellente
avec un seul cas de réaction allergique mineure pour chaque produit. L’essai clinique réalisé
avec le FAV-Afrique® au Cameroun a montré 4 % d’effets indésirables mineurs (induration,
flush) et aucun cas de maladie sérique. D’après Chippaux, la fréquence des effets secondaires
semble cependant augmenter avec la quantité de FAV-Afrique® injectée [34].
L’efficacité du FAV-Afrique® et de son prédécesseur est très bonne : 0 % de létalité.
L’essai clinique du FAV-Afrique® retrouve le même résultat pour la létalité [34].
Il n’est pas toujours possible de se procurer l’antivenin correspondant à l’espèce mise
en cause. On peut alors avoir parfois recours à un autre antivenin dit paraspécifique. La
paraspécificité correspond au pouvoir de neutralisation croisée d’un antivenin pour des espèces
autres que celles pour lesquelles il fut initialement conçu [50]. Des réactions de paraspécifité
s’observent souvent entre espèces proches. Toutefois, l’existence de réactions de précipitation
croisées ne signifie pas nécessairement qu’il existe une protection croisée. Les réactions de
paraspécificité pour une espèce donnée ne sont pas vraiment prévisibles et demandent à être
vérifiées ponctuellement au cas par cas [12]. En conclusion, il est souhaitable de publier les cas
de paraspécificité afin d’étendre les indications des antivenins à de nouvelles espèces.
Le venin d’Echis pyramidum n’est ni utilisé dans la fabrication du sérum Bitis – Echis –
Naja®, ni dans celle du FAV-Afrique®. L’Antirept® est le seul antivenin dirigé contre le venin
d’Echis pyramidum [81]. Nos résultats permettent donc d’affirmer l’excellente paraspécificité
du FAV-Afrique® et du sérum Bitis - Echis - Naja® vis-à-vis du venin des Echis pyramidum de
la République de Djibouti.
Les morsures de serpents ont également un impact économique avec des durées
d’hospitalisations souvent importantes. D’après le registre du service, les patients restaient dans
le service entre 3 et 4 jours et la plupart quittaient la réanimation avant le septième jour. Notre
étude n’a pas démontré une différence significative concernant la durée d’hospitalisation, selon
l’utilisation ou pas d’antivenin. Nous attribuons ce résultat à la faiblesse de l’effectif des
patients non traités. 72 % des patients ont pu quitter le GMC et rejoindre directement leur
56
domicile ou leur unité. Les autres ont été transférés en médecine ou en chirurgie, et l’un d’eux
a été transféré à Peltier.
Les amputations ont concerné 8 % des patients. En Afrique, 3 à 5 % des morsures
conduisent à une complication locale définitive [20]. Chaque année, 100 000 amputations
consécutives aux envenimations ophidiennes sont déplorées dans le monde [12].
L’évolution d’une envenimation par Echis est lente, de l’ordre de plusieurs jours [18],
alors que l’évolution après morsure de Bitis semble plus rapide, avec parfois un décès en
quelques heures [19]. Le taux de mortalité lié aux morsures d’Echis ocellatus en Afrique de
l’Ouest est passé de 10 à 20 % à moins de 5 % avec l’utilisation d’antivenin [134].
IV-
EVOLUTION DE L’HEMOSTASE
L’immunothérapie a fait passer la létalité des morsures par Echis ocellatus de 8 - 26 %
(selon les séries) à 1,3 % [24]. De nombreuses études menées ont montré l’efficacité clinique
de l’antivenin. Le syndrome local régresse en moyenne au bout de quatre jours avec
l’antivenin, et les saignements sont stoppés au bout de 12 à 30 heures en moyenne, souvent
après une seule injection [25, 47].
Nous nous sommes intéressés au versant biologique de l’évolution d’une envenimation
par Vipéridé. Notre étude rétrospective ne nous permet pas de réaliser les courbes d’évolution
des paramètres biologiques, du fait du timing disparate des dosages biologiques selon les
patients. Mais les temps de normalisation sont une approximation très intéressante : ils
permettent de prédire à un temps t le pourcentage de patients qui présentent une normalisation
de la variable étudiée.
A- Evolution avec versus sans antivenin
Nous n’avons pas mis en évidence de variation significative du délai de normalisation
en fonction de l’administration ou non d’antivenin, ce qui pourrait être la conséquence d’un
manque de puissance (faible effectif des non receveurs). L’allure générale de ces courbes est
néanmoins en faveur d’une efficacité de l’antivenin sur la correction des troubles de
l’hémostase.
Les caractéristiques « âge », « sexe » et « pourcentage de grade 3 » sont comparables
pour les deux sous-groupes étudiées. En revanche, le délai moyen de prise en charge des
patients n’ayant pas reçu d’antivenin est environ deux fois plus long que celui des patients
ayant eu une injection d’antivenin. Nous supposons que dans certains cas, les médecins ont pu
57
juger inutile l’injection d’antivenin en cas de délai de prise en charge trop important. Cette
attitude n’est pas adaptée, l’immunothérapie étant toujours efficace quel que soit l’intervalle de
temps entre morsure et injection d’antivenin, ce que nous avons démontré.
Au Nigeria, Warrell et al ont constaté que la coagulopathie apparaît après un délai allant
de 75 minutes à 27 heures après la morsure [137]. D’après Mion et al, en présence d’antivenin,
le taux de prothrombine est restauré en 13 heures. La normalisation du fibrinogène est plus
lente : 19 heures (Fig. 31) [91]. Nous avons constaté pour notre part une normalisation du TP à
partir de la 50ème heure après morsure et une normalisation du fibrinogène à partir de la 80ème
heure pour 50 % de l’effectif. Ces deux résultats sont cohérents si l’on prend en compte le délai
parfois important de prise en charge (34 ± 39 heures). Chez 9 % des patients, Chippaux et al
ont observé une récurrence des troubles de l’hémostase, entre 1 et 56 heures après morsure
[24], notion que nous n’avons pas constaté à Djibouti.
En l’absence d’antivenin, la normalisation des paramètres de l’hémostase pouvait être
constatée au bout du huitième voire du dixième jour dans l’étude de Mion et al [91], ce que
nous retrouvons dans cette nouvelle série.
100
4
90
TP (%)
Bitis Echis Naja (N = 20)
Fibrinogène (g / l)
80
3
70
Bitis Echis Naja (N = 20)
60
sans traitement (N = 4)
50
2
40
30
1
20
sans traitement (N = 4)
10
0
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Fig 31 : Evolution des paramètres de l’hémostase (TP et fibrinogénémie) dans deux groupes de
patients mordus par « Echis carinatus » en République de Djibouti (d’après Mion et al [91]).
La défibrination et le syndrome hémorragique, qui persistent environ 10 jours dans le groupe qui n’a pas reçu de SAV, cessent
en 10 à 15 heures dans le groupe qui a reçu le sérum Bitis-Echis-Naja de l’Institut Pasteur. Deux patients du groupe
contrôle ont reçu du PFC (J3 à J5), mais l’amélioration du TP reste transitoire et non significative.
B- Evolution selon l’antivenin utilisé
Les deux sous-groupes sont comparables pour les « âge », « sexe », « délai de prise en
charge » et « pourcentage de grade 3 ». Nos résultats confirment une autre étude qui a retrouvé
l’absence de différence significative entre les taux de létalité pour ces deux produits [51].
58
C- Evolution selon la posologie initiale en cas de traitement par FAV-Afrique®
La posologie initiale recommandée par le fabricant pour le FAV-Afrique® est de deux
ampoules de 10 mL [33, 34]. Les causes de la « crise » de la disponibilité et du coût des
antivenins, qui touche l’Afrique, et les propositions pour tenter de la résoudre ont fait l’objet de
plusieurs publications [15, 18, 31].
35 % des patients traités par FAV-Afrique® n’ont reçu qu’une ampoule initiale et tous
ont survécu. Nous n’avons pas mis en évidence de supériorité en cas de posologie initiale de 2
ampoules alors que les caractéristiques « âge », « sexe » et « pourcentage de grade 3 » étaient
semblables dans les deux sous-groupes. En revanche, le délai de prise en charge est plus bref
pour le sous-groupe « 1 ampoule ». Nous supposons que dans certains cas, la précocité de la
prise en charge associée à un tableau initial peu inquiétant ont fait préférer une posologie d’une
seule ampoule afin de préserver le stock d’antivenin du GMC.
De plus, d’après Chippaux et al, il n’existe pas de corrélation entre la dose d’antivenin
et le temps de guérison [33]. Ces différents résultats nous amènent à penser qu’une ampoule de
FAV-Afrique® est souvent suffisante, point de vue que d’autres auteurs partagent [51].
Cependant la méthodologie de notre étude ne nous permet pas de comparer différentes
posologies, et nous ne pouvons pas réfuter comme optimale une posologie de 2 ampoules,
quand la disponibilité et le coût ne représentent pas des obstacles pour les médecins prenant en
charge une morsure. Une étude, qui pourrait reposer sur les techniques ELISA, à l’instar de ce
qui a été fait au Brésil [125] pour préciser les indications d’une posologie initiale à une
ampoule serait intéressante, notamment sur un plan financier.
L’existence de telles indications permettrait de baisser le coût du traitement, qui limite
l’utilisation de l’antivenin, dans les autres structures de santé de la République de Djibouti.
Dans notre étude, la posologie totale moyenne était de 2, 5 ± 1,5 ampoules de FAV-Afrique®.
Ceci correspond à un coût de 150 ± 90 euros, pour le seul antivenin. Cette somme correspond
au salaire mensuel moyen à Djibouti-ville.
D- Evolution selon le délai de prise en charge
Comme c’est fréquemment le cas en Afrique, le délai de prise en charge en soins
intensifs dépasse fréquemment 24 heures (38 % des patients). Le délai moyen de notre série (34
heures) est comparable à celui de la série de Chippaux au Cameroun [34]. Le délai de prise en
charge conditionne le pronostic de façon notable [24] et un délai important est responsable de
la majorité des décès [12].
59
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce retard. Tout d’abord le recrutement du service est
national comme l’atteste la distribution des patients selon le district. La distance retarde donc la
prise en charge. Le recours à la médecine traditionnelle représente souvent la première étape
dans le parcours médical de ces patients. En Afrique de l’Ouest, plus de la moitié des patients
consultent en priorité un tradipraticien et accèdent tardivement à des soins adaptés [87]. Enfin,
les envenimations par morsure de serpent font l’objet d’une convention entre l’Hôpital Peltier
et le GMC. Les médecins de l’hôpital public adressent à la réanimation du GMC les victimes
de morsure, lorsqu’ils ne disposent pas de l’antivenin, ce qui est fréquemment le cas. Ainsi les
patients initialement pris en charge par l’Hôpital Peltier parviennent plus tardivement au GMC.
Les deux sous-groupes sont comparables en ce qui concerne les caractéristiques « âge »,
« sexe » et « antivenin utilisé ». Un délai de prise en charge supérieur à 24 heures n’entraîne
pas une normalisation plus lente des paramètres biologiques de l’hémostase. Le pourcentage de
grade 3 est sensiblement plus important en cas de délai de prise en charge supérieur à 24
heures.
Warrell et al, ainsi que Pugh et Theakston, ont constaté qu’un délai de prise en charge
précoce était associé à un meilleur pronostic de l’envenimation [99, 137]. Au contraire,
Chippaux n’a retrouvé aucune relation significative entre l’incidence des troubles de
l’hémostase et le retard de consultation [24] : il est tout fait possible de traiter et ainsi sauver
des patients se présentant plusieurs jours après la morsure. Cette absence d’impact du délai de
prise en charge sur la vitesse de normalisation de l’hémostase peut s’expliquer par la nature
enzymatique des protéines impliquées dans ces troubles de coagulation : ces enzymes ne
restent pas bloquées sur des récepteurs contrairement aux toxines des venins d’Elapidés et le
sang reste incoagulable tant qu’il existe du « substrat » à dégrader. Cependant, une étude a
montré que la létalité était plus fréquente lors d’une prise en charge tardive de morsure d’Echis
ocellatus [51]. En conséquence, l’immunothérapie antivenimeuse présente une efficacité
constante sur l’atteinte de l’hémostase engendrée par les venins des Vipéridés de Djibouti,
quel que soit le délai de prise en charge du patient. En cas de prise en charge tardive, la
posologie doit tenir compte du retard dans sa mise en œuvre et être adaptée en fonction de
l’état clinique [18]. L’antivenin doit être alors associé à des mesures de déchocage [29].
60
V- LIMITES DE NOTRE ETUDE
Le fait que cette étude se soit déroulée dans une structure hospitalière n’appartenant pas
au réseau de soins djiboutiens est un biais. Le GMC peut néanmoins être considéré comme un
hôpital de référence. Le recrutement portait donc essentiellement sur les cas les plus graves,
souvent transférés de l’Hôpital Peltier.
Il existe également un biais d’information lié à la nature rétrospective de l’étude: les
dossiers n’ont pas été remplis de la même façon selon les différents médecins successivement
affectés dans le service de réanimation. Nous n’avons donc pas pu renseigner tous les items du
questionnaire (traitement symptomatique, devenir, etc.) pour certains dossiers. Nous n’avons
pas pu juger de l’évolution clinique par manque d’information.
Les examens biologiques n’ont pas été prescrits selon la même séquence pour chaque
patient. Par ailleurs, certains résultats qui n’étaient pas datés n’ont pu être utilisés pour l’étude
de l’évolution biologique.
Les dossiers ne précisaient pas les soins traditionnels ou les thérapeutiques à ne pas
faire dont a pu pâtir le patient.
61
PROPOSITION DE CONDUITE A TENIR
DEVANT
UNE ENVENIMATION PAR VIPERIDE
EN REPUBLIQUE DE DJIBOUTI
L’avenir du traitement des envenimations ophidiennes consistera certainement en une
prise en charge extra-hospitalière [125]. Le FAV-Afrique® est un médicament simple
d’utilisation, avec une tolérance excellente, qu’un médecin généraliste formé peut administrer
dans une structure de santé de base. Un algorithme de traitement largement diffusé au niveau
des centres de santé et une formation du personnel soignant permettraient une meilleure
utilisation de l’immunothérapie. Une étude au Ghana a montré que le taux de mortalité est
passé de 11 % à 1 % après élaboration d’un protocole d’utilisation de l’immunothérapie et
formation du personnel soignant [141].
L’administration de l’immunothérapie antivenimeuse dans les heures qui suivent la
morsure, donc dans les structures de santé périphériques dont le niveau reste à définir et en
tenant compte des statistiques sanitaires, permettrait de diminuer de 90 % la létalité des
envenimations [12]. L’amélioration des circuits de distribution des médicaments en zone rurale
reste un préalable indispensable [18]. Rüttimann et al estiment qu’une prise en charge précoce
au niveau des centres de santé périphérique permettrait de diminuer par 3 le coût du traitement
des morsures de serpent, en évitant la nécessité d’une évacuation rapide voire d’une
hospitalisation [107]. La prise en charge hospitalière, dans un service référent de réanimation,
ne devrait alors concerner que les patients vus avec retard ou présentant des critères de gravité
[5]. De même, les indications d’une posologie plus faible (une ampoule de FAV-Afrique®)
restent à définir et permettraient encore d’autres économies de santé [18].
Nous proposons ici un protocole basé sur un grade clinico-biologique, inspiré entre
autre des Recommandations pour l’amélioration de la prise en charge des envenimations en
Afrique (2004) [35].
62
En l’absence de validation de ce protocole par une étude clinique, nous recommandons
de transférer tous les patients de grade 2 et 3 en réanimation. Cependant, le développement de
la biologie embarquée permettrait probablement d’évaluer les patients envenimés au niveau
d’une infirmerie, de prendre en charge et d’administrer précocement l’immunothérapie à des
patients de grade 2 par un médecin généraliste, hors des structures de réanimation.
I- PRISE EN CHARGE INITIALE SUR LE TERRAIN
- Installer la victime en position couchée,
- Alerter les secours,
- Immobilisation du membre au moyen d’une gouttière ou d’une fine attelle,
- Enlever les garrots potentiels (bague, bracelet),
- Désinfecter la plaie,
- Mettre en place une voie veineuse périphérique,
- Calmer voire sédater le patient (antihistaminique de type H1),
- Traiter la douleur (paracétamol ou morphine),
- Glace à proximité du siège de la morsure,
- Mesures éventuelles de réanimation (traitement du choc, liberté des voies aériennes
supérieures),
- Evacuation vers un centre de santé ou l’hôpital [73].
A NE PAS FAIRE [18, 58, 82, 119, 135]
-
incision, cautérisation, succion, débridement, scarifications de la plaie,
-
cryothérapie locale ou garrot,
-
pompe de type Aspivenin, application d'une source de chaleur,
-
donner à boire,
-
toute injection intra-musculaire,
-
antalgie par aspirine ou AINS,
-
compression lymphatique légère par un bandage extensible peu serré (type bande
Velpeau) du membre mordu. Ce bandage a démontré son utilité lors des envenimations
par Elapidé australien mais est contre-indiqué en cas de morsure par les serpents
venimeux africains,
-
capturer ou tuer un serpent dans un but d'identification.
63
II- EVALUATION AU CENTRE DE SANTE OU A L’HOPITAL
- Réaliser des examens complémentaires si possible: NFS, TP, TCA, fibrinogène, ionogramme
sanguin, créatinine, urée, transaminases, CPK, bandelette urinaire et ECG,
- En l’absence de laboratoire, temps de coagulation sur tube sec : prélèvement de sang veineux
de quelques millilitres dans un tube sec, sans aucun ajout. L’absence totale de caillot ou la
formation d’un caillot partiel ou friable, après 30 minutes, traduit un syndrome hémorragique
latent ou avéré [24, 25].
- Coter le patient à l’aide du grade clinico-biologique :
Grade
Syndrome local
0
Douleur modérée,
Traces des crochets
Douleur importante,
Œdème ne dépassant
pas le coude ou le
genou
1
2
3
Syndrome
hémorragique
Signes généraux
Biologie
Hyperleucocytose,
Rhabdomyolyse,
Modifications mineures de
l’hémostase :
- 80 < Plaq < 150
- 45 % < TP < 70 %
- 1< Fib < 2
Œdème dépassant le Saignement au niveau du Vomissements,
Coagulopathie :
coude ou le genou,
site de morsure,
Diarrhée,
- Plaq < 80
- TP < 45 %
Phlyctène(s)
des points de ponction,
Douleur thoracique ou
hématurie
abdominale,
- TCA > 3
macroscopique ou
Lipothymie, Collapsus
- Fib < 1g/L
gingivorragies
(PAS < 80 mmHg)
- TCTS > 30’,
Frissons, sueurs
Insuffisance rénale
profuses
(créatinine > 120mmol/L)
Œdème atteignant ou Epistaxis,
Etat de choc,
Coagulopathie définie
dépassant la racine
Hémoptysie,
Troubles neurologiques, en 3, associée à une Hb
Saignement digestif,
Coma,
< 9 g/dL
du membre,
Nécrose
Autre saignement
Insuffisance respiratoire
Bradycardie (FC<50)
Score clinico-biologique d’envenimation ophidienne
Un grade 2 avec l’un de ces critères sera considéré comme grade 3 :
o âge < 11 ans ou > 60 ans, poids < 25 kg,
o grossesse,
o morsure du visage ou du cou,
o intoxication éthylique aiguë,
o antécédents : ulcère digestif, diabète, pathologie cardio-vasculaire, tuberculose, troubles
congénitaux de l’hémostase.
64
III- PRISE EN CHARGE EN CENTRE DE SANTE OU A L’HOPITAL
[2, 5, 12, 15, 18, 19, 24, 29, 30, 32, 47, 51, 61, 65, 66, 82, 86, 87, 88, 90, 91, 100, 101, 104,
107, 111, 115, 120, 123, 127, 136, 138, 140, 142].
A- Grade 0 ou 1
- Surveillance en centre de santé pendant 24 heures,
- Soins locaux : désinfection de la plaie, immobilisation du membre mordu,
- Antalgiques : paracétamol,
- Vérification du statut vaccinal antitétanique,
- Antibiothérapie seulement en cas de plaie surinfectée, de sepsis ou de thérapeutiques
septiques des premiers secours,
- Pas de corticoïde,
- Pas d’immunothérapie antivenimeuse,
- Transfert en réanimation en cas d’évolution vers un grade 2 ou 3.
B- Grade 2 et 3
1- Mesures communes
- Surveillance en réanimation (ou éventuellement en centre de santé pour un grade 2),
- Repos au lit strict,
- Soins locaux : désinfection de la plaie, immobilisation du membre mordu, excision des
phlyctènes,
- Prévention des complications de décubitus,
- Antalgiques : paracétamol ou morphine,
- Vérification du statut vaccinal antitétanique,
- Antibiothérapie seulement en cas de plaie surinfectée, de sepsis, de thérapeutiques septiques
des premiers secours, de phlyctènes, de nécrose ou de gangrène,
- Prise en charge d’un éventuel choc anaphylactique secondaire à l’antivenin,
- Mesures éventuelles de réanimation (traitement du choc hypovolémique, de l’insuffisance
rénale, etc.).
65
L’héparinothérapie doit être proscrite dans les envenimations ophidiennes. La
meizothrombine produite sous l’action du venin et a fortiori des enzymes thrombiniques a une
structure moléculaire différente de celle de la thrombine. Ni l’héparine, ni l’hirudine, ni
l’antithrombine III ne pourront donc la neutraliser et aggravent en revanche le syndrome
hémorragique. La multiplicité des cibles pour un même venin explique le fait qu’il reste
illusoire d’espérer contrecarrer un syndrome hémorragique en agissant sur une seule étape de
l’hémostase [89]. Le seul traitement efficace est l’antivenin.
2- Modalités de l’immunothérapie
- Grade 2 : administrer 2 ampoules de FAV-Afrique® dans une perfusion de 500 mL de sérum
salé ou glucosé administrées en 1 heure.
Grade 3 :
En cas d’évolution rapide de l’envenimation, état de choc ou troubles de la conscience,
traitement entrepris avec retard : 2 ampoules de FAV-Afrique® dans une perfusion de 500
mL de sérum salé ou glucosé administrées en IVD,
Sinon : 2 ampoules de FAV-Afrique® dans une perfusion de 500 mL de sérum salé ou
glucosé administrées en IVL (sur 1 heure),
Transfusion en cas d’anémie mal tolérée sur le plan clinique,
Apport de sang frais ou de fractions sanguines seulement en cas de thrombopénie
majeure,
Chirurgie parfois à discuter mais toujours à distance.
3- Surveillance
Réévaluation toutes les 4 heures :
2 ampoules de FAV-Afrique en IVL en cas de persistance du grade 2 ou 3,
Retour à domicile seulement en cas de retour au grade 0 ou 1 ou asymptomatique
pendant 24 heures, après l’arrêt de l’administration d’antivenin, afin de ne pas
méconnaître une récidive précoce [5, 12, 18, 19, 25, 72, 74, 86, 87, 125].
66
CONCLUSION
Notre étude qui a porté sur 84 patients permet de définir les caractéristiques des
envenimations en République de Djibouti. Le risque de morsure est constant au cours de
l’année, avec une majoration au cours de la saison chaude. Les morsures surviennent surtout en
fin de journée. La quasi-totalité des morsures sont dues à des Vipéridés, majoritairement Echis
pyramidum. Les morsures concernaient toutes les classes d’âge mais survenaient
préférentiellement chez les jeunes hommes âgés de 21 à 40 ans.
Les morsures prédominent au niveau du membre inférieur (57 %). La douleur, souvent
très intense, et l’œdème loco-régional, rarement extensif, étaient quasi-constants. La nécrose,
toujours modérée, n’a été rapportée que dans huit dossiers.
En revanche, des saignements ont été rapportés chez la moitié des patients. La
coagulopathie de consommation est très fréquente (82 %), avec chute du TP et du fibrinogène,
et allongement du TCA. Des hémorragies peuvent être observées en l’absence de perturbation
biologique de l’hémostase ; à l’inverse, 38 % des patients présentant une coagulopathie de
consommation n’ont pas saigné.
