Mélanges chinois et bouddhiques
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Mélanges chinois et bouddhiques
Mélanges chinois et bouddhiques Troisième volume: 1934-1935 I/ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES A ATTRIBUÉ LE PRIX STANISLAS JULIEN A M. L. DE LA VALLÉE POUSSIN POUR LES DEUX PREMIERS VOLUMES DES MÉLANGES CHINOIS ET BOUDDHIQUES. Mélanges chinois et bouddhiques II publiés par l'Institut Belge des Hautes Etudes Chinoises sous la direction de M. Louis de La Vallée Poussin Membre de l ’Académie Royale de Belgique Troisième volume: 1934-1935 Bruxelles Juillet 1935 Louvain, Imprimerie Orientaliste Marcel Istas, S. A. Le mariage chinois du roi tibétain Sron bcan sgan po (E xtrait du Mani bka’ ’bum) par J ac q u es B acot . I. AYANT-PROPOS La personne et le mariage de Sroii bcan sgan po dans le bouddhisme tibétain — d’après les sources chinoises — d’après les sources tibétaines anciennes —■ d’après le Mani bka’ ’bum. — Le ministre Mgar, héros de roman. —■Sroń bcan sgan po plus guerrier que bouddhiste. Le Mani bka9 9b\im 1 dont n ’est traduite ici que la partie relative au rôle de la Chine dans l ’introduction du Bouddhisme au Tibet, est à la fois l ’Histoire Sainte du Tibet et le catéchisme du lamaïsme officiel. La courte analyse q u ’en donne Schlagintweit dans son Boud dhisme au Tibet, a peut-être suffi à décourager ju sq u ’à présent les traducteurs, tellement il y paraît un livre uniquement dévot, plat et ennuyeux. La doctrine bouddhique, orientée vers le culte principal d ’Avalokiteśvara, est exposée dans le cadre de l ’histoire du roi Sroń bcan sgan po et de ses deux épouses étrangères, la népalaise et la chinoise. 1 Les Cent mille Paroles Joyaux, titre résumé de chos slcyofi b a ’i rgyal po sroń bcan sgan p o ’i blca’ ybum. Les Cent mille paroles du roi Sroń bcan sgan po, protecteur de la religion. L'auteur est probablement un des premiers Dalaïlamas. Le Dhyānibuddha Amitâbha, abstraction métaphysique, abîmé dans la contemplation, ne peut rien éprouver ni accomplir pour les créa tures errantes et pitoyables du samsāra. Avalokiteśvara, son fils spirituel, sera le médiateur. Il a une prédilection pour le Tibet q u ’il sait appelé à un avenir religieux remarquable. Pour convertir ce pays barbare, enfoncé dans les ténèbres de l ’ignorance, il s ’incarne dans la personne de son roi Sron bcan sgan po *. Deux Tārās, éma nées du même Dhyânibuddha, vont naître sur la terre, l ’une, fille du roi du Népal, l ’autre, fille de l ’Em pereur de Chine, afin de coopérer, comme reines du Tibet, à la conversion du peuple. Le plan céleste de cette histoire recouvre tan t bien que mal des faits terrestres authentiques. Ceux-ci, que nous exposerons tout d ’abord, se retrouvent dans des documents chinois et tibétains plus anciens. L ’écart entre la vérité et le roman tiré du Mani bka’ ’bum, est peut-être moins grave dans les inventions de la piété que par les outrances de la farce. Dans un ouvrage atone, long, tout rem pli de la dogmatique officielle, l ’écrivain tibétain a fait de la seule partie vraiment historique une sorte de récréation et un sujet de gaîté. On ne pouvait mieux affirmer l ’opinion — celle de tous les Tibétains — que l ’histoire, étant contingente, ne mérite aucun souci d ’exactitude. On l ’ignore en général, comme on l ’ignore dans l ’Inde même, et elle peut tout au plus, si on l ’aide beaucoup, fournir des thèmes à édification. On pourra même trouver ce roman peu digne de figurer dans un recueil d ’études d ’une tenue plus sévère, spéculatives ou historiques. Pourtant, tout document authentique, surtout s ’il est populaire, donne son enseignement : il fait alors connaître les tendances de son auteur et le caractère des hommes à qui il s ’adresse. Il est seulement fâcheux que l ’auteur tibétain, dans son dédain des contingences historiques, soit aile un peu loin. Cet auteur ne s ’est pas inquiété un instant de savoir quel souverain avait été cet empereur de Chine qu il va bafouer a l ’occasion du mariage de la princesse impériale. Pour lui, c est l ’empereur tout court, l ’empereur ès-qualité, sans 1 Né Tannée du Singe de Pern [576], mort Tannée Chien de Fer [650], . J ' personnalité. Or on ne pouvait plus mal tomber. Cet empereur était T ’ai tsong, le deuxième des T ’ang, un des plus grands de l ’histoire chinoise, celui dont le tombeau magnifique, avec ses chevaux de pierre, nous est bien connu depuis l ’étude de Chavannes \ La fantai sie peut tout se permettre à condition d ’être heureuse et de mieux choisir ses sujets. Il est possible aussi, et même vraisemblable, que le narrateur ait reporté sur T ’ai tsong l ’imbécillité de son succes seur Kao tsong. Il aurait usé du même procédé que pour les rois tibétains, mais en sens inverse. Nous verrons qu’il attribue à Sron bcan sgan po tous les mérites de ses successeurs. Reconnaissons aussi, à la décharge des lamas historiens, qu’ils n ’ont pas écrit pour nous ou pour notre satisfaction, qu’ils ont voulu initier un peuple ignorant et simple à des rudiments, faciles à retenir, de son histoire nationale et sainte. Ils sont encore excusables comme tous les peuples qui portent sur l ’ennemi séculaire le jugement de leurs sentiments. L ’histoire doit être plus ancienne pour devenir impartiale. Une version toute récente de la partie du Mani bka’ ’bum relative au mariage chinois, rédigée par le lama Wangdan (Dbań Idan) a été publiée en édition européennea. Le même texte existe dialogué sous le titre de Bgya za, « La Fiancée chinoise ». Il fait partie des quelque huit ou dix mystères joués par les moines ou par des troupes ambu lantes. Voyons maintenant ce que furent en réalité les faits qui servirent de thème à notre récit. L ’époque de ces événements — milieu du VII* siècle — est mar quée au Tibet par un grand règne, le trentième environ de l ’histoire traditionnelle du peuple tibétain*, mais le premier de son histoire 1 Mission archéologique dans la Chine Septentrionale. 2 Sprul p a 'i rgyal po Sroń bcan sgan pas rgya za leheb tu bées p a f% sTcor, Tibetan reader no y, by Lama T . Ph. Wangdan, Bengal Secrétariat press, Darjeeling 1898. * Le Mani blca’ *bum cite 32 rois q u ’il groupe sous six noms patronymiques de branches ou de dynasties: les sept Gnam la khri, les deux Stod lcyi Itens, les six Legs, les huit Sa la Ide, les cinq Bcan et les quatre prédécesseurs immé diats de Sroń bcan 'Sgan po, sans nom dynastique. politique consignée par les Chinois, le premier aussi de son histoire religieuse et édifiante écrite par les lamas. Le roi K hri sroù bcan ou Sroń Ide bcan, en chinois Tch’i tsong long tsan ou K ’i tsong long tsan, plus connu sous le nom posthume de Sroñ bcan sgan po, avait d ’abord épousé trois princesses tibétaines: L i thig sman du Zaùzuù, Rgyal mo bcun du Ruyoñ et K hri Icam du Cheyoñ. L ’his toire courante n ’a retenu que les deux autres mariages, mariages de politique extérieure. Mais les mariages tibétains, de politique inté rieure, furent aussi im portants: ils déterminaient et scellaient la confédération des provinces tibétaines. Les mariages étrangers n auraient probablement pas eu lieu sans les premiers qui faisaient, d ’un chef de tribu, le roi d ’un véritable royaume. La fondation de l ’empire tibétain qui aura son plein développement à la fin du V IIF siècle, ne manque pas d ’analogie avec ce que seront les débuts de la future puissance mongole. Une fois, sûr de son royaume, Sroñ bcm sgan po s ’était tourné vers l ’Inde. Une mission que son père Onarn ri sroñ bcan y avait envoyée, rapportait un alphabet, une grammaire appropriés au lan gage tibétain et les textes de la doctrine bouddhique1. Lui-même avait obtenu, p ar la voix de son ambassadeur Mgar, la main de la princesse K hri bcan, fille d ’Amśuvarman, Armure cle Lumière, roi du Népal. Cette princesse aurait commencé la construction du PoMission de Thon mi sam hho ta fils de Anu (nom de sa mère). Le village de Thon est sur la rive du haut Brahmapoutre, Thon mi avait résumé les sciences acquises sous forme de poèmes didactiques faciles à retenir. La tradition lui attribue huit ouvrages dont il ne reste que deux, les deux parties de la gram maire toujours en usage. Le Mani blca’ ’hum cite les sciences apprises par Thon m% avec le pandit L h a ’i rig po seùge (Deva vidya simha). Elles correspon dent comme nombre aux six ouvrages manquants: sâeh sbyor, prosodie; sñan, euphonie; gas?-, min, vocabulaire; spyi, science profane; naii rigpa, science sacrée. La grammaire a seule échappé à la destruction ordonnée par le roi impie Langdarma qui abolit le bouddhisme au IX ' siècle. L ’écriture adoptée fut l ’alphabet lāñca des bouddhistes du Népal et la forme cursive vartula (ronde). Pour les relations du Tibet avec le Népal, voir Sylvain Lévi, Le Népal, Etude historique d ’un royaume Hindou, Annales dq Musée Guimet, 1905-8. tala de Lha-sa Tout allait pour le mieux de ce côté. Il faut bien en croire les auteurs tibétains qui seuls ont rapporté les relations du Tibet avec l ’Inde. D ’ailleurs les faits sont là qui leur donnent raison : l ’écriture, dérivée de celle du sanscrit, la conversion au bouddhisme, l ’appel aux pandits, entendu plus tard par les meilleurs d ’entre eux, pour la traduction des Ecritures. Il n ’en allait pas de même avec la Chine. Les plus anciennes sources chinoises qui renseignent sur les premiers rapports officiels de la Chine avec le Tibet leur sont postérieures d ’un siècle2, mais elles sont rédigées avec ce sens historique particulier aux Chinois et qui leur donne une si grande valeur. Même en faisant abstraction de l ’emphase et de l ’effort littéraire dans le récit tibétain, le résidu des faits n ’est pas toujours d ’accord avec le document chinois. Première différence quant à la simple matérialité des faits qui seule nous importe; mais de plus, il y a une grande différence dans l ’esprit. L ’historien chinois est hostile, ou, s ’il est impartial, il a ce ton de condescendance méprisante des Chinois traitant de ce qui n ’est pas chinois, qui est inimitable. Si on sonde un peu le cœur humain, on découvre que le mépris est généralement plus affecté que sincère. Il est la façade d ’un autre sentiment moins détaché qui est sim plement l ’aversion en même temps que la peur. Les Tibétains fai saient partie des peuples barbares qui entouraient la Chine et me naçaient ses frontières, peuples qui tous, à la différence des Chi nois, tressaient leurs cheveux. Les auteurs chinois ont décrit les 1 [E lle pensa : « Ce roi est au-dessus de la condition humaine. On ne peut se lasser de contempler son visage. Pourquoi ne sort-il jamais du palais? H faut que je trouve un moyen de le rendre heureux. » Ayant réuni des richesses, elle bâtit le Palais Rouge.] (Mani blca* 'bum). Ce palais « dont la vue seule effrayait » est la partie centrale, toujours peinte en rouge, du Potala actuel. J Ces relations chinoises anciennes relatives au Tibet ont fa it l ’objet d ’un cours de M. P. Pelliot au Collège de France. C ’est à cet enseignement que se réfère toute la documentation de source chinoise. Le premier ouvrage pour le Tibet à l ’époque des T ’ang, complet et de pre mier ordre, est le T ’ong tien par Tou Yeou, compilé de 766 à 801. L ’histoire officielle des T ’ang a été utilisée par S. W. Bushell dans The E arly E isto ry of T ibet from Chinese sources. J. R. A. S. Vol. 12, 1880. mœurs guerrières des Tibétains de cette époque, ayant par dessus tout le culte du courage : « Inférieurs en nombre, ils combattent ju sq u ’à la mort. Les grandes familles sont celles qui comptent le plus grand nombre de tués dans les combats ». Ils décrivent leurs armures et leurs cottes de maille, très supérieures à leurs armes offensives: « Quand ils combattent, la troupe qui est derrière n ’avan ce que quand celle qui est en avant est morte. Les chevaux et les hommes ont des cottes de mailles. Leur armure couvre tout le corps sauf deux trous pour les yeux... Ils descendent de cheval pour com battre et se battent en ligne. Ils retirent à mesure les morts du terrain et résistent jusqu’au bout. » Ils avaient ainsi la mobilité de la cavalerie et la puissance de l ’infanterie qui seule peut tenir l ’arme de jet, réalisation toujours poursuivie, même par les armées mo dernes. Sroñ bcan sga/n po, à la tête d ’armées confédérées, se révéla soudain un voisin incommode et même menaçant. Il nous apparaît donc sous deux aspects très différents. D ’un côté, il est le roi pieux, la forme humaine sous laquelle est descendu le Bodhisattva de la compassion pour convertir le Tibet à la religion. Il est plus q u ’un roi, il est une émanation divine. Pour les Chinois, il est le chef bar bare d ’une dangereuse coalition de tribus nomades à peu près sau vages, l ’ennemi à la fois craint et méprisé. E ntre ces deux images, il s ’en glisse une troisième que donnent de vieilles chroniques tibétaines inédites, exemptes de bouddhisme; on peut même dire, bien q u ’elles datent du 9" siècle, antérieures au bouddhisme tibétain ’. Ces chroniques montrent en effet que le 1 II ne sera emprunté ici q u ’aux manuscrits numérotés 250 et 252 sur le catalogue provosoire du fonds Pelliot tibétain de la Bibliothèque Nationale de Paris. La chronique n° 250, très archaïque de langue et obscure, est relative à sept rois prédécesseurs de Sroń bcan sgan po et à leurs ministres, à Sroń bcan sgan po lui-même et aux trois rois suivants. Le manuscrit n° 252 n'est qu'un fragment et le commencement d'un rouleau dont la partie principale fu t rapportée par M. Aurel Stein et déposée à la Bibliothèque de l 'India Office à Londres. Le fragment de Paris mesure 0 m. 70 c. ; bouddhisme n ’avait fait, au 9* siècle, que passer la frontière sans pénétrer la population ni même la cour. Les textes chinois sont sur ce point d ’accord avec les documents tibétains. Jusqu’à Sroñ bcan sgan po qui veut gouverner personnellement, les rois sont des rois magiques, à caractère probablement religieux, étrangers aux affaires que mènent des dynasties parallèles de minis tres tout-puissants. « Les sujets sont des hommes, mais le roi y est l ’incarnation des dieux», dit le roi du Népal à sa fille dans le Mani bka’ ’bum. C’est bien ainsi que le présentent aussi les anciens chroniqueurs '. Une première réaction contre les ministres fut ébau chée par le grand-père de Sroń bcan sgan po. Mais il est encore loin d ’avoir l ’autorité souveraine. Les vieux textes tibétains, comme tous les textes tibétains, ont des parties neutres, insignifiantes, qui pour raient être de partout ou de toujours et qui n ’apprennent rien. Et puis, quelques lignes, quelques paroles citées sont des traits lumi neux. Elles sont chargées de sens par les possibilités ou même les nécessités sous-jacentes. Les mots situent dans un milieu social ou politique et à un degré de civilisation hors desquels ils n ’auraient pu être prononcés. Tel est le texte des serments2 que Sroñ bcan sgan po échangea avec son ministre, serments qui les lient l ’un et l ’autre, eux, leurs fils et leurs petits-fils. Le contrat est bilatéral; échange de fidélité contre protection. Le serment du roi se termine par ces mots: « Si tu ne m ’es pas fidèle, mon serment sera annulé8». Entre autres promesses, le ministre fait celles-ci: «Nous ne chercherons celui de Londres 3 m. 64. L'ensemble est la relation suecinete des actes admi nistratifs du roi et des ministres, année par année, de 650 à 747 de notre ère. Les années sont désignées nominalement par l ’animal du seul cycle duodénaire Le manuscrit de Paris donne 22 années, celui de Londres 76 années. Une courte glose liminaire résume les neuf dernières années de Sroñ bcan sgan po. 1 Le caractère divin des rois tibétains non bouddhistes se maintiendra chez les rois bouddhistes et se transmettra tout naturellement sous une forme mahayaniste aux Dalaï lamas. 8 Chronique serments avec par le don de * Chronique no 250. — Le père de Sroń bcan sgan po avait échangé de pareils ses ministres. Tous deux récompensaient les généraux victorieux fiefs et de milliers de familles. no 250. pas un seigneur plus puissant. Nous ne proposerons jamais la fidélité à un autre. Nous ne mêlerons pas de poison à la nourriture ». Ces quelques mots en disent long. Ils m ontrent une féodalité et de* mœurs tibétaines assez comparables à celles de POccident à la même époque. Le serment du ministre est semblable à ceux que Gengis Khan recevra de ses vassaux quelques siècles plus tard \ Trois générations après Sron bcan sgan po, un roi moins vigoureux, Iüiri ’dus sroñ, chantant au cours d ’un banquet, adresse ces allusions au ministre Mgar de l ’époque: « ... Le sujet espère devenir le seigneur. Les fils du ministre espèrent devenir rois. Le crapaud espère voler. Il prétend escalader le c ie l. . . 2 » Il n ’est pas question de bouddhisme dans la chronique qui relate l ’échange du serment. Mais tel était cependant le roi que le boud dhisme a plus tard revêtu d ’une puissance si redoutable q u ’on n ’en pouvait supporter la vue. Les Chinois, avant de le bien connaître, en avaient fait moins de cas que du chef d ’une peuplade barbare et remuante, les T ’ou-yuhouen 3 qui habitaient la région du Kukunor \ Plus voisin de la Chine et danger plus immédiat, leur chef avait obtenu de l ’empereur une princesse chinoise. Le roi tibétain revendique le même honneur. A l ’instigation du prince des T ’ou-yu-houen survenant à la cour, son ambassade fu t éconduite. Sron bcan sgan po répondit enportant la guerre chez les T ’ou-yu-houen et les défit sur les rives du Kukunor. Il menaçait Song pan tin et la Chine. Effrayé, l ’empereur envoya des armees pour repousser les Tibétains, et, malgré la victoire que les con 1 Une coutume rapportée par une des chroniques [252] l ’est également dans l ’histoire secrète des Mongols : les grandes chasses ordonnées par le sou verain pour la subsistance des armées. Le cerf boucané est toujours en usage au Tibet. 2 Chronique no 250. 8 Appelés A za dans les documents tibétains anciens. 4 Ou Kökönor, en chinois T s’ing haï, Le Lac Bleu. venances exigent, il accordait une princesse impériale après sept an nées de guerres et de pourparlers. La fiancée n ’était pas une fille de l ’empereur, mais une parente, la princesse Wen tch ’eng. Le roi tibé tain, très flatté, alla à sa rencontre dans le Kansou ju sq u ’à la ville de Ho yuan. Il eut honte de la rudesse de ses coutumes et se promit d ’user de raffinements à la manière des Chinois: « Il tin t .les rites d ’un gendre avec ponctualité. En voyant la splendeur et les coutumes du grand empire, il eut honte et dit à son entourage: Voici que j'a i une princesse du Ta T ’ang. Mes ancêtres n ’ont jamais obtenu un égal mariage. Il faut en mémoire bâtir une ville. ». La princesse avait été conduite par le président du Tribunal des rites. C ’était en 641. Le roi ne venait pas de sa capitale q u ’il délaissait depuis des années pour vivre au milieu de son armée. Ce voyage de courtoisie, pour aller seulement, aurait représenté au minimum un mois de route pour des cavaliers partis de Lhasa; un nombre indéterminé de mois pour qui voyage avec faste. La pompe des grands lamas, plus tard, demandera même des années. Ce roi de pasteurs guerriers venait de pays très froids où la qualité des gens se reconnaît encore à l ’ampleur de leurs fourrures et à ce lustre de leur peau et de leurs cheveux, nourris de beurre, qui les font ressem bler à des hommes polaires. Le contraste avec les Chinois était mor tifiant pour le royal fiancé. De ce jour, en effet, il quitta ses peaux de bêtes pour revêtir des robes de soie et de brocart \ Ses ambassa deurs et sa nouvelle femme initièrent sa cour aux raffinements de 1 élégance et de la politesse. Après le mariage, le roi envoya à l ’em pereur son ministre Lou tong tsan porteur d ’une oie en or comme Sir Charles BeU, ex-représentant britannique au Tibet, auteur de nombreux ouvrages très documentés sur le Tibet ancien et moderne, a visité dans le Palais Rouge du Potala une chambre sanctuaire consacrée à Sroh bcan sgan po. Elle renferme une statue de ce roi et celle du ministre Thon mi Sam bhota: «T ous deux portent des turbans rouges ou chapeaux de forme très pareille à celle des chapeaux noirs portés aujourd'hui par les Parsis. » (The Religion of Tibet p. 131). Cette description date à peu près les statues. Au XVe siècle, sous les Mmg, les rois Mossos, d'origine tibétaine, portaient le costume impérial et ces mitres noires de forme si particulière. présent. Ce ministre, dont le nom tibétain est Mgar, sera le héros principal de notre roman. Plus tard, Tannée même de sa mort, le roi recevra de Tempereur Kao tsong, successeur de T ’ai tsong, le titre de Fou ma tou yu, « Suivant en char à la suite ». Quand Tempereur apprit sa mort, il porta le deuil et envoya un ambassa deur aux funérailles. Cette histoire est assez simple et montre l ’ascension de Sroñ bcan sgan po dans les faveurs impériales. On va voir m aintenant ce que le sentiment national et la piété bouddhique en ont fait. D ’abord la fiancée, loin d ’être une princesse apanagée, va devenir la fille même de Tempereur. Le roi, loin d ’aller ju sq u ’au Kansou au-devant de sa fiancée, demeure dans son palais de Lhasa comme une idole, et il épouse la princesse impériale par procuration, pendant que son ministre mène seul les affaires et représente son m aître à la cérémonie du mariage *. Dans la suite, il poussera la représenta tion au delà des limites protocolaires, ju sq u ’à la consommation. Ce ministre est le célèbre Mgar qu'il importe, tout autant que son maître, de présenter. Les Chinois l ’appellent Lou tong tsan, les vieilles chroniques tibé taines, mgar stoh rcan yul zuh ou simplement stoń rcan (chronique 252), ou yul zuh (chronique 250). La postérité ne le connut que sous le nom populaire de Mgar, Les lettrés disent que, de son temps, on prononçait Magara (lecture sanscrite). L ’auteur bouddhique lui fait une grande réputation d ’habileté. Parm i beaucoup d ’autres ministres de Sron bcan sgan po, l ’histoire n ’a retenu que son nom, avec celui de Thon mi Sambhota, Les chroniques s ’étendent pour tant moins sur eux deux que sur les autres. Mais l ’habileté de cer tains était prodigieuse. C ’est elle q u ’empruntèrent les auteurs boud 1 Une chronique [n° 252], d ’accord avec le roman, s ’oppose à la version chinoise de la présence du roi lui-même aux noces: « ...L a princesse impériale Mun èhan amenée par Mgar rcan yul zań, arriva au Tibet... » Si on en juge par la suite de la chronique qui est la sèche énumération des actes officiels pendant un siècle, on est impressionné par cette contradiction. dhistes pour en douer les deux ambassadeurs qui avaient, l ’un, rapporté récriture sacrée de l ’Inde, l ’autre, marié le roi avec des princesses zélatrices de la religion. Les vieilles chroniquea ellesmêmes tendent déjà à reporter sur un héros unique et plus célèbre, roi ou ministre, les prouesses des autres \ Mgar n ’était pas le minis tre qui échangea avec son roi le serment de services mutuels. Les ta lents que le Ma/ni bka’ ’bum lui prête étaient ceux de prédécesseurs et de rivaux. Lui-même devait être un des plus jeunes ministres de Sron beau rgan po et il lui survécut longtemps. Le roman bouddhique raconte qu’il fut l ’amant de la princesse impériale. La chose n ’est pas impossible et devait être en tous cas tenue pour vraie, car un conteur, exaltant un roi Bodhisattva, n en aurait pas fait de gaiete de cœur un mari trompé, encore moins aurait-il imaginé que l ’incarnation d ’une Tārā avait trompé son mari avant meme de l ’avoir vu. Les vieilles chroniques ne confirment pas le fait, mais relatent ce qui pourrait en paraître les conséquences. Une première conséquence serait que la princesse impériale n ’approcha le roi qu une annee après son arrivée d ’après le roman, six années d après la chronique, c ’est-à-dire trois ans avant la mort du roi*. Le roman explique le fait par la rivalité victorieuse de la reine né palaise. Il faut se garder de voir une autre conséquence dans l ’envoi de Mgar dans des pays lointains, principalement au Kukunor où il devait maintenir les T ’ou-yu-houen dans l ’obéissance au roi tibé tain. Une pareille interprétation des séjours du ministre aux con fins du royaume comme une disgrâce, serait plus romanesque que conforme aux réalités du pays et de l ’époque. Une meilleure expli cation ressort de la relation annuelle des principaux actes adminisUn très bon lettré, le blca’ chen Don grub, avec qui j ’ai parcouru ces chroniques, voulait que tous les rois qui y sont mentionnés fussent Sroń bcan sgan po sous les noms de ses successeurs. D était même très affirmatif, car ü reconnaissait dans chacun d ’eux quelque chose de ce que les histoires pieuses attribuent à Sroń bcan sgan po, * « L a princesse impériale Mun chan, amenée par M gar ston rcan yul sait, arriva au T ibet... Le roi K h ri sroñ bcan mourut. Il vivait avec la K o n jo depuis trois ans. » (Chronique n° 252). tratifs du roi et de ses ministres de la chronique 252. Dans le pays immense et en voie de confédération, le roi et les ministres se p arta geaient la besogne dans l ’espace et résidaient dans des contrées différentes et fort éloignées Tune de l ’autre. Mgar en particulier fait des voyages tous les ans et, à partir de 660, sous le successeur de Sroń bcan sgan po, il réside chez les T ’ou-yu-houen du Kukunor. Il n ’en revient q u ’en 667, Tannée qui précéda sa mort \ E n 663, il avait remporté une grande victoire sur les T ’ou-yu-houen2. Il lais sait quatre fils qui prirent le pouvoir sous le même nom patrony mique de Mgar. La première phrase de notre roman, qui en est peut-être la plus vraie, ne s ’expliquerait pas si le ministre, vivant habituellement auprès du roi, lui fait une simple visite. S ’il arrive de loin, au contraire, son escorte de trois cents cavaliers devient vraisemblable. Elle était une nécessité, car il venait des extrémités troublées du royaume. Selon l ’histoire des T ’ang il avait d ’abord accompagné une ambassade chinoise retournant en Chine. C ’est cette première mission qui échoua après l ’intervention du chef des T ’ouyu-houen. Lors de la seconde mission de Mgar, le roi tibétain n ’était que trop près de la Chine. Il pouvait facilement se porter à la ren contre de la fiancée, la noble victime q u ’on lui offrait comme prix de son retour dans son pays. Quoi q u ’il en soit, si les relations de Mgar avec la Konjo sont authentiques, le mariage par procuration devient le plus probable. Dans ce cas, Terreur imputable à l ’historien chinois ne porterait que sur la personne venue à Hoyuan, dans le Kansou, au-devant de la princesse impériale. Un mariage par procuration ressemble beaucoup à un mariage direct, et, si des témoins non prévenus voient le marié dans le représentant, à plus forte raison ceux qui, dans la suite des temps, n ’en connaissent que par ouï-dire. Pourtant, là encore, c ’est l ’historien chinois qui mérite plus de créance, parce q u ’il est seul à faire de l ’histoire soucieuse d ’exac titude matérielle. Un chroniqueur plus spontané, plus près de la 1 D ’après la chronologie chinoise. 2 D ’après la chronologie tibétaine. nature, fera d ’abord parler la légende. L ’homme est poète avant d ’être historien. Alors la jalousie de la reine népalaise aurait suffi à écarter longtemps la nouvelle venue de la couche royale, et la liaison coupable de la reine chinoise, que la présence du roi aux noces rendait pour le moins difficile, appartiendrait, comme tout le récit du Mani bka9 ’bum, à la fable. Après le détail peut-être authentique du début de notre texte, ce récit n ’est que fantaisie littéraire. Il est un certain nombre de clichés qui s ’adaptent aux différents types de circonstances. Avant d ’arriver au mariage chinois, le Mani bka’ ’k m avait conté le mariage népalais. Dans les deux occasions, le roi charge son ambas sadeur de présents magnifiques pour le souverain étranger, de mes sages et aussi de répliques toutes prêtes et menaçantes aux réponses prévues des souverains. Le conteur reste sur un plan tellement fictif que, pour le second mariage, il renvoie simplement au récit du pre mier, afin de ne pas répéter les mêmes choses. Puis viennent les épreuves auxquelles sont soumis tous les prétendants, épreuves dont l ’ambassadeur tibétain sort toujours victorieux malgré la mauvaise foi de l ’empereur \ Le thème connu du mariage par concours a peutêtre trouvé ici sa raison dans la rivalité du roi avec le chef des T ’ouyu-houen à qui l ’empereur avait consenti, ainsi q u ’aux Turcs, une al liance matrimoniale. Plus tard, en 821, l ’empereur ayant accordé une princesse aux Ouigours (les Hors de notre récit), le roi tibétain d ’alors, Rai pa can, réclama et obtint une alliance. Ce dernier souve nir a pu s ’ajouter aux précédents pour former l ’assemblée romanes que des rivaux venus de tous les royaumes voisins. Après, c ’est la grosse farce des mauvais tours que Mgar, prisonnier, joue à l ’empereur, la comédie de sa délivrance. Mgar rejoint la p rin cesse à Sum pa. Celle-ci avait perdu beaucoup de jours en chemin sous toutes sortes de prétextes pour lui laisser le temps d ’arriver. Car le ministre est déjà son amant et elle est enceinte de lui. E t cela explique quelle ne soit pas pressée d ’affronter son terrible époux. Il est déconcertant que ce roi, trompé avant de se savoir marié, ait 1 Pour l ’origine des épreuves, voir « Un conte hindou au Japon » par Noël P é r i B.E.F.E.O. XV, 3, 1-15. gardé un si grand prestige religieux de ses mariages étrangers, au point que les peintures le représentent en divinité, entouré des deux Tārās ses épouses. Plus déconcertante encore est la tradition d ’après laquelle Sroń bcan sgan po lui-même est l ’auteur du Mani bha’ fbum. Il faut donc renoncer à juger en Occidental. La mésaventure du roi Bodhisattva est de celles qui n ’ont jamais déconsidéré un homme au Tibet. Il faut retenir que les versions les plus contradictoires sur ce mariage laissent présumer que les Tibétains furent humiliés à la cour de Chine. Princes ou ambassadeurs, ces barbares descendus des hauts plateaux, énormes dans leurs fourrures, sentant le fauve et le rance, furent décontenancés par l ’accueil des Chinois de cour, vêtus de soie, raffinés et méprisants. L ’histoire tibétaine venge son roi des dédains q u ’il a subis, en m ontrant une princesse chinoise, pour la quelle on a fait beaucoup de manières, peu digne d ’un époux aussi vertueux \ Sroń bcan sgan po fu t moins grand que les Tibétains ne le pré tendent et un peu plus que les Chinois ne le laissent entendre. Il eut l ’audace de faire la guerre à la Chine. E t l ’empereur victorieux donna tout de même à son vaincu la princesse que ce vaincu était venu chercher par les armes : c ’est une victoire qui ne dispense pas le vainqueur d ’une sage prudence. Sroń bcan sgan po fu t surtout guerrier, beaucoup plus que bouddhiste. Mais plus tard, les Tibé tains devenus bouddhistes et pacifiques, feront de Sroń bcan sgan po une sorte de Constantin ou de Clovis du bouddhisme ; ils ne tireront aucune gloire de leur passé militaire, de celui même qui leur donna un vaste empire au 8e et au 9® siècle. Ils le laissent dans l ’ombre, le dissimulent et en sont arrivés au jo u rd ’hui à l ’ignorer complète ment. Alors ils n ’écrivent plus l ’histoire, mais des histoires2. La princesse impériale, reine Wen tc h ’eng, mourut en 680 d ’après les sour ces chinoises. La créniation de son corps eut lieu en 683 d ’après la chronique tibétaine n° 252. Cet intervalle de temps entre la mort et les funérailles est le même pour tous les autres princes. Il faut espérer quelques exceptions dont le Deb ther sńon pof Archives Bleues ou Anciennes. Sir Charles Bell fa it grand cas de cet ouvrage. La dernière édi- ii. Traduction du Mani bka’ ’bum, foll. 203-215.1 Om mani padme hüm. Ensuite le ministre Mgar stoń bcan, gardien du royaume, (vint) avec trois cents cavaliers2 et demanda au roi même par quels moyens inviter la princesse impériale de Chine *. Pour plaire au cœur de l'empereur de Chine, il savait comment il avait fait auparavant. Principalement, comme prix de la princesse impériale, il emporta un casque en béryl4. Puis, ayant institué un tion est malheureusement peu lisible, bien que, dit son colophon, les planches perdues lors de la guerre entre le Tibet et le Népal aient été gravées à nouveau et que les planches usées aient été « réparées pour la cause des créatures ». H existerait un autre Beb ther, traduction d ’archives chinoises par ’u gyan ju sous le nom de rgya y i deb ther zu thu han ôhen œuvre de Su byi han. La tra duction fut corrigée par le lama K u érf rvn ôhen grags et imprimée à ’Siń Jchun. Le Byan chub lam rim de Tcloû rdol, pour le passé antérieur à l ’époque mon gole, et le Vaidürya dkar po, sans être des ouvrages proprement historiques, sont très supérieurs au Mani blca7 ’bum pour leur précision. Quant aux Dalaï lamas et aux Tashi lamas, pour les temps modernes, ils ont fa it l ’objet de col lections volumineuses. 1 Réimpression de Ba mo che en 719 feuillets par le lama ’Jam dbyans dbaù rgyal du monastère de ’Bras spun. — Les foll. sont indiqués par les numéros entre parenthèses. a Nous avons vu que le ministre ne vivait pas habituellement auprès du r o i Dans la circonstance présente, il venait des marchés orientales et cette escorte imposante est non seulement expliquée, mais imposée par la longueur et les dangers du voyage. Cette première phrase rappelle celle qui commence la chro nique ancienne n° 252 de la Bibliothèque Nationale: « L a princesse impériale Mun Ôhen, amenée par M gar ston rcan yul zuń, arriva au Tibet. » C ’est presque la phrase terminale de notre récit. * Lha ÿcig Icoù jo: chinois Kong tchou, «princesse im périale». 4 Bien que le vaidürya indien soit l ’œil de chat, je traduis ce mot par béryl qui en est le dérivé étymologique. Béryl convient mieux à l ’usage que les Tibé tains font des expressions vaidürya blanc, bleu, jaune, etc. comme titres d ’ouvrage. Dans l ’esprit des Tibétains il s ’agit d ’une pierre qui, comme le béryl, est très variée de couleurs. interprète, il d i t 1: « Quand tu porteras ce casque précieux de béryl, si tu vas au combat, tu en sortiras victorieux. Quand il y aura des épidémies, en faisant le tour de la cité, tu arrêteras la maladie. Quant il y aura crainte de mauvaise récolte, en faisant le tour des champs, la famine sera conjurée [204]. Or j ’offre à l ’empereur ce prix inestimable dans tout l ’Univers du Sud. Je te prie de me donner la princesse en mariage. » E t pour la suite de ce discours, pour le trésor, les monnaies, les cassettes et le reste, il en fu t comme plus h a u ta. Mais la princesse impériale ne fu t pas accordée8. Le prince h é ritie r4 dit : « Tous mes frères aînés ont été tués par les Tibétains. Mes armées ont été détruites par les Tibétains. Je n ’ai pas d ’autres ennemis que les Tibétains. Aussi je donnerai la princesse à G ésar5, roi de la guerre. Les temps sont mauvais et il faut un commandement. Gésar est brave et habile. » Ayant dit, il envoya un messager. La mère dit : « Nous sommes trop riches pour que les Tibétains puissent compenser notre richesse. Un roi sans richesses est pareil à un mendiant. Le roi de Perse ° est très riche. Quand viendront les temps mauvais, il faudra des vivres. Je donnerai donc la princesse au Perse. » E t elle lui envoya un messager. 1 Tout le préambule (instructions du roi, départ du ministre) qui est censé répéter celui du mariage avec la princesse népalaise a été sous-entendu par l ’auteur du Mani blca’ ’bum. 2 Pages 198 à 200 du texte tibétain. 8 D ’après les documents chinois relatifs à cette demande en mariage, il ne s ’agit pas d ’une fille de l ’empereur mais d ’une princesse de famille collatérale à celle de l ’empereur. Les T ’ou-yu-houen du Kukunor avaient obtenu pour leur roi une princesse de ce rang et les Tibétains demandèrent la même faveur. * Connu sous le nom posthume de Kao tsong. 8 Gésar y héros et roi légendaire dont le nom historique a disparu et a fa it place à cette forme possible du mot Caesar. L ’épopée qui raconte ses gestes s ’appelle Gesar sgruń. La version de la province de Kham a été traduite en français: La vie surhumaine de Guésar de Ling, par Alexandra David-Neel et le lama Jongden, Paris, Ed. Adyar, 1931. 9 stag gzig, nom des Iraniens, tassïkf que les Tibétains ont transcrit par deux mots signifiant: Tigre-Panthère. La princesse elle-même dit : « Il fau t aller par ordre dans la vie de l ’homme. C ’est l ’homme même qui est le plus important. Or le roi de Khrom 1 est beau. J ’irai au pays de Khrom. » E t elle envoya un messager. L ’empereur dit: « La Doctrine est venue de l ’Inde. En reconnais sance à l ’Inde je lui donnerai la princesse. » E t il envoya un messa ger. Il ne se trouva personne qui aimât les Tibétains. Alors, vers le milieu du mois suivant, cinq cents cavaliers venus comme témoins étaient rassemblész. Les Tibétains dirent : « Nous avons parlé les premiers et réclamons la princesse. » Les H o rs0 dirent : « Si vous ne donnez pas la princesse à Gésar, nous envahirons vos royaumes avec nos armées. » Les Perses dirent: « S i vous ne nous donnez la princesse, nous brûlerons le royaume.» [204bls] Les Khrom pa dirent : « Si vous ne nous la donnez, nous inonderons le royaume. » Comme il était beau et espérait être aimé, le roi de Khrom vint lui-même. Bien que personne n ’aimât les Tibétains, la loi ne pouvait être partiale. C est pourquoi l ’empereur dit : « Je donnerai la princesse au ministre le plus ingénieux. » E t voici comment il fit pour compa rer leur intelligence. L ’empereur de Chine avait une turquoise large comme la base d un boisseau. Elle avait un œil sur le côté et un œil en dessous, et elle était traversée intérieurement par un lasso semblable à des entrailles. L ’empereur dit : (( A celui qui fera passer une pièce de soie dans la turquoise, je donnerai la princesse. » Le ministre Mgar dit alors: Khrom doit correspondre au chinois Fou-lin, le bassin oriental de la Médi terranée. B n ’est tenu aucun compte du temps nécessaire au voyage des messagers et à celui des cent cavaliers par prétendant. Ce nom dans sa signification restreinte et ancienne désigne les Ouigours. ans une acception générale et abusive, il désigne les Turcs, les Tartares et les Mongols. <( Vous quatre, ministres, l ’empereur vous estime. Voyez si, grâce à votre puissance, vous ferez passer la pièce de soie par les deux trous de la turquoise. » Ayant réuni des alênes, des soies de porc et toutes sortes de fils, chacun des ministres essaya. E t ils se passaient la turquoise de mains en mains. Dans leur cercle personne ne p ut faire pénétrer à travers la turquoise et personne ne gagna : Ils dirent : « Nous n ’avons pas fait passer. » et ils donnèrent à Mgar. Le ministre Mgar avait élevé une fourmi de Chine. Il lui attacha à la taille un fil ténu de Pécharpe de soie, puis à ce fil un brin plus gros, puis à ce dernier un gros fil, puis 1écharpe elle même. Il intro duisit la fourmi dans le trou de dessous, puis il souffla. Chassée par le souffle, la fourmi fuyait, et elle arriva à la sortie de côté. Enfin, tira n t doucement les différents fils de soie tour à tour, le ministre fit passer Pécharpe. Malgré cela, Pempereur ne voulut point lui donner la princesse. Mgar sut encore reconnaître cent mères oiseaux et leurs cent petits en répandant du malt. Malgré cela, Pempereur ne voulut pas lui donner la princesse. Mgar sut encore reconnaître cent juments et leurs cent poulains en leur donnant la chose appropriée. Malgré cela, Pempereur re fusa encore. [205] Mgar sut encore reconnaître le sommet et la base d ’un tronc d ’arbre en le jetant au fond d ’un lac. Malgré cela, Pem pereur refusa encore. Enfin, dans de nombreux concours : le tour du mouton entier à manger par chacun, celui de la mesure de bière à boire par chacun et celui du bâton, personne ne put vaincre le Tibétain. Bien q u ’il réclamât la princesse, elle lui était refusée !. 1 Ces différentes épreuves sont ici simplement mentionnées pour mémoire. Le récit détaillé qui se trouve vraisemblablement dans des versions antérieures du Mani bTca’ bum, est reproduit dans l ’ouvrage moderne intitulé Mtlioù thos dgâ smon rédigé et publié par le lama dBaii Idan, directeur de l ’Ecole supérieure de Darjeeling. Ce petit ouvrage se compose de trois parties traitant de sujets différents. La troisième est le mariage du roi Sron bcan sgan po avec la princesse chii^oise, Alors, un soir, le grand tambour fu t frappé. Les gouvernantes (de la princesse) dirent : « Que les prétendants se rendent au palais. » Les quatre autres groupes de prétendants coururent en avant. Les Le fond du récit est pareil à celui du Mani blca’ ’bum. La forme et le détail sont différents. Voici la traduction du passage dont notre texte donne le ré sumé : 22. Le lendemain, 1Empereur envoya cinq cents moutons et dit : « Je donnerai la princesse à celui qui les tuera, mangera entièrement leur chair et chamoisera leurs peaux dans la journée de demain. » Alors les ministres tibétains tuèrent chacun un mouton et le dépecèrent. Ils mirent la viande à part en un même tas et toutes les peaux ensemble. Rô tissant la viande en morceaux gros comme un dé, elle fu t réduite. Ils commen cèrent à manger et finirent entièrement. Quant aux peaux, chacune, pour être grattée, partait du premier de la rangée des ministres et arrivait au dernier pour être enduite d ’huile. De là, elle repartait pleine d ’huile pour être foulée par chacun et revenait au premier toute tannée. 23. Voyant qu’aucun des autres ministres n ’avait pu finir, les Tibétains dirent: «N ous avons réussi. Les autres n ’ont pas réussi. C ’est pourquoi nous demandons la princesse. » — « Rivalisez encore par l ’intelligence. » E t l ’em pereur ne donna pas sa fille. 24. Il donna cent grandes jarres de vin. « Demain buvez tout ce vin dans la journée sans le rendre, sans être ivres. A celui qui réussira, je donnerai la princesse. » 25. Alors Mgar donna aux ministres tibétains de tout petits gobelets et leur dit : « Puisez petit à petit et, dès le début, buvez gorgée par gorgée. » E t ils burent tout, sans rendre et sans ivresse. Ils virent que les autres, ayant rempli de vastes gobelets, buvaient rapidement dans la crainte de ne pas finir, q u ’ils étaient ivres et vomissaient. « Nous avons réussi, dirent-ils. Les autres n ’ont pas réussi. C ’est pourquoi nous demandons la princesse. » — « Rivalisez encore par l ’intelligence», dit l ’empereur. Et, méprisant •les Tibétains, il ne donna pas sa fille. 26. Ensuite il envoya aux ministres cent juments et cent poulains, et dit: « Je donnerai la princesse à celui qui saura reconnaître la mère de chaque poulain. » Les autres ministres ne surent pas. Mgar, ayant séparé les poulains des juments, leur d.onna du fourrage mais pas d ’eau. Le lendemain, il lâcha les poulains vers les juments. Chacun d ’eux alla téter sa propre mère. Ainsi il sut et dit : « J ’ai su reconnaître. Les autres n ’ont pas su. C ’est pourquoi je demande la princesse. » L ’empereur répondit : « Rivalisez encore par l ’intelli gence. » E t il ne donna pas sa fille. 27. Le lendemain, il envoya aux ministres cent poules et cent poussins: « A celui qui reconnaîtra la poule de chaque poussin, je donnerai la princesse. » 28. Les autres ministres ne surent pas. Dans une plaine Mgar répandit du ministres tibétains, ayant réfléchi, dirent que c i t a i t une faute et ils m arquèrent la porte de leurs demeures avec des lettres vermillon. Ils dessinèrent un vajra sur le linteau, un svastika sur le seuil, et, comptant les portes, ils firent une marque à chacune, puis ils entrè rent dans le palais. Quand ils furent arrivés au palais, l ’empereur leur dit : « Mainte nant, sans vous tromper de rue, rentrez chez vous, chacun dans sa demeure. Je donnerai ma fille à celui qui reconnaîtra sa maison. » Alors, les autres ministres se trom pant de rue et ne trouvant pas leur chemin criaient longuement K\7... K ü... Le ministre Mgar, con duisant les ministres tibétains et levant une lampe, voyait les marques, et, cheminant ainsi, chaque ministre rentra dans sa maison et s ’endor mit. Quand ensuite les Chinois vinrent examiner, les autres minis tres étaient égarés et les Tibétains avaient trouvé. Ceux-ci réclamè rent la princesse. L ’empereur dit: «L a partialité ne serait plus de mise. Demain trois cents jeunes filles se présenteront. A celui qui parmi elles re connaîtra la princesse, la princesse sera donnée \ » Le ministre Mgar s ’était gagné une gouvernante chinoise (de la princesse) par des présents de mets, de vêtements et par son attitude envers elle [205 bi8]. E t il lui d it: « J e te donnerai une mesure de poudre d ’or. Pour cela, montre-moi la princesse. Je l ’enverrai au malt et dirigea vers elle les volatiles. Il les y fit parvenir deux par deux. Ceux qui mangeaient sous le cou l ’un de l ’autre d ’une humeur batailleuse étaient les poussins. Ceux qui ne faisaient pas ainsi étaient leurs mères. Ainsi il les reconnut et dit : « J ’ai reconnu et les autres n ’ont pas su. C ’est pourquoi je demande la princesse. » L ’empereur répondit : « Rivalisez encore par l ’intelli gence. » Et il ne donna pas sa fille. 29. Il envoya aux ministres cent troncs de pins et dit : u Je donnerai ma fille à celui qui reconnaîtra le côté de la tête et le côté du pied. » 30. Les autres ministres ne surent pas. M gar apporta les troncs sur la rive du fleuve, et les jeta à l ’eau. Les côtés de la racine, étant plus lourds, étaient immergés. Le côté du sommet étant plus léger, restait hors de l ’eau. H dit: « J ’ai su reconnaître. Les autres ministres n ’ont pas su. C ’est pourquoi je de mande la princesse. » L ’empereur répondit : « Rivalisez encore par l ’intelli gence. n E t il ne donna pas sa fille. Avant gseb nas, parmi, se lit le mot da b a fi de sens inconnu. Tibet et je resterai ici pour t ’épouser. » La Chinoise répondit: « Les Chinois sont habiles à deviner et ils me couperont la tête. » — « J ’ai un moyen pour q u ’ils ne sachent pas. » Il posa une marmite sur un trépied, la couvrit d ’un filet, et mit dedans un vase. Dans le vase, il enferma la Chinoise. Passant une trompe en cuivre dans l ’ouverture, il ordonna (à la Chinoise) de parler par la trompe. Alors elle dit : « E ntre là cent quarante neu^lème en m ontant et la cent cinquantième en descendant viendra la princesse. Elle sera vêtue de sept robes étagées et superposées \ Comme son corps sera suavement parfumé, une abeille de turquoise volera autour d ’elle. E ntre les sourcils, elle aura un disque rouge gros comme un grain. Passe-lui une écharpe de soie tenue par deux flèches empennées de vautour, et, avec leurs barbelures, tire la p rin cesse par le cou. » * Le lendemain, les autres ministres retirèrent, certains la mieux parée, les autres la plus belle, et ils les emmenèrent. Alors les minis tres tibétains retirèrent la princesse avec la flèche barbelée1 et ils remmenèrent. Les Chinois dirent : « Notre sage fille et sœur est emmenée par les Tibétains. » E t ce disant, ils se frappaient la poitrine durant tout le jo u r.8 L ’empereur d it: «M aintenant il n ’y a plus rien d ’utile à faire. Ma fille, il fa u t que tu partes pour le Tibet. » Elle-même d it: « Je n ’y trouverai aucun ami. Il n ’y a ni Loi ni même de richesses. Je n ’irai pas dans cette contrée barbare. » 1 Sept robes pour les sept couleurs de Tare en ciel. Chaque vêtement est plus court que celui qui est immédiatement dessous et de couleur différente. Un effet décoratif est tiré de tous ces dépassants, effet imité, depuis, par tis sage ou broderie sur les robes chinoises dont le bas est cerclé d'arcs en ciel. 2 Coutume tibétaine des fiançailles consistant généralement à accrocher la flèche dans les cheveux de la jeune fille et à l'attirer à soi. (Voir Trois mys tères tibétains, p. 234). Dans le Thon thas d g a ' smon, pour le cas particulier de la princesse impériale, la Chinoise dit : « Cette princesse, comme son corps et ses vêtements sont gardés purs, il n'est pas possible de la toucher. C'est Pourquoi attache à une flèche neuve une soie carrée de couleur safran, etc. ^ * fii ma îog log tu, Durant tout le jour, traduction incertaine. L ’empereur reprit [206] : « Il est incarnation du Compatissant et il me tuerait par son pouvoir magique. Ayant conquis et dispersé tous mes royaumes, il t ’emmènerait malgré toi. Ne parle pas ainsi. Vois ce q u ’a accompli son ministre. Il vaut donc mieux aller dès maintenant. » La princesse répondit: u Je désire Śākyam uni1 comme objet de culte. Comme dot, je désire les trente-quatre tables de divination coloriéesa » Ayant dit ces paroles, la princesse fit à son père cette prière : « Hélas, mon père, éeoute-moi. Si je vais au Tibet Dans ce pays neigeux du Nord, Il gèle, il neige et il grêle. Les génies et les démons malfaisants y abondent. Les monts de neige semblent des crocs de bêtes fauves. Les monts de roches semblent des yacks sauvages. Je n’y serai pas heureuse0. Les céréales n’y poussent pas, c’est le pays de la famine, La race y est celle de parias égarés, mangeurs de chair, Race barbare aux mœurs grossières. Ils ont l’activité des démons malfaisants. Les docteurs n’ont jamais mis le pied au M tlia’ ’khab. Privé des quatre ordres, c’est un pays de race vile. Privé de religion, c’eföt le pays des ténèbres. Sans objet de culte ni lieux saints, Ce pays n’amasse pas de mérites. Si je vais au Tibet pareil à cela, Je demande le S â k ya m u n i, Objet de culte et dieu tutélaire de mon père. Ce pays neigeux est le royaume de la faim. 1 Cette statue, toujours très vénérée est appelée jo bo rin po che, le Précieux Seigneur. 2 Le texte porte par thań qu ’il faut corriger en spor tliah. Ce mot est écrit correctement plus loin. 8 Bag mi âro n ’est pas traduit. dro peut être pour ’gro ou gro, dont la prononciation est aujourd’hui la même. On aurait bag ’gro, aller comme fiancée ou bag gro, farine de froment. Je demande un trésor de choses précieuses. Ce pays neigeux étant glacial, Je demande un manteau qui dure toute la vie. Les Tibétains étant rudes, Brutaux et sans pudeur, Je demande cinq cents servantes. Les Tibétains ne distinguent pas le pur et le souillé, Je demande des cuisiniers et des balayeurs. Dans un pays aussi malséant, Pour adoucir ces hommes grossiers, [206 b] Que devront être mes pensées et ma conduite? Que mon père veuille me l’ordonner. » Ainsi elle parla. E t Tempereur répondit à sa fille: 0 ma fille, écoute-moi. Le pays neigeux appelé Tibet Est vénérable entre tous les pays. Les pics de neige, nés d’eux-mêmes, sont pareils à des stûpas con struits. Surgis spontanément, ils sont des lieux saints sacrés. Ses quatre lacs sont étalés comme un mandala de turquoise. Ses quatre plaines sont disposées comme des offrandes naturelles. Ses quatre fleuves réunis n’ont que trois sources naturelles1. Les montagnes y sont hautes, la terre y est pure et les pics de neige sont abrupts. Le bonheur et la joie y sont comme le dessin du svastika. Dans les autres royaumes, le roi des hommes est fait roi par les hommes. Le roi des Tibétains, merveilleux et surnaturel, Est fait roi par les dieux. Il est l’incarnation des Bodhisattvas. Ce Sron bcan sgan po, incarnation du Grand Compatissant, Est vénéré par les rois des quatre points cardinaux. Sron bcan sgan po, protecteur de la Loi, Est incarnation du Bodhisattva aux six syllabes. 1 Les quatre lacs, les quatre plaines et les quatre fleuves sont peut-être dét rminés dans 1Esprit des Tibétains. D ’après l ’importance et la particularité des trois sources, il faut comprendre le Brahmapoutre et le Sutledj qui prenaient probablement tous deux leur source dans le lac Mansaravar avant l ’ensablement. H est un roi aux vertus innombrables. Ses nombreuses œuvres se propagent au loin. Il sera la mère de tous les sujets du Tibet. Tu pourras toi-même rassembler Les moines et les nonnes, les convers hommes et femmes. Puisqu’il en est ainsi, pour amasser des mérites, Je te donne le maître Sâkyamuni, Objet principal de mon adoration, Et image même du Bouddha, Qu’on dit semblable à lui par l’apparence. À quiconque le vénère, transporté de ferveur, Plein d’amour et de compassion pour toutes les créatures [207], Pour que toutes ces créatures atteignent le Paradis Et obtiennent la Bodhi éminente, A quiconque adorera ce Sâkyamuni, Est promise la Bodhi suprême et rapide. Quiconque, accablé par la crainte de la transmigration, Yreut se délivrer dès maintenant, S’il adore ce Sâkyamuni, Sera sauvé et affranchi de l’existence. Ayant vaincu et remporté la Bodhi pour soi, Il sortira de la misère de ce monde. À quiconque vénère ce Sâkyamuni Pour être sauvé des douleurs de l’enfer, Il est promis qu’après épuisement de sa peine, Il obtiendra le Paradis bienheureux. Quiconque désire les joies de ce monde, S’il prie ce Sâkyamuni en portant des offrandes Verra ses désirs réalisés. Il apaisera les Esprits qui lui sont nuisibles. Tous ceux qui salueront ce Sâkyamuni avec fci, Ou avec confiance lui feront une offrande respectueuse, Ou en feront le tour en le contemplant, Tous deviendront rapidement Bouddhas. Ainsi vénère-le avec foi et respect. C’est cet objet de culte, exceptionnel et souverain, Bien qu’il me semble arracher mon cœur, C’est lui, ô ma fille, que je te donnepar amour. Je te donne par amour, ô ma fille, De nombreux trésors de joyaux. Je te donne, ô ma fille ravissante, Dix ornements incrustés du signe magique du soleil et de la lune. Je te donne un grand livre en or et turquoise, Trois cent soixante écrits de divination, Trois cent soixante sortes de mets prêts à cuire, [207 b] De nombreuses boissons, remèdes pour la soif, Trois cent soixante pièces d’armure, De nombreuses variétés d’armes tranchantes Pour protéger la personne du roi. Je te donne trois cents sortes de parures, Des selles1 incrustées de turquoises et autres choses, Pour embellir le royaume du roi. Je te donne des coussins de soie, le manteau de fourrure Senge bya brgyad m a2. La gazelle rayée aux couleurs de l’arc-en-ciel et (coiffée du croissant) de lune et du soleil,8 Des feuilles de l’arbre de Paradis portant le dessin du Joyau, Pour mettre le comble à l’étonnement du roi. Je te donnerai ces prodiges extraordinaires Et les quatorze règles pour diriger les Yihâras, Des gloses et des dictionnaires, Le pouvoir magique des mots et le Ca na k a 4, Et de nombreux traités sur la conduite. Je te donne par amour, ô ma fille, Des livres sur les usages domestiques et la discipline chinoises. La méthode du sanscrit et les autres, Des recettes efficaces pour la protection des bergers etl’accroisse ment des troupeaux, Toutes les séries des calculs et des nombres. Je te donne par amour, ô ma fille, Trois cents tables de •divination chinoises, Un miroir faisant voir ce qui est bien et ce qui est mal. 1 K ha est une erreur manifeste pour sga. Le mthoù thos d g a r smon donne ska, erreur également. a F ait de huit peaux de lions ailés? Traduction trop douteuse pour être risquée. C ’est-à-dire ayant un disque entre les cornes. N i zla est l ’emblème du so leil dans un croissant de lune qui surmonte les stûpa. * Probablement Cânakya, auteur de àlokas sur la manière de gouverner les peuples. Je te donne par amour, ô ma fille, Soixante œuvres d’art magiques Faisant des ensembles d’une incomparable beauté. Je te donne des remèdes contre les quatre cent quatre maladies, Les soixante (premiers) huitième et quinzième jours \ Et les quatre préparations2. Pour ton perfectionnement et ta juste conduite, Je t’enverrai par amour, ô ma fille, Les nombreux conseils réunis dans les Sûtra et les Tantra Qui apaisent les 84.000 maux, Et propagent l’Océan des vertus sans exception; La collection des dix Pāramitā et des quatre Sûtra avec la pratique, Qui font rejeter les dix vices [208] et réaliser les dix vertus, Puis de nombreuses instructions religieuses. Je te donne des vêtements de soie pour la vie Et trois cents coussins de satin d’aspects variés. Pour te gagner8 les hommes du Pays Neigeux, Conforme-toi à ces règles de pensée et de conduite: Voyant de haut, maintiens ton attitude sereine4. Forte de tes croyances, montre une grande endurance6. Levée avant le matin, sois la dernière endormie le soir. Attentive, fais-toi belle, avenante et douce. Soigne et garde pures les ouvertures de ton corps. Que tes mains prestes fassent œuvres de propreté. 