la-spirale-punish

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PUNISH YOUSELF
Cauchemars urbains, overdoses télévisuelles, junkfood et
obsessions sexuelles... La Spirale s'est plongée au tournant du
millénaire dans l'univers sonore, visuel et psychotrope des
techno-punks de Punish Yourself. Après une première immersion
musicale et quelques échanges de courrier, la rencontre ne
pouvait qu'avoir lieu.
Où il est question de radicalisation, de cyberpunk, de
fluorescence et de sexualités polymorphes, une
interview datée de l'année 2001, peu de temps après la
sortie de l'album « Disco Flesh - Warp 99 »,
annonciatrice à sa manière des errances du nouveau
millénaire, entre décadence sociétale, hystérie
connective et effondrement systémique.
Propos recueillis par Laurent Courau.
Photographie par Yaël Paris
Punish Yourself... Votre nom laisse supposer des connexions avec les scènes
fétichistes et sado-masochistes. Etes-vous partisans du latex, des chaînes et
du fouet ?
Le nom a été donné au départ sans réfléchir à la connotation SM, mais c'est vrai
qu'on a toujours ressenti une fascination esthétique pour l'imagerie latex / fetish, ça
doit d'ailleurs certainement plus venir des Cramps et du Rocky Horror Show que de
Die Form... Par contre, sur scène, on a effectivement des comportements SM, mais
ça tient plus à une forme primale de défoulement qu'à l'imagerie sexshop. C'est
plutôt treillis et fourrures que latex, mais ça m'est arrivé de casser des néons à mains
nues et de me rouler dans le verre, de faire le chien et autres exhibitions/humiliations
auto-infligées...
Vous définissez votre style musical comme du PunkIndusTechnoDanceCore en
ajoutant que vous êtes sauvages, sexy et que vous aimez baiser tout le monde.
Garçons, filles ou autres. Ca me semble tout à fait alléchant et je ne doute pas
que les lectrices et les lecteurs de La Spirale aimeraient en savoir un peu plus.
Sur la musique ou sur la baise ? Pour la musique, je crois que
PunkIndusTechnoDanceCore résume bien le trip : des machines à bloc, des guitares
à bloc, des sons tordus, des beats pour danser... On a des influences autant punkhardcore que techno-indus, plus d'autres éléments plus exotiques, space rock et
glam batcave, alors voila. Pour la baise, je crois que c'est assez explicite. Il y a de
tout dans le groupe : gay, hétéro, indéfini... Alors on est preneur sur tous les
tableaux, sauf animaux jusqu'à nouvel ordre. Quant à ce qui est de "sauvages et
sexy", il faut venir nous voir pour comprendre vraiment...
Quels furent vos premiers contacts avec l'informatique et les nouvelles
technologies ? Et à quel moment avez-vous décidé de les utiliser dans votre
musique ?
J'ai acheté ma première boite à rythme à dix-sept ans. Depuis, je ne l'ai pas lachée,
le reste a suivi (par contre, je n'ai longtemps travaillé qu'avec du hardware dédié, je
n'étais pas du tout attiré par l'informatique, je trouvais que c'était plus vivant avec des
cables, des boutons et des afficheurs lumineux, le PC est venu plus tard). Pendant
longtemps, je ne m'en servais que chez moi, tout seul, Punish était un groupe sans
machine. On faisait du punk gothique... Mais comme en fait on écoutait surtout
Ministry, Front 242, les Lords Of Acid, on a bien fini par se rendre compte de ce
qu'on voulait vraiment faire...
Votre univers évoque l'ambiance nocturne, urbaine et décadente d'une
mégapole futuriste alors que vous vivez dans le sud de la France au pays des
grillons et du pastis au mètre. On vous verrait pourtant mieux dans un squatt
de la banlieue tokyoïte ou dans les caves d'une usine désaffectée de Berlin
Est. Comment gérez-vous ce décalage méridional ?
Il y a de très beaux squatts, caves et usines désaffectées à Toulouse, et je peux te
garantir que tu n'y entendras jamais un grillon. Toulouse est une ville où on sent
parfaitement les vibrations urbaines... C'est sûr, c'est pas Tokyo, Berlin ou Detroit,
mais on en a déjà un avant goût...
On reconnaît entre autres choses un extrait du speech d'introduction de Faster
Pussycat Kill Kill sur votre dernier album. Quelles sont vos sources
d'inspiration et vos références artistiques ? Que ce soit en musique, en
cinéma, en littérature, en graphisme ou sur tout autre support de création…
Bravo pour Russ Meyer, tu es le premier à t'en rendre compte. C'est vrai qu'on parle
beaucoup cinéma dans les textes (plus dialogues samplés), et comme on a tout un
visuel scénique, il y a forcément des inspirations. En films, quelques grands
classiques : La Nuit Du Chasseur, The Rocky Horror Show, Richard Kern, tout ce qui
est cinéma Z, le X... Pour les arts graphiques, le Pop Art, Jack Kirby, les comics des
années soixante, Druillet... On s'inspire moins directement de littérature, moi je suis
très branché SF (Spinrad, Zelazny, Dantec...) mais ça contribue plus à une
atmosphère générale qu'à des références précises.