La nécessité de l’immunothérapie antivenimeuse, actuellement le FAV-Afrique®, est
bien admise de tous les médecins en poste au service de réanimation du GMC depuis plus de
dix ans. Il s’agit d’un produit à la fois très efficace et bien toléré. Son seul inconvénient est un
prix élevé qui empêche son utilisation ailleurs qu’au GMC. Son protocole d’utilisation présente
encore quelques zones d’ombre comme le délai de réinjection. Par ailleurs, notre étude a
confirmé son excellente tolérance. Enfin, nous avons vérifié la paraspécificité du FAVAfrique® vis-à-vis du venin d’Echis pyramidum de la République de Djibouti.
67
35 % des patients traités par FAV-Afrique® n’ont reçu qu’une ampoule initiale et tous
ont survécu. Nous n’avons pas mis en évidence de supériorité en cas de posologie initiale de 2
ampoules. L’efficacité suggérée d’une seule ampoule de FAV-Afrique® impose de revoir la
posologie initiale préconisée, afin de promouvoir des doses plus faibles et donc un traitement
moins coûteux. Une étude avec technique ELISA permettrait certainement de déterminer les
indications ne nécessitant qu’une seule ampoule initiale.
L’étude de l’évolution de l’hémostase a montré un délai semblable de normalisation des
différents paramètres biologiques, que la prise en charge soit débutée avant ou après la 24ème
heure post-morsure. Or en République de Djibouti comme dans une très grande partie de
l’Afrique, les délais de prise en charge en milieu hospitalier sont très souvent supérieurs à 24
heures, pour diverses raisons. Ce résultat, intéressant car démontré factuellement pour la
première fois, confirme la notion empirique qu’une prise en charge tardive ne doit pas
constituer une contre-indication à l’immunothérapie antivenimeuse.
Il est également souhaitable d’envisager une étude de l’utilisation du FAV-Afrique® par
des médecins généralistes dans des centres de santé périphériques peu équipés. La gradation et
le protocole que nous proposons ont été élaborés dans cette optique en différenciant un grade 2
qui pourrait être pris en charge dans un tel centre et un grade 3 qui nécessiterait impérativement
un transfert en service de réanimation. Un algorithme de traitement largement diffusé au niveau
des centres de santé et une formation du personnel soignant permettraient ainsi une meilleure
utilisation de l’immunothérapie.
68
ANNEXES
69
ANNEXE 1 : feuille de recueil de données – morsure de serpent
Numéro du patient :
1- Caractéristiques du patient
Date de naissance :
Sexe :
2- Caractéristiques de la morsure
Date et heure de la morsure :
Région :
Espèce :
3- Caractéristiques de l’hospitalisation
Délai entre morsure et prise en charge en réanimation :
Provenance du patient :
Date d’entrée :
Durée d’hospitalisation :
Devenir du patient :
Date de sortie :
4- Clinique
Grade d’envenimation :
Siège de la morsure :
4.1- Signes locaux
Stade de l’œdème :
Nécrose : oui/non
Phlyctènes : oui/non
Autre signe local :
Topographie de la nécrose :
Gangrène : oui/non
4.2- Saignements oui/non
A/n morsure : oui/non
Hémoptysie : oui/non
Épistaxis : oui/non
Autres manifestations :
A/n point de ponction : oui/non
Hématémèse : oui/non
Hématurie macroscopique : oui/non
4.3- Signes généraux
Vomissements : oui/non
Douleur abdominale :oui/non
Autre :
4.4 –Complication
Laquelle :
Gingivorragies : oui/non
Méléna : oui/non
oui/non
Choc : oui/non
oui/non
5- Biologie
Anémie : oui/non
Hyperleucocytose : oui/non
Thrombopénie : oui/nonTP initial nul :
oui/non TCA initial indosable : oui/non
Fibrino initial nul : oui/non
Autre :
6- Traitement
Transfusion : oui/non
Antalgiques : oui/non
Corticoïdes : oui/non
VAT/SAT : oui/non
Antibiothérapie : oui/non
Chirurgie : oui/non
Antivenin utilisé : oui/non
Posologie initiale :
Réinjection : oui/non
Effets secondaires : oui/non
Nombre de culots :
Molécule :
Molécule :
Quel traitement :
Produit :
Posologie totale :
Délai de réinjection :
Lesquels :
Commentaire libre :
70
ANNEXE 2 : Fiche de recueil des paramètres de l’hémostase
Patient
n°1
Patient
n° 2
Patient
n°3
Etc.
Date et heure de la morsure
Date et heure de la première injection
d’antivenin
Valeur 1 du nombre de plaquettes
Date et heure de la valeur 1 du nombre de
plaquettes
Valeur 2 du nombre de plaquettes
Date et heure de la valeur 2 du nombre de
plaquettes
Valeur 3 du nombre de plaquettes
Date et heure de la valeur 3 du nombre de
plaquettes
…
Valeur 1 du TP
Date et heure de la valeur 1 du TP
Valeur 2 du TP
Date et heure de la valeur 2 du TP
Valeur 3 du TP
Date et heure de la valeur 3 du TP
…
Valeur 1 du TCA
Date et heure de la valeur 1 du TCA
Valeur 2 du TCA
Date et heure de la valeur 2 du TCA
Valeur 3 du TCA
Date et heure de la valeur 3 du TCA
…
Valeur 1 du fibrinogène
Date et heure de la valeur 1 du fibrinogène
Valeur 2 du fibrinogène
Date et heure de la valeur 2 du fibrinogène
Valeur 3 du fibrinogène
Date et heure de la valeur 3 du fibrinogène
…
71
ANNEXE 3 : Répartition des patients hospitalisés en service de réanimation du GMC Bouffard
pour morsure de serpent entre octobre 1994 et mai 2006 (Source : registre du service de
réanimation du GMC Bouffard)
1994
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Total
1
1
1995
1
1
1996
3
1
3
7
1997
1
1
1
1
3
7
1998
1
1
2
4
5
4
2
1
2
22
1999
1
2
2
2
2
1
1
11
2000
1
2
5
1
1
2
1
13
2001
2
1
1
1
2
2
1
4
1
15
2002
1
1
1
1
1
3
8
2003
1
1
1
3
2004
1
1
4
4
1
4
1
3
1
1
21
2005
1
1
1
1
4
2006
1
1
1
-
3
NB : les – signifient une absence de cas durant le mois.
Remarque : aucun décès au cours d’une morsure de serpent n’a été notifié sur le registre pour
cette période.
ANNEXE 4 : Répartition des patients hospitalisés en service de réanimation de l’hôpital Peltier
pour morsure de serpent entre avril 2003 et mai 2006 (Source : registre du service de réanimation
de l’Hôpital Peltier)
2003
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Total
Décès
2
2
3
5 (1)
6 (1)
2 (1)
3
2
0
25
3
2004
2 (1)
0
3 (1)
7
2 (1)
2
5
4 (1)
2
0
0
1 (1)
28
5
2005
1
0
4
1
4
3
4
6
6
4
1
2 (1)
36
1
2006
0
3
0
2
3
8
0
Total
3
3
7
12
11
8
14
16
10
7
3
3
97
9
NB : les nombres entre parenthèses correspondent au nombre de décès enregistrés chaque mois.
72
Total
7
4
6
12
20
8
11
10
15
12
4
7
116
ANNEXE 5 : Siège de la morsure en fonction de l’âge
Siège de la morsure
Membre supérieur
Epaule
Bras
Coude
Avant-bras
Poignet
Main
Membre inférieur
Fesse
Cuisse
Genou
Jambe
Cheville
Pied
5 ans et moins
3
1
2
4
4
6 à 10 ans
4
4
3
3
11 à 20 ans
4
4
9
1
8
21 à 30 ans
8
1
2
1
4
17
1
2
14
31 à 40 ans
8
8
8
1
1
1
5
41 ans et plus
9
9
7
1
1
5
Nous n’avons pas mis en évidence une relation significative entre le siège de la morsure et
l’âge (p=0,5).
ANNEXE 6 : Siège de la morsure en fonction du sexe
Siège de la
morsure
Membre supérieur
Epaule
Bras
Coude
Avant-bras
Poignet
Main
Membre inférieur
Fesse
Cuisse
Genou
Jambe
Cheville
Pied
Femme
Homme
8
8
12
1
11
28
1
2
1
1
23
36
1
3
4
28
Nous n’avons pas mis en évidence une relation significative entre le siège de la morsure et le
sexe (p=0,9).
ANNEXE 7 : Présence d’hémorragies et âge des patients
Age < ou = 10 ans
Age > 10 ans
Total
Présence d’hémorragies
4
28
32
Absence d’hémorragies
8
29
37
Total
12
57
69
RR = 0,68 (0,29<RR<1,58).
Nous n’avons pas mis en évidence de différence significative entre la présence ou non
d’hémorragies et l’âge du patient (p=0,49).
73
ANNEXE 8 : Stade de l’œdème et âge des patients
Age < ou = 10 ans
Age > 10 ans
Total
Stade 0, 1 ou 2
5
38
43
Stade 3, 4 ou 5
7
19
26
Total
12
57
69
RR = 1,75 (0,96<RR<3,20).
Nous n’avons pas mis en évidence de différence significative de l’importance de l’œdème
selon l’âge du patient (p=0,19).
ANNEXE 9 : Présence de nécrose et âge des patients
Age < ou = 10 ans
Age > 10 ans
Total
Présence de nécrose
3
4
7
Absence de nécrose
4
53
62
Total
12
57
69
RR = 3,56 (0,91<RR<13,9).
Nous n’avons pas mis en évidence de différence significative entre la présence ou non de
nécrose et l’âge du patient (p=0,18)
ANNEXE 10 : Posologie initiale du FAV-Afrique et survenue de séquelles
Posologie initiale
1 ampoule
2 ampoules
Total
Survenue de séquelles
2
1
3
Absence de séquelles
8
18
26
Total
10
19
29
Nous n’avons pas mis en évidence de différence significative dans la survenue de séquelles
selon la posologie initiale de FAV-Afrique (p=0,26).
ANNEXE 11 : Posologie totale du FAV-Afrique et survenue de séquelles
Posologie totale
1 ampoule
2 ampoules
3 ampoules
4 ampoules
5 ampoules
6 ampoules
Total
Survenue de séquelles
1
2
0
0
0
0
3
Absence de séquelles
3
9
10
2
1
1
26
Total
4
11
10
2
1
1
29
Nous n’avons pas mis en évidence de différence significative dans la survenue de séquelles
selon la posologie totale de FAV-Afrique (p=0,65).
74
ANNEXE 12 : Posologie initiale du FAV-Afrique et durée d’hospitalisation
Posologie
intiale
1 ampoule
2 ampoules
Total
Durée d’hospitalisation <
3 jours
2
1
3
Durée d’hospitalisation entre 3
et 7 jours
5
15
20
Durée d’hospitalisation >
7 jours
3
3
6
Total
10
19
29
Nous n’avons pas mis en évidence de différence significative de la durée d’hospitalisation
selon la posologie initiale du FAV-Afrique (p=0,25).
ANNEXE 13 : Posologie totale du FAV-Afrique et durée d’hospitalisation
Posologie
totale
1 ampoule
2 ampoules
3 ampoules
4 ampoules
5 ampoules
6 ampoules
Total
Durée d’hospitalisation <
3 jours
1
0
2
0
0
0
3
Durée d’hospitalisation entre 3
et 7 jours
3
8
6
2
0
1
20
Durée d’hospitalisation >
7 jours
0
3
2
0
1
0
6
Total
4
11
10
2
1
1
29
Nous n’avons pas mis en évidence de différence significative de la durée d’hospitalisation
selon la posologie totale du FAV-Afrique (p=0,5).
75
ENVENIMATIONS PAR VIPERIDES EN
REPUBLIQUE DE DJIBOUTI
REVUE DE LA LITTERATURE
76
SOMMAIRE
INTRODUCTION .............................................................................................................. p 78
LA REPUBLIQUE DE DJIBOUTI …………………………………………..………… p 79
I- Présentation générale………………………………………………………....……….. p 79
II- Le Groupement médico-chirurgical Bouffard………………………………………… p 82
LES SERPENTS DE DJIBOUTI ……………………………………….………………. p 84
I- Systématique des ophidiens……………………………….……………………………p 84
II- Ecologie des serpents …………………………………………………………………. p 88
III- L’appareil venimeux des serpents……………………………………………...……....p 90
IV- Les serpents de Djibouti………………………………………………………………. p 96
VENIN DES ECHIS SPP ET DE BITIS ARIETANS ………………………..………… p 106
I- Généralités sur la composition………………………………………………………… p 106
II- Protéines agissant sur l’hémostase……………………………………………………... p 110
III- Autres constituants……………………………………………………………….……. p 120
IV- Etude de la toxicité et de la toxicocinétique du venin…………………………….…….p 122
PRESENTATION CLINIQUE ET BIOLOGIQUE DES ENVENIMATIONS PAR ECHIS
SPP ET BITIS ARIETANS……..……………………………………………………..…. p 125
I- Tableaux cliniques et biologiques………………………………………………………...p 126
II- Gravité de l’envenimation……………………………………………………………… p 133
III- Séquelles et décès……………………………………………………………………… p 134
L’IMMUNOTHERAPIE ANTIVENIMEUSE ………………………………………... p 136
I- Fabrication de l’antivenin………………………………………………………………p 136
II- Mode d’action de l’immunothérapie antivenimeuse ......................................................p 139
III- Conservation de l’antivenin…………………………………………………………… p 142
IV- Voie d’administration ………………………………………………………………… p 142
V- Les effets secondaires et les contre-indications ………………………………………. p 143
VI- Spécificités de son utilisation en Afrique …………………………………………….. p 144
VII- Avenir de l’immunothérapie antivenimeuse ……………………………………….. p 147
PRISE EN CHARGE …………………………………………………………………… p 148
I- Premiers soins : « Primum non nocere »………………………………………...…… p 148
II- Le traitement spécifique : l’immunothérapie antivenimeuse…………………………. p 151
III- Traitements adjuvants………………………………………………………………. p 154
IV- Surveillance clinique et paraclinique……………………………………………….. p 158
77
INTRODUCTION
Le mot « serpent » est issu du verbe latin serpere (ramper) dont le participe présent
serpens désigne ce qui rampe. Le terme « ophidien » vient du grec ophis qui signifie
« serpent » [53].
En Afrique, la très grande majorité des envenimations sévères sont dues à des Vipéridés
appartenant aux genres Echis et Bitis qui possèdent des venins riches en protéines agissant sur
l’hémostase. Le patient envenimé peut alors présenter un tableau appelé syndrome vipérin qui
associe un syndrome local avec une douleur, un œdème et parfois une nécrose ; et un syndrome
hémorragique avec parfois de multiples saignements. La coaguloapathie de consommation
engendrée par les effets du venin est à l’origine d’une hypofibrinogénémie voire une
afibrinogénémie, d’un effondrement du taux de prothrombine (TP), d’une élévation du temps
de céphaline activée (TCA) supérieure à plusieurs fois le temps témoin et d’une thrombopénie,
non systématique.
La prise en charge d’une morsure de serpent débute sur le terrain ou dans un service des
urgences. En cas d’envenimation sévère, elle comporte un volet non spécifique avec prise en
charge du syndrome local et de l’hypovolémie éventuelle, et un volet spécifique reposant sur
l’immunothérapie antivenimeuse, seul traitement étiologique. Il est indispensable pour le
praticien qui risque d’être confronté aux envenimations ophidiennes de se renseigner sur les
espèces de la région et sur la disponibilité ainsi que la spécificité des immunothérapies
nécessaires [2].
Cette annexe est une revue de la littérature et est articulée autour de cinq parties :
-
présentation de la République de Djibouti et du Groupement médico-chirurgical Bouffard,
-
généralités sur les serpents et présentation des serpents de la République de Djibouti,
-
composition et mode d’action des venins des Echis sp et de Bitis arietans,
-
présentation clinique et biologique des envenimations par Echis sp ou par Bitis arietans,
-
présentation de l’immunothérapie antivenimeuse,
-
prise en charge d’une morsure par Vipéridé en République de Djibouti.
78
LA REPUBLIQUE DE DJIBOUTI
I- PRESENTATION GENERALE
La République de Djibouti, également connue sous le nom de « Pays des Braves »
appartient à la Corne de l’Afrique, composée également par la Somalie, l’Erythrée, l’Ethiopie
et le Kenya. Elle est située au bord de la mer Rouge et fait face à la péninsule arabique. Ce petit
pays de 23 700 km² est bordé à l’extrême nord par l’Erythrée, au nord et à l’ouest par
l’Ethiopie, au sud par la Somalie et à l’est par le Golfe d’Aden (Fig. 1 et 2)
Figure 1 La République de Djibouti dans la Corne de l’Afrique
Figure 2: Carte de la République de Djibouti
Ancien territoire français des Afars et des Issas, Djibouti est une République depuis son
indépendance acquise en 1977. Elle est subdivisée en cinq districts : Djibouti, Ali Sabieh,
Dikhil, Obock et Tadjourah (Fig. 3).
79
Figure 3 : Les cinq districts de la République de Djibouti
Le paysage est aride, à la fois montagneux et désertique. C’est l’une des régions les plus
chaudes du globe. Le climat ne comporte que deux saisons : la saison fraîche d’octobre à avril
et la saison chaude de mai à septembre. La saison fraîche se caractérise par deux périodes de
pluie, l’une en novembre-décembre, l’autre en avril. La saison « fraîche » présente des
températures moyennes allant de 20° à 25°, avec des pics de chaleur n’excédant pas 35°. La
saison chaude démarre à 35° pour culminer à 45° en juillet-août et est caractérisée par un fort
vent de sable, le khamsin [42].
La population compte 460 700 habitants (en 2001) et la densité est de 20 habitants/km².
La ville de Djibouti et sa zone périurbaine défavorisée hébergent plus de 75 % des habitants du
pays. La population djiboutienne se répartit en plusieurs composantes humaines : les Afars et
les Somalis, de religion musulmane pour la plupart, qui sont traditionnellement rattachés au
groupe anthropologique des Chamites. On les a nommés « Chamites Orientaux » pour les
distinguer de ces autres Chamites que sont les Égyptiens et les Berbères. L'afar et le somali
sont parlés aux côtés du français et de l'arabe, les deux langues officielles.
La République de Djibouti est un pays pauvre, classé au 168ème rang mondial avec un
produit national brut de 700 dollars en 1995. L'économie djiboutienne est très largement
dépendante de son secteur tertiaire (82 % du PIB), l'État est le principal employeur dans le pays
(est. 2 000). Le pays est par contre pauvre en industries (15 % du PIB) et surtout en agriculture
(3 % seulement du PIB), ce qui contribue à un fort taux de chômage (70 % de la force de
travail du pays). Djibouti dépend donc, pour son approvisionnement de biens, des voisins
éthiopiens, somaliens et yéménites. Et, dans une moindre mesure, de la France. Le salaire
mensuel moyen à Djibouti-ville est de 35 000 FDJ (soit environ 150 euros). Il existe une nette
inégalité de la répartition des richesses et plus de la moitié des habitants vivent en dessous ou
au niveau du seuil mondial de pauvreté.
80
Les indicateurs sanitaires sont ceux d’un pays en voie de développement :
- espérance de vie de 49 ans pour les hommes et de 53 ans pour les femmes ;
- taux de croissance de la population à 2,6 % ;
- taux de natalité à 40,7 ‰ ;
- taux de mortalité 14,7 ‰ ;
- taux de mortalité infantile 101 ‰ (en 2001).
Les régions reculées ont un faible accès aux systèmes de soins et le pays doit faire face
aux maladies tropicales : comme le paludisme ou le choléra. Comme de nombreux pays
d'Afrique, Djibouti doit faire face à de nombreux cas de SIDA au sein de sa population.
L'armée française contribue aux soins des populations locales. En effet outre la présence de
nombreuses ambassades dans le pays, Djibouti accueille aussi des régiments français,
allemands et américains, ainsi qu'une minorité de soldats japonais.
L’Hôpital Peltier (610 lits) est l’hôpital de la République de Djibouti. Il est équipé de
services de médecine, de pédiatrie, de psychiatrie, de chirurgie ainsi que d’une maternité et
d’un plateau technique de radiologie et de biologie médicale.
Le ministère de la Santé serait impliqué dans la commercialisation du khat, drogue
douce distribuée à la population par les ambulances djiboutiennes tous les après-midi. Les
Djiboutiens ne travaillent pas en général au delà de midi, car la température peut atteindre 50°C
à l’ombre pendant certaines périodes. Ils mâchent donc le khat jusqu'au soir, qui les met dans
un état d'excitation temporaire avant de provoquer une lourde somnolence. Ce trafic génère
d'importants revenus aux différentes personnalités de l'Etat, mais n'entre pas dans l'économie
du pays.
Figure 4 : Le blason et le drapeau de la République de Djibouti.
81
II- LE GROUPEMENT MEDICO-CHIRURGICAL BOUFFARD
La construction de l’infirmerie-hôpital de Djibouti a débuté en 1960. En 1989, le Centre
hospitalier des Armées Bouffard reçoit son nom du Médecin Général Bouffard, médecin des
troupes de marine de la place de Djibouti de 1900 à 1904, qui oeuvra dans la lutte contre les
grandes endémies et les maladies infectieuses. Il est devenu le Groupement Médico-Chirurgical
(GMC) Bouffard en 2005 (Fig. 5). Centré sur le soutien sanitaire des Forces Françaises à
Djibouti (FFDJ) et leurs familles, ainsi que sur celui des Forces Armées Djiboutiennes (FAD)
et leurs familles, le GMC participe également aux soins de la population locale.
Figure 5 : Le Groupement médico-chirurgical Bouffard
Le GMC comprend un service de médecine et de psychiatrie, un service de chirurgie
polyvalente, un service de réanimation polyvalente, une maternité, un service d’accueil des
urgences ainsi qu’un service d’imagerie médicale doté d’un scanner, un laboratoire d’analyses
médicales et une pharmacie. Il est d’une capacité de 56 lits d’hospitalisation.
Les militaires français ne représentent que 3 % des journées d’hospitalisation (345 sur
12 446) et 11 % des consultations (2 383 sur 21 818) en 2001. L’aide médicale gratuite
représente environ la moitié de l’activité du GMC [130].
82
Le service de réanimation, doté de 8 lits, compte deux médecins anesthésistesréanimateurs, spécialistes du Service de Santé des Armées (Fig. 6). Une partie importante de
son activité est pédiatrique.
Figure 6 : Le service de réanimation
83
LES SERPENTS DE DJIBOUTI
Toutes les familles de serpents venimeux peuvent être croisées en République de
Djibouti : les Colubridés (Dispholidus typus), les Atractaspididés, les Elapidés (Naja pallida),
les Hydrophidés (Pelamis platurus) et les Vipéridés (Echis pyramidum et Bitis arietans) ; ces
derniers étant certainement les plus importants sur le plan médical.
Saint Girons écrivait en 1989 « Si la systématique doit évidemment tendre à être
phylogénétique, elle est également un outil de travail pratique et il n’est pas souhaitable de
modifier la nomenclature à chaque nouvelle interprétation suggérée par l’étude de tel ou tel
caractère ». Ceci est particulièrement vrai pour les serpents venimeux : l’étude des venins doit
se fonder sur de solides bases systématiques et la confection des antivenins doit s’adapter aux
découvertes récentes de la systématique [109]. En effet, la composition des venins peut varier
considérablement, même entre espèces très proches. C’est le cas notamment pour le genre
Echis dont la systématique difficile à établir a fait l’objet de plusieurs changements importants.
Cela engendre plusieurs conséquences : antivenins inefficaces, symptômes inattendus et
difficulté à reproduire des résultats expérimentaux. Une meilleure collaboration entre
systématiciens, toxinologistes, cliniciens et industriels impliqués dans la fabrication
d’antivenins serait donc souhaitable [143, 144].
I- SYSTEMATIQUE DES OPHIDIENS
L’existence des tout premiers reptiles connus remonte au Carbonifère, au-delà de - 300
millions d’années. Le groupe des serpents est lui assez « récent » : les premiers fossiles datent
du Crétacé inférieur à environ – 130 millions d’années. Les serpents et les lézards ont des
origines communes. Les serpents dériveraient soit des Varanidés, famille de lézards qui
présentent de nombreuses similitudes avec les ophidiens, soit de lézards fouisseurs primitifs.
