Les textes logiques de CS Peirce du Dictionnaire de

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Les textes logiques de CS Peirce du Dictionnaire de
26/07/07
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C. S. Peirce
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Collection Essais
Les textes logiques de C. S. Peirce du Dictionnaire de
J. M. Baldwin
ISBN: 978-2-913376-95-3
Les textes logiques de C. S. Peirce du Dictionnaire de J. M. Baldwin
Charles S. Peirce tint un cahier de logique de 1865 à sa mort. Il y expérimente ses idées par l’écriture : « Here I write but never after read
what I have written for what I write is done in the process of forming
a conception. » Il y expérimente et prend date : on peut donc y suivre
à la trace la naissance et le développement de ses idées.
Les textes logiques de
C. S. Peirce
du Dictionnaire de
J. M. Baldwin
20 €
CHAMP SOCIAL ÉDITIONS
Introduction générale
Au cours des années quatre-vingt Gérard Deledalle a conçu l’idée de
mettre à la disposition des lecteurs français un recueil des écrits de Charles
S. Peirce sur la logique, un peu à la manière dont il avait procédé dans
Écrits sur le signe (éd. Seuil, 1978). Si le but de l’opération était similaire,
l’exécution de ce projet s’avérait moins complexe. En effet, alors que les
écrits de Peirce sur le signe sont dispersés à travers plusieurs volumes des
Collected Papers, ce qui a impliqué une lecture exhaustive avant de procéder
à un tri sélectif, il existait déjà un corpus de textes plus courts sur la logique,
écrits par Peirce pour le célèbre Dictionary of Philosophy and Psychology
édité par James Mark Baldwin (1901-5, New York, Macmillan, 3 vols). La
traduction de ces textes aurait, comme avantage supplémentaire, de faire
mieux connaître ce Dictionnaire, peu connu en France, mais qui a joué un
rôle important dans la transmission des idées à travers le monde anglophone. Ce sont donc ces définitions du Dictionnaire que Gérard Deledalle
a commencé à traduire.
Accaparé par d’autres travaux, il a temporairement abandonné cette traduction, tout en me confiant la suite, en vue d’une confrontation et d’une
vérification ultérieures. Le malheur a voulu que cette vérification, bien que
commencée, n’a pas pu se poursuivre.
Après la disparition de mon mari, j’ai déploré le fait qu’il n’ait pu mener
à terme un projet qui lui était aussi cher, et j’ai sollicité l’aide de Michel
Balat, à qui il avait accordé toute sa confiance. Michel Balat s’est associé
avec enthousiasme à ce projet, et a bien voulu, non seulement vérifier la
traduction des textes déjà traduits, mais en proposer d’autres qui lui semblaient complémentaires sinon indispensables à une compréhension de
« Peirce logicien » premier titre envisagé pour cet ouvrage par Gérard
Deledalle.
La traduction ici proposée est par conséquent l’oeuvre de trois traducteurs, un philosophe, un logicien et une angliciste. Nous avons donc dû
essayer de l’homogénéiser dans la mesure du possible. Ce qui ne présentait,
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à vrai dire, pas trop de problèmes, Gérard Deledalle ayant une conception
proprement sémiotique de la traduction, qui consiste à respecter et à faire
valoir tous les signes du texte.
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Il n’est pas toujours facile de traduire Peirce. S’il s’exprime parfois très
simplement dans un langage presque familier, à d’autres moments sa pensée l’entraîne dans des phrases fort longues et compliquées, qui ne deviennent claires qu’au bout de plusieurs lectures, encombrées qu’elles sont par
des incidentes, des parenthèses, et comportant parfois des restrictions ou
des quasi-négations qui peuvent donner au lecteur l’impression, erronée,
qu’il se contredit. C’est que comme son compatriote et contemporain
Henry James le romancier, il tient à exprimer toutes les nuances de sa pensée, voire les doutes que l’on pourrait ressentir, ou que lui-même à la vérité
ressent, à l’égard de ce qu’il est en train de dire. Ces doutes, ces remords, ces
objections à peine suggérées font partie intégrante de la pensée de Peirce.
En outre, Peirce, qui préconisait une « déontologie terminologique »
très stricte, inventait des termes pour des concepts qu’il estimait nouveaux,
ou en ressuscitait d’anciens tombés en désuétude. Il s’est exprimé maintes
fois d’une manière assez véhémente au sujet de la terminologie. On peut
lire dans ses comptes rendus écrits pour la revue The Nation de violentes
dénonciations de l’utilisation abusive de certains termes abstraits, par
exemple de « (l)’emploi continuel du terme “concept”, » qui, dit-il « est une
manière allemande de s’exprimer », et manque de « précision logique »
(Ketner et Cook 1978, b 134)1.