Vous dîtes défendre les libertés sexuelles mais ce débat a-t-il encore lieu d'être
? Quitte à me faire l'avocat du diable, je me demande si les minorités sexuelles
n'ont pas gagné la guerre médiatique et si ce n'est pas actuellement au tour
des forces les plus réactionnaires de se trouver en position de dissidence.
Est-ce qu'une guerre gagnée médiatiquement est gagnée sur le terrain ? Ca reste à
prouver... L'homosexualité est beaucoup mieux acceptée, mais la sexualité (en
général) reste un sujet qui fâche. On ne veut pas être des militants "politiquement
corrects" des causes homo, nous on ne parle pas d'amour et de vie commune
romantique, mais de sexe hardcore. Et ça, ça passe encore mal avec pas mal de
gens... Quant au fait que les forces réactionnaires se retrouvent en position de
dissidence, c'est un de leurs déguisements préférés, non ? En tout cas, c'est la
tactique générale de l'extrême-droite de se poser en minorité opprimée...
Quels sont les groupes dont vous vous sentez proches en ce moment et que
pensez-vous, plus généralement, de la scène musicale française ? Est-ce que
vous ne vous sentez pas un peu isolés ?
On se sent vraiment en phase avec des groupes comme GRRZZZ (géant !), LT-No,
Fast-Forward, ou la scène techno hardcore (Micropoint, Manu Le Malin, Laurent
Hö...). Le milieu cyberpunk/indus n'est pas très étendu, mais il est très actif, alors
non, on ne se sent pas isolés. Il y a aussi de très bons groupes dans d'autres styles,
les Jerry Spider Gang par exemple...
Parlez-nous de vos prestations scéniques, dont la réputation n'est plus à faire.
On sait que vous jouez couverts de peintures fluorescentes sous des lumières
noires et que vous vous servez de projections vidéo mais encore ?
L'essentiel, c'est la lumière noire et le fluo. Les vidéos, ça dépend des occasions...
On a aussi toute un dispositif avec des "décors", des grilles de chantier devant la
scène, plus les stroboscopes, quand c'est possible, on bosse avec des performeurs
(danse, surtout), on est d'ailleurs ouverts à toutes les propositions dans ce sens.
Mais de toute façon, ce qui fait la différence entre nous et les autres, c'est qu'on n'a
pas ni limites ni inhibitions.
Pour quand est prévue votre prochaine tournée, qu'on attend d'ailleurs avec
impatience, et quand aurons-nous le plaisir de vous voir sur scène en région
parisienne ? Et peut-être au passage un petit mot pour toutes les groupies qui
vous attendent avec impatience ?
On recommence à tourner à la rentrée, à part quelques dates au Portugal fin juillet et
un festival dans le sud-est fin août. Les dates ne sont pas confirmées pour le
moment, mais on y sera, venez voir sur le site pour les infos... Quant aux groupies, je
leur dis, au sens littéral : "Fuck You".
Comment voyez-vous l'avenir et les prochaines décennies ? Apocalypse
climatique, mutations, guérilla urbaine et pandémies ? Renouveau spirituel,
mysticisme et avènement de l'âge du verseau ?
Pour le merdier climatique, c'est bien parti. Quant aux guérillas urbaines, les
mouvements anti-mondialisation ne vont pas en rester longtemps aux petites
bagarres gentilles, la radicalisation terroriste est en route, comme après 68... Je
conseille à tout le monde de lire la série des Jerry Cornelius, de Michael Moorcock.
Ca a été écrit entre 68 et 76, mais on y sent déjà le goût d'apocalypse au ralenti
qu'on commence à vivre...
J'ai lu sur le site Industry 666 que votre prochain album s'intitulera Sexplosive
Locomotive. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos projets
discographiques ainsi que sur Geisha Machine, votre label ?
Ce troisième album sortira début 2002, on a commencé à l'enregistrer. On ne sait
pas encore s'il sortira chez Geisha Machine ou sur une structure plus grosse... En
fait, Geisha Machine est une structure qu'on a monté nous même, pour être
indépendants. Pour l'instant on manque d'argent pour produire d'autres groupes,
mais c'est prévu, on va sortir le disque de PFX68 (side-project pur indus de notre
bassiste), par exemple. S'il y a des gens intéressés pour travailler avec le label, qu'ils
nous contactent, on verra ce qu'on peut faire. Le seul critère, c'est l'esprit cyberpunk.