84
Cette dernière théorie suppose une adaptation à la vie souterraine qui a entraîné un
allongement de leur corps et une diminution de leurs membres et de leur vision. Cette nécessité
de vivre dans des galeries peut s’expliquer par l’existence de multiples prédateurs dont les
dinosaures à l’époque. Avec la disparition de ces derniers, les serpents ont pu revenir à la
surface de la terre et coloniser tous les milieux grâce aux adaptations acquises [53].
La biologie moléculaire a démontré que la fonction venimeuse serait bien plus ancienne
que ce qui est habituellement admis et aurait une origine unique pour tous les squamates la
possédant actuellement (serpents et hélodermes). Ces squamates appartiennent tous à la lignée
des Toxicofera qui réunit les serpents, les Helodermatidés, les Anguidés, les Varanidés et les
Iguanidés. Tous ces reptiles auraient en commun un ancêtre venimeux vieux de 200 millions
d’années, hypothèse qui fait reculer l’apparition de la fonction venimeuse de 100 millions
d’années. Or, certains serpents et lézards de cette lignée ne possèdent plus la fonction
venimeuse: elle ne serait donc pas un critère évolutif de modernité dans la phylogénie mais au
contraire un caractère ayant régressé au cours de l’évolution de certaines espèces [132].
Les travaux de Fry et al. ont confirmé cette régression en mettant en évidence des
toxines, habituellement présentes chez des serpents venimeux, dans les glandes buccales de
reptiles considérés comme non venimeux. Les manifestations pathologiques observées à la
suite de morsures de squamates non venimeux étaient jusqu’à présent mises sur le compte
d’une infection bactérienne. Or la rapidité d’installation et les caractéristiques des symptômes
ne peuvent être expliquées par un processus infectieux pur. Ces arguments amènent à
reconsidérer le concept même de reptile venimeux [55].
A- Place des serpents dans le règne animal
Les Serpents appartiennent à la classe des REPTILES, qui appartiennent au Règne
animal, à l’embranchement des Chordés et au sous-embranchement des Vertébrés.
La classe des Reptiles comporte 3 sous-classes :
- Les ANAPSIDES qui comprennent les Chéloniens ou Tortues ;
- Les ARCHOSAURIENS qui comprennent les Crocodiliens ;
- Les LEPIDOSAURIENS qui comprennent deux ordres : les SQUAMATA (ou squamates) et
les RHYNCHOCEPHALES avec leur unique représentant, le sphénodon [54].
85
La récente classification des SQUAMATA établie par Vidal et Hedges est présentée en
figure 7. Les OPHIDIA ou SERPENTES appartiennent à la lignée des Toxicofera, ensemble de
reptiles ayant ou ayant eu la fonction venimeuse [132].
Amphisbaenia
Lacertibaenia
Lacertiformata
Laterata
Teiformata
Episquamata
Anguimorpha
Unidentata
Toxicofera
Unnamed
clade
Iguania
Serpentes
Bifurcata
Scinciformata
Gekkota
Squamata
Dibamia
Figure 7 : Classification des Squamates, d’après Vidal et Hedges, 2005 [132]
B- Classification des ophidiens
Avec les progrès permanents de l’immunologie et de la biologie moléculaire, toute la
systématique des ophidiens a été revue et différentes classifications sont proposées. Le venin
est d’un intérêt limité dans de telles classifications ; les variations interindividuelles au niveau
d’une espèce étant trop importantes [69].
86
La classification proposée est celle de l’EMBL Reptile Database (Uetz, 2001) [53].
Super-famille des Scolécophidiens (Scolecophidia) ou Typhlopidés (Typhlopoidea)
•
Famille des Anomalépidés (Anomalepidae)
16 espèces
•
Famille des Leptotyphlopidés (Leptotyphlopidae)
90 espèces
•
Famille des Typhlopidés (Typhlopidae)
226 espèces
Super-famille des Hénophidiens (Henophidia) ou Boïdés (Boidea)
•
Famille des Aniliidés (Aniliidae)
1 espèce
•
Famille des Anomochilidés (Anomochilidae)
2 espèces
•
Famille des Boïdés (Boidae)
71 espèces
•
Famille des Bolyéridés (Bolyeridae)
2 espèces
•
Famille des Cylindrophilidés (Cylindrophilidae)
10 espèces
•
Famille des Loxococémidés (Loxococemidae)
1 espèce
•
Famille des Tropidophéidés (Tropidophiidae)
23 espèces
•
Famille des Uropeltidés (Uropeltidae)
47 espèces
•
Famille des Xénopeltidés (Xenopeltidae)
2 espèces
Super-famille des Cénophidiens (Xenonophidia) ou Colubroidés (Colubroidea)
•
Famille des Acrochordidés (Acrochordidae)
3 espèces
•
Famille des Atractaspididés (Atractaspididae)
67 espèces
•
Famille des Colubridés (Colubridae)
1800 espèces
•
Famille des Elapidés (Elaphidae)
248 espèces
•
Famille des Hydrophidés (Hydrophiidae)
61 espèces
•
Famille des Vipéridés (Viperidae)
240 espèces
Certains auteurs regroupent les Hénophidiens et les Cénophidiens dans la superfamille des Aléthinophidiens (Alethinophidia) [69]. On trouve les serpents venimeux
proprement dits exclusivement chez les Cénophidiens : Colubridés, Atractaspididés, Elapidés,
Hydrophidés et Vipéridés [102].
87
II- ECOLOGIE DES SERPENTS
A- La démographie [12]
La densité ophidienne, variable dans l’espace et le temps selon les espèces et les
régions, explique en grande partie l’incidence des morsures. Chez les serpents venimeux, les
effectifs sont souvent plus faibles. Pourtant, la densité par hectare en savane soudanienne
concernant Echis ocellatus peut atteindre plusieurs centaines d’individus. Elle est variable dans
l’espace en fonction des conditions offertes par le milieu naturel (abris, présence d’eau de
surface) et de l’aménagement du terrain (plantation, lotissements, etc.). Les serpents peuvent
être ainsi attirés ou repoussés. Elle est également fluctuante dans le temps en fonction de
facteurs saisonniers et physiologiques intervenant sur le comportement. La densité et la
diversité des serpents sont liées à l’abondance des proies. La plupart des auteurs ont constaté
que le comportement sexuel est le principal facteur influençant la densité des serpents.
La démographie est intimement liée à la fécondité et à la mortalité. Le nombre de
descendants ainsi que la longévité (5 à 50 ans) sont très variables selon les espèces.
Les rassemblements de serpents peuvent avoir des causes naturelles (hibernation,
accouplements,
gestation,
ponte),
accidentelles
(inondations)
ou
circonstancielles
(aménagements). Toutefois les serpents ne présentent pas un comportement social développé.
La diminution des peuplements ophidiens peut également avoir des origines
naturelles (baisse de la pluviométrie), accidentelles (feux de brousse) ou circonstancielles. La
destruction des serpents par les humains est loin d’être un facteur négligeable. Cette destruction
peut être volontaire (chasse contre les serpents venimeux mais surtout comme gibier et pour la
maroquinerie) ou involontaire (serpents écrasés sur les routes). L’anthropisation se révèle
défavorable pour la majorité des espèces ophidiennes, même si certaines espèces en tirent
bénéfice.
B- Le domaine vital [12]
L’ensemble des observations tend à prouver que l’espace dans lequel évolue un serpent
est réduit et constant au cours de sa vie. Cet espace est proportionnel à la biomasse de
l’individu, donc à la taille du serpent et à ses besoins énergétiques. Les serpents se déplacent
généralement sur les mêmes parcours en suivant leurs propres traces. Il n’a jamais été observé
de migration au sens strict, sauf chez certains serpents marins.
88
Les facteurs influant sur la dimension du domaine vital sont à la fois environnementaux
(température, couvert végétal, abondance des proies et pression exercée par les prédateurs) et
physiologiques (besoins énergétiques, reproduction, état de santé).
Diverses circonstances peuvent conduire le serpent à s’éloigner de son cadre habituel :
- les modifications du milieu, naturelles (inondations, incendies) ou intentionnelles
(constructions ou aménagements) ;
- les contraintes climatiques (saison des pluies en région tropicale ou hiver en zones
tempérées) ;
- les activités humaines, souvent saisonnières.
Le transfert de serpents provoque une surmortalité cinq fois supérieure à la mortalité de
référence. Les mouvements des serpents déplacés sont plus fréquents et plus importants que
ceux des spécimens restés dans le domaine originel.
C- Les déplacements [12]
Les serpents se déplacent en quatre occasions:
- la chasse. Elle peut avoir lieu de jour et/ou de nuit selon les espèces ;
- la thermorégulation ;
- l’accouplement. Les mâles sortent à la recherche des femelles, ce qui explique que le sexratio soit très déséquilibré à certaines saisons ;
- les naissances, qui conduisent à une augmentation très significative du nombre de serpents.
La densité ophidienne se réduira rapidement au cours des mois suivants du fait de la forte
prédation des jeunes serpents.
D- La composition des peuplements [12]
Cet élément permet de connaître la proportion d’espèces venimeuses présentes dans un
biotope ou un site particulier. L’identification des espèces dangereuses permet d’anticiper le
taux et la gravité des envenimations, ainsi que la symptomatologie majeure qui sera observée.
Chaque espèce manifeste des préférences qui l’attirent dans un biotope ou qui l’en
repoussent en fonction de modifications écologiques, dont beaucoup sont produites par
89
l’homme. Les aménagements hydrauliques ou agricoles sont certainement un facteur essentiel
de redistribution des peuplements ophidiens.
On peut schématiquement séparer les espèces ophidiennes en trois groupes :
- les espèces sauvages, qui s’écartent des lieux habités et qui tendent à disparaître avec le
développement agricole ; certaines d’entre elles sont fortement menacées ;
- les espèces indifférentes, dont le comportement semble peu influencé par l’anthropisation du
milieu ;
- les espèces commensales, qui se développent dans l’environnement immédiat de l’homme.
Les serpents rencontrés dans l’agriculture vivrière ou villageoise traditionnelle sont les
mêmes que dans la brousse environnante et leur comportement est très proche. En revanche,
dans les plantations commerciales, la dimension des surfaces exploitées et leurs particularités
écologiques par rapport au milieu naturel font qu’elles constituent un domaine spécifique.
Chaque type de plantation possède une structure de peuplement propre liée au produit cultivé et
aux méthodes agricoles utilisées.
En zone urbaine, la sélection des espèces est beaucoup plus importante. Pourtant,
quelques serpents venimeux font preuve d’un commensalisme inquiétant vis-à-vis de l’homme
(Naja nigricollis et Naja melanoleuca en Afrique intertropicale). La densité ophidienne reste
faible, mais la densité de population humaine y est particulièrement élevée, d’où un risque de
rencontre homme-serpent non négligeable.
III- L’APPAREIL VENIMEUX DES SERPENTS
L’appareil venimeux d’un ophidien est un dispositif complexe qui associe un organe
vulnérant, le crochet venimeux, capable d’injecter le venin dans l’organisme de la proie ou de
l’agresseur, et une glande spécialisée synthétisant une sécrétion toxique, le venin. L’appareil
venimeux ne concerne que quelques familles : les Atractaspididés, les Colubridés, les Elapidés,
les Vipéridés et les Hydrophidés. Les autres serpents dits « non venimeux » possèdent parfois
une salive toxique mais sont dépourvus d’un appareil inoculateur [12].
90
A- Le crochet venimeux
Duméril (1853) a classé les serpents en quatre catégories en fonction de la denture, cette
classification est toujours admise aujourd’hui, même si elle n’a aucune valeur systématique
[109].
1- Les serpents aglyphes
Ils sont dépourvus de crochet venimeux. Les dents sont toutes fixes et pleines (Fig. 8).
Ce sont essentiellement les serpents primitifs, les boas, les pythons et la plupart des couleuvres
[12].
Figure 8 : Schéma du crâne de Coronella austriaca (d’après FRETEY, inspiré de SMITH,
1964) [54]
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
prémaxillaire
nasal
préfrontal
frontal
postfrontal
pariétal
supra-temporal
columella auris
supraoccipital
occipital
os carré (quadratum)
articulaire
ptérygoïde
14. prootique
15. angulaire
16. ectoptérygoïde
17. splénial
18. palatin
19. mandibule
20. maxillaire
21. orifice de l’organe de Jacobson
22. vomer
23. parasphénoïde
24. basisphénoïde
25. basioccipital
Ces serpents peuvent posséder une glande de Duvernoy qui ne correspond à aucune
dent en particulier. La substance émise infiltre les tissus de la proie lorsque le serpent la mord
tout en « mâchant » afin d’en faciliter l’écoulement dans les tissus lésés par les dents. Ce
mécanisme d’envenimation implique donc une morsure prolongée [108].
On ne parle habituellement pas d’envenimation lors des morsures de ces serpents mais
il existe des exceptions. En effet, Hydrodynastes gigas ou Waglerophis merremii auraient été
responsables d’envenimations véritables [12]. En France, l’observation d’une envenimation à la
suite d’une morsure de Coluber viridiflavus a été décrite [4]. Il faut donc garder à l’esprit le
potentiel toxique de la salive des serpents dits non venimeux [40].
91
2- Les serpents opisthoglyphes
Certains Colubridés possèdent un ou plusieurs crochets situés sur la partie arrière du
maxillaire (Fig. 9). Cette dent creusée d’un sillon est placée dans le prolongement du canal
efférent de la glande de Duvernoy. Ce système est peu performant car le venin est injecté sans
pression : ces serpents « mâchent » lors de la morsure pour faire passer le venin à l’intérieur
des plaies [61]. Les crochets placés en position postérieure atteignent difficilement une proie ou
un agresseur mais une envenimation est possible si la partie mordue rentre profondément dans
la gorge du serpent ou si les crochets opisthoglyphes sont relativement antérieurs (Dispholidus
typus ou boomslang) [12]. L’os maxillaire du boomslang est capable de pivoter légèrement, ce
qui lui permet d’utiliser son appareil venimeux contre un prédateur : cette espèce est donc
réellement dangereuse [131].
Figure 9 : Denture opisthoglyphe [12]
La glande de Duvernoy ne comporte pas de lumière importante ce qui limite la capacité
de stockage du venin et aucun muscle n’est directement associé à la glande.
3- Les serpents protéroglyphes
Chez les Elapidés, les Hydrophidés, les Vipéridés et les Atractaspis, on peut parler de
glande à venin ou venimeuse stricto sensu [128].
Les Elapidés et les Hydrophinés sont des serpents protéroglyphes : ils possèdent un ou
plusieurs crochets situés sur la partie préfrontale du maxillaire qui est court et peu mobile (Fig.
10) [61]. Ces crochets sont profondément sillonnés ou canaliculés [128].
92
Chez Dendroaspis et certains Elapidés australiens, le maxillaire est resté relativement
long et mobile ce qui lui permet un mouvement de bascule autour du ptérygoïde [12].
Figure 10 : Denture protéroglyphe [12]
La glande venimeuse des Elapidés et des Hydrophidés, piriforme, est située en arrière
de l’œil, en région temporale. Histologiquement cette glande est proche de la glande de
Duvernoy contrairement à celle des Vipéridés et des Atractaspididés [12]. La taille de la glande
à venin atteint un quart de la taille de l’animal chez Maticora [128]. L’expulsion du venin se
fait par la contraction d’un muscle propre constitué à partir des muscles mandibulaire et
temporal [12].
Les protéroglyphes ont tendance à maintenir leur morsure peut-être à cause d’un
appareil venimeux peu perfectionné. Cette donnée est cliniquement intéressante dans
l’identification du serpent agresseur. Si le patient a été mordu longtemps par le serpent, c’est
certainement un protéroglyphe alors que s’il n’a pas eu le temps de voir le serpent mordre, il est
plus probable que ce soit un solénoglyphe [2].
Chez les Elapidés, certaines espèces comme le Cobra cracheur, Hemachatus
haemachatus, ont développé un type de crochet avec une deuxième ouverture proche de la
racine dentaire. Cette ouverture permet de projeter le venin sous forme de gouttelettes à
plusieurs mètres dans les yeux d’un agresseur [128].
93
4- Les serpents solénoglyphes
Les serpents solénoglyphes regroupent les Vipéridés et les Atractaspididés.
Figure 11 : Denture solénoglyphe [12]
Le maxillaire est court, il pivote autour de l’ectoptérygoïde animé par le ptérygoïde, ce
qui permet au crochet venimeux de se dresser vers l’avant (Fig. 11) [12]. La morsure d’un
Vipéridé est ainsi une véritable « piqûre ». L’ouverture de la gueule ne déclenche pas
forcément le déploiement des crochets, horizontaux au repos [56].
Ce crochet est particulièrement long et pourvu d’un canalicule parfaitement clos sur
toute sa longueur et qui débouche de façon subterminale, ce qui évite au canal de se boucher.
Une gaine muqueuse entoure le crochet et permet l’affrontement du canal provenant de la
glande venimeuse avec le canalicule à la base du crochet [12]. Ce sont les uniques dents du
maxillaire.
La longueur et l’effilement du crochet favorisent à la fois sa pénétration en profondeur
et un retrait rapide [12]. Le record de longueur de crochet est détenu par Bitis gabonica avec
des crochets allant jusqu’à 5 cm [57]. La forte musculature dérivée des muscles temporaux
entourant la glande à venin assure une injection sous pression [12].
Les Atractaspis frappent leurs proies latéralement vers le bas et en arrière avec un seul
crochet qui passe à travers la commissure des lèvres discrètement entrouvertes (Fig. 12). Par
ailleurs, le ptérygoïde est court et séparé du palatin, ce qui permet d’augmenter le mouvement
de rotation du maxillaire lors de l’érection du crochet [12]. Un seul crochet est extériorisé à la
fois. Ce système permet d’envenimer les rongeurs qu’ils poursuivent dans les galeries. La
manipulation de ces reptiles est donc particulièrement dangereuse [56].
94
Figure 12 : Atractaspis sp (source Internet)
B-
La glande venimeuse
La fonction venimeuse des ophidiens est apparue, à partir d’une différenciation des
glandes salivaires labiales de la mâchoire supérieure [12]. Comme chez les autres Vertébrés,
les glandes salivaires sont d’origine ectodermique [108]. Cette évolution est concomitante
d’une modification des os du crâne, de la musculature et de la denture [12]. Il existe deux types
de glande : l’une étant certainement le précurseur de l’autre.
La glande de Duvernoy, présente chez 90 % des Colubridés environ, est caractérisée
par un stockage intra-cellulaire du produit de sécrétion et par le fait que son conduit excréteur,
assez court, débouche à la partie postérieure du maxillaire, dans la gaine du crochet postérieur
sillonné lorsque celui-ci existe [108].
La glande venimeuse, chez les Vipéridés, les Atractaspididés, les Elapidés et les
Hydrophidés, est caractérisée par un stockage extra-cellulaire du produit de sécrétion et par un
conduit excréteur assez long, débouchant dans la gaine du crochet antérieur. Il existe une
corrélation entre appareil inoculateur et glande venimeuse : tous les serpents pourvus de
crochets antérieurs plus ou moins canaliculés possèdent une glande venimeuse très évoluée à
stockage extra-cellulaire [108].
Certains auteurs pensent que les glandes salivaires, la glande de Duvernoy et la glande
venimeuse ont évolué à partir d’une autre glande exocrine, le pancréas. C’est ainsi que de
nombreuses enzymes pancréatiques telles que les amylases, les phospholipases ou les protéases
95
ont leurs correspondants dans ces glandes [12]. L’envenimation serait en quelque sorte un
modèle de « pancréatite aiguë exogène » !
Cette hypothèse permettrait d’expliquer la présence d’inhibiteurs enzymatiques dans le
sang du serpent qui le protègent contre son propre venin lorsque celui-ci s’échappe de la glande
venimeuse et pénètre dans la circulation sanguine. Il s’agirait d’une co-évolution entre les
toxines dérivant des enzymes digestives et les antitoxines provenant des inhibiteurs d’enzymes.
Ce phénomène est d’ailleurs retrouvé chez certains mammifères qui sont naturellement
résistants aux envenimations ophidiennes comme les mangoustes ou les hérissons [12].
D’après Duguy (1962), les glandes ne sont jamais complètement vides, sauf après des
morsures répétées. La reconstitution des réserves serait de l’ordre d’une dizaine de jours [54].
IV- LES SERPENTS DE DJIBOUTI
Nous allons décrire les différentes espèces susceptibles d’engendrer une envenimation
potentiellement grave chez l’homme. Les venins des Vipéridés, ainsi que les présentations
cliniques et biologiques de leurs envenimations et leur prise en charge, feront l’objet de partie
spécifique, du fait de leur prédominance « médicale » en République de Djibouti.
A- les Vipéridés
Les données de la biologie moléculaire ont mis en évidence le fait que les Viperidae
sont une famille plus ancienne que celles des Colubridae et des Elapidae. Ces serpents sont
solénoglyphes. Les Vipéridés ont un corps massif, cylindrique ou aplati. La tête est toujours
marquée, bien séparée du tronc par un cou fin, et souvent franchement triangulaire. La queue
est courte [11].
Cette famille regroupe deux sous-familles dites primitives : les Azemiopinae
(Azemiopinés) et les Causinae (Causinés), et deux sous-familles dites évoluées : les Crotalinae
(Crotalinés) et les Viperinae (Vipérinés). On remarque que les Viperinae et les Crotalinae ont
une répartition géographique pratiquement complémentaire, ce qui suggère une exclusion
réciproque [109]. En règle générale, les Vipérinés possèdent les venins les plus toxiques des
Vipéridés [108]. Les Echis et les Bitis font partie des Viperinae [12].
96
1- Echis pyramidum
Les vipères du genre Echis sont également appelées échides, saw-scaled vipers ou
carpet vipers. Le nom de saw-scaled vipers fait référence au bruit caractéristique qu’elles font
lorsqu’elles se sentent menacées : elles frottent leurs anneaux recouverts d’écailles carénées
entre eux et produisent ainsi un bruit strident qui rappelle celui d’une scie coupant du bois.
Elles émettent de puissants sifflements en cas de menace. Le nom de carpet vipers provient de
leur pattern [83].
Le genre Echis est largement distribué de l’Afrique occidentale au Sri Lanka et à l’Asie
centrale (Fig. 14) [12]. Les espèces de ce genre sont généralement irascibles et probablement
responsables du plus grand nombre d’accidents et de décès liés aux serpents en Afrique
occidentale ainsi que nombreuses envenimations en Inde et au Pakistan [23].
Figure 13 : Echis pyramidum (source : Internet)
Leurs principales caractéristiques sont une tête ovale, un cou marqué, un œil moyen ou
grand avec une pupille verticalement elliptique, un corps cylindrique et recouvert d’écailles de
petite taille et une queue courte (Fig. 13). L’écaillure céphalique est constituée de petites
écailles carénées, similaires aux dorsales. Leur denture est de type solénoglyphe [11].
Leurs biotopes sont essentiellement les plaines arides et les savanes, les clairières, les
sols sableux et les amas de rochers. Les espèces constituant ce genre sont discrètes et se
tiennent cachées durant le jour dans divers abris : terriers de mammifères, vieilles souches,
fissures rocheuses. En région désertique, elles peuvent s’enterrer dans le sable, ne laissant
dépasser que la tête. Elles sont nocturnes et leur activité est particulièrement intense après la
97
pluie et lors des nuits humides. Elles se nourrissent aussi bien de rongeurs et d’insectivores que
de lézards, grenouilles ou arthropodes [83].
La définition du genre Echis sous-tend une des problématiques les plus importantes de
la systématique ophidienne, rassemblant des espèces souvent confondues les unes avec les
autres. Les plus importantes sont :
-
Echis carinatus (échide caréné), dont l’aire de distribution s’étend de l’Inde à l’Iran et à
l’Ouzbékistan. Certains auteurs voudraient démembrer cette espèce en quatre ou cinq espèces
voisines (Echis multisquamatus et Echis sochureki par exemple). Dans ces régions, elle est
responsable de 80 à 95 % des morsures,
-
Echis coloratus (échide coloré), habitant l’Egypte, Israël et la péninsule arabe, et responsable
de 60 % des envenimations en Arabie Saoudite,
-
Echis leucogaster (échide à ventre blanc), retrouvé dans le Sahel africain, les oasis du Sahara
et l’Afrique de l’Est,
-
Echis ocellatus (échide ocellé), dont l’aire de répartition s’étend de l’Afrique occidentale et
centrale jusqu’au Soudan, serait vraisemblablement en réalité un complexe d’espèces. Elle
serait responsable de plus de 85 % des envenimations en Afrique sub-saharienne,
-
Echis pyramidum (échide ou vipère des pyramides) est seul Echis présent en République de
Djibouti. David et Ineich lui reconnaissent trois sous-espèces : E. p. pyramidum, E. p. leakeyi
et E. p. lucidus. Les adultes mesurent en moyenne 400 mm avec une taille maximale de
l’ordre de 700 mm. Le dos est couleur sable ou latérite avec des taches vertébrales claires
entourées d’une zone plus sombre gagnant les flancs. Le ventre est blanc avec des
ponctuations noires [11, 12, 43, 143].