1 II s ’agit probablement d ’une table des huitième et quinzième jours de la première lune pour le cycle de soixante ans. Ces fêtes s ’appellent brgyad stoû et bco Iña mchoãpa. a sbyor sra(?) bzi. Le Mthoń thos d g a 7 smon donne sbyor sde bzi, les quatre branches de la pharmacie. — sbyor ba bzi sont les quatre exercices religieux. Le Mthoń thos d g a J smon évite l ’obscurité de ce texte tout en gardant une certaine ressemblance en trompe l ’œil: bzi brgya rca bzi*i nad rnams ’j oms p a fi sman / brtag thabs brgya dan dpyaã Ina spyad drug dan / sbyor sde bzi la sogs pa bdag gis brjuńs. Je te donne les remèdes pour vaincre les 404 maladies. Les cent manières d ’examiner, les cinq investigations, les six expériences et les quatre ordres de mélanges. 8 bsdu, unir. Le Mthoń thos donne ydul, apprivoiser. 4 Comme plus haut, le Mthoń thos donne un pastiche de ce vers. Au lieu de: Ita ba mtho ziii spyod pa zi bar mjod, il donne: Ita ba yańs êin spyod lam bzi par m jod : En vue de partout, surveille tes manières avec minutie. 8 Ce vers, dont la traduction est incertaine, n ’a pas de correspondant dans le Mthoñ thos qui lui a seulement emprunté le mot yahs pour le vers précédent. Habile à modérer la futilité, donne tes soins aux choses bonnes. Etant élevée, montre-toi souriante. C om patissante, aime tes serviteurs. A femme peu aimable \ mari peu fidèle. Respectant ton époux, compte avec tes fils. Ne va pas chez tes voisins de petite condition. Sers les grands et aime les humbles. A pprouve les contradicteurs ainsi que les vieillards. Avec douceur pour tous, dis la vérité. Méditant la piété, soutiens les pauvres de tes aumônes. Qui est charitable ne reçoit pas d’offenses. Enseignant les Ecritures à tes enfants, tu affermiras leur piété. Exaltant surtout les Ratnas, tu grandiras leur foi et leur dévotion. Si tu établis la science de la religion, le bonheur habitera ce bas monde. Elevant des statues au Bouddha, écris aussi les textes de la sainte Loi. En l’écoutant, méditant et réalisant, tu pratiqueras la religion ortho doxe. En recevant et vénérant les moines, tu observeras ton plus saint de voir. Te souvenant des pratiques de la religion en temps voulu, applique-toi dès aujourd’hui. Des lors ne cede pas à la pensée [208 b] que tu n’as pas de temps pour la religion. Si tu prends les Ratnas comme protecteurs, ils te protégeront. Pense au fruit des œuvres et tu renonceras au péché pour la vertu. En imaginant les douleurs de la transmigration, tu affirmeras ta volonté de délivrance. E vitant la corruption du inonde, mets ta confiance dans son protec teur. Désire être aimante et pitoyable, et tu avanceras en sainteté. Si tu fais œuvre de sainteté, tu établiras la voie du grand Véhicule. Et si tu fais ainsi, tu seras bénie. Mon discours est fini. Ma fille, fais comme j’ai dit. » Ayant ainsi parlé, l ’empereur donna à la princesse la Grande nstruction, l ’enseignement des caractères, le Ca na h a 2, les Cent *phyor, pour son homonyme mchor, aimable. Les élokas du roi Cânakya sur la manière de gouverner. sagesses1 et autres traités. Puis glorifiant et adorant le Śākyamuni, il se retira. Alors la princesse étant entourée de cinq cents servantes, le mi nistre Mgar fu t introduit pour la saluer. E t la princesse impériale dit au m inistre: «A s-tu de l ’arm oise2 du Tibet, as-tu de l ’herbe gres m a 3, as-tu des églantiers*, as-tu des légumes verts? » — « J ’ai les trois premiers, mais n ’ai pas de légumes verts. » — « Eh bien, il conviendra d ’en cultiver au Tibet. » A yant dit, elle enveloppa de la semence de rave dans un ruban do soie couleur safran, et l ’enroulant dans sa chevelure, elle partit. Alors le Sâkyamuni est placé sur un char. Les roues de ce char sont tirées par deux athlètes nommés Lha dga’ et K lu dga’ 5. Après vient la princesse entourée de ses quatre meilleures servantes. Son char est tiré par deux mules blanches. Derrière, suit une escorte de cinq cents cavaliers. A ce moment la princesse est remise aux minis tres tibétains. E t l ’empereur lui dit ces louanges: « Ema ho ! Cette fille vierge appelée K o n jo , N’est de corps trop longue, ni trop courte, [209] Ni trop replète, ni trop mince. Sa taille est comme Parc, on ne se lasse de la contempler. Quels que soient les arts du monde, Elle les surpasse tous en perfection. Quels que soient les chants et les danses dans toutes les contrées de l'univers, Elle les sait tous sans exception. Qu’on la regarde de dos ou de face, elle est toujours belle. Exempte de passions, de colère, de légèreté, Elle est patiente, douce envers les bons et chaste. Elle parle ou se tait, sourit ou même rit à propos. 1 Prajñāśataka de Nāgārjuna. a Kham ba, plante aromatique, Artem isia ou tenacetum tomentosum. 3 Ou dres ma, plante fibreuse. Pour gres ma. Desgodins donne Eleusina indica. * Il est plus probable q u ’il s ’agit ici d ’un arbre propre à la nourriture des vers à soie, peut-être même le mûrier. Le mot se ba désigne encore dans le Sud un bambou plein dont on fa it les lances et dans lequel on taille les calames. * Qui aime les dieux et Qui aime les Nâgas. Attentive à toujours rester modeste, Elle cherche à être serviable aux autres. Ainsi elle est digne du respect de l’Univers Et on ne se lassera jamais de la contempler. Elle connaît la manière de guérir Les maladies des hommes et des troupeaux. Il n’est personne qui ne l’aime, personne qui la prenne en inimitié. De toutes les jeunes filles, aucune ne Régale en savoir. Convenant au caractère d’un roi de la religion, Cette princesse impériale Konjo N ’a pas sa pareille dans le monde des hommes. Si elle sent la moindre maladie, Aussitôt son mal est guéri. Son corps émet le parfum de l’encens, Et d’un encens exquis qui domine toutes les autres senteurs. Ses paroles charment le cœur, Et on se répète ses propos que tout le monde écoute. Elle assiste tous les êtres de ses biens et de ses vivres, Et elle les respecte jeunes ou vieux. Cette jeune princesse appelée Konjo, Sans etre orgueilleuse de sa race et de son corps, Respecte avec humilité les créatures. Il sied de la donner au meilleur des hommes, au roi de la religion. » Avec ces mots, l ’empereur vantait la princesse impériale [209b]. Après cela, les ministres tibétains emmenèrent le Śãkyamuni et la princesse impériale incarnation divine. Son char était tiré par un chameau. Après, suivaient cinq cents ministres à cheval. Venaient ensuite, pour la servir, cinq cents jeunes hommes âgés de vingt ans et cinq cents jeunes filles âgées de seize ans, en tout mille. Au moment où les étoiles de l ’Est arrivent à l ’Ouest, avant le cri du corbeau on partit. Dans cette interprétation, bya khra t a ’i skad kyis ma non pa la, est loca tif de temps. Ce groupe de mots pourrait être aussi l ’accusatif gouverné par gtad de et cela donnerait un sens voisin de: Sans que le cri du corbeau eût donné un mauvais présage. On sait que le cri du corbeau, selon la direction de sa provenance et selon sa nature, est un bon ou mauvais présage (Laufer, Bird divination among the Tibetans, T ’oung Pao, 2e série, Vol. XV, mars 1914.) Cependant Bgyal mañ rje et le ministre ’Phro mas run guñ ston 1 n ’approuvaient pas {Mgar) et l ’accusèrent. Ils laissèrent entendre que le ministre Mgar s ’était uni avec la princesse impériale et ils disaient que le ministre était magicien. En secret, ils s ’offrirent à l ’empereur pour le remplacer. L'empereur, craignant les maléfices de Mgar, le re tint malgré lui. Alors les autres ministres et la princesse impériale marchèrent ju sq u ’au lever du soleil et ils s ’arrêtèrent. Le Śākyamuni fu t placé sous un dais à rideaux de soie blanche. On lui offrit de la bouillie de riz dans un bol à aumônes. Ensuite une petite tasse de ce riz fu t cuit et servi a la princesse impériale. La suite des serviteurs n 'arriv a q u ’au milieu du jour. Ce jour là, comme on avait campé là, quelques ministres tinrent conseil; quelques-uns luttèrent à la course à cheval; certains lu t tèrent a la course à pied; d ’autres mesuraient leur force au tir de l ’arc à cheval " et à d ’autres jeux. La princesse ayant fait les cinq préparatifs pour le sacrifice et jouant d ’une ly re 3 en argent à trois cordes, se leva et fit entendre ce chant : « Lorsque tu naquis le premier des hommes * Après que tu eus fait sept pas sur la vaste terre, Tu dis: « Je serai le Parfait de ce monde. » Je te salue, ô toi déjà sage à ta naissance. » Elle chanta d ’autres choses encore, et ceci: [210] « Tu es le plus beau des cinq Mânusibuddhas. Tu es semblable à un océan de sagesse, à une montagne d’or. 1 Ces noms ne paraissent pas dans les chroniques de Touen houang. Pour cetto époque sont mentionnés les ministres Myañ m an po rje zaù snaû et maù po rje pu chab. Mari rje ou maù po rje (Polycrate) se retrouve dans d ’autrès noms. J Le texte semble porter chahs qui n ’est pas satisfaisant et peut être une erreur pour chibs, cheval. Le tir de l ’arc (aujourd’hui du fusil également) à cheval est un sport traditionnel au Tibet. 3 Tambura, du persan tambür, lyre. (Laufer, Loan-words in Tibetan, T ’oune pao vol. X V II.) 5 4 rlcań gñis. L es bipèdes. Ta renommée resplendit dans les trois Univers. Je me réfugie sous ton égide, d le plus grand des Protecteurs. » Ainsi elle chantait de courtes louanges à Sâkyamuni. Le lendemain, avant le cri du corbeau, ils partirent. Ceux qui avaient de mauvaises pensées dirent : « La princesse vient par amour pour la beauté du roi. Mais elle a honte 1 de son propre corps et craint de se présenter aux yeux du roi. Elle a ainsi dépensé toute la durée d ’un mois à faire des dévotions, à construire des chapelles et à en faire le tour, puis, sous d ’autres prétextes encore, elle a beau coup tardé. » Cependant l ’empereur, à cause de la grande intelligence de Mgar et dans l ’espoir d ’augmenter sa famille, ne le laissait pas partir. Le ministre Mgar dit : « Si tu ne me laisses pas p a rtir pour le Tibet, les quatre autres prétendants qui sont puissants raviront la princesse impériale. Pour la conduire au Tibet, envoie une escorte de cent jeunes nobles courageux et âgés de vingt ans. » L ’empereur les envoya. A ce moment, les Bouddhas, les Bodhisattvas et tous les êtres eurent trois visions2 du bonheur arrivé au Tibet neigeux que le Bouddha n ’avait jamais foulé de son pied. Cependant le ministre Mgar était demeuré comme otage. (L ’empe reur) lui offrit en mariage une Chinoise très belle et de noble lignage. Mais Mgar, craignant d ’augmenter sa famille, ne s ’unit pas avec elle. Il ne mangeait aucun des mets q u ’elle lui servait et il devint extrêmement maigre. Comme il dormait tout le jour au soleil, son teint devint bleu foncé. Il se m it une chique d ’indigo sous la joue droite, une chique de laqué rouge sous la joue gauche, et il se m it à cracher [210 b]. (Ses crachats) étaient bleus et rouges comme du pus. Il étendit sous son lit une peau mouillée et la couvrit d ’un matelas. Comme il était couché, la Chinoise sentit et dit : « Quelle mauvaise 1 II faut gnoń au lieu de gnañ. La prineèsse après ses relations avec M gar, 11’ose plus affronter son époux. Trois visions différentes selon la nature propre des Bouddhas, des Bodhi sattvas et des autres êtres. odeur sent le corps du ministre ? » Il répondit : « Ne sais-tu pas que je suis malade de la fièvre ? » Alors un jour les ministres de l ’empereur vinrent le voir et lui dirent : « Nous avons beaucoup de sujets sur lesquels te consulter, ministre Mgar. » — « Dites à l ’empereur de Chine que je suis mala de. » L ’empereur vit le ministre Mgar. Il le vit grelottant de fièvre et amaigri. Mgar cracha: c ’était couleur de pus. L ’empereur vit tous les crachats desséchés tout autour 1 et il eut peur que le ministre ne mourût. Il pensa : « Il est le ministre intelligent de Sron bcan sgan po roi du m tha’ ’khob. S ’il meurt, Sron bcan sgan po s ’incarnant sous cinq mille formes chaque matin, me fera la guerre et ce sera un grand malheur. » Pensant ainsi l ’empereur était terrifié et il d it: « F ais appeler un habile médecin chinois et montre-lui. » E t il envoya un médecin. Le ministre Mgar restant dans sa chambre dit alors : « Ma mau vaise odeur incommodera le médecin. » Il trem pa dans l ’eau les deux extrémités d ’une corde, jeta l ’une par la fenêtre et il d it: « Puisque ce médecin est habile, il saura par ce moyen. » Quand le médecin chinois eut regardé, il dit: « I l n ’y a pas d ’autre maladie que celle-ci: son origine est de la nature de l ’eau, il faut donc guérir le froid. » Le médecin revint le lendemain. Le ministre avait mis une extré mité de la corde dans le feu et jeté l ’autre par la fenêtre. Le médecin regarda et dit « Q u’est-ce? La maladie du ministre a changé. Main tenant elle a la nature du feu. 11 faut guérir le chaud2». [211] Le lendemain le médecin revint encore et regarda. Le ministre Mgar avait attaché un bout de la corde à un moulin à m ain 8; il jeta l'au tre bout au médecin. Celui-ci d it: « Q u’est-ce? La maladie du ministre a changé. Son froid a la nature de la pierre et son pouls 1 tho phyi3 environs. 3 bro ba pour dro ba. 3 Petites meules à broyer l ’orge grillée, faites de deux disques de pierre tour nant l ’un sur l ’autre. est agité comme les stries1 (Tune meule à main. Je ne puis guérir cette maladie. » E t il s ’en alla. L ’empereur fu t très effrayé. Il appela un autre médecin. Le ministre Mgar dit à sa femme : « Ce soir couche-toi à la porte. Comme tu es une femme souillée, demain m atin le médecin ne pour rait juger de mon pouls. Il partirait, j ’en mourrais et tu serais veu ve. » Ayant dit, il l ’envoya à la porte. Puis, ayant relevé le pied de son lit, il dormit la tête en bas. Alors son pouls fu t agité. Le médecin le vit ainsi et, devant l ’empereur, il fit cette réponse2: «L a mala die de ce grand ministre n ’est pas une maladie venant de l ’air. De même, elle ne vient pas de la bile ou des humeurs, et elle n ’est aucune des quatre-vingt mille maladies causées par les démons. Comme c’est une autre grande maladie, je ne sais la guérir. » L ’empereur dit alors au ministre Mgar: « Ministre Mgar, puisque ton savoir est grand, comment faire une bonne récolte en Chine? P ar quelle culture la faire m ûrir?» Le ministre Mgar répondit: «F aites roussir la semence ju sq u ’au jaune et semez c la ir3.» Les Chinois, ayant grillé la semence, la semèrent. Trois mois après, comme le temps de la germination des épis allait bientôt venir dans le jardin de l ’empereur, le ministre Mgar pensa q u ’il serait puni et il inventa un moyen [211 b] : « D ’ici sept jours, je serai mort, dit-il. A ce moment il y aura dix-huit présages funestes pour ce pays. » (L ’empereur) dit: « E h bien, n 'y a-t-il pas un moyen de guérir la maladie du ministre? » — « Si je fais certaine cérémonie magi que, peut-être guérirai-je.» — « E t que faut-il pour cela? — « I l faut un cheval brun à têtç rouge, un estomac (de mouton) rempli de sang de rate ‘ de mouton rougeâtre, un sac rempli de cendre de 1 Le sens de ri ma, dessin est ici difficile à saisir. La face interne des meules est striée de lignes se contrariant. Peut-être s ’agit-il du mouvement de va et vient du bras. 2 II semble que len soit une erreur pour lan. 3 dru pour ’bru, grain. * mcher pour ’cher serait la rate, mcher est supposé un organe dépourvu de sang. la meilleure soie, une p o u tre1 de charbon de bois long d ’une toise et sans aucune ride. » L'em pereur donna les ordres et on brûla toutes les soies de Chine, mais les cendres envolées2 ne rem plirent pas un sac. On brûla toutes les forêts, mais on ne trouva pas une poutre de charbon de bois sans craquelure. On mit à mort tous les troupeaux de moutons, mais on ne rem plit pas un estomac avec du sang de rate. L ’empereur dit: « On a le cheval. » Mgar répondit: « Je garderai au moins ce cheval. Cependant je mourrai. Après ma mort, le mal heur tombera sur le peuple de ce pays en général et sur l ’empereur particulièrem ent8. Avant que je meure, portez-moi en un lieu d ’où je puisse voir les montagnes du Tibet. » Alors l ’empereur dit: « N ’y a-t-il pas un autre moyen de te gué rir? » Le ministre Mgar répondit: «S i je prie les dieux dans le lieu où je verrai les montagnes du Tibet, peut-être guérirai-je. Rien d ’autre ne me guérirait et je mourrais. » L ’empereur craignant que le ministre Mgar ne mourût, l ’envoya prier, et, de peur q u ’il ne s ’en fuit 4, il envoya quatre hommes vigoureux pour le garder. Après q u ’il eut envoyé le ministre tibétain, l ’empereur dit: « Quel qu'un a montré la princesse impériale. Découvrez-le par le calcul magique. Je le punirai. » Les astrologues firent les calculs et dirent: « Sur trois hautes m ontagnes5 il y a un grand lac ° Sur ce lac est une grande plain e7. [112] Sur celle-ci est une démone8 dont le corps est couvert d ’y e u x 9 et dont les lèvres sont de cuivre10. C ’est elle qui a 1 mâurt, lance, que donne le texte est pour gâuù, poutre, rondin. 2 bya ’ur est le frémissement d'une volée d'oiseau. La soie pure ne laisse pas de cendre. 3 sgas Tcyi est pour sgos TcyL 4 brgya la a un sens analogue à gai te, si: E t craignant s ’il s ’enfuyait... ‘ Le trépied. Voir p. 2 le sortilège de M gar pour déjouer la divination des astrologues. a La marmite. * Le vase. 8 La gouvernante. 9 Les mailles du filet. 10 La trompe de cuivre. montre la princesse. » — « De pareilles choses sont impossibles. Tu as menti. » Le prince impérial The la brûla quatre-vingt tables d ’astrologies dans un cercle de feu. Mais l ’astrologue en couvrit de son manteau et garantit ce q u ’il put en c o u v rir1. Depuis on appelle ces livres gai rce {recouverts) . Le reste fu t brûlé. Cependant le ministre Mgar s ’était mis en route et ne donnait que peu de nourriture à ses quatre colosses. Il arriva ainsi à Rgyal mo cha l a ’i r o ñ 2. Alors il les laissa manger à satiété. Il leur donna de la viande séchée et salée. Puis, mêlant le miel sauvage à leur vin, il leur donnait a boire tan t q u ’ils avaient soif. Lorsque les quatre hommes furent ivres, Mgar brisa leurs armes 3, et il enfonça un clou dans le pied de chacun de leurs chevaux. Comme nul autre cheval ne pouvait rattraper le cheval brun à tête rouge, Mgar l ’enfourcha, puis il jeta de l ’eau au visage des quatre hommes en criant: « Voilà un ennemi. Levez-vous vite!» E ux quatre, s ’étant levés en titu b a n t4, regar dèrent: leurs armes étaient brisées, leurs chevaux boitaient et ne pou vaient marcher. Le ministre Mgar leur dit: « Quant à moi, je vais au Tibet. » E t fouettant son cheval, il p a rtit rapidement °. Les quatre hommes dirent : « Le ministre tibétain a fait ce que nous avions toujours craint q u ’il ne fît. Maintenant, si nous retour nons, l ’empereur nous punira. » Disant ainsi, ils suivirent le ministre Mgar. Mgar, allant modérément, à moyenne distance, les conduisait6. Le ministre les précédait à portée de la vue et leur déposait du pain 1 Phaù ba est le giron et le devant de la robe relevé pour porter, le tablier. gab pa veut aussi dire cacher de sorte qu’on peut également comprendre que, sans étouffer le feu, l ’astrologue avait auparavant sauvé et caché ce que son vêtement pouvait contenir de livres. Ce nom réduit en cha ron est celui de la province sud-est du Tibet: La 1 allée étroite chaude. 3 L ’instrumental au lieu du génitif, comme le cas se présente souvent dans les œuvres canoniques. * Tha ma tho ma. 8 Le texte porte ’sad de que nous ne connaissons pas. Nous supposons ’seã de, avec force, ici rapidement. 6 II faut ’ońs au lieu de 'ens. de distance en distance. Les quatre colosses dirent : « Il ne nous abandonne pas. Suivons-le. » E t ils le suivirent. C ’est ainsi que la race chinoise vint au Tibet et s ’y é te n d it1. [212 b] Pendant ce temps, dans l ’empire de Chine, les épis, bien que sortis épais, étaient sans fruit. Ces propos arrivèrent aux oreilles de l ’em pereur : « Le ministre tibétain a été retenu. En lui refusant tout d ’abord la princesse impériale, on l ’a irrité. Il a brûlé toutes les soies de Chine. Il a mis à m ort les troupeaux de moutons. Il a brûlé les forêts. Il a emmené le Śākyamuni et la princesse, reine et incar nation divine. Il a détruit toutes les provinces de la Chine. » L ’empe reur se demanda si c ’était vrai et il envoya de nombreux cavaliers à la poursuite. Cependant, le ministre tibétain ayant ramassé une grande quan tité de crottin de cheval dans un campement de h a lte 2, le jeta dans le gué du fleuve et il laissa le lieu rempli de nombreux pas de che vaux. Quand les poursuivants chinois virent cela, un d ’eux dit: « Le rattraperait-on que ce serait inutile. Des cavaliers en grand nombre sont venus à sa rencontre3: il y a ta n t de crottin de cheval dans le gué et tan t de pas de chevaux! » Ce fait est inscrit à l ’Ouest du Vihâra de Ra sa \ Un autre des poursuivants dit : « Le ministre tibétain est un grand magicien. Nous ne savons donc pas ce qui en est. Poursuivons-le. » E t ils partirent. Puis le ministre Mgar rencontra une forêt de bambous6. Ayant coupé un grand nombre de fouets, il les jeta sur le bord du fleuve. Voyant cela, les poursuivants chinois d ire n t6: «Que de fouets ils ont laissés! Quand même nous les rejoindrions, ils l ’emmèneraient. » Ce disant, ils s ’en retournèrent. 1 Allusion possible aux habitants du Poyul ou Pom i à l ’Ouest du Cha ron. Les Poyulais se disent de souche chinoise. Us sont forts, farouches, volontiers brigands, et laissent peu les Tibétains pénétrer dans leur pays. 3 chai glin. Sens déduit de chai po, la halte méridienne des caravanes. 3 sun a même sens ou est une erreur pour hsu. * Nom ancien de Lha-sa. 5 Les bambous supposent une vallée très méridionale. 6 Nous avons corrigé d e ’i... m i’i du texte en de,., misr La princesse était arrivée au Kham 1 et s ’était arrêtée à Spor than bde mo*. Elle espérait que Mgar arriverait, étant grand magicien, et elle l ’attendit. Mais il ne vint pas. Elle alla ensuite à Zabs ziń du Kham, et ayant capturé des cerfs3, elle laboura un champ et l'en semença, mais le ministre ne venait pas encore. A Ldan ma brag ca \ elle grava sur le roc le premier volume de Bgyas p a 6. [213] E tant ar rivée à la forêt de Sum p a 6, elle y défricha la route appelée Bgya mo ’phred la m \ (De là), elle vit l ’excellent Tibet. Les gens de sa suite l ’accusaient d ’avoir fait routes et œuvres religieuses parce q u ’elle avait conçu un enfant du ministre Mgar. C ’est pour cela, disaient-ils, q u ’elle tarde si longtemps. E n ce lieu (Sum pa), le ministre Mgar rejoignit la princesse et il envoya un courrier avec ce message : « La princesse et le divin pro tecteur arrivent des quatre directions de l ’espace au Tibet Central. Que tous les sujets tibétains battent le tambour des réjouissances, q u ’ils remplissent l ’espace d ’oriflammes flottantes et la terre de cava liers allant à la rencontre. » Le roi transm it ces ordres aux sujets tibétains : « A ttendu que la princesse est incarnation divine, on ne sait par où elle arrivera. Aménagez donc tous les mauvais chemins de montagne. » Aux villes de l ’Est, il commanda de faire une route directe vers l ’E st jusqu'au château de Sna’i g don et d ’aller à la rencontre du Śākyamuni et de la princesse. Aux villes du Sud, il 1 Province Orientale et Sud Orientale du Tibet. a « Heureux Horoscope ». 3 La latitude de la province du Kham ne permet pas de traduire ici ’sa ba, cerf, par renne. Il faudrait* le faire, par exemple dans la chronique 246. (Voyage d ’exploration au Nord des tribus Ouigours) : «. . . à l ’Ouest est la tri* bu des Gud... Ils chargent des cerfs et s ’en servent comme bêtes de somme... » 4 ldan ma est un district de la province de Kham. 5 Littéralement, le développé: La Prajñā pāramitā en cent mille ślokas. 8 sum pa, anciennement pays des Soupi, l ’Amdo d ’aujourd’hui, au nordest du Tibet. A Sum pa naquit au X V IIIe siècle l ’historien Sum pa mlchan po ye ’ses dpal ’byor auteur de Dpag bsam l]on bzan. 7 Littéralement: Chemin de traverse de la Chinoise. Cette route existe en core sous ce nom. commanda de faire une route jusqu’à B se’i sgron1 et d ’aller à la rencontre du Śākyamuni et de la princesse. Aux villes de l ’Ouest, il commanda de faire une route sur Dan ’bag et d ’aller à la rencontre du Śãkyamuni et de la princesse. Aux villes du Nord, il commanda de faire une route basse dans le pays nord de Dga’i phu et d ’aller à la rencontre du Śākyamuni et de la princesse. Comme la princesse était une incarnation de Tārā, elle arriva par les quatre directions ju sq u ’au centre de Lha-sa. De sorte que les citadins de l ’Est disaient: «Elle est descendue dans la grotte de Mal d ro 2. [213 b] La preuve en est que lors du passage du fleuve, le gué fu t appelé Bgya rab k a 8. » Les citadins du Sud di saient: « Elle est venue par le Grib p h u 4. La preuve en est q u ’elle a dit le glacier ressembler à une conque enroulée à droite et que ce nom lui est resté. » Les citadins de l ’Ouest dirent: « Elle est venue descendant la basse vallée de Stod lu n s6. La preuve en est q u ’elle a dit la falaise de la forêt ressembler à un groin de porc et la terre être inhospitalière, et q u ’elle a fait dessiner un dieu protecteur sur le rocher. La roche fu t appelée Brag lha mgon po °. Là habite le pro tecteur Lcam sriù'. Les citadins du Nord disaient: «Elle est venue par la haute passe de ’Plten yul. La preuve en est q u ’étant allés à la rencontre, nous avons nommé la ville d ’après la tâche que nous avions à accom plir8». Or elle vint par le Sud et arriva au Ba mo chev de Lha-sa. Comme 1 mar, en bas, intercalé entre les noms de lieu et lam, route, peut faire partie des noms de lieu ou signifier route basse. a Zur pliug. Grotte de côté peut faire penser à un tunnel. Mal dro doit être le Mal gro actuel, district sud-est de Lha-sa. Les chroniques de Touen houang citent Mal tro en 660 et antérieurement, sous le père de Sron bcan sgan po. 3 Passage de la Chinoise. * Grib phu est le versant nord d ’un col d ’où part une vallée: Le haut de la vallée à l fombre. 5 District nord-ouest de Lha-sa. • Boche du Dieu protecteur. 1 La Noble Soeur. 8 ’phen signifie pavoiser. 9 Plaine au nord de Lha-sa et où la princesse fonda un monastère de ce nom. les roues du char s ’enfonçaient dans le sable, le colosse Lha dga’ enleva le Śākyamuni. Le colosse K lu dga9 tira le char. Mais il ne purent le remuer. En même temps, le char se tourna vers l ’Est. La princesse se demanda qui avait saisi le char. Aussitôt elle étala sa carte des présages coloriée et elle tira les horoscopes. Elle connut que le royaume du Tibet était pareil à une démone couchée sur le dos; que le ’O th a ń 1 de Lha-sa était le palais du roi des Nâgas ; que le lac de ’O thań était le sang du cœur de la démone ; que les trois R i nos chad (cluses) au milieu de la plaine étaient ses deux mamelles et son artère de vie; que la montagne de l ’Est coupant celle de l ’Ouest, celle de l ’Ouest coupant celle de l ’Est, la montagne du Sud coupant celle du Nord, celle du Nord coupant celle du S u d 2 étaient un sol rempli de brigands et autres hommes de mauvaise vie. Elle connut q u ’à l ’Est de ce territoire il y a une montagne pareille à un bouquet de lotus [214] ; q u ’au Sud, il y a une montagne pareille à un monceau de joyaux; q u ’à l ’Ouest, il y a une montagne en forme de stûpas posés les uns sur les autres; q u ’au Nord, il y a une montagne pareille à une coquille posée sur un trépied. Puis elle connut que des hommes de foi en grand nombre viendraient de ces directions. Elle connut que si elle édifiait un sanctuaire sur le stûpa de Bum thań, la vertu se répandrait d ’elle-même au Tibet. Si elle réunissait trois cent soixante observations distinctes des lieu x 3 avec chacune4 ses soixante-douze sortes de richesses et sous quatre-vingt-dix désignations, recueillant comme fru it infaillible de ces désignations le rejet des mauvaises influences, elle form erait de toutes ces observations quatre groupes : Là où une foule d ’hommes serait rassemblée, la résidence du roi 1 *0 thań. Plaine du lait, ancien nom de la plaine où se trouve Lha-sa. La chronique 252 mentionne trois fois le lieu ’0 daii. a Comme l ’indique le mot sna, nez, contrefort (de montagne), il s ’agit de vallées sans plaines où les contreforts des montagnes opposées s ’entre-croisent, lieux propices aux embuscades des brigands. 3 Sa spyad. Examen de la terre. La princesse chinoise introduisait au Tibet l ’art du fong-chouei de son pays. * ra re, pour ra res ou re re, chacun. Le mot ra re désigne aussi les compar timents des tables de présage. serait fondée. Là où de nombreux moines seraient assemblés, un vihâra serait fondé. Là où seraient réunis de nombreux saints, un monastère serait fondé. Là où il n ’y a que quelques heureux, serait le lieu des sujets et de la plèbe. Le jour même la princesse fonda l ’emplacement des sujets et de la plèbe. Dans un tel lieu, il doit y avoir huit sortes de vertus. Là où il y a huit sortes de vertus, il y aura huit sortes de vices1. E t ces huit vertus seront sous les huit rayons de la Roue celeste, sur les huit pétales du Lotus terrestre, or nées des huit signes du bonheur, formant quatre joyaux aux quatre directions cardinales du Śākya. Elle savait que, pour susciter le pouvoir de ces vertus, il fallait d ’abord détruire cinq des forces con traires. Ces cinq forces contraires étaient le palais du Nâga, la réunion en conseil des démons, le lieu de repos de la démone Mamo, les parcours des mauvais génies, la terre ennemie par elle-même. Pour détruire ces choses, tour a tour, elle savait q u ’il fallait écraser le palais du Nâga [214 b] par la terreur du Śākya. Ensuite, elle planta quatre colonnes aux quatre points cardinaux du Śākya. Elle 1 entoura d ’une enceinte de soie blanche et tendit au-dessus une tente de satin. Elle plaça deux colosses pour monter la garde. Pour cela deux choses étaient nécessaires: il fallait que ce fû t au centre du royaume et que cela pesât sur le palais du Nâga. s m» Enfin, la princesse impériale avec son escorte arriva sur la pelouse de la porte E st du palais. Les ministres ambassadeurs expliquèrent aux veilleurs de la porte : « Allez devant le roi et dites-lui que la princesse impériale et un Sâkyamuni en or ont été conduits ju sq u ’ici. Qu’il prépare une grande réjouissance et paraisse lui-même à la fête. » E t ils les envoyèrent. Les veilleurs de la porte informèrent le roi. Le roi, ayant donné les ordres, tous les sujets frappèrent le tam bour des réjouissances. Les citadins furent dans la joie. Ils disaient: «Quelle joie! Voici que la princesse impériale et le Śākyamuni qu on avait demandés sont arrives! » Ayant paré leurs corps d ’or nements, ils allaient par les rues et menaient grand bruit. 1 ou mauvaises influences. La reine K hri bcun qui habitait le château Sog po m k h a r1 entendit ce bruit. Elle se demanda : « Que peut être un pareil bruit?» E t elle regarda par la porte de l ’E st du palais. À cet instant la princesse impériale et sa suite étaient rassemblées à la porte de PE st et attendaient. (La princesse Khri bcun) voyant que le Sâkyamuni aussi était arrivé, pensa : « Quand la princesse impériale aura aussi bâti un temple, comme les Chinois sont très habiles dans Pexamen de la te rre 2, elle bâtira encore d ’autres temples. Je suis l ’aînée et dois l ’emporter par les monuments que je laisserai. Tant que je n ’au rai pas élevé un temple, je ne lui perm ettrai pas de bâtir. » Ayant appelé la princesse impériale, elle lui dit : « Eh, princesse impériale, tu as également un dieu. J ’en ai un aussi. Je suis ton aînée. C'est moi qui ai bâti ce palais si grand. [215] Parce que je suis la plus grande, tan t que je n ’aurai pas bâti un temple, toi ne bâtis pas. » Ainsi elle parlait avec hardiesse. Alors la princesse impériale, m ontrant le lac de ’O thaû avec son fouet blanc, répondit : « Tu es l ’aînée et tu l ’emportes par tes œuvres. Puisque tu m ’es supérieure en tous accomplissements, bâtis donc sur ce lac qui est là-bas. » E t désignant le Sâkyamuni avec son fouet, elle continua: « Moi j ’irai près d ’ici sur un sol égal. » La princesse népalaise comprit que ces paroles étaient méprisantes et elle ne laissa pas l ’autre approcher le roi pendant une année.3 Alors que la princesse impériale était à Ra mo che4 de Lha-sa, le ministre Mgar tin t conseil avec la princesse K hri bcun : « Eh quoi, 1 La citadelle mongole. 2 Allusion au fong-chouei. 8 D'après la chronique 252 de Touen houang, le roi n'eut de rapport avec la princesse impériale que six ans après leur mariage et trois ans avant sa mort, en 650 : « La princesse impériale Mun chan (Wen-tch 'eng) amenée par mgar stoñ rcan yul zuh arriva au Tibet. Le Népalais T u sn a ’ fut soumis et mourut. N a ri ba ba fu t proclamé roi. Il y eut une grande épidémie sur les yacks. Alors trois ans passèrent. Au temps du roi K h ri sroń rcan (Sroń bcan sgan po), (ce roi) défit Lig sña sur et soumit tout le Zaii zuh. Ensuite six années passèrent. Le roi K h ri sroh rcan mourut. Il fréquentait la princesse im périale depuis trois ans. » * bcun qui signifie noble, est une erreur vraisemblable pour bcan, puissant. princesse, ju sq u ’à présent nous n ’avons pas été capables de construi re un temple \ Il fau t donc demander à la princesse impériale de chercher un emplacement de vihâra. » Dès lors, la princesse impé riale pu t approcher le roi. Au même moment, il y eut de nouveau trois sortes d ’apparitions comme il a été rapporté plus haut. La princesse népalaise dit alors : « 0 toi, princesse impériale, et ta suite, Les ministres prétendants eurent de la peine à vous soumettre. Bien que tu sois parvenue au Tibet, J ’ai la première franchi le seuil et je suis la plus grande. La plus grande a droit d’être puissante et crainte. Si la première n’était la plus grande et la plus redoutée, Les lois du monde seraient renversées. Parce que la première j’ai vu la personne du roi, Sois respectueuse devant moi. Et puis, s’il y a une justice habituelle dans le monde, Quelle mendiante, quelle servante serait noble? Qui, pratiquant la religion, serait malheureux? Qui serait pauvre d’honorer les Joyaux? Quelle deuxième épouse serait la meilleure? Cependant comparons-nous l’une à l’autre. Comparons nos louanges à la gloire des Joyaux. Comparons les viharas que nous avons construits. Comparons les cités que nous avons fondées dans la plaine. Comparons nos hommages aux trois objets sacrés. [215 b] Comparons encore nos hommages aux moines, Ce que nous avons fait pour le service du roi, Ce que nous avons fait pour protéger les sujets,2 Pour la compassion et la douceur envers les humbles, Pour augmenter la richesse autour de soi, Pour l’irrigation des champs et pour la culture, 1 Les constructions religieuses de la népalaise étaient détruites la nuit par les démons. Elle dut faire appel à la science des Chinois pour écarter Pinfluence des démons ennemis du bouddhisme et la princesse chinoise ne Paccorda que contre Paccès de la chambre royale. C ’est Mgar qui négocia Paccord entre les deux reines. 3 pu qui précède ’bańs n ’est pas traduit. Pour se donner à la piété et combattre le péché, Et pour obtenir la Bodhi dans l’au-delà. Si tu ne peux te comparer en ces choses, N’aie pas grand espoir dans le roi. Si tu m’es comparable, bâtis (le temple) de la Roue de la Loi. Mais comme je suis l’aînée, je bâtirai d’abord. » Ainsi elle parla et la princesse impériale lui répondit : « Hélas ! O Khri bcun, princesse divine, Quel est celui que la maladie n’atteint pas? Qui n’est pauvre de quelque pauvreté? Qui est riche spontanément? Et qui n’est fier d’avoir trouvé des richesses sur la terre? Qui donc est exempt d’orgueil? Qui s’empare si vite de tout un royaume? Qui compare les grands et les petits? Tu as toutes raisons d’être grande et puissante Je te vois tenir une place redoutable. Sache donc que tu es la plus grande. Moi, je saurai être la plus petite. Bien que je n’aie nulle envie de me comparer à toi, Mais en raison des discours par quoi tu t’es comparée à moi, O aînée, qui as, la première, franchi le seuil, Bâtis donc ton temple sur la mer. Moi, je bâtirai ici sur un sol çgal. Par ces paroles que je te dis, Je ne plaisante aucunement. » A ce moment les Bouddhas, les Bodhisattvas et les êtres du commun eurent (de ces faits) trois sortes d ’apparitions comme il a été déjà dit. C ’est ainsi que la princesse impériale chinoise fu t conduite au Tibet et que les ministres luttèrent d ’artifices. TEX TE Les numéros renvoient aux feuillets de la réimpression de Ba mo che en 719 feuillets par le lama ’Jam clbyańs dbari rgyal du mo nastère de ’Bras spuû. 0 ma ni padme h û m 1 / de nas yań rta pa sum brgya dań bcas pa blon po mgar stoû bcan yul bsruûs kyis / rgya nag gi yul na yod p a ’i lha gcig koń jo spyan ’dren p a ’i thabs sam chai rgyal po rań la zu ba byas nas / rgya nag gi rgyal po thugs rab tu dges par bya b a’i bar sûa ma bzin du ses so / / khyad par lha gcig koû jo ’i rin la rin po che vai dû ry a ’i rmog zu de khier nas / lo câ ba bar du bcug nas rin po che vai du r y a ’i rmog ’di gyon nas gyul du zugs na gyul las rnam par rgyal / nad yams la sogs pa byuń b a’i che / gron khyer gyi m th a’ ma bskor na nad yams chad / lo ñes pa byuû gi dogs p a ’i che / zin gi m tha7 ma bskor na lo ñes pa la [204] sogs pa med par ’gyur ro / / lho ’jam bu gliń khań dpyad du med pa ’di rje la ’bul mchis pas / lha gcig koń jo bdag gi bcun mo ru bkas gnaû bar zu zes pa la sogs pa gser gyi bań ba dań / don rce dan / sgrom bu la sogs pa rnams ni goù dan ’dra bar ses par bya’o / / de nas lha gcig koń jo bkas ma gnań nas / sras rgyal bu the b a ’i zal nas ń a ’i gcen po thams cad bod kyis bsad / ń a ’i dmag dpuń thams cad bod kyis phuù bar byas pa yin pas / na la dgra bod las med pas lha gcig koû jo ge sar dmag gi rgyal po la ster zer / da dus ńan pa śar bas dgos pas khoń d p a ’ real che zer nas ban chen pa btań no / / yum na re ńed Ions spyod che bas bod kyis ùed kyi Ions spyod kyi dod mi thub / rgyal po Ions spyod med na spran po ’dra bas / stag gzig gi rgyal po Ions spyod che dus nan pa byuń b a ’i dus zas dgos pas / lha gcig kon jo stag gzig la ster zer nas ban chen pa btaû no / / lha gcig mo rań na re mi che rim gyis 'gro dgos pas na / mi rań gai che bas khrom p a ’i rgyal po gzugs bzan bas / khrom pa la ’gro zer nas bań chen btaû ûo / / 1 0 ma ni, transcription défectueuse de Om mani. yab rgyal po na re chos rgya gar nas dar bas khoû drin chen che bas koń jo rgya gar la ’bul zer nas bań chen pa btaû no / / bod la dga’ ba gaû yaû ma byuń ńo / / de nas zla ba gcig gi khońs su g n a’ bo rta pa lûa brgya ’chogs so / / de nas bod na re ńed kha sûa bas lha gcig ńed ’dod zer ro / / Hor na re ùed ge sar la mi ster na rgyal khams dmag gis ’gens kyis zer ro / / stag gzig na re ûed la mi ster na rgyal khams mes bsreg gis [204bls] zer ro / / khrom pa na re ńed la mi ster na rgyal khams chus ’geńs zer ro / / khrom pa gzugs bzaû bas chags su re nas rgyal po rań yaû byon no / / bod la dga’ ba ni gaû yaû med kyaû khrims kyis ñe riń mi btub pas / ńa blon po rig pa su che la sbyin no zer nas / rig pa ’gran du bcug pa la / rgya rje beań po la gyu bre zabs cam cig yod p a ’i inig ya gcig zur na yod / ya gcig rgyab na yod pas d e’i khan p a ’i naû na phar la zags ’kliyil ba ltar yod pas / gyu mig tu dar yug sus chud pa la sbyin no zer nas / der blon po mgar na re / khyed blon po chan pa bzi po la rgyal po y ań rci / dbań y an che bas khyed cho rnams kyis gyu mig tu dar yug chud dam ltos zer nas / khoń gis sñuń bu dań phag ze dań skud pa sna chogs pa bsogs nas / blon po re re ziû lag ’grims nas gtad pas / gyu mig ’khor ba la sus kyaù chud p a ’i thabs ma byuô ziń ma rñed nas /ńed kyis ma chud do zer nas blon po mgar la gtad do / / blon po mgar gyis r g ya’i grog mo zan gyis gsos nas d e’i rked pa la dar yug gi snal ma btags / de la dar skod dań thag gu dań dar yug btags te / rgyab kyi mig de nas phar bcug / de nas phus btab pas rg y a ’i grog mo dbugs kyis ded nas bros pas gyu mig gi zur du byuù ste / de nas dar gyi sna la sogs pa nas ga le rim gyis ’then pas dar yug cud do / / d e la yaû ster du ma ’dod nas / de nas sbań ma gtor nas bya ma brgya bu brgya yaù no ses so / / de la yań ster du ma ’dod nas / yaû chas byin nas rta ma brgya bu brgya yaû ùo ses so / / de la yaû ster du ma ’dod nas / yaù mcho gtiû [205] la siû bskyur nas siû ldum b u ’i rce mo daû rca ba yaû no ses so / / de la yaû ster du ma ’dod nas yaù mi re la lug r e ’i bubs daû chaû chod re za ma re la yog pa la sogs p a ’i ’phrul maû po ’gran pas sus kyaû bod ma thub ste / da lha gcig zu byas kyaû ster du ma ’dod / de nas nub gëig gi che rńa bo ëhe brduńs pa dan / spyod lam stoń p a ’i gyog mo rnams na re / rgyal poh pho bran du g ña’ bo rnams sog zer bas / der g ñ a’ bo chan pa bzi po sûon la rgyugs te son / bod blon rnams kyi bsam pas ’di skyon ëan yin zer nas rań gi 'dug sa ’i sgo la mchal gyi yi ge btab / ya them la rdo rje bris / ma them la gyań druń ris bris nas sgo rnams bgrań ziû sgo rnams la mchan ma re btab nas naû du phyin no / / der rgyal po ’i pho bran du sleb ca na / rgyal p o ’i zal nas da yań rgya sraû ma nor bar raû so so'i khim du soń ëig / khyim ńo ses pa la bu mo sbyin gyis zer / der blon po gzan rnams kyis rgya sraû 'ëhol nas 'gro sa ma rñed par ku riû riń 'dug go / der blon po mgar gyis bod blon rnams khrid nas sgron me bteg nas mchen ma lta ziû phyin pas raû gi khyim du ehud nas ñal bah rtiû nas / rgyas phyin mar bltas pas / gzan rnams kyis ma rñed pa la bod blon rnams kyis rñad nas 'dug go / de nas da ni lha gëig zu byas pas / rgyal po'i zal nas / ñe riû bya ru mi btub kyis sań ñi ma la na chuû ma sum brgya 'oń gis ûa bah gseb nas sus ûo ses pa la sbyin no ser / der blon po mgar gyis spyod lam stoû pah gyog mo rgya mo ëig la sûar zas gos dan spyod [205bls] lam gyis ’dris par byas nas / de nas gser phye bre gaû rûan par byin gyis / da khyod ky is ûa la lha gëig ston daû / lha gëig bod du btaû la ûas ’dir bsdad la khyim thabs b ya’o zer / / der rgya mo na re rgya nag po rcis la mkhas pas ûah mgo bo gëod du ’où zer / de la mi rtogs pah thabs ûa raû la yod byas nas / sgyed bu gsum gyi kha ru zaûs bzag / de h steû du dra ba bkab de h naû du bum pa bëug / them bu la zaûs duû gtad nas de h naû na chur la smros śig byas pas / der mo na re brgya bzi bëu ze dgu yar la soû / brgya daû lûa bëu mar ’oû p ah mchams na lha gëig #oû / lus la ber ëhen ëhu zeû gab pa bdun brcegs bsnams pa moh lus la dri zim po yod pas / gyuh spraù ma m 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bas da lta cam na phyin pa dga’ gsuùs pas / der koù jo na re / mchod gnas śā kya mu ne ’dod / rjoùs su por thaù khra bo sum eu rca bzi ’dod zer nas koù ,/os yab la ’di skad ces zus so / / e ma ho / yab gcig rgyal po chen po gson / bod kyi yul du bdag mchis na / kha ba can gyi byaù phyogs ’dir / graù ba bsil ba ser bab che / lha srin ’dre srin gdug pa maù / gaùs ri gcan gzan mche ba ’dra / brag ri ’broù ùar mchis pa ’dra / / ñams mi dga 7 ziù bag mi dro / / ’bru chen mi ’khruńs mu ge’i ljoùs / / gdol pa sa zan byol son rigs / / spyod pa rciiï bas kla klo’i rigs / / m i srun srin p o ’i spyod yul can / / m th a 7 ’khob ston pas zabs ma bcags / / ’khor bzi med pas rigs nan yul / / chas med ma rig mun p a ’i gliń / / mchod p a ’i rten dan gnas med pas / / bsod nams sog p a ’i yul ma mchis / / d e ’d ra ’i bod du bdag mchis na / / yab kyi mchod gnas yi dam lha / / śākya mu ne bdag la zu / / kha ba can ni bkres p a ’i yul / / rin chen bań mjod bdag la zu / / kha ba can ni graù b a ’i yul / / 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rnams kyi sprul pa yin / / thugs r je chen po’i sprul pa sroń bcan sgam po de / / m tha’ bzi’i rgyal po kun gyis legs par khur / / chos skyoù rgyal po sroń bcan sgam po ni / / byań chub sems d p a ’i sprul yig drug ldan / yon tan dpag tu med p a ’i rgyal po yin / / khoù gi mjod spyod maù la rgya che bas / / bod ’bans kun gyi yum du gyur pa yin / / dge sloù pha ma dge bsñen pha ma kun / / khyod raù ñid kyis bsag par byas pas chog / / de ltar yin pas bsod nams bsag p a ’i phyir / / bdag gi mchod gnas khyad par ’phags pa ni / / ston pa śākya mu ne ’di / / sans rgyas ston p a ’i zal skyid ñid yin te / / sans rgyas ñid daû khyad med ston pas gsuńs / / gań zig gus śiń dad pas kun blań nas / / sems can kun la byams dań sñiń rje bas / / de dag mtho ris thob [207] par bya b a ’i phyir / / bla med byan chub thob par bya don du / / gań zig ’di la phyag ’chai mchod byas pas / / m yur du bla med byań chub sans rgyas gsuns / / gań dag ’khor bas ’jigs śiń skyo ba yis / / bdag ni da las thar bar bya 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rgya yi so chigs ’dul b a ’i yi ge’i chigs / / legs sbyor spyod la sogs pa maù po daù / / zo śa ’i rji bskyaùs phyugs kyi spel thabs daù / / graùs daù rcis daù ya g i’i ehogs rnams kyaù / / brce bas bu mo khyod la bdag gis bskur / / rgya yi gcug lag gab ce sum brgya po / / legs ñes las kye me loù ston pa yaù / / brce bas bu mo khyod la bdag gis bskur / / bkod pa khyad Jphags mjes par byed pa yi / / 7phrul gyi bzo khyad drug eu tham pa yaù / / brce bas bu mo khyod la bdag gis bskur / / nad rnams bzi brgya rca bzi’i sman daù ni / / brtag pa brgyad daù bco lùa drug eu daù / / sbyor sra bzi la sogs pa bdag gis bskur / / ñon moùs brgyad khri bzi stoù zi byed ciù / / yon tan rgya mcho ma lus rgyas byed p a ’i / / mdo sde brgyud p a ’i gdams pa maù po bsdus / / mi dge beu spaùs dge beu sgrub byed p a ’i / / phar phyin beu daù spyod bsdus mdo bzi sdud [208] pa daù / / dam p a ’i chos kyi gdams pa maù po yaù / / khyod kyis legs grub legs spyod bya b a ’i phyir / / brce bas bu mo khyod la rjoù bar bya / / che geig thub p a ’i gos dar za ’og sogs / / sna ehogs tson p a ’i dar ’bol sum brgya bskur / / de lta r kha ba can gyi mi rnams bsdu ba'i phyir / / khyod kyis sems dań spyod lam 'di ltar mjod / / lta ba mtho ziń spyod pa zi bar mjod / / theg stobs che ziń khod yańs che bar mjod / / sńa dro lańs pa sùa la dgońs mo ñal phyi mjod / / bka' blo bde ziii mjes legs 'jam par mjod / / lus cags dam ziù lus sgo bsruń bar mjod / / la gor che ziń lag spyad gcan bar mjod / / sog srun mkhas śiń chags kyań bzań bar mjod / / gzeùs ni matha ziń 'jum dań ldan par mjod / / brce sems che ziń 'khor la byams par m jord / / 'phyor sems ma m jad khyo ga'i dad ma che / / khyo la gus śiń bu la rci bar gyis / / chań dań chuń ziń khyim mches groń ma rgyu / / mtho la zabs tog dm a' la byams pa mjod / / thad ka m thun bya rgan la zes b.ya / / kun la byams śiń bden par smra bar bya / / 'gro la sñiń rje sgom ziń ńan Ion sbyin pas skyoń / / slon la sbyin bya ûan byed len mi bya / / bu cha yig chan bslab ciû dge ba dag la sbyar / / dkon mchog dbu dpańs bstoû ciń dad dań gus pa bskyed / / chos 'khor gcug lag bcugs sin sa mdor dge gnos chugs / / sans rgyas sku gzugs bzeńs sin dam chos gzuû yaù bris / / thos bsam sgom pa bya ziń dam chos nań du spyad / / dge ’dun bsñen bkur bya ziń sdom pa gcań ma bsruńs / / dam chos dus dran byas la di riń ñid nas 'bad [208bls] / / chos la Ion yod mi bsam che ’dir chags mi bya / / skyabs chen lha ru bzuń la dkon mchog skyabs 'gro bya / / las su rgyu 'bras bsams la sdig spoù dge la 'bad / / 'khor b a'i ñes dmigs bsams la ńes 'byuń blo brtan bya / / 'khor ba'i ñon mońs spańs ziń de yi gñen po bsten / / byams dań sñiń r je bsams la byań chub sems kyań bskyed / / byań chub spyod pa spyad ciń theg chen lam dgod bya / / d e ltar byas na bkra śis bde legs 'gyur / / gtam gyi tha ma yin no bu mo de ltar mjod / / ces gsuńs nas lha gcig koń jo la 'phrin chen po dań / chig gi luü dań / ca na ka dań / ses rab brgya pa la sogs pa rnams rjońs nas / lha śākya mu ne la bstod pa dań mchod pa byed ciń byon no / / der koń jo gyog lńa brgya dań bcas pa khrid nas blon po mgar phyag byed du bcug go / de nas blon po la lha gcig kon jo na re / khyed bod nas kham pa yod dam / rca gres ma yod dam / sin se ba yod dam / sńo la ma yod dam gsuńs pa / gsum ni bdog sno lo ma ni ma mchis byas pas / '9 na bod du so nam bya ru btub pa ’dug gsuûs nas / nuń m a’i sa bon yaû dar leb rgan dn dril nas skra gseb tu gtums nas 'oûs so / der lha śākya mu ne ni siû r t a ’i kha ru bzugs / de’i ’khor lo gyad lha d ga’ dań klu d ga’ gñis kyis ’dren / de’i phyin chur la lha gcig koû jo gyog mo dam pa bzi daû ’grog nas 'on / de’i ’khor lo d re ’u dkar mo gñis kyis ’dren / de’i phyin chur la phyi gyog sta pa lûa brgya 'oû / de dus bod kyi blon po rnams la bskur te / yab rgyal pos lha gcig koû jo la bstod pa mjad pa ni / e ma ho / koû jo zes bya’i bud med dam pa ’di / / lus ni ha caû mi riû ha [209] caû mi thuû ste / / ha caû mi sbom phra ba ma yin ziû / / rked pa gzu ’dra lta bas chog mi ®es / / rten kun na bzo gnas ji sñed pa / / ma lus kun la ’di ni pha roi phyin / / ’jig rten khams na glu gar ji sñed pa / / mi lus de dag kun kyi chul la mkhas / / rgyab mdun gaû nas bltas kyaû kun bas mjes / / ’dod chags ze sdaû gti mug ma mchis te / / bzod daû draû la mñen ziû des pa ste / / sm ra 7 am mi smra ’jum ziû dgod kyaû ruû / / rtag tu bag yod dran pa ses bzin ldan / / ’di ni gzan don sems la rab tu brcon / / des na 9jig rten kun gyis bkur bar *os / / ’di la bltas pas nam yaû ûoms mi Jgyur / / mi yi nad daû phyugs kyi nad la sogs / / de dag gso ba'i chul la mchog tu mkhas / / 9di la mi dga’ dgrar len yoûs ma mchis / / ’di yi ses ?dra bud med kun la med / / 9di ni chos rgyal cig gi chul daû mthun / / bud med dam pa koû jo ’di ydra ni / / mi yi 9jig rten dag na ma mchis te / / nad pa la sogs gaû la reg gyur kyaû / / de yi mod la nad rnams sos par Jgur / / ’di yi lus la spos kyi ûad 'byuû bas / / spos mchog gzan rnams mûon par bril gyis gnon / / 9di yi chig smra yid du ’oû ba ste / / ?di yis chïg smras ’gre ba thams cad ñan / / nor daû zas kyis 'gro ba thams cad bsten / / gzon nam rgan pa Iran la gus par byed / / koû jo zes bya'i bud med dam pa Jdi / / rigs rgyud gzugs kyis dregs pa ma lags te / / ’gro ba rnams la rtag tu gus pas ’dud / / mi mchog chos rgyal cig la sbyin par 'os gsuûs nas yab rgyal pos lha gcig koû jo la bstod pa m jad p a ’o / / de nas bod kyi blon [209bl,‘] po rnams kyis lha śākya mu ne daû / lha gcig 'phrul gyi koû jo gñis bod du spyan draûs te / de'i ’khor lo rûa mo gcig gis ’dren / d e’i phyin chur la blon po rta pa lûa brgya rnams ’oń ńo / / mo’i ’khor la skyes pa lo ñi śu Ion pa lûa brgya / bu mo lo beu drug Ion pa lùa brgya ste stoń cho gcig ’où ńo / / śar gyi skar ma nub tu rgyu b a ’i dus su bya kva t a ’i skad kyis ma non pa la gtad de ’oûs so / / der rgyal maù rje dań / blon po ’phro mas run guû ston daù ma m thun pas phra ma bcug ste / blon po mgar gyis lha gcig koù jo ’i lus bslad pa chor ba skad byas nas / ’di blon po 'phrul can cig yin no zer nas / phag tu rgya rje la mi chab tu phul lo / / der rgya rjes kyaù blon po mgar ’phrul bag che bas dbaû med bsdams so / / der blon po gzan rnams daù lha gcig ni ñi ma^śar cam na gar sleo pa ’i sa der bsdad nas / lha śā kya mu ne la dar dkar gyi yol ba phub p a ’i naù na bzugs nas ’bras kyi thug pa lhuń bzed re ’dren / de nas ’bras thug zal lu gaù bskol nas lha gcig koù jo la ’dren no / / ’khor rnams kyis ni ñi ma phyed las mi sleb po / / d e’i ñin de ru bsdad nas blon po la la ni ’dun ma byed / la la ni rta rgyugs ’gran / la la ni baù ’gran / la la ni chibs 1 daù m da’ śed ’gran pa la sogs p a ’i rced mo sna chogs byed do / / lha gcig koù jo ni mchod pa rnam lńa bśams nas / dùul gyi tam bu ra rgyud gsum pa bsgyur ciù sgreù b a ’i ram bu bteg nas / gaù che rkaù gñis geo bo khyod bltams che / / sa chen ’di la gom pa bdum bor nas / / ùa ni ’jig rten ’di na mehog ces gsuùs / / d e che mkhas pa khyod la phyag ’chai lo / / zes pa la sogs p a ’am / rnam dag sku sùa’i [210 ] mehog tu gzugs bzaù ba / / ye ses rgya mcho gser gyi lhun po ’dra / / grags pa ’jig rten gsum na lham me ba / / mgon po mehog ñid la ni skyabs su mchi / / la sogs pa śākya mu n e’i bstod pa ñi che byed do / / yaù naù par bya kvata ’i skad kyis ma non pa la ’g ro ’o / / de la sems maù ba ma dag pa rnams na re / rgyal po’i sku gzugs mjes pa la chags na'on / lha gcig sku gzugs gnoû bar gyur nas / rgyal po’i spyan sûar ’où ba la 7cher nas zla b a ’i dus chod ma thim gyi bar du lha la phyag byed pa daù / lha khaù bzeùs ba daù bskor ba byed pa la sogs pa bsñad btags nas maù du ’gor / de yaù rgyal pos blon po mgar rig pa che bas rigs rgyud ’phel du re nas ma btaù bas / blon po mgar na re / ’o na ùa bod du ma btaû na koù jo bod du spyan ’dran pa 1 ou chahs. la g ñ a’ po chan pa bzi pos ’phrog tu ’où bas / rigs bzaû kyi bu d p a ’ real can lo ñi śu Ion pa brgya skyel ma la thon cig byas te btaû no / / de'i dus su sańs rgyas daû byañ chub sems d p a’ daû / sems cen rnams kyi snaû ba la / kha ba can gyi rgyal khams saûs rgyas kyi zabs kyis ma bcags pa der bkra sis p a ’i snaû ba gsum byuû no / / der blon po mgar mi skyin la bzag pa las rgya mo gzugs byad mehar ba rgyud bzaû cig chur m ar phul nas yod pa las / blon po mgar gyis kyaû rigs rgyud 7phel gyis dogs nas lus ’brel ma byas so / / blon pos zas ci byin pa thams cad thabs byas te ma zos pas śin tu rid par gyur to / / ñi ma la rtag tu ñal bas kha dog sûo g lhaû bar gyur nas ’gram pa gyas su rams bcug /gyon du rgya i 210 bls] skyegs bcug nas lud pa bor nas / rnag gi mdog sûon dmar du byuû / yaû ñal b a ’i ’og tu pags pa rlon pa btiû de’i steû du stan gzan btiû nas ñal bas rgya mos chor nas blon p o ’i sku lus la dri mi zim pa de ci yin zer / ûa la chad p a ’i nad byuû bas khyed kyis ma ses sam byas pa daû / de nas ñin gcig ca na rgyal blon . iams kyis bltar byon nas / blon po mgar la gros kyi ’dun ma bya rgyu maû po yod bya ba gsuûs pas / rgya r je ’i rgyal po lags zes zu 7chal bro cig ’chai gyin g da’ ba bgyis pas / r je rgyal pos gzigs pas / blon po mgar ni na ’dar rid pa ’dug pa gzigs nas / lud pa cig bskyur bas kyaû rnag gi mdog tu byuû / tho phyi na ’dug p a ’i lud pa skam po kun gzigs pas blon po si yi dogs nas / ’di si na ni m tha’ ’khob kyi rgyal po sroû bcan sgam po’i blon po rig pa can yin pas / sroû bcan sgam pos sprul pa lûa stoû naû ma re la sprul nas dmag ’où bas ûa la bde ba mi ’où sñam nas bred de / rgya nag po’i sman pa mkhas pa cig bos la ston cig gsuûs nas sman pa btaû ûo / / blon po mgar gyis* braû khaû gi naû du bsdad nas / ûa la dri mi śim pa yod pas sman pa la gnod zer nas chu naû du thag p a ’i sna bcug / sna gcig skar hkuù na phar btaû nas sman pa mkhas pas ’dis ses bya so / / rg y a ’i sman pas bltas pas nad gzan ci yaû mi ’dug / ’byuû ba chu ’i raû bzin du ’dug pas graû ba bcas dgos zer / de nas yaû naûs par sman pas ’ońs pa daû blon pos yaû thag p a ’i sna cig me la bcug / sna cig skar khuû nas phar btaû nas sman pas bltas pas / sman pa na re ci yin blon po’i sñun nad ’gyur ’dug m e’i rañ bzin du [ 211 ] ’dug pas bro ba beos zer ro / / yaù naù par sman pa ’ońs nas bltas pas / blon po mgar gyis thag p a ’i sna cig lag skor la btags / sna cig sman pa la gtad pas sman pa na re / ci yin blon po ’i sñuń nad ’gyur nas ’dug / grañ ba rdo 'i rañ bzin la rca lag bskor gyi ri mo bzin du ’khrugs nas ’dug pas lias ’chos mi ses par ’dug zer nas son ùo / / der rgya i rgyal po śin tu bred nas / yaù sman pa de min pa mkhas pa cig bos pas / yaù blon po mgar gyi zal nas / chuû ma la khyod do nub sgo ru ñol khyed bud med bya ba grib che ba yin pas / naù par sman pas ù a ’i rca mi rtogs pas / de ltar son na ña ’chi khyed la yugs sa bab nas 'où byas nas mo sgor bton no / / de nas mal gyi ’gab mthon por byas nas spyi chugs su ñal lo / / der rca thams cad ’khrugs nas sman pas bltas nas / rgyal po la rca len bśad pa / blon po chen po’i sñuñ nad ’di rluù las gyud pa yaù ma yin / de bzin du mkhris pa las gyur pa daù / bad kan daù bgegs rigs stoù phrag brgyad eu la sogs p a ’i nad gaù yaù mi g d a ’ / de ma yin p a ’i nad chen po cig ’dug ûas kyaû ’chos mi ses zer ro / / der rgya rje na re blon po mgar kyed rig pa che bas rg y a ’i ston thog ji ltar byas na legs / so nam ji lta r byas na smiu gsuùs pas / blon po mgar gyis sa bon yos su ser cam brûos la thob dru ma ’thug pa yin byas pas / rgya rnams kyis sa bon brùos nas btob bo / / saû zla ba gsum na rgya rje ’i ldum ra na sñe ma loù mthon la khad ca na / blon po mgar gyis bsams pas da ni ûa la chad pa ’où sñam nas thabs byas te / da ste zag bdun nas [211b,s] ûa ’chi bar ’dug / de ca na yul ’dir ltas ûan bco brgyad 'où zer bas / da ’o na blon po’i nad la phan p a ’i thabs med dam byas pas / gto byas na ’dra phan nam zer / ’o na de la ci dgos byas pas / rta mog ro mgo dmar gcig daù / lug gro mo’i meher khrag grod pa gaù daù / dar zab kyi thaï ba sgro ba gaù daù / sol ba’i mduù siû ser ka med pa ’dom gaù pa ëig dgos byas pas der rgyal po’i bka' bsgos nas rgya ’i dar zab thams cad me la bsregs pas bya 'ur du soû na sgro ba gaù ma byuù / nags thams cadme la bsregs pas sol b a ’i gduń śiń ser ka med pa ma byuù / phyugs lug thams cad bsad pas meher khrag grod pa gaù ma byuù / de nas rgya rje na re rta cig byuù gsuù ûo / / blon po mgar gyi zal nas rta ’di ka yaù