Au sujet de l`appel au secours du théâtre de la Digue

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Au sujet de l`appel au secours du théâtre de la Digue
COMMUNIQUE DU COUAC, COLLECTIF URGENCE D’ACTEURS CULTURELS – 9 AVRIL 2009
Au sujet de l’appel au secours du théâtre de la Digue
Ce qui arrive aujourd’hui au théâtre de la Digue témoigne d’une volonté de l’Etat de
se désengager du théâtre et des circuits de création dans leur ensemble et plus
particulièrement d’un certain type de lieu de production et de création. En même temps
cela pose la question, dans un contexte de crise majeure et de ce désengagement de
l’Etat, du sort réservé aux compagnies régionales, à leurs créations et à leur diffusion
tant sur le territoire de la communauté urbaine et de la région que sur l’ensemble du
territoire national. La Digue a été le symbole de l’aide aux compagnies régionales mais
a peut-être aussi servi d’alibi au désintérêt des autres théâtres pour une création
régionale dépréciée.
Le théâtre de la Digue se retrouve aujourd’hui dans une situation très critique à cause
de l’abandon programmé de l’Etat, dès l’année 2009 semble-t-il, qui grèverait le budget
du théâtre de 150.000 € (participation de l’Etat qui disparaît purement et
simplement). Il s’ajoute à cela une diminution de 80.000 € de la Région, après une
diminution l’année dernière de 50.000 €. Le budget global du théâtre est de 950 000 €.
Ces décisions le réduiraient à 670.000 € environ.
Il n’est pas question de remettre en cause ce qu’a été pour le théâtre à Toulouse le rôle
du théâtre de la Digue, qui a programmé jusqu’en 2005 et aidé à se constituer de
multiples aventures. Sa légitimité a été acquise par un travail assidu et sérieux autour de
projets ambitieux.
Alors comment expliquer cette désaffection des tutelles et aussi cet éloignement,
ressentis par certains d’entre nous ces derniers temps ?
Lorsque le théâtre ouvrait ses portes au public pour des représentations, il était
fréquenté par beaucoup d’entre nous et nous nous y sentions accueillis, nous pouvions
rencontrer la direction et il existait une curiosité mutuelle. Son directeur était présent
sur les manifestations régionales. La fermeture de la salle au public a interrompu ce
dialogue.
On peut s’interroger sur les missions actuelles du théâtre de la Digue et sa façon d’aider
et de participer à la création régionale : choix et nombre des compagnies, qualité et
volume de l’aide financière et matérielle, conséquence de ce parrainage sur le soutien
financier de l’Etat et des collectivités à ces compagnies… Existe-t- il un appel à
candidature et qui en est informé ? Quelle en est la mise en oeuvre, et quels sont les
critères de choix ? Est ce que le théâtre de la Digue s’est constitué un réseau hors
LE COUAC – Collectif Urgence d’Acteurs Culturels - 12, rue Ferdinand Lassalle 31200 Toulouse
[email protected] - 05 61 22 95 41 Siret : 439 423 187 000 20 – APE : 9412 Z
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région qui lui permette d’aider les compagnies ou des spectacles « labellisés » à tourner
leurs réalisations à l’extérieur? Quelle est la représentativité des équipes choisies dans
le paysage théâtral régional, le turnover qui y est organisé, l’accessibilité de cet outil ?
N’y a-t-il pas un risque que l’installation trop longue des uns et des autres ne finisse par
créer une sorte de « cercle de qualité » qui s’isole de plus en plus de ce qui se
mutualise sur le territoire, et ne devienne un obstacle à une « nouvelle donne »
favorisée par l’arrivée d’un changement de la politique municipale et l’idée d’un
nouveau dynamisme au niveau de la création théâtrale ?
Ne devons-nous pas nous poser la question de tous les « pôles structurants » ? A force
d’être pilotés trop longtemps par les mêmes, ne s’éloignent-ils pas du dynamisme, de
l’ouverture et du rayonnement pour lesquels ils ont été imaginés et ne donnent-ils pas
de la création locale une image blasée incapable de prendre en compte ses évolutions ?
L'absence de renouvellement d’un staff de décideur sur toute la région, comme
l’absence de volonté à faire évoluer et respecter les cahiers des charges adossés au
fonctionnement des théâtres peuvent confiner à l’immobilisme et à la désespérance.