Nous avons donc essayé de poursuivre la méthode employée par Gérard
Deledalle dans ce domaine, en respectant scrupuleusement non seulement
la terminologie de Peirce, ce qui a entraîné parfois l’utilisation de termes
insolites ou de néologismes, mais aussi son style, en maintenant certaines
constructions à première vue compliqueés ou alambiquées, mais qui sont
autant de signes d’une pensée qui se cherche, qui se retourne sur ellemême, une pensée en action. Si, inévitablement, l’élégance de la phrase en
souffre parfois, notre seule justification est la fidélité au texte.
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Au début de chaque entrée du Dictionnaire figurent l’étymologie du
terme et son équivalent en français, en allemand et en italien. Dans cette
traduction nous avons remplacé le terme français par l’équivalent anglais,
c’est-à-dire celui qui figure dans le texte d’origine. Dans la Préface du
Dictionnaire il est précisé que ces équivalents ne sont pas dûs aux auteurs
des articles. Mais comme Peirce s’y réfère parfois, nous avons cru bon de les
maintenir. Un cas typique est celui de l’article sur « L’imagerie »
(« Imaging » en anglais) où nous voyons Peirce lui-même aux prises avec un
problème de traduction. En effet, il s’agit ici du terme allemand
« Abbildung » qui désigne un concept qu’il désire véhiculer en anglais. Il
invente donc un néologisme, car « imaging » n’est pas, à proprement parler,
employé en anglais, et ses traducteurs sont obligés de le suivre, tant bien
que mal ; car si l’on peut défendre « imaging » pour la raison que ce terme
est théoriquement le gérondif du verbe, rarement employé, « to image »,
nous avons dû avoir recours à un terme déjà utilisé en français dans un
contexte scientifique, « imagerie », avec un sens quelque peu différent. Ici,
nous n’avons pu, en quelque sorte, que transposer les difficultés.
Les bibliographies qui figurent à la fin de la plupart des entrées concernent surtout des ouvrages anglais, allemands, latins et grecs. Dans la
mesure où il s’agit souvent d’ouvrages classiques sur le sujet, connus des
logiciens francophones, nous avons gardé les titres tels que Peirce les a cités.
Mais dans le corps du texte Peirce n’est pas systématique. Parfois il traduit
le titre en anglais, et dans ce cas nous le traduisons en français, car en général il ne s’agit que d’une allusion faite en passant, sans référence précise,
mais le plus souvent il cite le titre dans sa langue d’origine dans quel cas
nous faisons de même. Cette politique, qui peut, évidemment, prêter à critique, est cependant justifiable dans la mesure où les citations de Peirce
sont très précises et se réfèrent à une édition particulière.
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Un dernier mot sur un autre type de traduction. En 1985, Gérard
Deledalle a publié un inédit de Peirce écrit en français, qu’il a intitulé
Introduction à un traité de logique. Comme le précise Deledalle dans sa présentation, il s’agit de notes écrites dans un cahier de logique à partir de
1865. Ce texte devait évidemment être présenté, dans ces circonstances-là,
tel que Peirce l’avait écrit, avec ses fautes, ses hésitations, et les modifications qu’il y avait apportées au cours de la rédaction.
Gérard Deledalle envisageait d’utiliser ces notes fort éclairantes en guise
de préface à ce recueil d’écrits sur la logique qu’il était en train de traduire.
Nous avons donc retenu ce texte, mais nous avons estimé que dans le cas
présent il n’était pas utile de reproduire les nombreuses fautes de français de
Peirce, qui, lui-même avoue « s’exercer » à écrire une langue dont il avait
quelque peu perdu l’habitude.
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Ce que le lecteur aura à sa disposition est donc une version corrigée de
ces notes en français. Ces corrections concernent uniquement l’orthographe, la grammaire et les locutions idiomatiques. Le lecteur curieux
pourra lire le texte originel dans Introduction à un traité de logique, un
inédit de Charles S. Peirce, présenté et édité par Gérard Deledalle,
Kodikas/Code, vol. 8, N° 1/2, 1-9. (J. D.-R.)
NOTE
1. Kenneth Laine Ketner et James Edward Cook (éds.) 1978, Charles Sanders Peirce,
Contributions to The Nation, 4 vols., Lubbock : Texas Tech University. Cf. J. DeledalleRhodes, « The Transposition of the Linguistic Sign in Peirce's Contributions to The
Nation », Transactions of the C. S. Peirce Society, 1996, xxxii, 667-682.