len cig chags bya yis dań ste / lar ńa ’ehi / si ca na spyir yul pa la mi ruù / sgos kyi rgyal po la rai ruń / na ma si ba la bod kyi ri mthoù b a ’i sa ru skyol zer ro / / yaù rgya r je rgyal p o ’i zal nas / gzan phan p a ’i tliabs ci yod gsuùs pa la / blon po mgar gyi zal nas bod kyi ri mthoń b a ’i sar lha gsol na phan nam ste / lar ńa cis kyañ mi phan ’chi ba yin zer / der rgyal pas blon po mgar si yis dogs nas lha gsol du btań no //. brgya la bros kyi dogs nas gyad kyi mi bzi sku sruù la btań / de nas bod kyi blon po yar la btań b a ’i sul du / lha gcig goù jo ’di ston mkhan cig yod nés pas rcis kyis śig / de la chad pa gcod yin zer nas / rcis mkhan gyis brcis byas pas / ri chen po gsum ’dug p a ’i steù na mcho chen po gcig / de’i steń na thaù chen po gcig / d e’i kha na gnod sbyin mo lus [112 ] po mig gis kheùs pa zaûs kyi mchu yod pa cig bstan ’dug zer bas / de ’dra ba mi srid pas rju n yin zer nas / sras rgyal bu the bas gab rce brgyad eu skor me la bsregs pa la ris mkhan gyis gab pas / phań pa gaù gab p a ’i ’og tu chud de / gab rce bya ba de nas byuù ùo / / gzan me la bsregs so / / de nas blon po mgar gyis lam du zugs nas gyad po mi bzi la zas cuù zad lus ma byin par rgyal mo cha b a ’i roù du sleb pa daù / zas bra ru beug sa skam la chva btab nas byin no / / chaù la spraù rgod maù po btab nas kha skom p a ’i che ’thuû du beug go / khoù bzi po ra ro ba daù khoù gis mehon cha rnams bcag / rta rnams kyi rkaû pa la lcags gzer re brgyab bo / / rta mog ro mgo dmar de gzan gyis mi sleb pa yin pas / de la zon nas khoù bzi po ’i gdoù pa la chu cig gtor nas dgra byuù ùo la ’ur laùs byas pas / khoù bzi tha ma tho ma la laùs nas bltas cam na / mehon cha yaù bcag rta yaù ’theû nas ’gro ma ñan / blon po mgar gyis ùa ni bod du ’gro zer nas rta la lcag brgyab nas śad de soù ba las / khoù bzi po na re / bod blon gyis sùar du de ’dra cig ka byas kyis dogs pa de byas so zer ro / / da ’o skol raù m ar log na ni rgyal po ’i chad pa ’où zer nas / blon po m gar gi phyi bzin ’braùs so / / mgar gyis kyań ñe riù ran par byas nas khrid de 7oùs so / / der blon pos kyaù mig thag re soù cam la zas bag re bzag gin 'ons pas / gyad mi bzi na re khos kyaù mi ’bor bar ’dug pas ko’i phyi bzin ’deû zer nas ’oùs pas / de las 'phel nas bod du rg y a ’i rus pa ’où ba de cug yin no / / d e ’i dus su [212bis] rgya nag gi yul du ljaù pa ’thug po byuù yaù sñe ma laù Ion du son bas / bod kyi blon po mgar bsdams pa daù / lha gcig sùon du bod la ma byin pas blon pos ze ùan byas pa ’dra / rg y a ’i dar zab me la bsregs / phyugs lugs rnams bsad / nags rnams bsregs / lha śākya mu ne daù lha gcig koń jo ’phrul gyi rgyal mo bod du khyer rg y a ’i yul khams thams cad phuù bar byas so bya ba ni / rgya nag gi rgyal po’i sñan du brgyud do / / rgyal po’i thugs la de raù bden nam sñam nas rta pa maù po ’deń du btaù ùo / / der bod blon gyis chai gliù nas rta sbaùs maù po thu ru bcug nas gcaù p o ’i rab brgal b a ’i sa ru gtor / rta rjes maù pos bkaù nas bzag pa rg y a ’i ’ded mis mthoù nas / gcig na re sleb kyaù phan med kho la sun mi rta pa maù po byuù nas ’dug / rab brgal b a ’i rta sbaùs daù rta rjes raù yaù ’di cam ’dug zer / chul de lta bu ni ra sa ’i gcug lag khaù gi nub phyogs na bris nas yod do / / yaù ’ded mi cig na re bod blon ’phrul che bas ji ltar yin mi ses da ru ù ded zer nas phyin ca na / yaù blon po mgar sba ’i nags daù phrad nas / sba lcag maù po bcad nas chu ’gram du bskyur bas / de rg y a ’i ’ded mi ’i mthoù nas / sba lcag lus pa la ’aù ’di cam zig byuù bas ,/ ’u skol gyis sleb kyaù khoù gis yar khrid nas ’gro zer nas log go / / lha gcig koù jos khams su phebs nas spor thaù bde mor bzugs te / blon po mgar ’phrul che bas sleb du re sgugs pas ma byuù / de nas khams kyi zabs ziù du byon te sa ba bzuû nas ziù rmos ’bru btab der yaù blon po ma byuù nas / ldan ma brag car brag la rgyas p a ’i dbu dum brkos mar bzeùs / [213] sum pa nags su byon nas rgya mo ’phred lam bton / bod kyi yul bzaù po gzigs so / / ’khor rnams kyis koù jo la blon po mgar gyi bu chags nas / sa lam chos pa la bsñad btags nas yun riû du ’gor zer ro / / der blon po mgar gyis rjes zin nas / pho ùa btaù ste bod yul dbus sa phyogs bzi nas / lha gicg yi dam daù bcas pa byon gyin yod pas bod ’bańs rnams kyis dga’ ston gyi rùa brduùs / nam m kha’ dar 'phan gyis khoù / sa gzi rta pas khoù la bsu gyis zer b a ’i phrin btaù bas / der rgyal pos ’bańs rnams la gñer bskos so / / lha gcig 'phrul bag che bas gaû nas ’où cha med pas / ri lam mi bde ba thams cad chos ci g gsuùs nas / groù khyer śar phyogs pa rnams la śā kya mu ne daù lha gcig koù jo byon pas / śar mkhar sn a’i gdoù nar lam chos la bsu ba gyis śig gsuùs so / / groù khyer lho phyogs pa rnams la lha śākya mu ne daù lha gcig koń jo byon pas / bse’i sgron man m ar la lam chos la bsu ba gyis śig gsuńs so / / groù khyer nub phyogs pa rnams la lha śākya mu ne dań lha gcig koû jo byon pas / dans ’bag thad na mar la lam chos la bsu ba gyis sig gsuńs so / / groù khyer byaù phyogs pa rnams la lha śākya mu ne daù lha gcig koù jo byon pas / byaù dga’ p h u ’i naù na m ar lam chos la bsu ba gyis śig gsuùs so / / de nas lha gcig ni sgrol m a’i sprul pa yin pas / phyogs bzi ka nas byon nas lha sa’i mthil du byon p a ’i che / groù khyer śar phyogs pa na re mal d ro ’i zur phug gi naù na mar byon pa yin zer / de ’i [213bi,j rgyu mchan yaû gcaù po brgal b a ’i dus su miù rgya r.;b kha bya bar btags pa yin zer so / / lho phyogs pa na re grib phu nas byon pa yin zer / de’i rgyu mchan yaû grib p h u ’i chab i^n la duû gyas su ’khyil ba ’dra zer ba de’i dus su btags pa yin no zer ro / / nub phyogs pa na re stoû luûs m da’ na mar byon pa yin zer/ de’i rgyu mchan yaû sbal p a ’i chai gyi brag phag sna ’dra ba ’di sa dgra yin / mgon po gcig bris śig gsuùs nas brag lha mgon por btgas pa yin / mgon pa lcam sriù bzugs so zer ro / / byaù phyugs pa na re ’phen yul gyi sgo phu na m ar byon pa yin zer ro / / de’i rgyu mchan yaû bsu ba byas pas / groù khyer gyi miù yaû las su bya bar btags pa yin zer ro / / de nas lho phyogs nas byon nas lha sa ra mo che ru byon pas / siù r t a ’i ’khor lo bye ma la ’thims nas / gyad lha dgas 1 śākya mu ne bteg / gyad klu dgas siù rta bton pas bsgul ÿaù ma nus so / / der śiń rta ’i kha lo śar du bsgyur ro / / de nas koù jo ’i thugs la ’di ces len sñam ste / de ñid du spor thaû khra po btiû nas gcug lag gi rcis m jad pas / spyir kha ba can gyi rgyal thams ’di srin mo gan rgyal du sgyel ba ’dra ba cig tu ses / / lha sa ’o thaù ’di klu ’i rgyal p o ’i pho braû du ses / ’o thaù gi mcho ’di srin mo’i sñiń khrag tu ses / thaû gi dkyil na ri ûos chod gsum ’dug pa de / srin mo’i nu ma gñis srog 1 pour dga’s. La graphie du texte se lirait sans cela dags. rca daû gsum du ses / śar kyi ri nub tu zug / nub kyi ri sna śar du zug / lho’i ri sna byaû du zug / byań gi ri sna lho ru zug pa de ni / mi spyod pa ûan ba ar zag la sogs pas sa gzi gaû bar ses so / / sa gzi ’d i’i phyogs bzi’i śar na padma spuń pa ’dra p a ’i [214] ri yod / lho na rin chen spuûs pa ’dra b a ’i ri yod / nub na mchod rten brcegs pa ’dra b a ’i ri yod / byaû na man j i ’i steû du duû phor bzag pa ’dra b a ’i ri yod / de nas phyogs ’di ru dad pa can mań du ’oń bar ses / bum thaû gi mchod rten de’i steû du lha khan brcigs na / bod ’dir raû bzin gyi yon tan ’où ziû rgyas par ses / de la sa ’i dpyad la dbye na sum brgya dan drug eu / nor re re bdun eu rca gfiis / de nos bzuû na dgu beu tham pa / nos bzuń nas skyon bzlog pa d e’i ’bras bu chud mi za bar bya ba daû / de thams cad kyaû bsdu na bzi ru ’du ste / skye skye bo maû po ’du b a’i sa / rgyal po’i sa gtan la dhab pa daû / rab tu byuû ba maû po ’du b a ’i sa / gcug lag khaû gi sa gtan la dbah pa daû / draû sroû maû po ’du b a’i sa dgon p a ’i sa gtan la dbab pa daû / re zig bde ba byed p a ’i sa skye bo tha mal p a ’i sa gtan la dbab pa daû bzi ’o / / de la yaû da res kyi ’di skye bo tha mal p a ’i sa gtan la phab ste / de la yon tan rnam pa brgyad yod pa cig dgos / yon tan rnam pa brgyad yod p a ’i sar / skyon rnam pa brgyad cis kyaû ’où / yon tan brgyad pa ni / gnam ’khor lo rcibs brgyad kyi ’og / sa padma ’dab brgyad kyi steû / bar bkra sis rtags brgyad kyis brgyan pa / jo sâkya gi phyogs bzi 11a rin po che sna bzi yod pa / de’i nub pa ’don pa la sùon la skyon lûa sel dgos par mkhyen / de la skyon lûa ni k lu ’i pho bran daû / ’d re ’i ’dun phuû daû / ma mo’i ñal sa daû / bcan gyi rgyun sraû daû / ’byuû ba’i sa dg ra’o / / de rnams rim gyis bzlog pa la k lu ’i pho brań ’jigs pa ni jo bo śākyas mnan [214bis] par mkhyen / de nas jo bo śākya’i phyogs bzi ru ka ba bzi beugs / dar dkar gyi yol bas bskor / za ’og gi gur phub / gyad pa mi gñis sku bsruûs la 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gzigs pas ’di sñam du bsams te / koù jo yaù lha khaù brcigs pas / khoù rgya nag po sa ’i dpyad la mkhas pas lha khaù gzan yaù brcig ’où / ùa chen ma yin pas lag rjes kyaù ùa che / ùas lha khaù ma brcigs kyi bar du brcig tu mi bcug sñam nas / koù jo bos nas ’di skad smras pa / kye koù jo khyod la yań lha ’dug ste / ùa la yaù yod / chen ma yaù ùa yin / pho braù chen po ’di cam yaù ùas brcigs [215] pas / ùa che bas ùas lha khaù ma brigs par du khyod ma brcig aù zes nan tan byas so / / de nas lha gcig koù jos rta lcag dkar po cig ’o thaù gi mcho la bcugs nas / khyed chen ma yaù yin lag rjes kyaù khyed che / ’grub phyogs kyaù khyed che bas mcho pha gi ’i khar brcigs zer ro / / yaù jo bo śākya la lcag bcugs nas sa khad mñam po pha gir ùas kyaù ’on zer ro / / de la bal mo bza’ khri bcun gyis rùan gyi gtam smra bar go nas / rgyal po daù lo gcig tu m jal du ma ster / phyis koù jo lha sa ra mo che na yod p a ’i dus su / blon po mgar gyis lha gcig khri bcun la gros btaù ba */ kye lha gcig lags sùar yañ lha khaù brcig tu ma btub / da duù yaù gcug lag khaù gi sa chol ba koù jo la zu dgos byas nas rgyal po la m jal du bcug go / / d e’i che snaù ba rnams gsum goù bzin du byuû ùo / / de’i dus su bal mo bzas ’di skad smras so / / rgya mo koù jo spon gyog khyed / / dka’ las byas te g ñ a’ bos bkug / bod kyi yul du byon nas kyaù / / ùa ni them pa sùa rgal chen ma ste / / chen ma bcun rgyu gñan rgyu yin / / sùa ma mi che mi gñan na / / 9jig rten chos lugs smad par ’gyur / / rje yi sku mthoù ùa sùa bas / / ùa la sùon du gus par gyis / / lar ni ’jig rten lugs bden na / / sloû daù bran mo su zig bcun / / dam chos spyod pa su zig sdug / / dkon mchog mchod pa su zig dbul / / chun mar ’os pa su zig bzaù / / ’on kyaù khyod daù ńa gñis ’gran / / dkon mchog dbu 7phaù bston pa ’gran / / gcug lag khaù rnams bzeùs pa ’gran / / sa mdor gnas gzi ’jug pa ’gran / / mchod gnas gsum la mchod pa ’gran / '/ yar la dge [215b,s] ’dun mchod pa ’gran / / r je la zabs tog byed pa ’gran / / mar la pu ’bańs skyori ba ’gran / / dm a’ la sñiń r je byams pa ’gran / / thad kar dkor nor sog pa ’gran / / ziù chu’i so nam bya ba ’gran / / dad pa chos spyod sdig spoù ’gran / / phyi ma byaù chub thob pa ’gran / / de ltar ’gran par ma nus na / / khyod kyis r je la re ma che / / d e lta r ’gran na ëhos ’khor bzeùs / / ùa ni chen ma yin pas sùon la brcig / / ces smras pa daù / / yaù lha gcig koù j o ’i zal nas / / e ma ho / / lha gcig jo mo khri bcun khyed / / nad kyis ma zin su zig yod / / phoùs pa gaù gis phoùs ma gyur / / 'byor pa rtag tu su zig yod / / sa steń nor rñcd su mi dregs / / dregs daù bral ba su zig yod / / rtag tu rgyal sa su zig ’jin / / chen chun ’gran pa su zig yin / / khyed ni che rgyu bcun rgyu ste / / khyod la gùan sar ùas lta yis //k h y o d kyis chen mar ses par gyis / / ùa yi chun m ar ses par bya / / ’gran p a ’i ’gran sems med mod kyaù / / khyod kyis ’gran no smras pa des / / them pa sûa rgal chen ma khyod / / lha khaù rgya mcho’i steù du bzeùs / / ùas ni sa khad mñam la bya / / ùa yis khyed la de skad du / / ca, co ku re ma smras so / / d e’i che saùs rgyas daù byaù chub sems d p a’ daù / skye bo tha mal pa rnams la snaù ba rnam pa gsum goù bzin du byuù ùo / / de ni rgya mo koù jo bod du spyan drans pa daù blon pos ’phrul ’gran p a ’i m jad p a ’o / / Sur certaines inscriptions de l’époque des T’ang. p a r B . B e l p a ir e . L e présen t tra va il est le p ro d u it d ’une collaboration. La tradu ction du texte chinois ne m ’a été possible que grâce à l’aide de mon m aître, le R . P . L. V an H ée S. J . Je tiens à le rem ercier to u t d ’abord car c’est à lui que revien t, pou r une bonne p a rt, le m érite que p e u t avoir cette étude. Le recueil d'inscriptions traduit ici forme le volume 28 de l'œuvre com plète du célèbre poète des T'ang, Li Po (699-762 ap. J. C.) ; n’étant pas une collection de poésies, il est généralement omis dans les nombreuses tra ductions publiées du célèbre poète chinois l. En conservant ces compositions embellies du balancement symétrique et des images somptueuses du vrai « pinceau lettré », les Chinois n'ont pas obéi aux motifs habituels qui ont donné naissance à leurs collections épigraphiques 2. Ces inscriptions ne sont pas antiques, elles remontent au V IIIe siècle de notre ère; elles n'ont pas de valeur calligraphique, n'étant pas un album d'estampages, et leur intérêt est souvent strictement local. Le désir de les conserver est dû au nom de Li Po, auteur illustre dont la renommée donne de l'intérêt même à ses œuvres secondaires ; un autre motif de les conserver est la fidélité de leur auteur à une idée bien chinoise: une œuvre d'art, si belle soit-elle, n'est complète que relevée encore d'une inscription; le plaisir du connaisseur doit être doublé du plaisir du lettré. In scrip tio n s élogieuses, tel est le titre du recueil; il est curieux de voir sur quoi porte l'éloge. Dans cette vingtaine d'inscriptions, aucune ne nous parle de l'artiste, de son nom, de la date3. Les donateurs de l’œuvre sont parfois cités, celui qui paie a droit à une mention honorable; mais pres que toujours le sujet représenté intéresse seul l'inscription: le gouverneur 1 R. G rousset, H isto ire de l yE xtrêm e-Orienty Paris, Geuthner, 1929, p. 669. 2 W ylie, N o te s on Chinese literaturef Shanghai, 1867, pp. 61 ss. * Le nom de l ’artiste est donné par le sceau qui accompagne en général une peinture chinoise. Les peintures dont il est question ici sont perdues, de là notre ignorance du nom et de la date. et ses bienfaits (p. 67 et 68), le temple et son action salutaire (p. 72), la prière magique et son efficacité surnaturelle, (p. 73) et ces deux condi tions humaines qui semblent se rattacher au surnaturel pour le Chinois: le bonze (pp. 80, 88, 91) et le lettré (pp. 81, 82, 86, 87). Un nombre plus restreint d’inscriptions insistent sur la réussite de l’œuvre d’art, sur la beauté de l’idée maîtresse qui s ’en dégage: la solitude de l’aigle sur l’arbre mort (p. 82), la férocité du lion dans la salle de la « Cour d’Assises » 83), la sérénité surhumaine du Bouddha après l’illumination (p. 84). le luxe des plumes parant la grue (p. 87). Une seule inscription est ex plicative : la peinture représentait un paysage féerique, et l’inscription nous prévient que le peintre a voulu tracer d’une manière visuelle le plan du bon gouvernement (p. 79). L’habitude de mettre une inscription sur une peinture est pour ainsi dire perdue à notre époque, parce qu’une œuvre bien faite se comprend sans exergue et, ajoute-t-on par ironie, parce que cette absence permet au critique d’art de découvrir un sens profond auquel l’artiste n’a jamais songé. Il n’en a pas été toujours de la sorte: les inscriptions décoratives ont eu une grande importance à l’époque chrétienne et durant le MoyenAge. La présence d’inscriptions s’imposa dans les mosaïques décorant les églises, et telle technique traditionaliste, les icônes russes, pour ne citer qu’un exemple, se conçoit à peine sans une inscription. C’est vers le XVXVIe s. que l’habitude s’en est perdue en Occident et comme cette période est précisément celle qui se trouve couverte par le répertoire de peintures de S. Reinach *, j’ai tenté, sans avoir la prétention d’être complet, de faire un relevé des peintures avec exergue à cette époque. Sans tenir compte de la mention « signé et daté », sur les 6.224 œuvres reproduites par le répertoire, il y a environ 180 inscriptions; certaines d’entre elles sont purement décoratives, telles quelques lettres hébraïques signalant un édifice comme une synagogue2; le plus grand nombre repro duisent, sur une banderole, les paroîes d’un personnage, par exemple, « Ave, gratia plena » sur les Annonciations. Les inscriptions laudatives de l’œu vre ou explicatives du sujet sont rares, je n’en trouve que 18 pouvant être mises en parallèle avec les inscriptions chinoises dont nous parlons3. L’inscription de la salle de justice (infra p. 65) et celle de la fresque 1 Salomon R e i n a c h , Bépertoire de peintures (1280-1580), 6 vol. Paris, Leroux, 1905-1923. 2 Ibid., I, 370, 376; II, 119. 3 Ibid., I, 616, 619; II, 21, 456, 726; III, 295, 342; IY, 98, 270, 292, 388, 608, 642; Y, 40, 262, 359; YI, 54, 267-8. du Cambio de Pérouse4, se juxtaposent, bien que celle-ci parle de vertus morales et l’autre de géographie historique. Le portrait d’homme avec in scription laudative à l’adresse du modèle, est une idée si naturelle (qui fit jamais faire son portrait par humilité?) qu’il n’est pas étonnant de le trouver en Europe comme en Chine: portrait d’Amerbach par Holbein, d’un inconnu par H. Baldung Grien, de Laurent le Magnifique par Vasari et de Thomas Cromwell par Holbein le Jeune L’inscription en Europe a rarement une prétention poétique: six hexa mètres latins sur une Descente de la croix2, quatre vers satiriques sur Hercule chez Omphale3, trois vers en allemand sur une Sainte fam ille4 et deux sur YAmour profane 5. Notons en passant que les peintres allemands et Lucas Cranach en par ticulier, sont les plus fidèles à l’inscription en peinture. Un tableau de la prédication de S. Jean-Baptiste est caractéristique sous ce rapport6. Si ce n’était pas entrer dans des détails infimes, je rapprocherais l’ins cription sur la personne et l’œuvre du Bouddha (infra p- 90) d’inscriptions semblables sur la personnalité de certains saints7. Comme tous les corpus d’inscriptions, notre recueil permet de glaner nombre de détails pittoresques illustrant la mentalité chinoise et intéres sant la sinologie. La prospérité morale et matérielle d’une contrée est considérée comme la récompense du caractère droit et de la valeur administrative du gouverneur (p. 67 et 68). La fondation pie d’un temple met fin à la calamité publique de la séche resse (p. 68) ; elle reste une bénédiction pour la contrée et attire des hôtes illustres (p. 71). La pièce suivante (p. 71) retrace la grandeur sans décadence d’une pa gode bouddhique. Le trésor de ce heu de pèlerinage est une formule magi que procurant le bonheur; l’inscription en retrace l’origine et l’arrivée en Chine; elle décrit l’élan de la dévotfcm populaire et la beauté de l’édi fice, élevé par les dons des fidèles, pour abriter la relique. Malgré un inter dit jeté sur le temple (p. 77) le centre religieux ne cesse de prospérer. 4 1 2 8 4 6 6 * Ibid., I, 619. S. R e i n a c h , op. cit., II, 21, 726; Y, 40 et VI, 54. Ibid., II, 456. Ibid., IY, 642. Ibid., V, 359. Ibid., VI, 267-8. Ibid., I, 517. Ibid., IV, 608. Un portrait n’est pas seulement tout ce qui nous reste d’un disparu, il nous rappelle des exemples de vertu et fait appel à notre conscience pour continuer son œuvre bienfaisante (p. 81). Une statue de Bouddha est Poccasion de retracer la vie du saint mais surtout d’exalter la pieuse générosité de la donatrice (p. 85) ; l’inscription sur l’idole du temple ne parle pourtant que de la puissance bienfaisante de cette dernière (p. 86). Une des pièces les plus intéressantes du recueil est l’inscription pour l’image miraculeuse du Ti-Tsang; elle a été mise en œuvre dans un ou vrage récent de feu M. le Professeur de Visser, de l’Université de Leyde (p. 90). Il a fait ressortir l’importance du texte pour l’idée du Bouddha miséricordieux, panacée surnaturelle contre deux calamités humaines: la maladie et la guerre. Pour l’histoire de l’art, nos inscriptions n’apportent rien de neuf; l’aigle, le fauve, la grue, sont sujets maintes fois répétés dans la peinture chinoise; le héros national pourfendant un monstre (p. 89) et le paysage idéalisé où s’estompent dans les brumes flottantes des palais rouges et d’où surgis sent des fées, planant dans l’espace, se retrouvent également. Tous ces sujets peints, bien que perdus, se conçoivent sans peine. Le vingt-huitième livre de la collection des œuvres de Li T'ai Po. Inscriptions élogieuses, ensemble vingt pièces. 1. Inscription sur le mur de la salle de Justice de la sous-préfecture de Ien Sheng1. A. Livre XXVIII, page 1. a. Après les Fung Sing, le pays s'appelait Ien Sheng; ce n'est autre chose que la vieille préfecture de Ts'in. Dans le Yu K u n g 2 elle est une subdivision de Nan S iu 3, et du temps de Cheou Cheng*, elle faisait partie du pays de Lu O riental5. Depuis Po K 'i n 8 jusqu'à la trente-troisième année du duc Tcheou7, l'endroit partagea la ruine du pays Ch'u, parce qu'il dépendait de Ch'u. Après Jen H a n 8, il %devint sous-préfecture. La troisième année de la période K 'ai hoang9, sous la dynastie Soei, on effaça de la carte la sous-préfecture K 'ao Ping 10 et l'on rendit Ien Sheng à son ancienne administration. La ville a souvent changé [d'adm inistration], mais son p u its 11 n 'a pas changé. 1 Biot, Dictionnaire des villes ... dans l ’empire chinois, Paris, 1842, p. 285. 2 Chapitre du Chu King. Wylie, N. C. L., p. 34. 8 Biot, D. E. C., p. 135. 4 Deuxième empereur des Cheou (1115-1079 a. J.-C.). 8 Biot, D. E. C., p. 118. 6 Mayers, Chinese reader’s manual, Shanghai, 1910, I, 545. I Mayers, C. B. M., I, 67. Pétition, Allusions littéraires, Changhai, 1895, p. 40.2. 8 Probablement 263 ap. J.-C. — M. Tchang, Synchronismes, p. 159. 9 582-600 ap. J.-C. — M. Tchang, Synchronismes, p. 247. 10 Biot, D. E. C., p. 57. II Signifie ici: marché. B. Livre XXVIII, p. 1. b. 2. a. Le pays Lu mesure sept cents li; la contrée possède onze préfec tures, [parmi lesquelles] Ien Sheng occupe la place la plus impor tante. A l ’Est, elle est bornée par Lang S ie1, à l ’Ouest, par Kiu I e h a, au Nord, par le pays de K iueh3, et au Sud, par Hou Hiang \ Elle a le tertre funéraire de Tai H a o 5, l ’empereur bleu, et le lieu de naissance du président du ministère Po I. Les coutumes du pays ont gardé [la pureté de] la haute antiquité, les mœurs y sont limpi des et de haute moralité. Des hommes sages et bons sont nés là, leur éclat couvre l ’univers entier. C. Livre XXVIII, p. 2. b. «Le sol est riche et plantureux, les cours d ’eau sont larges et lumi neux. A l ’époque des Han, des souverains illustres le firent défri cher et, à l ’époque des Wei, des hommes célestes (c.-à-d. des colons chinois) m irent en ordre la terre. Là, sous les dynasties successives, il y eut un pullulement d ’hommesremarquables, et desfamilles [entières] brillèrent dans les belles-lettres. Desphilosophes, par la hauteur du talent, s ’y élevèrent, bien que les hommes vulgaires, tels de vils coudriers, fussent durs à gouverner. Le lac de cette ville vivifie le plateau, les maisons de la ville sont bien irriguées, les belvédères embaumés s ’inclinent obliquement au soleil, on y raffine du cinabre pour s ’envoler [dans le ciel]. Un pont de pierre traverse les vasques, il surpasse l ’arc-en-ciel [en beauté] et sans disparaître. Le courage et l ’élégance [de la ville] sont inson dables. Telle est la description. 1 Lang Yé. Biot, B . E. C.f p. 37. * Biot, B. E. C., p. 82. 3 Correspond à P ’ing Lo (comm.). — Biot, B. E. C., p. 267. * Dans le Siu Chou (comm.). — Biot, B. E. C p. 184. 5 Giles, A Chinese Mographical dictionary. Lpadon, C^uaritch, 1898, n° 585. D. Livre XXVIII, p. 3. a. Aussi tous les marchands y vont et en viennent; des quatre mers sans cesse, ils s'y pressent. Vraiment, la ville est le « soufflet de forge» activant le commerce; elle est le poumon et l'oesophage de toutes les nations. Aussi elle produit de grands sages, qui dominent le circuit Est. On y taille nos beaux brocards. La population n 'y change pas [en nombre] ; actuellement elle compte vingt-six villages et treize mille trois cent soixante et onze foyers. Le souverain choi sissant une vertu intelligente y nomma M. Ho gouverneur. Duc « doux et respectueux », capable de perfection, grave et majestueux, il se tient [sur son trône]. Il est un Chi Y eh 2 ayant « en lui l'influence des quatre saisons» et un Shih Y u a n 3 d'u n talent ne couvrant pas moins de cent li. Il chasse les soucis et vous met à l'aise; il fend [les obstacles et] il n 'y a plus d'écueil. A cent pas, sa lance et sa flèche sont capables de couper une feuille de saule. Grâce à son épée, au premier coup de tambour, tout le monde se réunit à Sang Lin. Il élimine le pessimisme en portant secours; l'arc [de la clémence] et [la ceinture de] cuir [de la sévérité] se tempèrent mutuellement. La première année, il donne des instructions pleines de gravité; la deuxième année, sa bienveillance répand la paix; la troisième année, la richesse et la joie. Tous les jeunes gens à collet vert obéis sent à ses instructions et les têtes grisonnantes accomplissent les rites. Le soc des charrues accomplit son travail ; parm i les laboureurs, plus de mains inactives. Navettes et métiers à l'unisson chantent et, près de leur machine [à tisser], peu de femmes ont le regard triste. Tout le savoir se perfectionne et la nature entière est un prin temps. Les grands fonctionnaires, à coup de houe, chassent leurs instincts de luxure et de cruauté, et les petits fonctionnaires repren nent leur naturel pur et harmonieux. Les voyageurs cèdent le pas 1 Mayers, C. B. M .t II. 81. 8 Giles, C. B. D .%n° 493. 3 Giles, C. B. D.. n» 1618. sur la route et les portefaix acceptent le léger et le lourd. On aide les vieillards, on porte les jeunes enfants, on respecte les autorités et Ton aime les parents. Après mille et cent ans on revient enfin à l'âge d 'or du pays de Lu. Si ce n'était pas un homme supérieur, dont l'intelligence est vaste, comment aurait-il obtenu de tels résultats ? E. Livre XXVIII, p. 4. a. (Li) Po s'est documenté en privé sur les merveilles du Tung M ung1, et a écouté les éloges des gens. Il en fit un résumé sur le m ur à l'usa ge de ceux qui viendront plus tard. A l'usage du grattoir (critique) des sages à venir, son stylet fait connaître les effets merveilleux [du gouvernement] de M. Ho. 2. A la louange du nouveau pavillon dii marquis de rOtiest prince de Chao. A. Livre XXVIII, p. 4. b. Il n 'y a que quatorze ans, l'em pereur, à cause de la sécheresse de’ l'année et du cinquième automne sans moisson, p rit soin de choisir un pasteur [du peuple] intelligent. P ar pitié du dessèchement des régions du Sud, lui-même, au quatorzième mois, au début de l'été, à Huai Yin 2, attira les eaux de notre ciel. Le prince de Chao fit une clôture à W an L in g 3, par respect pour la volonté impériale. B. Livre XXVIII, p. 4. b. 5. a. C'est alors que ce prince lieutenant de l'autorité impériale con struisait la terrasse du Sud au moyen de grands pieux profondément 1 Biot, D. E. C., p. 130. 2 Biot, D. E. C., p. 43. * Biot, D. E . C., p. 293. enfoncés. Que sa vertu merveilleuse vive toujours, cela est juste, et q u ’elle fasse obstacle au climat excessif du vent et du verglas afin que le dieu des bois soit la limite surnaturelle de leurs violences. Dès le début, casqué de fer et l ’épée nue, il fut ministre de la capi tale de Ien et sa puissance et sa bravoure excitèrent le respect; on en était à ne pas oser le regarder. Ensuite il chanta sur la lyre dans les deux pays; partout on l ’im ita; il fit lever la végétation dans les «trois provinces » 1 et à l ’audience il fu t renommé. L ’empereur le vit face à face et son pouvoir de ministre eut de l ’effet: il se fit écouter. Tel l ’orage sur le Nan S h an 2, il arrêta les pantomimes de C h’e Hien. Homme rigide, il ne s ’abaissa jamais. Les habitants des trois provinces jouirent d ’un grand changement et ils élevèrent à sa gloire la louange d ’une stèle. C. Livre XXVIII, p. 5, b. Il arriva dans ce pays. P a r les leçons de l ’antiquité il corrigea les mœurs, et répandit l ’harmonie par son influence. D ’un cœur calme, il gouverna les hommes et, grâce à ses troupes, il fit régner la paix. Sur une distance de milliers de li, pas une parole mauvaise ne fu t entendue. D. Livre XXVIII, p. 5, b. Depuis que, [mis à la retraite] le duc mène une vie insouciante, « son regard limpide se fixe sur la plaine et le plateau » 3. Son gou vernement a pour rem part de l ’Est le grand Océan et à l ’Ouest il est enserré par le grand Kiang; sa gorge étant les Trois W u 4, il renfer me les Cinq P ic s 6. 1 Biot, D. 2 Biot, D. 3 Citation 4 Mayers, 5 Mayers, E. C.. p. 171. E. C., p. 131. du Shih King (comm). C. E. M., II, 72. C. E. M ., II, 148. Sur un char officiel des ambassadeurs sortent sans avoir le temps de se reposer. En sortant par le rem part de l ’Ouest/ sur l ’ancienne g ran d ’ route, comme il y a peu d ’arbres rangés, le voyageur a peu d ’ombre fraîche. Il arrive que la foudre dangereuse brise la monta gne, q u ’un vent furieux ébranle les vallées, q u ’un panorama enflam mé illumine le désert et qu'une ondée d ’automne se déverse sur le chemin. Les chevaux se serrent l ’un contre l ’autre à l ’entrée du défilé et tous les hommes sont groupés sur le faîte de la montagne. Au pavillon ils attendent que se dissipe l ’orage, ils s ’y rencontrent sans pouvoir rien entreprendre. E. Livre XXVIII, p. 6. a. [Depuis que la dynastie] T ’ang domine partout, elle a nommé des centaines de pasteurs du peuple, « qui se sont suivis en foule pour garder le plan éternel ». Arrivée à notre prince, la venue de celui-ci a, d ’une façon éclatante arraché les malversations. Sa vérité contem ple cette terre et elle l ’encourage par la puissance de son temple. Son toit ondulé est un dragon qui se déroule et son faîte est comme des vagues se levant. La puissance il donne, la puissance il produit. A cette place des sillons du labour sont étendus comme un camp, ce temple est la pelle sur le bord, la ville s ’y arrête tel un cheval ga lopant arrêté par un rocher. On y coupe les buissons et l ’on y sarcle les mauvaises herbes. Des marches de terre s ’élèvent à ses angles; on lui fit une porte, on lui fit une muraille ; elle a ses poutres et elle a son espace couvert. On y fu t économe sans avarice et luxueux sans prodigalité. La profonde forêt ombrage ses portes. P ar temps sec et par temps mouil lé le temple est un abri. Il est semblable à la baleine plongée dans la mer et à l ’oiseau rokh qui vole. Il est enserré par le miroir tournant des courants [d ’eau] et il est protégé par le fond paisible de son étang limpide. Il reçoit quelque chose de la pureté de l ’océan lointain et prend l ’azur accumulé des chaînes de montagne. Vraiment cette place seule est le rendez-vous des héros supérieurs et l ’arrêt des cinq chevaux [des préfets]3. 1 Pétillon, A . L., 484.4. F. Livre XXVIII, p. 6. b. [Parm i ces visiteurs, on peut citer :] Le premier mandarin, M. Tsi Kuang Yu, un exemple remarquable d ’amitié fraternelle, M. Ssu Ma W u; Yung Cheng, éminent entre les lettrés, qui écrivit sur les armées, au marché de Wu. L ’un, gouver neur de Hsuan C heng 1 et l ’autre, gouverneur de T s’ui K ’in, ils produisirent de la vertu, [elle se perpétua] après eux. Leurs grands talents y naquirent et leurs bons exemples se répandirent hors de cette terre. Elle produisit de grands exemples de toutes les vertus qui, sublimes, dépassèrent l ’antiquité brillante. Un limpide éclat était sur leur personne et tous, par leurs plans, ont obtenu des mérites; sans [qu’il fasse] jour, même alors purifier était leur service. Ces deux personnages avaient la force et le calme. G. Livre XXVIII, p. 7. a. Les hôtes de passage [en quittant le temple] poussent des soupirs, des soupirs à sa louange, mais les gens du pays s ’y réunissent pour danser et s ’en félicitent; tous disent: « C ’est le pavillon de notre prince Chao. Tous les subalternes m ’ont offert des présents et m ’ont invité pour que je chante une louange à sa gloire ». Tel le pavillon du Nord de M. H sieh2, ce pavillon ne pourrira pas. Si [Li] Po pensait que la vertu de M. Hsieh n ’atteindrait pas les générations et que son pavillon ne resterait pas important, il ne lui aurait pas adressé des paroles de félicitation et n ’aurait pas écrit, montant sur les hauteurs: «Ici, au jo u rd ’hui, je passe». [Sur ce pavillon de Chao] j ’ai osé consulter un vieillard de soi xante ans, puis, j ’ai composé cette louange qui dit : 1 Biot, D. E. C., p. 183. a Giles, C. B. D., no 744. Q u’il est profond et grand le pavillon sublime! Il est la construc tion du prince de Chao. Il est semblable à la carapace de la grande to rtu e 1 qui, soudain se montre dans la « grande pure » et semblable au rokh dont les ailes s ’ouvrent et qui va partir. Le prince de Chao est parti dans l ’espace, il y a mille ans, mais on le voit encore. Le respect lui est dû et ies honneurs lui sont dûs, q u ’on y aille et q u ’on y reste. Regardez et réfléchissez, sans beaucoup de paroles Le prince de Chao va venir en planant au milieu des rites et des compositions: quel éclat! quelle harmonie! Il est semblable au temple de Wen W u n g 2, son influence limpide est un océan, jusque dans les siècles des siècles, jamais il ne sera oublié. 3. A la louange de la Dhâranî5: « Tête de Bouddha qui remporte la victoire», du monastère bouddhique de Chung M ing4. A. L XXVIII, p. 8. a. Si Kung K u n g 6 n ’avait pas heurté la montagne, l ’impératrice Kua° n ’aurait pas eu à réparer le ciel. Quand les grandes vagues eurent troublé leur courant, si Po Y u 7 n ’avait pas maîtrisé les eaux, dix mille hommes auraient eu le sort des poissons. Quand les rites et 1 Mayers, C. B. M., I, 526. 2 Pétillon, A. L 142.2. 3 Eitel, HanãbooTc of Chinese buããhism. Hongkong, Lane, 1870, p. 31. * Biot, B. E . C., p. 2246. 3 Giles, C. B. B n° 1024. 6 Giles, C. B . B., n o 1578. 7 Giles, C. B. B ., n o 1846. la musique étaient en grand trouble, si Confucius 1 n'avait pas agi, la voie royale ne serait-elle pas obscure? Son mérite fu t de contenir les deux principes3, et sa force, d'envelopper la création. De la tête, il dépasse tous les saints ; sublime, il est à la hauteur du grand vide. Ces trois là ne sont-ils pas preuve suffisante ? B. L. XXVIII, p. 8. a. A l'Ouest de notre pays un immortel d'or a publié la loi. Il a illu miné le grand rêve des vastes périodes cosmiques (kalpa) et mis en pièces les couches d'obscurité de toutes les erreurs. Solitaire [dans l'espace], il est immobile, immergé [dans le temps] il est éternel. Il n'use de la mer des douleurs que pour réduire au silence ses vagues, sous un ciel m aritim e; il ne regarde la montagne que pour détruire le feu [des volcans] du Kuen [Lun] 3. Ainsi, il vient en aide au ciel et à la terre, pour leur procurer une fraîcheur limpide. Même si le soleil et la lune tombaient, son esprit pénétrant resterait [indépen dant de ce cataclysme]. N'est-il pas l'être sublime par excellence? C. L. XXVIII, p. 8. b, 9. a. Au porche Sud du monastère Chung Ming, dans le Lu C hün4, il y a la dhâranî « tête de Bouddha qui remporte la victoire » inscrite sur la pierre; c'est ce qu'il y a de plus beau à voir dans cette ville. Dans le vieux temps, le déva Chan Chu et mille [autres dévas] dans le ciel immense, se promenaient. Ils passèrent par ce parc et son temple en compagnie de femmes célestes5, s'am usant à faire des gestes et à goûter tous les plaisirs. La nuit venue, ils entendirent une voix qui disait: Le déva Chan Chu, sept jours après sa mort, doit 1 Giles, C. B. D ., no 1043. 2 Mayers, C. B. M., II, 3 et 4. 8 Smith, A yocabulary of proper names. Shanghai, 1870, p. 25. 4 Biot, D. E. C., p. 285. 5 Eitel, M. C. B., p. 12.a. renaître sept fois dans le corps d ’un animal, après quoi, moi, le Bouddha, je lui donnerai le sûtra véritable de l ’entier bonheur Le sûtra retirera de toutes les douleurs, l ’apaisement céleste qui le cou vre est le sceau de la grande loi; impossible de l ’obtenir et de la comprendre. A l ’époque de [ l’empereur] Kao Tsung*, de notre dynastie des T ’ang, un bonze3, venu de K i-P in ‘ introduisit [cette dhâranî] chez nous. Tel le soleil unique, cette formule magique cache un grand trésor dans le parc merveilleux du ciel vide, c ’est du santal et de 1 or d une purete multicolore. Tous les hommes furent heureux à cette vue, et ju sq u ’au Shan T u n g s, les lettrés, par tout le royaume, l ’honorèrent. [Dès lors, à l ’endroit de ce charme], dix mille marchands jetèrent leurs joyaux, hommes et femmes s ’y réunirent en foule, ils donnèrent des cadeaux hauts comme des collines : on tailla des pierres striées pour sa montagne, on éleva de hauts mâts aux quatre coins,oncisela l ’albâtre blanc pur en forme de baleine et en forme dedragon. Le ciel, 1 humanité et la mer furent stupéfaits, il n ’y eut q u ’un tonnerre de louanges. Des inscriptions dorées sur feuilles de patra* furent inscrites sur le temple et des étangs de nénufars fleuris formèrent ses angles. D ’habiles artistes furent mis au travail à son « île fortu née » ' et, après avoir offert leur adresse [manuelle], ils s ’en furent. D. L. XXVIII, p. 10. a. L empereur, dans sa sagesse, le visage vers le Sud, gouverne sans effort, il reste plein de calme et, majestueux, il est assis; sa grande purete se répand partout: il n ’est pas d ’endroit si retiré qui n ’en 1 Eitel, M. C. B., p. 131.b. * Giles, C. B. D., n o 1109. (628-683 ap. J.-C.) 3 Eitel, M. C. B., p. 130.b. Pétillon, A . L., 8.4. * Kâpiça dans l ’Afghanistan, Grousset, H isto ire ..., p. 281. * Biot, B . E. C., p. 2. 4 Le palmier borassus flàbelliform is, Eitel, M. C. B., p. 92, a. 1 Pétillon, A . L., 105. 7. reçoive des reflets. Toutes les bannières dressées sous le ciel saluent le belvédère où flotte son étendard; les cris et les vociférations s'y font humbles et retenues. Ce n'est pas là l'endroit vraiment digne d'un tel sûtra que la foule assiège. Un décret fu t donné pour le placer dans le temple aux sept trésors \ On éleva au centre, droit en l'air, un mât de plus de cent pieds; il coupe les nuages, comme une taie, la mousse y croît, il est entouré d'un courant d'eau: la voie lactée. Il fait que L u n g 2 et H siang 3 poussent un soupir d'étonne ment, et comme en haut il n 'a plus d'appui, les hommes en soupirent [d'adm iration]. E. L. XXVIII, p. 10. a et b. Notre comte de Kuang W u 4, le grand mandarin, M. Li de Lung H s ifi qui jadis, s'appelait Wen, reçut une nomination impériale qui en fit un ministre de gouvernement. Sévère et large, humain et bien faisant, il gouverna les « cinq marchés » 6, en pasteur de la place. Sa renommée arriva jusqu'aux oreilles de l'empereur. Alors, il fit dé fricher les bambous de Lu, et dans le circuit de Lu il fu t éclatant à voir. De fait, il harmonisa les deux principes 7 en faveur du « Grand Degré», de sorte que nos princes allèrent sur les traces de Y ao 8 et de S h u n 9 et ne se contentèrent pas de ferm er la porte, de rester assis et de chanter. Ses honoraires furent de deux mille 10 grands plats [de riz]. En un mot, il acquit grand mérite etrépandit l 'enseignement bouddhique. 1 Eitel, M. C. B.f p. 122, b.Mayers, C, B . M., II, 2 Giles, C. B. D., no 1403. 3 Giles, C. B. D., no 686. 4 Biot, D. E. C.t p. 89. 5 Biot, D. E. C., p. 122. 8 Mayers, C. B . M., II, 121. 7 Mayers, C. B. M., II, 3 et 4. 3 Giles, C. B. D., no 2426. 9 Giles, C. B. D., no 1741. 10 Comparez Pétillon, A. L., 25. 4. 228. F. L. XXVIII, p. 11. a. C ’est à cet endroit que l ’annaliste 1 M. Lu, le maréchal Li et d ’au tres, « tous brillèrent au palais, étant grands et magnifiques à l ’ex cès », ils furent la gaine [protectrice] des trésors du grand pays, la cloche donnant le diapason du principe originel. Comme gloire, ils étaient l ’égal des m andarins 2 et, comme vertu, ils brillaient comme une chaîne de montagne. Grands furent leurs talents, si leurs moyens furent petits; où leur esprit ne pénétra pas, c ’est q u ’il ne peut péné trer. Devant de tels administrateurs, comment justifier la simplicité des paroles? G. L. XXVIII, p. 11. b. Ils furent maîtres de la lo i 3 et ancêtres du Tao; leur cœur était universel et leur compagnie admirable: on les mesure, comme les joncs, par ce q u ’ils poussent en un jour. Ne sont-ils pas des perles qui brillent toujours, un ciel ne parlant pas et qui, de lui-même, se meut? On reconnaît la rive aux vagues qui y déferlent et la noria sou terraine à l ’eau pure qui en jaillit. La bouche de chacun d ’eux form ait un héros d ’or et leur langue produisait un éclair; rien q u ’en l ’ouvrant et la ferm ant ils éloignaient l ’ennemi. Cela est extraor dinaire comme de juste. De même que tous les creux [de voile] ont la même courbe sous un même vent et que les courants sont tous absorbés par l ’océan, de même aussi leur sévère perfection nettoyait les affaires et leur vie réglée purifiait le ciel. Le « palais de la loi » était luxuriant quand le brouillard se levait, et la « tour d ’encens », escarpée près de l ’île élevée. E ux tous et moi formons une masse coagulée d ’honneur. La huitième année de l ’ère tien pao*, le premier jour du cinquiè 1 Mayers, C. G., n° 32. 2 Pétillon, A. L 419. 1. 8 Eitel, M. C. B., p. 156, a. * 743-756 ap. J.-C. (Tchang, Synchronismes). me mois, un décret ordonna de détruire le grand monastère1. Cent villes en appelèrent au ciel, tous les alentours pleurèrent des larmes de sang, 011 brûla de l ’encens, on répandit des fleurs, on laissa des cercueils couchés dans les ornières ; des grues immortelles2, au nombre de dix, s ’enlevèrent en chantant et disparurent, et l ’on ne parvint pas, avec toute cette vertu, à émouvoir le ciel, à pénétrer l ’humanité et à changer les affaires. Qui d ’entre eux serait capable d ’ajouter quelque chose à cela? Ce fidèle aux trois devoirs 8 mérite tout éloge ; bien que pauvre, il remplit le ciel et son bienfait pénètre ju sq u ’à la lune limpide. On allume mille lampes, et la sagesse n ’est q u ’un germe; on fait dix mille lois, et la justice est vide. Si nous n ’avons pas le projet d ’être d ’un cœur avec le fidèle, on pourra, sur les arbres, voir sa trace sainte. H. L. XXVIII, p. 12. b. Le grand mandarin, M. Li, de plus, commanda le porche, vers le Sud, la pagode près du mur, et le chemin qui y mène, il y ajouta des disques, selon la règle antique, des piliers nombreux et tout le reste des pierres. Brave officier, il y mit sa force, une force comme celles qui arrachent une montagne. Dès q u ’il eut frappé le tambour, ce fut un roulement de tonnerre; [dès q u ’il eut] tiré à la corde de la cloche, ce fu t un éclair. La vigueur de mille braves vaut la force de dix-mille hommes. Il tourne le « réchaud du cerf » sous la poutre horizontale et mêle les anneaux unis et sans fin. Toujours, sa secousse va vers les six points 4 et sa montagne a l ’escarpement des neuf cieux6. Sans être démon, il en a le pouvoir. Comment fait-il pour arriver à cela ? 1 de Mailla, H isto ire générale cle la Chine , VI, 201. 3 Comparez Pétillon, A. L., 507.11. a Mayers, C. B. M.s II, 26. 4 Mayers, C. B. M ., II, 185. 5 Mayers, C. B. M.t II, 285. I. De plus, c ’est un soleil et une lune tout ronds, les poutres du temple répandent des pleurs, les cœurs purs récitent des prières en les tou chant, tous les Bouddhas leur viennent en aide, l ’homme est sembla ble à l ’être et au devenir; il arrive par un ciel, à un autre ciel. Il ouvre la porte du palais céleste 1 et voit le visage de tous les saints. Si sublimes y sont les mérites et vertus, qu ’on ne peut les mesurer ! J. L. XXVIII, p. 13. b. La pagode est un recueil de transcriptions pour les secrétaires2; pour les six [sortes de] mandarins elle est une fenêtre fleurie; elle atteint ju sq u ’au dernier fonctionnaire des onze préfectures. Elle a grand talent et grande vertu, elle contient l ’encens et brode les habits. Elle a toute sa rangée d ’illustres colonnes [pour attacher les victi mes] ; celles-ci ne sont pas offertes en une année. K. L. XXVIII, p. 13, b. 14, a. [Les eaux de la pagode], les hommes de la bourgade, pour toutes leurs lustrations, les emploient. Le temple a été proclamé le Tao pour l ’humanité passée. M. Sun T ’ai C h’ung y reçut « l ’étamine pourpre de l ’homme droit», et «le livre du calepin de jade». Il peut faire que l ’esprit du Grand U n 3, de lui-même, produise le cinabre, pour l ’offrir à l ’empereur. L ’empereur s ’en sert pour vivre dix-mille ans et ne cesser q u ’avec le ciel. Son mérite obtient que le corps recule; il éloigne la maladie et la fait fuir. Il ne parle pas de la pénétration mystérieuse des anciens ni du calme des lettrés [traitant] du mystère subtil (?) ; mais, il parle du soleil clair, de l ’élégance des rois de jadis qui étudiaient les lois en Lu, il cherche la bravoure et s ’incline devant la lumière surnaturelle. 1 Eitel, M. C. R., p. 30. b. 2 Mayers, The Chinese government. Shanghai, Kelly, 1897, no 295. 3 Pétillon, A. L., 152, note. M. Lu Tso en connut le renom, en Wu, il sculpta deux tours sur une base de roc \ Pauvre moi, que ne suis-je beau, riche et vertueux? Je produirais une harmonie juste, avec respect on recevrait mes paroles. Je me per mets uniquement sur un ordre reçu [de publier mon œuvre]. Ma louange universelle dit : L. XXVIII, p. 14. b. 15. a. 1. Elle se lève, la sublime bannière, à l ’extérieur du palais céleste *; haute et unique, elle surgit, touchant rarc-en-ciel. 2 . Surnaturellement, elle s ’allonge ju sq u ’à pénétrer dans le vide du ciel ; robuste, elle aide au renversement de la voûte azurée. 3. Pour tout l ’Occident, sa grande sainteté produit une grande force; obstacle, elle arrête la mer furieuse; les bateaux, en troupe, s ’y réfugient. 4. Sa formule m agique 8 est le réceptacle, le modèle des dix-mille lois, et sa bonté réside dans l ’empereur, qui en saisit le mérite. 5. Brillamment, elle sert de règle au prince et au berger dans le Tung Lu ; de plus, elle renouvelle les lois désuètes et balaie les cala mités. 6 . Elle est comme le roi des grands nuages, elle donne la loi à la pluie pour les gens du pays, elle est pure fraîcheur, la bonté qui réunit les danseurs. 7. Elle jouit d ’un renom immense qui se propage jusqu’aux côtes de la mer, elle se grave sur beaucoup de plaques et brillera jusque dans dix-mille ans. 4. Louange [écrite] sur un dessin du prince et m inistre Lî de Tang T ’u 4. Le ciel se suspend dans l ’essence primordiale et la sainte montagne laisse descendre la spiritualité pure; l ’année voulue, dans la succes1 Couvreur, Dict., p. 647. a Eitel, M. C. B., p. 30. b. 8 Dhârani. Eitel, M. C. B., p. 31. b. 4 Biot, D. B. C.f p. 196, sion des générations, un grand sage naît. Il produit l ’extraordinaire et offre [à tout le monde] ses écrits. Beaucoup l ’écoutent au palais royal, et l ’empereur s ’en sert encore quand lui n ’est plus. Il brandit de la lumière, fait prospérer la pureté, il est un festin débordant sur cent li, une indulgence qui n ’a pour mesure que les huit murs. Il est un nuage rouge et une musique volant [dans le ciel]. [Grâce à lui] le gouvernement du Tang T ’u fu t transform é; son élégance mâle l ’a, en une fois amélioré, « la montagne fluviale » 1 est, pour la deuxième fois, célèbre et, à la « ville haute », on danse les mains jointes. Il a donné forme à son plan [de bon gouvernement] par cette peinture. De belles femmes fleuries la remplissent, les yeux brillants comme des étoiles. Une g ru e 2 y retourne au «parc des im m ortels » 3 et une licorne 4 y monte à la « Salle de ja d e » 6. C ’est comme s ’il avait placé [en haut] le soleil et la lune pour y accomplir lumineusement leur course. Eternellement dans le monde cette œuvre marquera une étape. 5. Louange affectueuse sur un tableau de M. Chun, le célèbre bonze5 de Ching L ing6. L. XXVIII, p. 16. a. Son excellence surnaturelle ne m eurt pas et il fu t l ’exemple même d ’une vie pleine de compassion. Sa personne inspirant confiance brille avec éclat et appelle l ’amour. Sa peinture est tout un monde créé et le pinceau y a rendu la vérité céleste. Il a l ’apparence d ’un vieux sapin sous la neige, son cœur est exempt de la poussière du mon de. La mère de Wen P o 8 accepterait de voisiner [avec lu i]. 1 2 8 * 5 8 * 8 Biot, D. E. C., p. 71. Comparez Pétillon, A. L ., 507. 11. Pétillon, A. L., 57.1. Couvreur, Dict., p. 491. Pétillon, A. L ., 463.1. Pétillon, A. L., 64. 3. Sanigha. Eitel, M. Ç. B., p. 117. a. Biot, D. E. C.t p. 72. Giles, C. B. B., n. 2308. 6. Eloge de Li, le lettré retiré. L. XXVIII, p. 16. b. «L e cœur de l ’homme parfait est semblable à l ’ombre dans un miroir ». Malgré tous les mouvements, il agit sans rompre le silence. Le poids de son corps égale une livre du mien et le souffle q u ’il émet est un galop. Q u’il termine une affaire, jamais une deuxième fois elle ne se présente ; toutes ses décisions sont des fondations de villes. De notre clan [des Li] il est le sage vieillard; la renommée le proclame; j ’écris la vérité. Son image sur ce tableau est peinte, et lui est retourné en poussière. Son parent [Li] Po obtint le tableau à sa m ort; avec le ciel, il le rend voisin. Bien que muette son image ne périra pas, pour long temps, elle nous conservera sa personne. 7. Louange [écrite] sur le portrait au pinceau de Ts'ui de An Ki 1 officier de police 2. L. XXVIII, p. 16. b. Pays C h’i qui bordez l ’océan et pays W u qui soupirez sous le grand vent, M. T s’ui fu t de vos familles et il en surpassa les plus grands hommes. Capable par sa vie, capable par son talent, son corps était beau et son esprit perspicace.B rillant comme la lune d ’automne, il planait comme l ’oie dans lesnuages. Il fait aimer ses plans, cet homme, et il provoque l ’admiration, ce ministre véridique. Sur ce tableau sublime, il se dresse, il va parler, il parle de ce qui passe et de ce qui reste. Ce matin, regardez-le une fois, à l ’air vif, il est dix fois plus vivant. Sur cette feuille [de papier] c ’est lui, là, à côté de mon siège, son regard réfléchit la lumière et les ombres. * Biot, B. E . C., p. 140. a Mayers, C. G., n° 294. 8. Louange [écrite] sur le portrait de Wu Ts’ung Shih de Hsuan Cheng1. L. XXVIII, p. 17. a. * Il est d ’une famille de grand renom, il brille dans l ’ombre tel le soleil ou la lune; sa vie fu t celle d ’un lettré coiffé, son caractère fu t brillant et son corps, beau. Son portrait est vraiment l ’image du sage ; visage frais, chevelure tombante, ceint de sa ceinture, telle une montagne il se dresse. S ’il se trouve à l ’audience, au palais impérial, sublimement il expose les réformes [à faire] dans les quatre direc tions3, et, avec émotion, il décrit la limpidité des cinq lacs®. A l ’ar senal militaire il se fit respecter; ayant pris sa retraite, il s ’en fu t sur les monts escarpés. Ses discours sublimes étaient semblables à ses réflexions, sa musique sublime avait des accords merveilleux. Silen cieux [à présent], il n ’a plus la parole, mais à l ’extrême il est [en core] le défenseur du pays. 9. Louange sur la peinture murale d ’un grand aigle. L. XXVIII, p. 17 b. [La fresque représente] sur un plateau, un arbre mort qui, sur ses côtés, n ’a plus une branche. Sur le sommet, il y a un grand aigle; solitaire, il se dresse comme attristé. [Il se détache] sur l ’air mor bide d ’un ciel doré, il frissonne sur la mâle beauté du m ur peint... Son bec est effilé comme un tranchant d ’épée et ses serres acérées [comme]... Les convives réunis oublient leur repas pour le regarder fixement, [ils ne sont] pas encore convaincus q u ’il est une chose pein te. Moi, je me demande s ’il ne va pas sortir par la porte ou la fenêtre pour s ’envoler. Comment admettre que, ju sq u ’à la fin de l ’année, il sera ici? 1 Biot, I). E. C., p. 183. 3 Mayers, C. E. M., II, 79. 8 Mayers, C. B. M., II, 130, 10. Louange pour le molosse ' peint dans la salle de justice de l'officier de police de Fang Sheng L. XXVIII, p. 18. a. Dans la salle de M. Chang, les beaux murs brillent comme neige. D ’un maître chien, il y a une peinture; sa mâle beauté s ’efforce de sauter hors du tableau. Terribles comme une forêt sont ses regards sourcilleux et, comme une ondée de tempête, son corps poilu. Ses dents en pointes de scie brillent comme givre, et ses griffes crochues sont des croissants de lune. Sauvagement accroupi, il tremble de colère, on l ’appelle « le mont pelé de la grande salle ». Toujours, on voit cette gueule et l ’esprit effrayé ne trouve pas de repos. 11. Louange sur le portrait du général de la garde Fan. L. XXVIII, p. 18. b. Les rangs [de la garde dite] « forêt des plumes » 3 sont une protec tion, un rem part sur les rem parts du Sud. Leurs chefs sont quarantecinq astres dont l ’éclat a acquis de la gloire. En M. Fan, ils saluent leur général qui reçut les faveurs impériales lorsque, loin [de la cour] il fu t nommé m andarin à H u 4, puis avec le sceau, il passa à Yen Men \ Le regard au ciel, ses pas dansent; il bondit comme un esprit, il chasse avec un regard d ’aigle et plane comme une oie, les ailes ouvertes. P ar le cœur, il est semblable à Tsu T ’i 6 et, par le caractère, c ’est un vivant Liu K u n 7. Sa gloire émeut tout le pays et sa majesté agit sur les rangs de la troupe. Sur un mur du pavillon 1 Le commentaire dit que c ’est un lion qui est peint. Au sujet de la représen tation des molosses, cf. Laufer, Chinese p ottery of the H an d y n ., p. 248, 254. 2 Biot, D. E : C., p. 16. 3 Pétillon, A . L. 456. 3. 4 Biot, I). E. C., p. 50. 5 Biot, D. E. T., p. 286. 9 Giles, C. B. D n" 2033. ‘ Giles, C. B. D., no 1322. de la licorne, son portrait peint le représente en char. Un million de soldats barbares lui font obstacle, il les traverse... A la chambre impériale des « griffes et des dents » l, ses services signalés longtemps perdureront. 12. Louange sur un [moulage] peint d’or et d’argent de <( l’Illuminé de la terre pure de l ’Ouest » 2. A. L. XXVIII, p. 19. a. Je me suis laissé dire q u ’à l ’Ouest du Chin T ’ien, à la place du cou cher du soleil, où il quitte les cent mille fois cent mille stûpas de l ’Em pire du milieu, là se trouve le « monde du suprême bonheur ». Le Bouddha de ce pays a un corps qui durera autant de décades q u ’il y a de grains de sable dans six cent mille fois cent mille Ganges. E ntre ses sourcils, sa mèche blanche (ūrnā) [est peignée] à gau che, enroulée en des chignons semblables aux cinq montagnes du Siu M i 8; ses yeux ont l ’onde claire semblable aux eaux des quatre océans \ Assis droit, il enseigne la loi, et son recueillement, toujours il le garde. Il est l ’eau qui brille sur un sable doré, le long d ’une rangée d ’arbres précieux; il est une barrière, un abri qui couvre; dans les filets du monde, il est la proclamation. L ’essieu de son char est en lapis-lazuli, tels ceux qui ornent le « palais de la tour » ; perle pure, il est l ’a g a te 5 qui brille sur les marches du trône. Tous les Bouddhas disent la vérité sans un mot d ’erreur. B. L. XXVIII, p. 21. a. Le moulage peint d ’or et d ’argent de « l ’illuminé de la terre pure de l ’Ouest » fu t érigé par Fong I, noble femme du Chün T s’in; elle 1 Pétillon, A. L., 60. 6. * Eitel, M. C. B., p. 135, b. Probablement un titre d ’Amitabha. Eitel, op. cit., p. 7. a. 3 Eitel, M. C. B., p. 136. a. * Mayer3, C. B. M., II, 81. 5 Sphâtica. Eitel, M, C, B., 130. b, donna Tordre, quand elle fu t [restée] veuve, et plaça [le moulage] à Tendroit désigné par M. Wei, p ré fe t 1 du H u C hou2. La noble femme y amassa une limpidité de jade pur et répandit les instructions de la bonté sainte ; elle accoupla ensuite la grandeur et la justice. Extraordinaire, elle aida à émonder Tobseurantisme ; de père en fils, les faveurs furent profondes, elle employa son crédit à faire refleurir le bonheur. Elle fit le serment de renoncer à ses richesses, mais chercha à les employer à une œuvre glorieuse. L ’or de Timage commença le travail et Targent du dessin acheva Limage. C. L. XXVIII, p. 21. b. Cette statue a la vertu méritoire des huit règles3, la vague qui meut le lac du nénufar bleu, la fleur embaumée des sept choses pré cieuses4, ce qui brille sur la contrée d ’or p u r 6 et le vent limpide qui purifie ; elle est semblable à la production des cinq sons 6 donnant les cent mille bonnes musiques, qui toutes préparent par leur qualité émotive, à ma composition. Si j ’ai déjà exprimé un désir, je n ’ai pas encore atteint mon désir exprimé; si déjà j ’ai dû vivre, je n ’ai pas encore atteint le dû de ma vie. Je n ’ai exprimé le fond de ma pensée q u ’après sept jours, et, comme de juste, cela vivifia le pays. Le mérite et la vertu sont choses très difficiles [à exprimer] et, en donnant des conseils, il est aussi difficile de briller. La louange dit : L. XXVIII, p. 22. a et b. 1. Vers l ’Ouest, là où le soleil se couche, de loin on voit la couleur du grand miséricordieux \ 1 Mayers, C. G., n« 284. a Biot, D. E. C., p. 49. 