Sans changement des mentalités ou des personnes nous voyons mal comment les
choses pourraient évoluer.
Alors bien que nous déplorions une fois de plus le désengagement d’un Etat qui ne
semble ne plus vouloir assumer ses responsabilités au niveau de l’art, de l’éducation et
de la recherche, la question qui se pose aujourd’hui est : face à une organisation du
théâtre qui coûte très cher et dont les portes se ferment de plus en plus aux acteurs
locaux, quelles solutions, quel coin peut être enfoncé dans une écorce de plus en plus
étanche aux acteurs régionaux, pour parvenir à bousculer un édifice et une
organisation qui se désintéresse de la création locale ?
Nous pensons que cela doit passer par une remise en cause globale de l’organisation
du théâtre en région, une répartition autre de l’argent public avec une réorientation des
missions des établissements publics ou subventionnés et, si nécessaire, le transfert de
financements d’une structure à une autre, en fonction des nouvelles missions attribuées
à chacune de ces structures. S’il s’avérait (ce que nous ne souhaitons pas) que le théâtre
de la Digue ne puisse plus jamais ouvrir ses portes au public pour la diffusion, il nous
paraîtrait alors normal qu’une partie de son budget soit déplacée sur d’autres théâtres
toulousains, équipés pour cela, et qui eux aussi participent à l’accueil des compagnies
régionales et qui disposent, pour fonctionner, de budgets de moins du quart ou du
dixième de celui du théâtre de la Digue.
Cela est vrai aussi d’autres théâtres comme le théâtre Daniel Sorano, « théâtre
municipal », qui semble préférer la création internationale à la création régionale,
parce que « ça marche bien », se mettant, sans audit des publics ni consultation, sur les
mêmes missions que le TNT et le théâtre Garonne. Est ce que la mairie actuelle qui
subventionne ce théâtre à hauteur de 700.000 € cette année, partage, approuve et
revendique ces choix ?
Ce constat d’une situation bloquée, cet état des lieux que nous faisons, montre que seul
un changement profond et des choix politiques forts et parfois douloureux, peuvent
permettre de redonner son dynamisme et sa place à la création régionale.
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Il faut appeler les structures institutionnelles à changer leur façon de faire et leur regard
sur la création locale, à se réinvestir, comme dans leurs jeunes années sur des équipes
de proximité.
On peut de toute façon déplorer la division du travail qui existe entre, d’un côté les
professionnels de la production et de la diffusion, et de l’autre, ceux de la création.
Beaucoup d’entre nous ont le désir de s’investir dans la production et la diffusion des
créations régionales et d’imaginer d’autres voies et d’autres façons de fonctionner.
Quelques pistes sont en discussion au sein du Couac :
- La participation à l’animation des théâtres toulousains, à reconsidérer dans leur
fonction d’outil de travail à la disposition des compagnies de création.
- L’évaluation des missions et du respect des cahiers des charges des établissements
publics.
- La réflexion autour d’un système permettant une vraie articulation entre les petites et
les grandes structures en fonction de la taille des différentes productions et permettant à
tous l’accès aux structures les mieux équipées tout en reconnaissant l’adéquation des
petites structures à des formes de grande qualité.
- La discussion de la durée des mandats concernant la direction des structures
publiques, ceux des équipes artistiques associées et ceux des comités d’experts, quand
ils existent, dans les différentes instances décisionnelles, en essayant d’éviter au
maximum que leurs membres soient juges et partie des décisions qui y sont discutées.
Un turnover fréquent au niveau de ces postes peut favoriser la vitalité, la diversité et
l’accueil des propositions artistiques.
Dans le contexte de crise actuelle, nous pensons qu’il faut surtout palier le déficit de
représentations des équipes régionales, en mettant en avant la diffusion de leurs
créations. Nous considérons qu’il est prioritaire d’octroyer de vrais moyens pour
organiser la présentation du travail de création théâtrale des compagnies installées en
région vers les publics et cela même si l’insuffisance des lieux destinés à la fabrique de
ces créations constitue également un problème auquel il est urgent de répondre.
En espérant que ces premiers éléments suscitent le débat et contribuent à le rendre
particulièrement vivant,
Le Couac, Collectif Urgence d’Acteurs Culturels
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