Classes de Première – Devoir commun de français Objet d`étude

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Classes de Première – Devoir commun de français Objet d`étude
Classes de Première – Devoir commun de français
Objet d’étude : Poésie et quête du sens
Texte 1 : Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, « Ondine », 1842.
Texte 2 : Paul Verlaine, Romances sans paroles, « Il pleure dans mon cœur », 1874.
Texte 3 : Guillaume Apollinaire, Calligrammes, « Écoute s’il pleut », 1916.
Texte 4 : Francis Ponge, Le parti pris des choses, « La pluie », 1942.
Texte 5 : Jean Botquin, Ecrits, « Les haïkus de la pluie », 2009.
Texte 1
Ondine.
Je croyais entendre
Une vague harmonie enchanter mon sommeil,
Et près de moi s’épandre un murmure pareil
Aux chants entrecoupés d’une voix triste et tendre.
CH. BRUGNOT. - Les deux Génies.
« Écoute ! – Écoute ! - C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta
fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui
contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
« Chaque flot est un ondin1 qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon
palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l’air.
« Écoute ! – Écoute ! - Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne2 verte, et mes sœurs caressent
de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule
caduc et barbu qui pêche à la ligne. »
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Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l’époux d’une
Ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes,
poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
Louis (dit Aloysius) Bertrand (1807-1841), Gaspard de la nuit, 1842 (publication posthume)
Texte 2
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?
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Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !
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Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?... !
Ce deuil est sans raison.
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !
Paul VERLAINE (1844-1896), Romances sans paroles, 1874.
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Dans la mythologie germanique, c’est un génie des eaux.
Arbre qui pousse dans les lieux humides et marécageux.
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Texte 3
Guillaume Apollinaire (1880-1918), Calligramme Écoute s’il pleut écoute s’il pleut.
Il s’agit d’un extrait de "du coton dans les oreilles" in Calligrammes, section "Obus couleur de lune", envoyé à
son amie Madeleine le 11 février 1916, alors que l’auteur était soldat.
Texte 4
La pluie
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La pluie, dans la cour où je la regarde tomber, descend à des allures très diverses. Au centre c’est
un fin rideau (ou réseau) discontinu, une chute implacable mais relativement lente de gouttes
probablement assez légères, une précipitation sempiternelle sans vigueur, une fraction intense du météore
pur. A peu de distance des murs de droite et de gauche tombent avec plus de bruit des gouttes plus
lourdes, individuées. Ici elles semblent de la grosseur d’un grain de blé, là d’un pois, ailleurs presque
d’une bille. Sur des tringles, sur les accoudoirs de la fenêtre la pluie court horizontalement tandis que sur
la face inférieure des mêmes obstacles elle se suspend en berlingots convexes. Selon la surface entière
d’un petit toit de zinc que le regard surplombe elle ruisselle en nappe très mince, moirée à cause de
courants très variés par les imperceptibles ondulations et bosses de la couverture. De la gouttière
attenante où elle coule avec la contention d’un ruisseau creux sans grande pente, elle choit tout à coup en
un filet parfaitement vertical, assez grossièrement tressé, jusqu’au sol où elle se brise et rejaillit en
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aiguillettes brillantes.
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Chacune de ses formes a une allure particulière: il y répond un bruit particulier. Le tout vit avec
intensité comme un mécanisme compliqué, aussi précis que hasardeux, comme une horlogerie dont le
ressort est la pesanteur d’une masse donnée de vapeur en précipitation.
La sonnerie au sol des filets verticaux, le glou-glou des gouttières, les minuscules coups de gong se
multiplient et résonnent à la fois en un concert sans monotonie, non sans délicatesse.
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Lorsque le ressort s’est détendu, certains rouages quelque temps continuent à fonctionner, de plus
en plus ralentis, puis toute la machinerie s’arrête. Alors si le soleil reparaît tout s’efface bientôt, le brillant
appareil s’évapore : il a plu.
Francis Ponge (1899-1988), Le Parti-pris des choses, 1942.
Texte 5
Haïkaï3
Chaudes les gouttes
Roulent sur les deux vitres
Dans un soleil d’eau
Jean Botquin, Écrits, « Les haïkus de la pluie », 2009.
Question sur corpus (4 points).
Comment la variété des formes et des procédés permet-elle à tous les textes de ce corpus de donner du sens à ce
banal phénomène météorologique ?
Écriture (16 points).
Vous traiterez à votre choix un, et un seul, des trois sujets proposés.
 Commentaire de texte.
Vous ferez le commentaire littéraire du texte n° 4, La pluie, de Francis Ponge.
 Dissertation.
La poésie a-t-elle comme qualité de décrire le monde, de l’évoquer seulement, ou bien de le recréer et de le
révéler en lui donnant une forme différente de celle que chacun peut voir et comprendre ? Vous répondrez à cette
question en vous appuyant sur les textes de ce corpus, sur ceux que vous avez étudiés, et sur vos lectures
poétiques personnelles.
 Écriture d’invention.
À l’occasion de la manifestation culturelle du « Printemps des poètes », les organisateurs vous confient la
rédaction d’un discours dans lequel vous défendez votre goût pour la lecture et l’écriture poétiques dans une
société où elle n’est pas particulièrement à l’honneur.
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Le Haïkaï, ou Haïku, est un petit poème d’origine japonaise, en trois vers de 5, 7 et 5 syllabes.
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