3 Mayers, C. E. M., II, 238. 4 Mayers, C. E. M.,II, 228. Eitel, M. C. B., p. 122. b. Allusion à Li Po. Pétillon, A . L.3 221. 7. 5 Comparez Eitel, M. C. B., p. 37. a. 6 Mayers, C. E. M ., II, 175. 7 Avalokiteçvara. Eitel, M. C. B .f p. 3. b. 2 . Son œil pur est l ’eau des quatre océans1; son corps brillant, une montagne d ’or pourpre. 3. Esprit diligent, il fallait q u ’il suivît sa vie, il fut cause q u ’il procura le grand bonheur. 4. I] est la perle du monde, l ’arbre précieux, une fleur céleste s ’ef feuillant dans un pavillon embaumé. 5. Son image peinte est devant nos yeux, on a désiré la confier à l ’autel de l ’intelligence2. 6 . Grâce à sa vertu méritoire, sur mer, elle sera pour les bateaux d ’un recours mystérieux. 7. Les quatre-vingt-une sortes de péchés, tel le vent, elle les balaie comme givre léger. 8 . Tous ceux qui ont vu « l ’immortel sans lim ite » 3, longtemps, désirent l ’éclat de sa chevelure de jade. 13. Louange [écrite] pour le portrait de Yang Li Wu, de Kiang Ning 4. L. XXVIII, p. 22. b. 23. a. 1. [Tel le] T ’ai H u a 8, la haute montagne, dont les trois pics sou tiennent le ciel. 2 . [Telle une] haute vague traversant l ’océan, cent d ’entre elles ont la force d ’un sage qui vit. 3. E tan t un démon, étant un dragon0, il s ’étend sur la terre et remplit le cours d ’eau. 1 2 3 4 3 6 Mayers, C. B. M I l, 81. Eitel, M. C. B.t p. 25. a. Eitel, M. C. B., p. 6. a. Biot, D. E. C., p. 72. Cité Mayers, C. R. M., II, 176. Jeu de mots car on peut traduire également: E tant un K w 'ei (Giles, C. B . J9., no 1016. Mayers, C. B. M., I, 329), étant un Lung. (Giles, C. B. D., n o 1463. Mayers, C. B. M ., I, 452). 4. Sa ville [natale] de Chao 1 l ’a révélé au pays, un arbre de ja d e 2 dans les brouillards froids. 5. Son pinceau [d ’écrivain] joue au tambour sur la première mo nade, et les formes des êtres s ’en détachent d ’elles-mêmes. 6 . Il est le joyau brillant qui, solitaire, suit sa course solitaire : la lune d ’automne qui seule se suspend [dans le ciel] 3. 7. Il a écrit sur le gouvernement, et écrit sur les règles, assou plissant le dur et pliant le rigide. 8 . La vertu habita dans sa retraite obscure et sa musique coula sur les orchidées. 9. Que peu à peu, au « pavillon de la licorne », son beau portrait puisse se faire apprécier. 14. Eloge de la grue peinte de Hsieh T’ing de Chin Hsiang 4 officier de police 5. L. XXVIII, p. 23. b. 1. Cette peinture se trouve dans la grande salle où l ’on garde les chars et, bien q u ’on y juge les procès, jamais ellen ’est abîmée. 2. Elle est la peinture del ’oiseau merveilleux du mont F u n g e; sa couleur fait penser au jaune verdâtre des eaux de l ’océan. 3. Sa crête rouge a le rouge des nuées et sa prunelle vermillon a un scintillement d ’étoile. 4. Très haut, on s ’attend à la voir s ’envoler, prompte comme l ’envol d ’un galop. 5. Mais son profil reste, à côté du siège [du juge] alors que, oiseau, il pourrait p artir dans le ciel. 1 a 8 4 6 8 Biot, D. E. C., p. 204. Pétillon, A. L., 140.5. Comparez Pétillon, A. L., 242. 5 et 243. 7. Biot, D. E. C., p. 78. Mayers, C. G., no 294. Pétillon, A. L.s 105. 7. 6 . On dirait que, longuement, l ’oiseau chante dans la bise et le grésil et que, seul, il se dresse dans l ’éclat de la rosée. 7. Ses couleurs de glace reproduisent l ’antiquité; l ’image semble se baisser vers qui l ’examine et elle guérit par sa beauté. 8 . Que la grue se mette à danser, probablement elle viderait le marché; qu'elle se fasse entendre, ce sera entendre une guitare. 9. Si elle nous émeut, c ’est en arrivant à des colorations à reflets surnaturels; elle pourrait se jouer dans un paysage et se perdre dans le brouillard. 15. Eloge pour le portrait d’un bonze \ L. XXVIII, p. 24 a. 25 a. 1. La lune [réfléchie] sur les eaux, en fin de compte on ne peut s ’en saisir, aussi irréelle 2 est sa personne à lui; dans le vaste néant, il n ’est plus le maître. 2. Sur ses écrans brodés, les oiseaux ont laissé des traces de pattes, seul j ’y erre, ami délaissé. Son épée pend à une poutre d ’un pied et son éventail me trouble comme une parole q u ’il m ’adresserait. 3. Voici peint son visage de saint. Pourquoi lui, est-il parti et pourquoi la peinture est-elle restée? 16. Eloge pour un luth. L. XXVIII, p. 25. a et b. Au mont I Y ang 3 grandissait un elœococoa solitaire, entre des rocs empilés en ossements du ciel ; ses racines avaient vieilli près d ’une source d ’eau et ses feuilles étaient semblables à la lune d ’hiver. Son bois fu t ouvré en un luth, les beaux sons tout purs en sortent. 1 Le commentaire dit que chih kung est identique à chan shih. (Eitel, M . C. B., p. 156. a). 2 Comparez Eitel, M. C. B., p. 5. b. 3 Biot, D. E. C p. 278. Ses accords sont le vent d ’automne pénétrant les pins. Jusqu’aux temps les plus reculés, il sera extraordinaire. 17. A l ’éloge de Chu Hsü, le marquis. L. XXVIII, p. 25 b. 26 a. Quand la famille I n g 1 perdit sa puissance, le disque lunaire 2 exagéra sa décroissance. Quand le ministre de l ’affaire du cerf sous les T s’in eut été c a p tu ré 3, la dynastie des Han monta au ciel. Un dragon rouge* surgit dans le ciel, le soleil clair montra son éclat, mais, l ’arc-en-ciel obscurcissant 5 marque un tyran cruel, qui attire toujours les violences des brigands. Chu Hsü revint, il réunit les conseillers au grand palais; son glaive de héros, à grands coups, frappa, et l ’impératrice en fu t agitée de crainte. Aussi, à coups de pioche, il enfanta le bonheur, il fu t grand homme d ’état et glorieux. Son mérite l ’emporta à la salle impériale; jusqu’à présent, on ne l ’a pas oublié. 18. Eloge de la peinture: Tz’u F e i8 pourfendant le dragon. L. XXVIII, p. 26. b. Tz’u Fei pourfend le dragon, le tableau légué [par nos ancêtres], au centre, nous le montre. Il monte en vaisseau au rugissement des tigres et sillonne les eaux, là où le dragon combat. Les vagues terri bles ébranlent les chaînes de montagnes, son épée dégainée produit tonnerre et éclairs. Les .écailles [du monstre] s ’ouvrent sous le tranchant brillant et son sang rougit le Grand Fleuve, qui change 1 Famille de Yih (Mayers, C. B . M., I, 920), ministre de Shun et ancêtre de la dynastie T s’in (Comm.). 2 Pétillon, A . L.t 386.3. 3 PétiUon, A . L., 510. 4 et Giles, C. B. D., no 165. 4 Pétillon, A. L., 451. 2. 5 Pétillon, A L., 379. 5. a Héros de la dynastie Chou. Giles, C. B. D., no 2115. . [de teinte]. Je suis ému devant ce héros antique: après mille ans, il est toujours identique de visage. 19. Louange pour le bodhisattva 1 Ti-Tsang 2. A. L. XXVIII, p. 27. a. Grand héros, il sauvegarde la lumière quand le soleil et la lune en ruines s'en vont. La science de ce Bouddha seul est grande et brillante. La vie et la mort sont une neige en qui on aurait confiance; dans ^universelle erreur, il compatit au malheur. Il est capable de sauver des malheurs sans limites. Que solitaire on se retire au désert, il vous conduit de la main et ouvre les cours d'eau faisant obstacle. C'est le bodhisattva Ti Tsang qu'il fau t à l'humanité. B. L. XXVIII, p. 27. b. Le disciple qui continua son action est Pao T 'a o 8; pour une p art moindre, il fit que la doctrine fleurie [de Ti Tsang] progressa vive ment. Elle eut de l'influence sur les rois, les nobles, les caractères purs et tous les héros. Heureux à l'extrême, il rend la vie aux mala des; il obtient qu'on épargne le glaive, grâce à des ministres droits. Il plonge jusqu'au fin fond du grand vide. Il décida de peindre le visage saint [de Ti Tsang] pour prier son grand bonheur. Toutes les forces obscures y trouveront un appui et une aide, et les malheu reux y auront guérison. C. L. XXVIII, p. 28. a. Alors, on s ’adressa à mon humble talent pour composer la louange sur cette œuvre. Cette louange dit : 1 Eitel, M. C. B., p. 25. b. 2 Cfr. de Visser, The Bodhisattva Ti Tsang in China and Japan. Oesterheld, Berlin, 1915. Doré, Becherches sur les superstitions, VI, 157. 67. Doré, Manuel des superstitions chinoises, Changhai 1926, p. 172. 8 Giles, C. D. B.f no 1622. 1 . Son cœur originel (âtman) est semblable au grand vide, limpide et pur, il n ’a pas une seule préoccupation. 2. Il a brûlé au four la luxure, la colère et l ’ignorance, parfaite ment 1; il se montre enfin un Bouddha. 3. Ce tableau aux cinq couleurs est l ’image du saint, portrait vrai, il n ’a pas une fausse touche. 4. Il balaie comme neige les dix mille maladies, tout à fait vivi fiant il purifie ju sq u ’au ciel frais. 5. Louange à cet océan de mérites et de vertus ; à jamais, pour tou tes les générations il reste efficace2. 20. Louange au bonze bouddhique3 Yeh, de Lu Chun\ L. XXVIII, p. 28. b. 1. Près de la mer, fleurit le mont sacré5; on le vante à cause de ses illuminés. 2. Enfin, sa personne est tout à fait vide, on la contemple comme la lune sur les eaux. 3. Semblable à des broussailles que mange le feu, son éclat pénè tre les vivants et les morts. 4. Semblable aux nuages s ’ouvrant dans le ciel, il est vaste de dixmille IL 5. L ’abandon dans la solitude est son bonheur; près du fleuve, près de la mer, toujours, il est sans souci. 6 . Une auberge de passage est son for intérieur; un bateau vide sa position dans le monde. 7. Retiré au Kuen Lun*6, qui dira: je puis l ’en retirer? 1 Littéralement: lune ronde. Comparez Eitel, M. C. B., p. 96. b. 2 Cette louange est traduite dans: de Visser; op. cit., p. 58. 3 Eitel, M. C. B., p. 156, a. 4 Biot, D. E. C., p. 285. Le mont sacré de l ’Est (Comm.). Cfr. Mayers, C. B. M., II, 176. 0 Smith, V. P. N ., p. 25. L’évolution du Stupa en Asie Contributions nouvelles et vue d'ensemble p a r G isb e r t C om baz . Au moment où nous achevions l’étude de l’évolution du stu pa, parais saient des travaux relatifs au stü p a dans différentes régions de l’Asie. Us apportaient des indications précieuses dont il eût été regrettable de ne pas faire mention. Par ailleurs nous avons pensé que certains points de notre précédente étude pouvaient être traités avec plus de précision, ou justifiaient de plus amples développements: c’est ainsi qu’il nous a paru utile de dégager plus clairement dans une vue d’ensemble l’évolution de la forme du stü p a . Telles sont les raisons qui nous font ajouter ces contributions nouvelles, où nous suivrons le même ordre que dans la première partie de ce travail \ Peut-être n’éviterons-nous pas quelques répétitions, mais le but que nous poursuivons n’en sera, nous semble-t-il, que plus clairement atteint. Il nous faut enfin remercier tous ceux qui ont bien voulu nous apporter le concours de leur savoir pour préciser ou rectifier tel ou tel point de détail et particulièrement M. L. de La Vallée Poussin et M. T. van Erp, l’un des savants auteurs de la superbe monographie du Boro-Budur. I. — CONTRIBUTIONS NOUVELLES. Le stüpa dans PInde. Origine du stüpa. — Nous avons dit (II, p. 166) que le stüpa, avait comme origine le tumulus, tertre, amas de terre ou de pierres * Les références à la première partie publiée dans le vol. II des Mélanges chinois et bouddhiques sont indiquées de la manière suivante: (II, p. 00). que tous les peuples, dès la préhistoire, élevèrent à l ’emplacement d ’une sépulture, et q u ’avec le développement des civilisations ce tertre se stylisa sous la forme d ’un édifice en matériaux rapportés qui p rit bientôt un caractère architectural. La forme sphérique du dôme dans le stüpa indien a fait mettre en doute cette origine. Le tumulus de terres rapportées affecte, il est vrai, très souvent la forme d ’un tronc de cône et les constructeurs des tombeaux de l ’Asie anté rieure furent fidèles à cette formule. Cependant nous voyons déjà en Asie occidentale des tombeaux (Amrit) qui font visiblement pres sentir le stüpa indien (II, fig. 4). La Grèce archaïque, elle aussi, a connu les tombes à coupoles. On ne doit pas exagérer la difficulté technique de construire un tumulus en segment de sphère au moyen de terre, et nous rencontrons ce genre de tumulus dans les sépultures impériales de la Chine les mieux entretenues. Mais il est vrai, comme le dit très justement M. P. Mus, que le tumulus ne conduit pas directement au stüpa hémisphérique. Sans doute nous ne connaissons pas les ancêtres immédiats du stüpa, mais nous pouvons admettre que les vieux stüpa de l ’Inde sont des tumuli stylisés, comme le sont encore sous une autre forme plus éloignée les pyramides d ’Egypte. La stylisation en demi-sphère est-elle due à des préoccupations religieuses? Il se peut, mais ceci n ’est point de notre domaine *. 1 M. P. Mus (B. E. F. E. O., t. X X X II, p. 269) apporte, dans un important article sur le Boro-Budur, des clartés nouvelles autant qu ’ingénieuses. M. L. de La Vallée Poussin me donne aimablement son présent avis sur ces problèmes passionnants: Nous voulons bien, Gisbert Combaz et moi, que la spéculation ait « informé » (pour parler comme la Sorbonne clérieale) le plus archaïque tumulus bouddhique; q u ’elle ait parfois inspiré les architectes des successifs et parfois bizarres développements du stüpa. — Ne doutons pas cependant que le stüpa ne soit pour les bouddhistes un dagob, un dhâtugarbha, un reliquaire des os-et-cendres du Maître (śarīra) ou de son corps mystique (dharmalcâya). Il n ’est pas autre chose dans la merveilleuse apocalypse du Lotus. — Le vieux stüpa à un parasol, à trois parasols juxtaposés, n ’a pas une superstructure cosmique: on offrait au Bouddha des parasols comme on lui offrait des lampes, des parfums et des fleurs. Le poteau fut d ’abord le manche du parasol. Quant à la valeur cosmique du stü p a : à l ’époque où le stüpa se couronne d ’une Le stûpa monument votif (II, p. 173). — Nous avons dit que le stupa avait aux yeux des bouddhistes une valeur religieuse intrin sèque et que l ’érection comme la confection d ’un stupa constituait essentiellement une œuvre pie et méritoire. « La conception qui préside à l’édification, à la « fabrication » des Stûpas, nous écrit M. de La Vallée Poussin, n'est pas ne varietur depuis les origines bouddhiques. Nos sources attestent de grands changements: tombeau, reli quaire, «memorial)), image du Bouddha (buddhabimba)... Au temps d’Aéoka, on voulait qu’il contînt des reliques, des dhâtus. Combien loin d’Aśoka le fidèle qui pratique tous les jours les rites du caityakarana, « confection du caitya », donne à la motte d'argile la forme sainte, pour en « extraire » ensuite le Vajra, avec des rites analogues à ceux de l'érection des lińgasl Combien loin aussi de Śākyamouni ou du Bouddha du Lotus les dieux en -vajra et les principes d'émanation du Kâlacakra! — Notons du moins que, dans ces manuels tantro-bouddhiques, les rites de la « confec tion du caitya » sont distincts de ceux de la confection des mandatas : et c’est dans le mandata que figure le Meru avec ses îles. — Le StüpsL-caitya des basses époques paraît se rattacher, comme le tinga, à ces archaïques spéculations du « sol » dont M. Paul Mus parle ingénieusement dans « L'Inde vue de l'Est « h Le Stûpa est au Bouddha ce que le tińga est à Çiva. » Le Culte du stûpa (II, p. 175, p. 277). — La praãaksinã, ou cir cumambulation du monument, était l ’un des rites les plus importants hautaine superstructure, plans superposés ou moulurés dont le nombre corres pond à celui des vimânas (terres habitées par les dieux), l'architecte ne voit pas dans ces « parasols » transposés les insignes de la royauté dont les anciens ornaient les stupas: le stûpa représente sinon le cosmos, du moins une partie du cosmos. Or cette hiérarchie des mondes célestes a pour point de départ un bloc carré (harmilcâ) et celui-ci a donc bien des chances de représenter le Meru, la montagne cosmique et divine dont l'axe est l'axe même d'un petit chiliocosme. Quelle que soit la date des plus anciens stupas cosmiques connus, la méthode est très justifiée qui cherche dans les vieilles ou modernes spéculations le prin cipe des formes primitives du stüpa, le facteur (ou un des facteurs) aussi do leur évolution: je ne pense pas que l'idée cosmique soit le principe de la harmikā, mais elle a pu tirer parti de la harmilcâ. » 1 L'Inde vue de l'E st. Cultes indiens et indigènes au Champa, Hanoï, 1934 (Conférence faite au Musée Louis Pinot le 30 avril 1934). de la vénération du stüpa, et nous montrerons q u elle fu t une des raisons déterminantes de révolution du dispositif général du stupa. On la faisait souvent avec des lampes à la main. — Des lampes ont été trouvées à diverses reprises à Hadda, en Afghanistan. Les unes étaient perdues au milieu des décombres, d ’autres étaient pla cées dans des cavités creusées à cet effet dans les murs, d ’autres enfin étaient posées à même le sol. — Toutes avaient la même forme : rondes, pourvues d ’un fond plat et pincées à un endroit de leur bordure pour la place de la mèche. Cette forme est encore en usage aujourd’hui dans le pays. — Ces lampes étaient en terre cuite, non vernissée \ Les éléments essentiels du stupa (II, p. 176). — Bien que ne faisant pas partie de l ’Inde proprement dite, le Kapiça, comme le Gandhâra, lui est rattaché par les liens puissants de la religion bouddhique, qui s ’y manifesta par d ’innombrables fondations pieuses où règne l ’a rt qualifié d ’indo-hellénistique. Les fouilles exécutées par la mission archéologique française en Afghanistan ont mis au jour, à Hadda, nombre de sfüpa plus ou moins bien conservés, dont il importe de dire quelques mots, complé tant ainsi ce que nous avons dit du stüpa dans l ’In d e 2. Au point de vue des formes générales, les stüpa du Kapiça 8n ’offrent 1 J. B a r t h o u x , Mémoires de la délégation archéologique française en A fgha nistan, t. IV, Paris, Van Oest, 1933, p. 61. 3 J. B a r t h o u x , Hadda, Mémoires de la délégation archéologique française en A fghanistan, t. IV, Paris, Van Oest, 1933. — M. Barthoux a publié dans ce volume une étude très complète, avec plans et dessins, sur les nombreux stüpa de Hadda que, vers 400 ap. J.-C., Fa-hien évaluait déjà à près d ’un millier, et qui, vers 530, après le passage de Song-yun, furent abandonnés sous la pression des Huns. Il a pu constater que la destruction n ’était pas volontaire, mais que l’écroulement «’était produit par manque d ’entretien. Les grands stüpa devaient conserver des reliques qui ont été enlevées. Certains petits stüpa contenaient des poteries cinéraires avec des fragments d ’os et de manuscrit, et des monnaies. On en a découvert aussi à l ’extérieur du stüpa, dans les chapelles qui l ’environ naient, et parfois même à l ’extérieur des enceintes. 3 P. Pelliot, JA., 1934, I, 39, observe que Kapiça « n ’est guère attesté que dans lo Maüjuçrïmûlakalpa ; les autres textes et transcriptions ramènent & Kapiçï-Kapiçi ». guère de différences avec ceux du Gandhâra. Ils en diffèrent seule ment dans rem ploi des matériaux, principalement pour les petits stupa entourant le grand stüpa. Un stucage placé sur une armature de briques ou de pierres remplace le schiste que les sculpteurs du Gandhâra ont travaillé avec la minutie des sculpteurs sur ivoire. Quand on les compare aux vieux stüpa de l ’Inde, les stüpa de Hadda accusent une tendance à développer leur ordonnance archi tecturale, en superposant plusieurs massifs cubiques ou cylindriques sous le dôme du stüpa. Le dôme des grands stüpa repose sur une ou deux plates-formes rectangulaires, servant de déambulatoires, avec des escaliers. Les petits stüpa sont plus compliqués et comportent généralement deux corps en gradins sur plan rectangulaire, auxquels succèdent deux corps sur plan circulaire, également en gradins, et sur le der nier desquels se trouve le dôme. Si des escaliers sont parfois figurés pour simuler les déambulatoires, ils manquent le plus souvent. Il va sans dire que la règle n ’est pas absolue et que l ’on trouve parfois seulement deux ou trois corps cylindriques portant le dôme; il arrive même que ces cylindres soient découpés en octogones, dont les huit faces sont incurvées. Chaque corps ou massif est invariablement composé de la même manière. —• Reposant sur une plinthe moulurée, il est orné d ’une série de pilastres soutenant une sorte d ’entablement. E ntre les pilas tres, avec ou sans niches, sont placées des images de bouddhas assis ou debout. Les niches ont quelquefois une forme trapézoïdale comme les portes ou fenêtres perses, quelquefois en plein cintre, mais avec l ’extrados en pointe, comme dans l ’Inde; d ’autres niches enfin sont trilobées comme au Gandhâra. Nous retiendrons une particularité curieuse de quelques stüpa, dont la base est ornée d ’une série de yaksa en attitude d ’atlantes disposés par groupes de deux, et séparés par un pilastre ou un éléphant \ 1 J. B., op. cit., fig. 81, 106, 107, La superstructure du stūpa; la harmikā (II, p. 194). — La har mikâ, cet édicule placé au sommet du stupa et dans lequel s ’enfonce le yüpa, est sans aucun doute difficile à expliquer. Tenant compte de l ’identité des représentations de pavillons figu rant sur les reliefs de B àrhut et de M athurā (II, fig. 14, fig. 15) et des textes tibétains, traduits par M. Tucci (II, p. 251) qui disent que le mât ou l ’arbre de vie représente les dix connaissances, nous avons cru pouvoir assimiler la harmikâ au pavillon avec balustrade qui entourait ou se trouvait devant l ’arbre de la Bodhi. Celui-ci se serait à un moment donné confondu avec le yüpa portant les chattra. Au point de vue des rapports existant entre le stüpa et l ’arbre de la Bodhi, nous pourrions encore ajouter ce curieux détail que nous rapporte le Mahâvamsa 1: en construisant le Mahāstūpa, le roi Dutthagāmanī fit placer au centre de la chambre à reliques, en même temps que de nombreux objets, une représentation de l ’arbre de la Bodhi, en or et en argent, sertie de pierres précieuses. Cet arbre était placé en dessous d ’un baldaquin somptueusement orné et entouré d ’une balustrade enrichie de pierreries. Cette description se rapproche de la représentation figurée à B ârhut et à M athurâ avec cette différence que, suivant le Mahâvamsa, l ’arbre de la Bodhi est sous un pa villon. M. P. Mus donne de la harmikâ une explication différente de la n ô tre ’. S ’appuyant d ’une p a rt sur un texte de Buddhaghosa *: « le terme de hammiya désigné un édifice à terrasses (prāsāda) sur 1 étage supérieur duquel est installé un pavillon », et, d ’autre part, sur l ’idée que la pyramide à gradins, constituée par les déambula toires, représente le mont Meru, M. P. Mus voit dans la harmikâ le pavillon qui couronnait le mont cosmique. Le terme de harmikâ serait d après lui lie a la notion architecturale du prāsāda. La pyramide, noyee dans la masse du stüpa, ne dépasserait celui-ci que 1 Mahâvamsa, ch. X X X . ‘ P. Mus, B. E. P. E. O., t. X X X II, p. 381 et suiv, 1 P. Mus, o p . c i t ., p. 412 ; K i e l h o r n , E p . I n d . , I , 310, par son sommet, que Ton pourrait atteindre symboliquement par l ’intérieur. Au contraire, dans le monument complexe qu'est le Boro-Budur, la pyramide formée par la succession des terrasses serait enclose dans le stupa, extérieur et symbolique que suggère la silhouette de Tédifice. On peut se demander si ce symbolisme du Mont Meru était déjà admis, ne fût-ce que « en puissance », dans la construction du stüpa avant l'ère chrétienne: c'est très douteux, vu le caractère funéraire de ces stüpa, caractère nettement attesté par l'histoire du Bouddhis me, par la légende d'Açoka et par toute l'archéologie bouddhique. On peut se demander comment il se fait qu'au Boro-Budur, où l'étagement des terrasses en gradins peut suggérer la représentation d'une montagne, la harmikâ du stüpa terminal perd tout à fait l'apparence d'u n pavillon pour n'être plus qu'un bloc massif en forme de tronc de pyramide à base carrée? Comment expliquer également ce fait, aisément vérifiable, que la harmikâ représente très visiblement un pavillon dans les vieux stüpa de l 'Inde (dans lesquels le mont Meru ne peut être inclus que symbo liquement), et qu'elle perd insensiblement ses formes de construction alors que les ressemblances avec la pyramide cosmique (si tant est que ce soit bien elle ou que ce soit toujours elle) s'accentuent au contraire. Peut-être pourrait-on admettre q u ’à un moment donné de l'histoire, qu'il serait intéressant de pouvoir préciser, l'évolution des idées se soit faite en même temps que l'évolution des formes, l'une des deux inspirant l'autre. Dans ce cas la harmikâ devenue bloc cubique pour rait être le Meru, comme les ombrelles devenues cône ou pyramide correspondraient aux terres habitées par les dieux \ 1 Si (ou plutôt Quand) la harmikâ est cosmique, on doit, ce me semble, y recon naître non pas le sommet du Meru (P. Mus) ou la demeure des Quatre Rois (Haraprasad Sastri), mais le Meru tout entier. — M. P. Mus tient pour prouvé que « des Stûpas aussi anciens que ceux de Bharhut ou de Sânchi [ont] pu passer ... aux yeux de leurs constructeurs pour des microcosmes clos enfermant chacun un modèle réduit de la montagne cosmique». Je crois q u ’on peut épiloguer là-dessus. Un point est sûr : la forme du Meru prêtait à controverse. La Montagne Les parasols, chattrāvali (II, p. 109), le mât, yïïpa (II, p. 201).— Des textes tibétains reconnaissent dans le yüpa (ou pilier) Tarbre de rillum ination, et nous venons de voir dans le Mahâvamsa que le roi n ’apparaît pas dans toutes les sources comme une «pyramide à gradins». — D ’après Vasubandhu (théorie orthodoxe), c ’est un parallélipipède de 160.000 lieues de hauteur, aux côtés de 80.000 lieues; la moitié est immergée; la partie émergée forme un dé de 80.000 lieues; la plate-forme supérieure est un carré de 80.000 lieues. Mais la partie émergée présente quatre terrasses (la quatrième étant à mi-hauteur) de 32, 16, 8 et 4000 lieues. Les textes s ’expliquent insuf fisamment sur la manière dont elles sont disposées. Il semble que les terrasses soient en retrait et que, au-dessus de chaque terrasse, la paroi du Meru parte en surplomb si bien que le retrait de la terrasse supérieure se fa it sur un Meru qui a repris ses 80.000 lieues. Du moins c ’est ainsi que les Tibétains ont compris, comme on peut voir dans le dessin publié par Georgi, Alphabetum Tibetanum, 473. Le Meru offre de la sorte un aspect assez semblable à celui de la tour à étages. D ’après une autre hypothèse, le Meru est une pyramide de gradins. La paroi monte verticale au-dessus de chaque terrasse. Le ciel des Trente-Trois, plate-forme terminale, ākãśatala de ce gigantesque prāsāãa, n ’a que 20.000 lieues de côté (80.000 moins 32 + 16 + 8 + 4). — Voir Kosa, üi, 65, trad. 160; Beal, Catena, 75, Eitel, 164, etc. [L. V. P.] On sait que le mot harmïkâ ne se rencontre que dans la description du Stüpa de Dharmaruci, Divyāvadāna, 244. Le contexte montre qu ’il s'a g it de l ’édifice construit sur la coupole. — La description, d ’ailleurs, n ’est pas claire. Dhar maruci construit d ’abord quatre escaliers, puis trois meãhī, puis l ’œuf (à l ’inté rieur duquel est placée la y ū p a y a sti^ ) ; « après, sur cet œuf nouveau (<àbhinava plutôt que atinava), fu t faite la harmikâ; ensuite on hissa la yaçti (ou hampe) et des pierres précieuses furent hissées dans le pot à pluie ». A harmikâ s ’apparente étymologiquement harmya (pâli hammiya). On cherche sans succès un texte singhalais donnant le nom de hammiya à une partie quelconque du Stüpa. Le Veda connaît le harm iya; et le mot est aussi sanscrit: « a large house, palace, mansion, any house or large building or résidence of a wealthy person », encore « prison, fiery pit, place of torment ». — Dans le Vinaya, le vrai logis d ’un bhikçu est le pied d ’un arbre, mais sont autorisés cinq logis : vihâra (hutte individuelle ?), aããhayoga ( ? Pâli Text Dict., p. 17, corrige Oldenberg), pāsāãa (palais), hammiya (palais avec un belvédère sur sa terrasse), guhâ (grotte) sic Buddhaghosa (Oldenberg, Vinaya Texts, i, 173). [Dans Bulletin, p. 383, lire ãkãsatale et kūtāgãro] Aucun doute, je crois, que le prāsāāa (pasããa, prasāt) ne soit « a building erected on high foundations and approached by means of steps, a terrace, tower, palace, mansion» (Childers). C ’est un édifice profane: les princes ont trois prāsāãas pour les trois saisons; le Vaijayanta, au sommet du Meru, est un tien, place ce même Arbre, fait d ’or et de pierreries dans la chambre à reliques. Suivant M. P. Mus, le pilier symbolise l ’axe cosmique: notre con frère s ’appuie à ce propos sur l ’inscription d ’époque tardive (XIe siècle) et non-bouddhique de Yijayasena « C ’est la montagne (cen trale) pareille à un tronc dont les branches seraient les régions cardinales et qui est placé au milieu du Grand Océan (retenu audessus de nous) par la voûte céleste. C ’est l ’unique pilier soutenant la Maison des Trois Mondes et c ’est la seule digne de mention (litt. la seule à retenir) d ’entre les montagnes». Le pilier cosmique a fait l ’objet d ’une savante étude de M. J. Przyluski \ A vrai dire les symboles de l ’Arbre de Vie, de l ’Arbre de l ’Illu mination, du Pilier cosmique, se rapprochent assez l ’un de l ’autre pour q u ’ils puissent se superposer sans difficulté, suivant la fluctua tion des exégèses. La construction du stupa. L ’enduit (II, p. 205). Le stuc. — Le stuc employé si abondamment à Hadda devait avoir à peu près la un prāsããa; le Jâtaka connaît des prāsāãas à sept étages. Les bhikçus, qui à certaine époque sont gens très riches, demeurent dans des couvents qui affec tent la forme de prāsāãa, avec bien entendu les salles capitulaires et tout ce qu’il faut. Le Lohapāsāda de Dutthagãmanī est un grand monastère à neuf étages et à neuf cents cellules. U ne me paraît pas indiqué d ’expliquer la harmïkâ de Dharmaruci par la notion de palais ou de palais à belvédère. La « Légende du Buddha » : « Les développements qu 'a pris par la suite cet appendice ..., la balustrade dont il paraît avoir été environné ... tout commande de le considérer comme une partie importante et significative de l ’ensemble ». Les travaux de G. Combaz et de P. Mus confirment cette remarque de Senart. — Il est au moins amusant que les étymologistes expliquent harmya par ghr, cha leur : le mot aurait signifié d ’abord « the domestic fire-hearth » (Monier Wil liams) : l ’autel de Senart, Vagnyāgãra de la «L égende»? — Nous ne con naissons pas encore très bien « la série monumentale » dont l ’aboutissement est le Stupa, [ l . v . p .] 1 J. P r z y l u s k i , Le symbolisme du pilier de Sãrnãth, Mél. Linossier, II, p. 481-498. consistance du mastic à vitre. Il était fait de calcaire pulvérisé et de colle ou d ’huile siccative, probablement de l ’huile de lin, plante dont la culture existe encore dans le pays. Il est possible que l ’on ait aussi employé, comme liant, la gomme d ’abricotier ainsi que le jaune d ’œuf, suivant des procédés encore en usage. Suivant M. J. Barthoux 1 le calcaire étant rare, sinon introuvable au voisinage de Hadda, la chaux était probablement d ’origine étran gère. Le talc servait, après avoir été porphyrisé, aux enduits des murs. Ces stucs sont très durs, et le béton q u ’on en a formé, plus ou moins mélangé d ’argile et de cailloux, est toujours difficile à en tamer. La pierre. — L ’emploi de la pierre dans la sculpture de Hadda pose une question d ’origine, à laquelle on ne peut répondre que par des hypothèses. On ne connaît aux environs de Hadda aucun gisement de la pierre utilisée dans la sculpture. On suppose donc q u ’elle pro venait d ’un gisement indien, vraisemblablement dans le Swât où les artisans indiens ont laissé des preuves de leur savoir faire. Ainsi s ’expliquerait la différence de facture et de technique entre la sculp ture en pierre, et celle modelée ou moulée en stuc. La construction intérieure du dôme (II, p. 206). — L ’intérieur du dôme des grands stupas était le plus souvent rempli d ’une maçon nerie grossière, de moëllons et de terre. M. Barthoux a pu constater à Hadda la présence d ’énormes blocs de rocher dont le volume rendait la construction plus aisée. Quant au remplissage de terre, on devait sans doute veiller à ce q u ’elle ne contînt aucun germe de vie, suivant un passage du Mahâvamsa : un m aître d ’œuvre sage et avisé s ’engage vis-à-vis du roi à employer tout un ammana de sable, q u ’il écrasera dans un mortier, et puis moudra dans un moulin, une fois passé au tamis. « E t ainsi, 1 J. B a r t h o u x , op. cit., p. 45 et suiv. ajouta le roi, il n ’y aura ni un brin d ’herbe, ni rien de la sorte dans mon stüpa. » La décoration du stūpa (II, p. 213). — Tous les stupas, grands et petits, aussi bien que l ’aire sur laquelle ils étaient établis, étaient couverts d ’un enduit blanc ou presque blanc. Cependant il est très probable que les statues et beaucoup de détails des ornements étaient dorés, et M. Barthoux a relevé à Hadda, à plus d ’une reprise, des traces de dorure. Il en était de même dans l ’Inde où beaucoup de sculptures portent encore l ’enduit rouge qui servait de support à la dorure. D ’autre part, comme la vive lumière estompe les reliefs, on a consta té à Hadda que le décorateur en avait accentué l ’effet soit en cernant les saillies d ’un tra it rouge ou noir, soit en accusant les creux de la même manière, en les colorant en rouge ou en noir *. Il semble bien que le blanc ait été la couleur ordinaire du stüpa indien. Cependant le Mahâvamsa, en signalant les restaurations et agrandissements par emboîtement de certains stüpa de Ceylan, dit (c. 4 8 ,140) que Mahinda I I recouvrit le stüpa de Thūpārāma de plaques d ’or et d ’argent qui furent dérobées plus tard (c. 50, 35). Il est superflu d ’ajouter que les textes seuls peuvent nous renseigner à ce sujet. Le stupa à Java. La description que nous avons donnée du Boro-Budur ou Barabudur dans la première partie de ce travail (II, p. 219), manquait de précision: la récente étude de M. P. Mus apporte des clartés nou velles q u ’il importe de signaler8. 1 J. B a r t h o u x , o p . c it., p . 5 2 . * M. P. Mus a publié dans le B. E. F. E. O., t. X X X II, 1933, la première partie d ’une trè 3 savante étude sur le Boro-Budur. Après avoir passé en revue les travaux des nombreux auteurs qui ont étudié ce monument, et parmi lesquels on ne peut oublier, car il est impossible de les citer tous, MM. Foucher, Par- N o y a n t à étudier le Boro-Budur que dans le cadre de révolution du stüpa, nous lui laisserons le soin de discuter les points qui demeu rent inexpliqués : Quelle était l'image que renferm ait le stüpa cental? Quelle était la signification des stüpa ajourés autour du stüpa plein? Pourquoi a-t-on construit l'énigmatique « blocage » au pied du monu ment, cachant ainsi toute une série de bas-reliefs? Est-ce un artifice de construction pour parer à quelque fléchissement, ou faut-il a ttri buer ce dispositif à des fins magiques ? Il y a enfin la question encore insoluble d 'u n remaniement complet du plan prim itif au cours de la construction. La discussion de ces différents points ne relève pas de la présente étude. Considérant l'édifice tel qu'il est aujourd'hui, on peut dire que M. Foucher a bien vu quand il disait que la silhouette générale du Boro-Budur, se profilant sur le ciel, était celle d'u n stüpa surbaissé *. Il en va tout autrement quand on considère une vue à vol d'avion du Boro-B udur 2 et M. Foucher fu t le premier à y voir apparaître distinctement l'im age d'u n mandata, graphique bien connu du cosmos et du panthéon bouddhique : les terrasses supérieures avec le bouddha renfermé dans le stüpa terminal entouré d'une couronne de bouddhas sous des stüpas ajourés fait penser au cœur du mandata tibétain. P ar ailleurs quand on voit sur la même vue à vol d'avion l'im portance qu'ont prise les terrasses servant de déambulatoires, on ne peut contester que l'on ait devant soi une pyramide à gradins, mentier, Brandes, Krom, Van Erp, Stutterheim, le Dr. Bosch, M. Mus a essayé de résoudre les difficultés d interprétation. Elles sont nombreuses et ont mis aux prises, souvent avec passion, tous ceux qui se sont occupés du Boro-Budur. L ’importante contribution de M. P. Mus ne peut manquer de susciter intérêt et controverses; le lecteur désireux d ’approfondir l ’étude du Boro-Budur ne pourrait trouver meilleure source d ’information. L ’ouvrage le plus complet à consulter est la belle publication faite par Messieurs N. J . Krom et T . van Erp sous le titre suivant: N. J . K r o m , Archaeologisch Beschrijving van Barabudur, La Haye, N ijhoff, 1920; T . v a n E r p , Bouwlcundige Beschrijving van Barabudur. La Haye, N ijhoff, 1931; N. T . K r o m , Aanvulling op de Archaeologische B e schrijving. 1 B. E. P. E. O., IX , p. 2. * B. E. F. E. O., X X X II, pl. X V II. un prãsãda, (nous nous expliquerons à la fin de cette étude sur le sens de ce mot), un prāsãda surmonté d ’un stüpa, suivant l ’heureuse qualification de M. P. Mus. Quand on analyse les plans, on constate q u ’il est composé de cinq terrasses carrées en gradins, dont le tracé est à redents, ou si l ’on préfère, avec des décrochements. (Le jargon architectural n ’est pas très précis à cet égard). Le large bandeau, qui forme aujourd’hui une terrasse supplémen taire, est un blocage de 5 m. d ’épaisseur, rapporté après coup autour de l ’édifice et enterrant la plinthe primitive du monument avec les bas-reliefs dont on avait commencé à la décorer \ Une balustrade basse, non munie de p o rtes2, borde cette terrasse. La seconde partie du monument comprend le stüpa proprement dit, classiquement assis sur trois terrasses circulaires en gradins, sur lesquelles soixantedouze petits stüpa ajourés entourent le stüpa terminal, celui-ci plein 3. Le dôme de ces différents stüpa prend la forme très caractéristique d ’une cloche s ’évasant par le bas. La harmikâ perd l ’aspect de pavillon q u ’elle avait dans l ’Inde et n ’est plus q u ’un simple bloc de pierre surmonté d ’un pinacle polygonal couronné par trois para sols et se term inant dans un jo y au 4. Si 1:'on se place à quelque distance du monument, ou si on en con sidère le dessin en projection verticale, il se présente sous un aspect tout-à-fait différent. On n ’aperçoit que des séries de vihâra étagés, régulièrement espacés, vihâra contenant des statues et surmontés d ’un stüpa. Cela devient presqu’une obsession de voir ces niches se répétant inlassablement à tous les étages sur les murs formant le parapet des galeries à bas-reliefs6. 1 T. H. v a n E r p , De ommanteling van Barabudur’s oorspronlcelijTcen voet, 1929, pl. 5 et 6. a II, p. 220, al. 2. a Et non 62 comme une faute d'impression nous l'a fa it dire. (II, p. 220) 4 II, p. 220. La chattrâvali, série de parasols, est figurée sur plusieurs basreliefs comme couronnant les stüpa. * M. P. V e r n e u i l , L *Art à Java, Les Temples de la période classique indo javanaise, Paris, 1927, p. 58. On peut facilement retrouver dans l ’Inde l ’origine de ce dispositif. Ainsi que nous le verrons plus loin dans l ’association du stüpa et du vihâra, le stüpa élevé en plein air fu t bientôt entouré de vihâra, cellules pour les moines ; ceux-ci cédèrent leur place à des images ou à des ex-voto, et le vihâra devint une niche, une chapelle, un sanc tuaire \ Ces vihâra étaient généralement adossés aux quatre murs de l ’enclos au centre duquel se dressait le stüpa. E n se m ultipliant par superposition, les tn/târa-sanctuaires amenè rent la construction d ’édifces à étages (prāsāda) au sommet desquels s ’érigeait le stüpa terminal. C ’est la même idée directrice que l ’on retrouve au Boro-Budur, mais associée avec les terrasses et les déambulatoires. Les vihâra s ’étagent en gradins, pour laisser entre eux la place nécessaire aux déambulatoires. Quand on fait la circumambulation rituelle, on s ’aperçoit que les déambulatoires forment en réalité un couloir assez profond, sans vue vers l ’extérieur ou vers le sommet, et coupé d ’autre p art par les sail lants que produit le tracé redenté. Le bas de ce couloir est orné des deux côtés d ’une série de basreliefs du plus haut intérêt religieux et artistique. L ’impression ma nifestement ressentie par le visiteur est celle d ’une ascension, d ’une initiation vers un inconnu qui se dégage insensiblement à ses yeux. « Plus on monte, dit très justement M. Krom, plus s ’agrandit l ’hori zon spirituel. » Cette impression s ’accroît encore quand on arrive aux terrasses circulaires d ’où le paysage environnant se déploie soudain, mais où toute ornementation sculptée a disparu pour laisser 1 Vihâra désigne tour à tour et à la fois, soit l ’habitation, la maison d ’un moine, soit la maison de l ’idole. (A. F o u c h e r , A. G. B., p. 99). — Suivant MM. Poerbatjaraka et Stutterheim, dans Bara-Budur, on pourrait trouver hara, réduction du sanscrit vihâra (vihâra > byara > bara), et, pour Budur, le java nais fournirait budur et bidur, avec le sens de gonflement, crue, saillant. E t l ’on aurait ainsi vihâra faisant saillie, ou le vihâra sur la hauteur. (P. Mus, op. cit., p. 325. la place aux images voilées des stüpa ajourés et à la grande image cachée dans les flancs du stüpa terminal. L'immense frise de bas-reliefs qui décore les parois des couloirs de circumambulation, développe avec un a rt souvent admirable et suivant une gradation sans doute orthodoxe, toute la croyance bouddhique. L 'ordre de succession de ces tableaux suit la règle générale de la pradaksinâ, c'est-à-dire que sur les parois de l'édifice, ils se suivent de droite à gauche, tandis que, sur les parois du parapet, il faut en faire la lecture de gauche à droite. Ils forment ainsi pour le fidèle un véritable livre, une sorte d'évangile, qu'il lit et médite au cours de son ascension vers un sommet encore invisible; ils guident sa méditation. Ces constatations qu'il est facile de vérifier sur place, vont nous perm ettre de déterminer, dans la mesure du possible, la destination du Boro-Budur. Sans doute nous n'avons aucun renseignement sur les circonstances qui ont amené sa construction. Mais, que le stüpa terminal ait abrité ou non des reliques, que la statue qu'il renferme ait été ou non placée là dès l'origine, la principale fonction du BoroB udur était incontestablement votive. C'est un ex-voto resté jusqu'ici anonyme comme tant d'autres. C'est une œuvre d'édification que nul autre qu'un souverain, puissant et dévot, ne pouvait faire ériger, suivant en cela la tradition bouddhique de tous les temps : faire une œuvre méritoire devant lui assurer le nirvâna. On comprendra aisément que, devant la multiplicité des aspects sous lesquels se présente ce complexe qu'est le Boro-Budur, on ait donné des explications fort divergentes de son symbolisme. Mais, pour ne point sortir de notre cadre, nous laisserons à d'autres le soin d 'a p profondir ce sujet. M. P. Mus l'a fait avec autant de puissance d 'in tuition que de profonde érudition dans le travail considérable que nous avons signalé plus haut. Contrairement à ce que nous avons dit (II, p. 223), il y avait autour des sanctuaires bouddhiques, à Plaosan comme à Sadjiw an, des groupes de stü pa funéraires On en trouve encore les débris au pied du Boro-Budur, et on en compte plus de cinquante autour du temple de Kalasan2. Le Boro-Budur était assurément le stüpa le plus im portant de Java, mais il n ’était pas le seul (II, p. 219) ; on a pu constater q u ’il y en avait d ’autres, plus modestes sans doute, à Sum atra3, comme dans le centre de J a v a 4. Il nous reste à signaler que le socle portant le stüpa central du Candi Mendut était carré et non octogonal (II, p. 222 ). Lors de la réfection, on a pu constater que la reconstitution proposée dans les Rapporten, 1903, pl. 52-5^., n ’était pas tout-à-fait exacte0. Le stüpa au Laos (II, p. 240). M. Parm entier fait rem arquer que le clocher normand actuel du That-Luong est une construction moderne qui a remplacé, au-dessus du corps même du stüpa, l ’aiguille renversée depuis le passage de la mission Doudart de Lagrée et visible encore dans les dessins de celui-ci \ II. — VUE D’ENSEMBLE. L’évolution des formes et du plan du stüpa. Après avoir étudié le stüpa dans les différentes régions de l ’Asie, il nous reste à considérer dans son ensemble l ’évolution des formes et du plan du stüpa, en le suivant pas à pas au cours de sa migration. 1 N . J. K r o m , Inleiding E indoe-J avaansche K unst, pl. 41. 3 OudheidTcundig Verslag 1929, p. 8, pl. 2, 3. * N. J. K r o m , Inleiding Eindoe-Javaansche K u n st, p. 422. * OudheidJcundig Verslag, 1926, B ijlage E. Stüpa de Pal Gaâing, pl. 15. T. v a n E r p , Tjandi Mendoet, T ijdsch rift Bataviaasch Genootschap voor K unst, 1909, p. 488, pl. II-IV. * B. E .F .E .O ., t. X X X , 1930, p. 583-585; t. X X X I, 1931, p. 329, 623, pl. X X X IV , A, B. Les transformations ne s ’étant opérées ni en même temps, ni de la même manière, pour toutes les parties du stüpa, il conviendra de les prendre Tune après l ’autre. Beaucoup de prudence est ici nécessaire, car nous notffe heurtons à de sérieuses difficultés de chronologie: il n ’existe guère de stüpa monumentaux tout à fait complets dans leur état prim itif et nous n ’aurons souvent d ’autre ressource que d ’interroger les bas-reliefs qui les représentent. D ’autre p art les réfections et les agrandissements si nombreux que ces monuments ont subis au cours des siècles et dont nous ne connais sons pas le plus souvent la date exacte, comme aussi parfois les restau rations que nous leur infligeons depuis quelques années, nous laissent incertains sur la mesure dans laquelle ils ont conservé leurs formes primitives, sur ce q u ’ils doivent au goût et à la science des restau rateurs. Les causes de révolution. — Les modifications que le stüpa subit au cours de sa longue existence proviennent de plusieurs causes. Quelques-unes découlent simplement des qualités et des défauts de l ’esprit humain dont la tendance est de simplifier par paresse cer taines formes qui ont perdu leur importance ou leur signification. D ’autres dérivent d ’une adaptation à des matériaux différents que la nécessité imposa, ou correspondent au goût de telle époque ou de telle région. Ce sont surtout des raisons de ce genre qui modifient la superstruc ture du stüpa, solidifiant par exemple les ombrelles qui le couronnent. Les agrandissements successifs par emboîtement altèrent fatalement les lignes générales, empâtent les profils de la « mouluration » et finissent, comme dans les grands stüpa de Birmanie restaurés durant ces derniers siècles, par fondre dans une même silhouette le soubas sement, le dôme et le pinacle du stüpa. Dans un autre ordre d ’idées, suivant la mode en faveur dans diffé rentes régions de la Chine, les toitures couvrant les étages ont leurs angles plus ou moins retroussés. La pradaksinâ, qu'on cherche à rendre instructive et édifiante, exige des déambulatoires de plus en plus développés: nous pourrons constater ce développement, et les conséquences architecturales q u ’il implique, dans les monuments de Ja va, de Birmanie, et généralement de tous les pays d ’influence indienne. Des préoccupations religieuses peuvent encore sans changer la destination du stüpa, qui reste un reliquaire (de reliques corporelles ou du Corps de la Loi), en transform er le plan. C ’est ainsi que l ’adaptation de la base en sanctuaire et, par la suite, la superposition de plusieurs sanctuaires altèrent profondément la composition du stüpa, le transform ant en une sorte de tour à étages, ou en une pyramide à gradins (prãsāda) que surmonte un stüpa avec son dôme et son pinacle. Enfin des conceptions cosmogoniques, relatives par exemple aux orients, se font sentir dans la disposition du plan et dans l ’ornemen tation du monument bouddhique. Aussi bien plusieurs de ces raisons peuvent agir en même temps, et des soubassements devenus sanctuaires pourront, comme en Indo chine, être couverts par des déambulatoires plus ou moins développés. On le voit, ces modifications donnent lieu à des combinaisons mul tiples: nous ne pouvons songer, ni à les énumérer toutes, ni à établir des règles qui pourraient s ’appliquer à tous les cas. Nous allons donc prendre les parties essentielles du stüpa telles que nous les avons décrites, et en suivre les principales modifications dans les différentes régions de l ’Asie. Il reste entendu que nous n ’envisageons les formes que pour ellesmêmes, indépendamment de toute valeur symbolique; celle-ci rele vant d ’autres compétences, nous n ’y ferons allusion que dans la mesure où cela sera nécessaire. Les différentes formes du dôme (fig. 1). — La forme originale du dôme, partie essentielle du stüpa, est, dans l ’Inde celle d ’une demisphère ou d ’un segment de sphère. Il arrive que la partie supérieure du dôme soit plus ou moins LE DOME INDE C E y L A H 5Ā N C H I A JA N T A 5 Ā F \N Ā T H JA V A BIRMANIE CAMBODqE SIAM TIBET TIBET CHINE CHINE C H I N E ET M D N q Q L l E JAPON aplatie, de manière à former une plate-forme, sur laquelle sera posée la superstructure. L ’Inde tout entière conserve cette formule, sans presque aucune exception, du I I e siècle av. J.-C. ju sq u ’aux V Ie-V IIe siècles ap. J.-C. On peut relever, vers cette époque, à Ellora et à Ajantâ, des exem ples de dômes surbaissés, en forme d ’œuf placé horizontalement (fig. 1 ). Le Nord de l ’Inde présente occasionnellement, à Sārnāth par exemple, un dôme surbaissé placé sur un haut tambour (fig. 1). A Ceylan, le dôme hémisphérique fu t constamment utilisé ju sq u ’à nos jours pour les agrandissements et les restaurations. A Java, dans tous les stüpa grands et petits (V IIIe-Xe siècles), le dôme prend la forme d ’une cloche, à section presque horizontale au sommet et à bords inférieurs légèrement évasés vers l ’exté rieur (fig. 1 ). Cependant les bas-reliefs du Boro-Budur (V IIIe siècle) représentent des stüpa avec quelques variantes, réelles ou fantaisistes. Nous y re marquons: 1 . des représentations de dômes tout pareils à ceux des monuments encore existants; 2 . des représentations de dômes en forme de sphères dont le sommet et la base sont coupés par un plan horizontal; 3. des représentations de dômes en forme de sphère s ’amincissant vers le bas, au lieu de s ’évaser comme dans les stüpa monumentaux \ Ces formes aberrantes ont-elles été utilisées ou sont-elles dues à une fantaisie d ’ornemaniste? Nous ne pourrions le dire. Les plus anciens stüpa de Birmanie (Xe-X IIIe siècles) conservent la forme de cloche pareille à celle de Java (fig. 1). On constate ensuite la tendance à surélever le dôme et à l ’évaser davantage vers le bas, de manière à l ’adapter, par des transitions insensibles, avec la base et le pinacle (XVe-X V IIIe siècles). Le Siam (X IIIe-X V IIIe siècles) donne lui aussi au dôme la forme de cloche, mais avec un dôme plus ou moins surélevé (fig. 1). 1 T. v a n E r p , B o u w T c u n d ig e B e s c l i r i j v i n g , p l. 4 4 , 4 5 , M, v a n E r p a c o n s a c r é u n c h a p it r e à c e s r e p r é s e n ta tio n s . Au Tibet, le lamaïsme emploie différentes formes, parmi lesquelles il donne la préférence à la forme hémisphérique s ’étranglant à la partie inférieure au lieu de s ’évaser comme nous venons de le voir (fig. 1 ). Cette formule suit le lamaïsme dans son expansion en Mongolie, en Mandchourie et en Chine. Sur cette donnée le lamaïsme a par ailleurs d ’assez nombreuses variantes: le dôme devient parfois un tronc de cône renversé, ou même un cylindre dont le sommet est arrondi. Certains monuments lamaïques de la Chine ont un dôme fortement surélevé qui donne assez bien l ’image d ’un œuf placé verticalement et, sur ce thème, on rencontre une série de variantes plus ou moins fantaisistes. P ar ailleurs le lamaïsme chinois n ’est pas en peine pour trouver des combinaisons extraordinaires comme celle de la superposition de polyèdres à 24 faces (II, fig. 63), et les dessins, que nous avons extraits d ’un recueil chinois d ’architecture du Cabinet des Estampes de Paris, nous donnent la preuve de l ’imagination des architectes chinois. (II, fig. 57 à 61) La Chine bouddhique des premiers siècles de l ’ère chrétienne conserve au dôme la forme hémisphérique venue de l ’Inde (fig. 1) ; mais, vers les V IIe-V IIIe siècles, pour des raisons mal définies, se manifeste la tendance à supprimer le dôme, et bientôt les tours à étages, que couronnait primitivement un stüpa, en conservent à peine un souvenir de plus en plus atténué. Il en est de même en Corée et au Japon, où le dôme disparaît éga lement des tours à étages. Au Japon toutefois, les monuments funéraires rappellent le dôme originel par un cylindre assez élevé dont la partie supérieure est arrondie (fig. 1 ). Signalons enfin la forme tout à fait exceptionnelle du dôme à quatre côtés curvilignes du That Luong au Laos. (II, p. 241) Les différentes formes de la Harmikâ. — La harmikâ, l ’édicule placé au sommet du dôme et dans lequel est placé le yüpa, est l ’un des éléments du stüpa dont il est intéressant de suivre les transforma<x tions : nous n ’examinerons plus ici ses origines, problème délicat sur lequel nous nous sommes expliqué. P ar suite de la disparition com plète des superstructures des anciens stüpa monumentaux de l ’Inde, nous n ’avons d ’autre source d ’information que les bas-reliefs et les stüpa reliquaires ou votifs de petites dimensions. Les documents les plus anciens (Bārhut, Bhājā) m ontrent à toute évidence un pavillon de bois, entouré d ’une balustrade et couvert d ’une terrasse. Cette terrasse, bordée d ’un crénelage, est formée par un empilage de poutres placées en encorbellement (fig. 2). Des indi cations de portes ou de fenêtres précisent la signification de pavillon. — Un édifice tout à fait pareil entoure l ’arbre de la Bodhi sur un relief de M athurā (II, fig. 15). Ce type de harmikâ a été d ’un usage courant dans l ’Inde. Il com porte deux éléments: un pavillon et une palissade, qui sont associés le plus souvent, mais qui peuvent être employés séparément. C ’est ainsi que, à Sānchī et à Amarāvatī (fig. 3 ), le parasol n ’est entouré sur certains reliefs que par une simple palissade de poteaux entretoisés. C ’est la solution adoptée pour la restauration du stüpa I de Sânchï, où la clôture paraît manquer de proportion avec la terrasse qui couronne le dôme. D ’autres reliefs de Sânchï et d ’Amaravatï conservent à la fois la balustrade et le pavillon à toiture en gradins par encorbellement («g. 2 ). On assiste bientôt à des simplifications: les détails d ’assemblage de la charpente disparaissent; il en est de même pour les indications de portes ou de fenêtres: la harmikâ devient peu à peu un massif cubique avec une corniche en gradins surplombants, et ce type est celui que l ’on rencontre le plus fréquemment dans l ’Inde. E nfin à Ajantâ, à Ellora (fig. 3), ce corps cubique et cette corniche s établissent avec une suite de décrochements ou de redents, formule qui se retrouvera au Tibet et en Birmanie. On voit ainsi s ’atténuer insensiblement le sens de pavillon que la harmikâ avait manifestement dans les monuments les plus anciens. Il est plus que probable que la harmikâ des anciens stüpa de Ceylan était pareille à celle de l ’Inde. L A H A Ï\M II\ B F \ H UT AMAP^ÂVATÏ B H Ā JĀ AJ A N T Ā INDE * fc- * 7* 2 A M A t\Ā V A T t ELLD I^A IHDE DnHtimmeiiuiunuinflmiiirnuiiiiauaiLuiihiimiiiuimiiiit X^AjAÿA^hdm l A B H A Y A q iR J CEyUAN üilUiiiijnu^muuuuuiuaiuutuiiitiKiuiiiiiuai-' 1U TIBET Fiff. 3. LA H A F \M irçÀ ■SÛWîS auo u«CnW i m ^ w t u j cf> Üfn<viffan«y,g> O ^q ■:;r f l w a it mo « t # i»' KXT' WOn iBBi *5**H0F*'^v . r?m* V’w w qp rø g ou ntj ^ . im^ sor ïvBccwanimsi» nfl m® ta \ )ù î>v . NEPAL ■ i nf l mm u n iü:> • ‘ v^p»(nniDB*tfï::' B IR M A N IE n e j üiuīiīiiiiiiinuiu ùîri u‘lu iimiiiinuiiinirwi iUL< ..WilUnniTnnninifiaulllivTï' UMllïlIlIImil UlU;*;i E 5 S S Īā S 3 TTTfniMimniininunuimnuuiiiii *o • • •*•••! _ ... ' f ' ' IŌ Tt «'Y* • iMI * * ' " >i .- a \ ' * .** • •• , ‘.VV .