Jusqu’en 1990, Echis leucogaster, Echis ocellatus et Echis pyramidum n’étaient pas
reconnus comme espèces et étaient toutes considérées comme Echis carinatus. Ainsi, il n’est
pas rare de trouver des publications concernant des envenimations par Echis carinatus en
Afrique, alors que cette espèce est absente de ce continent [43, 143].
98
Echis coloratus
Echis leucogaster
Echis ocellatus
Echis pyramidum
Pays où l’espèce a été décrite
Figure 14 : Aire de distribution des Echis africains
2- Bitis arietans
Bitis arietans (« Puff adder » en anglais) est un serpent de moeurs crépusculaires ou
nocturnes, mesurant entre 90 cm et 2 mètres pour un poids de 6 kg (Fig. 15). C’est une espèce
savanicole ou sahélienne commune, retrouvée en Afrique, du Sahara à l’Afrique du Sud (Fig.
16). Son identification est aisée : grosse taille, tête large, plate et triangulaire, fort détachement
du cou, corps aplati et trapu (jusqu’à 30 cm de circonférence), dos de couleur beige foncé [74,
82]. Elle se déplace lentement et n’attire guère l’attention en raison de sa coloration dorsale aux
motifs complexes qui constitue un bon camouflage au milieu des herbes sèches et des amas de
feuilles mortes. C’est en lui marchant dessus que surviennent la plupart des accidents [131]. En
99
situation de danger, elle se dresse, le cou en S, tête vers le sol en sifflant bruyamment [74]. Elle
se nourrit de rongeurs, de batraciens et parfois d’oiseaux [11]. L’espacement de plusieurs
centimètres entre la marque des deux crochets permet d’identifier la morsure si elle est
intervenue la nuit et qu’elle n’a pu être observée [131].
Figure 15 : Bitis arietans (photographie S. Larréché)
Pays où l’espèce a été décrite
Figure 16 : Aire de distribution de Bitis arietans
100
B- Naja pallida
Naja pallida ou Cobra rouge est le seul Elapidé présent à Djibouti (Fig. 17). Les Cobras
sont retrouvés dans la plupart des mythologies : un cobra géant protégeait Bouddha lors de ses
séances de méditation, tandis que l’Uraeus du masque des Pharaons était sensé les protéger de
leurs adversaires. Les Cobras sont connus pour leur coiffe qu’ils étalent afin d’impressionner
leurs agresseurs. Cet effet est obtenu en écartant leurs premières côtes qui tendent ainsi la partie
antérieure de leur corps. Cette coiffe a un rôle d’avertisseur avant une attaque éventuelle [128].
Il s’agit d’un serpent nocturne, mesurant 1,5 mètre au maximum [83]. Naja pallida est une
espèce à part entière mais il est souvent confondu dans la littérature médicale avec d’autres
cobras cracheurs tels Naja mossambica, Naja katiensis ou Naja nigricollis [143].
Naja pallida est un serpent protéroglyphe. Les Elapidés possèdent un venin riche en
toxines de faible poids moléculaire à tropisme neuro-musculaire [11].
Figure 17 : Naja pallida (source : Internet)
Les cytotoxines isolées dans ce venin sont à l’origine d’une nécrose sèche [46]. On
trouve dans le venin de certains Naja des cardiotoxines qui causent de sévères contractions des
muscles cardiaque et squelettique, pouvant entraîner l’arrêt du cœur en systole et une mort
rapide. De plus, elles provoquent une hémolyse ainsi que des nécroses musculaires. Le venin
de Naja pallida possède également une myotoxine de type phospholipase A2 responsable
d’une rhabdomyolyse modérée et des neurotoxines postsynaptiques ou α qui bloquent
l’influx nerveux au niveau de la plaque motrice [12, 135]. Elles se fixent spécifiquement et
quasi-irréversiblement sur les récepteurs postsynaptiques de l’acétylcholine. Elles bloquent
ainsi la transmission de l’influx nerveux en aval de la plaque motrice, empêchant la contraction
101
musculaire et entraînant la paralysie flasque du muscle diaphragmatique et la mort par
paralysie respiratoire : on parle d’effet curare like [46].
L’envenimation par Naja pallida provoque un syndrome local majeur avec une douleur
intense, un œdème important, des phlyctènes et une nécrose sèche, ce qui est rare pour un
Elapidé. A l’instar des autres Cobras cracheurs, le tableau présente rarement une neurotoxicité
à l’origine d’une paralysie respiratoire par atteinte de la jonction neuromusculaire : on parle de
syndrome cobraïque [135].
L’évolution de ce syndrome peut être fatale au bout d’une
période très courte (de 30 minutes à dix heures selon la quantité de venin injectée, le siège de la
morsure et la taille de la victime). Dès les premières minutes, des paresthésies et des
fasciculations sont décrites par la victime. L’atteinte des nerfs crâniens est la première
manifestation objective de l’envenimation. On peut ainsi observer un ptôsis, une diplopie, une
ophtalmoplégie pathognomonique, une dysphonie, une disparition de la mimique. Enfin, ce
tableau évolue rapidement vers une paralysie ascendante avec aréflexie complète et un trismus
qui précède de peu la paralysie respiratoire puis la mort. Il n’a jamais été décrit de séquelles
neurologiques à la suite d’envenimations correctement traitées [18, 88].
Des troubles de la coagulation infra-cliniques et des troubles du rythme à type
d’extrasystoles ventriculaires responsables d’arrêt cardiaque ont été décrits lors des
envenimations par Naja sp [2].
Naja pallida est capable de projeter son venin jusqu’à trois mètres de distance en visant
les yeux de son agresseur. Cette projection oculaire entraîne des douleurs oculaires intenses, un
blépharospasme et un œdème palpébral. La conjonctivite est immédiate et accompagnée d’une
paralysie pupillaire en mydriase. Les lésions peuvent au final évoluer vers une kératite, voire
une cécité définitive en l’absence de soins appropriés. Un passage systématique de venin en cas
de lésion profonde est théoriquement possible mais n’a jamais été décrit [2, 88].
C- Dispholidus typus
Appelé également Boomslang, ce serpent est un Colubridé. Son aire de répartition
s’étend du Sénégal à l’Afrique australe. C’est un serpent arboricole et diurne avec une petite
tête et un cou marqué, qu’on retrouve en savane ou en forêt clairsemée. La coloration du dos
est très variable, du vert au noir. Le ventre est gris ou jaunâtre. Les écailles sont toujours
bordées de noir. L’œil est vert vif et les labiales supérieures sont claires (Fig. 18). Il s’agit d’un
serpent opisthoglyphe, mesurant habituellement entre 1 m et 1,5 m. Le Boomslang se nourrit
102
surtout d’oiseaux, de lézards, en particulier de caméléons, de batraciens et de petits
mammifères. Les Africains l’appellent « serpent des arbres » [11, 12, 83].
Figure 18 : Dispholidus typus (photographie Rafi Toumayan)
Ce serpent est très agressif et fera face en gonflant le cou et la partie antérieure de son
corps. Son venin est d’une grande toxicité, doté notamment d’enzymes protéolytiques et d’un
activateur de prothrombine [11, 62]. Le syndrome local est modéré, des troubles de la
coagulation apparaissent rapidement, accompagnés de céphalées, d’hypotension artérielle,
voire de convulsions et d’arrêt respiratoire. Les décès sont fréquents [2] et l’antivenin
spécifique, le Boomslang antivenin, fabriqué en Afrique du Sud par le South African Vaccine
Fabricant, n’est malheureusement plus disponible [12, 82].
D- Atractaspis microlepidota et A. leucomelas
Ces serpents appartiennent à la famille des Atractaspididés, qui sont des serpents
primitifs fouisseurs et qui possèdent un seul genre venimeux, endémique à l’Afrique et au
Moyen Orient. Leur morphologie associe une tête petite et comprimée, un cou étroit, un corps
trapu et cylindrique recouvert d’écailles de petite taille et de couleur sombre et une queue petite
et grêle. L’œil est petit, voire minuscule, avec une pupille ronde (Fig. 19). Ce genre possède un
appareil venimeux de type solénoglyphe [11, 12].
103
Figure 19 : Atractaspis sp (photographie Rafi Toumayan)
Des cardiotoxines spécifiques, les sarafotoxines ont été isolées du venin des Atractaspis
et forment une famille homogène de puissants isopeptides vasoconstricteurs. Elles agissent au
niveau du système vasculaire en entraînant une contraction réversible du muscle cardiaque
ainsi que des muscles lisses de différents tissus. Elles sont structurellement et
fonctionnellement très proches des endothélines des mammifères [49].
Les sarafotoxines peuvent provoquer un bloc auriculo-ventriculaire du premier degré,
une bradycardie ventriculaire et une désynchronisation de l’excitation cardiaque [12] ainsi que
de véritables ischémies myocardiques [88]. Une bronchoconstriction, une neurotoxicité et un
choc anaphylactoïde sont également possibles. En revanche, le syndrome local (inflammation,
nécrose) est modéré et il n’y a pas de trouble de la coagulation [2]. Un antivenin est en
expérimentation en Arabie Saoudite et le National Antivenin et Vaccine Production Centre de
Riyadh propose un antivenin bivalent Atractaspis/Walterinnesia efficace sur les envenimations
par Atractaspis microlepidota [12].
E- Pelamis platurus
Pelamis platurus appartient aux serpents marins, une catégorie un peu à part qu’on a
longtemps classée chez les Elapidés (Fig. 20). Sous ce terme on regroupe une quinzaine de
genres (Hydrophis, Laticauda, Pelamis,…). La vie marine a entraîné chez ces animaux des
modifications corporelles : l’extrémité caudale est comprimée latéralement, leur donnant une
forme de rame ; les écailles ventrales se sont réduites ; des « clapets » protègent les narines et
la gueule d’une pénétration passive d’eau ambiante et une glande spécialisée située au-dessus
du maxillaire leur permettent l’excrétion de sel excédentaire. Ils consomment des poissons
104
essentiellement, des crustacés et des œufs de poissons. Comme de nombreux autres animaux
marins, il existe des tendances « migratoires » concernant la nutrition et la reproduction [128].
Figure 20 : Pelamis platurus (source : Internet)
Leur venin est le plus toxique que l’on connaisse, jusqu’à 20 fois plus que celui des
Naja. Une goutte (0,03 mL) pourrait tuer trois humains. Leur denture est de type protéroglyphe
et leur bouche est très étroite : ils ne peuvent mordre que les doigts ou les commissures. Les
enfants et les pêcheurs qui cherchent à les défaire de leurs filets sont les victimes les plus
courantes. Etant peu agressifs, leurs morsures restent assez rares [100]. Les myotoxines isolées
dans leur venin se fixent sur les canaux potassium ou calcium des cellules musculaires, sans
altérer les récepteurs à acétylcholine et provoquent leur nécrose. Cette action se produit de
proche en proche jusqu’à la destruction totale de la fibre musculaire [12].
Une rhabdomyolyse est observée lors des morsures par Hydrophidé. Des myalgies
apparaissent en trente minutes environ, suivies de spasmes et de contractures musculaires. Des
séquelles musculaires importantes sont possibles en cas de survie, probablement à cause de la
destruction du réseau capillaire musculaire [88, 110]. Biologiquement on observe une
hyperkaliémie, une augmentation de la créatinémie et des CPK, une myoglobinémie et une
myoglobinurie importante. Le décès survient soit à la suite des désordres hydro-électrolytiques
ou de l’insuffisance rénale, soit à la suite de la défaillance respiratoire secondaire à la lyse des
muscles respiratoires [88].
105
VENIN
DES ECHIS SPP ET DE BITIS ARIETANS
Les serpents sont des animaux venimeux actifs (ils sont capables d’injecter leur
venin), dotés d’un venin d’origine endogène (secrété par le serpent lui-même à partir de
glandes spécialisées) [122].
Le venin offre au serpent la capacité de tuer et d’immobiliser la proie pour faciliter la
contention et la déglutition rendues difficiles par l’absence de membre. Ensuite, il joue un rôle
dans la lubrification des aliments et amorce le processus de la digestion avant même la
déglutition [16]. Ces différents objectifs nécessitent d’une part la paralysie ou la mort rapide
de la proie, d’autre part la destruction de ses tissus ; ce qui éclaire les principales propriétés
biochimiques du venin. Enfin, le venin participe à la défense du serpent [12]. Cette défense a
ses limites : certains prédateurs sont insensibles ou peu sensibles au venin de serpent [68]. Le
venin intervient donc dans les interrelations entre animaux : on parle de substance
séméiochimique. Il fournit en effet un avantage sélectif aux espèces qui le produisent [122].
I- GENERALITES
Le venin est une substance complexe formée par sécrétion de glandes salivaires
modifiées. Le résidu sec contient 90% de protéines variées, mais un grand nombre de ces
protéines reste inconnu en raison de leur présence en très faible quantité [122].
La fabrication du venin passe par une première phase de synthèse extrêmement rapide
puis progressivement parvient à un stade de plateau qui semble correspondre à la saturation de
la glande. Chaque cellule sécrétrice produit l’ensemble des constituants du venin. Toutefois,
chacun d’eux est fabriqué à des moments différents du cycle sécrétoire. Le maximum de la
synthèse du venin est atteint en une semaine environ, et le plateau en deux à trois semaines.
Après une période de forte régénération des constituants du venin, la réabsorption d’eau
106
permet de stabiliser la concentration protéique. Lorsque la lumière centrale de la glande qui
joue le rôle de réservoir est remplie, la synthèse du venin s’arrête [12].
A- Caractéristiques physiques et chimiques
1- A l’état frais
Le venin est expulsé à l’extrémité des crochets sous forme de gouttelettes visqueuses,
jaunes ambrées, parfois blanchâtres. Sa saveur est légèrement astringente, sa viscosité relative
varie de 1,5 à 2,5, sa densité de 1030 à 1050, son pH en eau distillée de 5,5 à 7.
Les solutions de venins (de même que les venins frais dont la dessiccation est
insuffisante ou tardive) sont instables par autodigestion. Leurs activités toxiques et
enzymatiques sont rapidement détruites à pH alcalin et sous l’effet des oxydants
(permanganate, hypochlorites, …). Divers produits atténuent ou suppriment en quelques jours
certaines de leurs propriétés (bile, savon,…), le formol et le glutaraldéhyde en milieu
tamponné les transforment en anatoxines antigéniques, les solvants organiques les précipitent
et les inactivent [46].
2- A l’état sec
Selon le mode de dessiccation, le venin se présente soit sous forme de paillettes jaune
ambré (ou blanchâtres) lorsqu’il est desséché sous vide, soit sous forme d’amas poudreux si
celui-ci est lyophilisé. Le venin desséché est très stable à la condition qu’il soit conservé à
l’abri de la chaleur et surtout de l’humidité [46]. Il peut être conservé en ampoule scellée à
basse température plusieurs dizaines d’années, quoique certaines activités enzymatiques
semblent s’altérer avec le temps quel que soit le procédé de conservation [12].
B- Facteurs de variabilité
La composition du venin dépend à la fois de facteurs intrinsèques du serpent et de
facteurs environnementaux.
107
1- Facteurs intrinsèques du serpent
a- Variabilité phylogénique
Les différences sont nettement significatives non seulement entre familles et sousfamilles, mais également entre genres, espèces et sous-espèces [46]. Au niveau d’un genre, on
peut observer une grande communauté de structures chimiques, mais aussi d’importantes
différences biochimiques et immunologiques [12].
b- Variabilité au sein d’une espèce
On observe également chez toutes les espèces une notable variabilité des toxicités, non
seulement d’un individu à un autre, mais aussi chez le même spécimen d’une récolte à une
autre [46]. Taborska (1971) a examiné le venin de 21 individus de l’espèce «Echis carinatus»
provenant de la même région, soumis au même climat et ayant le même régime alimentaire.
L’activité enzymatique a retrouvé une homogénéité pour la phosphodiestérase et la 5’nucléotidase ; mais une variation assez importante concernant la phospholipase et la L-aminoacido oxydase [38].
L’origine génétique de la variabilité de la composition des venins a été confirmée
depuis une vingtaine d’années [12].
L’impact de ces variations biochimiques peut également altérer les sites
immunologiques reconnus par les anticorps utilisés dans le traitement des envenimations. Par
conséquent, un antivenin préparé à partir d’un venin pourra présenter une efficacité réduite à
l’égard des venins d’individus de la même espèce mais d’origine différente [12]. En
conséquence, l’idéal pour traiter une envenimation survenant dans une région donnée serait
d’utiliser un antivenin conçu à partir des venins de serpents de cette région [126].
Le choix des antigènes servant à la fabrication des immunothérapies antivenimeuses
repose sur deux concepts opposés : le mélange aléatoire d’échantillons de venins de diverses
origines ou le choix raisonné de venins, voire de fractions isolées, représentatifs de propriétés
toxiques définies. Chippaux recommande la deuxième solution de l’alternative : un venin
possédant un maximum de fractions représente le plus grand nombre de variants. Par ailleurs,
sa toxicité doit être aussi réduite que possible pour éviter une surreprésentation des protéines
les plus toxiques par rapport aux autres substances toxicologiquement actives [95].
108
c- Age
L’âge des spécimens intervient très nettement sur le degré de la toxicité, celui-ci
augmente de la naissance jusqu’au sixième, voire le dix-huitième mois selon les espèces et
diminue ensuite pour se stabiliser à la maturité [46]. Cette particularité peut être interprétée
dans le sens d’une adaptation fonctionnelle favorable [68].
Certaines protéines apparaissent, disparaissent ou se modifient au cours de la vie,
notamment chez un même individu, ce qui induit des différences entre le venin synthétisé à la
naissance et celui synthétisé à l’âge adulte.
La fonction digestive est sans doute plus utile chez les adultes, qui avalent de plus
grosses proies, que chez les juvéniles. En revanche, chez ces derniers, les fonctions
d’immobilisation et de toxicité immédiate doivent être privilégiées pour une capture et une
immobilisation rapide de la proie [12].
d- Facteurs n’ayant pas d’importance déterminante sur la composition du venin
Les facteurs suivants n’ont pas d’importance fondamentale dans la composition du venin :
mue, sexe, digestion, reproduction, hibernation [8], crochet droit ou gauche [46].
2- Facteurs environnementaux
Les variations saisonnières parfois mentionnées relèvent généralement d’artefacts
méthodologiques : venins étudiés constitués d’un mélange d’individus différents ou
appartenant à des populations distinctes, en fonction des saisons. Quant aux observations
cliniques de plus forte sévérité des morsures à certaines saisons, elles peuvent être liées à
l’âge moyen de la population de serpents qui, lorsqu’elle est plus vieille, est composée
d’individus plus grands susceptibles de délivrer des quantités de venin plus importantes.
Toutefois, les conditions environnementales peuvent exercer une influence
significative sur la composition du venin à l’échelle de l’évolution. Par exemple, la
disponibilité de certaines proies induit une pression sélective sur la composition du venin
[12].
Le mode de dessiccation et les conditions de conservation d’un venin sont des facteurs
très importants à prendre en considération : le venin frais extrait directement des crochets est
antigéniquement différent du même venin desséché. De même, la lyophilisation fournit des
109
produits complètement déshydratés, dont le poids est d’environ 10 % inférieur à celui d’un
venin desséché sous vide ; ainsi à poids égal, la toxicité des deux échantillons sera différente
pour le même venin. Enfin un venin lyophilisé ou très finement pulvérisé est très
hygroscopique, peut se dégrader rapidement et perdre ainsi ses propriétés toxiques [46].
II- PROTEINES AGISSANT SUR L’HEMOSTASE
Rappels sur l’hémostase
L’hémostase est initiée de façon physiologique lors de la constitution d’une brèche
vasculaire. Le premier temps consiste en une vasoconstriction réflexe qui diminue localement
le débit sanguin. La mise à nu du sous-endothélium va permettre l’activation des plaquettes
(temps d’hémostase primaire). Ces cellules vont adhérer au sous-endothélium par
l’intermédiaire du facteur de von Willebrand (vWF) qui se lie aux deux principaux récepteurs
plaquettaires, GPIIbIIIa et GPIb, puis entre elles (agrégation plaquettaire) et, constituant un
clou plaquettaire. La plaquette activée joue également un rôle dans la coagulation plasmatique
en fournissant une surface phospholipidique sur laquelle s’organisent les complexes de
coagulation.
La coagulation plasmatique débute par une cascade d’activation de protéines appelées
facteurs de coagulation qui mène à l’activation du facteur X. Cette activation peut se faire par
deux voies interdépendantes. La voie intrinsèque – car elle implique des facteurs tous présents
dans le plasma – active successivement les facteurs XII, XI, IX. L’activation du facteur X via
cette voie est amplifiée par le facteur VIII. La voie extrinsèque – initialisée par une substance
normalement étrangère au système vasculaire (facteur tissulaire) – active le facteur VII
capable d’activer à son tour le facteur X et le facteur IX. Il s’agit de la voie la plus importante.
La transformation de la prothrombine en thrombine se fait au sein d’un complexe appelé
prothrombinase qui comprend le facteur X, le facteur V, le substrat (la prothrombine) et des
ions calcium. La thrombine clive à son tour le fibrinogène soluble en monomère de fibrine.
Ces monomères polymérisent ensuite et forment le caillot sanguin, stabilisé par le facteur XIII
ou facteur stabilisant la fibrine. La thrombine est un puissant agoniste plaquettaire. Son cofacteur, l’antithrombine III, est inhibé par l’héparine.
Le processus de coagulation est limité dans son extension par des inhibiteurs
plasmatiques qui garantissent le maintien de la fluidité sanguine : protéine C, protéine S,
antithrombine III, TFPI (tissue factor pathway inhibitor).
110
Le dernier temps de l’hémostase, la fibrinolyse, consiste en une lyse du caillot en
produits de dégradation (PDF) par la plasmine pour reperméabiliser le vaisseau après
cicatrisation. La plasmine, produite par transformation du plasminogène emprisonné au sein
du caillot, dégrade sans distinction le fibrinogène et la fibrine. Les produits de son action sont
regroupés sous le terme global de produits de dégradation de la fibrine (PDF). Ces PDF
s’accolent aux monomères de fibrine pour constituer les complexes solubles. La
biodégradation de la fibrine stabilisée engendre des molécules distinctes : les D-dimères qui
traduisent donc la formation d’un thrombus actif secondairement lysé in vivo [75, 76, 87].
Les protéines présentes au sein des venins et agissant sur l’hémostase peuvent être
classées en quatre groupes fonctionnels:
-
protéines lésant l’endothélium capillaire,
-
protéines perturbant l’hémostase primaire,
-
protéines interférant avec la coagulation,
-
protéines activant la fibrinolyse.
On trouve parmi ces protéines de nombreuses enzymes, caractérisées par de
fortes homologies structurales, permettant de les classer en quelques familles, bien que leurs
actions physiologiques soient très différentes [9]. Leur masse moléculaire est élevée (50 000 à
130 000 Dalton) [46] et constitue une gêne à leur diffusion qui sera lente, mais constante [20].
L’activité enzymatique d’un venin total brut peut être assez différente des activités des
enzymes étudiées isolément [46]. Un venin possédant des protéines procoagulantes et
anticoagulantes peut être à l’origine d’un syndrome hémorragique pur. De même, certains
serpents possèdent des enzymes à tropisme hémostasique sans traduction clinique (cas des
Naja et des Dendroaspis).
Les enzymes transforment un substrat jusqu’à son épuisement. La toxicité des
enzymes n’est donc pas proportionnelle à la quantité inoculée, même si celle-ci reste un
facteur notable. En revanche, la persistance de l’enzyme dans l’organisme a une influence
importante sur l’évolution de l’envenimation : leur toxicité est donc essentiellement
chronodépendante [18].
