Coopération supranationale et politique pénale

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Coopération supranationale et politique pénale
Coopération supranationale
et politique pénale
Les premières mesures de coopération relatives à l’identification et à la neutralisation des
comportements terroristes semblent être d’une incidence limitée.
1. Les mesures de police numériques
Ces mesures se concentrent essentiellement sur Internet, perçu sans doute à raison, comme
le principal foyer de l’essor des pratiques radicalisées. Selon le gouvernement, le dernier
projet de loi de mars 2015 « permet de renforcer les moyens d'action des services de
renseignement tout en protégeant les Français dans le respect des libertés ». A été publié le 4
février 2015 un décret relatif au blocage de sites incitant au terrorisme. Le 4 mars, un décret
permettant le déréférencement dans les moteurs de recherches. Si l’intention est louable,
ces mesures apparaissent insuffisantes : fermer un site internet ou un profil sur un réseau social
incite ceux qui l’alimentent à en rouvrir un autre le lendemain. Déployer d’importants efforts
en ce sens est une entreprise probablement vouée à l’échec car il apparaît délicat
d’espérer l’éradication définitive de la nuisance numérique.
En outre, si l’ingérence dans la vie privée ou le secret des correspondances que constituent
ces actes de police se comprend par l’impérieuse nécessité d’assurer la sécurité publique, il
convient que les atteintes portées aux libertés individuelles soient strictement encadrées. Les
réactions institutionnelles excessives (voir ci-après l’exemple des condamnations pour
« apologie du terrorisme » prononcées suite aux attentats de janvier) sont largement contreproductives et passablement dangereuses.
2. Les mesures de police administrative
La mesure phare de la loi antiterroriste, adoptée avant les attentats de janvier (le 13
novembre 2014), consiste en la création d’une interdiction administrative de sortie du
territoire, sur décision du ministre de l’intérieur, pour une durée de six mois renouvelable,
contestable en justice. L’interdiction d’entrée sur le territoire est également prévue pour les
individus dont on suspecte que la présence en France pourrait constituer une menace grave
pour l’ordre public.
Ces dispositions soulèvent quelques difficultés. Elles ont été d’abord appliquées à des
détenus dont la libération était imminente. Ceux-ci, interdits de quitter le territoire, sont
contraints d’y rester sans qu’un suivi de leur activité –et de leur réinsertion- soit
nécessairement mis en place. Leur passeport ou leur carte d’identité est invalidé le temps de
la mesure, sans que des documents de substitution ne soient délivrés.
Pour ceux qui se voient ou se verront appliquer l’interdiction d’entrée sur le territoire, il
conviendrait de s’assurer que la mesure fasse l’objet d’une coopération internationale. A
défaut, ce n’est que reporter le problème ou confier le danger à des pays voisins.
Cependant, la question des mineurs quittant le territoire se pose, des exemples parsèment
chaque semaine les actualités. Une surveillance ou des règles plus strictes de voyages
pourraient être développées.
© Jeunes Radicaux de Gauche
Nos propositions
Un meilleur encadrement des individus faisant l’objet d’une mesure d’interdiction de sortie du
territoire. Renforcer et proposer des dispositifs de réinsertion efficace.
Une coopération internationale renforcée en matière d’interdiction d’entrée sur le territoire
3. Le renseignement un enjeu entre libertés publiques et sécurité
A partir du projet de loi renseignement, plusieurs points peuvent être salués, et d’autres
posent questions et inquiétude en termes de libertés publiques.
En premier lieu, sur la définition du cadre de l’action des services de sécurité, il apparait que
des formulations trop générales évoquent les domaines justifiant la mise en œuvre d’une
surveillance accrue, encadrée par les dispositions de la nouvelle loi :
- « l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et de la défense nationale »
- « la prévention du terrorisme »
- les « intérêts majeurs de la politique étrangère »
- la « prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions »
- « la criminalité et de la délinquance organisées ».
Si les priorités définies sur ce point sont compréhensibles, il est à regretter, dans un souci de
sécurité juridique, qu’une définition plus précise de certaines composantes, notamment les
points 3 et 4, n’ait pas été entreprise. Il semble que la mise en œuvre de cette loi doit rester
exceptionnelle ou du moins circonstanciée, et que le climat actuel ne saurait justifier une
application quotidienne de la législation sécuritaire renforcée.
En deuxième lieu et sur la création d’une autorité administrative indépendante chargée du
contrôle des politiques de sécurité, il est prévu que la Commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement (CNCTR) remplace l’ancienne Commission de contrôle des
interceptions de sécurité.
Si sa composition est équilibrée et présente certaines garanties démocratiques de
compétence et d’impartialité sauf peut-être sur le choix de la personnalité qualifiée (six
parlementaires issus de la majorité et de l’opposition, trois conseillers d’Etat, trois magistrats
de la Cour de cassation, une personnalité qualifiée dans le domaine de la sécurité), le
procédé choisi n’est peut-être pas optimal. La création des AAI souffre toujours d’un certain
déficit démocratique et peut témoigner de la volonté de masquer les titulaires réels du
pouvoir de décision. L’élargissement des pouvoirs de la CNIL peut ou aurait pu constituer une
alternative intéressante à la création d’une nouvelle AAI.
En troisième lieu et sur la détection de comportements suspects, afin de repérer et contrer la
menace terroriste, le projet de loi vise à contraindre les fournisseurs d’accès à internet à
« détecter, par un traitement automatique, une succession suspecte de données de
connexion ».