•* E I ;g M : ig l 5IAH BIR M A N IE w JA V A ; «i » i l M m m m m l» Les stüpa dans leur état actuel, résultat de réfections successives au cours du moyen âge, ont une harmikâ de forme cubique, avec plinthe et corniche, dont la décoration en stuc rappelle parfois la balustrade avec des indications de portes (fig. 3). Pour les stüpa de Ceylan, le Mahâvamsa 1 nous fournit un curieux renseignement : il nous dit que la harmikâ avait sur ces quatre faces des « soleils » (ou des planètes solaires) au centre desquels Samghatissa fit placer quatre pierres précieuses Il n ’est pas sûr que la description du Mahâvamsa (36, 65-66) se réfère à la harmikâ. Nous ne connaissons actuellement aucun exemple qui illustre ce texte. C ’est le massif cubique avec plinthe et corniche qui devient la for mule courante de la harmikâ au Népal, au Tibet, dans la Chine lamaïque, en Birmanie et au Siam. (Fig. 3, 4). Il faut noter cette particularité au Népal que les quatre faces de la harmikâ sont ornées de deux grands yeux ouverts, peints en rouge, blanc et noir, emblème du Bouddha primordial. Un ornement de formes diverses surmonte chacune des quatre faces. Bien que rem ontant au V IIIe siècle, la harmikâ des stüpa monu mentaux de Java est la plus simplifiée : elle n ’est plus q u ’un bloc mas sif, sans aucune ornementation, dont la forme est celle d ’un tronc de pyramide à base carrée et, exceptionnellement, à base octogonale pour les 16 stüpa de la terrasse supérieure du Boro-Budur (fig. 4 ). Au point de vue architectural, cette simplification ne manque pas de grandeur. Cependant, parmi les stüpa couronnant certains temples boud dhiques de Java, on rencontre parfois une harmikâ en forme de 1 Mahâvamsa, trad. G e i g e r , 36, 65, 66. « He [Samghatissa] set up a parasol on the Great Thûpa and gilded it, and moreover the King put four great geins, each worth a hundred thousand, in the middle of the four suns [which were placed on the four sides of the ‘ T e e’] and put upon the spire of the thûpa a precious ring of crystal. » — « Tee, dit Fergusson, is an Anglicised form of the Burmese Htî, by which this member is known; in sanskrit it is called har mikâ ». (1, p. 70) piédestal profilé ou d ’édifice, ainsi q u ’on peut le voir dans l ’un des petits temples du Candi Sewoe (fig. 4) \ Ajoutons enfin q u ’en Birmanie, et particulièrem ent en pays talain, les agrandissements successifs par emboîtement, en fondant dans une même masse la base, le dôme et le pinacle du stüpa, amè nent, vers le XV e siècle environ, la disparition de la harmikâ. Dans les tours chinoises ou d ’inspiration chinoise, où le dôme a disparu, il n ’est plus question de la harmikâ. L ’évolution du yûpa et des chattra. — Les transform ations du yüpa et des chattra sont conditionnées par l ’exécution de très nom breux parasols superposés et de dimensions assez considérables, sur des dômes devenus de plus en plus grands. Il n ’est pas douteux que le chattra, simple et en matériaux légers, du stüpa prim itif fu t bientôt remplacé p ar des chattra plus durables, en bois, pierre ou métal. Montés sur un yüpa de bois ou de métal (qui s ’enfonce plus ou moins profondément dans le dôme), ils attiraient la foudre et résistaient mal à l ’ouragan. Il était naturel que l ’on songeât à leur donner plus de solidité. Pendant de longs siècles cependant, dans l ’Inde, à Java et proba blement aussi à Ceylan, les ombrelles de pierre, de bois ou de métal demeurèrent séparées les unes des autres: elles allaient en dimi nuant de grandeur vers le sommet (fig. 5) *. Les modifications que l ’on peut relever ne sont pas nombreuses. A A jantâ (cave 19) les ombrelles de pierre sont soutenues par des yaksa en attitude d ’atlantes (fig. 5). Au Gandhâra de petits stüpa votifs en pierre m ontrent des disques réunis par une arm ature mé tallique, dont les rivets sont indiqués. (II, fig. 16). D ’autre part, vers les V Ie-V IIe siècles, de nombreux petits stüpa votifs accusent une tendance à simplifier le travail d ’exécution en 1 E. A. v o n S a h e r , De versierende K unsten in Neãerlanã&ch Oost-Indien, 1900, p. 63, Maandblad voor Beeldende K u n st, Août, 1929, p. 264. a Ceci contredit l'explication cosmologique des ombrelles. yŪ P A CHATTF^ÀVALI CEYLAN NEPAL TIBET soudant plus ou moins les ombrelles les unes aux autres pour éviter le travail d ’évidement. A p artir d ’une époque q u ’il est difficile de préciser, mais qui paraît remonter aux environs des X Ie-X IIIe siècles, la chattrāvalī prend la forme d ’un cône aux cannelures de plus en plus nombreuses. Cette formule devient d ’usage courant en Birmanie, au Siam, à Ceylan, au Tibet et dans la Chine lamaïque (fig. 5, 6 ). — Le susdit cône repose sur un gros pilier cylindrique (le yüpa évidemment) à Ceylan, tandis q u ’il est soutenu par une série de colonnettes au Siam et sur les ts ’a-ts’a tibétains *. Il est placé à même sur la harmikâ au Tibet et au Népal et, dans les stüpa birmans où la harmikâ a disparu, il continue le dôme. Notons cette particularité au Népal, q u ’au lieu d ’un cône, on trouve parfois une pyramide quadrangulaire à gradins, assise sur la harmikâ cubique (fig. 5). En employant ainsi un cône cannelé, avait-on oublié la significa tion de la chattrüvaUV Toujours est-il que, le plus souvent, le cône se termine par un parasol métallique surajouté, ou par une tige avec une série de cercles ou de disques métalliques; même dispositif au sommet des tours chinoises et japonaises. Des guirlandes et des clochettes étaient suspendues aux parasols. Les guirlandes figurent sur les bas-reliefs; solidifiées à leur tour au Tibet, elles donnent un aspect très caractéristique au stüpa lamaïque (fig. 6). Quant au yüpa, s ’il est visible lorsque les parasols sont séparés les uns des autres, on n ’en aperçoit plus que le sommet là où ils se sont soudés, sauf à Ceylan où le cône repose sur un gros pilier. Dans quelques reliefs d ’Am arâvatï représentant *des stüpas, le yüpa, terminé par un ornement mal défini, ne porte aucun parasol. 1 G. Tucci, « M o’od rten » e « T s ’a tsam, Rome, 1932, pl. 11 et suivantes. — On ne voit pas de stüpa sur les « Brah Bimb » du Siam (G. Coedes, T ablettes votives dû Siam, Etudes Asiatiques, 1925, p. 145). 1 L'emploi d ’une pyramide rectangulaire ou d ’un cône cannelé sur colonnettes, reposant sur un bloc cubique confirme les remarques ci-dessus p. 95. yÙPA C H A T T F \Ā /A L I JAPDM Fig- 6. A Java, le stüpa terminal du Boro-Budur est couronné par un pilier de pierre en pyramide comportant trois parasols à son sommet (fig. 6 ), mais sur les bas-reliefs figurent aussi des chattra plus nom breux (fig. 7). Dans les tours chinoises on rencontre occasionnellem ent un pilier de maçonnerie traversant la tour entière, et sur lequel s ’appuie un escalier donnant accès aux étages. bara - buour ja v a . Fig. 7. Dans les tours japonaises, le pilier central traverse complètement l ’édifice, se reliant à la charpente, sans la soutenir, car dans certains cas le pilier ne repose même pas sur le sol (fig. 6 ). Le yüpa, nous disent les textes, était terminé par un récipient ou par un joyau : le joyau en forme de flamme est indiqué dans quelques petits stüpa votifs bien conservés du Gandhara, sur les reliefs de Yun-k’ang en Chine, et sur ceux du Boro-Budur à Java. Au Tibet et dans la Chine lamaïque, le cône est surmonté du disque solaire placé entre les cornes du croissant lunaire (fig. 5). En Chine et au Japon, les tiges métalliques avec leur parasol et leurs cercles, ont à leur sommet un ornement de formes diverses mais très souvent flamboyant. (II, fig. 67) Les différents dispositifs de déambulatoires. — La vénération du stüpa se manifestait principalement par la circumambulation q u ’on faisait en m éditant sur la vie et les enseignements du Maître de la Bonne Loi : elle devenait ainsi un exercice de dévotion rémunératrice. Nous avons signalé (ci-dessus p. 106) l ’importance de la pradaksinâ dans Thistoire du stüpa. Dans lTnde ancienne, on ménagea autour des grands et des petits stüpa des déambulatoires qui perm ettaient d ’en faire le tour, et qui, très logiquement, étaient circulaires comme le stüpa. Ces déambula toires constituent autour des grands stüpa, comme celui de Sānchī, une plate-forme à laquelle on accède par des escaliers. De plus une palissade, percée de quatre entrées aux points cardinaux, délimite un second déambulatoire (fig. 8 ). Les stüpa placés au fond d ’une abside demi-circulaire à l ’intérieur d ’un sanctuaire, avaient également un déambulatoire qui en faisait le tour ainsi que celui de la nef. (II, fig. 19) Un relief de M athurā (II, fig. 8 ) nous donne une autre solution : le stüpa proprement dit est placé sur un haut massif cubique, for mant une terrasse rectangulaire, bordée d ’une balustrade avec torana et escalier d ’accès. Le stüpa est composé de deux corps cylindriques superposés, avec balustrade, mais dont l ’accès n ’est pas indiqué. Dans la région d ’Amarāvatī, à Nāgārjunikonda (fig. 9), les stüpa sont placés sur une terrasse circulaire avec quatre avant-corps sur lesquels se dressent cinq piliers. Un m ur ou une palissade avec quatre ouvertures, aux extrémités de deux diamètres se coupant à angle droit, constitue un second déambulatoire. Le plan circulaire avec deux déambulatoires, dont l ’un constitue une terrasse surélevée, paraît avoir été la règle presque générale dans l ’Inde et à Ceylan. LES D EA M B U LATO IR ES 5ANCHI 1 PI H BAI 4 H-I 4 AI AfgKattiôfan MIF\AH q A K D H À F ^ A 5 é<,r»d« Le Wata-dā-Gè, à Ceylan (X IIe siècle), apporte quelques variantes à ce dispositif : le stüpa, enclos de murs assez élevés avec quatre ouvertures, repose sur deux déambulatoires circulaires en terrasses et en gradins ; le second déambulatoire a quatre escaliers, et le pre mier un seul escalier, celui-ci placé dans un avant-corps que Ton croit être le résultat d ’un remaniement postérieur (fig. 9 ). Le Gandhâra et T Afghanistan emploient de préférence le plan rectangulaire pour les déambulatoires. Il est vrai de dire que, le plus souvent, le dôme repose sur des corps cubiques, et que, dans ce cas, les déambulatoires rectangulaires s ’imposaient. On a donc deux ter rasses rectangulaires et concentriques avec deux escaliers se faisant suite, mais coupés par un palier 1 (fig. 8 ). A Hadda comme au Gandhâra, la première plate-forme est beau coup moins élevée que la secondea. E n Afghanistan, dans le site de Bagh-gaï, M. Barthoux a dégagé des stüpa votifs enfermés dans des sanctuaires jadis couverts, avec deux déambulatoires rectangulaires et concentriques, ornés de pein tures et de sculptures 3 (fig. 8 ). Nous signalerons en même temps les vihâra cubiques de Mirân, en Sérinde, avec à l ’intérieur un déambulatoire circulaire orné de re marquables peintures (fig. 8). Le développement de la mystique et du panthéon bouddhiques, de vait avoir sa répercussion sur la valeur religieuse du stüpa. Les déam bulatoires dont les parois deviennent, par leurs peintures ou leurs basreliefs, comme un livre ouvert aux méditations des fidèles, s ’ampli fient peu à peu. On le constate dans le plan du Boro-Budur (fig. 10) : cinq déambulatoires rectangulaires et concentriques, suivis de trois déambulatoires circulaires, entourent le stüpa terminal. Des escaliers aux quatre points cardinaux en perm ettent l ’accès. Pour rompre la monotonie de surfaces trop grandes, les déambu latoires sont coupés au moyen de décrochements ou de redents : cinq 1 J. B a r t h o u x , op. cit., f i g . 1 2 5 . A. F o u c h e r , A . G . B . , f i g . 2 . 1 J. B a r t h o u x , op. cit., fig. 140 et plan, * Ib iâ ., fig . 11 3 ; LES D EA M B U LA TQ ÏI\E5 N AqAF\J UN 1KO N DA INDE W A T A -D À -qE C E y L AN 1 N Y A U N q-U B IF \M A N 1F tm m m # IK E q A H l JAPON décrochements pour les galeries inférieures et trois seulement pour les deux galeries supérieures; cette différence est due à la nécessité de loger les escaliers, que Ton n 'a u ra it pu placer si Ton avait continué les cinq décrochements des galeries inférieures. Au point de vue architectural, au point de vue de l'expression reli gieuse, le Boro-Budur atteint un sommet qu'on ne dépassera plus. Sa réputation ne pouvait manquer de s'étendre au loin, et l'on doit croire qu'il influença l'architecture subséquente du stüpa. Les déambulatoires rectangulaires avec ou sans redents, ornés de sculptures en stuc, en céramique, ou de p e în tjjreg ^ e retrouvent avec moins d'am pleur dans les grands monuments de Birmanie et du Siam. Au Tibet, à Gyan-tsê, le monument connu sous le nom de Gandhola (II, p. 252) est établi sur un plan analogue à celui du Boro-Budur, mais sur de plus petites dimensions (fig. 10). Cinq terrasses en gra dins, à trois redents sur chaque façade, garnies d'une balustrade extérieure, form ant comme au Boro-Budur une pyramide à étages (prāsāda), ont un stüpa à leur sommet. On accède à ces terrasses par des escaliers intérieurs, placés à droite et à gauche de la chapelle centrale qui fait face à l'entrée. Chaque étage est en même temps un sanctuaire avec des images dont on peut faire la circumambulation. Les monuments de ce genre ne sont pas nombreux au Tibet : à en juger par tous les stüpa que le lamaïsme fit édifier, il semble bien que la pradaksinâ se réduisait à un formalisme sans grande profon deur de pensée. Nous devons cependant retenir ce fait intéressant que, dans les nombreux stüpa du Tibet, bien que de dimensions moins considérables, le dôme repose également sur une pyramide à gradins de quatre ou cinq étages (prãsāda, II, fig. 41, 42, 43). Sans doute des textes tibétains, tardifs il est vrai, que nous avons analysés (II, p. 251), donnent avec minutie une valeur symbolique aux diffé rents éléments du stüpa, et en font une synthèse religieuse. On ne peut pas dire que ce symbolisme soit visiblement extériorisé dans les monuments, et ces spéculations peuvent être le résultat des méditations d 'u n moine solitaire, raffinant au fond de sa cellule sur LES DE A M B U LA TO IR E 5 BAf\A- BUDLÏpJ ■ qyA N -T 5E JAVA TIBET des théories que par ailleurs la masse des fidèles ne comprenait pas. D ’autre p art l ’usage des déambulatoires ne se perd pas complète ment et se manifeste occasionnellement: nous voyons à Péking, aux X V IIe et X V IIIe siècles, deux stüpa lamaïques, l ’un dans le Hoang sseu, l ’autre au sommet du Ouan souei chan (II, p. 286), construits sur deux terrasses rectangulaires et concentriques (fig. 11). Le bouddhisme chinois prim itif, suivant la tradition indienne, enfermait dans un sanctuaire ses petites tours à étages couronnées d ’un stüpa, ainsi q u ’on peut le voir à Yun-kang (II, p. 265) (fig. 11). Pour les tours à étages monumentales, quand elles étaient creuses, on peut vraisemblablement croire q u ’on en faisait la circumambula tion par l ’intérieur. On pourrait cependant trouver des exemples de tours à étages placées sur plusieurs terrasses en gradins ou encore entourées à leur base d ’une galerie couverte. E n règle générale les tours à étages de la Chine, avec ou sans soubassements, se trouvent au centre d ’un enclos comprenant des bâtiments divers. Signalons enfin la persistance de la tradition dans les deux terras ses à redents (fig. 9) qui portent le mausolée d ’Ikégami, au Japon (II, p. 300, fig. 69). Stupa, Vihâra, Prãsāda. — L ’association du stüpa et du vihâra (en comprenant vihâra dans le sens d ’un sanctuaire abritant une image) amena d ’importantes modifications dans la composition du monument bouddhique. Le fait est d ’autant plus im portant que l ’on ne semble pas ju sq u ’ici en avoir tiré les conclusions qui s ’imposent. On ne voit pas apparaître des images du Bouddha sur le stüpa avant une époque q u ’il est difficile de fixer avec quelque exactitude. Comme on le sait, l ’a rt indo-hellénistique du Gandhâra revendique la création de l ’image du Bouddha. Toujours est-il que le dôme de certains petits stüpa du N.-O. de l ’Inde est flanqué de quatre niches abritant des bouddhas, qui peuvent être, mais ne sont pas nécessairement les bouddhas « cardinaux » du Grand Véhicule. LES D ÉAM BU LATD IF\E5 P E K IN P E K IN □ UAN SOUEI C H A N H Û A N Ç 5SEU y U N -l^ A N C r CHINE Cette conception se retrouvera par la suite, ainsi que nous le dirons plus loin, en différentes régions de l ’Asie. P a r ailleurs les stüpa au fond des hypogées d ’A njantâ et d ’Ellora ont leur soubasse ment décoré d ’une niche avec l ’image d ’un bouddha (II, p. 184, fig. 9), qui, cette fois, n ’est pas un bouddha cardinal. Un relief, sur la façade d ’un hypogée d ’Ajantâ, figure à tou te évidence le Bouddha debout, sous un pavillon que surmonte un stüpa (II, p. 183). Enfin, pour ne pas m ulti plier les exemples, un stüpa de Nālandā est précédé d ’une cella qui devait renferm er une sta tue. La conception du sanctuaire surmonté d ’un stüpa s ’est donc bien constituée dans l ’Inde, vers la fin de l ’époque des Gupta. Elle s ’est développée dans la suite lorsque le culte des images p rit l ’extension q u ’on lui con naît et que le stüpa eut acquis une valeur symbolique propre analogue à celle du liùga. Il importe aussi d ’insister sur la manière dont cette asso ciation du stüpa et du vihâra Fig. 12. (sanctuaire) a pu se faire. La vie conventuelle se développa nécessairement autour des stüpa JAMAL-CrARJ-ll les plus vénérés; les moines célébrèrent, s ’ils ne les créèrent pas, les légendes relatives au stüpa auquel ils s ’étaient associés. Ils bâtis saient leurs cellules à côté et autour du stüpa, et le Gandhâra nous fournit, à Taksaçila par exemple (fig. 12), un type d ’ensemble que l ’on pourrait retrouver dans toute l ’Asie bouddhique: cellules ados sées à quatre murs form ant une cour rectangulaire au centre de laquelle se dresse le stüpa. A Jamal-Garhi, c ’est sur une terrasse circulaire que les viliüra (cellules) sont placés plus ou moins régulièrement autour du stüpa (fig. 12). Il vint un temps où les moines, plus nombreux, s ’installèrent dans des sanghãrãma plus vastes. Ils cédèrent leur place aux images ou à de petits stüpa votifs ou funéraires, q u ’une affluence de pèlerins généreux venait visiter ainsi que le stüpa principal. Le vihàra, l ’habitation du moine, était devenu l ’habitation du dieu. Nous tenons dès lors le fil conducteur qui perm et d ’expliquer l ’évolution du monument bouddhique en un sanctuaire unique, placé dans le soubassement, ou en une série de sanctuaires super posés en hauteur et se m ultipliant même en largeur, constituant un prāsāda que couronne un stüpa terminal. L ’exégèse religieuse y trouvera son compte et de nombreux bouddhas et bodhisattvas leur place, mais ceci n ’est point notre affaire. Le Mahâbodhi, avec son sanctuaire dans le soubassement, ses étages et son stüpa terminal, devient compréhensible, et le stüpa de Peshawâr décrit par les pèlerins chinois moins énigmatique. Il est curieux de rencontrer dans l ’Inde, sur des reliefs du I I e siècle av. J.-C., des représentations d ’édifices à étages superposés, dont nous ne connaissons plus d ’exemples dans la réalité. Très probablement construits en bois, ils auront péri par l ’incendie. — On ne peut vrai semblablement attribuer ces représentations à la fantaisie d ’un sculp teur qui les montre entourés d ’orants. Le premier figure sur un relief du Musée Guimet (II, fig. 11, p. 187 et suiv.). Trois étages de galeries couvertes, sont surmontés d ’un dôme irradiant des flammes qui p araît être construit sur plan octogonal. Le dernier étage contient un stüpa figuré à l ’extérieur. Le second est représenté sur un linteau de torana provenant de M athurâ (fig. 13). Sur un soubassement, figurant peut-être une balus trade, se dressent trois étages en retrait qui sont, comme le dôme, sur plan hexagonal, à en juger par la disposition des por tes ou fenêtres donnant sur les terrasses ou balcons bor dés de balustrades. Ici encore, nous avons à toute évidence un pr'āsãda constitué par trois sanctuai res, ou vihâra, superposés. Toujours est-il que ce con cept architectural se dévelop pera surtout en dehors de lTnde, et nous en trouverons des applications aussi bien dans les tours à étages de la Chine et du Japon, dont nous avons démontré la fi liation indienne, que dans la composition des façades du Boro-Budur où les vihâra, abritant des statues, se mul tiplient à la fois en hauteur et en largeur. Le Candi Mendut et le Fig. 13. M athurâ. Candi Pawon à Java (II, p. 222 ),de nombreux édifices de Birmanie et du Siam tan t anciens que modernes, nous donnent quan tité d ’exemples de sanctuaires couronnés par un stüpa (II, p. 232). La Chine bouddhique depuis l ’époque des Wei et des T ’ang (II, p. 265 et suiv.), montre toute la série des transform ations que Ton peut obtenir en superposant des étages, vrais ou simulés, q u ’un stüpa, bientôt oublié, couronne à l ’origine. Les Va de la Chine offrent une abondante collection de variantes sur ce même thème ; mais les stüpa lamaïques de Chine restent plus fidèles à la tradition primitive de l ’Inde. Le Japon et la Corée s ’inspirent des formules chinoises, en y im prim ant la marque de leur génie propre au point de vue architectural, en atténuant aussi, ou même en perdant le sens originel de la compo sition du monument. Dans cette association du stüpa et du vihâra (sanctuaire), la Chine bouddhique et les pays d ’influence chinoise n ’utilisent plus, sauf ex ceptions, pour leurs tours à étages, les déambulatoires en terrasses devenus sans objet. Au contraire, à Java et particulièrement en Birmanie, les sanc tuaires sont couverts par un ou plusieurs déambulatoires en terrasses, que domine le stüpa terminal. En développant ce dispositif on arrive à superposer à la fois sanctuaires et déambulatoires en terrasses, et l ’on obtient le plan des grands édifices d ’Ânanda, de Gotapâlin et de Cūlāmani à Pagân (II, p. 234). Le moment est venu de parler de monuments que le Mahâvamsa et le Cülavamsa citent très fréquemment, les prāsãda, et qui parais sent être en connexion plus ou moins directe avec les stü p a \ 1 On a parfois rapproché le prāsāda, pyramide à étages de la ziqqurat baby lonienne avec laquelle eUe offre des ressemblances. Il est tout d ’abord difficile de combler l ’immense intervalle de temps qui les sépare et l ’on chercherait vainement des intermédiaires. On ne pourrait en trouver, comme on a voulu le faire, dans le crénelage figurant dans l ’ornementation des anciens monuments de l ’Inde. Le crénelage des édifices de la Mésopotamie, de-la Perse et de l ’Inde a passé dans le répertoire des formes décoratives de ces pays sans aucune arrièrepensée de rappeler l ’édifice religieux mésopotamien. Au surplus la ziqqurat babylonienne présente des différences notables avec le prāsāãa javanais. La plus ancienne que nous connaissions, celle d ’Ur, est orientée par ses angles et non par ses côtés comme la pyramide javanaise; les terrasses ne sont pas régulières: sur la face sud-est il y avait quatre étages et seulement trois sur la face nord-ouest, la terrasse de base étant plus haute à une extrémité q u ’à l ’autre et cette différence de niveau étant compensée p a r des degrés. (G. C o n t e n a i t , Manuel d*archéologie orientale, p . 772) Les moyens d ’accès étaient ménagés sur la face nord-est; ils consistaient en r a m p e s assez M. P. Mus a, le premier, signalé cette association à propos du BoroBuçlur. Les textes ne nous donnent malheureusement aucune indication sur la forme des prāsãda, si ce n ’est q u ’ils comportent plusieurs étages, dont le nombre varie de deux à neuf, q u ’ils sont souvent décorés de peintures, et q u ’il y en a de grands et de petits. Le mot prãsāãa — ne l ’oublions pas — p araît être plutôt générique et s ’appliquer à des édifices peut-être différents: les princes en font construire à leur usage, encore à des fins religieuses le plus sou v e n t1, militaires parfois*. Le plus célèbre des monuments désignés sous ce vocable à Ceylan est le Lohaprāsāda, que Dutthagām anī aurait élevé au I er siècle av. J.-C. Il avait neuf étages, somptueusement décorés. Les étages supé rieurs étaient en charpente, recouverte de plaques de bronze, et re posaient sur de gros piliers de pierre. Incendié et reconstruit à diverses reprises, il en reste 1600 piliers de pierre, désignés sous le nom de Palais ou Monastère de Bronze. C ’est peu de chose pour tenter raides, l'une perpendiculaire, les deux autres parallèles à la façade, qui débou chaient au niveau de la deuxième terrasse: de petits escaliers faisaient com muniquer les terrasses entre elles. Chaque étage recevait une coloration spéciale et sur la terrasse supérieure se trouvait un édicule tout à fa it ruiné. La ziqqurat de Khorsabad est mieux conservée, bien que l'on n 'a it retrouvé que quatre des sept étages qu'elle devait avoir. Une rampe extérieure en pente douce permet la montée d'une terrasse à l'autre; ,un parapet crénelé la bordait jadis. (G. C o n t e n a u , op. cit., p. 1249) Sans doute de savants auteurs ont montré la concordance des représentations cosmologiques de l'Inde et de l'A sie antérieure. Mais en l'espèce nous partageons la manière de voir de M. Mus: l'influence mésopotamienne n 'a pu se faire sentir que bien indirectement et l'on peut admettre que la pyramide javanaise et la pyramide mésopotamienne « se sont formées à partir d'un fonds commun de symbolisme », ce que confirment pleinement les relations entre les arts de l'Inde et ceux de l'Orient classique. 1 Mahâvamsa, Cùlavamsa, trad. G e i g e r , 37, 59, 72, 244, 78, 36, 50, 88, 92, 90, 90: « There he built for the thera a splendid pãsããa with rooms and terraces, with a choice of various apartments, embellished by turrets, three storeys high » 78 53). a Cülavamsa, 72, 244: In the middle of the stockage he built a structure (pāsāda) of four storeys and distributed archers about it at diverse places. sa reconstitution. D ’après la disposition des piliers de pierre et en adm ettant que l ’architecture plus récente n ’a fait que suivre une tradition ancienne, on est fondé à croire que ces neuf étages étaient en retrait les uns sur les autres et form aient ainsi une pyramide à gradins (prâsada). Fig. 14. Le Sat-mahal-prāsāda (Ceylan). Un monument récent confirme cette hypothèse. Au X IIe siècle, Parakkam abâhu fit construire à Polonnaruwa, dans le Jetâvana, un monument qui, d ’après la topographie des ruines, doit correspondre au Sat-mahal-prāsāda actuel1. C ’est une 1 Cülavamsa, 78, 42. Par une ironie du sort, il est désigné sous le nom de cetiya, souvent employé il est vrai comme synonyme de stüpa. pyramide quadrangulaire pleine (fig. 14), de cinq étages en gradins, reposant sur un massif cubique. Ce dernier forme un déambulatoire auquel on accède par un escalier. Dans ce soubassement une ouverture donne accès à un couloir circulaire servant également de déambula toire. L ’édifice était recouvert de stuc, et au milieu de chaque étage une niche contenait une image de bouddha. Le couronnement est malheureusement trop délabré pour q u ’on puisse en préciser la forme (fig. 14), mais on peut présumer q u ’il avait la forme d ’un dôme de stüpa. Un monument analogue existe au Siam près de Lāmbün (II, p.240). Le Vat Küküt, qui date vraisemblablement des dernières années du X IIe siècle, est également constitué par cinq étages cubiques en gradins, revêtus de stue, ayant sur leurs faces trois grandes figures de bouddhas dans des niches. Le couronnement est une pyramide quadranguiaire divisée, semble-t-il, en neuf grosses moulures ou cor niches, dont la terminaison manque. D’après la chronique pâlie Jinakālamālinī, traduite par M. G. Coedès, sur des reliques découvertes en 1063 par Âdiccarâja, fut construit un stü p a en forme de p râ sa t haut de 12 coudées avec quatre piliers et quatre portes, et ce monument fut considérablement agrandi par emboîtement par les suc cesseurs d’Ādiccaæãja. — « Au Nord-Ouest de l’enceinte de la Grande Relique de Lamphun (Haripünjaya), dit encore M. Coedès, s’élève un prâsat à étages conçu dans le style du Yat Küküt, que l’on dit être une reproduction de ce stü p a en forme de p râ sa t qui doit se trouver à l’intérieur du stü p a actuel. » 1 Ces derniers monuments affectent la forme d ’une pyramide à gra dins, faite d ’une succession d ’étages simulés portant au faîte un stüpa. Ce dispositif, fréquemment utilisé dans l ’architecture bouddhique plus récente de l ’Indochine, s ’apparente au type des tours chinoises à faux étages purement symboliques, où le stüpa terminal a disparu. 1 G. C o e d è s , Documents sur l'histoire politique et religieuse du Laos occiden tal, B. E. P. E. 0 ., 1925, X X V , p. 85; J. Y. C l a e y s , L'archéologie du Siam, B. E. P. E. O., 1931, X X X I, p. 428, pl. L X X X IV , LXX XY . Nous assistons donc à la transform ation du stupa en un prãsãda surmonté d 'u n stüpa, que ce prāsāda soit constitué par un étagement de wTmra-chapelles ou par une pyramide de terrasses en gradins. Dans les deux cas, il est curieux de constater la diminution pro gressive, jusqu'à disparition, du stüpa terminal. Dans le premier cas, cette évolution nous conduit de l'Inde, par le Gandhâra et la Sérinde, en Chine, au Japon, en Indochine, à l'érec tion de tours à étages que domine un stüpa disparu par la suite. Dans le second cas, l'aboutissement est une pyramide à gradins: le Boro-Budur est, suivant le point de vue d'où on le considère, un prãsāda constitué par un étagement de inMm-chapelles, ou une pyramide de terrasses en gradins, portant le stüpa proprement dit. Ceylan et surtout l'Indochine continueront cette tradition en l'atténuant peu à peu, pour en arriver, aux époques modernes, à des sanctuaires recouverts d'une toiture en pyramide à gradins où l'on chercherait en vain le stüpa terminal. Ces toitures superposées suivant les mêmes nombres, que l'on retrouve à la fois en Chine et en Indochine, procèdent incontesta blement d 'u n symbolisme dont on reconnaît l'origine indienne. La cosmologie indienne s'est en effet complu dans cette classification par étages des mondes, des stades de la connaissance, des étapes de la sanctification ou d'autres concepts analogues. L 'In d e étant non seulement le pays des ascètes et des thaumaturges, mais aussi celui des dialecticiens, nous devons croire que les archi tectes se firent souvent l'écho de leurs spéculations. Ainsi s'achève cette évolution du stüpa, qui sous la pression de con ceptions religieuses d 'u n e apparente diversité et sous un revêtement parfois changeant, demeure un sujet de méditations et un moyen de salut pour les fidèles bouddhistes attardés sur le chemin de la déli vrance. L’orientation du stupa. — Avant de clore cette étude des transfor mations du stüpa, nous devons dire quelques mots de son orientation. Sans doute elle dut subir l 'influence des croyances qui, dès les temps les plus reculés, ont attribué des pouvoirs favorables ou défavorables aux points cardinaux. Vents du Sud ou du Nord, de l ’E st ou de l ’Ouest, n ’ont pu manquer d ’être observés comme fastes ou néfastes par tous ceux, marins, chasseurs, cultivateurs, qui y trouvaient intérêt. Il en était de même pour le lever et le coucher du soleil, dont l ’importance à tous égards devait attirer l ’attention. Que l ’espace fû t ainsi divisé en quatre régions, auxquelles s ’ajoutera plus tardive ment une cinquième, celle d ’en haut ou du zénith, est une conception qui remonte aux premiers âges de l ’humanité, et sur laquelle il n ’est point nécessaire de s ’appesantir ici. Ne retenons que l ’universel souci d ’orientation dans la construction des édifices religieux et des tom beaux. Le stüpa ne fit point exception à la règle, d ’autant moins que la pradaksinâ se faisait certainement suivant certains rites d ’orientation. Le stüpa à base circulaire ne pouvait évidemment être orienté que par deux diamètres se coupant à angles droits, dont l ’indication était marquée par les quatre entrées dans la palissade. Tel est le cas de tous les vieux stüpa de l ’Inde. Dans la région d ’Amarâvati et à Ceylan l ’orientation est accentuée par les quatre avant-corps des déambulatoires, qui font face aux entrées. Dans le Nord-Ouest de l ’Inde, où l ’on ne rencontre plus de palis sades, l ’orientation est rendue plus facile p ar l ’adoption du plan rectangulaire pour les déambulatoires. M. Barthoux a pu observer que, dans les nombreux stüpa de Hadda, il y a une légère variation dans l ’orientation, ce qui ferait supposer une construction à différents moments de l ’année, suivant la position du soleil. L ’apparition, sur le dôme ou le soubassement du stüpa, de quatre niches placées aux extrémités de deux diamètres doit être mise en rapport avec l ’orientation du stüpa. On voit d ’abord ces niches sur les stüpa votifs du Gandhâra où elles renferment, disposées suivant la conformation d ’une porte ou d ’une fenêtre, des images bouddhi ques diverses. Le Musée de M athurâ possède un petit stüpa datant des Kûsana où les quatre niches renferm ent une image de bouddha assis. Ces niches, avec leurs images, existent également dans de nom breux stupa votifs d ’époque plus tardive de l ’Inde. On les retrouve dans les grands stüpa du Népal, de Birmanie et du Siam, dans les stüpa lamaïques du Tibet et de la Chine. Ici se pose la question d ’identification des bouddhas enfermés dans les niches : les quatre jina des points cardinaux ou d ’autres bouddhas ? La question m ériterait un examen approfondi: la documentation, à l ’heure présente, n ’est pas suffisante. Au Boro-Budur, à Java, nous trouvons une claire attribution des différents orients à des jina distincts, que M. P. Mus a fort bien mise en lumière. Aux quatre jina présidant aux quatre orients s ’en est ajouté un cinquième, celui du zénith. Ils sont reconnaissables à leur mudrâ et ornent les façades correspondantes du Boro-ßudur. Des quatre terrasses rectangulaires supérieures, les trois plus basses sont dominées par trois alignements superposés de bouddhas, chaque alignement répétant uniformément sur chaque façade la même image; celle-ci n ’est autre que le Jina de l ’Orient corres pondant. Mais le dernier étage a sur ses quatre faces un seul et même Jina, celui du cinquième point cardinal, Vairocana, bien que sa mudrâ ne lui soit point habituelle. (P. Mus p. 432) Pour plus de clarté on peut dresser le tableau suivant : E st — Aksobhya — Bhümispa/rçamudrâ — Support: Eléphant — Emblème: Foudre. Sud — R atnasam bhava'— Varadamudrâ — Support: Cheval — Emblème: Joyau. Ouest — Amitābha — Samādhimudrā — Support : Paon — Emblè me: Lotus rouge. Nord — Amoghasiddhi — Abhayamudrâ — Support: Démon — Emblème: Foudre. Zénith — Vairocana — Vitarkamudrâ — Support : Lion — Emblème : Roue. Dans le geste qui rassure ou d’absence de crainte, abhayamudrâ, la main est ouverte à hauteur d’épaule, paume en avant et doigts levés. Dans le geste du don ou de la charité,varadamudrâ, la main esttombante, la paume ouverte en-dessus et les doigts étendus inclinés en avant. Le geste de toucher la terre, bhümisparçamudrâ, se réfère à la scène où le Bouddha, assailli par Mâra, prit la terre en témoignage. La main droite pend par-dessus le genou droit, paume en dessous, de façon à ce que les doigts touchent ou effleurent le sol. Dans le geste de méditation, samãdhimudrã, les mains du Bouddha re posent sur son giron, l’une sur l’autre, la paume en dessus et les doigts étendus. Dans le geste d ’argumentation, vitarkamudrd, la main est à hauteur d’épaule en général, et l’index ou le médius touche le bout du pouce. Ce geste ressemble fort à celui de la prédication ou de la mise en branle de la roue de la loi, dharmacakramudrâ, où les deux mains sont placées devant la poitrine, la droite tournée en dehors, le pouce et l’index se touchant, la gauche tournée en dedans, le pouce et l’index venant toucher les deux doigts de l’autre main. En même temps que les bouddhas cardinaux, nous rencontrons quatre déités, les lokapâla, qui régnent sur les quatre points de l'espace et que l ’on appelle les « quatre gardiens du monde » ou les « quatre rois». Ce sont: à l ’Est, D hritarâstra, au Sud, Virûdhaka, a l ’Ouest, Virūpāksa, au Nord, Vaiçravana ou Kuvèra. 1 S ’ils sont peu représentés au Gandhâra, ils deviennent très popu laires en Sérinde, au Tibet, en Chine et au Japon, où ils se trans forment en guerriers, revêtus d ’une armure. A la vérité un passage du Lahtavistara prête aux quatre gardiens du monde « tout un arsenal d ’armes et de cottes de mailles, voire un plumet », et leur transform ation guerrière n ’est donc pas sans réfé rences dans les textes *. Toujours est-il q u ’ils figurent dans toute l ’iconographie religieuse du Tibet et de la Chine: D hritarâstra, jouant d ’une sorte de guitare, 1 Pour l ’iconographie des divinités gardiennes des points cardinaux dans le Sud de l ’Inde voir: J o u v e a u - D u b r e u i l , Archéologie du Sud de l ’Inde, t. II, p. 115, fig. 63. a Cf. A . F o u c h e r , A. G. B., II, p . 161. Virüdhaka, foulant aux pieds un démon, Virūpāksa, tenant dans la main droite un joyau en forme de reliquaire et dans la main gauche un serpent, Vaiçravana, tenant de la main droite une bannière et dans la gauche un stüpa. Tels nous les voyons parfois en bas-relief sur le soubassement de certaines tours à étages de la Chine, parfois en même temps que les bouddhas cardinaux. Les quatre lokapâla, en bas-relief, placés deux à deux ornaient deux façades de la tour du Hiang Ki sseu près de Si-ngan fou (Epoque des T ’ang) \ A l ’époque des Song, ils figurent sur le soubassement d ’une tour à étages du Ki H ia Sseu près de N ankin2. Sur une autre tour, de même époque à Yun-nan fou, les quatre lokapala garnissent le soubassement, tandis que les Jina occupent les étages supérieurs*. Enfin, pour ne pas m ultiplier les exemples, deux tours à étages du X V II 9 siècle au Palais d ’été de Péking ornent leurs faces avec les bouddhas et les rois gardiens des points cardinaux \ De tout ce qui précède, l ’ultime constatation que l ’on puisse faire, c ’est que l ’évolution typologique du stüpa s ’est faite dans toute l ’Asie suivant des directions très parallèles. Si l ’on accepte la signi fication du mot prãsāda comme étant soit une construction à étages superposés, soit une pyramide de terrasses en gradins, on voit que partout, de l ’Inde au Japon, le stüpa prim itif de l ’Inde se transforme en un prāsāda surmonté d ’un stüpa. De même s ’affirme partout la 1 O. Sirén, Les a r ts anciens de la Chine, pl. 387A, 388, 389. a Ibid., p l. 5 9 3 , 5 9 4 . * G. S o u l i é d e M o r a n t , M ist. de V a r t chinois, pl. 33. 4 8 . B u s h e l l , L * a rt chinois, tr a d . f r a n ç ., p l. 3 8 e t p . 6 9 ; G. S o u l i é d e M o r a n t , p l. 62 . U e s t p r u d e n t d e f a i r e r e m a r q u e r q u e d a n s l ’e m p la c e m e n t, l ’id e n t if ic a t io n , le s e m b lè m e s d e s j i n a s e t d e s r o is g a r d ie n s d e s p o in t s c a r d in a u x , i l y a d e s v a r ia n t e s , v o ir e m ê m e d e s d iv e r g e n c e s , d a n s le d é t a i l d e s q u e lle s n o u s n e p o u v o n s e n tr e r ic i. lente disparition du stüpa terminal et la transform ation des étages en toitures n ’ayant plus q u ’une valeur symbolique. D ’autre p art la tradition indienne se conserve en différents pays dans la construction de stüpa directement issus des vieux stüpa de l ’Inde, avec le dôme, le soubassement et le pinacle. Note sur TAlayavijñana Pour servir d’introduction à la traduction du Mahãyānasamgraha (Chapitre de l'Âlaya) par M. Et. Lamotte. p a r L. de L a V allée P o u s s in . A la recherche d'une âme. Les philosophes de l'Inde, qui sont parmi les plus profonds, les plus ingé nieux et les plus sincères, n'ont pas eu de chance. Us croient tous à la trans migration, à l'acte et à la rétribution de l'acte, qui s'entendent mal sans une « personne » traversant des existences qui sont le fruit de ses actes libres, bons ou mauvais. Et on reste convaincu que ces moralistes, brahmanes ou bouddhistes, admirent en effet semblable personne. Mais les métaphysiques où les brahmanes et les bouddhistes se sont engagés de bonne heure, vont à détruire les dogmes de l'acte libre, de la rétribution, de la transmigration. a. Mon ami le Père G. Dandoy a fort bien expliqué (Ontologie du Vedânta, 1932) le contraste entre la philosophie de l'Occident et la philosophie védântique (ou brahmanique). « Dieu, pour notre philosophie, est essentiellement et avant tout la Cause première et le premier Moteur. Notre raison d'admettre son existence, notre motif pour lui reconnaître certains attributs, c'est que l'existence en question et les attributs en question s'infèrent, de manière médiate ou immédiate, de l'existence de notre point de départ, le Cosmos ... Nous abandonnerons n'importe quoi plutôt que d'abandonner le monde de l'expérience ; parce que renoncer à cela, ce serait renoncer à to u t... U peut arriver que notre théodicée se heurte à des antinomies apparentes; du moins il y a une certitude : c'est qu'un créateur est nécessaire pour rendre notre monde intelligible, et donc un créateur, nous en aurons un ; quand bien même il y aurait difficulté à concilier la création avec l'immutabilité infinie d'un Absolu qui est la perfection et la plénitude subsistantes ... Tout à fait différente est l'attitude du vedântin ... Le point de départ pour lui, c'est l'Ab- 10 solu, le Suprême Brahma. Il détermine d’abord ce qu’est l’Absolu, Yens a se et per se ; puis, quand il a établi ses attributs, il essaie d’expliquer le monde en fonction de Celui — ou de Cela — qui est sans qualifications restrictives... l’Etre même... tout en tout sans rien d’autre en dehors de L u i... Nous disons: périsse le reste, mais il faut que la réalité du Cosmos demeure! Le védântiste dit: périsse le reste, mais il faut que le Suprême demeure ce qu’il est, l’absolu de l’E tre... ». Comment l’Etre — Absolu logiquement Absolu, l’Unique sans second — s’individualise et se diversifie, développant le démiurge, l’univers et les âmes, par un procès qui n’altère pas son éternelle identité, les docteurs du Védânta ont à travers les siècles peiné à résoudre ce problème difficile. Liés aux for mules des Upanishads et, ce qui est peut-être plus décisif, naturellement doci les à l’idée impérieuse d’unité, il leur est presque interdit d’attribuer quelque réalité que ce soit, primaire ou dérivée, aux êtres ou aux phénomènes particu liers. Us cherchent une âme et ne peuvent la trouver que par des artifices trop ingénieux. — Us nient les êtres parce qu’ils posent d’abord l’Etre. b. Les bouddhistes de la scolastique se situent à l’autre extrémité de la spé culation: ils nient les êtres parce qu’ils ne reconnaissent de réalité qu’à l’infiniment petit. On lit dans Chandogya que « soleil, lune, éclair disparaissent comme entités véritables; ce ne sont que créations du langage, modifications, noms, car ils ne sont que feu, eau, nourriture : ceux-ci seuls sont réalité » (IV, 4). Il y eut sans doute des écoles qui appliquèrent à l’homme ce principe de dissection. — Pour des raisons d’ordre moral, afin de combattre l’égoïsme, père du désir, les bouddhistes adoptèrent une psychologie qui réduisait l’homme et l’âme à ses éléments, matière, sensation, désir, acte, etc., comme le char n’est que ses parties, coffre, timon, roues, etc. Leur analyse réduit finalement l’univers à une cascade éternelle de phénomènes qui se conditionnent en série. Le « Tout coule » n’a jamais été senti plus vivement, ni plus logiquement mis en for mule. Cependant ces « nihilistes » cherchent l’âme que la morale exige, que le dogme de la transmigration affirme: effort difficile et méritoire. Il leur faut une âme qui explique la vie psychologique et morale, la transmigration et la sainteté, et qui cependant ne soit pas un « soi », une chose une et qui dure, un « conducteur du char », mais un complexe fait d’éléments instables et momentanés, seules entités qu’admette le Bouddha. Dans cette recherche, il semble que l’école d’Asańga ait été particulièrement heureuse, plus heureuse que les écoles du Petit Véhicule, Vaibhâsikas et Sautrantikas. C’est une des raisons qui font l’intérêt de la riche spéculation à laquelle le nom d’Asańga est attaché. i. Vaibhâsikas. Le Canon enseigne la causalité, l ’acte, la transmigration en vue de la rétribution de l ’acte. Il enseigne aussi la doctrine de l ’inexistence de tout principe permanent (nairâtmya). Les Vaibhâsikas raisonnent et insistent. Ils démontrent que les choses sont, non pas impermanentes et transitoires, comme disaient les Anciens, mais exactement « instantanées » : elles périssent au moment même. Ceci comporte la négation de l ’agent (kartar), de l ’auteur de l ’acte; et le Bouddha, en effet, a dit que « les actes sont, l ’agent n ’est pas », « la sensation arrive, mais il n ’y a pas de sentant». Bien plus, la production en raison des causes (pratītyasamutpãda) paraît compromise : comment entendre q u ’un instantané soit vraiment cause? D ’où des spéculations ingénieuses, peut-être plus ingénieuses que plausibles, une théorie « mécanique » fort bien agencée. L ’âme des Vaibhâsikas est la série des skandhas, « les éléments de l ’existence form ant chaîne » (skandhasamtâna) , plus précisément « la série mentale complétée par les « possessions » (prâptis) et autres entités immatérielles quoique distinctes de la pensée. 1. L ’archaïque formule — parole du Bouddha ou thèse du prim i tif Abhidharma? — disait: « En raison de l ’œil et de la couleur naît la connaissance visuelle». Cela n ’est pas très bien dit. N ’est-ce pas, exactement, le point de vue des matérialistes? La formule doit être complétée. Un traité d ’Abhidhamma (N ettippakarana) remarque: « Une flam me se produit en raison de la mèche et de l ’huile: sans doute, mais seulement si la mèche est allumée. Un moment de l ’existence de la flamme a pour raison d ’être, d ’une part, la mèche et l ’huile, d ’autre part, le moment antérieur de l ’existence de la flamme ». De même la connaissance visuelle dépend du concours de l ’œil et de la couleur, mais elle est impossible si une connaissance quel conque, visuelle, auditive, mentale, ne la précède pas, ne la cause pas en qualité d ’antécédent immédiat (samanantarapratyaya) . Une con naissance, une pensée ne peut se produire que dans une série mentale. — C ’est pour cette raison que jamais n ’apparaît un « être vivant» (sattva) nouveau, que chacun des êtres vivants existe depuis l ’éter nité (Nanjio 1272). La pensée, renouvelée d ’instant en instant, fait série; la série con stitue l ’être vivant, l ’individu; elle fait une sorte d ’âme. À cette âme les bouddhistes, qui croient à la transmigration, de mandent beaucoup plus que l ’explication de la vie somato-psychologique. Le jeu sensoriel prend fin à la mort, mais la série mentale n ’est pas pour cela interrompue, car des actes ont été produits dans cette série, qui doivent m ûrir. A la dernière pensée, pensée de la mort, succède donc une pensée qui se crée un « corps d ’existence intermé diaire » (corps subtil, muni d ’organes, masculin ou féminin), et qui, au moyen de ce corps, cherche la matrice où la série doit se réincarner pour que se produisent les sensations, fruits des actes. Quand « la pensée d ’existence intermédiaire » a trouvé cette matrice, le corps subtil m eurt: une pensée de réincarnation se produit et s ’unit aux éléments de la génération ; elle les organise en embryon. Une nouvelle existence commence. Lorsque les actes qui poussent la pensée née de la pensée de la mort ne comportent pas une rétribution dans les mondes de la génération (Kāmadhātu), cette pensée se crée, sans le secours des éléments de la génération, le corps qui convient, un corps de damné, un corps brahmique, un corps de dieu inconscient (Rūpadhātu et partie du Kâmadhâtu). Lorsque la pensée est, à la mort, sans aucune attache avec les choses de la matière, lorsqu’elle est munie d ’actes consistant en contempla tions très pures, elle ne se cree pas un corps ; elle amorce une exis tence du monde de la non-matière (Ārūpya) ; elle est remplacée par une pensée, par une série de pensées qui se soutient pendant des millénaires sans aucun support matériel. L ’existence dans ce monde sublime prend fin lorsqu’est épuisée la force des contemplations qui 1 avaient causée. Alors la serie mentale, poussée par des actes anciens dont l ’action avait été primée par les actes qui ont projeté l ’existencç immatérielle, va à une autre destinée, se réincarnant dans une ma trice ou se créant un corps de damné... 2. Les Anciens n ’avaient pas cherché à comprendre le mécanisme de la rétribution, le mécanisme de la souillure et de la purification. Ils disaient simplement que l ’acte porte des fruits, que l ’homme est l ’héritier de ses actes, que l ’homme se purifie progressivement du péché et de la souillure. À une époque de spéculation plus curieuse des pourquoi et des comment, le Vaibhâsika voit bien que la chaîne des pensées, à quoi se réduit la personne, explique insuffisamment le problème du fru it et de la souillure-purification. Comment l ’acte, qui a disparu, peut-il donner un fruit? L ’acte n ’est pas une force aveugle qui mûrisse n ’importe où, dans l ’eau et dans la terre; il m ûrit pour l ’homme qui l ’a accompli, il ne m ûrit pas si cet homme devient un saint. La pureté de la pensée n ’est pas acquise d ’un coup. Des exercices multipliés d ’intelligence et d ’extase sont nécessaires pour devenir un saint; ces exercices ne se succèdent pas immédiatement; ils s ’éche lonnent au cours d ’une existence, de plusieurs existences; ils peu vent même être séparés (quelques-uns d ’entre eux) par des vies infer nales. [Une fois acquis le « mérite qui produit la délivrance », on est sûr d ’arriver au Nirvâna, mais le chemin peut être long et acci denté ...] Ceci suppose des acquisitions définitives en extase ou en savoir. Comment la chaîne des pensées, qui n ’est jamais, à un moment donné, que la pensée actuelle — pensée de bleu, pensée de péché, pensée bonne — est-elle en voie de purification, en voie de souillure ? Pour répondre à ces questions et à plusieurs autres du même genre, le Vaibhâsika construit -notamment deux théories: a. Existence actuelle du passé. Les choses passées continuent à exister. L ’acte épuise, au moment où il naît, sa force de « prendre » ou de « p ro jeter» son fru it de rétribution; mais c ’est plus tard, souvent après des siècles, q u ’il «donne» ce fruit. C ’est ainsi que l ’homme mange le fru it de ses actes anciens, parce que ces actes n ’ont pas disparu. — La pensée, bonne ou mauvaise, amène quand elle naît la naissance de la pensée qui doit la suivre : elle épuise sa « force d'antécédent immédiat ». Cependant la pensée actuelle peut être souillée par la passion qui infectait une pensée ancienne, parce que cette pensée et sa passion n'o n t pas cessé d'être. b. « Possessions » ou prâptis. — Si le fru it se produit dans la série mentale où la cause existe, si la sensation pénible se produit dans la série où eut lieu le péché, et non pas ailleurs, c'est évidem ment parce qu'une relation existe entre le péché ancien et tous les moments de la série qui séparent le péché et la sensation fru it du péché. De même en ce qui concerne la passion ancienne et l'infec tion qu'elle déterminera. Le Vaibhâsika imagine des entités nommées prâptis au moyen desquelles 011 possède les actes, les passions, les méditations, les savoirs du passé. La prâpti naît au moment où l'acte est accompli, où la passion surgit, où on entre en méditation, où on prononce les vœux de religion ... Cette première prâpti périt, mais elle est remplacée par une « prâpti de la première prâpti », et ainsi de suite [jusqu'au moment où cette chaîne de prâptis sera « coupée » : la prâpti de la passion, par exemple, est coupée par le savoir bouddhique ou par le bon savoir d ’ordre mondain]. Un homme commet un péché: il est aussitôt muni de la « possession » de ce péché : c 'est donc en lui, dans la série qui le constitue, que m ûrira le fru it de rétribution du péché. Les prâptis sont de curieuses petites choses (Siddhi, 53). Elles ne sont pas matérielles; elles n ’appartiennent pas à la catégorie de l 'esprit, 11'étant ni pensée ni « mental » (sensation, etc.), étant « in conscientes ». O11 dirait qu'elles accompagnent la pensée et lui font une sorte de gaine immatérielle, si elles ne se continuaient pas même quand la série mentale s'interrom pt (sommeil, etc.), si elles n 'é taient pas capables, avec le concours d'entités de même nature («vie», etc), de suppléer, pour assurer la continuité de l'être vi vant, à la série mentale interrompue au cours des existences d 'in conscience. — Mieux que leur nature nous connaissons leur emploi et la raison pour laquelle elles furent inventées: afin d'expliquer la rétribution de l ’acte, le mécanisme de la souillure et de la p uri fication ; afin de donner à la série mentale, ligne de pensées con scientes — toujours une pensée à la fois — tout ce qui lui manque pour faire une âme. ii. Sautrântikas. Les hypothèses du Vaibhâsika ne satisfont pas tous les docteurs du Petit Véhicule. Le Sautrântika se refuse à croire à l ’existence ac tuelle, à l ’activité de l ’acte ancien; il rejette la théorie des « posses sions » (prâpti)\ Le Vaibhâsika explique comme il suit la différence du saint (ârya) et de l ’homme ordinaire (prthagjana) : le second peut avoir une bonne pensée; il reste cependant souillé, parce q u ’il « possède» les passions q u ’il a pratiquées. Le premier est pur, parce q u ’il a coupé les « pos sessions » des choses mauvaises. Pour le Sautrântika, la différence est que le saint a arraché les germes (bîja) des passions. Sa série mentale est transformée : il est devenu incapable des passions. Au contraire, la bonne pensée de l ’homme ordinaire porte la trace, l ’imprégnation, le parfum* des mauvaises pensées qui l ’ont précédée. C ’est pourquoi, d ’une part, de mauvaises pensées peuvent surgir chez lui, et, d ’autre part, des sensations pénibles seront le fru it des mauvaises pensées. L ’âme du Sautrântika n ’est pas, comme celle du Vaibhâsika, une chaîne de pensées accompagnée d ’éléments étrangers à la pensée (à 1 Kośa, ii, 181-186 et Vyākhyā, Bibl. Buddh. ii, 77; Wogihara, 145 (contre la théorie des prüptis) ; iv, 20, 64 (contre la théorie de 1’avijñaptirūpa: « La série mentale de celui qui fa it l ’aumône, eût-il même des pensées mauvaises, se trouve parfumée (paribTiüvita) par la volition du don ... Cette série subit une subtile tran sform ation ...»); ix, 296. a Sur samsTcāra, vãsanā, bhāvanã, dans les philosophies classiques, je citerai les références que j ’ai sous la main, insuffisantes: Nyāyakoáa, 624, 741; Sāmkhyasūtra, ii, 1, 42; Garbe, Sāmkhya-Philosophie, 269, 308; Deussen, Vedānta, 76, 91, 261, 435, 460; Max Müller, Six Systems, 1903, 175; Faddegon, VaiçeçikaSystem, 261, 267, 273; H. Ui, Vaiseçika Philosophy, 162, 199; surtout Yogasûtra, i, 24 (Woods, 51), iv, 8 et suiv. (Woods, 306; relations étroites entre les gloses de Yâcaspati et les textes Sautrāntika-Asańga). savoir les prâptis, dont on n ’essaie même pas de dire les relations avec la pensée) ; mais la seule chaîne des pensées : celles-ci, quel que soit leur objet (couleur, son, etc.), quelle que soit leur valeur morale (bonnes, mauvaises, non-définies), sont parfumées par les passions, les méditations, les volitions du passé ; elles sont riches de toutes les virtualités des actes non-rétribués. iii. École d ’Asańga. La solution du problème est bien dans la direction où se sont avancés les S autrântikas; mais ceux-ci n ’ont pas poussé assez loin leur enquête. Ils nient, contre les Vaibhâsikas, l ’acte corporel et vocal: tout acte est, exclusivement, acte de la pensée. Ils nient aussi ce curieux acte permanent, qui est matière, Vavijñaptirüpa. Ils ne pensent pas que l ’œil voit, que l ’oreille entend: toute opération de perception est de la pensée. — En plusieurs points, les Sautrântikas ont réduit la p art que les Vaibhâsikas faisaient à la matière (rüpa) ; mais ils n ’ont pas eu le courage de dire que la matière n ’existe pas. Nous les louons encore d ’avoir écarté, et ridiculisé, les inventions des Vaibhâsikas, si insuffisamment justifiées par l ’E criture: les prâptis et autres irrationnels êtres de raison. E t d ’avoir montré que la thèse de l ’existence actuelle des choses qui ont été et des choses qui seront, est proprement absurde. L ’explication du fru it de l ’acte, de la souillure et de la pu rifi cation, n ’est pas dans les hypothèses mécaniques des Vaibhâsikas, mais, comme le veulent les Sautrântikas, dans les traces ou impres sions (vãsanã) que laissent les actes et les pensées. Cependant, quand les Sautrântikas supposent que ces traces sont portées par des connais sances parfaitem ent définies dans leur objet particulier et dans leur valeur morale, ils se paient de mots. — Comment une pensée bonne peut être affectée par la passion ? En vain cherche-t-on dans la bo tanique, dans la sève qui porte en puissance la couleur de la plante, des comparaisons (drstdnta) inopérantes (Kośa, IX, 299). En deux lignes le problème sera résolu : 1. par la doctrine de l ’existence de la seule pensée, de l ’inexistence de la matière, 2 . par la doctrine de l ’Ālayavijñāna, un intellect qui est le réceptacle des impressions. 