111
A- Protéines induisant des troubles de la perméabilité capillaire : hémorragines
Les hémorragines sont des enzymes zinc-dépendantes. Elles partagent une action
commune mais ne présentent pas d’homogénéité structurale. Certaines sont uniquement des
métalloprotéases alors que d’autres possèdent également des domaines désintégrine-like,
lectine-like ou encore riches en cystéine [64]. On les trouve dans la plupart des venins de
Vipéridés, ainsi que dans le venin de certains Elapidés australiens ou de Colubridés [12].
Elles détruisent les membranes basales de l’endothélium des capillaires (Fig. 21) et
sont responsables du développement de l’œdème, des phlyctènes, de la nécrose cutanée et
musculaire, ainsi que d’hémorragies aussi bien locales que systémiques [89], selon la quantité
de venin inoculée et la vitesse de diffusion [18]. Les petits vaisseaux semblent plus sensibles à
leur activité [115]. L’anoxie musculaire résultante peut être aussi bien la conséquence d’un
défaut de vascularisation que de la compression due à l’œdème [12]. Cette atteinte
endothéliale limite les processus de défense et contrecarre l’élimination du venin [20]. De
plus, les hémorragines sont responsables d’une inhibition plaquettaire, de la dégradation des
facteurs de coagulation et d’une production de Tumor Necrosis Factor α (TNF-α) [64].
Les désintégrines et les lectines de type C détruisent également les endothéliums [77].
B- Protéines perturbant l’hémostase primaire
De nombreuses protéines capables d’activer ou d’inhiber les plaquettes in vitro ont été
purifiées à partir de venins de Vipéridés (Fig. 21) [146]. On peut rencontrer dans le même
venin ces deux activités ; dans le venin d’ « Echis carinatus », l'échistatine inhibe l’agrégation
plaquettaire alors que l'écarine, au contraire, est un agoniste plaquettaire [89].
L’inhibition des plaquettes réduit leur efficacité tandis que l’activation pathologique
réduit le nombre de plaquettes circulantes, d’où une thrombopénie [140].
Les désintégrines inhibent l’agrégation plaquettaire en bloquant les protéines de
liaison entre plaquettes et sous-endothélium, appelées intégrines des classes β1 et β3. Ces
peptides riches en cystéine sont notamment isolés dans le venin d’ « Echis carinatus »
(échistatine) (Fig. 22), d’Echis ocellatus (océllatusine) ou de Bitis arietans (bitistatine) [10,
89, 117].
112
SOUS-ENDOTHELIUM
Hémorragines
Désintégrines
Lectines de type C
PLAQUETTE
Phosphoestérases
Phospholipases A2
Protéases
L-amino-acido-oxydase
ENDOTHELIUM
LEGENDE
Effet délétère sur l’endothélium
Action inhibitrice sur les plaquettes
Action inhibitrice et/ou activatrice sur les plaquettes
Figure 21 : Action des venins d’Echis spp et de Bitis arietans sur l’endothélium et les plaquettes
La stimulation des plaquettes par certaines agonistes, comme l’ADP ou la thrombine,
provoque l’exposition des récepteurs GPIIb/GPIIIa à la surface des cellules, ce qui permet
leur liaison avec le fibrinogène, puis l’agrégation plaquettaire. L’interaction du fibrinogène
avec ces récepteurs met en jeu une séquence peptidique Arg-Gly-Asp-Ser (RGDS). Les
désintégrines possèdent une séquence RGD, ce qui leur permet de se lier au récepteur
GPIIb/IIIa et d’empêcher la liaison avec le fibrinogène [146].
113
Figure 22 : Echistatine (d’après Mion et al. [89])
Les lectines de type C et les protéines assimilées constituent une superfamille de
protéines classées en différents types. Ce sont en grande majorité des protéines multimériques
qui comportent dans leur structure un ou plusieurs domaines CRD (carbohydrate recognition
domain) [9].
La formation du clou plaquettaire est inhibée par des lectines de type C (type EMS16
d’Echis multisquamatus) qui bloquent les intégrines responsables des interactions plaquettesfibrinogène [89]. L’échicétine d’ « Echis carinatus » est une lectine qui se lie au récepteur
GP1b tout en activant les plaquettes [92]. La bitiscétine de Bitis arietans se lie au facteur de
Willebrand et provoque l’agrégation des plaquettes par le biais du récepteur GP1b [80].
Des phospholipases, appelées également lécithinases ou hémolysines, ont été isolées
de tous les venins, y compris ceux d’abeilles et de scorpions. Il en existe souvent plusieurs
dans un même venin [46].
Ces polypeptides thermostables ont une structure très conservée mais leurs propriétés
catalytiques similaires exercent des fonctions biologiques et des effets physiopathologiques
très divers [52]. Ils se présentent sous forme de mono- ou de dimères selon un équilibre
dépendant du calcium [46].
Leur principale caractéristique réside dans le fait
que toutes les phospholipases
hydrolysent la lécithine sérique (phosphatidyl-choline) en scindant le phospholipide au niveau
de la liaison 2 pour les phospholipases A2 (parfois aussi au niveau 1 pour les phospholipases
B) et le transforment en lysolécithine tensio-active qui entraîne une hémolyse (Fig. 23) [46,
61].
114
Figure 23 : Mécanisme d’action des phospholipases (d’après Chippaux [12])
Certaines phospholipases A2 sont capables d’activer les plaquettes sanguines, tandis
que d’autres inhibent l’agrégation plaquettaire. D’autres exercent une action plus complexe,
activant les plaquettes à faible concentration, ou pour des temps d’incubation courts, et les
inhibant à fortes concentrations, ou après des temps d’incubation prolongés [146].
Leurs activités sont dans l’ensemble neutralisées par un sérum spécifique du venin, ce
qui confirme les différences existant entre les phospholipases des venins provenant des
diverses espèces ophidiennes [46].
Les phospholipases A2 inhibitrices provoquent l’altération du cytosquelette et
l’augmentation de la concentration intracellulaire en adénosine monophosphate cyclique
(AMPc), qui assure la transmission du message hormonal intracellulaire [12, 140]. Les
phospholipases activatrices libèrent de l’acide arachidonique qui active les plaquettes [140,
146].
Les protéases contenues dans les venins de serpents sont de deux types : les sérineprotéases et les métalloprotéases.
Les sérine-protéases ne sont pas létales par elles-mêmes mais, associées à d’autres
protéines du venin, elles rompent l’équilibre hémostatique de la proie contribuant à l’action
toxique globale du venin [9]. La plupart de ces enzymes sont capables de provoquer
simultanément l’agrégation et la dégranulation plaquettaire [12].
Les métalloprotéases se lient au collagène ou à son récepteur plaquettaire par
l’intermédiaire de leurs domaines riches en cystéine ou désintégrine-like et provoquent une
inhibition de l’agrégation plaquettaire. D’autres métalloprotéases activent les plaquettes en se
liant à leurs récepteurs [77].
Les L-amino-acido-oxydases provoquent la désamination puis l’oxydation des acides
aminés, les transformant en acides α-cétoniques avec production d’ammonium et de peroxyde
115
d’hydrogène (H2O2). Cette production de H2O2 inhibe la liaison entre le récepteur GPIIb/IIIa
et le fibrinogène et de ce fait, l’agrégation des plaquettes (ex : venin d’Echis ocellatus). A
l’inverse pour d’autres venins, cette formation de H2O2 peut induire l’agrégation plaquettaire
[12, 77]. Ces flavoenzymes homodimériques sont isolées de tous les venins jaunes ; les venins
blancs en étant dénués. Elles sont utilisées pour l’identification des isomères optiques des Lacides aminés. Il est à noter que les venins blancs sont peu ou non nécrosants [46, 77].
Les phosphoestérases inhibent l’agrégation plaquettaire. Les endonucléases
hydrolysent les acides nucléiques (ADN et ARN) au niveau des liaisons entre les paires de
bases ; les exonucléases attaquent la base située à l’extrémité de la chaîne nucléique. Les
phosphodiestérases coupent la liaison séparant l’oxygène placé en position 3’ du ribose ou du
désoxyribose pour séparer ces derniers du phosphore. La 5’ nucléotidase effectue une section
similaire mais au niveau de la liaison 5’ entre le ribose ou le désoxyribose et le phosphore.
Watson et Crick ont utilisé les nucléotidases de venin de Naja, en particulier la 5’
nucléotidase, pour déterminer la structure de la molécule d’ADN. Les phosphomonoestérases
sont moins spécifiques et hydrolysent tous les mononucléotides, notamment qui sont chargés
du transport énergétique au niveau cellulaire [12].
C- Protéines interférant avec la coagulation
On distingue des protéases procoagulantes et des protéases anticoagulantes. Chaque
protéase procoagulante possède des propriétés analogues à l’un des facteurs de la coagulation
dont elle prend la place : c’est le principe de substitution (Fig. 24). Lorsque le processus de
coagulation est activé, il persiste jusqu’à épuisement d’un ou plusieurs facteurs de la
coagulation (phénomène de consommation) et conduit à un syndrome hémorragique dû, le
plus souvent, à une afibrinogénémie [12]. Ces protéases n’entraînent jamais de syndrome
thrombotique in vivo lors d’une morsure de Vipéridé africain [140].
Les activateurs de la prothrombine sont répartis en quatre groupes, selon la
classification de Rosing et Tans. Ils sont présents dans les venins d’Echis spp [145].
Normalement, la prothrombine est hydrolysée au niveau de deux liaisons peptidiques,
(Arg271 – Thr272) puis (Arg320 – Ile321), par le facteur X activé, c'est-à-dire fixé sur le
facteur V et sur un phospholipide en présence de calcium. Cette réaction libère la thrombine
naturelle ou thrombine α [12].
116
Voie intrinsèque
(Facteurs XII, XI,
IX et VIII)
Inhibiteur du facteur IX
Voie extrinsèque
(Voie du facteur VII
ou facteur tissulaire)
Activateur de la protéine C
Facteur V activé
Activateur du facteur X
Activation du facteur X
Activateur de la prothrombine
Inhibiteur du facteur X
Formation de THROMBINE
Phospholipases A2
Formation de FIBRINE
Activateur de la protéine C
Elimination du thrombus
(fibrinolyse)
Enzyme fibrinolytique
LEGENDE
Action procoagulante
Action anticoagulante
Figure 24 : Action des venins d’Echis spp et de Bitis arietans sur la coagulation et la fibrinolyse
117
Le groupe A est constitué par la majorité des activateurs de prothrombine rencontrés
dans les venins de serpents dont le type est l’écarine extraite du venin d’ « E. carinatus » [77].
Il s’agit de métallo-protéases monocaténaires. On parle d’activateurs écarine-like ou
d’activateurs directs [89]. Ils n’hydrolysent que la liaison (Arg320 – Ile321), ce qui conduit à
la formation de meizothrombine dont les propriétés sont différentes de celles de la thrombine.
De plus ces activateurs ne sont pas sous la dépendance de cofacteur : ils ne nécessitent ni
facteur Va, ni phospholipides, ni calcium [12, 77].
Le groupe B est représenté par la carinactivase 1, une enzyme du venin d’ « Echis
carinatus ». Il s’agit d’une structure composée, associant une métallo-protéase calciumdépendant (semblable à celle du groupe A) à un peptide dimérique « lectine type C like » qui
favorise la présentation de l’enzyme sur son substrat et facilite son hydrolyse [77]. Un
activateur du groupe B est également isolé à partir du venin d’Echis multisquamatus : la
multactivase [145].
On n’a pas isolé dans les venins des Vipéridés africains des sérine-protéases du groupe
C (qui ne nécessitent pas la présence de facteur V activé mais uniquement de phospholipides
et de calcium) ou du groupe D (qui dépendent des phospholipides, de facteur V activé et/ou
de calcium) [12, 77].
Les inhibiteurs du facteur X et du facteur IX sont des hétérodimères-lectines de
type C dotés d’une action anticoagulante. Tous ces inhibiteurs se lient avec le facteur
correspondant à l’état inactif et empêchent son association avec le complexe d’activation
correspondant (phénomène de compétition) [12]. Le venin d’Echis leucogaster possède un
inhibiteur des facteurs IX et X, qui se lie au domaine GD de ces deux facteurs [89, 140].
On trouve chez Echis spp des activateurs du facteur X calcium-dépendants [121].
Ces activateurs sont soit des métalloprotéases, soit des sérine-protéases trypsine-like [145].
Le venin d’Echis sochureki contient un activateur de la protéine C [135, 139]. Cet
activateur inhibe la coagulation par hydrolyse des facteurs VIII et V activés et déclenche la
fibrinolyse par dégradation des inhibiteurs de l’activateur du plasminogène [12].
Des phospholipases A2 anticoagulantes ont été décrites chez la plupart des familles
de serpents venimeux. Deux mécanismes coexistent : d’une part, certaines phospholipases
hydrolysent les phospholipides procoagulants ; d’autre part, des phospholipases peuvent
entrer en compétition avec les facteurs de la coagulation [77].
118
Les phospholipides jouent un rôle fondamental dans la coagulation en intervenant à
différents niveaux. Ils constituent un support indispensable à l’initiation de plusieurs réactions
biochimiques, en particulier la fixation du complexe prothrombinase. Elles provoquent la
destruction des hématies par leur action tensioactive. Les effets toxiques sont cependant
secondaires, même en cas d’importante hémolyse [12].
Pour mémoire, il existe également dans les venins de certains Vipéridés (ex : Bothrops
sp. et Cerastes sp.) des enzymes thrombine like ou thrombiniques. Mais à ce jour, elles n’ont
pas été isolées dans les venins d’Echis. Elles hydrolysent directement le fibrinogène en fibrine
en jouant le rôle de la thrombine [89]. Aucune, toutefois, n’est identique à la thrombine
naturelle, ni même à la meizothrombine. Alors que la thrombine est constituée de deux
chaînes peptidiques reliées par un pont disulfure, toutes les enzymes thrombiniques extraites
des venins de serpent sont composées d’une seule chaîne polypeptidique. Par ailleurs, selon
l’espèce, le siège de l’hydrolyse (favorisant la libération des fibrinopeptides A ou B), l’action
sur d’autres facteurs de la coagulation et la sensibilité aux divers inhibiteurs naturels ou
thérapeutiques seront très différents. Le caillot ainsi formé reste friable car il n’est pas
stabilisé par le facteur XIII.
Contrairement à la thrombine naturelle, la plupart des enzymes thrombiniques ne sont
pas inhibées par l’héparine, ni par l’hirudine, ce qui réduit considérablement l’intérêt de ces
substances dans le traitement des envenimations vipérines [12].
D- Protéines agissant sur la fibrinolyse
Les enzymes fibrinolytiques, présentes dans le venin de Bitis arietans et d’Echis spp,
possèdent des propriétés similaires à la plasmine et susceptibles d’hydrolyser le fibrinogène et
la fibrine (Fig. 24) [12, 70]. En général, elles appartiennent soit au groupe des sérineprotéases et dégradent la chaîne α du fibrinogène, soit au groupe des métalloprotéases et
dégradent la chaîne β. Les sérine protéases sont fibrinolytiques alors que les métalloprotéases
sont à la fois fibrinolytiques et fibrinogénolytiques [77]. Certaines α fibrinogénases inhibent
l’agrégation plaquettaire. Associées aux hémorragines, elles peuvent être à l’origine de
saignements dramatiques [140].
Aucun activateur du plasminogène n’a été isolé dans les venins de Vipéridés africains.
119
En définitive, le venin est dirigé contre de multiples cibles au sein du système
hémostatique, ce qui rend illusoire l’efficacité d’un traitement symptomatique.
E- Applications en médecine
L’écarine du venin d’ « Echis carinatus » est à l’origine du temps de coagulation
d’écarine (ECT) préconisé pour la surveillance des traitements par la r-hirudine (Refludant®)
chez les patients allergiques à l’héparine. La carinactivase 1 a été proposée pour la
surveillance des traitements par anticoagulants oraux [89].
Des études in vivo ont montré un rôle potentiel des désintégrines pour la prévention de
l’agrégation plaquettaire après angioplastie ou thrombolyse. L’Aggrastat (Tirofiban ®)
modélisé à partir de l’échistatine est un nouvel antiagrégant plaquettaire antagoniste de
GPIIbIIIa, en cours d’investigation dans l’angor instable [89]. Les essais sur la bitistatine de
Bitis arietans sont prometteurs [79]. Les désintégrines sont également étudiées comme anticancéreux [12].
A partir des venins de Bitis arietans, il a été possible de purifier du facteur VIII
(facteur antihémophilique A), qui peut être administré à des hémophiles [12].
III- AUTRES CONSTITUANTS
A- Hyaluronidases et autres facteurs de diffusion tissulaire
Les hyaluronidases hydrolysent les liaisons glycosidiques de certains acides
mucopolysaccharides du tissu conjonctif : acide hyaluronique, sulfate de chondroïtine [12].
Elles sont constamment retrouvées dans les venins et constituent un facteur de diffusion
tissulaire et donc de potentialisation des autres composants actifs [68].
Des collagénases et des élastases ont été également retrouvées [84].
B- Inhibiteurs d’enzymes
Elles sont généralement dépourvues d’effet toxique et clinique, mais elles n’en
présentent pas moins un intérêt pharmacologique potentiel [12].
120
On trouve dans le venin de Bitis arietans un inhibiteur de l’enzyme de conversion de
l’angiotensine. Cet inhibiteur entraîne une chute de la pression artérielle qui est précoce
(quelques minutes après l’inoculation du venin), rapide et importante [12]. Une autre enzyme
de conversion isolée dans le venin de Bothrops atrox a servi de modèle au Captopril.
C- Autres
On a isolé des phospholipases, des protéases, des L-amino-acido-oxydases et des
phosphoestérases à visée autre que hémostasique. Les phospholipases peuvent provoquer la
libération d’histamine, de sérotonine et de prostaglandines ou bien inhiber les enzymes
respiratoires mitochondriales [52]. On trouve de l’amylase en faible quantité, des
transaminases, des déshydrogénases dont l’activité pharmacologique et toxique est
négligeable en pathologie humaine [12]. Les protéases aspartiques rénine-like, isolées
récemment dans le venin d’Echis ocellatus, semblent être à l’origine d’une hyperpression
artérielle locale exacerbant l’action des hémorragines. En revanche, aucune hypertension
artérielle clinique a été décrite lors d’envenimation par cet Echis [133].
La myotoxine responsable d’une rhabdomyolyse modérée est bien moins active que
celle des Hydrophidés [87]. Des facteurs de croissance ont été isolés dans le venin d’Echis
ocellatus : NGF (nerve growth factor) et VEGF (vascular endothelial growth factor) [133].
L’analyse élémentaire du venin démontre la présence de cations : zinc, calcium,
magnésium, cuivre, fer, sodium, potassium et manganèse à des taux faibles et variables. La
plupart d’entre eux sont non dialysables, ce qui prouve qu’ils sont intimement liés à des
molécules protéiques et qu’ils interviennent comme co-facteurs. La présence d’anions est
également reconnue : soufre, phosphore, chlore, phosphoprotéines,… [46].
On retrouve souvent des amines biogènes : bradykinine, histamine, sérotonine,
catécholamines, responsables de la douleur et du choc anaphylactoïde (qui peut survenir sans
sensibilisation préalable) [2, 68].
121
IV- ETUDE DE LA TOXICITE ET DE LA TOXICOCINETIQUE DU VENIN
A- Recueil du venin
La méthode reproduisant au mieux les phénomènes physiologiques consiste à faire
mordre le serpent dans une membrane tendue sur un petit récipient qui récupère le venin.
Le venin est excrété en faible, voire en très faible quantité, et pour obtenir un meilleur
rendement de la traite de la glande à venin, on pratique un choc électrique. Mais bien souvent,
ce choc entraîne des lésions de la glande à venin et une libération d’enzymes du cytosol
absents physiologiquement du venin, ou des régurgitations souillant le venin [68].
Récemment, la culture de cellules glandulaires a permis de fabriquer artificiellement
du venin avec de faibles rendements. En revanche, certaines fractions protéiques peuvent être
synthétisées sous forme recombinante par biologie moléculaire à des coûts acceptables. On
utilise pour cela des microorganismes auxquels on ajoute un gène extrait de la glande
venimeuse et codant pour une protéine déterminée [12].
B- Evaluation de la toxicité
La toxicité d’un venin est la résultante de l’action pharmacologique de ses différents
composants et de la réponse de l’organisme envenimé [12]. Elle est exprimée en dose létale
50 % (DL50), c'est-à-dire la dose entraînant le décès de la moitié des animaux testés. Les
conditions environnementales ou expérimentales peuvent avoir un impact marqué sur les
résultats [12]. Les autres indicateurs de toxicité préconisés par l’OMS sont le MHD
(Minimum Haemorrhagic Dose), le MCD-F et le MCD-P (Minimum Coagulant Dose on
Fibrinogen and Plasma), le MND (Minimum Necrotizing Dose) et le MDD (Minimum
Defibrinogenating Dose) ; ils sont peu utilisés en pratique [127].
Le modèle le plus représentatif de l’évolution des effets pharmacologiques est
représenté par une courbe sigmoïde, symétrique et asymptotique pour les valeurs 0 (aucun
effet ou 0 % de létalité) et 1 (effet maximum ou 100 % de létalité) (Fig. 25) [12].
122
Figure 25 : Détermination graphique de la toxicité moyenne (DL50) (d’après Chippaux [12])
C- Toxicocinétique du venin
Administré par voie intraveineuse, le venin se distribue en quelques minutes dans
l’organisme, puis s’élimine lentement de façon presque linéaire.
L’administration
par
voie intramusculaire,
parfois
considérée comme plus
représentative des conditions d’une morsure naturelle, est plus complexe. En dix à quinze
minutes, le venin gagne le système lymphatique puis le compartiment vasculaire où sa
concentration augmente progressivement pour atteindre son maximum en quelques heures.
Certaines études cliniques suggèrent que ce pic de concentration est observé en moins d’une
demi-heure, alors que les dosages expérimentaux montrent qu’il y parvient en deux heures
environ. La diffusion du venin dans l’organisme est plus lente que par voie veineuse. Elle
répond probablement à une loi d’action de masse et débute par une phase très rapide qui
s’infléchit vers la dixième minute pour aboutir à un plateau avant de décroître
progressivement. Le processus de résorption s’étale sur 72 heures, contribuant à maintenir des
concentrations plasmatiques élevées de venin [105]. La biodisponibilité totale en
intramusculaire du venin est de 65 % environ de la quantité inoculée et ne varie pas en
fonction de la dose administrée.
Le volume de distribution est supérieur au volume plasmatique, ce qui témoigne du
transfert du venin du compartiment vasculaire vers le compartiment cellulaire. Le venin passe
d’abord très rapidement dans les tissus superficiels. Puis les constituants du venin diffusent
préférentiellement dans les tissus profonds où ils sont en concentration 2 à 3 fois plus
123
importante que dans le sang [27]. La concentration maximale de venin dans les tissus
profonds est atteinte en 1 à 4 heures selon les espèces. Cela explique l’apparition des troubles
cliniques entre 30 minutes et 1 heure et leur augmentation progressive en 4 à 8 heures. Les
venins de Vipéridés semblent diffuser plus lentement que ceux des Elapidés. Ils se
concentrent davantage dans le foie ou les reins [12].
On observe ensuite un phénomène de redistribution du venin à partir des tissus
profonds vers le compartiment central pour lequel il présente pourtant une affinité moins
grande. Cette redistribution est probablement favorisée par l’élimination du venin,
conformément à la loi d’action de masse. L’élimination du venin s’effectue par voie rénale et
digestive [12]. La clairance totale est en général très faible (de l’ordre de trois à quatre jours)
[40].
A ce phénomène pourrait se rajouter une libération lente du venin confirmée par de
nombreuses études expérimentales et cliniques. Cette hypothèse expliquerait la recirculation
du venin sept à dix jours après la morsure constatée par de nombreux cliniciens alors que le
traitement est arrêté. Le siège précis de la rétention du venin dans l’organisme n’est pas
connu. Certains spécialistes suggèrent que le venin est fixé au siège de la morsure dont il se
libère progressivement. Les techniques ELISA ont d’ailleurs montré que la concentration la
plus élevée de venin se trouve au niveau du site de la morsure. Mais la plupart penchent
davantage pour son maintien dans le système lymphatique, hypothèse indirectement étayée
par l’inefficacité de l’aspiration instrumentale du venin au niveau de la morsure [12, 113].