En clair, il s’agirait de pouvoir être instantanément informé du fait qu’une personne se
connecte sur un site de promotion du Djihad ou entre en contact avec des réseaux
terroristes. C’est l’une des dispositions les plus critiquées, à raison, du projet de loi.
Si l’on peut raisonnablement considérer que des mesures de surveillance conséquentes
existent déjà qui présentent des atteintes non négligeables à la vie privée des citoyens qui
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rendraient partiellement superfétatoire la présente loi, notre vigilance se situe toujours du
côté du respect des libertés publiques. En particulier, la présomption d’innocence s’oppose à
ce que des citoyens fassent « par hasard » l’objet d’une surveillance renforcée. Si des actions
coercitives (nécessaires) existent, comment la surveillance ou l'encadrement, la répression
doit se concentrer au mieux sur les personnes qui mettent en cause la sécurité de l'État et des
citoyens.
En quatrième lieu et s’agissant de la surveillance des personnes en contact avec des réseaux
terroristes, une autre disposition du projet de loi prévoit l’utilisation de données numériques à
des fins de surveillance. Il est question de renforcer la détection des internautes entrant en
contact avec des individus pour lesquels les suspicions sont déjà avérées, en analysant les
contacts entretenus sur internet.
Cela suppose un accès des services de sécurité à des flux de données qui, de l’aveu même
du gouvernement, est déjà effectif concernant la lutte contre le terrorisme. Il s’agirait donc
de légaliser des pratiques pour l’instant officieuses. Dans cette hypothèse, le respect de la
présomption d’innocence implique à notre sens trois aspects sous la réserve desquels cette
nouveauté pourrait être acceptable :
- La possibilité d’un entretien contradictoire avec les personnes ainsi placées sous surveillance
par extension en raison de leurs contacts
- La mise en œuvre de ce dispositif uniquement après constat irréfutable du comportement
suspect de la ou des personnes constatées
- Le contrôle strict, avec des pouvoirs d’annulation et d’injonction, de la CNCTR.
Il ne semble pas en l’état que ces points figurent dans la version du projet soumise au vote,
appelant ainsi les plus grandes réserves de notre part.
En cinquième et dernier lieu, sur les nouveaux outils de collecte des informations, notre
opposition à la plupart des dispositions de la nouvelle loi est ferme : la pose de micros sur des
ordinateurs ou au hasard dans la rue ainsi que l’utilisation d’IMSI-catchers (antennes
permettant d’intercepter les conversations téléphoniques) est démesurément attentatoire au
respect de la vie privée et au secret des correspondances, dans la mesure où ne seraient
pas uniquement concernées des personnes et activités déjà considérées comme suspecte.
En d’autres termes, il s’agit là de la seule part de la loi qui institue, comme le disent certains
de ses détracteurs, une « surveillance généralisée », puisque n’importe quelle action ou
conversation en-dehors de toute suspicion est désormais susceptible d’être observée,
enregistrée et conservée. C’est clairement disproportionné en dépit de la menace actuelle
avérée par ailleurs.
L’enjeu est important, du sempiternel équilibre à trouver entre sécurité et liberté. Le contexte
actuel engendre une prise de conscience qui doit se garder de légitimer l’institutionnalisation
de pratiques attentatoires aux garanties fondamentales accordées aux citoyens dans un
Etat de droit. L’efficacité de notre système de protection ne saurait se mesurer uniquement à
l’aune du renforcement de l’arsenal répressif.
4. La réponse pénale
Véritable marqueur des libertés et du respect de l’Etat de droit, la politique pénale doit être à
la hauteur des enjeux et des interrogations que pose le défi du terrorisme.
Il importe d’agir à ce titre dans un climat de raison et de sérénité, pas réellement observé
dans la foulée des attentats de Paris. La loi du 13 novembre 2014 a créé un délit « d’apologie
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du terrorisme », sorti de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour intégrer le code pénal.
Ce délit est passible de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, le commettre
sur internet étant une circonstance aggravante. En réaction aux attentats de janvier 2015,
une importante série de procédures judiciaires ont été intentées, avec des abus notables
concernant notamment des enfants ou des personnes atteintes de troubles mentaux.
L’imprécision de la définition du délit et son recours trop accru ont été dénoncés par
Amnesty international, mettant la France en face de ses responsabilités : un climat de haute
tension ne saurait justifier un virage répressif attentatoire à la sauvegarde des libertés
individuelles.
Nos propositions
Une réaction épidermique des pouvoirs publics étant nécessairement inadaptée, les JRG
proposent d’adopter une définition plus précise du délit d’apologie du terrorisme et de
garantir un encadrement juridictionnel plus accru de sa mise en œuvre.
5. La question des alternatives à la détention
La réponse sociale aux infractions constatées se doit d’être adaptée. Il est de notoriété
publique que les prisons françaises sont surpeuplées et constituent de possibles terreaux
d'ébullition des velléités violentes, les magistrats eux-mêmes reconnaissant que la prison est
presque toujours un échec. Il est pourtant parfois nécessaire de priver certains individus de
liberté : l’équilibre à trouver, les alternatives à proposer et le travail de réinsertion doivent faire
l’objet d’une étude vigilante des pouvoirs publics.
Nos propositions
Le développement de modes alternatifs de privation de liberté
Le placement dans des familles d’accueil de structure réduite pour les jeunes en rupture
Le développement de l’offre d’enseignement et de formation dans les établissements de
privation de liberté
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