1 . «Rien que pensée» (cittamâtra). a. La matière (rüpa) ne supporte pas l ’examen (vicãrãsaha) . — Considérez les choses étendues comme des unités '(avayavin) où sont intégrés des membres (avayava), ou comme des discontinus composés d ’atomes, admettez ou n ’admettez pas le contact des atomes, vous vous heurterez à des difficultés insolubles (Vingtaine de Vasubandhu, Siddhi, 38). 5. A supposer que la matière soit possible, les relations de la matière et de la pensée sont mystérieuses ! On ne voit pas comment la connais sance visuelle naît du concours de la matière-couleur et de la matièreœil, même si vous réduisez la connaissance visuelle à une pure image, à « une idée qui naît semblable au bleu » ; même si vous niez que la connaissance visuelle connaisse, ô Sautrāntika ! (Kośa, ix, 280). E t la connaissance visuelle est autre chose q u ’une « idée bleue » puisqu’elle est connaissance du bleu ou de l ’idée bleue. — On comprend presque aussi mal comment la pensée peut créer ou organiser la matière. c. L ’hypothèse de l ’existence de la matière est par surcroît super flue, vu les développements q u ’a logiquement pris, dans l ’Abhidharma (Vaibhâsikas), la doctrine de la « force souveraine », de la « force de rétribution » de l ’acte. — Après la période vide ou de chaos, l ’univers est créé par la « force souveraine » (adhipatibala) des actes de tous les êtres du cosmos au cours de la période « pleine » anté rieure, et cela en vue de la rétribution des actes de chacun. En effet, l ’univers est utilisé par la « force de rétribution » des actes de cha cun de telle sorte que chacun goûte le fru it qui convient. Comme nous n ’avons pas de sensation qui ne soit la conséquence de nos seuls actes, on peut dire que les choses extérieures sont créées uniquement pour être connues ou senties par nous. Supposer que l ’acte crée une chose bonne à manger, pour que, en rétribution de mon mérite, je la mange et éprouve une sensation agréable du goût, c ’est une hypothèse oiseuse. Il est plus simple de croire que le résultat de mon acte est tout entier intérieur: que la bonne action m ûrit directement en une sensation agréable, sans avoir à créer pour cela un corps, une langue, une chose savoureuse (Vasubandhu, Vingtaine, 7). En niant le monde extérieur, nous ne faisons que généraliser et expliquer vos pressentiments. Ne dites-vous pas que, en raison de la différence de leurs actes, la même eau a, pour un homme, un goût d ’eau, pour un prêta, un goût de pus? Pourquoi admettre l ’existence ((objective» de l ’eau? Vous reconnaissez le caractère hallucinatoire et « subjectif » de certaines connaissances. Vous savez que les perceptions (anubhava) du rêve ne naissent pas d ’un objet extérieur. Vous savez que les gardiens (ou bourreaux des enfers) ne sont pas des êtres vivants, mais des machi nes animées par les actes des damnés : les damnés vivent un cauche m ar; il s ’en fau t de très peu que vous n ’en tombiez d ’accord. De même, d ’après nous, les dieux vivent un rêve délicieux, les hommes un rêve mêlé. On observera que la différence n’est pas grande entre l’ancienne spéculation bouddhique, dite réaliste, et la nouvelle, dite idéaliste. — L’expression m anom aya (première ligne du Dhammapada) peut s’entendre de deux façons : « Les choses sont faites par la pensée », comme on dit qu’une vache est trnam aya, « faite par l’herbe » : c’est la pensée qui crée la sensation avec tout ce qui est nécessaire à la sensation, corps et objets ; ou bien : « Les choses consistent en pensée », comme on dit d’une hutte faite avec des herbes qu’elle est trnam aya. —■La seule cause de la sensation, pour les uns et pour les autres, est la pensée : voilà ce qui importe. — Ceci est si vrai que les docteurs du « Rien que pensée » adm ettront l’existence de la matière (ci-dessous 163), d’une matière qui n’est pas à part (vy a tirik ta ) de la pensée. d. La pensée ne connaît que la pensée ; plus exactement une pensée se connaît elle-même et ne peut connaître q u ’elle-même. Le « fa it de conscience » est tout entier intérieur. La pensée « mondaine » (laukika) 1 se pose nécessairement en 1 Dans la pensée supra-mondaine (lokottara) ou nirvīkalpakajñãna, « savoir exempt de concept», il y a parfaite «adéquation» du sujet et de l ’objet, Siddhi, 585. dualité, sujet et objet. Elle se développe en deux parties (bhâga ou arpśa) 1 : une partie prenante (grâliaka) ou partie-vision (darśana) ; une partie prise (grahya) ou partie-image (nim itta). La vision de bleu n 'attein t pas un bleu extérieur, mais une image de bleu qui lui est indissolublement liée, qui constitue avec elle une connaissance unique et indivisible (abliedin), et qui cependant, étant son objet, apparaît comme extérieure. Cela ne veut pas dire que n’existent pas des réalités extérieures à ma pensée et avec lesquelles ma pensée peut être en relation. — Ces réalités, d’après l’Ecole, sont d’ordre spirituel. La pensée d’autrui existe et de nom breux ascètes connaissent la pensée d’autrui. La pensée du Bouddha existe; le Bouddha possède (ou est) un certain savoir, « savoir du miroir », qui est la source de toutes les bonnes pensées de tous les êtres (Siddhi, 682). Le caractère intérieur de la connaissance est néanmoins absolu : la partievision a pour seul objet la partie-image. Mais la partie-image peut être « con ditionnée » par la « force souveraine » (adhipatibala) de la pensée d’autrui, de la pensée du Bouddha: elle est alors comme le reflet d’une réalité exté rieure. De même en va-t-il si nous considérons les diverses connaissances d’une même personne, l’Alayavijñāna, la connaissance mentale (m anovijñãna) , les « cinq connaissances » (la visuelle ... la tactile). Ces connaissances sont distinctes, chacune connaît immédiatement son objet propre. Mais elles ne sont pas isolées. La connaissance mentale ne connaît pas l’objet propre de la connaissance visuelle, mais celle-ci, par une relation causale dite de « souNous n ’examinons ici que la « psychologie » du « rien que pensée » et la né gation de la matière. La « méta-psychologie » est beaucoup plus mystérieuse, Siddhi, 416, 717. 1 J ’ai préféré le mot bhâga dans la version de la Siddhi, d ’après plusieurs textes, notamment la ligne citée dans Nyāyakandalī, 122, et Sarvadarâanasamgraha, 17 (trad. Faddegon, Vaiéeçika-System, 430) : paricchedāntarãd yo ’yam bhâgo bahir iva sthitah / jñānasyābhedino bheãapratibhãso ’py upapiavah / / Mais je pense que le mot améa est d ’un emploi plus fréquent. On a par exemple : ańgulyagram yathātmānam nātmanã sprastum arhati / svãmśena jñānam apy evam nātmãnam jñātum arhati / / Voir Col. Jacob, Tliird Handful, 1911 (Prakaranapañcikā, 63, Nyāyakanikā, 268) et autres sources Siddhi, 129. veraineté » (a d h ip a tip ra ty a y a tâ ), fa it que la connaissance mentale se dé veloppe en une certaine im age, en une certaine partie-im age (Siddhi, 83). D ’où viennent cette vision du bleu et cette image q u ’elle voit? «Comme dans le rêve», elles naissent de leurs «germ es» (bïja), c ’est-à-dire des impressions laissées dans la pensée par des visions et des images de bleu. Les germes de la vision et de l ’image sont, com me la vision et l ’image elles-mêmes, distincts pour l ’analyse mais en fait inséparables. e. Où sont ces germes? Où la connaissance bleue, en disparaissant, pose-t-elle la semence dont naîtra une nouvelle connaissance bleue? —■A cette question répond la doctrine de l ’Ālayavijñāna. 2. Ālayavijñāna. 1 a. L ’Alaya et le processus psychologique. „ L ’ecole d ’Asańga définit la chose qui reçoit et conserve les impres sions produites par ce que nous pouvons nommer « le moi conscient », littéralement par les « connaissances en acte » (sensibles ou mentales, pravrttivijñāna) , la chose d ’où émaneront, par la force de ces im pressions qui sont des «germ es» (bïja) ou des puissances (éaktï), de nouvelles connaissances en acte. Le réceptacle des impressions-germes n ’est pas un principe per manent (âtman ou pudgalà) qui ne pourrait êtçe impressionné; il n ’est pas de la matière, (rüpa) ; il n ’est pas la série somato-psychologique des Sautrântikas. Il est une connaissance (vijñãna) ou une pensée (citta), d ’une nature particulière, qui porte le nom d ’Âlaya, « réceptacle » lorsqu’on envisage une de ses fonctions essentielles qui est d ’être un réservoir. 1. L ’Âlaya n ’est pas une entité perm anente: il est fait de «m o ments » (ksana) d ’Âlaya. Mais ses moments se succèdent sans inter ruption et sans varier dans leur valeur morale, dans leur aspect 1 Nous ne parlerons pas du mcmas ou Iclista manas (Siddhi, 225-287), ni des noms et variétés du « huitième vijñãna », ālayavljñāna, vipãTcavijñāna, etc. (Siddhi, 166). hédonique («non-défini», c ’èst-à-dire ni bon ni mauvais; sensation d ’indifférence). Continu et homogène, il possède une sorte de perma nence ; il se perpétue tandis que les séries des connaissances en acte (qui constituent le « moi-conscient ») s ’interrom pent et se transfor ment. L ’Âlaya est donc très pareil sous ce rapport à ce que les brah manes nomment un « soi » (âtman) ; le « soi » qui persiste quand le « moi conscient » suspend son activité ; le « soi » que chacun aime, même le damné qui hait son corps, sa sensation, sa pensée. Il est le principe de l ’individualité, l ’individu même: tout être vivant est un Âlaya. Il n ’est pas, cependant, le « je » qui pense, le « je » de Descartes. Il est le support (āśraya) des autres connaissances, nous dirions le fondement de la vie psychologique. Il contient en puissance toute la « matière » et toute la conscience de la vie psychologique : celle-ci, en ce qui regarde les connaissances en acte qui la constituent, comme en ce qui regarde les objets de ces connaissances, procède des « ger mes » contenus dans l ’Âlaya. On peut dire que l ’Âlaya manifeste ses virtualités dans le «moi conscient», comme fait l ’âme plus ou moins transcendante d ’autres philosophies. — Mais, si l ’Âlaya ali mente la vie psychologique par ses germes, il est nourri par la vie psychologique qui laisse en lui des « impressions » qui sont des germes. Fondement et nourricier du «moi conscient», l ’Âlaya n ’en fait pas partie. Il n ’est pas, à proprement parler, psychologique. D ’une part, comme on verra, quoique étant connaissance ou pensée, l ’Âlaya est « inconscient » ; d ’autre part, « je » suis surtout, du point de vue psychologique, « connaissance mentale » (manovijñãna) , et ma con naissance mentale ne connaît pas, sinon par la déduction et l ’Ecri ture, son Âlaya, son support et son nourricier, mon Âlaya. 2. Comment l ’Âlaya est-il impressionné par l ’expérience sensible ou mentale? Comment conserve-t-il l ’impression? — Evidemment en connaissant; en connaissant, d ’une certaine manière, les données de l ’expérience; en faisant entrer l ’expérience, sous une certaine forme, dans cette moitié de lui-même qui est sa partie-image. La connaissance visuelle, dans sa dualité (vision de bleu et image bleue), a sa cause, nous verrons comment, dans l ’Ālaya. Elle n'existe pas n'im porte où, indépendante: elle a besoin d 'u n point d'appui ou support simultané (āśraya)7 qui est l' laya (Pour l 'ancienne psy chologie, elle avait seulement pour support l'organe de la vue, l'œil). E tant en relations étroites avec l'Âlaya, son support, elle projette en naissant, sur l'Âlaya, comme qui dirait un double subtil d'elle-même dont elle est la cause simultanée : elle devient, sous cette forme subtile («parfum », vãsanā), un des objets connus par l' laya; elle entre, avec sa dualité, dans le nir.iittabhâga, partie-image, de l'Âlaya. — Voilà ce qu'on entend lorsqu'on dit que la connaissance visuelle « im pressionne » ou « parfume » l'Âlaya. La connaissance visuelle, aussitôt née, périt. Mais l' laya garde le parfum ; il continue à connaître le susdit double. Plus exactement, ce double engendre d 'instant en instant un double semblable à luimême qui est connu par les moments successifs de cette série de connaissances qu'est l'Âlaya. — C'est ainsi que l' laya est le récep tacle des germes ou semences (bîja) . Des germes, car les impressions (ou doubles) sont des « virtualités » (,sakti). De même que la connaissance visuelle s'est imprimée sur 1 Âlaya, de même l'impression qu'elle a créée, quand le temps sera venu, quand les conditions requises seront présentes, fera surgir une connaissance visuelle semblable à la première. L'école compare ce processus à celui du parfumage. Le grain de sésame est parfum é par la fleur ; il garde le parfum quand la fleur a séché ; à son tour il parfume. Un meilleur exemple est le phonogra phe où les sons sont conservés; pour produire des sons, sous une forme non sonore : la pensee en acte^ bonne ou mauvaise, accompagnée de plaisir ou de peine, crée le germe d 'u n pensée pareille; ce germe est une certaine représentation, vue par l'Âlaya, qui n 'est ni bonne, ni mauvaise, ni accompagnée de plaisir, ni accompagnée de peine, qui est non-définie (avyâkrta) au point de vue moral, qui ne pro duit dans l' laya que la sensation neutre d'indifférence. On a la chaîne: 1. connaissance visuelle, claire et consciente: « J e vois du bleu», cause simultanée de 2. connaissance par l ’Ālaya de l ’impression ou trace créée par la connaissance visuelle. Cette seconde connaissance se continue, c ’est-à-dire se répète un nombre indétermi né de fois, ju sq u ’au moment où, lorsque les conditions sont réunies à cette fin, elle détermine, en qualité de cause simultanée, la naissan ce de 3. connaissance visuelle, partie-vision et partie-image. 3. A la différence des autres connaissances qui disent « Ceci », «Ceci et cela», l ’Âlaya connaît d ’une manière subtile, d ’une ma nière imperceptible. Nos psychologues nous ont trop parlé des opé rations « subliminales » pour que, avec les Sautrântikas et les Vaibhâsikas, nous fassions un crime à l ’Ecole de poser «une connais sance dont l ’aspect (ãkãra, mode de connaître) et l ’objet sont incon scients » (asamvidita; chinois: «difficiles à connaître», traduction qui réduit, à l ’infini si on veut, la conscience, mais ne la supprime pas) \ 4. Tout Âlaya est « muni de tous les germes » (sarvabîjaka). C ’est un fleuve sans coupure qui charrie tous les germes créés par les expériences (vyavahâra) ou « discours » (abhilâpa) du passé, tous les germes qui m ûriront en les expériences ou « discours» de l ’avenir. Les germes sont de toute sorte: les germes de la partie-vision et de la partie-image des connaissances (donc, avec les germes de la pensée en tant que « voyante », ceux qui produisent les apparences des choses matérielles : germes de pensée et germes de matière) ; les germes issus des multiples modalités de la pensée (caittas ou «m entaux»), sensation, conceptions, volitions, y compris les germes des conceptions fausses que produisent les conceptions fausses, idée de « je » et de « tu » ; germes de bonne pensée, de mauvaise pensée, etc. 1 On verra Siddlii, 142, combien faible est la réponse de l ’École aux critiques du P etit Véhicule; c ’est une réponse ad hominem: «V ous aussi vous admettez des connaissances inconscientes ». — Siddhi, 124-131, établit que toute connais sance (vijñāna) a trois « parties » : 1. image bleue ; 2. vision du bleu ; mais, si cette vision n ’est pas consciente, comment peut-on dire qu’elle voit? donc 3. conscience (sam vitti) q u ’on voit le bleu (savoir que je vois le bleu). — Comment l ’Âlaya, si son «mode de connaître » et son « o b je t» sont asam viditar peut-il comporter la troisième « partie » ? A quelque moment q u ’on considère un Âlaya quelconque, à moins que cet Âlaya soit partiellement ou totalement purifié par le savoir bouddhique, il contient toutes les impressions créées au cours des existences anciennes. E t chacun de nous a traversé, dans le long chemin de la transm igration sans commencement, tous les modes d ’existence : vies de damné, d ’homme, de dieu conscient ou inconscient. Mais tous les germes créés par ces expériences ne mûrissent pas en même temps! Beaucoup resteront, pour longtemps, à l ’état de germe (vāsanāvasthã, bhãvanāvasthã, śaktyovasthā) . Un petit nombre passe, en pe loton si on peut dire, à l ’état de m aturité (vipākāvasthā) , c ’est-àdire produit les connaissances, les expériences de la vie actuelle. Pour l ’instant, parm i les diverses et innombrables virtualités que contient mon Âlaya, celles-là seules passent de puissance en acte qui produisent les « connaissances » convenant à un homme. — Je me vois avec un corps humain ; je vois le monde des hommes, soleil, montagnes, et dans ce monde les êtres vivants du monde des hommes. J ’éprouve des sensations humaines. Les racines du bien et du mal sont actives : je suis capable de bonnes et de mauvaises actions .... — En un mot mon Âlaya, ce fleuve sans coupure qui charrie toutes les impressionsgermes d ’un long passé, est entré dans une période, dans une destinée humaine. Comment s ’explique l ’activité actuelle d ’une certaine catégorie des germes de l ’Âlaya? a. Parm i les germes il faut distinguer ceux qui sont créés par l ’acte (karmavāsanã, parfumage par l ’acte). Comme la perception, comme la sensation, l ’acte bon ou mauvais (c’est-à-dire la pensée bonne ou mau vaise) est un discours mental (abhilâpa), mais un discours mental d ’une énergie particulière. Le pareil crée le pareil comme « condition (pratyaya) en qualité de cause (hetu) ». La sensation, agréable ou pénible, laisse une impres sion, crée un germe qui fructifie en sensation agréable ou pénible. L ’acte crée de même, par l ’intermédiaire d ’un germe, un nouvel acte (Comparez ce que les moralistes de chez nous appellent habitus), Mais Pacte agit encore comme « condition en qualité de souverain (adhipati) » ; de ce chef il produit un fru it de rétribution (vipâkaphala). Le non-pareil produit le non-pareil: Pacte (qui est qualifié moralement, bon ou mauvais) fait surgir la sensation (qui est « nondéfinie »). Ce n'est pas que Pacte crée la sensation: celle-ci est créée par sa cause (hetu) laquelle est une sensation. Mais, par sa «force souve raine » (adhipati), il fait passer de puissance en acte, parmi les innombrables germes de sensation de PÂlaya, le germe d'une cer taine sensation, de la sensation qui lui convient comme rétribution (Acte bon: sensation agréable...). b. Pour comprendre la théorie « asangienne » des « destinées » successives de PÂlaya, il fau t rappeler la théorie « âbhidhârmique » de la rétribution de Pacte, laquelle lui a servi de patron. Tous les actes ne possèdent pas la même puissance. Quelques-uns, en principe les actes graves, sont « projectifs » (dksepakà) : ils projettent une existence ou destinée ( g a ti ) ; ils font que le défunt, pour un temps déter miné, renaisse homme, dieu ou damné. D'autres actes sont nommés « com plémentaires » (p aripü ra k a ) ; ils complètent en effet ou qualifient l'existence humaine, divine, infernale, qui résulte de l'acte projectif. Un acte projectif fait qu'un être renaisse homme; les actes complémentaires font que cet homme soit de bonne santé, noble, riche, ou bien m aladif..., qu'il éprouve telle peine ou tel plaisir, qu'il rencontre un « ami spirituel », qu'il soit soumis à telle tentation..... Toute pareille, avec une terminologie différente, la théorie d'Asaûga (Siddhi, 192, Kośa, iii, 12). On dit que « un certain acte projette PÂlaya », que « en raison d 'un certain acte, P laya transmigre, renaît dans la sphère du désir, parmi les hommes ... ». P ar le fait, un certain acte fait que, pour un temps déterminé, l' laya actualise, parm i les germes qu'il contient, ceux qui se développent en un univers humain, en un corps humain, en une personnalité humaine .... C'est la « récompense générale ». E t des actes complémentaires, associés à Pacte projectif, font un tri pai^ni les germes qui peuvent, de leur nature, m ûrir au cours d'une vie humaine, germes de plaisir, etc. C'est la « récompense particulière ». ii La mort a lieu lorsque la force de Pacte projectif est épuisée: un autre acte projectif entre alors en activité. La série de l ’Âlaya se refait la personnalité humaine, etc., qui convient. Après avoir actualisé les germes qui donnent les expériences de la mort dans un certain lieu d Existence, l ’Âlaya actualise ceux qui don nent les expériences de la naissance et de la vie dans le même lieu ou dans un autre. S ’il n ’actualise pas les germes qui mûrissent seulement en une vie de la sphère du désir (kāmadhātu), mais continue à actua liser les germes qui produisent les apparences de couleur-son-tangible, on dit q u ’il Tenait dans la sphère de la matière (rüpadhâtu). Si les germes de couleur-son-tangible restent à l ’état de germe, si les seuls germes de pensée passent à l ’état de m aturité, on dit q u ’il renaît dans la sphère de la non-matière (ārüpyadhātu). C ’est ainsi que l ’Alaya « transm igre ». « Fleuve sans coupure », son cours est partagé en biefs successifs — les « existences » ou « vies » où il prend comme un niveau différent. Ou mieux, pour adapter la mé taphore de nos auteurs, ce fleuve va charriant toujours dans ses pro fondeurs une masse toujours infinim ent diverse de potentialités, tandis que, à sa surface, à p a rtir de certains moments, flotte telle ou telle catégorie d ’actualisations. Le système d ’Asanga, tel que le font connaître les définitions qui précèdent, est cohérent. Tout être vivant (sattva) est essentiellement un Âlaya, quasi-sub stance par sa continuité et son homogénéité, sorte d ’âme dont les opérations restent subconscientes. L ’Âlaya est le support de «con naissances» (vijñãna) qui forment des séries parfois interrompues, telles les « facultés » de notre psychologie : une intelligence (manovijñãna) ou « connaissance mentale », conception, réflexion, imagina tion, jugement, décision; de puissances de perception (connaissances visuelles, etc.) qui s ’appuient sur l ’Âlaya et sur l ’intelligence, et pourvoient pour leur p art au jeu de l ’intelligence. L ’Alaya est un enregistreur et un reproducteur: il est « p a rfu me » par toutes les connaissances et tops lçs connus ; il les enregistre et, au temps voulu, les reproduit, Tout ceci est p u r « idéalisme ». La matière (rüpa) est exclue. Ce qui apparaît à la pensée «comme extérieur» (iāhyavãt), c ’est la pensée même. E t le jeu de la pensée et de son support (Âlaya) n ’a pas besoin d ’une matière, d ’un univers ou d ’un corps. b. L ’Âlaya et la matière. Nos textes cependant parlent de l ’univers et du corps. On verra que, en ce qui concerne le corps, plusieurs maîtres abandonnent ou paraissent abandonner les positions de l ’idéalisme. i. Un homme voit, ou croit voir, deux lunes. L ’idéaliste admet que la pensée seule existe, que l ’objet, supposé extérieur, n ’est que la partie-image de la pensée. Pour lui, la connaissance de deux lunes sera aussi vraie que la connaissance d ’une lune? Non: elle est fausse. Le monde extérieur, l ’univers des hommes ne contient q u ’une lune que voient tous les hommes normaux. — Comment l ’idéaliste peut-il poser un réel monde extérieur auquel correspond la connaissance vraie? Comment peut-il distinguer la vision normale, l ’illusion opti que, le rêve, l ’hallucination? Parce que l ’Âlaya n ’épuise pas ses opérations en recevant les im pressions, en gardant les impressions-germes ju sq u ’au moment où, mûris, les germes éclosent en dehors de lui sous la forme de connais sances conscientes, visuelle, etc. Encore il m ûrit en lui-même bon nombre des germes q u ’il contient; il les développe en images q u ’il perçoit. Ainsi en va-t-il pour les germes du monde extérieur (bhâjanaloka). L ’Âlaya connaît le monde extérieur développé en lui-même. Ceci posé, on doit dire que l ’objet de ma connaissance visuelle d ’une lune est double: 1. objet immédiat, à savoir l ’image intégrée à la connaissance visuelle, qui n ’existe qu ’au moment de cette connais sance dont elle est une partie; 2. objet lointain, à savoir une image développée d ’une manière permanente dans mon Âlaya et qui est « l ’archétype » (Siddhi, 445 et passim) de l ’objet immédiat. Dévelop pée dans mon Âlaya et dans tous les Âlayas de tous les êtres vivants, hommes et animaux, de cet univers : d ’où il suit que la connaissance d ’une lune est commune et vraie. Au contraire la fausse connaissance de deux lunes est individuelle et accidentelle. Elle a un objet immédiat qui est sa partie-image. Mais elle n ’a pas d ’objet lointain, car l ’Âlaya ne se développe pas en l ’image de deux lunes. Certes il contient le germe de cette connais sance, et c ’est grâce à lui q u ’elle naît; mais il ne développe pas ce germe en lui-même car ce germe a été créé en lui par une fausse conception (ordre du manas ou intellect), non par une expérience sensible (ordre de la connaissance visuelle). Il s ’ensuit que l ’Alaya ne fournit pas un objet lointain à la connaissance de deux lunes. Ce point de doctrine est résumé dans la formule : « L ’Alaya se déve loppe en monde réceptacle ». Ce développement est la « condition souveraine (adhipatipratyaya) » et l ’objet lointain des connaissances sensibles et intellectuelles qui portent sur les choses extérieures. F aut-il dire que ce développement, ces images des choses extérieures intégrées à l ’Âlaya, ne sont pas à p a rt de l ’Âlaya, ne sont pas exté rieures à la pensée? Cela est si vrai que le monde extérieur varie d ’après la catégorie des Âlayas: les Âlayas des êtres infernaux ne contiennent pas l ’idée de lune; ceux des prêtas l ’idée d ’eau: le nom même d ’eau a péri pour les prêtas. Dans le monde-réceptacle ou extérieur il faut comprendre les mon tagnes, etc., le corps d ’autrui, les parties de notre corps qui ne sont pas vivantes (cheveux, etc.), en un mot toute la matière (rüpa) en dehors de celle dont il va être question. ii. L ’Abhidharma, fidèle à l ’enseignement du Canon, explique les « cinq connaissances » (connaissance visuelle ... connaissance tactile) par le jeu de cinq paires d ’āyatanas, « sources de la connaissance », d ’une p art cinq âyatanas externes, les objets (visaya) (couleur ... tan gible), d ’autre p a rt cinq âyatanas internes, les organes (indriya) (organe de l ’œil ou organe visuel... organe du corps ou organe du tact). L ’organe est une matière subtile (invisible... intangible) dont l ’existence est prouvée par le raisonnement. Cette matière sub tile ne peut tenir sans la matière grossière qui constitue son« siège » (adhisthâna: œil visible ...) et qui est le corps. On a donc « le corps muni d ’organes » (sendriyaka kdya) , le corps organique : la matière sensorielle avec la matière grossière qui en est inséparable, Le « corps organique » est le support (âsraya) de la connaissance ; mais c ’est par la vertu de la connaissance q u ’il est organique. La connaissance « assume » (upādaáāti), « fait sien » (svïkaroti) le corps: le corps est «sensible», «vivant» {sacetana, sajîva), aussi longtemps qu ’il est « assumé » (upãtta, upâdinna) par la connais sance. La connaissance (vijñāna) descend dans la matrice, s ’y joint aux éléments de la génération et les organise en embryon, vivifie le corps qu ’elle a fait sien, m aintient la chaleur du corps, abandonne le corps au froid lorsqu’elle se retire progressivement à la mort. D ’après les Sautrântikas, cette connaissance est la série mentale. Que fera de cette théorie l ’école d ’Asańga? Ses représentants les mieux qualifiés enseignent deux doctrines opposées. a. D ’après Yasubandhu (Vingtaine, 9) et Nanda, ce q u ’on nomme «organe» n ’est pas plus matériel que ce q u ’on nomme «objet». L ’Alaya contient le germe de la partie-image des connaissances: cette partie-image est l ’objet, la source dite externe (bāhyāyatana) des connaissances, parce que la partie-vision des connaissances la conçoit, a tort, comme extérieure. L ’Âlaya contient le germe de la partievision des connaissances: ce germe est ce que l ’Écriture désigne sous le nom d ’organe, la source interne (ãdhyãtmikãyatana) des connais sances, car il est en effet la cause de la partie-vision des connaissances (Siddhi, 231). &. Mais l ’école d ’Asańga, dans l ’ensemble, Vasubandhu (Trentaine), Dharmapâla, Hiuan-tsang, diffère. D ’après ces maîtres l ’Âlaya contient, outre le germe de la partievision de la connaissance sensible, un germe qui évolue en matière, qui produit l ’organe. Résumons leur théorie. — L ’Âlaya contient les germes des organes et du corps (sendriyaka kâya). Lorsqu’il renaît dans un ciel de la non-matière ( rûpya), l ’Âlaya ne se développe pas en cette matière somato-sensorielle: celle-ci reste à l ’état de germe (vāsanāvasthã), ue passe pas à l ’état de la m aturité (vipākāvasthã) , ne s ’actualise pas. Mais lorsque l ’Âlaya renaît dans une des deux sphères inférieures (Kâma et Rûpa), il m ûrit les germes, il se développe en matière somato-sensorielle et assume (īipādadāti) cette matière, il la fait sienne (svïkaroti) : elle sera, pour la durée d ’une vie, son support et son h a b ita t1. E n un mot, pour l ’école d ’Asańga, les opérations que les Sautrântikas attribuent à la série mentale appartiennent à l ’Âlaya. iii. Que l ’Âlaya développe en lui-même des simulacres de l ’univers qui sont l ’archétype de la partie-image des connaissances sensibles, qui sont l ’objet lointain de la connaissance sensible (la partie-image de cette connaissance étant son objet proche) ; que l ’on puisse ainsi expliquer la différence entre la connaissance d ’une lune et la con naissance de deux lunes, rien ici qui ne soit compatible avec la doctrine idéaliste. Certains germes de l’Âlaya produisent la partie prenante ou partievision des connaissances sensibles ; d’autres la partie prise ou partieimage- La partie prenante est toute spirituelle en sa nature et en son aspect; ses germes sont les germes des quatre derniers skandhas dits imma tériels (arüpin) : germes des sensations, etc. (ved a n ā b īja , sa m jñ ā b lja ...). La partie prise est spirituelle en sa nature, n’étant qu’une image intérieure, l’idée de bleu ou la notion de b leu ... Mais elle est matérielle par son aspect, car Fidée de bleu apparaît comme du bleu. Les germes de la partie prise sont donc les germes du premier skandha , des rū p a b īja s ou « germes de matière. Le problème des organes, de la matière «assumée» par l ’Âlaya, est très différent. La matière sensorielle n ’est pas, comme la matière du monde exté rieur, une notion de matière sans plus, une idée q u ’on perçoit comme si elle était matière. La matière sensorielle n ’entre pas dans la partieimage des connaissances sensibles. Elle est une chose que l ’Âlaya, après l ’avoir développée, assume et anime, et qui devient le support nécessaire de la connaissance sensible (à côté du germe de la partie-vision, lequel p araît à Nanda très suffisant). 1 upāãāna, the act of taking for one ’s self, appropriating to one 's self (MonierWilliams); «assum er», prendre sur soi ou pour soi (Littré). Que cette chose ne soit que « Rien que pensée », que Dharmapâla et Hiuan-tsang aient de bonnes raisons pour condamner Nanda et assez d ’adresse pour expliquer « idéalistiquement » le vers de Vasubandhu sur le «développement de l ’Âlaya en matière sensorielle», nous le croirons. Il reste que la doctrine d ’un Âlaya qui assume un corps et des or ganes est visiblement étrangère à l ’idéalisme. E t ceci jette quelque lumière sur l ’histoire du Vijñānavāda et de l ’école d ’Asańga. a. Cette doctrine de l ’Âlaya est seulement du Sautrântika perfec tionné. L ’Âlaya est une quasi-substance mieux aménagée que la série mentale Sautrântika pour porter les virtualités, prendre un corps et l ’animer. La théorie Sautrântika des Mjas, de la transformation subtile de la série, postule, amène l ’Âlaya. Il est très probable que l ’Alaya n ’avait au début aucun lien avec les thèses idéalistes. De même la primitive doctrine du « Rien que pensée » ignore 1’Alaya (Daśabhūmaka). Il y aura, après Asanga, des doctrines idéa listes qui se passeront de l ’Âlaya ou ne s ’en préoccuperont pas (Dignâga). Cependant les deux doctrines présentent d ’étroites affinités. L ’idéa liste, pour expliquer la vie psychologique, doit donner à la série mentale (du Sautrântika) la consistance et les puissances d ’enregis trement et de reproduction d ’un Âlaya, «intellect-réceptacle». Le Sautrântika, une fois l ’Âlaya posé, n ’a plus besoin de matière. b. Vasubandhu (Vingtaine) adopte le « Rien que pensée » résolu ment. Il dit que les organes ne sont que des virtualités ou des germes (sakti, bîja) de l ’Âlaya. Nanda le suit à la lettre. c. Mais l ’ensemble de l ’Ecole aboutit à une conception hybride. Elle proclame le « Rien que pensée » ; mais elle attribue à l ’Âlaya des développements matériels, la création et la « prise » d ’un corps nécessaire à la connaissance sensible. Sans doute parce que, de l ’avis de ses subtils docteurs, cette doctrine de l ’Âlaya, étrangère d ’origine a l ’idéalisme, peut être introduite sans profondes retouches dans un système idéaliste.1 Asaùga conserve à l ’Âlaya le caractère individuel qui en fait le remplaçant de la série Sautrântika. Son Âlaya est individuel: tout être est un Âlaya; il y a autant d ’Âlayas q u ’il y a d ’êtres. Cependant il semble bien que, dès une époque notablement antérieure à celle d ’Asaùga, des philosophes avaient conçu l ’Âlaya comme le grand et unique réceptacle des noms et des formes. Il est un océan où le vent des actes soulève les vagues qui sont les êtres individualisés et les pensées. Ce n ’est pas que l ’école à laquelle Asaùga se rattache soit demeurée étrangère à la spéculation de tendance moniste, mais elle ne met pas l ’Unité dans l ’Âlaya. L ’Unité, la tathatâ, est sous-jacente aux Âlayas; elle est la vraie nature de toutes les pensées, l ’Âlaya compris; elle est le « Rien que pensée » ou « Pensée sans plus » (cittamâtra). La doctrine du « Rien que pensée » fu t d ’abord, croyons-nous, simple idéalisme, négation de la matière (rupd). Mais l ’Ecole per fectionne cette doctrine. — La pensée, comme nous avons vu, se développe en deux parties, partie prenante (ou partie-vision) et partie prise (ou partie-image) ; elle se pose en dualité : sujet et objet. Peut-on dire qu ’il y ait « Rien que pensée » là où il y a dualité ? Non, car là où il y a un connaissant et un connu il y a un intérieur et un extérieur. La nature de la « pensée en dualité » est transcendante à la « pensée en dualité » ; la nature des choses (dharmatâ) — et toutes les choses sont des pensées — est transcendante aux choses (dharma). Les m aîtres se demanderont si le développement de la « pensée sans plus » en sujet et en objet est réel ou irréel, et, sur ce point, diver geront. Les premiers croient à l ’existence réelle des pensées (et des choses), existence réelle mais provisoire parce que leur nature trans cendante seule est stable et identique. Les seconds donnent la main aux stricts adeptes du Vedânta, car, pour eux, les pensées ne sont, en fait comme en métaphysique, que la pensée transcendante à la dualité. L’Ālayavijñana (Le Réceptacle) dans le Mahāyānasamgraha (Chapitre II)Asańga et ses commentateurs. par E t ie n n e L am otte. A v a nt P ro po s 1. Pour Tétude du Samgraha d’Asańga, nous disposons de quatre tra ductions chinoises et d’une traduction tibétaine: 1. trad. en 2 chap. de Buddhaśānta des Wei septentrionaux [531] (Taishô, n° 1592) ; 2. trad. en 3 chap. de Paramartha des Tch’en [563-565] (Taishô, n° 1593) ; 3. trad. en 10 chap. de Dharmagupta (voir ci-dessous) ; 4. trad. en 3 chap. de Hiuantsang des T’ang [648-649], intitulée Chô ta tch’eng louen pen (Taishô, n° 1594) ; 5. trad. des panditas Jinamitra et Śīlendrabodhi, et du Lotsava Ban de Ye-çes-sde (Yandya Jñānasena), intitulée Theg p a chen p o bsdus pa (Bstan hgyur, Mdo 56, foll. 1-51, Cordier, p. 382). Ces cinq traductions ont été éditées par Susumu Yamaguchi (1930), la version tibétaine étant corrigée à l’occasion d’après les traductions chinoises et tibétaines du Bhâsya et de l ’Upanibandhana. Pour l’étude du Mahāyānasamgrahabhāsya de Vasubandhu, nous dispo sons de trois traductions chinoises et d’une traduction tibétaine: 1. trad. en 15 chap. de Paramartha des Tch’en [563-565] (Taishô n° 1595) ; 2. trad. en 10 chap. de Dharmagupta des Souei [605-616] (Taishô n° 1596) ; 3. trad. en 10 chap. de Hiuan-tsang [648-649] (Taishô n° 1597) ; 4. trad. du Mkhan-po Dīpamkaraśrījñāna et du Lotsava Dge-sloń Tshul-khrims-rgyalba (Bhiksu Jayaśīla), intitulée Theg p a chen po bsdus pa h i hgrel pa (Bstan-hgyur, Mdo 56, foll. 141-232). Pour l’étude du M ahāyānasam grahopanibandhana d’Asvabhāva (?), nous disposons d’une traduction chinoise et d’une traduction tibétaine: 1. trad. en 10 chap. de Hiuan-tsang [648-649] (Taishô, n° 1598) ; 2. trad. des Mkhan-po Jinamitra et Śīlendrabodhi et de Zhu chen gyi Lotsava Ye-çessde (Vandya Jñānasena), intitulée Theg pa chen po bsdus bçad sbyor (Bstan hgyur, Mdo 56, foll. 232-396). 2. On trouvera ici une traduction du chapitre II du traité et de ses com mentaires, chapitre intitulé J ñeyãśraya, « point d’appui du connaissable », et qui traite de l’Ālayavijñāna. Notre traduction est faite sur la version chinoise de Hiuan-tsang. Les variantes du tibétain, quand elles importent, sont indiquées en note. Au début de chaque paragraphe, nous renvoyons au vol. XXX du Taishô, dont nous indiquons la page, la colonne et la ligne, et au Bstan-hgyur, Mdo 56, dont nous indiquons le folio (a signifiant recto, * verso) et la ligne. Souvent, l’ordre suivi dans les versions tibétaines n ’est pas celui des versions chinoises; en ce cas, nos références multipliées per mettront au lecteur de rétablir l’ordre du texte tibétain sur celui du chinois. 3. Le second chapitre du Samgraha contient quatre parties: 1. noms et synonymes de connaissance-réceptacle; 2. caractères de la connaissanceréceptacle; 3. démonstration de la connaissance-réceptacle; 4. sortes de connaissances-réceptacles. — Les deux premières parties sont publiées ici; les deux dernières paraîtront dans le prochain volume des « Mélanges chinois et bouddhiques » \ Mon maître et ami M. L. de La Vallée Poussin a lu avec moi les passa ges les plus difficiles du texte; il a revu les épreuves. M. P. Demiéville a bien voulu contrôler mon travail. Qu’ils veuillent bien croire à ma profonde gratitude. 1 Voici les principales abréviations employées: M. S. : Mahāyānasamgraha. M. S. B. M. S. JBhâçya M. S. U. : M. S. Upanibandhana. M. V.: Mahavyutpatti. K o ś a : Abhidharmakośa de Vasubandhu, traduit et annoté par L. de La Vallée Poussin, Paris, Geuthner, 1923-1931. S id d h i: Vijñaptimātratãsiddhi. La Siddhi de Hiuan-tsang traduite et anno tée par L. de La Vallée Poussin, Paris, Geuthner, 1928-1929. Sthiramati, T rentaine: Commentaire de Sthiramati sur la Trimśikã, éd. par S. Lévi, Vijñaptim ātratãsiddhij Paris, Champion, 1925. Matériaux: M atériaux pour Vétude du systèm e V ijñaptim ãtra par S. Lévi, Paris, Champion, 1932. I* Partie: Noms et synonymes de connaissance-réceptacle. $ 1. Point d'appui du connaissable. — J 2. Connaissance-réceptacle, 1. source scripturaire ; 2. raison de ce nom. — $ 3. Connaissance appropriatrice, 1. source scripturaire; 2. raison de ce nom. — $ 4 . Pensée, 1. source scripturaire; 2. défi nition du Manas; 3. démonstration de l'existence du Manas; 4. la connaissanceréceptacle désignée par le mot pensée; 5. raison de ce nom. — $ 5 . Raison du silence gardé par les Śrāvaka sur la connaissance-réceptacle. — $ 6. Synonymes de connaissance-réceptacle chez les Śrāvaka. — $ 7. Le chemin royal. — J 8. Criti que des fausses interprétations de texte. $ 1. — Point d’appui du connaissable. Samgraha (324,1,15-20 ; 3b 4-6). Ici (atra), tout au début (prathamata eva)1, on dit que le point d ’appui du connaissable (jñeyāśraya)2 est la connaissance-récep tacle (ãlayavijñāna) . Où Bhagavat a-t-il parlé de connaissance-ré ceptacle, et pourquoi l ’a-t-il appelée ainsi? Bhagavat, dans une stance (gãthā) de l ’Abhidharm am ahāyānasūtra,' a dit : « C ’est l ’élément qui n ’a pas eu de commencement ; c ’est le point d ’appui commun de toutes les choses. Cette [connaissance] étant donnée, [existe] toute destinée et accès au N irvana8 ». Bhâsya (324, 1, 21-2, 5; 147D5-8). Ici l ’auteur établit que la connaissance-réceptacle est vraiment, de sa nature (svabhâvatas), une connaissance-réceptacle. L’Âgama, Bhagavat, dans 1 kun gzhi rnam par çes pa ni çes byahi gnas su bstan to. 9 Siddhi, p. 166. Le huitième Vijñāna reçoit différents noms d'après la variété des points de vue: jñeyāśraya, parce que le huitième Vijñāna supporte les Dharma, objets de connaissance (jñ eya), souillés ou purs. — N otation de tré fonds (Matériaux, p. 127): «O n l'appelle aussi jneyãśraya, parce qu'il peut constituer un Récipient, un appui pour toutes les Essences connaissables, tant passionnées que pures ». * Stance citée Siddhi, p. 169; Sthiramati, Trentaine, p. 37; anādilcãlilco ãhātuh sarvaãharmasamãśrayah tasmin sati gatih sarvā nirvānāãhigamo *pi ca. 1’Abhidharmamahāyānasūtra prêché au début, a prononcé la stance cidessus : « C’est l’élément », la cause (h etu ), qui est le point d’appui commun de toutes les choses. On sait que le monde (loka) appelle « élément» (ãhātu) les minerais d’or, etc. Parce que cette [connaissance] est cause, elle est la cause point d ’appui commun de toutes les choses. Sa nature est d’être un point d’appui. <( Cette connaissance étant donnée » : puisqu’il y a un point d’appui commun de toutes les choses ; « existe toute destinée » : toutes les destinées du Sam sâra ; « destinée », c’est-à-dire fruit de rétribution (vip â k a p h a la ) \ En raison de ce fruit, il y a des catégories de sots (m üdha, bala) et de muets (m üka), des êtres capables de comprendre la Loi bien ou mal prêchée (subhāsitāsubhāsitadharm a) , des êtres qui réalisent les obtentions (adhigama) suprêmes. Cette connaissance est aussi le point d’appui des passions (k leśãśraya ) ; c’est à cause d’elle qu’il y a des passions violentes (tīvrakleśa) et chro niques *. O b je c tio n : Puisqu’elle est le point d ’appui des quatre sortes de rétri bution (v ip â k a ), elle n’a pas de puissance (êa kti )? Réponse: Au contraire, il faut savoir qu’elle est munie d’une puissance*. Ce ne sont pas seulement les destinées qui existent à cause d’elle, car c’est grâce à elle qu’il y a accès au Nirvana : il faut qu’il y ait des souillures pour qu’on ait accès au Nirvana. U panibandhana (381, 1, 5-16; 238b 8-239“ 6). L’auteur cite l ’Âgama et prouve que la connaissance-réceptacle s’appelle point d’appui du connaissable. « C’est l’élément qui n’a pas eu de commencement » : parce qu’il n’a pas de terme initial (p ü rv a k o ty a b h ā v ā t) . « Élément », c’est-à-dire cause (hetu) 1 Sur vipâkaphala, Koêa, II, 287, 290. * Koêa, IV, p. 202 : « La passion est de deux sortes, chronique et violente la passion chronique est la passion continuelle, la passion violente est la passion forte (adhimâtra). La passion chronique constitue obstacle... La passion qui surgit de temps en temps, son élan fût-il terrible, peut être vaincue, mais non pas la passion continuelle, même languissante ». * M. S. B., Cliap. II, Part. II, § 1, chin. 327, 3, 12. « Le caractère propre (svalakçana) de la connaissance-réceptacle est une puissance spéciale (êaktiviéeça,) conditionnée par les imprégnations de toutes les choses souillées (sāmkleśikaãharma), et qui consiste à pouvoir produire ces choses ». ou germe (b ïja ). De quoi est-il la cause? De toutes les choses (dharm a ), mais seulement des choses souillées {sâm kleêika) , et non des choses pures (vaiyavadân ika) . C'est pourquoi, il sera dit ci-dessous (adhas ) 1 que le point d’appui parfumé par l'enseignement (bahuśrutabhāvitāśraya) n'est pas com pris (sam grh îta ) dans la connaissance-réceptacle; à l'instar de la connais sance-réceptacle, il devient un germe, compris dans la réflexion exacte (yo n iêomanasikâra) ; produit pareil au texte {dharm a), pareil au sens, etc.2. Cette connaissance-réceptacle est le « point d'appui, commun de toutes les choses », en tant que support (rten = n i ê r a y a ) et non en tant que cause ( h e t u ) . « Support » { n i ê r a y a ) est synonyme de point d'appui (â ê r a y a ), mais « cause » { h e t u ) ne l'est point. En effet, « ce sur quoi on s'appuie » { â ê r a y a ) et « ce qui s'appuie » { â ê r i t a ) sont deux choses distinctes. Autrement { a n y a t r a ) , [si les mots «cause» et «point d'appui» étaient synonymes], l'auteur n'aurait pas employé le mot « point d'appui » après celui d'« élé ment » a. « Cette connaissance étant donnée, existe toute destinée et accès au Nir vana » ; comme le chapitre de la démonstration ( n i r n a y a s t h â n a ) 4, l'expliquera en détail (v i s t a r e n a ), si la connaissance-réceptacle n'existait pas, les souil lures de naissance { j â t i s a m k l e ê a ) , etc., ne se trouveraient point chez les damnés ( n â r a k a ) , etc. L'absolue cessation { a t y a n t a n i v r t t i ) des souillures 1 M. S., Chap. II, Part. III, 5e sect., $ 2, 2; chin. 333, 3, 27:, « Jusqu'à l'ob tention de l'illumination (bodhi) des Bouddhas, cette imprégnation d'enseigne ment {érutavāsanā), résidant dans n'importe quel lieu d'actualisation (pravrttisthâna) qui lui sert de point d'appui {âêraya), réside dans la connaissance-rétri bution {vipãkavijñāna), s'unit à elle et «'actualise en même temps qu'elle {saha pravartate), à l'instar de l'eau et du lait. Toutefois, elle n'est pas la connais sance-réceptacle, car elle est le germe du contrecarrant (pratipaksa) de cette der nière ». Passage obscur, que nous ne nous flattons pas d'avoir bien traduit, et qu éclaircira l 'étude de la érutavāsanã. — Comp. Tib. : hdi ltar hog nas mań du thos pas bsgos pahi gnas kun gzhi rnam par çes pas bsdus pa ma yin la kun gzhi rnam par çes pa ltar tshül bzhin yid la byed pas bsdus pahi chos rnams hyi sa bon gaù yin paho zhes hbyuń ńo: èrutavāsitāérayam ālayavijñānãsamgrhītam ālayavijñānavaã yonièomanasiTcārasamgrhītaãharmãnārn yad bîjam . Pour Asvabhâva, comme pour la Siddhi, p. 169, la connaissance-réceptacle se Présente sous un double aspect: comme cause (hetu), c'est l'élément sans com mencement et la cause des choses souillées; comme condition (pratyaya), c'est le point d'appui commun de toutes les choses, souillées et pures. L expression nirnayasthâna désigne soit le second chapitre du Yogacaryabhumiśāstra: Nirnayasamgraha, Taishō, t. X X X , p. 579; Rnam par gtan la dbab Par bsdu ba; Mdo 52 et 53,1, soit la I lle Partie de ce Chap. II du M. S. d'existence et de naissance (b h a vā d ijā tyã d isa m k leśà ) , voilà ce qu'on appelle Nirvana \ Sans la connaissance-réceptacle, on n ’y aurait pas accès. $ 2. — Connaissance-réceptacle. 1. Source scripturaire. Samgraha (324, 2, 6-8; 3b 6). Dans ce même Sûtra, il y a une autre stance2: « La connais sance qui, étant munie de tous les germes (sarvabtjaka), gîte (che W ang 64 et 18; 140 et 14 = sbyor ba = ālīyate) dans toutes les choses: on la nomme réceptacle (alaya). Je l'ai révélée aux bons». Bhâsya (324, 2, 9-12; 147b 8-148* 1). L’Âgama cité plus haut a établi que la connaissance-réceptacle est le point d’appui du connaissable; l ’auteur cite encore l’Âgama pour prouver que la connaissance-réceptacle est appelée connaissance-réceptacle. Dans cette stance, le premier membre (prath am am padam ) est expliqué (v y u t panna) par le second. « Aux bons », c’est-à-dire à l’assemblée des Bodhisattva. Upanibandhana (383, 1, 20-28; 239* 6-7 et 239b 6-240* 1). L'auteur cite encore la parole du Bouddha (cheng y e n eouo chouo = zhal nas gsuńs pa = kanthokta. M. Y. 1430), pour prouver que la connais sance-réceptacle porte le nom de réceptacle. « Elle gîte dans toutes les choses », soit en qualité de parfumé (b h āvya, v â sy a ), soit en qualité de par fumant (bhāvaka, vâsaka). Ce n’est pas à la façon dont les éléments évolués (v y a k ta ), Mahat etc., gîtent dans la matière initiale (tsoei cheng 73 et 8; 19 et 10 = gtso bo = pradh ân a) que la connaissance-réceptacle gîte dans toutes les choses3. Pour souligner la différence, l’auteur appelle [cette 1 La ponctuation du chin. est défectueuse: il faut placer un point après 1© pou te p. 383, col. 1, ligne 15. — Comp. tib. : srid pa la sogs pa daù skye ba la sogs pahi ñon mons pa log pa ni mya nan las hdas pa ste. 3 Citée dans Siddhi, p. 172. 9 Sur la réfutation des Sâmkhya par les écoles du Grand Véhicule, voir Bodhicaryāvatãra, IX , 65-68, 127-138, M adhyamakāvatãra, p. 235, Siddhip p» 23-20. connaissance] : « une connaissance munie de tous les germes », car elle naît et périt en même temps (s a h o t p ā d a n i r o ã h a ) que les germes. Connais sance-réceptacle et connaissances-en-acte ( p r a v r t t i v i j ñ ā n a ) , étant condi tions réciproques ( a n y o n y a p r a t y a y a ) , gîtent l’une dans l’autre (p a r a s p a r a m a l i y a n t e ) \ C’est pourquoi on parle d’une connaissance-réceptacle. Telles ne sont pas [les relations] entre la matière initiale et les éléments évolués. Pour écarter les mauvais, l ’auteur ajoute: « Je l’ai révélée aux bons », o’est-à-dire aux grands Bodhisattva. C’est parce qu’ils sont capables [de cet enseignement], qu’ils s’appellent « les bons » ; c’est à eux que s’adresse cette révélation, et non pas aux mauvais. 2. Raison de ce nom. Samgraha (324, 2, 13-17; 3b 6-8). Tel est l ’Âgama8. Pourquoi cette connaissance est-elle appelée connaissance-réceptacle ? Parce que les choses souillées ( s ā m k l e ś i k a d h a r m a ) de tout ce qui naît (j d t i m a t ) gîtent en elle (a s m i n n a l l y a n t e ) en qualité de fru it ( p h a l a b h â v e n a ) , et quille-m êm e gîte dans ces choses en qualité de cause (k ã r a n a b h ā v e n a ), elle est appelée connaissance-réceptacle. Ou bien encore ( a t h a v â ) y c ’est parce que les êtres ( s a t t v a ) gîtent en cette connaissance comme en leur moi ( s v â t m a n i ) , q u ille est appelée connaissance-réceptacle8. 1 Sur leur causalité réciproque, voir M. S., Chap. II, Part. II, $ 7, 2; chin. 330, 2, 7-10; M adhyāntavībhãga (éd. Vidhushekhara-Tucci), Part. I, p. 28; Yamaguchi, p. 34; Y o g a c a r y ã b h ū m i é ā s t r a , Taishō, T. X X X , p. 580, c. 2, 1- 10; Siddhi, p. 107-108. % Ayam tāvaã ãgamah, conclusion du paragraphe précédent, reportee ici par erreur. * Siddhiy p. 96. « L ’Ālayavijñāna est en effet âlaya à un triple titre : 1. Il est activement âlaya, magasin, car il emmagasine les germes (B ïja), qui sont passi vement âlaya, étant emmagasinés; 2. il est passivement âlaya, en ce sens qu il est parfumé par les Dharma dits de SamTclesa. [Ces Dharma créent en lui des germes; ils font de lui un magasin et s ’emmagasinent en lui. On peut aussi ex pliquer: ils s ’approchent de lui et il est « approché » par eux] ; 3. il est l ’objet d attachement. [Le Manas s ’attache à lui comme à son Ātman], » Stiramati, Trentaine, p. 18, 1. 23 : tatra sarvasãmlcleśilcaãharmabījasthãnatvãd àlayàh . aXayah sthãnam iti paryāyau . atha vālīyante upanibaãhyante ’smin sarvaāharmãh Tcāryabhāvena . tad vālīyate upanibaãhyate Tcāranabhāvena sarvadharmeçv ity ãlayah. Bhāsya (324, 2, 18-21; 148ft 1-3). Maintenant, Fauteur explique le nom de réceptacle [appliqué] à cette connaissance. « Tout ce qui naît » : ceux qui ont une naissance (jâ ti) sont appelés : « ce qui naît » ( jâ tim a t) . « Choses souillées » : pour exclure les choses pures (vaiyavadân ika) ; « g îten t» : y sont présentes (p ra va rta n te ) . « Les êtres gîtent en cette connaissance comme en leur moi » : la prennent à tort (grhnanti) [pour leur moi]. Upanibandhana (383, 2, 4-11 ; 239a 7-239b 5) «Tout ce qui naît » : tous les conditionnés (samskrta). L’expression: « choses souillées », pour les distinguer des choses pures. Les choses pures (vaiyavadânikadharma), contrecarrées (vipaksa) par [la connaissance-ré ceptacle] qui est souillure (sāmkleśika) et magasin-trésor (kosthāgāra, koêa) des souillures (samkleêa), ne gîtent pas en elle en qualité de germes (bîja), car elles la c o n tr e c a r re n te t des choses qui s’opposent l’une à l’autre (anyonyaviruddha) ne sont pas réciproquement causes et fruits. Cela est vrai (yukta) ; néanmoins, [la connaissance-réceptacle] est le point d’appui (āśraya) des [choses pures], car là où il y a un contrecarré (vipaksa), il y a aussi un contrecarrant (pratipaksa) a. « Gîtent en elle »: allusion au support d ’imprégnation (vāsanādhāra) , car, par connaissance-réceptacle, il faut entendre non seulement l’imprégnation, mais encore le support de l’imprégnation. « Ou bien éncore, c’est parce que les êtres gîtent en cette connaissance comme en leur moi » : la considèrent à tort (parigrh n an ti) [comme leur moi]. N otation de Tréfonds (M a té ria u x , p. 125) : « L e su b s ta n tie l de c e tte N o t a tio n réu n it le s tro is s ig n if ic a tio n s du m o t « m a g a sin » : le m a g a sin , l ’em m a g a sin é, le m a g a sin ie r ; c ’est p ou rq u oi on l ’a p p elle le m a g a sin ; car elle e s t un F a cteu r-ca u sa l réciproque p ou r le s T o u te s-P a ssio n s, et ces êtres la p ren n en t (à to rt) pou r leu r prop re S o i-in tern e. » 1 C om parer le T ib . : rnam p ar b y a ń b a h i ch os rnam s n i rań b zh in g y is kun n a s ñon m ońs p a can ü on rnons p a th a m s cad k y i b an b a d ań m dsod lta bur g y u r p a [ h i] m i m th u n p a h i p h y o g s la h b ra s b u h i d ń os p or sb yor b a ma y in te . — L itté r a le m e n t: les S â m k lesik a d h a rm a ne g ît e n t p a s en q u a lité de f r u it (phalabhāvena nãlīyante) d an s leu r P ra tip a k ç a (r= la con n aissan ce-récep ta c le ), q u i e s t com m e le g ren ier e t le trésor d es K leéa q u i so n t samkliçta de leu r n a tu re. * M êm e ra iso n n em en t q u ’au p a ra g ra p h e 1 (U p a n ib a n d h a n a , n ote 3) : la con n a issa n ce-r écep ta cle e s t cau se d es ch oses so u illées m ais su p p ort d es ch oses so u il lées e t pu res. { 3 . — Connaissance appropriatrice. 1. Source scripturaire. Samgraha (324, 2, 22-27; 3b 8-4a 1). Cette connaissance est aussi appelée connaissance appropriatrice (ādãnavijñāna) . A ce sujet un âgama, le Samdhinirmocanasûtra, dit : « La connaissance appropriatrice, profonde et subtile, comme un violent courant, procède avec tous les germes. Craignant q u ’ils n ’imaginent q u ’elle est un moi, je ne l ’ai pas révélée aux sots» *. Bhâsya (324, 2, 26-325, 1, 15; 148a 3-150a 1). L’auteur cite le Samdhinirmocanasûtra; dans cet Âgama, le Bouddha déclare au Bodhisattva-mahāsattva Viśālamati2: « Viśālamati, sache que dans ce Samsâra aux six destinées (gati), tels et tels êtres (sattva) tombent dans telle et telle catégorie d’êtres. Ils viennent à l’existence (abhinirvartante) et naissent (utpadyante) dans les matrices (yoni)8 propres aux êtres nés de l’œuf (andaja), nés du chorion (jarâyuja), nés d’exsudation (samsveàaja), ou aux êtres apparitionnels (upapâdulca). Là, d’abord (prathamam), la connaissance-pensée munie de tous les germes (sarvabījakacittavijñāna), en mûrissant (vipacyamâna), augmente, prend de l’ampleur et du dévelop pement (vrddhim virüdhim vipulatām âpadyate)4: elle s’appuie sur deux 1 V ersio n tib . du S am d h in irm ocan asû tra, B k ah h gyu r, M do V , 21b 7-22* 1 ; version chin. p a r H iu a n -tsa n g , T a ish ô no 676, p. 692, 3, 22-23. S ta n ce citée dans Siddhi, p. 173 . S th ira m a ti, Trentaine , p. 34, 1. 4 ; K arm asid d h ip rak aran a, T aish ô no 1609, p. 784, 3 , 25-26 = L a s gru b p a h i rab tu b y ed p a , tib . no 253, P- 164*, 1. 