124
PRESENTATION CLINIQUE ET BIOLOGIQUE
DES ENVENIMATIONS
PAR ECHIS SPP OU PAR BITIS ARIETANS
L’envenimation est le résultat de l’action pharmacologique du venin et de la réaction
de l’organisme qui en découle [28].
Une morsure de serpent n’est pas synonyme d’envenimation. Un tiers à la moitié des
morsures sont dites sèches (dry bite) [88]. Les morsures sèches sont des morsures
asymptomatiques parce qu’infligées par un serpent non venimeux ou par un serpent venimeux
qui n’injecte pas de venin [12]. On parle également de morsure blanche. Elles représentent
moins de 10 % des morsures pour les Echis [127].
De même, une envenimation n’évolue pas inéluctablement vers le décès, même en
l’absence de traitement. Il est donc important de confirmer l’envenimation en recherchant ses
signes cliniques et biologiques afin de mettre en route un traitement adapté à la gravité de
l’envenimation et à son évolution [18].
Il est possible de distinguer deux entités syndromiques : le syndrome vipérin dû aux
Vipéridés, associant un syndrome local et une atteinte de l’hémostase, et le syndrome
cobraïque, neurologique, causé par la morsure des Elapidés. Ce schéma connaît cependant un
certain nombre d’exceptions : certains Vipéridés peuvent être responsables de tableaux locaux
minimes mais également de tableaux de paralysie respiratoire ; et les Elapidés à l’origine
d’une atteinte sévère de l’hémostase (espèces australiennes) ou encore d’une nécrose sèche
(Naja spp) [82, 140].
125
I- TABLEAUX CLINIQUES ET BIOLOGIQUES
Les morsures par Vipéridés africains engendrent divers tableaux survenant de façon
isolée ou simultanée : troubles de l’hémostase, syndrome local, atteinte circulatoire,
insuffisance rénale entre autres.
A- Troubles de l’hémostase et de la coagulation
Les Africains disent des malades mordus par des Vipéridés qu’ils « transpirent leur
sang » [89]. En Afrique, un syndrome hémorragique doit faire évoquer en premier lieu une
morsure d’Echis mais peut être parfois la conséquence d’une envenimation par d’autres
Vipéridés ou par Dispholidus typus [2, 88].
Cette atteinte est responsable de plus de la moitié de la morbidité et de la mortalité
dues aux morsures de serpents dans le monde [140].
1- Clinique
Des saignements intarissables au niveau de la morsure sont observés dans un premier
temps ; à ce stade il n’est pas toujours possible de distinguer l’action locale des hémorragines
d’une envenimation systémique débutante [18]. Ces manifestations surviennent 48 heures
après une morsure d’Echis mais peuvent être plus précoces en cas de morsure de Bitis [86].
Des saignements sont également constatés au niveau des points de ponction et des
muqueuses : gingivorragie, épistaxis, hématurie.
Hémorragie digestive ou hémoptysie peuvent se compliquer d’un choc hémorragique
incontrôlable. Chez les vieillards, une hémorragie cérébro-méningée peut être fatale [89]. Des
cas d’épanchement intracavitaire abondant (hémopéritoine, hémothorax) ont été décrits [66,
85].
Les venins d’Echis spp possédent des constituants procoagulants, qui peuvent
entraîner une phase transitoire de formation de thrombi instables. La circulation de ces
microthrombi peut entraîner exceptionnellement des infarcissements viscéraux à distance, qui
peuvent se manifester plusieurs années après la morsure ; ces ischémies à retardement sont à
l’origine de tableaux de nécrose hypophysaire, d’accident vasculaire cérébral ou d’arrêt
cardiaque [61, 140].
126
2- Biologie
Il existe souvent une discordance entre la biologie et la clinique. L’apparition des
signes cliniques est fréquemment retardée par rapport aux troubles biologiques. Au plan
biologique, les troubles sont précoces, dans les minutes ou les heures qui suivent la morsure
[12]. L'expression du syndrome hémorragique peut être purement biologique, notamment
dans les cas (rares) où l'incoagulabilité sanguine est due à une fibrinogénolyse pure.
L’hémolyse est fréquente mais ne pose de problèmes qu’exceptionnellement [17].
Certaines phospholipases ont également une action hémolytique.
Une thrombopénie est fréquemment observée lors des envenimations par Bitis arietans
mais rarement pour Echis [146]. Elle est liée à l’action plaquettaire de certains venins, ainsi
qu’à la séquestration des plaquettes dans les microthrombi [87].
On peut constater une hypofibrinogénémie qui dure 8 à 10 jours. Il existe d’autres
troubles de la coagulation : effondrement du TP et élévation du TCA supérieure à plusieurs
fois le temps témoin [89]. Les facteurs de la coagulation vont diminuer tandis que les Ddimères peuvent augmenter [18]. L’augmentation des produits de dégradation de la fibrine
(PDF) permet de détecter une fibrinolyse primitive [12].
La CIVD (coagulation intra-vasculaire disséminée) est un syndrome acquis caractérisé
par une activation anormale de la coagulation, avec génération excessive de thrombine,
diminution de la concentration plasmatique de plusieurs facteurs de la coagulation et du
fibrinogène, dépôt de fibrine dans les capillaires et activation du système fibrinolytique. Cette
pathologie répond à des critères biologiques obligatoires dont une thrombopénie, une
augmentation des D-dimères et une diminution de l’antithrombine III. Lors des troubles de
l’hémostase induits par les venins ophidiens, il n’y a pas de surproduction de thrombine mais
production d’une meizothrombine, insensible à l’héparine. De plus, le nombre de plaquettes,
le taux d'antithrombine III, le taux de facteur XIII et le taux de D-dimères peuvent être
normaux [115]. Il est donc plus exact de parler de coagulopathie de consommation ou de
hypocoagulabilité par fibrinogénolyse.
127
B- Syndrome local
1- Physiopathologie
L’action des phospholipases A2, des hyaluronidases et des protéases amorce la mise
en route d’une cascade de réactions inflammatoires mettant en jeu de nombreuses substances :
acide arachidonique, leucotriènes, prostaglandines, bradykinine, thromboxanes, complément,
histamine, TNF α, interleukines [12, 115]. Tous les facteurs s’opposant à la circulation
sanguine au niveau de la morsure (thrombose vasculaire locale, œdème, extravasation)
tendent à installer une anoxie tissulaire. Celle-ci fait le lit de la gangrène et diminue les
possibilités d’élimination du venin [20].
Les bactéries présentes dans la gueule des serpents, sur la peau de la victime ou sur les
instruments éventuellement utilisés pour la soigner risquent de contaminer la plaie.
Les gestes intempestifs de premiers secours (garrot, scarifications, emplâtres, etc.) et
les interventions chirurgicales locales précoces contribuent à freiner ou arrêter la circulation
sanguine locale, entraînent une anoxie tissulaire et augmentent la surface de contact entre le
venin et les cellules. Enfin, ils sont une source évidente de surinfections [12].
2- Clinique
Le syndrome local est plus ou moins marqué selon le taxon mis en cause dans
l’envenimation. Les troubles locorégionaux ont un mauvais pronostic fonctionnel [16].
La douleur est immédiate, due à la pénétration du venin et à la configuration des
crochets. Elle est vive, transfixiante, parfois syncopale. Elle irradie rapidement vers la racine
du membre. D’abord d’origine mécanique (injection de venin visqueux sous pression et en
profondeur), sa persistance est ensuite liée aux mécanismes inflammatoires, notamment à la
présence de bradykinine [16].
L’œdème, résultant de la réaction inflammatoire et de la lésion endothéliale, se
développe dans les minutes qui suivent la morsure et prend parfois des proportions
inquiétantes [88]. Très important pour les morsures de Bitis et d’Echis, c’est le premier signe
objectif d’envenimation [16, 20].
128
Volumineux, dur et tendu, il s’étend le long du membre mordu et augmente de volume
pour se stabiliser en 2 à 5 heures [16]. Il peut parfois s’étendre à l’ensemble de l’hémicorps
homolatéral, voire controlatéral : on parle alors d’œdème extensif [18]. Une morsure de la
face, de la langue ou du cou peut provoquer une asphyxie rapide (Fig. 26) [101]. Dans
certains cas, le syndrome oedémateux peut réaliser un tableau d’anasarque, avec prise de
poids supérieure à 10 kg, épanchement pleural ou ascite et contribuer à l’hypovolémie initiale
[88]. Une morsure non ou mal traitée peut occasionner un oedème évoluant pendant des jours
[115].
Figure 26 : Œdème après morsure du cou (source Internet) et après morsure au talon (Marc Puidupin)
Paradoxalement, la pression intracompartimentale reste modérée, même en cas
d’augmentation spectaculaire de volume. La compression musculaire est limitée aux faisceaux
musculaires dans lesquels le venin a été injecté. Les conséquences fonctionnelles sont
généralement favorables. La mesure de la pression intracompartimentale permet d’évaluer le
risque de syndrome des loges et de poser l’indication d’une aponévrotomie [16].
L’importance de l’œdème est proportionnelle à la quantité de venin injectée et donc à
la sévérité de l’envenimation. En revanche, c’est un médiocre indicateur d’amélioration
clinique [16] : une classification à but thérapeutique ne peut donc se fonder sur ce seul critère.
Un œdème modéré n’exclut pas une évolution fatale [47]. L’oedème se résorbe en 10 à 20
jours dans les morsures d’Echis mais peut persister des semaines, voire des mois, dans le cas
de Bitis [88].
Une nécrose humide et suintante est annoncée dès les premières heures par un
hématome qui encercle la trace des crochets, puis par une tache noire ou cyanique. Cette
nécrose s’étend ensuite rapidement en surface et en profondeur (Fig. 27) [88]. Elle s’aggrave
129
tant que le venin reste présent dans l’organisme. Par la suite, et en l’absence de gangrène, la
zone nécrosée se dessèche et se momifie. La sévérité est dépendante de la composition du
venin et de la quantité inoculée [16].
Figure 27 : Nécrose (source : Internet)
La nécrose est particulièrement extensive dans le cas de Bitis où l’on observe une
véritable « exodigestion » du membre mordu (Fig. 28). La détersion laisse à nu les tissus
musculaires, vasculaires et osseux. Dans ce cas, les survivants ont souvent des séquelles
graves et peuvent nécessiter des amputations [2].
Figure 28 : Exodigestion (source : Internet)
La gangrène est une complication secondaire à l’anoxie tissulaire, généralement
consécutive au maintien d’un garrot trop serré pendant trop longtemps [16]. La relative
fréquence des gangrènes gazeuses rapidement invasives (en cinq jours au plus) lors des
morsures de Bitis et d’Echis pose le problème de l’amputation large en urgence [20].
Les troubles cutanés sont essentiellement liés à l’importance de l’œdème et à
l’existence d’un syndrome hémorragique (pétéchies, purpura, phlyctènes) (Fig. 29). La peau
perd son élasticité, se tend, se craquelle, entraînant des fissures généralement superficielles
130
mais sources de surinfections et d’hémorragies [16]. L’examen peut retrouver la trace de la
morsure sous la forme d’une, deux ou plusieurs plaies punctiformes ou comme de simples
éraflures ; mais d’authentiques morsures ne laissent aucune trace [101].
Figure 29 : Phlyctènes multiples lors d’une envenimation par Vipéridé (photographie Mohamed Chani)
Le venin est probablement aseptique [87] mais les bactéries saprophytes de la cavité
buccale du serpent (Clostridium, Enterobacter, Proteus, Salmonella, Pseudomonas, cocci
gram positifs,…), inoculées dans les tissus ischémiques, sont source de surinfection qui peut
évoluer vers une gangrène gazeuse [88, 115]. Une morsure de la main peut se compliquer
d’un phlegmon des gaines [101] ou d’une lymphangite [115, 129].
C- Atteinte circulatoire
Beaucoup moins spécifique, l’atteinte de la fonction circulatoire peut constituer
pourtant toute la gravité immédiate d’une envenimation par installation brutale d’un état de
choc [61, 88].
Cette chute tensionnelle s’explique par différents mécanismes. Il peut s’agir d’une
hypotension vagale ou d’une vasoplégie d’origine anaphylactoïde (libération d’histamine ou
de kinines) voire anaphylactique (allergie aux composants du venin). L’hypotension peut
aussi s’expliquer par une hypovolémie vraie, résultante de la fuite capillaire massive, des
vomissements et de la diarrhée provoqués par le venin. Le venin de Bitis arietans possède un
inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine [88]. Un effet direct sur le myocarde
ainsi qu’une vasodilatation splanchnique sont possibles lors d’une envenimation par ce
serpent [135].
131
D- Insuffisance rénale
Lors des envenimations par Bitis arietans, l’atteinte rénale peut être détectée plusieurs
semaines après la morsure, bien que l’évolution en semble favorable [18]. Cette atteinte
contribue de manière significative à la morbi-mortalité des envenimations ophidiennes dans
certains pays [140]. Elles sont en revanche rarissimes lors des morsures d’Echis [12].
On peut observer une douleur lombaire, une protéinurie, un syndrome néphrotique,
une anurie et parfois un syndrome hémolytique et urémique. Les mécanismes de l’atteinte
rénale sont multiples : l’hémolyse, la rhabdomyolyse, les troubles de l’hémostase, l’état de
choc ainsi que la toxicité directe du venin de Bitis arietans sur la membrane basale du
glomérule, responsable d’une glomérulonéphrite proliférative extracapillaire tardive [88]. Ce
mécanisme est indépendant d’une réaction immunopathologique, comme en atteste l’absence
de dépôt d’immunoglobulines ou de complément sur le glomérule. L’ischémie rénale peut être
à l’origine d’une nécrose tubulaire ou corticale, en général plus précoce [114].
L’insuffisance rénale peut être modérée et réversible mais certains survivants
nécessitent une hémodialyse voire une transplantation rénale [140].
E- Autres effets
Une neurotoxicité (ptôsis, ophtalmoplégie) a été décrite à la suite de morsure par les
Echis pyramidum de Tunisie, mais aucune neurotoxine n’a été isolée [135].
La stimulation de la chémotriggerzone par certaines toxines est à l’origine de
vomissements et de diarrhée, aggravant les troubles hydro-électrolytiques [88]. Certains
patients peuvent se plaindre de douleur abdominale [135].
On peut observer une bronchoconstriction, un œdème glottique ou une dyspnée
asthmatiforme. Un œdème aigu du poumon peut survenir soit à la phase précoce par
mécanisme lésionnel, soit à la phase tardive par mécanisme hémodynamique lors de la
résorption des oedèmes [88].
Des anomalies électrocardiographiques (arythmie) peuvent être notées lors des
envenimations par Bitis et Echis [135].
On peut observer une hyperleucocytose (de l’ordre de 12000 GB/mm3), une
éosinophilie et une adénosplénomégalie. En revanche, la persistance d’un syndrome fébrile
au-delà du 3ème jour évoque une complication septique ou un accès palustre [88].
132
II- GRAVITE DE L’ENVENIMATION
A- Caractéristiques de la victime et de la morsure
L’âge du patient, la notion de grossesse et les antécédents d’ulcération digestive, de
diabète, de tuberculose pulmonaire, de pathologie cardio-vasculaire ou de troubles
congénitaux de l’hémostase ont une conséquence sur le pronostic de l’envenimation [89].
Le poids intervient car le rapport poids de venin/poids corporel est un facteur essentiel
de la gravité d’une envenimation [46].
Une morsure au niveau de la tête ou du cou est plus grave car il s’agit de zones
hypervascularisées [98] et elle menace à court terme la liberté des voies aériennes supérieures.
Les morsures de la main présentent un pronostic fonctionnel péjoratif [17].
L’alcoolisation (aiguë ou chronique) des victimes semble être à la fois un facteur
favorisant de la morsure par sous-estimation du risque ou maladresse et un facteur aggravant
d’envenimation, notamment lors des morsures par Colubridés aglyphes [40].
Manent et al au Cameroun ont mis en évidence des signes de mauvais pronostic
concernant des morsures d’Echis: état de choc précoce, œdème dépassant la racine du
membre mordu, sévérité de la déglobulisation (hémoglobuline < 9 g/dL à J3), âge (inférieur à
11 ans) ou poids (inférieur à 25 kg) [78].
B- Volume et composition du venin
Ils conditionnent la sévérité de l’envenimation [98]. Les techniques ELISA permettent
d’évaluer la quantité de venin injectée dans une proie ou chez l’homme. Cependant, les
quantités détectées sont souvent proches du seuil limite, et ces dosages ne sont pas passés
dans la pratique courante. Les travaux de Sorkine et al ont montré que la symptomatologie est
proportionnelle à la quantité de venin [119]. Le volume de venin injecté peut varier de 10 à 50
% de la capacité glandulaire et est nettement corrélé avec la taille du serpent.
Le volume injecté lors d’une morsure défensive est deux à trois fois supérieur à celui
inoculé pour une proie. Lors de morsures successives, la quantité de venin délivrée par le
serpent diminue graduellement. Tout se passe comme si le serpent délivrait la dose nécessaire
pour obtenir le résultat escompté : immobiliser la proie ou éliminer un agresseur lorsqu’il ne
peut éviter la confrontation [12].
133
C- Carences lors de la prise en charge
Le délai de prise en charge conditionne le pronostic de façon notable. En Afrique, les
retards de consultation sont parfois importants (jusqu’à plusieurs mois) et peuvent placer le
médecin face à des tableaux dramatiques [24]. Ils seraient responsables de la majorité des
décès [12].
Les structures de santé insuffisantes et l’absence de matériel et de médicaments
appropriés, situation fréquente dans de nombreux pays en développement, augmentent le
risque d’évolution défavorable quel que soit le délai de prise en charge. En Afrique, la létalité
pourrait être réduite de 90 % si un traitement convenable pouvait être mis en œuvre à temps
[12].
La concurrence du « thérapeute traditionnel » et le coût du traitement (un à deux mois
du revenu familial moyen en Afrique) rendent également la prise en charge plus difficile [28].
Enfin, les premiers soins agressifs (garrot, incision, scarifications, etc.) et la iatrogénie
assombrissent le pronostic [12].
III- SEQUELLES ET DECES
A- Séquelles
En Afrique, 3 à 5 % des morsures conduisent à une complication locale définitive [20].
Chaque année, 100 000 amputations consécutives aux envenimations ophidiennes sont
déplorées dans le monde [12]. Le syndrome thrombotique est susceptible d’entraîner un
infarcissement viscéral, 15 jours à 2 mois après la morsure. Des lésions rénales peuvent aussi
se dévoiler au cours des semaines qui suivent la morsure, alors même que l’évolution peut
paraître favorable [18].
B- Décès
L’évolution d’une envenimation par Echis est lente, de l’ordre de plusieurs jours [18],
alors que l’évolution après morsure de Bitis semble plus rapide, avec parfois un décès en
134
quelques heures [19]. Le taux de mortalité lié aux morsures d’Echis ocellatus en Afrique de
l’Ouest est passé de 10 à 20 % à moins de 5 % avec l’utilisation d’antivenin [134].
Une observation de 1992 illustre l’évolution tragique potentielle d’une envenimation par
Echis pyramidum. Il s’agit d’un Européen de 44 ans mordu au pied, se plaignant initialement
d’une douleur modérée sans autre signe local ou général. A la 24ème heure, un œdème est apparu
puis un syndrome hémorragique (hématurie et gingivorragies) et une douleur abdominale diffuse
à la 48ème heure, qui motivent l’admission en réanimation. Le syndrome local s’aggrave avec
augmentation d’un œdème dur et chaud, apparition d’ecchymoses multiples jusqu’à la racine du
membre et d’une nécrose au point de morsure. La biologie montre un TP, un TCA et un
fibrinogène « indosables ». Une héparinothérapie à 100 UI/kg/j, thérapeutique alors
recommandée par les spécialistes, est alors commencée.
Le patient présente une crise comitiale généralisée, un collapsus, une agitation et des
sueurs profuses. Le syndrome hémorragique s’aggrave : hématurie massive et hématome
rétropéritonéal volumineux. Le patient est alors transfusé en sang total (2 unités), en concentrés
érythrocytaires (5 unités) et en plasma frais congelé (8 unités) et son rapatriement à l’hôpital
militaire de Marseille est effectué au cinquième jour suivant la morsure.
L’état de ce patient évolue alors vers un tableau dramatique : ischémie distale des quatre
membres et défaillance polyviscérale. Il n’a pas été fait de sérothérapie du fait du stade tardif. Le
patient est décédé d’un collapsus le septième jour après la morsure, au cours d’une séance
d’hémodialyse, alors que les troubles de l’hémostase commençaient à se corriger [112].
Cette observation pointe deux erreurs à ne pas commettre :
-
Traiter par héparine les troubles de l’hémostase, considérés à tort comme une CIVD,
-
Ne pas utiliser l’immunothérapie sous prétexte du délai d’efficacité.
De même, elle illustre l’atteinte prolongée de l’hémostase lors d’une envenimation sévère
par un Vipéridé tel Echis ou Bitis, en l’absence de traitement approprié. La gravité du tableau qui
peut en découler impose une prise en charge rigoureuse.
135
L’IMMUNOTHERAPIE ANTIVENIMEUSE
La première préparation de sérum d’animaux immunisés date de 1894 avec le venin
traité par chaleur de Phisalix et Bertrand [72]. Un an plus tard, Calmette fabrique un sérum
antivenimeux qui sera utilisé pour le traitement d’une envenimation humaine de cobra indien
par sérothérapie. Cette première génération d’antivenin, à base de sérum total, n’était alors
pas purifiée. L’injection d’anticorps entiers et de nombreuses autres protéines hétérologues
entraînait de nombreux effets secondaires [44].
La seconde génération, encore commercialisée dans de nombreux pays, y compris les
USA, consiste en une solution d’immunoglobulines entières purifiées ; elle provoque jusqu’à
75 % de réactions indésirables de gravité variable.
Depuis une vingtaine d’années, ce sont des fragments d’immunoglobulines,
généralement F(ab’)², qui sont administrés avec moins de 15 % de réactions secondaires, en
majorité sans gravité [14]. De sorte qu’aujourd’hui, on tend à parler non plus de sérothérapie
mais d’immunothérapie [27], voire de « Fabothérapie ».
I- FABRICATION DE L’ANTIVENIN
Le principe consiste à immuniser un animal dont on utilisera les anticorps pour
protéger la victime de l’envenimation [29], on parle donc d’immunothérapie passive.
La variabilité des venins de serpents d’une même espèce, en fonction de l’origine
géographique notamment, a amené plusieurs propositions ayant pour but de normaliser les
venins utilisés. La constitution de mélanges de venins d’origine définie et la mise en place
d’une banque de venins de référence représentent des solutions minimales acceptées par la
plupart des fabricants [29].
On utilise généralement le cheval comme animal d’immunisation [29]. Certains
antivenins sont produits à partir de sérums ovins moins onéreux et plus faciles à fabriquer [2].
136
De plus, ces antivenins semblent plus efficaces car ils contiennent une concentration plus
importante d’anticorps spécifiques [116]. Cette immunisation est progressive, à partir d’un
venin détoxifié par le formol ou le tanin [29]. On associe au venin un adjuvant ; dont on pense
qu’il ralentit la résorption du venin et qu’il stimule puissamment la réaction immunitaire. Les
plus courants sont l’adjuvant de Freund, la bentonite, l’hydroxyde d’aluminium, l’alginate de
sodium [12].
Un antivenin monovalent est obtenu par hyperimmunisation d’un animal par le venin
d’une seule espèce ; un antivenin polyvalent provient d’un animal hyperimmunisé par du
venin de plusieurs espèces distinctes de serpent. L’antivenin monovalent possède en principe
un pouvoir neutralisant plus élevé pour traiter une envenimation par l’espèce correspondante
qu’un sérum polyvalent (ex : Echis ocellatus) [29]. La dose thérapeutique d'un sérum
monovalent est a priori inférieure à celle d'un sérum polyvalent, ce qui réduit le risque
d’effets indésirables [127]. Mais, il arrive que l’antivenin polyvalent possède un pouvoir
protecteur supérieur à celui de l’antivenin monovalent (ex : Dendroaspis angusticeps) par
synergie [29]. L’absence de technique biologique d’identification en routine fait préférer ces
antivenins polyvalents en Afrique [113].