7-8. ādãnavijñāna gathlrasvlcsmo ogho yathâ va rta ti sarva h ljo / hālãna eso m ayi na praTcāśi mā haiva ãtm ā pariJcalpayeyuh// * M do V , 19h 3-22* 1 ; T a ish ô n o 676, 692, 2, 8-3, 24. T ib .: sk y e g n a s su m ńon p ar h gru b ciû h b yu n bar h g y u r b a. — Sur les q u atre m a trice s: Dïgha, I I I , 2 3 0 ; M ajjhima, I , 7 3 ; Visuddhimagga, 552, 5 5 7 ; M a h â v y u t., 2 2 7 9 -2 2 8 2 , K osa , I I I , 26-28. T ib .: sa b on th a m s cad p a h i sem s rnam p a r sm in cin h ju g la r g y a s çin hphel b a dań y a ń s p a r h g y u r ro. — D ern ière exp ression à rapprocher de M a h â v y u t. 7435. appropriations (upãdãna) : premièrement, l’appropriation des organes ma tériels avec leur support (sāãhisthãnarüpīndriyopādāna) ; deuxièmement, l’appropriation des imprégnations provenant d’un développement du lan gage courant (vyavahãraprapañcavāsanopãdāna) 1 portant sur les notions (nimitta), les noms (nâman) et les idées (vikalpa). Ces deux appropriations se rencontrent ensemble dans les mondes matériels (kāma, rüpadhâtu), mais ne se trouvent pas ensemble dans le monde immatériel (ārüpyadhātu)2. Viśālamati, cette connaissance est aussi appelée connaissance appropriatrice (ā dān avijñ ãn a) . Pourquoi? Parce que cette connaissance s’adapte et s’approprie (ā d adāti ) les corps. Elle est aussi appelée connaissance-réceptacle. Pourquoi? Parce qu’elle s’approprie (u p ā d a d ā ti ) et s'intégre ces corps dans une commune sécurité et dans un risque commun (ek a y o g a k se m e n a f . Elle est aussi appelée pensée (citta). Pourquoi? Parce que cette connais sance est accumulée (âcita) et emmagasinée (upacita) par la forme (rüpa)f le son (śábda), l’odeur (gandha), la saveur (rasa), le tangible (sprastavya), etc. [324, 3, 4-8; 148a 3-148b 1] Viśālamati, avec la connaissance appropriatrice pour base et point d’ap pui (samnisritya pratisthâya), naissent les six corps de connaissance (sadvijñānakāya), à savoir: la connaissance de l ’œil (caksus), de l’oreille (érotra), du nez (ghrâna), de la langue (jihvâ), du corps (kâya) et la connaissance mentale (manovijñãna). Dès lors (atra), avec pour condition (pratyaya), l’œil muni de la connaissance (savijñānaka caksus) et la forme (-rüpa), naît la connaissance de l’œil. Alors naît la connaissance mentale imaginante (vikálpakamanovijñāna), qui existe (saha pravrtta) avec cette connaissance de l’œil, lui est simultanée (samakâla) et possède un objet identique (samavisaya). Avec, pour condition, l’oreille, le nez, la langue, le corps, munis de la connaissance, et le son, l’odeur, la saveur, le tangible, naissent les connaissances de l’oreille, du nez, de la langue et du corps. Alors, naît la connaissance mentale imaginante, qui existe avec les connaissances de l’oreil le, du nez, de la langue et du corps, leur est simultanée et possède un objet identique. 1 Sthiramati, Trentaine, p. 19, 1. 18: ta ira kãmarūpaãhãtvor āvayor nâmãrūpayor upāãānam. ãrūpyaãhãtau tu rūpam tarãgatvād rüpavipākãnabhinirvrtter nāmopādānam eva. 3 On a nimittanām avikalpavyavahāraprapañcavãsanã; nim itta, nãman et vikalpa sont trois des cinq dharmas ou vastus de Laùkâvatara et de Siddhi 537. 3 Tib. : grub pa daù bde ba gcig pahi don gyis. Même expression dans M ahâvyut. 6401 et Sthiramati, Trentam e , p. 19, 1. 17; tasya punar yad upâr dânam upagamanam ekayogakfem atvena ta d upãdih^ Viśālamati, dès qu’une connaissance visuelle commence d’exister (pravartate), aussitôt une seule (ekaiva) connaissance mentale imaginante entre en fonction, qui a le même objet que la connaissance visuelle. Dès que deux, trois, quatre ou cinq corps de connaissance (vijñānakāya) commencent d’exister, aussitôt une seule connaissance mentale imaginante entre en fonc tion, qui a le même objet que les cinq corps de connaissance. [324, 3, 8-18; 148* 1-6] Viśālamati, c’est comme dans le cas d’un grand cours d’eau (mahân udakaughah) . Dès que la condition pour la production d’une seule vague s ’y présente, aussitôt une seule vague se produit; dès que la condition pour la production de deux ou plusieurs vagues s’y présente, aussitôt plusieurs vagues se produisent; cependant cette masse d’eau, qui s’écoule en courant, ne souffre ni interruption (sam u cch itti) , ni épuisement (p a rik sa ya ) \ Ou c’est comme dans le cas de la surface polie d’un miroir (ādarśapariśudãha m andata). Dès que la condition pour la production d’une seule image (p ra tik rti, bim ba) s’y présente, aussitôt une seule image se produit; dès que la condition pour la production de deux ou plusieurs images s’y présente, aussitôt plusieurs images se produisent. La surface du miroir ne se trans forme pas en image [na p ra tik rtib h â v en a parin am ate) et sa capacité de réfléchir n ’en souffre aucun dommage*. Exactement ainsi, Viśālamati, dès que, avec pour base et point d’appui la connaissance appropriatrice jouant le rôle du cours d’eau, la condition pour la production d’une seule connaissance visuelle se présente, aussitôt une seule connaissance visuelle se produit; dès que la condition pour la production de jusqu’à cinq corps de connaissance se présente, aussitôt les cinq corps de connaissance se produisent8. [324, 3, 18-27; 148* 6-149* 5] 1 Passage cité par Sthiramati, Trentaine , p. 33, 1. 26, avec quelques variantes: taàyathā viśālam ate mahata udakaughasya vahatdh sa ced ekasya tarańgasyotpattipratyayah pratyupasthito bhavaty ekam eva tarańgam pravartate . sa ced dvayos trayānām sambahulānām tarańgānām utpattipratyayàh pratyupasthito bhavati yāvat sambahulãni tarangāni pravartante . na ca tasyodakaughasya érotasā vahatah sam ucchittir bhavati na paryupayogàh prajñãyate. — Au lieu de paryupayoga (S. Lévi, M atériaux , p. 103 en note) le tib. a: yons su zad pa = pariksaya. La traduction de H. Jacobi, Trim śikāvijñapti des Vasubandhu, Stutt gart, 1932, p. 44, est inadmissible. 8 En tib. yoùs su sbyor bar mi mùon, qui correspond à na paryupayogah ptajñ āyate. Le Chin. i ou clieou yong kien tsin k ’o te suppose nu anuyogahânih Prajñãyate. — Sur la comparaison du fleuve et du miroir, H. Ui, E tudes de philosophie indienne (Indo-tetsugaku-kenkyu), vol. 6, (1930), p. 559. * Sthiramati, Trentaine, p. 33, 1. 30: evam eva viśālamate tadoghasthānīyam Viśālamati, bien que les Bodhisattva, avec pour base et point d’appui (samniśritya pratistliāya) la connaissance (jñāna) de la religion (fa tchou 85 et 5 ; 9 et 5 corr. chos kyi lugs = niti M. Y. 4960) ', soient versés dans les secrets (guliyakusala) de la pensée, du Mental et des connaissances (citta-mano-vijñāna) ; toutefois, ce n’est pas pour cette raison (tāvatā), que les Tathagata les ont appelés (prajñāp.) : versés dans les secrets de la pensée du mental et des connaissances. Viśãlamati, si les Bodhisattva, chacun pour soi et séparément (adhyâtmam pratyekam), d’une façon conforme à la réalité (yathâbhütam), ne voient pas l’appropriation et la connaissance appropriatrice ; le réceptacle et la connaissance-réceptacle; le magasin (âcaya) et la pensée; l’œil, la forme et la connaissance de l’œil; l ’oreille, le son et la connaissance de l’oreille; le nez, l’odeur et la connaissance du nez; la langue, la saveur et la connaissance de la langue; le corps, le tangible et la connaissance du corps; le Mental (manas), les choses (dharma) et la connaissance mentale, ces Bodhisattva sont des Bodhisattva versés dans l’Absolu (paramârthakuśala) et les Tathagata les ont appelés ainsi. Yiśālamati, c’est pour cette raison (tāvatā) qu’ils sont versés dans les secrets de la pensée, du Mental et des connaissances, et c’est pour cette raison que les Tathagata les ont appelés ainsi». [324, 3, 27-325, 1, 10; 149a 5-149b 7] Dans la stance, l’auteur résume ces idées. « Connaissance appropriatrice » : synonyme déjà expliqué. « Profonde et subtile » : difficile à connaître (durvigâhya). « Comme un courant violent, procède avec tous les germes»: car, en vertu d’une actualisation progressive (kramapravrttï), tous les germes — tel le courant d’un fleuve — s ’actualisent d’après la succession des instants (ksanakrama) . « Craignant qu’ils n’imaginent qu’elle est un moi »: comme il s’agit d’une actualisation uniforme (ekākārapravrtti), on pourrait l’imaginer [comme un moi]. [325, 1, 10-15; 149b 7-150a 1] Upanibandhana (383, 2, 16-24 ; 240* 1-5). En citant encore les divers synonymes employés par les autres âgama, l’auteur révèle (prakāśayati) et établit (vyavasthâpayati) la connaissanceréceptacle, pour qu’on la comprenne parfaitement. ālayavijñãnam samniśritya pratisthāya sa ceã ekasya vijñānasyotpattipratyayah pratyupasthito bhavati ekam (corr. de evam) eva calcçurvijnânûrn pravartate. sa ced ãvayos trayānām sa cet pañcānām vijñãnānām utpattipratyayah pratyupasthito bhavati salerã yāvat pañcānām pravrttir bhavati. 1 E n chin. fa tchou tche (85 e t 5 j 9 e t 5 ; 72 e t 8) gérait p lu tô t dharmasthitijñãnat « Profonde » : parce que difficile à sonder (duravagàha) par l’esprit (mati) des mondains perspicaces (che ts’ong joei tche = hjig rten pahi mkhas pa = laulcikakuśala) ; « subtile » : parce que difficile à connaître (durvigahya) par les Śrāvaka, etc. C’est pourquoi [le Bouddha] ne révèle pas cette connaissance aux Sravaka, etc., car ceux-ci ne recherchent pas (na paryes) la subtile connaissance d’omniscience (süksmasarvajñajñāna). « Comme un courant violent, [procède] avec tous les germes » : la série de ses instants (ksanasamtdna), n’étant jamais interrompue (samucchinna), est semblable au courant d’un fleuve (udakaugha). « Je ne l’ai pas révélée aux sots » : je ne l’ai pas révélée à ceux qui embrassent la vue du moi (âtmadrsti) ; « craignant qu’ils n’imaginent qu’elle est un moi ». Pourquoi se l’imaginent-ils [comme un moi]? Parce que, jusqu’au bout du samsara (ãsamsãrakotes)f elle reste inchangée dans son uniformité (ekākãra). 2. Raison de ce nom. (traduit du chinois). Samgraha (325, 1, 16-20). Pourquoi cette connaissance est-elle encore appelée connaissance appropriatrice (ādānavijñãna) ? Parce q u ’elle s ’approprie (tchecheou 32 et 8, 29 et 6 = upādadãti) tous les organes matériels (rüpîndriya), et parce q u ’elle est le point d ’appui (âêraya) de la saisie (ts’iu 29 et 6 = upagraha) de toutes les existences (tse-t’i 132, 188 et 13 = ātnmbhãva) *. Comment cela? Les organes matériels, appropriés (upâtta) par cette connaissance, ne périssent pas (na vinasyanti), mais continuent d ’exister (aznupravartante) ju sq u ’à ^épuisement de la vie (dyus). D ’autre part, au moment du lien du passage d ’existence (pratisamdhibandha) de la série (samtâna, prabandha), cette connaissance saisit (upagrhnâti) leur production (cheng = mnon par grub pa = abhinirvrtti). P a r conséquent elle s ’approprie les existences, et c ’est pourquoi elle est aussi appelée connaissance appropriatricea. 1 D a n s K ośa, II, 45 fol. l l b (trad . p. 223), ts e -t’i tr a d u it ãtmabhãva; voir Sphutārthā A'bhiãharmaTcośavyãkhyā, éd. W o g ih a ra , I I , 45, p . 170, 1. 15. L e Samgraha tib . tr a d u it lu s = Tcüya, m a is le B h â çy a de Y asub an d h u , 150* 7, g i d ń os po = ãtmábhāva. Su r la co n n a issa n ce a p p ro p ria tr ic e, Siddhi, p. 166 : « Ā ããnavijñāna • V i- B hāsya (325, 1, 21-2, 4). « Parce quelle s'approprie tous les organes matériels ». Comment cela? [La phrase] : « Les organes matériels, appropriés par elle, ne périssent pas, mais continuent d'exister jusqu'à l'épuisement de la vie », donne l'expli cation (vyntpatti). Les organes matériels, œil (caksus), etc., appropriés par la connaissance appropriatrice, ne tombent pas dans l'état de décomposi tion, etc., (vinīlakādyavasthā) du cadavre (mrtaśarīra) ; mais, quand arrive le moment de la mort (maranakala), cette [connaissance] les abandonne (tyajati) et, pour cette raison, ils tombent alors en décomposition. Il faut donc nécessairement admettre que c'est parce que cette [connaissance] se les approprie, que les [organes matériels], jusqu'au terme de la vie, ne pé rissent pas. « Parce qu'elle est le point d'appui de la saisie de toutes les existences » : [La phrase] : « D'autre part, au moment du lien du passage d'existence de la série, elle saisit leur production; c'est pourquoi elle s'approprie les existences », en donne l'explication. Puisque cette connaissance est la con naissance-série (pratisamdhi-, samtāna-vijñāna), au moment du lien du pas sage d'existence de la série, elle s'approprie (upādadāti) leur production (tadabhinirvrtti) ; également, toutes les existences 1 sont appropriées (upâtta) par cette connaissance, car les imprégnations (vāsanā) de toutes les existences sont contenues (avasthita) dans la connaissance-réceptacle. Parce que ces existences naissent (abhinirvartante), on parle de « leur production » (itadabhinirvrtti); et, parce que [la connaissance] s'approprie (cheou = j ñ ā n a q u i r e tie n t le s B ï j a e t le s o rg a n es m a té r ie ls e t les em p êch e de p érir. » (V o ir en core p . 98, 169, 173, 1 9 3 ). N otation de Tréfonds (M a té ria u x , p. 140, 1 4 1 ). « Ādāna. Si on tr a d u it d 'a p r è s le sen s, c 'e s t p ren d re e t m a in ten ir. C ela v e u t d ire que c 'e s t l'e n c h a î n em en t co n tin u d es e x isten ces p a r le f a i t d e p ren d re e t m ain ten ir le s germ es. I l y a tr o is (s ig n ific a tio n s ) de p ren d re e t m a in ten ir:, 1<> P ren d re e t m a in ten ir l'e n se m b le d es o rg a n es de fa ç o n à ce q u 'ils n e to m b en t p a s en d éco m p o sitio n ; 2<» p ren d re e t m a in ten ir les g erm es d e te lle so rte q u 'ils n e se p erd en t n i se d is p e r s e n t; 3 o p ren d re et- sa isir le p a ss a g e d 'e x is te n c e (pratisamdhi) en co n tin u a tio n . L e sen s e s t: Q uand l'ê t r e se trou ve d a n s l ' é t a t in te rm éd ia ire ( antarâbhava )  laya vijñāna) — d ès le p rem ier in s ta n t où l'o n re ç o it l'e x is te n c e — m a in tie n t la- e t que le co rp s ap p roch e du d ern ier p ério d e, la h u itièm e n o ta tio n ( = c o n tin u a tio n au p a ssa g e de l'u n e à l'a u tr e ». 1 On se ra it te n té de tra d u ire i k 'i tse t ’i p a r ekãvaãhyātm abhãva : « l e s e x is ten ces d 'u n term e ou d 'u n e d u rée » ; m a is, là où le ch in ois a i k*i} le tib é ta in a th a m s ca d = sarva , ou m th ah d a g “ sakala . ñe bar len te = upãdaããti) leur production, on dit quelle saisit (ts>iu = ñe bar hdsin = upagrhnâti) leur production. Puisqu’elle les saisit, elle s’ap proprie (upãdadãti) ces existences. C’est en ce sens que la connaissance réceptacle est aussi appelée connaissance appropriatrice. Upanibandhana (383, 2, 29-3, 9). « Parce qu’elle s’approprie tous les organes matériels, etc. » : ceci expli que la raison d’employer le mot (śabdapravrttihetu) [de « connaissance appropriatrice»]. Parce qu’elle se les approprie, tous les organes matériels, œil, etc, [unis à elle] dans une commune sécurité et dans un risque commun (ekayogaksemena), continuent d’exister jusqu’à l’épuisement de la vie. C’est pourquoi on l’appelle connaissance appropriatrice. S ’il en était autrement (anyatra), [les organes], tel un corps mort (mrtaśarīra), devraient périr. « Parce qu’elle est le point d’appui de la saisie de toutes les existences, etc. » : elle est le point d’appui de la saisie de toutes ces existenoes, qu’elles soient une (eka) ou plusieurs (sambahula). Soit que les organes matériels (rüpãdīndriya) ne soient pas encore nés (anutpanna), soit [qu’il s’agisse] du monde immatériel (ārüpyadhātu), les existences se produisent (cheng k’i, 100; 156 et 3 = mńon par hgrub pa = abhinirvartante) ; et cela s’appelle le passage d’existence (siang siu, 109 et 4; 120 et 15 = ñiń mtshams sbyor ba = pratisamdhi) . Parce que [la connaissance] se les approprie (upādadãti)f il s ’agit du lien du passage d’existence (pratisamdhibandha), car elle saisit (cheou = ñe bar hdsin pa = upagrhnâti) leur production (tadabhintrvrtti), puisque la semence et le sang (śukraśonita) se coagulent (sammürchanti). Sans la connaissance-réceptacle, il n’y aurait [rien] pour s’ap proprier toutes les existences. Comme une chambre englobant la lumière (?), elle est parfumée (bhàvita) par les imprégnations (vāsanā) de toutes les existences (sakalãtmabhãva). 2. Idem. (traduit du tibétain) Samgraha (4“ 1-3). Pourquoi est-elle appelée connaissance appropriatrice? Parce q u ’elle est la cause (hetu) de tous les organes matériels (rüpîndriya) et parce q u ’elle est le point d ’appui (àsraya) de l ’appropriation (upddâna) de tous les corps (kâya). E n effet, tant q u ’ils continuent d'exister (anupravartante) aussi longtemps qu'il y a vie (âyus), les cinq organes matériels sont saisis (upagrhîta) par cette [connais sance], pour ne pas périr (avinãśãya) ; en outre, au moment du lien du passage d'existence (pratisamdhibandha), cette [connaissance] saisit (upagrhnâti) leur production (tadabhinirvrtti) : c'est pourquoi elle est Preneur-de-corps (kãyagrāhin). Voilà pourquoi elle est ap pelée connaissance appropriatrice *. Bhâsya (150* 2-8). « Parce qu'elle est la cause de tous les organes matériels » : l'explication de cette phrase est: « en effet, tant qu'ils continuent d'exister aussi longtemps qu'il y a vie, etc.» : en effet, si les organes matériels, œil, etc., n'étaient pas pris (grhîta) par la connaissance-réceptacle, ils tomberaient, tel un corps mort (m rta śa rīra va t), dans l'état de décomposition, etc. (viriīlakādyavasth ā ) ; d'ailleurs quand, au moment de la mort (m aran akale) , ils sont séparés de cette [connaissance], ils tombent en décomposition, etc. C'est pourquoi ils sont pris de la sorte, et aussi longtemps qu'ils sont pris par elle, leur vie ne subit aucun dommage (na vin a śya te). « Parce qu'elle est le point d’appui de l'appropriation de tous les corps, elle est appropriation » : cette assertion est expliquée par : « en outre, au moment du lien du passage d'existence, cette connaissance saisit leur pro duction ». Puisqu'elle opère le passage d'existence (p ra tisa m d a d h â ti) , elle est un passage (p ra tisa m â h i ) et un lien (bandha ) ; comme elle fait la saisie de leur production (a b h in irv rtti) , tous les corps sont saisis (p a rig rh ïta ) ; car, dans la connaissance-réceptacle, les imprégnations (vāsan ã ) de tous les corps sont contenues (a va sth ita ). Ces [organes] sont produits (abhinirv a rt a n te ) , et la production de ceux-ci (tesâm a b h in irvrtti) c'est «leur reproduction» (ta d a b h in irv rtti). Elle «sai sit » (u pagrh n âti), c'est-à-dire elle s'approprie (u p ādadāti) leur production. Elle les «saisit» (u p a g rh n â ti ), c'est-à-dire elle met au monde (ãdadhãti) leur existence (ātm abhāva). 1 c ih i p h y ir len p a h i rnam p ar çes p a zh es b y a zhe n a / d b aù p o g z u g s can th a m s cad k y i rg y u y in p a d ań / lu s th am s cad ñ e b a r len p a h i g n a s su g y u r p a h i p h y ir te / h d i lta r tsh e j i srid p ar rje s su h ju g g i b ar du d es d b an p o g z u g s can lù a po d a g m a z h ig p ar ñe b ar g zu ù b a d aù / ñiń m tsh am s sb yor b a sb rel ba n a y a ù de m ùon p ar h gru b p a fie b ar lid sin p a h i p h yir lu s g zu ù b a y in de lta b a s de len p a h i rnam p ar çes p a zh es b yah o / / te / C’est en ce sens (tadarth en a ) que la connaissance-réceptacle est aussi appelée connaissance appropriatrice \ Upanibandhana (240* 5-240b 1). « Parce qu’elle est la cause de tous les organes matériels etc. » : ceci explique la raison d’employer le mot (śa b d a p ra v rttih etu ) [de « connaissance appropriatrice » ]. Puisque, « tant qu’ils continuent d’exister, aussi longtemps qu’il y a vie », elle s’approprie (ãd a d ã ti ) les organes matériels, dans une commune sécu rité et dans un risque commun (ekayogaksem ena ), elle est appelée connais sance appropriatrice. Si non (a n ya tra ), [les organes] — tel un cadavre (m rtaśarīra) — périraient (vin a śyera n ) . « Parce qu’elle est le point d’appui de l’appropriation de tous les corps » : que les organes matériels ne soient pas nés (an u tpan n a), ou qu’il s’agisse du monde immatériel (ā rū p ya ã h ā tu ) , les corps se produisent (abhinirvartan te) : c’est le passage d’existence (pratisam dh i) ; et le lien (bandha ) est la prise (parigrah a ). Puisqu’elle s’empare (u p a g rh n â ti ) de leur production (tada b h in irvrtti), tous les corps sont pris (grhîta) par la connaissance-réceptacle, qui se coagule (sam m ürcchita) au milieu de la semence et du sang (śukra śonita). Etant parfumée (bh âvita) par les imprégnations (vāsanã) de tous les corps (sakalakâya ), elle est un Preneur2. 1 dbaù po gzugs can thams cad kyi rgyu yin pa zhes bya bahi bçad pa ni hdi ltar tshe ji srid par rjes su hjug gi bar du zhes bya ba la sogs pa yin te / gaù gi phyir mig la sogs pahi dbaù po gzugs can rnams kun gzhi rnam par çes pas ma bzuù na çi bahi lus bzhin du sùon po la sogs pahi gnas skabs su hgyur bas gaù yaù çi bahi dus na de daù bral bar gyur pa na hdi dag kyaù sùon po la sogs pahi gnas skabs su hgyur ro / / des na hdi ltar bzuù bar bya ®ts / ji srid des bzuù bahi bar du tshe ñams par mi hgyur ro / / lus thams cad fie bar len pahi gnas su gyur pahi phyir na yaù len pa ste / hdi bçad pa ni / üiù mtshams sbyor ba sbrel ba.na yaù de < dag > mùon par hgrub par fie bar hdsin pa zhes bya ba hdis bçad pa yin no / / gaù gi phyir fiiù mtshams sbyor bar byed pa des na yaù fiiù mtshams sbyor zhiù sbrel ba mùon par hgrub pa hdsin par byed pas lus thams cad yoùs su bzuù ba byas par hgyur te / kun gzhi rnam par çes pa la lus thams cad kyi bag chags kun tu gnas pahi phyir r<>/ / de dag mùon par hgrub pa ste / delii mùon par hgrub pa ni de mùon par hgrub paho / / f i e bar hdsin pa ni de dag mùon par hgrub pa fie bar len te / dehi fie bar hdsin pa yaù bdag gi dùos po skyed par hgyur baho / / don hdis ni ku1* gzhi rnam par çes pa len pahi rnam par çes pa fiid du yaù brjod pa yin no / / dbaù po gzugs can thams cad kyi rgyu yin pa zhes bya ba la sogs pa ni 8gra hjug pahi rgyur ston to / / hdis tshe ji srid par rjes su hjug gi bar du { 4 . — Pensée. Samgraha (325, 2, 5-11; 4a 4-7). 1. Source scripturmre. Cette [connaissance] est aussi appelée pensée (citta) ; ainsi Bhagavat a dit : « pensée, Mental et connaissances (citta manas vijñāna) sont trois choses »l. 2. Définition du Manas. Parm i ces [trois], le Mental est de deux sortes (dvividha) : 1. con stituant un point d ’appui (āśraya) comme condition en qualité de semblable et d ’immédiat (samanantarapratyaya), la connaissance qui vient de disparaître (anantaraniruddha vijñāna) est le point d ’appui de naissance (utpattyāśraya) de la connaissance mentale (manovijñãna)2; 2. le second est le Mental passionné (klistamanas), toujours g ru b p a d aù b d e b a g c ig p a s d b aù p o g z u g s can th a m s cad le n p a s len p a h i rnam par çes p a s zh es b y a h o / / g zh a n du n a n i ç i b a h i ro b zh in du h jig p a r h g y u r ro / / < lu s k u n te > / lu s th a m s cad ñe b a r len p a h i g n a s su h g y u r b a h i p h yir ro zh es b y a b a n i d b a ù po g z u g s can rn am s m a b y u ù b a d aù g z u g s m ed par yaù lu s m ùon p a r h g ru b p a ste / ù iù m tslia m s sb yor b ah o / / de sb re l b a n i y o ù s su h d sin p ah o / / d e m ùon p ar h gru b p a ñ e b ar h d sin p a h i p h y ir k hu chu daù k h ra g g i n a ù du b r g y a l b a h i k u n g zh i rnam p ar çes p a s lu s m th ah d a g b zu ù b a y in te / lu s m th a h d a g g i b a g ch a g s b sg o s p a h i p h y ir y o ù s su b zu ù b a y in no / / 1 Dīgha, I , 2 1 ; Sam yutta, I I , 94. C om parer K ośa, I I , p . 1 76, cittam mano l ’tha] vijñānam elcārtham ; Y isu d d h im a g g a , 4 5 2 , viññãnam oittam mano ti atthato eïcam. 3 Ce p rem ier M en ta l corresp on d au manas ou, p lu s ex a ctem en t, au mano âhâtu, mana-âyatana, mana-indriya d es Y a ib h â çik a . V o ir K ośa, I , 3 1 -3 3 : « I l n ’y a p a s de manas d istin c t d es co n n a issa n ces. C elle d es six co n n a issa n ces qui v ie n t de p a sser, c ’e st le manas ($annām anantarātītam vijñānam y ad âhi tdft manah) ... L e s cinq p rem ières co n n a issa n ces o n t pour p o in t d ’a p p u i le s cin q o rg a n es m a tér ie ls, o rg a n e de la vu e, e tc .; la six ièm e co n n a issa n ce, la co n n a is sa n ce m en ta le, n ’a p a s sem b lab le p o in t d ’a p p u i. P a r con séq u en t, en vu e d ’at- associé (samprayukta) à quatre passions (kleéa) : a. vue fausse sur l'accumulation des choses périssantes (satkâyadrsti) , b. orgueil du « Je suis » (asmimâna), c. attachement au moi (âtmasneha) , d. igno rance (avidyâ). Ce Mental est le point d'appui de la souillure (samklesa) des connaissances (vijñãna) \ Les connaissances naissent en raison du premier Mental comme point d 'ap p u i; le second est souillure. En tan t qu'il connaît l'objet (visayavijñaptes), le Mental est ap pelé connaissance (vijñãna) a. En tan t que semblable et immédiat (samanantara) , en tan t que cogitation (m anam ), le Mental est de deux sortes. Bhâsya (325, 2, 12-27; 1508 8-150b 8). « Cette connaissance est aussi appelée pensée » : la connaissance-réceptacle a la nature de pensée. On constate (u palàbh yate) que « Mental » et « con naissance » ont deux sens distincts : il faut savoir que « pensée » a aussi un sens particulier. Pour expliquer cela: d'abord (a tra ), constituant une cause (hetu) comme condition en qualité de semblable et d'immédiat, la connaissance qui vient de disparaître est la cause de la connaissance mentale. C'est là le premier Mental. [Le Mental] passionné ( k lista ) par les quatre passions est le second Mental. D'abord, « la vue fausse sur l'accumulation de choses périssantes » est la superstition du moi (ts*iu wo = bdag ñid du mńon par zhen pa = trib uer à c e tte co n n a issa n ce u n p o in t d ’appui, on appelle manas ou manodhâtu , ou en core mana-âyatana e t mana-indriya, ce q u i lu i se rt de p o in t d ’ap p u i, c est-à -d ire une q u elcon q ue d es six co n n a issa n ces. » Sur le Kliçtam anas, voir Trentaine 5-7 : tad ã śritya pravartate / taâalambam manonãma vijñãnam mananãtmaTcam / / lcleśaié caturbhih sahitam nivrtāvyāTcrtaih sadã / ãtm adrstyātm amohātmam ãnātm asnehasamjñitaih / / Toute la sc o la stiq u e du M an as, d an s Siddhi , 225-288. Sur la valeu r du Manas : « S e lb stb e w u sstse in » en p sy ch o lo g ie m odern e : J. M asud a, Der indivi àualistische Ideaîismus der Yogācāra-Schule, H e id e lb e r g , 1906, p. 27. P . 32 5 , 2, 10 , a p rès liao pie Icing i Icou, a jo u te r chouo min wei tche, d ’ap rès T ib. yu] rnam p ar r ig p ah i p h y ir rnam p ar çes p ah o. à « l’orgueil du Je suis»: en s’appuyant sur le moi et le mien (ātmãtmīya), on s’enor gueillit (garvayate). Eprouver de l’amour-propre (ãtmarāga) pour un moi réellement inexistant (asat) s’appelle « attachement au moi ». Ces trois [passions] ont « l’ignorance » pour cause. L’ignorance est le non-savoir ãtm ābhiniveśa) ; par sa puissance (bala), elle donne naissance (ajñãna) \ « Les connaissances naissent en raison du premier Mental comme point d ’appui ; le second est souillure », car la connaissance qui vient de dispa raître (ianantaraniruddha vijñãna), et qui s’appelle Mental, donne place (avakãśam dadãti) à la connaissance qui va naître (utpitsu vijñāna), et constitue ainsi le point d’appui de sa naissance (utpattyāśraya). Le second, le Mental passionné, est le point d’appui de la souillure; en effet, même dans les bonnes pensées (kuśalacitta), il y a croyance à l’exis tence du moi (ãtmagrāha). « En tant qu’il connaît les objets, le Mental est appelé connaissance *. En tant que semblable et immédiat; en tant que cogitation, le Mental est de deux sortes » : en tant qu’ii saisit (grhnâti) l’objet (visaya), le Mental est appelé connaissance; en tant qu’il donne place [aux autres connaissances], il s’appelle premier Mental; en tant que, par la croyance au moi, etc., il comporte souillure (samkleéa), il s’appelle second Mental. Upanibandhana (383, 3, 16-29; 240b 1-241* 2). « Cette connaissance est aussi appelée pensée » : l ’auteur cite un autre âgama et établit (vyavasthâpayati) ce [nouveau] synonyme (par y dga) ; ainsi cette [connaissance] est solidement établie. « Le second est le Mental passionné » : parce que passionné (klista) par quatre passions: vue fausse sur l’accumulation des choses périssantes, etc. D’abord, la « vue fausse sur l’accumulation des choses périssantes » est la superstition du moi et du mien (ãtmãtmīyābhiniveśa). Sous son influence (bala, vaśa)f procède « l ’orgueil du Je suis »: quand on s’appuie sur le moi et le mien, on s’enorgueillit (garvayate). Ces deux [passions] existant, naît Famour-propre (wo fa n 62 et 3; 154 et 4 = bdag la dgah = âtmarati), c’està-dire « l’attachement au moi ». Ces trois [passions] ont toutes l’ignorance pour cause (hetu). « L’ignorance » est le non-savoir (ajñāna), l’opposé de la science (vidyâpratipaksa). « Ce Mental est le point d’appui des souillures des connaissances », car, 1 P. 325, 2, 20, p on ctu er a p rès wou che. a V o ir ci-d essu s, n o te 2, p a g e 187. dans les états bons recueillis ou non-recueillis, etc. (sam ãhitāsam āhitakuśalādyavasthā), il n’est pas contredit (aviru ddh a ) et reste toujours présent. Dans le cas contraire (an ya tra), comment y aurait-il croyance au moi (dtm a graha) dans les bonnes pensées (k u śa la citta )11 « [Les connaissances naissent en raison] du premier Mental comme point d’appui » : c’est-à-dire du Mental qui vient de disparaître (anantaraniruddha m anas). « Le second est souillure » : puisqu’il est un Mental associé(samprayu kta) à quatre passions, puisqu’il croit au moi, etc., il fait souillure (samkleêa) a. « Parce qu’il intellige l’objet »: en ce sens qu’il saisit (grhndti) l’objet, et qu’il apparaît (avabhâsate) semblable à l’objet8. Ceci justifie (sâdhayati) son nom de « connaissance ». « En tant que semblable et immédiat, en tant que cogitation, le Mental est de deux sortes »: ceci justifie son nom de « Mental ». Ceux qui rejet tent l’argument (yu k ti) [tiré] du sens étymologique du mot (niruktiśabdārtha) 4 ne seront jamais capables de faire comprendre aux autres. 3. Démonstration de Vexistence du Ma/nas. Samgraha (325, 2, 2 8-3, 23; 4a7 - 5 al). Comment connaît-on (katham gamyate) l ’existence du Mental pas sionné (klistamanas) ? 5 S ’il n ’existait pas, 1. il n ’y aurait pas d ’ignorance solitaire (avidyâ āvenikīy et ce serait un défaut (dosa) ; 2. il n ’y aurait pas similitude [de la connaissance mentale] avec les cinq (pañcasādharmya) et ce serait un défaut. Pourquoi ? Parce que les cinq corps de connaissance (pañcavijñãnakāya) ont nécessairement l ’œil, etc., comme point d ’ap1D ’a p rès T ib . g zh a n du n a n i d g e b a h i sem s la ń ah o sñ am du j i lta r h gyu r. Comp. tib . ; ń ar h d sin p a la so g s p a h i k un n a s n on m ons p a n i d es b y a s p ah i p h yir ro. D e tib . a sim p lem en t: snan b a h i p h y ir. « p a r c e q u 'il sem b le sa is ir l ' o b j e t » : y u l h d sin p ar C 'est l 'argument manyata iti manas, « cogitât ergo vocatur cogitans », développé ci-dessous. Sur la démonstration de l'existence du Mental, Siddhi, p. 275-288. a Sur Vavidyā āvenikī, Kośa, II, p. 167; III, p. 89; Y, p. 31 et 34; Siddhi, P. 276-279. pui simultané (sahabhü-âérdya) [et la connaissance mentale, paral lèlement, doit avoir un point d ’appui simultané propre] ; 3. l ’étymo logie (nirukti) [du mot Manas] ne s ’expliquerait plus et ce serait un défaut; 4. il n ’y aurait pas de différence (viśesa) entre le re cueillement d ’inconscience (asamjñisamāpatti) et le recueillement d ’arrêt (nirodhasamâpatti) et ce serait un défaut. Le recueillement d ’inconscience comporte (souo hien 63 et 4; 181 et 14 = rab tu phye ba = prabhâvita) le Mental passionné, non pas le recueille ment d ’arrêt. E n l ’absence de Mental passionné (litt. «autrem ent», anyatra), les deux recueillements ne seraient pas différenciés; 5. les dieux inconscients (asamjñideva), pendant toute la durée de leur existence, ne seraient pas passionnés (Jclista) et ce serait un défaut; chez eux il n ’y aurait ni croyance au moi (fitmagraha), ni orgueil du « Je suis» (asmimàna) ; 6. parce q u ’en tout temps (sarvakale), on constate (upaîdbhyate) la présence (samudãcãra) de la croyance au moi (ãtmagrãha) dans les pensées bonnes (kuśala), mauvaises (akusala) et non définies (avyâkrta). Si le Mental passionné n ’exis tait pas, ce serait seulement par association (sùmprayogatas) avec les pensées mauvaises que la passion du moi et du mien (ātmātmīyaklesa) se m anifesterait; elle n ’existerait pas dans les pensées bonnes ou non définies. Au contraire, si on admet que [cette passion] est présente par coexistence et non par association, on évite ce défaut. A ce sujet, quelques stances (gāthā) : «S i l ’ignorance solitaire, la similitude avec les cinq, l ’étymologie et la différence des recueillements manquaient, il en résulterait des défauts. « Chez les êtres inconscients (asamjñisattva), il n ’y aurait pas de croyance au moi: nouveau défaut. La persistance de la croyance au moi sous toutes les formes [de pensée] (cittasarvākãra) disparaî trait. « Si le Mental passionné n ’existait pas, deux ou trois choses se raient exclues (bāãhita, viruddha). Sans lui, la croyance au moi ne serait pas universelle. «L a pensée de la réalité (tattvârthacitta) n aîtrait; mais toujours offusquante, présente quelle que soit la nature de la pensée, il y a l ’ignorance solitaire »/ Ce Mental, étant passionné (klista), est de nature non-défini-souillé (nivrtâvyakrtd), et toujours associé {samprayukta) à quatre passions. Comme les passions du monde matériel et immatériel (rūpārüpyāvacarakleśa) a, il est inclus dans le « non-déf ini-souillé ». Car, d ’une part, les passions du monde matériel et immatériel sont embrassées (souo che ts ’ang 63 et 4; 64 et 18; 140 et 14 = hkhyud pa = alingità) par le calme (śamatha) ; d ’autre part, ce Mental reste toujours subtil. Bhâsya (325, 3, 24-236, 2, 17; 151a 5-151b5 et 151b6-8 et 151b 5-6 et 151b 8-152a 2). Ce passage, au moyen de nouveaux arguments (yuktï), établit (sāãhayati) [1 existence] du Mental passionné. Quels sont les arguments ? 1. « Si ce Mental n’existait pas, il n’y aurait pas d’ignorance solitaire et ce serait un défaut ». Quel est le caractère (laksana) de l’ignorance solitaire? C’est une erreur (moha), qui met obstacle (âvrnoti) à la connaissance de la venté (tattvajñāna), aussi longtemps que son contrecarrant (pratipaksa) n’est pas né. Cette ignorance ne peut être associée {samprayukta) aux cinq connaissan ces (vijñāna), car ce sont des lieux (sthâna) où il ne peut y avoir d ’obstacle [à l’ignorance]. Or, là seulement où il y a un contrecarrant (pratipaksa), il y a aussi un contrecarré (vipaksa)3. Cette ignorance ne peut résider non plus dans la connaissance mentale passionnée (klistamanovijñãna) ; en effet, d’autres passions [que l’ignorance] y sont en activité (samudâcaranti) et l’épithète [de « solitaire », appliquée à cette ignorance,] ne pourrait se justifier. Si l’on prétend que cette passion [qu’est l’ignorance solitaire] réside dans la connaissance mentale non passionnée (corr. pou jan ou i cheau lieu de jan 1 Dernière stance citée Siããhi, p. 277. Comparer Koéa, Y, p. 93. « Au dessus du Kāmadhātu, pourautant y existent, les upakleêa sont non-définis (avyakrta) ». qu ’ils Argument déjà rencontré dans LUpanibandhana p. 172. Si A est contrac oxre de B, A n ’est pas la cause de B, car deux choses contradictoires ne sont pas en relation de cause à effet. D ’autre part A est le support de B, car B, pour contrecarrer A, doit être présent. ou i che, d’après tib. : ñon mońs pa can ma yin pahi yid kyi rnam par çes pa = aklistamanovijñāna), il faudra admettre que [cette connaissance mentale non-passionnée] est absolument (atyanta ) passionnée de sa nature, [ce qui est absurde]. Comment les pensées de don, etc. (dānādicitta ) seraient-elles bonnes (kuśala ), étant toujours associées à cette passion? Si on prétend que la connaissance mentale existe avec (saha pravartate) les bons Dharma (kuśaladharma) et que, bien qu’associée (sampr ayukta ) à la passion [d’ignorance], cette connaissance mentale passionnée amène-produit (in cheng 57 et 1; 100 = hdren pa = âvahati) le contrecarrant (pratipaksa ) [de cette passion], cela est faux (ayukta ). [Au contraire], si on prétend que les bonnes pensées existent avec le Mental passionné, qu’elles amènent-produisent le contre carrant [de l’ignorance], que ce [contrecarrant]-ci naît, tandis que ce [Mental passionné]-là disparaît: on ne commet là aucune erreur (dosa). [325, 3, 24-326, 1, 6; 151“ 5-151b4] 2. En raison de la similitude avec les cinq. Qu’est-ce à dire? De même que les cinq connaissances, connaissance de l’œil, etc. exigent cinq organes (indriya), œil etc., comme point d’appui simultané (sahábhū-āśrayd) , de même la connaissance mentale (manovijñāna) réclame un point d’appui simultané [à savoir: le Mental]. [326, 1, 6-8; 151b 4-5] 3. En raison de l’étymologie. Qu’est-ce à dire? On dit: cogitât ergo vocatur cogitans (manyata iti manas)1) cette étymologie à quoi s’appliquerait-elle [si le Mental n’existait pas] ? Ces six connaissances-là ne sont pas le point d’appui (āśraya) de la connaissance qui suit immédiatement. Cela est im possible (ayukta), car elles sont déjà détruites (niruddha ). [326, 1, 911; 151b 6-8]. 4. En raison des deux recueillements. Qu’est-ce à dire? Si on admet l’exis tence du Mental passionné, ce Mental existe pendant le recueillement d’incon science et non pas pendant l’autre recueillement; de là la différence [entre eux]. Si non (anyatra), ces deux recueillements, où la sixième connaissance, connaissance mentale, ne fonctionne pas (na samudâcarati) , ne seraient pas différents. [326, 1, 11-15; 151b 5-6]. 5. Parce qu’il n’y aurait pas de croyance au moi chez les êtres nés dans l’Inconscience (āsam jñika) . Qu’est-ce à dire? Si, dans leur état (avastha)f il n’y avait point de Mental passionné, ces [êtres], pour une limite d’existence (i k’i cheng 1, 74 et 8, 100 = dus skabs na), seraient exempts de croyance 1 Voir Siddhi, p. 280, note 1. « On a la formule manuta iti manas dans Koéa, II, p. 177. Mais Lańkãvatāra, X, 400 manasā manyate punah; 461, mano manyati vai saãā ». au moi. En ce cas, ils ne seraient pas critiqués (ho yen 149 et 5; 27 et 12 = smad pa = nindâ, M. Y. 2632, kutsana, M. Y. 2635, avasâda, M. Y. 2636) par les Arya; mais puisque, de fait, les Ârya les critiquent, il est cer tain qu’ils subissent la croyance au moi. [326, 1, 15-18; 151b8-152* 1] 6. En raison de la persistance de la croyance au moi. Qu’est-ce à dire? Même dans l’état de don etc. (dānādyavasthā), la croyance au moi persiste nécessairement. Or, sans l’ignorance, sa persistance ne s’expliquerait pas. Cette ignorance ne va pas sans point d’appui et, si oïi écarte le Mental passionné, ce point d’appui n’aurait pas de nature à part. [326, 1, 18-21; 152* 2 ]1. C’est pourquoi il faut nécessairement admettre l’existence du Manas pas sionné. A ne point l’admettre, il y a les défauts susdits. Pour les mettre à nouveau en lumière, l’auteur dit quatre stances: 1. « S i l’ignorance solitaire, etc. (itivistara)» : ici, par ignorance soli taire, on entend l’ignorance simultanée (sahobhü) et associée (samprayukta) au Mental passionné, dans les états bons (kuśala), mauvais (akuśala), non définis (avyâkrta), de passion (klesa), de sous-passion (upakleśa). La non existence de cette ignorance constituerait un grave défaut. Mettre obstacle (âvr) à la production du savoir (jñāna) relatif à la douleur (duhkha)f etc.: telle est son activité (ye yongy 75 et 9, 101 = kriyâ). Ceci souligne le défaut [résultant de] l’absence de cette activité [au cas où le Mental passionné manquerait]. [326, 1, 21-27] 2. «La similitude avec les cinq ». La sixième connaissance, à savoir la connaissance mentale, possède des attributs (dharma) identiques à ceux des cinq corps de connaissance. Ces derniers ont les cinq organes des sens et la connaissance-réceptacle pour points d’appui simultanés. De meme aussi [la connaissance mentale] possède le Mental passionné et la con naissance-réceptacle pour points d’appui simultanés. Or, sans le Mental pas sionné, cette similitude [de la connaissance mentale] avec les cinq [corps de connaissance] manquerait. Ceci montre ce défaut que [la connaissance mentale] n’aurait pas les attributs essentiels [litt. : la nature propre, svabhâva] [d’une connaissance, si le Manas manquait]. [326, 1, 27-2,2] 3. « L’étymologie [du mot Manas] ne s’expliquerait pas et ce serait un défaut ». Parce qu’il saisit les caractères des objets (âlûinbcinalaksana), et y réfléchit (manyate) ; parce que, au moment où il vient de périr (anantaraniruddhaY, il saisit les objets (king 32 et 11 = visaya)3, on lui donne le Le commentaire tibétain s'arrête ici. On peut penser que ces mots, qui sont gênants, sont à effacer. Sur la distinction entre ülambana et visaya, Kosa, I, p. 52. « Par vi§aya} 13 nom de « Manas » ( = cogitans). Mais ce qui est passé et disparu n’a plus d ’objet de réflexion. Comment, [en l’absence du Mental], poser un principe doué de réflexion, [un cogitans] ? Il y aurait donc, [en l’absence du Mental], un défaut consistant en une étymologie [portant à vide]. [326, 2, 2-5] 4. « Les deux sortes de recueillement ». Dans le recueillement d’arrêt, il n’y a pas de Mental passionné; dans le recueillement d’inconscience, il y a Mental passionné. Si ce Mental n’existait pas, ces deux recueillements ne seraient pas différents: grave défaut. 5. Si le Mental passionné n’existait pas, les dieux inconscients n’auraient point de croyance au moi, ne seraient pas des profanes (prthagjana) ; il faudrait admettre que leur série mentale (samtâna) serait temporairement exempte de la croyance au moi. Tels seraient les défauts s’il n ’y avait pas de Mental passionné; donc il faut nécessairement admettre son existence [326, 2, 5-11] Pour mettre ces idées en lumière, l’auteur dit encore: « Si le Mental passionné n’existait pas, deux choses seraient exclues » : l’ignorance soli taire et la similitude avec les cinq; « trois choses seraient exclues »: l’étymologie, la différence des deux sortes de recueillement, et la persistance de la croyance au moi chez les êtres inconscients. Si le Mental passionné n’existait point, ces trois choses seraient exclues. « Sans lui, la croyance au moi ne serait pas universelle » : sans le Mental passionné, la présence de la croyance au moi dans tous les états bons, etc. (kmalãdyavasthã), ne s’expliquerait plus. C’est pourquoi il faut nécessairement admettre l’existence du Mental passionné. Le reste du texte étant facile à comprendre, il n’est pas nécessaire de l ’expliquer. [326, 2, 11-17] Upanibandhana (384, 1, 25-385, 1, 7 ; 241a 1-242* 3 et 242* 8-242b 1 et 242* 3-8 et 242b 1-243* 6). Démontrant à l’aide d’arguments (yukti) le Mental passionné, l’auteur se résume dans des stances: 1. « [S’il n’existait pas], il n’y aurait pas d’ignorance solitaire»: si on n’admet pas l’existence du Mental passionné, il ne peut y avoir d’ignorance solitaire. Il faut définir les caractères (laksana) de l ’ignorance solitaire : c’est une erreur (moha) qui met obstacle (âvrnoti) à la naissance de la connaissan ce de la réalité (tattvajñāna) . on entend le lieu où l ’organe exerce son activité, vue, audition, etc.; par âlambana, ce qui est saisi par la pensée et les mentaux. Donc, tandis que la pensée et les mentaux ont visaya et âlambana? l ’œilj l ’orçille, etc. n ’ont que viçaya »f On ne peut prétendre que cette [ignorance] existe dans les cinq connais sances, car ces lieux (sthâna) ne contiennent pas de contrecarrant [à l’ignorance]. Là où il y a un contrecarrant, il y a aussi un contrecarré. Or, dans les cinq connaissances, il n’y a pas de contrecarrant [à l’ignorance], car ce n’est pas en elles que naît le chemin de la vue (darêanamârga) \ [L’ignorance] ne se trouve pas dans la connaissance mentale non passion née (aklistamanovijñāna), car, du fait de cette [ignorance], la [connais sance mentale] serait passionnée de sa nature, [ce qui serait absurde]. Elle ne se trouve pas non plus dans la connaissance mentale passionnée (klistamanovijñāna). L’ignorance y serait associée à d’autres passions et, par conséquent, ne mériterait plus son épithète de solitaire. Si on prétend que la connaissance mentale est passionnée du fait de cette passion [d’ignorance], on doit admettre qu’elle est absolument (atyanta) passionnée de sa nature, [ce qui est faux]. Les pensées de don, etc. (ãānāãicitta), ne seraient pas bonnes (kuśala), puisqu’elles seraient associées aux caractères de cette passion [qu’est l’ignorance]. Si on prétend que cette passion existe avec (saha pravartate) les bonnes pensées (kuêalacitta) [dans la connaissance mentale], cette dernière serait nécessairement (ekântena) associée à cette passion, et les autres, [c’est-àdire les bonnes pensées], n’existeraient p a s2. Car il n’est pas possible que la connaissance mentale passionnée réalise (in cheng 57 et 1; 100: mùon sum du byed pa = sãksātkr) le contrecarrant [de l’ignorance qui la rend pas sionnée] . Si on prétend que, avec le Mental passionné, existent diverses bonnes pensées capables d’amener (âvah) le contrecarrant [de l’ignorance], et que, le contrecarrant naissant, le contrecarré [le Mental et son ignorance] dis paraît: on raisonne correctement. Objection: S’il en est ainsi, l’ignorance solitaire n’est pas possible. Etant toujours associée [dans le Mental] à [trois] autres passions: vue fausse sur l ’accumulation de choses périssantes, etc., [elle n’est pas solitaire]. 1 Le chemin de la vue, connaissance des vérités bouddhiques, ressortit à la connaissance mentale et non à la connaissance visuelle etc. 1 Le tibétain est clair et satisfaisant: gań gi ltar na dge bahi sems daù lhan cig hbyuù bahi ñon moùs pa can gyi yid yod pa dehi ltar na ni de ñid daù mtshuùs par ldan par hgyur gyi gzhan daù ni ma yin no. — <<Pour ceux qui croient à l ’existence d ’un klistamanas simultané aux bonnes pensées, c ’est le manas qui est associé à la [passion], non pas les autres, [c.-à-d. les bonnes pensées] »f Réponse: Votre objection n'est pas pertinente (asama). Je ne prétends pas que cette ignorance soit solitaire parce qu'elle n'est pas associée à d'autres passions; mais (kim tu) je dis qu'elle s'appelle solitaire parce qu'elle n'existe nulle part ailleurs [que dans le Mental]1. De même les dix-huit attributs solitaires du Bouddha (âvenikabuddliadharma) [n'existent que dans le Bouddha]2. Nous avons dit ci-dessus8, il est vrai, que, si elle est associée à d'autres passions, son nom de « solitaire » n'est pas justifié; mais c'était eu égard (apeksa) au système des autres (anyavyavasthâpana) dont nous signalions les défauts (dosa). [384, 1, 25-2, 15; 241al-241b4] 2. « Il n'y aurait pas de similitude avec les cinq et ce serait un défaut » : ceci revient seulement à dire que l'actualisation des connaissances (vijñānapravrtti) dépend de six paires de conditions (pratyaya). La similitude (sâdharmya) entre les cinq connaissances, connaissance de l'œil, etc., et cette connaissance mentale — à savoir qu'elles naissent de deux conditions (pratyaya) — serait contredite (viruddha) si le Mental passionné n'exis tait pas, -car [la connaissance mentale] n'aurait pas, à part, une condition en qualité de régent (adhipatipratyaya) comme point d'appui simultané (sahabhü-āśraya). Ce sont les deux conditions propres à chacune des [cinq] connaissances, connaissance de l'œil, etc. qui constituent leur nature de connaissance. Ces connaissances ont chacune l'œil, etc. comme point d'appui coexistant et particulier. Ces [organes] sont seulement leur condition en qualité de régent (<adhipatipratyaya), et non leur condition en qualité de cause (hetupratyaya). Ces connaissances sont ce à quoi on compare ; il en est de même pour la connaissance mentale: elle doit avoir un point d'appui particulier de ce genre. La connaissance-réceptacle, il est vrai, est pour la connaissance mentale un point d'appui simultané ; mais on ne peut prétendre qu'elle soit son point d'appui particulier. En effet, [cette connaissance réceptacle] est le point d'appui commun [de toutes les connaissances], et la condition en qualité de cause, [non pas une condition en qualité de régent]. 1 Les docteurs expliquent différemment l'éphithète de « solitaire » appliquée à l'ignorance. L'ignorance est solitaire, parce que les trois passions satkāyaãrstif asmimãna, ãtmasneha, qui l'accompagnent, ne sont pas des passions primaires (mülakleéa), mais des sous-passions (upakleśa) ; ou parce qu'elle est la cause de ces trois passions (opinion de Candrapâla) ; ou, enfin, parce qu 'elle ne se trouve que dans le Manas à l'exclusion des autres Vijñāna. (Voir Siddhi, p. 278). Ici l 'Upanibandhana semble se rallier à cette troisième explication. 2 Sur le mot âvenika et les âvenikadharma du Boudãhat K o śa , VII, p. 66. 3 F, 195. D'après une théorie Sautrantika1, la matière (rüpa) serait le point d'appui simultané et particulier de la connaissance mentale. Cette théorie est fausse et inadmissible. S’il en était ainsi, la connaissance mentale serait en tous temps dépourvue des [deux activités qu’on nomme:] vikalpa, à sa voir: de l’examen (nirüpanavikalpa) et du souvenir (anusmaranavikalpa)2. Par là, il est démontré que la théorie établie par d’autres écoles3, d’après laquelle une substance matérielle, localisée dans le cœur (hrdayastharüpavastu), serait le point d’appui spécial de la connaissance mentale, est ég&lement fausse. En effet, elle encourt aussi le défaut déjà signalé cidessus, et la connaissance mentale ressemblerait aux [cinq autres] con naissances qui s ’appuient sur des organes matériels (rüplndriya). De telles difficultés exigeraient de longues explications*. [384, 2, 15-28 ; 241b 4-242“ 3] 1 Voir Siddhi, p. 281, où La Vallée Poussin attribue cette doctrine aux Sthavira. Il s ’agit ici des Sautrantika-racine, très proches des Dârçtantika et des Sthavira. Leurs thèses principales sont que les skandha sont parfumables et portent les germes (Siddhi , p. 183), que le corps est le germe de la pensée postérieure au recueillement (Siddhi , p. 207) et que l ’organe du Manas est une substance matérielle. — Le Patthana, également, assigne un point d ’appui matériel (rüpa) à la connaissance mentale (Compendium of Philosophy, p. 278). 2 Les cinq connaissances sensibles sont toujours accompagnées de vitarka et de vicâra. Elles sont exemptes de vikalpa, en tant qu’elles sont exemptes de nirüpanavikalpa (prajñ ā , non recueillie, du domaine de la connaissance mentale) et d 1anusmaranavikalpa (mémoire associée à la connaissance mentale). Voir Koáa, I, p. 60. Si la connaissance mentale, comme les cinq premières connais sances, reposait sur un organe matériel, elle serait, elle-aussi, privée de sapience et de mémoire. 3 L ’Abhidamma postérieur, Visuddhimagga, p. 447, 588, Abhidha/mmasaûgaha JPTS. 1884, p. 14 (Compendium, p. 1 2 2 ), considère le cœur comme l ’organe de la pensée. — Pour le Vibhanga, p. 8 8 , « de la connaissance visuelle, audi tive, ... tactile qui vient de périr naît la pensée, le manas, le mental (mânasa = manas), le cœur (— la pensée), le manas, l ’organe manas... (comp. Atthasalini, p. 343). —. D ’après 1’Abhidharmakośavyākhyā, les Tāmraparnīya, «docteurs de Taprobane », imaginent un organe matériel, le cœur (hrdayavastu ), point d ’appui de la connaissance mentale (K ośa , I, p. 32 en note). D ’après K ’ouei-ki, V, 1 , 14, ad Siddhi, IV, 25a: Un commentaire dit:, Les Sautrantika d abord (sien 10 et 4) maintenaient que, lorsque l ’Arhat entre dans le re cueillement nirodhasamapatti, le « Rüpa de chair du cœur » (hrdayamârnsarüpa) contient (parigrah ) le germe (bîja) de la pensée-de-sortie du recueillement. Ce qui démontre que les Dharma de Rüpa sont cause de Çitta (voir Siddhi, p. 221). Comparer Mrs Rhys Davids, Bull. School of Or. Studies, iii, 2 , p. 353 ; A. B. Keith, Religion and Philosophy of the Veda, 1925, p. 264-266. Toute cette discussion concernant l ’organe matériel du Manas manque dans la version tibétaine. 3. « L’étymologie ne s’expliquerait plus et ce serait un défaut » : d’après l ’étymologie signalée ci-dessus, le nom de « Manas » s’applique à un principe de réflexion (manana). Si on n’admet pas l’existence du Mental passionné, à quoi ce nom s’appliquera-t-il ? Les six connaissances déjà détruites (niruddha)- ne peuvent être ce Mental, car elles sont détruites et n’existent plus. [384, 2, 28-3, 2; 242a 8-242b 1] 4. « Il n’y aurait pas de différence entre le recueillement d’inconscience et le recueillement d’arrêt et ce serait un défaut. » : Si l’existence du Mental passionné est admise, ce Mental résidera dans la série mentale des sots (bãlasamtāna), non point dans la série mentale des Ārya (āryasamtãna), et les deux recueillements qui y correspondent seront différents. Dans l’hy pothèse contraire (anyatra), étant donné que les deux recueillements com portent l’un et l ’autre l’arrêt de la conscience et de la sensation (samjñãveditanirodha) et l’arrêt de l’activité des connaissances (vijñānasamudācāra), ils ne seraient pas différents. Il n’est pas possible de dire que ces deux recueillements sont différents parce que les terres (bhümi) [où on les pratique] — le quatrième dhyâna d’une part, le bhavagra d’autre part — sont différentes, où parce que les buts poursuivis (ista) — délivrance (nihsarana) d’une part et tranquillité (śāntavihãra) de l’autre —■ sont différents1. En effet, leurs caractères propres (svalaksana) ne sont pas différents, puisque, dans l’un et l’autre, la pensée (citta) et les mentaux (caitta) sont détruits (niruddha). Le présent raisonnement (nirnaya) vise (toei 41 et 11 ; ñe ba = sarriîpavartin) le Sautrântika, [non pas le Vaibhâsika, pour qui les recueillements sont des choses en soi], car nous sommes assez près l ’un de l’autre. Cette école, [comme nous], nie que les opérants dissociés de la pensée (cittaviprayuktasamskdra) soient des choses-en-soi (dravyasat)2. En ce cas, comment les deux recueillements seraient-ils substantiellement différents, [s’ils ne différaient pas par la présence ou l’absence du Mental] ? [384, 3, 210; 242a 3-8]. 1 D ’après les Vaibhâçika, les deux recueillements ont pour caractère com mun l ’arrêt de la pensée et des mentaux (cittacaittānām nirodhah), mais ils diffèrent au point de vue de la terre, du préparatif (prayoga), de la personne (samtâna), de la nature de la rétribution, du caractère de la rétribution et de la production pour la première fois; Kośa, II, p. 2 1 0 -2 1 1 . 2 Pour les Vaibhâçika, les deux recueillements existent en soi, car ils en travent la naissance de la pensée. Pour les Sautrântika, le recueillement est simplement la non-existence de la pensée pour un certain temps; non pas une choso en soi (dravyadharma), mais une chose de désignation (prajñaptiãharma) ; Koêa, II, p. 213-214. 