Les premiers antivenins utilisaient des IgG entières. La recherche d’une meilleure
tolérance a conduit à la digestion enzymatique par la pepsine qui assure la séparation des
fragments F(ab’)², thermostables et porteurs de l’activité d’anticorps. L’obtention de cette
fraction immunologique limite la fréquence et la gravité des réactions secondaires par
élimination du fragment Fc thermolabile qui réagit avec le complément. On peut également
obtenir plus difficilement un fragment Fab par digestion à la papaïne (Fig. 30) [27, 29, 127].
Les cellules sanguines et les protéines hétérologues susceptibles d’entraîner des effets
indésirables sont séparées des immunoglobulines respectivement par centrifugation, puis par
précipitation au sulfate d’ammonium [27]. La chromatographie par échange d’ions, la
chromatographie par affinité et l’ultrafiltration peuvent être également utilisées. La séparation
des IgG par l’acide caprylique est une technique à la fois simple, efficace et peu onéreuse ;
elle permet également de neutraliser certains virus présents dans le plasma des animaux
immunisés [127]. La purification de l’antivenin conduit à une augmentation de l’activité
spécifique [2]. La dernière étape de fabrication consiste en une pasteurisation et une
élimination des pyrogènes [127].
137
Figure 30 : Fragmentation des immunoglobulines IgG (d’après Chippaux) [12]
Des conservateurs peuvent être ajoutés au produit : phénol, crésol ou thiomersal [127].
Les contrôles bactériologiques, biologiques et toxicologiques suivent les normes de qualité
nationales et internationales. En revanche, le contrôle du pouvoir protecteur ne répond pas à
des normes réglementaires [29]. La dernière conférence de consensus de l’OMS sur la
standardisation et le contrôle des antivenins (2003) a conclu sur l’impossibilité d’une
standardisation internationale en raison des variations physiologiques et géographiques
considérables des caractéristiques du venin au sein d’une même espèce. En conséquence, des
standards nationaux et/ou régionaux sont à l’étude [127].
L’antivenin est généralement vendu sous forme lyophilisée, ce qui assure une
conservation plus longue et une meilleure stabilité du produit, notamment à de fortes
variations de température. En contrepartie, la lyophilisation augmente le coût final du produit.
D’autre part, la reconstitution du produit nécessite un certain délai (de 40 à 90 minutes) ce qui
est préjudiciable dans l’urgence. Enfin, une mauvaise technique de reconstitution peut
partiellement dénaturer le produit. Les nouveaux formats d’anticorps, sous forme liquide,
présentent un coût de fabrication moindre tout en ayant une excellente stabilité. Pour ces
raisons, les formes liquides sont préférées des cliniciens [1].
138
Ces améliorations ont néanmoins un coût élevé, chaque nouvelle étape de purification
et de contrôle alourdissant le coût de fabrication. Même en acceptant un compromis
coût/efficacité, le prix de revient d'un traitement reste hors de portée des pays en voie de
développement qui en ont le plus besoin. Les antivenins, voyant ainsi leur marché se
restreindre, sont de moins en moins fabriqués : en une trentaine d'années, le nombre de
producteurs a été divisé par trois, celui des produits fabriqués divisé par deux [60]. Il y a
quelques années, Behringwerke, en Allemagne, a cessé de produire des antivenins et AventisPasteur, en France, a significativement réduit sa production. D’autres antivenins sont proposés
par des instituts indiens, à des prix inférieurs à celui du FAV-Afrique mais leur efficacité n’a
pas été encore clairement établie par des études cliniques en Afrique [37]. Il n’existe qu’un
producteur d’antivenin en Afrique : l’African Health Laboratory Service à Johannesburg [71].
Cette limite de l’offre débouche actuellement sur une véritable crise en Afrique subsaharienne et a entraîné une augmentation de la morbi-mortalité par morsure de serpent ces
dernières années [72].
Plusieurs instituts basés en Amérique centrale et du Sud sont en train de mettre au
point des produits polyvalents actifs sur les venins de genres « médicalement importants »
[37]. Le National Institute for Public Health de Colombie développe un antivenin
polyspécifique panafricain, dirigé contre les venins de neuf espèces de Naja, Bitis et Echis
[71]. Un autre antivenin polyspécifique africain est en développement au Costa Rica. Cet
antivenin dirigé contre les venins d’Echis ocellatus, Bitis arietans et Naja nigricollis est à
base d’IgG entières stabilisées par l’acide caprylique et pourrait faire l’objet d’un
développement futur en Afrique [63]. Micropharm prépare une version solubilisée de son
antivenin monospécifique du venin d’Echis ocellatus à fragments Fab, l’EchiTAb [1]. En
2003, la possibilité d’études randomisées au Nigeria avec ces trois antivenins a été évoquée
[71].
II- MODE D’ACTION DE L’IMMUNOTHERAPIE ANTIVENIMEUSE PASSIVE
La fixation de l’anticorps à un antigène provoque la neutralisation de cet antigène par
modification structurelle de l’antigène natif [27].
La voie intra-veineuse est la plus intéressante car seule une faible proportion
d’anticorps injectés atteint le compartiment vasculaire après injection intra-musculaire ou
139
sous-cutanée [40, 105]. De plus, il s’agit de la seule voie que l’on peut interrompre (et
reprendre) à tout moment.
Les anticorps doivent être en excès dans le sang pour séquestrer le venin dans le
compartiment vasculaire à partir des sites périphériques par diffusion passive [39]. Plus le
délai entre la pénétration du venin et l’administration des anticorps est important, plus la
quantité d’anticorps devra être élevée [27].
En pratique, il est impossible d’affirmer de façon générale lesquels des IgG, Fab ou
F(ab’)² sont les plus efficaces. En revanche, il serait intéressant de mener des études bien
définies pour déterminer quelle forme est la plus adaptée pour chaque venin [127].
Les F(ab’)² présentent une meilleure distribution dans le compartiment vasculaire ainsi
qu’un meilleur pouvoir de neutralisation. Les complexes immuns formés avec les F(ab’)² sont
éliminés par les tissus immunocompétents, foie, rate et ganglions lymphatiques, ce qui évite la
néphrotoxicité [12] au contraire, l’excrétion par voie urinaire des Fab lente, voire difficile, et
qui pourrait entraîner des lésions rénales [27].
La persistance des anticorps dans le sang doit être suffisamment longue pour permettre
l’élimination du venin fixé aux tissus [27]. La demi-vie d’élimination des Fab (10 h) est
courte par rapport à l’élimination lente des composants du venin (36 h). Une injection unique
de Fab ne neutralise que transitoirement le venin ; il est donc préférable d’administrer les Fab
par perfusion lente pour obtenir un maximum d’efficacité [39, 105]. Les anticorps des
réinjections permettent de neutraliser le venin resté au niveau de la morsure qui diffuse
ultérieurement [140]. En revanche, la demi-vie des F(ab’)² est deux à trois fois plus élevée
que celle des composants des venins des Vipéridés ; c’est pourquoi une seule injection est
généralement suffisante [3, 104].
Le fragment Fab possède un plus grand volume de distribution, une distribution
tissulaire plus rapide et une meilleure tolérance. Cependant, il a été démontré que la fréquence
d’effets secondaires était moins liée à la nature du fragment qu’à la méthode de production de
l’antivenin. Ainsi, même les IgG entières peuvent être utilisées à la condition d’empêcher leur
agrégation in vivo [127].
140
Les courbes suivantes montrent la différence entre une cinétique d’envenimation
traitée par un antivenin adapté ou une cinétique avec un antivenin inadapté (Fig. 31) [126].
Antivenin adapté
Antivenin inadapté
Figure 31 : Neutralisation du venin (courbe pleine) par l’antivenin (courbe pointillée) [126]
Gillissen et al ont rapporté l’observation d’un patient tunisien mordu par Echis
pyramidum. Plusieurs antivenins furent utilisés (un monovalent et deux polyvalents) et
l’envenimation a nécessité une dose totale de 310 mL d’antivenin. La courbe montre le
manque de spécificité des antivenins (Fig. 32) [126].
Figure 32 : Envenimation par E. pyramidum traitée par plusieurs antivenins non spécifiques [126]
B : antivenin fabriqué par Behringwerke ; P : fabriqué par Pasteur et S : fabriqué par le South African Institute
for Medical Research. (Les nombres précédant les lettres indiquent la quantité en mL d’antivenin injecté).
Venin : tracé plein ;
Antivenin : tracé en pointillé (échelle à droite en µL/mL)
141
Il n’est pas toujours possible de se procurer l’antivenin correspondant à l’espèce mise
en cause. On peut alors avoir parfois recours à un autre antivenin dit paraspécifique. La
paraspécificité correspond au pouvoir de neutralisation croisée d’un antivenin pour des
espèces autres que celles pour lesquelles il fut initialement conçu [50].
Des réactions de paraspécifité ont été mises en évidence par des tests ELISA et
d’immunodiffusion. Elles s’observent souvent entre espèces proches. Toutefois, l’existence de
réactions de précipitation croisées ne signifie pas nécessairement qu’il existe une protection
croisée [12].
Les réactions de paraspécificité pour une espèce donnée ne sont pas vraiment
prévisibles et demandent à être vérifiées ponctuellement au cas par cas, d’où la nécessité de
choisir convenablement les venins qui seront utilisés pour la préparation d’un antivenin [12].
III- CONSERVATION DE L’ANTIVENIN
L’antivenin doit être conservé à + 4° C [86]. La forme lyophilisée, en ampoules de
verre scellées, assure la meilleure conservation [2].
Expérimentalement, la plupart des antivenins ont une stabilité à 25°C, à l’abri de la
lumière, pendant plusieurs mois. Le titre d’un antivenin reste stable malgré une exposition à
37°C pendant un an : ni développement bactérien, ni modification chimique sensible n’ont été
observés [29]. En revanche, la formation d’un trouble a été observée après 9 mois
d’exposition à 23° C, 4 mois à 30° C et 3 mois à 37° C. Ce précipité de protéines hétérogènes
de haut poids moléculaire contre-indique l’utilisation de l’antivenin en raison de la possibilité
d'un choc par activation du complément [29].
IV- VOIE D’ADMINISTRATION
La voie veineuse a été longtemps récusée en raison d’un risque élevé théorique de
réactions anaphylactiques. La purification poussée des immunoglobulines utilisées en
immunothérapie réduit considérablement ce risque [18]. De plus, les autres avantages
(rapidité d’action et augmentation significative de l’efficacité de l’antivenin, meilleur contrôle
de la tolérance au traitement) font que la voie veineuse est aujourd’hui la plus logique, la plus
142
efficace et la plus sûre [27, 32]. Elle a une justification expérimentale [104] et une
confirmation clinique indiscutable [45, 138]. Enfin, elle diminue l’incidence des décès,
prévient l’extension des complications locales et raccourcit la durée d’hospitalisation [87].
L’injection sous-cutanée autour de la morsure est douloureuse, inefficace et peut induire des
complications locales [20, 26] car elle fixe in situ des antigènes encore toxiques et peut
renforcer ainsi la protéolyse [61]. Moins efficace, l’injection intramusculaire ne met pas à
l’abri des effets secondaires [18]. En cas de difficulté d’accès veineux, elle constitue une
solution de secours sous réserve que l’hémostase ne soit pas encore perturbée [87].
V- LES EFFETS SECONDAIRES ET LES CONTRE-INDICATIONS
Les réactions secondaires observées sont dues à l’administration de protéines
étrangères, à la sensibilisation préalable du patient au sérum de cheval ou à la présence de
complexes immuns difficilement éliminés par l’organisme [27].
L’hypersensibilité de type I est spécifique (induite par les anticorps de type IgE) et est
appelée anaphylaxie. Elle apparaît dans les minutes qui suivent l’administration des
immunoglobulines. Elle peut être au maximum à l’origine d’un choc, le choc anaphylactique
[18].
Les réactions précoces ou réactions d’hypersensibilité de type III apparaissent soit
chez des sujets sensibilisés, ayant reçu antérieurement une immunothérapie antivenimeuse ou
antitoxinique (sérum antitétanique par exemple), soit chez des sujets vierges de toute
immunothérapie antérieure. La présence d’une forte proportion de fragments Fc, dépourvus
d’activité anticorps mais activant le complément, peut entraîner un choc anaphylactoïde,
quand ce dernier n’est pas induit par le venin lui-même (4 % avec Echis).
Les réactions tardives ou réactions d’hypersensibilité de type IV surviennent environ
trois semaines après la morsure. Les anticorps hétérologues de l’antivenin demandent ce délai
pour être éliminés de l’organisme qui, pendant ce temps, produit ses propres anticorps dirigés
contre l’ensemble des antigènes circulants (venins et anticorps hétérologues). Dans certains
143
cas, des complexes précipitants vont se former : c’est la maladie sérique ou « maladie du 9ème
jour » [27].
Fièvre, éruption, prurit, arthralgies et protéinurie transitoire sont les manifestations
cliniques les plus fréquentes de la maladie sérique. Les formes sévères, notamment une
glomérulonéphrite aiguë avec vascularite ou neuropathie sont exceptionnelles. En général,
l’évolution se fait vers la guérison sans séquelle. Une dose supérieure à 40 mL d’antivenin
semble nécessaire pour induire une maladie sérique [29].
Le procédé de fabrication peut faire craindre la transmission à l’homme d’agents
infectieux, en particulier virus et prions, via les produits sanguins d’origine animale.
Néanmoins, ce genre d’accident n’a jamais été rapporté dans la littérature [127].
La tolérance des F(ab’)² est excellente. Les effets secondaires imputables aux
fragments d’immunoglobulines purifiées sont de 6 à 7 %, bénins pour la plupart. Les réactions
sévères, comme le choc anaphylactique s’observent dans moins de 0,5 % des traitements et la
maladie sérique chez moins de 1 % des patients sous immunothérapie [18].
Une immunothérapie antérieure ou une allergie prouvée ne sont pas une contreindication formelle à l’immunothérapie [101].
VI- SPECIFICITES DE SON UTILISATION EN AFRIQUE
A- La problématique
L’immunothérapie est sous-utilisée en Afrique, au regard des besoins. Plusieurs causes
peuvent expliquer cette situation.
Premièrement, un grand nombre de patients (environ 80 %) consulte seulement le
tradipraticien. Cette habitude préjudiciable semble même augmenter depuis une vingtaine
d’années [13]. Une étude recensant les traitements traditionnels retrouve le plus fréquemment
le garrot, l’ingestion d’Isibiba (une concoction préparée avec du serpent brûlé) et les
scarifications [93]. Le garrot n’empêche pas la diffusion du venin à distance du site de
morsure. De plus, cette pratique surajoute un risque de thrombose veineuse profonde et
144
d’embolie pulmonaire, de nécrose locale et de gangrène, par stase du sang veineux et
concentration locale du venin [125]. Les autres causes de retard de consultation sont la
dispersion des systèmes de santé et la difficulté de déplacement. Ce retard peut être
considérable et hypothèque l’efficacité du traitement [31].
Au cours de leur carrière, les agents de santé ne reçoivent aucune information ni
actualisation concernant le diagnostic et le traitement des envenimations. La méconnaissance
du traitement (indications, posologie, surveillance) peut ainsi induire une défiance en
l’immunothérapie [31]. Le plus souvent, dans la pratique médicale africaine, une seule
ampoule de 10 mL est injectée pour moitié autour de la morsure et l’autre moitié à la racine
du membre, ce qui prouve l’insuffisance de la formation médicale [18].
La crise économique et la désorganisation du système de santé en Afrique expliquent
la diminution des ventes d’antivenin [18]. Le coût élevé, résultant des améliorations
technologiques imposées par les normes réglementaires européennes, engendre des problèmes
commerciaux (marges bénéficiaires faibles, difficultés d’écoulement des stocks) qui ne
peuvent être entièrement résolus par les filières traditionnelles de distribution des
médicaments [31]. Ainsi en Afrique, l’immunothérapie est administrée à moins de 25 % des
patients qui en auraient besoin, à des posologies insuffisantes dans la plupart des cas [15].
De plus, la disponibilité de l’immunothérapie en Afrique est faible. Le réseau privé de
distribution des médicaments d’urgence n’est organisé que dans les centres urbains. En
brousse, les structures sanitaires sont rarement disposées à prendre le risque d’un stock
coûteux et difficile à gérer, notamment en raison des difficultés de conservation des
immunoglobulines et de la rapidité supposée de leur péremption, malgré leur stabilité
démontrée [18, 32].
B- Les propositions
Une évaluation épidémiologique plus précise des envenimations ophidiennes
permettrait de cibler les besoins.
Une meilleure adéquation de la présentation du produit aux besoins effectifs
permettrait des économies significatives tant pour le producteur que pour l’utilisateur. Un
145
conditionnement hospitalier et un flaconnage correspondant à la posologie recommandée
devrait réduire significativement le coût du traitement [18].
Un algorithme de traitement largement diffusé au niveau des centres de santé et une
formation du personnel soignant permettraient une meilleure utilisation de l’immunothérapie.
Une étude au Ghana a montré que le taux de mortalité est passé de 11 % à 1 % après
élaboration d’un protocole d’utilisation de l’immunothérapie et formation du personnel
soignant [141]. Rüttimann estime qu’une prise en charge précoce au niveau des centres de
santé périphérique permettrait de diminuer par 3 le coût du traitement des morsures de
serpent, en évitant la nécessité d’une évacuation rapide voire d’une hospitalisation [107].
La recherche de modes de financement du produit, au moins partiellement dans les
pays utilisateurs, par les Etats, les collectivités locales et les entreprises en augmenterait la
disponibilité. Les antivenins devraient être considérés comme médicaments à la fois essentiels
et orphelins afin de faciliter leur prise en compte par les bailleurs de fonds institutionnels ; les
ruptures de stocks induits par l’arrêt de la production en raison de leur faible rentabilité
industrielle pourraient être ainsi évitées.
La répartition du coût du traitement sur l’ensemble des usagers soit par péréquation au
niveau des sujets mordus par un serpent (recouvrement des coûts conformément à l’Initiative
de Bamako) soit par un système mutualiste, favoriserait la prise en charge du traitement.
L’élargissement des dotations, notamment au niveau des centres de santé
périphériques et tenant compte des statistiques sanitaires, conduirait à une prise en charge plus
précoce des patients. L’amélioration des circuits de distribution des médicaments en zone
rurale reste un préalable indispensable [18].
Les possibilités de délocalisation de la production doivent être envisagées avec
l’industrie pharmaceutique. Cette délocalisation ne constitue pas une solution définitive : les
coûts d’exploitation ne seront pas significativement réduits et le contrôle de qualité restera
une condition essentielle du transfert de technologie [31].
146
VII- AVENIR DE L’IMMUNOTHERAPIE ANTIVENIMEUSE
Diverses solutions peuvent être envisagées pour améliorer l’immunothérapie afin
d’obtenir une plus grande efficacité et une sécurité d’emploi accrue [27, 127].
La production peut être améliorée par un meilleur choix de venins ou des procédés
d’immunisation plus efficaces (liposomes, microsphères, adjuvants) [27]. L’utilisation de
toxines purifiées peut être une solution pour enrichir un venin pauvre en toxine, ou même s’y
substituer : on a montré que les anticorps contre la crotoxine, principale toxine du venin de
Crotalus durissus terrificus, sont capables de neutraliser les effets du venin complet [12].
La purification des anticorps peut être augmentée par immuno-affinité (sélection des
anticorps spécifiquement dirigés contre le venin), fragmentation des anticorps ou obtention de
fragments par biologie moléculaire (fragments Fv, anticorps monoclonaux) [27].
L’immunisation de Camélidés (chameaux et lamas) a permis de mettre en évidence un
petit fragment de chaîne lourde des IgG, le VhH, qui serait capable de neutraliser les effets
locaux de l’envenimation, contrairement aux Fab et F(ab’)². Un nouvel antivenin combinant
VhH et F(ab’)² capable d’agir sur la composante locale et systémique de l’envenimation est à
l’étude. Par ailleurs, il a été isolé dans le sérum des Camélidés un inhibiteur de l’hémorragie
induite par le venin, qui ne serait pas une immunoglobuline [67].
Lors de la Septième Réunion d’experts de l’envenimation par animaux venimeux en
mars 2005, le laboratoire Bioclon (Mexique) a présenté un antivenin de quatrième génération
en cours de développement contre les araignées du genre Loxoceles ; il est fabriqué sans venin
et à partir d’un antigène recombinant, ce qui augmente l’efficacité et réduit les coûts [14].
La vaccination est envisagée comme une solution de rechange à l’immunothérapie.
Les essais menés au Japon se sont révélés très décevants : la morbidité et la mortalité restent
inchangées. En fait, on ignore encore la rapidité de la réponse immune de l’homme à la
pénétration des antigènes du venin lors de l’envenimation [27]. En revanche, Pergolizzi et al
ont démontré l’efficacité chez l’animal d’un vaccin dirigé contre une neurotoxine postsynaptique de Naja kaouthia [97].
147
PRISE EN CHARGE
L’envenimation ophidienne représente une urgence médico-chirurgicale. Elle
comporte trois volets : la prise en charge initiale, l’immunothérapie antivenimeuse et les
mesures adjuvantes. Dans ce travail, nous ne traiterons pas de la pharmacopée à base de
plantes utilisée par les thérapeutes traditionnels.
La prévention des envenimations passe par l’information du public qui doit porter sur
les modalités des accidents, l’écologie des espèces dangereuses et les premiers secours en cas
de morsure : c’est là une mesure de qualité et très peu coûteuse. Une étude réalisée dans le
Sud-est du Népal a montré que de simples mesures d'éducation sanitaire auprès des
populations ont permis de réduire de moitié le taux de mortalité par morsure de serpent [12,
96].
I- PREMIERS SOINS : « PRIMUM NON NOCERE »
A- Sur le terrain
1- Mesures physiques
- calmer et rassurer le patient installé en position couchée [2, 119] ;
- procéder à un nettoyage rapide mais soigneux de la plaie (antiseptiques ou savon) [18]. On
évitera les colorants pour préserver l'aspect spontané de la lésion ;
- mettre en place une vessie de glace enveloppée dans un tissu à proximité de la morsure et
non par-dessus : effet antalgique, anti-œdème et anti-diffusion du venin [2, 119] ;
- immobiliser le membre mordu au moyen d’une gouttière ou d’une fine attelle et le surélever
légèrement [18] ;
- enlever tous les garrots potentiels (bagues, bracelets) [44].
148
2- Thérapeutiques médicamenteuses
- mettre en place une perfusion veineuse : même en l’absence d’état de choc, un remplissage
abondant est nécessaire pour compenser l’hypovolémie et entretenir la diurèse (prévention de
l’insuffisance rénale) [2, 87, 119] ;
- traitement antalgique : paracétamol ou morphine intraveineuse titrée [2] ;
- traitement sédatif et anxiolytique: antihistaminique de type H1 (ATARAX® : hydroxyzine).
Ce traitement semble justifié également en raison de ses actions antitoxiques et
potentialisatrices de l’immunothérapie [18, 107].
3- Identification du serpent
Si possible et tout en restant prudent, prendre un cliché de l’animal qu’on pourra faire
ensuite parvenir par voie électronique à un spécialiste des serpents pour identification de
l’espèce et choix de l’antivenin adéquat.
4- Evacuation rapide du patient vers un centre de santé ou un hôpital : fondamentale
A NE PAS FAIRE
-
incision, cautérisation, succion, débridement, scarifications de la plaie,
-
cryothérapie locale ou garrot,
-
pompe de type Aspivenin, application d'une source de chaleur,
-
donner à boire,
-
toute injection intra-musculaire,
-
antalgie par aspirine ou AINS,
-
compression lymphatique légère par un bandage extensible peu serré (type bande
Velpeau) du membre mordu. Ce bandage a démontré son utilité lors des
envenimations par Elapidé australien mais est contre-indiqué en cas de morsure par les
serpents venimeux africains,
-
capturer ou tuer un serpent dans un but d'identification [18, 58, 82, 119, 135].
149
5- Cas particuliers
Les voies aériennes doivent être précocement contrôlées quand la morsure concerne la
face ou le cou car l’œdème peut se constituer brutalement et menacer les voies aériennes
supérieures [101]. En cas de détresse respiratoire, les techniques simples d’assistance
ventilatoire (bouche-à-bouche, bouche-à-nez, assistance ventilatoire au ballon de type Ambu
avec canule de Guédel) ont leur intérêt sur place loin d’une structure hospitalière [98].
B- Evaluation initiale
Tout patient mordu par un serpent est un patient envenimé jusqu’à preuve du
contraire et doit faire l’objet d’un examen clinique complet. Le délai écoulé entre la morsure
et cet examen clinique permet le plus souvent de confirmer l’envenimation : les premiers
signes objectifs apparaissent dans les 15 à 30 minutes qui suivent l’accident [61].
Toute envenimation doit faire l’objet d’une surveillance de 24 heures [45]. En
effet, les signes d’envenimation ne sont pas toujours immédiats, ils peuvent tarder en
moyenne jusqu’à 6 heures, parfois 24 heures [101]. Ce délai de surveillance permet de
dépister une envenimation d’apparition tardive et de ne pas rassurer à tort. En l’absence de
symptôme, le patient retourne à domicile avec conseil de revenir en cas d’apparition d’un des
signes d’envenimation [5].
Le bilan paraclinique initial doit comprendre :
-
une numération formule sanguine,
-
un bilan d’hémostase : TP, TCA, dosage du fibrinogène,
-
un ionogramme sanguin avec le taux d’urée et de créatinine plasmatique,
-
un dosage des transaminases et des CPK,
-
une bandelette urinaire avec recherche de protéinurie et d’hématurie,
-
un électrocardiogramme,
-
éventuellement, un dosage spécifique des facteurs de la coagulation, de la myoglobinémie
et de la myoglobinurie [2].
150
Ce premier bilan clinique et paraclinique permet de confirmer le diagnostic
d’envenimation, d’évaluer la gravité de celle-ci et parfois d’identifier l’espèce incriminée
[61].
En l’absence de laboratoire, le temps de coagulation sur tube sec permet un
diagnostic rapide, fiable et sensible [25]. Un prélèvement de sang veineux de quelques
millilitres est effectué dans un tube sec, propre et sans aucun ajout, en particulier sans
anticoagulant (un tube neuf, non siliconé est la meilleure solution) [19]. Après 30 minutes
d’incubation sans agitation, le tube est observé. L’absence totale de caillot ou la formation
d’un caillot partiel ou friable traduit un syndrome hémorragique latent ou avéré [25]. Un test
positif impose une immunothérapie même en l’absence de signe clinique [19].
Des tests immunologiques ELISA permettent l’identification de l’espèce et un
dosage précis des toxines et des enzymes présentes dans le venin. Si ces techniques
commencent à être utilisées en routine aux Etats-Unis ou en Australie, elles sont trop
coûteuses pour les équipes africaines [2, 17, 113].
II- LE TRAITEMENT SPECIFIQUE : L’IMMUNOTHERAPIE ANTIVENIMEUSE
L’immunothérapie, unique thérapeutique spécifique de l’envenimation ophidienne, est
considérée à présent comme un traitement global de l’envenimation et non plus seulement
comme un antidote des effets létaux du venin [18, 29]. La réduction du temps
d’hospitalisation chez les sujets soumis à une immunothérapie est constatée par un nombre
croissant de praticiens [18]. Une étude menée au Burkina Faso a démontré que l’antivenin
administré selon un protocole standardisé fait passer la mortalité imputable aux morsures de
vipères de 7 % à 1 % [47]. L’administration de l’immunothérapie antivenimeuse dans les
heures qui suivent la morsure permettrait de diminuer de 90 % la létalité des envenimations
[5, 12].
L’effet préventif de l’immunothérapie sur le développement des complications locales
reste controversé mais il est sans doute dépendant de la précocité du traitement et de la qualité
des premiers gestes [18]. L’immunothérapie permet de diminuer le coût du traitement d’une
151
envenimation, en évitant la nécessité d’une évacuation rapide voire d’une hospitalisation
[107].
Les détracteurs des antivenins avancent ces différentes raisons qui sont fausses [86] :
- efficacité inconstante, surtout après un délai important entre la morsure et la mise en route
du traitement [29] ;
- tolérance insuffisante, le risque de l’antivenin est supérieur à celui de l’envenimation [18] ;
- difficulté de conservation, notamment en région tropicale [29] ;
- protocole d’administration (indication, posologie, voie d’administration) imprécis [18].
A- Indications
L’indication de l’immunothérapie doit prendre en compte la symptomatologie, les
circonstances de la morsure, le délai écoulé après la morsure et l’environnement médical, en
particulier l’accessibilité à une unité de soins intensifs [18].
L’immunothérapie se justifie devant une envenimation sévère (syndrome local
marqué, saignements, atteinte circulatoire, neurotoxicité, myotoxicité, insuffisance rénale ou
urines foncées, témoins d’une myoglobinurie ou d’une hémoglobinurie) ou si la clinique est
peu bruyante mais que l’espèce mise en cause possède un venin réputé hautement toxique [61,
127].
Elle est également indiquée chez l’enfant lorsque l’envenimation est certaine [29]. Il
existe peu d'études réalisées en milieu pédiatrique, mais l'efficacité des antivenins semble
similaire chez les enfants et chez les adultes [111]. Au moindre doute clinique, on la
commencera chez le vieillard, le diabétique, le coronarien connu ou la femme enceinte [101].
Dans les envenimations par Vipéridés, aussi longtemps que le sang du malade
demeure incoagulable, l’antivenin conserve la capacité de neutraliser le venin en circulation
dans l’organisme [86]. Ainsi, des guérisons sans séquelle de patients envenimés par Echis et
traités avec succès plusieurs jours plus tard ont été rapportées [66]. En cas de prise en charge
tardive, la posologie doit tenir compte du retard dans sa mise en œuvre et être adaptée en
fonction de l’état clinique [18]. L’antivenin doit être alors associé à des mesures de déchocage
[29].
152
B- Mise en oeuvre
La posologie est fondée sur la diagnose du serpent responsable de l’envenimation, le
délai de mise en route de l’immunothérapie, l’évolution clinique, le titre protecteur de
l’antivenin et l’environnement médical ; et sera administrée par voie intra-veineuse [18].
Il est illogique d’adapter la posologie au poids ou à l’age de la victime. La posologie
dépend uniquement de la quantité de venin inoculé ; l’insuffisance quantitative de
l’immunothérapie est probablement à l’origine de bien des échecs [29, 30]. Faute de pouvoir
évaluer la quantité de venin circulante, on cherchera à se situer en excès d’anticorps pour
éliminer toute toxine libre. La posologie est donc identique chez l’adulte et chez l’enfant, en
adaptant la quantité de liquide au poids de l’enfant [88].
Toutefois, au-delà d’une certaine quantité d’immunoglobulines, il semble que le
bénéfice thérapeutique attendu soit négligeable [104]. Par ailleurs, le risque d’apparition de
maladie sérique est proportionnel à la quantité de protéines hétérologues injectée et dont on
s’efforcera de limiter au nécessaire les doses administrées [18].
L’optimisation du protocole thérapeutique fait actuellement l’objet de plusieurs études
cliniques [32]. De nombreuses notices posologiques sont mal rédigées (posologie, voie
d’administration et précautions d’emploi) [87].
Chippaux propose le protocole suivant pour les morsures survenant en Afrique [19] :
-
A H0 (début de la prise en charge), deux ampoules d’antivenin diluées dans 250 mL
de sérum salé ou glucosé administrées en 1 heure,
-
A H4, réévaluation du patient, et administration de deux nouvelles ampoules si besoin,
-
A H10, réévaluation du patient, et administration de deux nouvelles ampoules si
besoin,
-
A H16, à H24, etc. ; même démarche.
Au total, 8 ampoules peuvent être administrées au cours des 24 premières heures après
l’admission et entre 4 et 6 ampoules au cours des 24 heures suivantes. Enfin, l’administration
en IV directe des deux ou quatre premières ampoules peut être justifiée par la sévérité de
l’envenimation [19]. Des doses de 100 à 150 mL administrées en une journée ont été
153
préconisées. On s’oriente actuellement vers des posologies beaucoup plus modestes, afin de
réduire le coût total du traitement et les potentiels effets secondaires [18].
Dilué dans une solution isotonique, l’administration lente de l’antivenin (30 à 45
minutes) semble plus prudente et favorise une meilleure distribution des anticorps. Elle
autorise un meilleur contrôle des éventuels effets secondaires immédiats ou précoces [18,
138].
Toutefois, l’injection directe lente permettrait de diminuer les doses nécessaires [120].
Elle est remarquablement bien tolérée et permet de simplifier le traitement [15, 18]. La voie
intraveineuse directe réduit le coût du traitement, favorise un contact anticorps/antigène plus
rapide et diminue le temps de surveillance sans augmenter significativement le risque. Cette
méthode d’administration est donc a priori justifiée dans les envenimations graves à évolution
brutale [18]. On retiendra ces trois indications : évolution rapide de l’envenimation, état de
choc et troubles de la conscience, traitement entrepris avec retard [107].
La poursuite de l’immunothérapie est fonction de l’évolution : jusqu’à normalisation
des paramètres biologiques ou arrêt du saignement en cas de syndrome hémorragique,
pendant trois jours en cas de syndrome inflammatoire intense ou de nécrose. La re-circulation
du venin peut nécessiter un renouvellement plus tardif du traitement [24].
III- TRAITEMENTS ADJUVANTS
A- De façon systématique
Le patient est mis au repos strict au lit : un traumatisme secondaire mineur peut
engendrer un syndrome hémorragique mettant en jeu le pronostic vital [51].
La morsure fera l’objet de soins locaux sans pansement [2], à type de lavage et de
désinfection avec un antiseptique classique. Les colorants qui pourraient masquer des signes
cutanés frustes seront évités [61]. Le membre mordu doit être immobilisé dans une attelle
matelassée et surélevée, dans ce cas, une ascension proximale de l'oedème ne signifie pas
nécessairement une progression du processus pathologique [115].
154
La sérovaccination antitétanique sera pratiquée selon les règles habituelles devant
toute morsure animale [61]. Quatre cas de tétanos ont été décrits au Nigeria dont deux décès.
On sera particulièrement sensible à cette mesure dans les pays en voie de développement telle
que la République de Djibouti, du fait des irrégularités de la couverture vaccinale au niveau
de la population et des thérapeutiques traditionnelles iatrogènes souvent appliquées en guise
de premiers soins [65]. En revanche, les serpents ne sont pas vecteurs de la rage [107].
La corticothérapie n’a d’autre indication que la prévention et le traitement des
accidents allergiques de l’immunothérapie (ex : Hydrocortisone) [87].
En
dépit
des
germes
buccaux
et
du
risque
de
surinfection
fréquent,
l’antibioprophylaxie n’a pas fait la preuve de son efficacité mais elle entraîne un surcoût et un
risque d’émergence de bactéries multi-résistantes [101, 123]. Nous recommandons une
antibiothérapie uniquement en cas de plaie surinfectée, de phlyctènes, de nécrose, de
gangrène, de sepsis ou de thérapeutiques septiques des premiers secours ou de médecine
traditionnelle telles les scarifications. En cas de nécrose ou de gangrène, elle doit être
secondairement
adaptée
aux
résultats
de
prélèvements
bactériologiques
et
de
l’antibiogramme.
En cas d'alitement prolongé, les mesures de prévention du décubitus (kinésithérapie,
prévention des escarres, etc.) sont appliquées [136]. La prévention de la maladie thromboembolique par héparinothérapie n’est débutée que lorsque l’hémostase est stabilisée.
En cas de choc anaphylactique, la perfusion d’antivenin est arrêtée et l’état circulatoire
et respiratoire est restauré avec de l’adrénaline au pousse-seringue électrique. La perfusion
d’antivenin est lentement reprise en parallèle avec celle de l’adrénaline [100]. Des mesures
non spécifiques de réanimation sont le plus souvent indiquées : intubation, ventilation assistée
en oxygène pur, remplissage vasculaire par cristalloïdes isotoniques, etc.
B- En cas de troubles de l’hémostase
En l’absence d’antivenin, la résolution des troubles hémostatiques nécessite plusieurs
jours [140]. L’immunothérapie est la seule thérapeutique valable pour corriger de façon
rapide ces troubles.
Devant une anémie aiguë et un risque hémorragique persistant, il est souhaitable de
transfuser des concentrés érythrocytaires par anticipation [88].
155
L’apport de sang frais ou de fractions sanguines semble avoir fait la preuve de son
inefficacité dans la plupart des cas. La consommation des facteurs ainsi mis en circulation est
immédiate et semble même entretenir l’effet du venin [18, 66]. Il n’y a aucune indication au
PPSB. Néanmoins, certains auteurs proposent dans l’attente de la normalisation de
l’hémostase la transfusion de facteurs de coagulation et/ou de concentrés plaquettaires comme
mesure de sauvetage en cas d’hémorragie active ou potentielle (geste invasif) avec baisse du
TP en dessous de 35 % et/ou thrombopénie inférieure à 50 G/L [5].
Les antifibrinolytiques ont été proposés mais leur utilisation est controversée [87]. On
peut utiliser l’acide tranexamique (EXACYL® : 1g), l’aprotinine (INIPROL® : 0,4 million
d’unités) ou l’acide aminocaproique (HEMOCAPROL® : 2g) [19]. Cette thérapeutique aurait
essentiellement un intérêt lors des phénomènes de fibrinolyse primitive constatée lors
d’envenimations par certains Vipéridés [90], bien que les enzymes fibrinolytiques soient
chimiquement distinctes de la plasmine, ce qui soulève les mêmes objections que pour
l’héparine [87].
Les hémostatiques (DICYCONE® : 500 mg IV) peuvent être administrés deux fois par
jour [19].
Expérimentalement
et
cliniquement,
le
polyester
sulfurique
de
pentosane
(HEMOCLAR®) fait preuve d’une certaine efficacité sans que la raison en soit élucidée [12].
L’héparinothérapie doit être proscrite dans les envenimations ophidiennes. La
meizothrombine produite sous l’action du venin et a fortiori des enzymes thrombiniques a une
structure moléculaire différente de celle de la thrombine. Ni l’héparine, ni l’hirudine, ni
l’antithrombine III ne pourront donc la neutraliser et aggravent en revanche le syndrome
hémorragique. La multiplicité des cibles pour un même venin explique le fait qu’il reste
illusoire d’espérer contrecarrer un syndrome hémorragique en agissant sur une seule étape de
l’hémostase [89]. Le seul traitement efficace est l’antivenin.
156
C- En cas de syndrome local
La douleur peut être calmée par du paracétamol mais nécessite le plus souvent de la
morphine. L’anesthésie loco-régionale par bloc tronculaire peut s’avérer d’un certain intérêt
pour calmer la douleur rebelle à la morphine [30]. Elle est formellement contre-indiquée en
cas de troubles de l’hémostase. De même, ni l'aspirine, ni les AINS ne doivent être utilisés
[19].
On excisera les phlyctènes, afin de surveiller la nécrose sous-jacente [101].
Un œdème très important ne justifie pas à lui seul un geste chirurgical [91].
L'aponévrotomie n’est indiquée que lorsque la pression intracompartimentale est supérieure à
30 mm Hg, le patient ayant reçu une dose adaptée d'antivenin. En revanche, elle grève le
pronostic fonctionnel du membre: un patient ayant subi une aponévrotomie ne récupérera pas
toujours sa motricité antérieure [115].
Les excisions des tissus nécrosés ne sont d’aucun bénéfice tant que les lésions ne sont
pas stabilisées et l’inflammation parfaitement contrôlée, [18, 82]. Les spécialistes préfèrent
donc l’ « expectative armée », c'est-à-dire une surveillance active avec bains antiseptiques à
température ordinaire biquotidiens sur la morsure, traitement médical et immunothérapie [30].
En cas de nécessité d'un geste à distance, une greffe peut être nécessaire pour recouvrir les
tissus laissés à nu [91, 115].
Certains tableaux dramatiques peuvent nécessiter une amputation de sauvetage [2].
Les
traitements
inhibiteurs
administrés
précocement
semblent
intéressants :
l’inhibition des hyaluronidases par le cromoglycate de sodium et l’auro-thiomalate réduit le
syndrome local et prolonge la survie chez des souris ayant reçu une dose mortelle de venin de
Naja kaouthia et Calloselasma rhodostoma [59]. Le para-bromophénacyl bromide
(BATIMASTAT®) et la murinoglobuline sont des inhibiteurs des métalloprotéases dont
l’efficacité sur le syndrome local a été confirmée expérimentalement [12, 103].
157
D- En cas d’atteinte d’autres fonctions
Devant une détresse hémodynamique, un remplissage vasculaire et la noradrénaline
sont indispensables [5].
L’insuffisance rénale doit être prévenue par le maintien de la volémie (remplissage,
transfusion) et d’une diurèse autour de 1 mL/Kg/h pendant toute la durée de l’envenimation
[18]. Il faut éviter les diurétiques qui aggravent les risques de détérioration rénale. Une fois
installée, elle indique une épuration extra-rénale [2]. Il faut alcaniser les urines en cas de
rhabdomyolyse [142].
IV-SURVEILLANCE CLINIQUE ET PARACLINIQUE
La poursuite de l’administration de l’antivenin dépend de l’état du patient. La
surveillance est donc un élément fondamental du traitement [19].
A- Surveillance clinique
Elle permet de dépister et de traiter un éventuel effet secondaire [18].
Les hémorragies traduisent une envenimation sévère. Une reprise des saignements
après un premier traitement efficace n’est pas exceptionnelle et impose le renouvellement de
l’immunothérapie [18, 125]. Ces saignements peuvent aussi bien survenir au niveau de la
morsure qu’à distance [19].
L’inertie importante de l’œdème le rend peu sensible pour la surveillance [18].
La surveillance portera également sur la progression de la nécrose, l’évolution du
pouls, de la pression artérielle, de la ventilation, de la diurèse horaire et sur l’état de
conscience [87].
158
B- Surveillance paraclinique
1- Surveillance biologique
La surveillance biologique des troubles de l’hémostase doit être effectuée 4 h après
chaque administration d’antivenin puis toutes les 6 h le premier jour et chaque matin jusqu’à
la guérison [18].
Une NFS et un bilan d’hémostase, comprenant un TP, un TCA et un dosage du
fibrinogène, doivent être réalisés plusieurs fois par jour afin de dépister les anémies qui
doivent être corrigées par des transfusions érythrocytaires et de surveiller l’efficacité de
l’immunothérapie. Un bilan pré-transfusionnel (groupe sanguin, rhésus et recherche
d’agglutinines irrégulières) est indispensable.
La poursuite de l’immunothérapie est indiquée devant une fibrinogénémie inférieure à
1 g/L, un TP inférieur à 50 %, un TCA supérieur à 1,5 fois le temps du témoin [87].
Le temps de coagulation sur tube sec constitue l’essentiel de la surveillance sur le
terrain. S’il est supérieur à 30 minutes, la poursuite de l’immunothérapie est licite [25].
Il est classique d’observer un décalage entre la clinique et la biologie : le patient cesse
de saigner avant la normalisation de son hémostase [86].
Le bilan sanguin comprend également un ionogramme (kaliémie), des CPK, un dosage
de la créatinine et de l’urée. La bandelette urinaire dépistera une protéinurie ou une hématurie
[87].
Devant l’apparition d’une fièvre, d’une hypothermie ou d’une aggravation inexpliquée
du patient, les prélèvements suivants seront réalisés : goutte épaisse, hémocultures, ECBU,
prélèvement bronchique si le patient est intubé. Le sepsis est souvent en rapport avec des
infections nosocomiales : surinfection de la plaie ou de la nécrose, pneumopathie nosocomiale
chez un patient intubé et ventilé. Devant une surinfection de plaie, l’antibiothérapie de choix
est l’association amoxicilline et acide clavulanique ou l’association pénicilline G et
métronidazole. Le paludisme ne doit pas être oublié dans ce contexte d’immunodépression
relative [5].
159
2- Surveillance du syndrome local
La mesure de la pression intracompartimentale permet de suivre la progression de
l’œdème et de poser une éventuelle indication chirurgicale. Un des dispositifs de mesure les
plus simples est le dispositif de Whiteside mais il existe des systèmes plus sophistiqués,
spécifiques comme le Stic cathéter ou polyvalents comme les capteurs de pression invasive
par transduction utilisés en réanimation [74] ;
L’échographie permet la surveillance de l’œdème et la recherche d’une nécrose
musculaire. Une augmentation de l’échogénicité des muscles traduit une défaillance
circulatoire et une hausse de la pression intracompartimentale. Le doppler vérifie l’existence
de pouls [12].
C- Quand arrêter l’administration d’antivenin ?
L’immunothérapie sera suspendue à l’arrêt des saignements et lorsque le temps de
coagulation sur tube sec sera inférieur à 30 minutes [25]. La surveillance se maintiendra
pendant 24 heures après l’arrêt de l’administration d’antivenin, avant de laisser repartir le
patient afin de ne pas méconnaître une récidive précoce [18]
160
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SERMENT D’HIPPOCRATE
En présence des Maîtres de cette Ecole, de mes condisciples, je
promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans
l’exercice de la Médecine.
Je donnerai mes soins gratuitement à l’indigent et n’exigerai jamais
un salaire au-dessus de mon travail.
Admis dans l’intimité des maisons, mes yeux n’y verront pas ce qui
s’y passe ; ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne
servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime.
Reconnaissant envers mes Maîtres, je tiendrai leurs enfants et ceux de
mes confrères pour des frères, et s’ils devaient apprendre la Médecine ou
recourir à mes soins, je les instruirai et les soignerai sans salaire ni
engagement.
Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir
heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais parmi les
hommes. Si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort
contraire.
173
ANNEE : 2007
NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : LARRECHE Sébastien
PRESIDENT DE THESE : Monsieur le Professeur Christian RIPERT
DIRECTEUR DE THESE : Monsieur le Médecin en Chef Georges MION
TITRE DE LA THESE : Les envenimations par Vipéridés en République de Djibouti d’octobre 1994 à mai
2006: étude rétrospective dans le service de réanimation du groupement médico-chirurgical Bouffard.
Cette étude a porté sur 84 patients admis pour morsure de serpent. L’objectif principal était de décrire
leurs caractéristiques épidémiologiques, cliniques, biologiques, thérapeutiques et évolutives.
A Djibouti, le risque ophidien est constant au cours de l’année, avec une majoration au cours de la
saison chaude et une minoration lors des périodes humides. Les morsures surviennent volontiers en fin de
journée, entre 18 et 20 heures (25%). Les hommes sont touchés trois fois plus que les femmes et les enfants sont
rarement mordus (15%).
Les morsures prédominent au niveau du membre inférieur (57%). Le principal signe clinique est un
œdème loco-régional (95%) souvent modéré. La nécrose est en revanche rare (10%). Des saignements ont été
rapportés chez la moitié des patients. Une coagulopathie de consommation est très fréquente (82%), avec chute
du TP, élévation majeure du TCA et afibrinogénémie initiale. Cette présentation clinique et biologique fait
évoquer en premier lieu une envenimation par Echis pyramidum.
L’immunothérapie antivenimeuse est le seul traitement spécifique et efficace de l’envenimation. Le
FAV-Afrique® est un produit très efficace et bien toléré ; mais son prix élevé limite son accessibilité. Sa
paraspécificité vis-à-vis du venin d’Echis pyramidum de la République de Djibouti est excellente. 35 % des
patients n’ont reçu qu’une ampoule initiale et tous ont survécu. Nous n’avons pas mis en évidence de supériorité
en cas de posologie initiale de 2 ampoules (posologie recommandée).
L’étude de l’évolution de l’hémostase a montré un délai semblable de normalisation des différents
paramètres biologiques, que la prise en charge soit débutée avant ou après la 24ème heure post-morsure. Ce
résultat, intéressant car démontré factuellement pour la première fois, confirme la notion empirique qu’une prise
en charge tardive ne doit pas constituer une contre-indication à l’antivenin.
Nous proposons une conduite à tenir devant une envenimation vipérine basée sur un grade clinicobiologique.
MOTS-CLES :
- Viperidae
- Djibouti
- Morsures de serpent
- Troubles de l’hémostase et de la coagulation
ADRESSE DE L’UFR : 8, Rue du Général SARRAIL
94010 CRETEIL CEDEX
174

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