5. En outre, chez les dieux inconscients, pendant toute la durée d’une exis tence, il n’y aurait pas de croyance au moi. « Inconscients » (asamjñin) : quand on naît parmi les dieux inconscients, la pensée (citta) et les mentaux (caitta) sont détruits. Au tout premier moment de leur passage d’existence (pratisamdhi), il y a, pour un temps, production [de pensée et mentaux]. Après [leur durée d ’existence] la série (samtâna) reprend son cours (anupravartate) \ Si on n’admettait pas que ces [dieux] possèdent un Mental passionné, ils seraient exempts de croyance aù moi pendant leur durée d’existence. Mais on n’a jamais vu que des êtres, associés [comme eux] à toutes les passions (sakalakle 'a y u k ta ) 2, soient, pour la durée d’une vie, affranchis de croyance au moi. C’est pourquoi les Ârya les critiquent (ninâj kuts). Prétendre que «la connaissance mentale, présente (hien kyi 96 et 7 ; 156 et 3 = mńon du hgyur ba = abhimukhï) au moment de la naissance et point d’appui (āśraya) de croyance au moi, projette (in, 57 et 1 = hphen pa = àksip) [cette croyance au moi], et qu’ainsi [les êtres inconscients] sont munis de croyance au moi parce que cette croyance n’est pas encore abso lument coupée; comme chez les épileptiques (yeou hien 74 et 2; 104 et 12 = rjed byed dań bcas pa = apasmāravat M. Y. 4762) » : c’est inadmissible. En effet la croyance au moi périt en même temps que son point d’appui, et sa projection ne peut avoir d’autre point d’appui [que la connaissance mentale qui apparaît au moment de la naissance]. Il est impossible aussi que les imprégnations (vāsanā) de croyance au moi résident dans une série corporelle (kāyasamtānaY• En effet, les choses matérielles (rüpadharma) ne peuvent subir un parfumage (bhāvanā) ; elles en sont totalement incapables. D’ailleurs les Sautrantika ne disent pas que la matière (rüpa), à elle seule, soit nommée « mental » (caitta), car elle n’a pas de condition en qualité de semblable et immédiat (samanantarapratyaya), 1 « Les Inconscients sont conscients à la naissance et à la mort; ils sont nommés inconscients parce que, pour une longue période, la conscience est chez eux suspendue. Lorsque, après ce long temps, ils produisent conscience à nou veau, ila meurent. » ; Kośa, II, p. 199-200. a Le Koéa appelle sakalakleêayukta ou sakalabandhanaf l ’homme lié de tous les liens, celui qui n ’a pas obtenu par le chemin mondain (laukika) l ’aban don (pratisamTchyāniroãha) d ’une des neuf catégories des passions du Kamadhātu. (Kośa, I, p. 180). — Les dieux dont il est question ici, sont dégagés complètement de ces passions. a Thèse des Sautrântika-racine, pour qui le Rüpa peut porter les Bija de pensée, Siddhi p. 183, 207. tandis que la pensée et les mentaux (citta-caitta) ont nécessairement quatre conditions (pratyaya) l. [Au contraire], ceux qui prétendent qu’il existe, à part, une pensée simul tanée (sahabhü) à la croyance au moi et point d’appui de cette croyance, évitent ces défauts. [384, 3, 10-23; 242b 1-8] 6. [Sans le Mental], la persistance, en toute circonstance (sarvakalé), de la croyance au moi, ne s’expliquerait plus; si on n’admet pas l’existence du Mental souillé, cette persistance continuelle ne se vérifie plus. Même les états de don, etc. (dānāãyavasthā), sont toujours accompagnés de croyance au moi, [car] on se dit en soi-même: « C’est moi qui fais ce don, etc. » Sans l’ignorance, la croyance au moi ne persisterait pas. Sans point d ’appui, l’ignorance ne naîtrait pas, car elle est un mental (caitta). Ce point d’appui ne peut être autre chose que le Mental passionné, les bonnes pen sées ne pouvant être point d’appui d’ignorance. On a dit : « Le Mental passionné est le point d’appui des connaissances, si on ne détruit pas le lien des connaissances (vijñānabandha), on n’obtient jamais la délivrance (vimukti) ». « Si [le Mental passionné] n’existait pas, deux choses seraient exclues », à savoir : l’ignorance solitaire et la similitude avec les cinq ; « trois choses seraient exclues», à savoir: l’étymologie, les deux sortes de recueillement et la présence de la croyance au moi chez les dieux inconscients; ces trois choses seraient exclues. L’auteur a déjà traité globalement (samâsatas) ci-dessus de l’ignorance solitaire et maintenant, pour l ’expliquer au long et au large (vistarena), il dit: « la pensée de la vérité naîtrait, etc »: [l’ignorance solitaire] offusque la vue de la vérité vraie (tattvârthadaréana). Quand cette [ignorance]-ci existe, cette [vue]-là ne naît pas. « Présente quel que soit l’état de la pensée » : toujours reliée (lire souei fou, 120 et 10, au lieu de soei tchoan, 159 et 11 = rjes su hbrel = anubaddha) à tous les états [de pensée] bons, mauvais et non-définis. [384, 3, 23-385, 1, 7 ; 242b 8-243a 6] 4. La connaissance-réceptacle désignée par le mot « pensée ». Samgraha (326, 2, 18-20; 5a 2-3). En dehors de la connaissance-réceptacle, il n ’y aurait pas (nopalabhyate) une troisième catégorie ( t’i 188 et 13 = lus = kâya) qui serait la pensée (citta). P a r conséquent il est prouvé (siddha) que la 1 M. S., Chap. II, Part. II, $ 8 ; chin. p. 330, 2, 15-19. connaissance-réceptacle est la catégorie «pensée». Elle est le germe (bîja) en raison duquel existent (pravartante) Mental {manas) et connaissances {vijñāna) \ Bhâsya (326, 2, 21-24; 150b 8-151*1). En dehors de la connaissance-réceptacle, il n ’y aurait pas une troisième catégorie qui serait la pensée. Elle est la cause (hetu) en raison de laquelle le Mental (manas) et les connaissances-en-acte (pravrttivijñāna) obtiennent l’existence. Il faut savoir que quand nous disons connaissances-en-acte, nous y comprenons le second Mental. Comment cela? Au moment où celles-ci vont disparaître, elles obtiennent le nom de Mental2. Upanibandhana (385, 1, 10-16; 243* 6-243b1). « En dehors de la connaissance-réceptacle, il n’y aurait pas une troisième catégorie qui serait la pensée ». [Dans l’adage du Bouddha: « pensée, Mental, connaissance»], de même que le mot (śahda) «M ental» désigne le Mental passionné (klistamanas) et le Mental qui vient de disparaître (anantaraniruddha manas) ; de même que, à son tour, le mot « connaissance » désigne les six sortes de connaissances-en-acte (pravrttivijñãna), ainsi le mot « pensée » ne pourrait rien désigner que ces deux choses [ : Mental et connaissance-en-acte, s’il ne désignait pas la connaissance-réceptacle]. Mais d’une part, il n’y a pas de désignation (abhidhâna) sans une catégorie dési gnée; et, d’autre part, «pensée» n ’est pas synonyme (paryâya) de «Men tal » et de « connaissance », puisque les choses désignées (abhidheya) [par ces deux mots] diffèrent. Ici, par le mot « catégorie » (fi = lus = kâya)f on entend la chose désignée (abhidheya). « Par conséquent il est prouvé que la connaissance-réceptacle...»: la connaissance-réceptacle est certai nement la chose désignée par le mot « pensée ». 1 Le raisonnement est le suivant : Le Bouddha a parlé de « pensée, Mental et connaissance» (cittam mano vijñānam). Les deux derniers mots, «Mental» et « connaissance », désignent une catégorie ( t ’i, lus, Tcâya) spéciale, à savoir le manas et les six pravrttivijñāna. Si la connaissance-réceptacle n ’existait pas, on chercherait en vain la catégorie désignée par le mot « pensée ». a Par second Mental, l ’auteur désigne ici le manas, manodhâtu, etc. des Vaibhâ§ika, à savoir celle des six connaissances qui vient de passer (voir Kośa, I, 3 3 ). Le tib. diffère, rnam par çes pa smos pas yid gñis pa yaù smos Pa nid du hgyur te. rgyu gań gis yid gań hgags pa de ñid yid çes brjod pa thob pahi phyir ro. 5. Raison de ce nom. Samgraha (326, 2, 25-26 ; 5B3). Pourquoi [la connaissance-réceptacle] est-elle aussi appelée pen sée (citta) ? Parce quelle est accumulée (souo tsi tsi, 115 et 11, 172 et 4 = kun tu bsags pa = âcita) par les imprégnations-germes (vāsanã-bīja) des diverses choses (nānāãharma) \ Bhâsya (326, 2, 27-29; 151‘ 1-3). C'est encore pour expliquer ce nom que l'auteur pose cette question. « Les diverses choses » : choses aux aspects distincts (bhinnākāra) ; « les impré gnations-germes » : cause (hetu) à puissance spéciale (śaktiviśesa) ; « accu mulée (â-cita)»: c'est-à-dire « très-complètement» (ki tsi, 75 et 9, 115 et 11, « bien accumulée » = çin tu gaù = âpürna = à) 2 « réunie en une collection » (tsiu i ko siang 128 et 8 ; 1 ; 30 et 3 ; 109 et 4 = bsags = cita). Upanibandhana (385, 1, 18-20; 243bl-3). L'auteur montre la raison de l’emploi du mot « citta » (cittaéabdapravrttihetu). C'est «parce que»: yasmât a le sens de dvdrena ou de āśritya; « elle est accumulée (âcita) » : en ce sens que [les imprégnations] mêlées (miśra) et multiples (bhinnākāra) s'entassent en elle; « par les imprégna tions-germes » : en ce sens que l'objet parfumé (vâsya) par ces impré gnations jouit d'une puissance spéciale (êaktiviêesa) ; « des diverses choses » : des Dharma de diverses catégories contenus (samgrhîta) dans les connaissances-en-acte (pravrttivijñãńa) 8. 1 Siddhi, p. 166: a Citta, pensée, de la racine ci, accumuler, parce qu’il est accumulé par les Bïja qu’y impriment divers Dharma, à savoir les sept Vijñāna ». Ibidem, p. 182: « Il est nommé c itta parce qu’il est cita (tsi-k ’i 172 e4: 4, 156 et 3) accumulé-produit, par les Bïja des Dharma sales (sâmkleéika) et purs ( vaiyavadânïka ). N otation de Tréfonds (Matériaux, p. 126): « Parfois aussi on l ’appelle « Esprit » (citta) : c ’est parce que tous les Germes d ’Impré gnation de toutes les sortes d ’Essences y sont accumulés ». A cote de ce sens passif, citam iti cittam , le mot citta a aussi un sens actif, cinotîti cittam , parce qu’il accumule-produit les Bïja bons et mauvais (K oêa, II, p. 177 ; Siddhi, p. 183 en note). 2 On a ā — samantãt, ā samuccaye. 8 L ’ordre de la phrase chinoise commentée ici étant à l ’inverse de la phrase française, nous avons traduit ce passage en commençant par la fin et en termi nant par le début. 5 5. — Raison du silence gardé par les Sravaka sur la connaissance-réceptacle. Samgraha (326, 3, 1-6; 5a 3-5). Pourquoi, dans le Véhicule des Śrāvaka (śrāvakayãna), n'appellet-on pas cette pensée « connaissance-réceptacle » ou « connaissance appropriatrice » ? Parce qu'elle est comprise (samgrhîta) dans l'ob jet profond et subtil (gambhīrasūksmārtha). Qu'est-ce à dire? Les Sravaka ne sont pas capables (gtogs pa = paryâpanna) de connaître toutes choses (i kie king corr. çes bya thams cad = sarvajñeyà) ; bien que cette [connaissance-réceptacle] ne leur soit pas prêchée, ils ar rivent pourtant à la délivrance (vim ukti) par le savoir (çes par rab tu grub pas) ; c'est pourquoi on ne leur prêche pas [la connaissance réceptacle]. Au contraire, les Bodhisattva sont capables de con naître toutes choses; c'est pourquoi on leur prêcha [la connaissance réceptacle]. Sans ce savoir, il ne leur serait pas facile d'arriver (adhigam) à l'omniscience (sarvajñajñãná) . Bhāsya (326, 3, 7-12; 151a 3-5 et 152a 2). « Parce qu'elle est comprise dans l'objet profond et subtil » : cet objet étant profond et subtil, est appelé objet profond et subtil. Cette [connais sance-réceptacle] qui rentre (tchong che = khońs su gtogs pa) dans l'objet profond et subtil est difficile à connaître (durvigâhya). Aussi, n'est-ce pas par une curiosité {k’ieou 85 et .2 = spro ba = autsukya) visant à connaître toutes choses, que les Śrāvaka font un effort vigoureux (prayujyante) ; ils recherchent uniquement (kevalam) leur propre intérêt (svârtha). En effet, il leur [suffit] de connaître les objets grossiers (sthüla) et peu profonds, douleur (duhkha) etc., pour détruire (prahd) l'obstacle des passions (klesâvar a n a ). Au contraire, les Bodhisattva font un effort vigoureux dans leur propre intérêt et dans celui d'autrui (svaparârtham), pour détruire l'obstacle des passions (kleśāvarana) et l'obstacle à la connaissance du connaissable (jñeyàvarana). C'est pourquoi on leur prêche [la connaissance-receptacle]. Upanibandhana (385, 1, 27-3, 13; 243b 3-245* 1). « Parce qu’elle est comprise dans l’objet profond et subtil » : ceci montre que la connaissance-réceptacle, elle aussi est un objet profond et subtil, et un objet à connaître (jñeyãrtha) . Etant profonde et subtile, elle n’est pas prêchée aux Śrāvaka. Puisque ceux-ci sont convertis (souo ing hoa 61 et 13; 21 et 2 = gdul ba = viriïta) par la prise des objets de connaissance grossiers (çes bya rags pa bsdus pas = sthülajñeya), ils n’ont pas à cœur (ngen, 61 et 6) de connaître l’objet profond et subtil. « Les Śrāvaka ne sont pas capables de connaître toutes choses » : c’est-àdire qu’ils n’en ont ni la capacité (kong neng 19 et 3; 130 et 6 = nus pa = sâmarthya), ni le désir (hi yuen 61 et 7 ; 181 et 10 = don du gñer ba = prârthana), ni la compétence (tch'ou siang 141 et 5; 109 et 4 = gtogs pahi mtshan ñid = adhikāraf). « Bien que cette connaissance-réceptacle ne leur soit pas. prêchée, etc. » : bien qu’on s’abstienne de prêcher aux Sravaka la connaissance-réceptacle, ceux-ci, en examinant (koan tcWa 147 et 18 ; 40 et 11 = so sor rtog pa = pratyaveksana) la forme et les autres objets grossiers (rūpãdisthüla), la nature de la douleur, de son origine, etc. (duhkhasamudayādisvabhāva), l’impermanence et les autres aspects (anityatāãyākāra), coupent toutes les passions. C’est en ce but que, en présence de Bhagavat (ibhagavadantike), ils pratiquent (âcaranti) la vie religieuse (brahmacarya). On parle « d’objets grossiers et peu profonds » parce que toutes les choses matérielles (rüpadharma) ont une nature et des caractères grossiers, et parce que l’objet (âlambana) et l ’aspect (ãkāra) des Dharma de sensa tion (vedanâ), etc., sont facilement distingués (paricchinna), sont d’aspect grossier. Etant tout le contraire de cela (tadviparîtà), la connaissance-réceptacle est justement appelée « profonde et subtile ». [On pourrait nous opposer cette parole du Bouddha] : « Je dis qu’il est impossible [de réaliser la fin de la douleur], s’il y a ne fût-ce qu’un seul Dharma qu’on ne pénètre pas, qu’on ne connaisse pas parfaitement» (nâham ekadharmam apy anabhijñāyãparijñãyã duhkhasyāntakriyãm vadāmi). Réponse : Ceci revient à dire (ity abhipretam) : si on ne coupe pas les passions (kleśa), [on ne réalise pas la fin de la douleur]. Le Bouddha en termes divers (visistaûabda), traite du même sujet général (tsong siang tcWou 120 et 11; 109 et 4; 141 et 5 = gzhi mthun pa = samānãdhikarana) [à sa voir : la fin de la douleur]. Les passions ne sont pas coupées chacune à part. — Ou bien le Bouddha visant [la connaissance] des caractères généraux (sāmānydlaksana), aspect d’impermanence, etc. (anityatāãyākãra), ne veut pas dire [qu’on doive connaître] la connaissance-réceptacle: en cela pas de défaut (dosa) \ « Au contraire, les Bodhisattva sont capables de connaître toutes choses » : ceci indique que les Bodhisattva possèdent une capacité propre à leur clan (gotrasâmarthya). Munis de capacité (sâmarthya), de désir (prârthana) et de compétence (aãhikāraf), ils sont aptes (gtogs) à tout connaître. Autre ment (anyatra), ils ne sauraient promouvoir l’intérêt des autres. Comment cela? N’étant pas omniscients, ils ne pourraient connaître adéquatement les aspirations (i lo 61 et 9; 75 et 11 = āśaya, adhimuTcti) des autres, leurs dis positions acquises (anuśaya, ãhātu), le degré de leurs facultés morales (indriyavarāvara, indriyaparâpara), leurs possibilités et leurs impuissances (yeou neng pou neng), et la différence des moments2; ils ne pourraient pas 1 Yoici le raisonnement: l ’auteur prétend que, pour couper toutes les pas sions et arriver à la délivrance, les Śrāvaka n ’ont pas besoin de connaître la connaissance-réceptacle. On lui objecte une phrase du Bouddha: Sphutãrthā, Abhiãharmàkośavyakhyā, éd. Wogihara, fasc. I, p. 4, 1. 16:, «Quand on ignore ne fût-ce qu 'un seul Dharma, on ne peut détruire la douleur. » Donc les Śrāvaka ne peuvent arriver à la délivrance, s ’ils ignorent la connaissance-récep tacle. L ’auteur répond: En parlant de la fin de la douleur, le Bouddha — ainsi qu il ressort du contexte — entend parler, non pas de la nécessité de l ’omniscien ce pour arriver à la délivrance, mais de la nécessité de couper les passions, ou de connaître les caractères généraux des choses, l ’impermanence, etc. La version tibétaine diffère quelque peu: chos gcig mùon par ma çes çiù yoùs su ma çes na / yaù sdug bsùal mthar hbyin par ùas ma bçad do / / zhes gaù gsuùs pa de ni Son moùs pa rnams las dgoùs paho / / ma spaùs na zhes bya bahi bye brag g i sgra daù gzhi mthun pahi phyir te / ñon moùs pa la ma gtogs par spaù bar bya ba gzhan med pahi phyir ro / / yaù na mi rtag pa la sogs pas spyihi rnam par bsñegs kyi / kun gzhi rnam par çes pa ñid ces ma bzuù bas fies pa med do. — La phrase: « Je dis q u ’il est impossible de réaliser la fiu de la douleur, s ’il y a ne fût-ce qu ’un seul Dharma q u ’on ne pénètre pas, qu on ne connaisse pas parfaitement » se réfère [à la coupure] des passions, car l ’autre membre de phrase: « Si on ne coupe pas [les passions]», se réfère lui aussi au même sujet général [à savoir la fin de la douleur]. En effet, en dehors des passions, il n ’y a rien d ’autre à couper. Ou bien encore [le Bouddha] Vlse les caractères généraux, impermanence, etc. Comme il n ’entend pas parler de^ la connaissance-réceptacle, il n ’y a pas là de difficulté. Il s ’agit ici des forces de connaissance (jñãnabala) propres au Bouddha et Bodhisattva, que les autres n ’acquièrent pas en devenant Arhat. Voir osa, V I lf p. 69-70; Mahâvyut., 120-129. Après l ’expression inãriyavarãvara, la version tibétaine continue: bskal pa yin pa daù bskal pa med pa daù dus daù ma yin pa — ce qui semble donner Tcalpyakalpya kãlãkāla. promouvoir l’intérêt des autres. Mais puisque toutes ces choses sont re cherchées par les Bodhisattva, on leur prêche la connaissance-réceptacle. « Sans ce savoir, etc. » : sans la science de la connaissance-réceptacle, ils seraient incapables de détruire l’imagination des choses (arthaparikalpa). Ne la détruisant pas, ils ne pourraient se rendre maîtres du « savoir exempt d’imagination » (nirvikalpakajñāna), car ils posséderaient encore des objets imaginaires (parikalpitârtha). « Il ne leur serait pas facile d’arriver à l’omniscience » : ils sont capa bles de réaliser (sāksātkr) les caractères communs (sāmãnyalaksana) de l’ensemble du connaissable, mais les caractères propres des objets (arthasvalaksana), les idées (vikalpa), imaginés (parikalpita) par le savoir imaginant (savikalpakajñãna), sont mutuellement divergents (anyonyavyâvrtta) et infi nis (ananta) ; donc ils ne pourraient vraiment pas les réaliser tous. [Au contraire], s’ils savent que, en vertu du pouvoir de transformation (parinâmabala) des imprégnations de discours (lire ming yen, 30 et 3, 149, au lieu de neng cheng, d ’après tib. brjod pahi bag chags = abhilāpavāsanā) de cette seule connaissance-réceptacle, les objets (artha), les êtres (sattva) et le moi (âtman) se manifestent (avabhâsante), alors ils comprennent quil n’y a ni objet (grâhya) ni sujet (grahaka), et ainsi parviennent (adhigacchanti) au savoir exempt d’imagination (nirvikalpakajñāna). Ensuite, le savoir postérieur (prsthalabdhajñāna) pénètre la nature des choses (dharmata) comme étudiée (yathâbhyastam) . Parce que la vraie nature (tathatà), manifestée (prábhāvita) par le caractère commun (sāmānyálaksana) des choses, est d’une seule saveur (ekarasa), ils connaissent toutes choses. En un instant aussi, ils parviennent au savoir de tous les objets (sarvavisayajñāna), parce que ceux-ci ne sont pas infinis (ananta). Cependant, on dit que [pour y parvenir], il faut passer par trois pério des incalculables (asamkhyeyakalpa) ; c’est-à-dire qu’il faut accumulerpratiquer un équipement (sambhâra) complet pour réaliser une complète perfection. L’équipement de ce savoir merveilleux qui — tel que nous l’avons dit — est un savoir aux multiples aspects (sarvākārajñãna) et aux fruits merveilleux — cet équipement est inséparable de la réalisation de lft non-substantialité des choses (dharmanairâtmya). De là cette stance: « Si relativement à l’ensemble du connaissable, on ne détruit pas l ’ima gination d’objet (grâhyadharmavikalpa), on ne peut réaliser l’omniscience; c’est pourquoi on proclame la non-substantialité des choses. » Parce que [certaines personnes] comprennent mal (anabhijñã) cette doctrine authenlique (li kiao 96 et 7; 66 et 7 = luń gi tshul = âgamanaya), il y a cette stance: « C’est grâce à cela que la série (saintâna) est munie d’un pouvoir. De même que le feu dévore tout, il faut admettre que, de même, l’omniscience fait tout, connaît tout ». Ainsi donc, suivant que l’on connaît ou qu’on ne connaît pas la connais sance-réceptacle, il est facile ou difficile d ’obtenir Pomniscience. En se basant sur ce raisonnement, on nous demande si le savoir de la non-substantialité des choses n’est pas Pomniscience. Bien qu’il soit Pomni science (sarvajñānà), il n’est pas savoir aux multiples aspects (sarvãkãrajñãna). $ 6. — Synonymes de connaissance-réceptacle chez les Sravaka. Samgraha (326, 3, 19-327, 1, 3 : 5a 5-5b3). Enfin, dans le véhicule des Śrāvaka (śrãvakayãna) , c ’est par des synonymes (paryâya) que, d ’une façon ésotérique, [le Bouddha] a désigné la connaissance-réceptacle1. 1. Ainsi ce texte de l ’Ekottarâgam a : « Dans le monde, les créa tures (prajâ) aiment le réceptacle (ngai, 61 et 9 = °rata), se plai sent dans le réceptacle (lo, 75 et 11 = kun tu dgah = °ãrãma), se complaisent dans le réceptacle (hin, 76 et 4 = yaû dag par byuû ba = °sammudita), se réjouissent dans le réceptacle (hi, 30 et 9 = Binon par dgah ba = °abhiratà). Quand on leur prêche la bonne loi, pour détruire le réceptacle, elles désirent entendre (suśrüsanti) et prêtent l ’oreille (srotram avadadhati) ; elles recherchent la pensée du parfait savoir Çājñācittam upasthāpayanti) et sont en possession du chemin de la vérité (dharmânudharmapratipanna). Lorsque le Si le P etit Véhicule a ignoré le nom de connaissance-réceptacle, il a bien connu la chose. Toute cette démonstration est reprise dans Siddhi, p. 178-182. Voir également le KarmasiddhipraTcarana, Taishô, no 1609, p. 785, 1, 14 et Las grub pahi rab tu byed pa, Mdo 58, fol. 165* 7. Texte chinois : « Dans les sûtra de l ’école des Tche t ’ong ye (en remplaçant le dernier caractère ye, 167 et qui signifie « plaque de métal », Couvreur, p. 960. col. 1, par son homophone 2/c, 140 et 9, qui signifie « feuille », on obtient Tāmraparnīya), on lui donne le nom de hhavãńgavijñāna; dans les sûtras de l ’école des Mahāsãmghika, mūlavijñāna; les Mahīśāsaka (lire hoa ti, 32 et 3, au lieu de hoa t ’a, 9 et 3) le nomment āsamsārilcaslcanãha. » Version tibétaine: «L es vénérables Tamra(btsun pa gos dmar sde pa rnams) l ’ont appelé bhavāńgavijñāna; d ’au tres, mūlavijñāna. » Tathāgata est apparu dans le monde (prâdurbhü) , ce Dharma mer veilleux (ãścarya) et extraordinaire (adbhuta) a apparu dans le monde. » 1 Dans le Véhicule des Śrāvaka, au sûtra des quatre avan tages (anusamsa) de la manifestation du Tathagata, c ’est par ce synonyme que, d ’une façon ésotérique, est désignée la connaissanceréceptacle. 2. Dans l ’Âgama des Mahāsãmghika, c ’est également par un syno nyme que, d ’une façon ésotérique, on appelle cette [connaissance] du nom de connaissance-racine (mülavijñãna)2. Ainsi l ’arbre (vrksa) s ’appuie sur sa racine (muta). 3. Chez les Mahīśāsaka, c ’est également par un synonyme que, d ’une façon ésotérique, on appelle cette connaissance du nom d ’« Elé ment qui dure ju sq u ’au bout du Samsâra » (k’iong cheng se yun, 116 et 10, 100, 78 et 2, 140 et 16 = hkhor ba ji srid pahi phun po = ãsamsārikaskandhay. E n certains lieux (kvacit) et en certains 1 ETcottara, Tokyo, X II, I, 70 — Aùguttaranïkâya (ed. Morris, P. T. S.), Part II, p. 131 : Ālayārām ã bhikkhave p ajā ālayaratā ālayasammuãitā, sā Tathāgatena anãlaye dhamme ãesiyamāne sussūyati sotam oãáhati aññācittam upatthāpeti. Tathāgatassa bhikkhave arahato sammãsambuããhassa pãtubhāvā ayam ... acchariyo abbhuto ãhammo pãtubhavati. Avant la triade ārāma-rata-sammudita, reprise dans la version tibétaine, notre texte chinois place une quatrième expression, âlaya-ngai, 61 et 9. * Le Samgraha, le K armasiddhiprakarana et la Siddhi. attribuent le mülavijñāna aux Mahāsāmghika. Comparer Vasumitra, Traité des sectes, thèse 3 des Sautrantika: « Il existe des mūlāntikaskandha et des ekarasaskandha ». Comparer J. Masuda, Origin and Doctrines of Early Indian Buddhist Schools, Asia Major, Yol. II, 1925, p. 68; « The Mahāsāmghika preceded the Sautrantika whose thoughts have influenced the founders of the Yogācāra school. It seems to me that the Sautrantika idea of the eTcarasaskandha of the subtile consciousness, which becomes the substance of transmigration, and from which the current five skandha corne into existence, was derived originally from the Mahāsāmghika thought. » 3 Comparer Vasumitra, Traité des sectes, thèse 9 des doctrines évoluées des Mahīáāsaka: « Les skandha, âyatana et ãhãtu sont toujours présents », et J. Masuda, ibidem, p. 63, note 4 : « According to the Schu-chi, the constant existence of the skandha, âyatana and dhâtu is said to have been postulated of the bîja, « seeds », and not of the current (samuããcāra) skandha, âyatana and dhâtu. This is undoubtedly an ingenuous interprétation, because otherwise thç temps (kaããcit), matière (rüpa) et pensée (citta) sont interrompues (samucchinna) ; mais, dans la connaissance-réceptacle, les germes (bïja) de matière et pensée ne sont jamais interrom pus \ Bhâsya (327, 1, 4, 18; 152a 3-152b 2). 1. [Dans l’Ekottara], la proposition «Dans le monde, les créatures aiment le réceptacle » forme une indication générale (nirdeśapaãa) ; les autres membres de phrase (pada), qui se rapportent respectivement (yathâhramam) aux trois temps: présent (pratyutpanna), passé (atïta), futur (anâgata), constituent des applications spéciales [de la proposition générale]. Autre sens: Dans le présent, les créatures aiment le réceptacle; dans le passé, elles se plaisent dans le réceptacle; se plaisant autrefois dans le receptacle, maintenant encore, elles se complaisent dans le réceptacle. Se plaisant et se complaisant dans le réceptacle, à l’avenir elles se réjouiront dans le réceptacle. « Etre en possession du chemin de la vérité », signifie agir conformé ment à l’enseignement (yathopadeśam). 2. Chez les Mahāsāmghika, [la connaissance-réceptacle] s’appelle connais sance-racine. « C’est ainsi que l ’arbre s’appuie sur sa racine »: la connais sance-racine est la cause racine (mülahetu) de toutes les connaissances; de même, la racine de l’arbre est la cause des feuilles (parna), etc., et, sans cette racine, les feuilles, etc. n’existeraient pas. C’est ainsi que la connais sance-réceptacle est vraiment une connaissance-racine. présent proposition contradicts one of the other doctrines of the Mahīáāsaka, namely the doctrine of the perpétuai destruction and récréation of the samśkāra. This interprétation is subject, however, to a serious doubt. As it is well-known, the bïja theory play s an important rôle in the la ter Yogācāra literature. I am unable, at présent, to ascertain if the Mahīśāsaka Ābhidharmika had already the bïja theory in mind. » 1 La version tibétaine ajoute: hphags pa gnas brtan pa rnams kyi luù las kyaù srid pahi yan çes pa daù ni gyo ba daù ni bdun pa hjug lag lta ba daù gtoù ba daù rtogs pa daù par byed pa yi zhes hbyuù ùo. — Dans l ’agama des Ârya Sthavira, également, il est question de bhavãńga, etc. » — Sur le bhavàùga, voir le paragraphe suivant, Upani- bandhana. 3. Chez les Mahīśāsaka, [la connaissance-réceptacle] a pour synonyme « élément qui dure jusqu’au bout du samsara ». Pour en expliquer la raison, l ’auteur dit: « en certains lieux, etc.». « En certains lieux », c’est-à-dire dans le monde immatériel (ãrūpyadhātu), où il n’y a plus de matière; « en cer tains temps », c’est-à-dire dans les états de recueillement (samāpattyavasthā), recueillement d’inconscience (asamjñi°), etc., où il n’y a plus de pensée. « Dans la connaissance-réceptacle, leurs germes ne sont jamais interronn pus » : dans la connaissance-réceptacle résident des imprégnations (vāsanā) de forme et de pensée en vertu desquelles forme et pensée subsistent. Upanibandhana (386,1, 2-2, 3 ; 245* l-245b6). « Enfin, dans le Véhicule des Śrāvaka, c’est par des synonymes que, d’une façon ésotérique, on a désigné la connaissance-réceptacle » : l’auteur signale les positions prises ensemble par les autres écoles (nikâya) pour montrer que la connaissance-réceptacle est semblable à un grand chemin royal (mahārājamārga). Et pour commencer, « ce texte de l’Ekottarâgama » : cette parole est dite dans l’école Sarvāstivāda : « [toutes les créatures] aiment le réceptacle ». Ce premier membre de phrase (pada) désigne d ’une façon générale l’attache ment (abhiniveśa) à la connaissance-réceptacle. « Elles se plaisent dans le réceptacle » : elles se plaisent dans la connaissance-réceptacle actuelle ; « elles se complaisent dans le réceptacle » : elles se complaisaient dans la connaissance-réceptacle du passé ; « elles se réjouissent dans le réceptacle » : elles se réjouiront dans la connaissance-réceptacle de l’avenir. Parce que, de leur nature, [ces créatures] lui sont excessivement attachées; parce qu’elles se plaisent, se complaisent, se réjouissent en lui, l’auteur dit, d’une façon générale, qu’elles aiment le réceptacle. « Pour détruire le réceptacle » : pour l’exterminer (pratihan) ; « quand on leur prêche la bonne loi » : quand on leur prêche la bonne doctrine (deśanãdharma) ; « elles désirent entendre » (suśrüsante) : elles souhaitent enten dre (êrotum icchanti) ; « et prêtent l’oreille » : parce qu’elles veulent écouter ; ceci indique leur savoir issu de l’audition (śrutamayajñāna). Elles re cherchent le parfait savoir»: elles veulent réfléchir sur l ’objet tel qu’il leur a été prêché ; ceci indique leur savoir issu de la réflexion (cintāmayajñãna) : « Elles sont en possession du chemin de la vérité (dharmânudharmapratipanna) »: par « dharma », on entend ce qui doit être réalisé (sāksātkartavya)) par « anudharma », le chemin (mârga), parce qu’il est favorable (ânulomika) au Dharma. Ou encore, par « dharma », on entend le chemin supra-mondain (lokottaram&rga) et, par « anudharma », le chemin mondain (laukikamārga) ; « elles en sont en possession (pratipanna) » : elles réta blissent (avasthâpayanti) dans leur série mentale (svacittasamtâna)1, l’implantent et le développent au point quelles manifestent des maîtrises (vaśitã): ceci indique leur savoir issu de la méditation (bhāvanāmayajñāna). Dans le « sûtra des quatre avantages de la manifestation du Tathagata », c est par ce synonyme que, d’une façon ésotérique, on désigne la connais sance-réceptacle. Dans ce sûtra, il est proclamé que le Tathagata, quand il se manifeste au monde, possède quatre avantages admirables [pour les autres]. 2. Dans l’Âgama des Mahāsāmghika, etc. » : Fauteur prouve que, dans cette école [également], la connaissance [réceptacle] est semblable à un grand chemin royal. « Connaissance-racine » : parce quelle est la cause des autres connaissances, comme la racine de l ’arbre est la cause des feuilles, etc. 3. Chez les Mahīśāsaka, etc. » : cette école admet trois sortes d’éléments constitutifs (skandha) : a. les éléments instantanés (ksanikaskandha), c’est-àdire les Dharma qui naissent et périssent d’instant en instant; b. les élé ments qui durent la durée d’une existence (ekajanmāvadhiskanãha), c’esta-dire les Dharma qui durent jusqu’à la mort; c. l’élément qui dure jus qu’au bout du samsara (āsamsārikaskanãhaf), c’est-à-dire le Dharma qui dure jusqu’à l’obtention de la concentration semblable au diamant (vajropamasamādhi, Kośa, VI, 228). Si on exclut la connaissance-réceptacle, il n’y a rien d’autre qui puisse être cet [élément éternel]. Il est donc un sy nonyme de connaissance-réceptacle; en effet, les [autres] éléments dont on a parlé (yathokta) ne durent pas jusqu’au bout du samsara. Comment cela? direz-vous. L ’auteur répond: «parce que, en certains lieux et en certains* temps, on constate, etc. » : « en certains lieux », c’est-àdire en certain monde (dhâtu) ; « en certains temps », c ’est-à-dire à certains moments. Dans le monde immatériel (ā rü p ya d h ā tu ), toute matière (rüpa) est interrompue (sam ucehinna ) ; chez les dieux inconscients (a sam jñ ideva ) et dans les deux recueillements (sa m â p a tti ), toute pensée est interrompue. Au contraire, les germes (bîja) dé matière et de pensée, contenus dans la con naissance-réceptacle, ne peuvent jamais être interrompus, aussi longtemps que le chemin qui les contrecarre (p ra tip a k sa m â rg a ) n’est pas né. Il ne faut pas admettre que [l’interruption] puisse avoir lieu suivant les cas (yath âyogam ) , parce que [ce que nous avons dit] est la doctrine cor recte. Et il n’est pas raisonnable d’admettre une proposition fausse en contredisant une proposition vraie. 1 D'après Tib, de sgrub pa ni raù gi sems kyi rgyud la hjog pahi phyir ro. 5 7. — Le chemin royal. Samgraha (327, 1, 19-22; 5b3-5) Ainsi donc le point d ’appui du connaissable (jñ e y ā śr a y a ) est identifié à la connaissance-réeeptacle (§ 3), à la connaissance appropriatrice (§ 3) , à la pensée (§ 4), au réceptacle, à la connaissanceracine, à Télément qui dure ju sq u ’au bout du Samsâra (§ 6), etc. Tous ces synonymes prouvent que la connaissance-réceptacle est un grand chemin royal (m a h ā rā ja m ā rg a ) . Bhāsya (327, 1 23-24; 152a 2). « Tous ces synonymes prouvent que la connaissance-réceptacle est un grand chemin royal », est largement répandue (ativistîrna). Upanibandhana (386, 2, 7-18; 245b 6-246* 2-3). Le mot « et cætera » indique que, dans la secte des Arya Sthavira (āryasthaviranikāya) , cette connaissance est aussi désignée par le mot: Membre-d’existence (bhavdnga) : en effet, la connaissance-réceptacle est la cause (hetu) de l’existence (bhava ) \ Comme ils disent : « Les six connaissances ne meurent pas, ne naissent pas. C’est en raison soit du membre d’existence, soit du fan yuen (29 et 2, 120 et 9) qu’elles meurent; c’est en raison de l’élément de connaissance mentale, de rétribution (vipākamanovijñānadhātu), qu’elles naissent », etc.2 1 Sur le Bhavaùga, « subconscious life continuum », des sources nombreuses en pâli: Atthasālinī (ed. Müller, 1897) p. 140 (où le citta prabhâsvara d ’Aüguttara, I, p. 10, est le Bhavaùga; Yisuddhimagga (ed. Mrs Rhys Davids, 1920), p. 458 et passim; Milindapaüha (ed. Trenckner, 1880), p. 299; Kathâvatthu (ed. Taylor, 1894-7) p. xxii, 2, 3; Nettippakarana (ed. Hardy, 1902), p. 91 (?). Travaux: S. Z. Aung et Mrs Rhys Davids, Compendium of PMlosophy, 1910, p. 6, 266; Mrs Rhys Davids, Translation of the Dhammasangani, 2d ed. 1923, p. 2, 132, 134; Quest Review, 1917, oct., p. 16; Buddhist Psychology, 2d ed. 1924, p. 171, 178 foll., 272; A. B. Keith, Buddhist Philosophy, 1923, p. 194, 214; La Vallée Poussin, Nirvâna, 1925, p. 65. — Koêa , V I, p. 299; Siddhi, p. 179. a fan, 29 et 2, ou (ci-dessous) 162 et 4, traduit pari dans l ’expression pariprochãvyãkarana, «répondre à une question par une contre-question », pari Ils disent ainsi parce que le Projecteur (neng in fa, 130 et 6, 57 et 1, 105 et 7, cp. dksepakal) est seulement la connaissance mentale (manovijñãna). Les cinq [premières] connaissances, noyant rien à connaître dans le Dharma, sont seulement projetées (dksipta?). Il en va de même de l'élément mental (manoãhātu) qui est seulement sampratïcchana (teng siun k’ieou, 118 et 6, 41 et 9, 85 et 2, « recherche égale »). La « vue » (kien, 147; darêana) est une simple appréhension (? tchao tchou, 86 et 9, 30 et 21). Le samtlrana (teng koan tch’e, 118 et 6; 154 et 4, 60 et 12, « pénétration égale») obtient une connaissance certaine (viniścaya). Le vyavasthâpana (ngan li, 40 et 3, 117, « établissement ») est générateur d'imaginations ver bales (vdgvikalpa) . Les six (?*?) connaissances sont seulement capables de produire à leur suite des attitudes (īryãpatha) ; elles ne sont pas capables de prendre les bons ou mauvais chemins de l'acte (kuśalākuśala karmapatha) ; elles ne sont pas capables d'entrer ou de sortir (vyutthâ) de concentration (samâdhi). La « fonction » (*? che y ong, 19 et 11, 101; kriyâ?), c'est tout ce qui est capable de produire-faire. C'est en vertu du « projecteur » qu'on se réveille du sommeil ; c'est en vertu de la « fonction » qu'on revoit ce qu'on a rêvé1; etc.2 dans paryanuyoga. — yuen est dlamb, « prendre une chose pour objet », « por ter sur ». Ci-dessous p. 215, note § 8, le citta de fan-yuen est le dernier stade de l'activité mentale (le dernier stade des vijñānas) avant le retour au bhavãńgaoitta. — Nous proposons la traduction: «Quand les six connaissances meurent, c'est en raison du bhavdùga (où elles retombent), ou du fan-yuen-citta (qui les y fait retomber) » ( 1 Pour le rêve, ne ’ent M ilinda, p. 299. 2 La parenté est e avec la doctrine du Yisuddhimagga sur le bhavaùga, avec la doctrine de iras résumée par K'ouei-ki (Tch'eng wei che louen tchang tchong tch'ov Taishô no 1831, p. 635, 2, 18 — 635, 3, 1). M. Paul Demiéville a signalé :er texte à M. E. Lamotte en lui fournissant de pré cieuses données pour prétation. [L. Y. P.] a. Le bhavańga ( havańgaviññāna) s'étend entre la naissance (patisam dhiviññāna) et la mo Kcutiviñnāna). C'est un flux duquel surgissent les opéra tions mentales. Or d'abord üvajjana: le bhavańga est troublé par la présence d'un objet; « the iubject merely turns to something that arouses its attention after producing a disturbance in the bhavaûga, but knows no more about it » : cette opération d ’āvajjan a appartient au kiriyamanoãhãtu (élément mental qui est résultat). — Suit la « vue, etc. » (dassana, savan a...): il y a une sensation visuelle (cakkhuviññāna) : on voit, mais il n 'y a aucune connaissance de la na ture de ce qu 'on voit. — Suit la « réception » (sampaticchana) : « réception of the object so seen » avec impression agréable ou désagréable. — Suit l'« exammation » {samtlrana): examen de l'objet qui a été « reçu ». — Suit le « de- termining » le votthapana : « the arranging of the examined or investigated material in such a manner as to constitute it into a definite object ». — Alors vient le stade dit « apperception » (javana) : « the object, determined or integrated by the foregoing activity, is apperceived, or properly cognized ». — Suit le taãārammana, « registering, or identifying, of the object thus apperceived ». —• L'opération est alors terminée et « la conscience se perd dans le bhavaùga ». Voir Shwe Zan Aung, Compendium of Philosophy, PTS., 1910, p. 28-30; Yisuddhimagga, p. 21, 457 (Pe Maung Tin, P ath of P u rity, P. T. S., sans date, p. 25). On a donc bhavańga-ãvajjana-dassanasavanaghāyanasãyana = phnsanāsampaticchana-samtīrana-votthapana-javana-taããrammana-bhavańga : en tout neuf viññãnas. Pe Maung Tin traduit Visuddhimagga, p. 21 {Path of P u rity, p. 25) : But indeed, when a visible object (rūpãrammana) enter s the avenue of sight {cakkhussa āpātham)y on the cessation of the subconsciousness (bhavaùga) after arising two or three times, the inoperative mind-element (or the five-door-adverting, Tciriyāmanodhãtu, pañcadvārāvajjana) arises, accomplishing the function of adverting (âvajjanakicca), and tlien ceases. Then arise and cease in order, the visual cognition (cakkhuviññāria) accomplishing the function of seeing (dassanakicca), the résultant mind-element {vipãkamanadhātu) accomplishing the function of receiving (sampaticchariakicca), the résultant element of mind-cognition without root-conditions (vipākāhetuka manovijñãna ãhãtu : ahetuha signifie « ne dépendant pas de râga, désir, etc.) accomplishing the function of scrutinizing (samtiranakicca), and the inoperative element of mindcognition without rootcondition (kriyāhetukamanovmñãnaãhātu) accomplishing the function of determining (vottliapanakicca) . Immediately afterwards, apperception takes place (javanam javati), b. Les Sthaviras de K 'ouei-ki ont une liste de neuf cittas qui doit se superposer à la précédente. Il y a cependant quelques difficultés. 1. bhavâùgacitta : « Lorsque, par exemple, au début on reçoit naissance et qu'on est encore incapable de vikalpa (imagination) et que le citta ne fa it que se dérouler en portant (alamb) sur les objets automatiquement, c'est ce qu'on appelle bhavâùgacitta. 2. citta ayant le pouvoir de tirer-produire: « S 'il y a des objets qui se présen tent et que le citta produise une « mise en garde-éveil » (king-kio, 149 et 13, 147 et 13 = âvarjana), c'est ce qu'on appelle le a citta ayant le pouvoir de tirer-produire ». 3. ãarśanacitta: «L e citta s'étant déroulé par rapport à cet objet, le voit (kieri), le regarde (tchao-tchan, 86 et 9, 109 et 13). 4. citta de « recherche égale » (sam pratîcchanacitta) : « L 'ayant vu, il en exa mine (tch ’a, 40 et 11, mīmāmsā , ūhanã) par une « recherche égale » le bien et le mal ». 5. citta de « pénétration égale » (sam tïranacitta) : « L'ayant examiné, il en connaît (vijān ãti) ensuite, par une « pénétration égale », le bien et le mal ». L’école des Yibhajyavâdin appelle aussi cette connaissance du nom de « membre d’existence » \ Les textes sacrés (āryadeśanã) de toutes ces écoles prouvent avec certi tude que la connaissance-réceptacle est semblable à un grand chemin royal. $ 8. — Critiques des fausses interprétations de texte. Samgraha (327, 1, 25-2, 18; 5b 5-6* 7). 1. Certains pensent (kecid manyante) que « pensée », « Mental » et « connaissance » ont un sens identique (ekârtha) sous des vocables (padavyañjana) différents2. Cet avis (mati) est inadmissible. On constate (upalabhyate) une différence de sens entre les deux : « Men tal » et « connaissance » ; donc le mot « pensée », lui aussi, doit avoir un sens particulier. 2. E n ce qui concerne l ’adage de Bhagavat: « Toutes les créatures aiment le réceptacle, etc. (itivistara) », certains pensent que ici, par réceptacle (âlaya), on entend les cinq éléments constitutifs de l ’exis tence (pañcopādānaskandha) ; d ’autres pensent que, par réceptacle, on entend la sensation agréable unie à la concupiscence (sukhave6. citta d ’établissement (vyavasthapanacitta) : « Alors la pensée d ’établissement produit des imaginations verbales (vāgvikálpa) et dit le bien et le mal [de l ’objet] ». 7. citta de fonctionnement (che y ong) : « Alors, selon le bien et le mal, il y a « mouvement-action » (tong tso, 19 et 9, 9 et 5; cette expression dans Siããhi, X, 2 8 a l; correspond à cestita , iñ jita : doit être le javana des sources pâlies) [et] le citta de fonctionnement naît ». 8. citta de fan-yuen. (162 et 4, 120 et 9). [Ceci correspond au taããrammana des sources pâlies: Shwe Zan Aung traduit: « [la pensée par laquelle on dit] that object, just that same and no other ». — « Lorsque le javana a eu lieu, au moment où [le citta ] va entrer en repos, il se reporte sur (fan-yuen) la chose faite précédemment. 9. Le [citta de] fan-yuen ayant eu lieu, retour au bhavãńga qui porte auto matiquement sur les objets. 1 La Siddhi, p. 179, attribue également le bhavãńga aux Sthavira et aux Yibha jyavâdin. a C’est la doctrine du K oêa , II, p. 176: « Pensée, Mental et connaissances, ces m>ms désignent une même chose ». danâ rãgasamprayuktã) ; d ’autres enfin pensent que, par réceptacle, on entend la vue fausse sur l ’accumulation de choses périssantes (satkâyadrsti) \ Tous ces maîtres interprètent de la sorte parce que, en raison de leurs âgama et de leurs intuitions (tcheng 149 et 12 = rtogs pa = pratipatti), ils se trom pent sur la connaissance-réceptacle. Ces in terprétations (vyavasthâpana) du nom de réceptacle, même d ’après les raisonnements établis dans le Véhicule des Śrāvaka, ne sont pas correctes (na yujyante). Ceux qui ne se trompent pas (amüdha), croient à la connaissanceréceptacle et prétendent (vyavasthâpayanti) que c ’est à elle que s ’applique le nom de réceptacle. Cette interprétation est la bonne (bhadra). Pourquoi est-elle la bonne? Supposons que le réceptacle soit les cinq éléments constitutifs de l ’existence. Pour les êtres qui renais sent dans des destinées mauvaises (durgati) , où règne une douleur absolue (aikâniikaduhkha) , ces éléments sont excessivement désa gréables (pratiküla) ; ces êtres n ’éprouvent [à leur égard] absolu ment aucun plaisir. Il est impossible q u ’ils les prennent pour récep tacle (ail), puisque leur éternel désir est de s ’en libérer. Supposons que le réceptacle soit la sensation agréable unie à la concupiscence. Cette sensation n ’existe plus à p a rtir et au delà de la quatrième extase (dhyâna). Les êtres qui en sont munis (tadupeta) éprouvent [pour elle] un dégoût constant. [Dès lors], il est impossi ble q u ’ils la prennent pour réceptacle. Supposons que le réceptacle soit la vue fausse sur l ’accumulation de choses périssantes. Ceux qui, dans la bonne Loi, sont convaincus de l ’inexistence du moi (nairâtmya) éprouvent [pour cette croyance] un dégoût constant. [Dès lors], il est impossible q u ’ils la prennent pour réceptacle. 1 Outre ces trois interprétations, la Siddhi, p. 181, en ajoute d ’autres: L ’Âlaya serait les cinq objets de jouissance (kâmaguna), les connaissances-en-acte (pravrttivijñãná) , le corps matériel (rūpakāya), les opérants dissociés de la pensée (viprayuTctasamslcâra). Prenant la connaissance-réceptacle pour leur moi interne (alayavijñānam antarãtmabhāvenābhyupagamya,), les êtres plongés dans les destinées mauvaises, où règne un malheur absolu, désirent se libérer des éléments douloureux (duhkhaskandha) ; cependant, ils restent toujours liés (anubaddha) à la connaissance-réceptacle par rattachem ent au moi (dtmasneha) et ne désirent jamais s'en libérer. Les êtres qui ont atteint ou dépassé la quatrième extase éprouvent une répugnance constante pour le plaisir uni à la concupiscence; cependant ils restent toujours liés à la connaissance-réceptacle par l 'attachement au moi. Les êtres qui, dans la bonne Loi, sont convaincus de l'inexistence du moi éprouvent du dégoût pour la vue du moi ißtmadrsti) ; ce pendant, ils restent liés à la connaissance-réceptacle par rattac h e ment au moi. C'est pourquoi, prétendre que le réceptacle en question est la connaissance-réceptacle: c'est là la bonne explication. Bhâsya (327, 2, 19-28; 152b 3-153a 4). « Ceux qui ne se trompent pas » : c'est-à-dire les Bodhisattva, car, ce qu'ils proclament, c'est l'existence de la connaissance-réceptacle. « Dans les mauvaises destinées » : dans les destinées propres aux défunts (p rê ta ), aux animaux (tir y a k ) et aux damnés (nâraka) ; « où règne une douleur abso lue » : où ils éprouvent (an u bh avan ti ) exclusivement des fruits d'actes désa gréables (an istakarm aph ala) . La sensation agréable (sukhavedana) qui s'y produit parfois (kad â cit ) est le fruit d'écoulement (n isyan daph ala ), mais le fruit de rétribution (vipākaph aīa) que ces êtres expérimentent est seule ment douloureux.1 « Elle n'existe plus à partir et au delà de la quatrième extase » : dans la quatrième extase et les terres (bhümi) supérieures. « Les êtres qui en sont en possession » : les êtres qui sont parvenus à renaître [dans cette extase J. « P renant la connaissance-réceptacle pour leur m oi interne » : ces êtres croient que cette connaissance est leur m oi interne; « ils désirent se libé rer des éléments douloureux » : tout en désirant se libérer des élém ents 1 Sur la différence entre vipaka et nisyandaphala, Kośa, II, p. 289-290. douloureux ; « cependant ils restent toujours liés à la connaissance-réceptacle par l'attachement au moi » : considérant la connaissance-réceptacle comme leur moi, ils restent liés par le désir (trsnâ). Upanibandhana (386, 3, 11-387, 2, 15; 246a 2-248R1). 1 . « C e r ta in s p e n s e n t q u e « p e n s é e » , « M e n t a l » e t « c o n ija is s a n c e » o n t u n s e n s id e n tiq u e s o u s d e s v o c a b le s d iff é r e n t s » : c e c i m o n t r e q u e c 'e s t u n e er r e u r ( m ith yãgrāh a ) d e p r é t e n d r e q u e p e n s é e , M e n ta l e t c o n n a is s a n c e o n t le m ê m e se n s . « C et a v is e s t in a d m is s ib le » : i n j u s t i f i é ; « o n c o n s t a t e u n e d iffé r e n c e d e s e n s e n tr e le s d e u x : « M a n a s » e t « c o n n a is s a n c e » : i l y a d es d iffé r e n c e s d e c a r a c tè r e s p r o p r e s ( svalaksana ) e n tr e le s d e u x m o ts (śabãa) et le s d e u x s e n s (arth a), e n tr e le s e x p r e s s io n s (abhidhâna) e t le s c h o se s e x p r im é e s ( abhidheya ) . C e lu i d e s s i x c o r p s d e c o n n a is s a n c e q u i v ie n t d e p a s se r (an an tarãtīta ) , c 'e s t le M e n t a l; ce q u i c o n n a ît le s o b j e t s s ' a p p e l l e c o n n a is s a n c e . D e m ê m e q u e « M e n ta l » e t « c o n n a is s a n c e » o n t d es s e n s d iff é r e n t s , a in s i « p e n s é e » d o it a v o ir a u s s i u n s e n s s p é c ia l. 2. « En ce qui concerne l'adage de Bhagavat: [Toutes les créatures aiment le réceptacle], certains pensent e tc ...» : ceci montre que d'autres maîtres ont interprété de façons diverses l'amour pour le réceptacle. Ils disent que « par réceptacle, on entend les cinq éléments constitutifs de l'existence » : en effet, tous les êtres prennent [ces éléments] pour le moi. Ils disent aussi que « par réceptacle, on entend la sensation agréable unie à la concupiscence » : soit que la concupiscence et la sensation allant de pair constituent ensemble le réceptacle, cette sensation étant grossie (souei tseng mien, 170 et 13, 32 et 12, 109 et 5 = rgyas par hgyur ba = parisphîita, M. Y. 6295) de la concupiscence ; soit que chacune d'elles séparément constitue le réceptacle, puisqu'elles s'exercent sur des domaines différents. Ils disent encore que « par réceptacle, on entend la vue fausse sur l'accu mulation de choses périssantes » : car c'est grâce à elle que l'on prend les [choses périssantes] pour le moi. « Tous ces maîtres parlent ainsi parce que, dans leurs âgama et leurs intuitions, ils se trompent sur la connaissance-réceptacle » : c'est parce qu'ils ont de mauvais âgama et de mauvaises intuitions qu'ils se trompent sur la connaissance-réceptacle; ou bien, c'est parce qu'ils n'ont pas d'âgama dignes de confiance (ts’in, 147 et 9 = yid ches pa = pratyayita, M. Y. 6985) et parce qu'ils ne comprennent rien eux-mêmes, qu'ils se trompent sur la connaissance-réceptacle. « [Ces interprétations], même d'après les raisonnements établis dans le Véhicule des Śrāvaka, ne sont pas correctes »: d'après leur propre système également, ne sont pas correctes. Comme les Tattva et les autres [entités inexistantes] établis dans les traités (śāstra) Vaiśesika, il en résulte (prasajyate) que [ces interprétations] ne sont pas correctes1. « Cette interprétation est la bonne » : parce qu’elle n’a pas de défaut (dosa) et présente d’excellentes qualités (guna). Voulant mettre en lumière les défauts de ces interprétations, l’auteur se demande pourquoi [sa théorie] est la bonne. « Supposons que le récep tacle soit les cinq éléments constitutifs de l’existence. Pour les êtres qui renaissent dans des destinées mauvaises où règne une douleur absolue ». Par «destinée mauvaise», on entend celles des damnés (nâraka), des animaux (tiryak) et des défunts (prêta). Puisqu’elles ne comportent que douleurs et se manifestent comme douleur, on parle de « douleur absolue », car elles ne comportent jamais le moindre plaisir. « Ces éléments sont excessivement désagréables » : parce qu’en tout temps ils comportent de nombreuses dou leurs. « Ces êtres n’éprouvent [à leur égard] absolument aucun désir » : nul ne prend pour réceptacle une chose désagréable (anistārthe na kascid alîyate), [l’objet désagréable] n ’étant jamais associé (samprayukta) avec la chose prise pour réceptacle. « Il est impossible qu’ils les prennent pour réceptacle, puisque leur éternel désir est de s’en libérer » : étant constam ment offensés par ces éléments douloureux (âuhkhaskandha), ils se de mandent comment ils parviendront à s’en libérer. Ils ne peuvent les prendre pour réceptacle tout en désirant s’en libérer, car ce serait contradictoire (virodhât). Dans la quatrième extase et dans les sphères immatérielles supérieures, la sensation agréable unie à la concupiscence n’existe plus. « Ils éprouvent [pour elle] un dégoût constant » : parce qu’elle est cause de dégoût et haïssable. « Les êtres qui en sont munis » : la catégorie des êtres qui re naissent dans la quatrième extase et au delà. « [Dès lofs] il est impossible Qu’ils la prennent pour réceptacle » : puisqu’elle n ’existe plus. « Ceux qui, dans la bonne Loi, sont convaincus de l’inexistence du moi », éprouvent toujours une grande-répulsion pour la vue fausse sur l’accumula tion de choses périssantes, parce qu’il faut la couper; en effet, ceux qui croient à l’inexistence du moi n’ont plus cette [croyance]. Puisque, en vertu de cette seule conviction, ils cherchent constamment à la couper, « il est im possible qu’ils la prennent pour réceptacle ». L’auteur a mis ainsi en lumière les défauts (dosa) des thèses adverses Les Tattva etc. des Vaiàeçika ne sont pas bons parce q u ’ils sont en contradic tion avec le système vaiéeçika lui-même. Ainsi les interprétations des Śrāvaka, en contradiction avec le P etit Véhicule, ne tiennent pas. (paragrāha). Voulant encore faire connaître les avantages de son système, il ajoute: «Prenant la connaissance-réceptacle pour leur moi interne»: les êtres croient à tort qu’elle est identique à leur moi interne. Les deux mots « quoique » et « cependant » servent à réfuter (pratisidh) les fausses théories des adversaires. Dans les mauvaises destinées propres aux damnés, etc., là où règne une douleur absolue, les êtres cherchent toujours à se li bérer des éléments douloureux; cependant, ils ne cessent pas d’être toujours reliés à la connaissance-réceptacle par le filet (jâlà) de l’attachement au moi. Jamais, en ce qui la concerne, ils ne forment le souhait de sa nonexistence, car, associée à la sensation d’indifférence (upeksāvedanā), elle n’est pas désagréable (pratiküla). Comment cela? Ces êtres souhaitent la non-existence complète des éléments douloureux; ils ne souhaitent jamais se dépouiller de leur moi (svâtmani), car le contrecarrant de la vue du moi (âtmadrstipratipaksa) n’existe pas encore. Quant au désir qu’ils conçoivent pour les éléments d’une autre destinée [non-mauvaise], il est dû à la puissan ce de la connaissance-réceptacle1. Il n’est pas possible que leur attachement au moi porte sur la connaissance mentale car, dans les mauvaises destinées, celle-ci est toujours associée à la sensation désagréable (duhkhavedanà). C’est pourquoi il est inexact de prétendre que, dans d ’autres destinées, ils s’attachent à elle. Dans la quatrième extase et au delà, ils éprouvent un dégoût constant pour le plaisir uni à la concupiscence; cependant, ils ne cessent d’être liés par l’attachement au moi interne. Cet attachement au moi, qui dépend « d’autrui » (paratantra), s’appuie sur le réceptacle et non sur la connais sance mentale. Le réceptacle, aussi longtemps que le chemin qui le contrecarre (pratipaksamârga) n’est pas né, suit son cours sans se transformer (aparinâmena pravartate). Il n’en est pas de même pour la connaissance mentale, qui est interrompue (samucchinna) dans le recueillement d’inconscience, l’inconscience et le recueillement d ’arrêt, car il n’y a pas de connaissance mentale sans la présence concomitante d’une sensation. « Ceux qui, dans la bonne Loi, sont convaincus de la non-existence du moi», éprouvent un dégoût constant pour la vue du moi fruit de l’imagi nation (parikalpitâtmadrsti) ; cependant, ils restent liés par la vue du moi innée (sahajâtmadrsti). [Liés] à quoi? Seulement à la connaissance-récepta cle, car, quand, soudain (akasmât), on entend un bruit, ceux qui croient au moi éprouvent de la crainte. 1 D'après tib .: hgro ba gzhan la brten pahi phuù po rnams la de dag gi hdod pa gań yin pa de hań kun gzhi rnam par çes pahi dbaù gis hgyur gyi yid kyi rnam par çes pa la de ltar bdag tu chags par ni mi ruù ste. Pourquoi ne pas admettre que rattachement au moi porte sur les éléments (skandha) ? — Si rattachement au moi portait sur les éléments, ils seraient connaissance-réceptacle; en effet les quatre éléments immatériels (a rü piskan dha)y avec des objets (âlam bana ) et des aspects (āk āra ) distinguables ( parie chinna), n’existent ni chez les dieux inconscients, ni dans les deux recueille ments privés de pensée (a citta k a sa m â p a tti ). S’il en est ainsi, l’attachement au moi existe chez le saint (arhat ) bien qu’il réprouve la vue du moi. — Non, cet attachement au moi étant coupé n ’existe plus chez lui. Puisque le saint a coupé toute vue du moi, on échappe à la difficulté. C’est pourquoi on a dit que le saint se meut dans la connaissanceréceptacle sans partager cet attachement au moi. Donc l’interprétation d’après laquelle le « réceptacle » est la connaissanceréceptacle est absolument établie (siddha) ; elle ne présente aucun défaut et offre tous les avantages. C’est pourquoi on l’a appelée la bonne [interpréta tion]. IIe Partie: Les caractères de la connaissance-réceptacle. $ 1. Les trois caractères de la connaissance-réceptacle. — $ 2. Définition de l ’imprégnation. — $ 3. Rapports entre les choses et la connaissance-réceptacle: 1. leurs germes ne sont ni différents ni non-différents de la connaissance-récep tacle; 2. causalité réciproque entre la connaissance-réceptacle et les choses; 3. so lution d'une difficulté. — } 4. La production en raison de causes: 1. les deux productions en raison de causes; 2. doctrines inexactes. — $ 5. Définition de la connaissance-réceptacle. — $ 6 . Germes et imprégnations: 1. six caractères des germes; 2. quatre caractères du « parfumé »; 3. double causalité; 4. germes ex ternes et internes. — $ 7. Connaissance-réceptacle et connaissances-en-acte : 1. les deux connaissances; 2. causalité réciproque entre connaissance-réceptacle et connaissances-en-acte. — } 8. Les trois productions en raison de causes et les quatre conditions. i l . — Les trois caractères de la connaissance-réceptacle. Samgraha, d ’après le chinois (327, 2, 29-3, 9) Nous avons parlé de la connaissance-réceptacle et exposé (vyavasthâp) ses synonymes (paryâya). Quels sont les caractères (laksana) que nous pouvons lui attribuer? Ces caractères, sommairement (samâsatas) f sont de trois sortes (trividha) : 1° on lui attribue un caractère propre (svalaksana) ; 2° on lui attribue le caractère de cause (hetulaksana) ; 3° on lui attribue le caractère d ’effet (phalalaksana) . 1. D ’abord (atra) « on lui attribue un caractère propre ». E n rai son (ãśritya) des imprégnations (vãsanā) de toutes les choses souil lées (sûmkleêapâksikadharma) , elle est la cause génératrice (janakahetu) de ces choses, car elle est associée (samprayukta) à la capacité de prendre-retenir (che tch ’e 64 et 18; 64 et 6 = yońs su hdsin pa = parigrahana) leurs germes (bîja). 2. E n outre, «on lui attribue le caractère de cause»: Cette con naissance-réceptacle, munie de tous les germes (sarvabījakālayavijñāna), est en tout temps (sarvakâle) «présente (pratyupasthita) aux choses de souillure » dont elle est la cause. 3. Enfin, « on lui attribue le caractère d ’effet ». E n raison des imprégnations (vãsanã) éternelles (anādikālika) de ees choses de souillure, la connaissance-réceptacle naît (utpadyate) en série con tinue (samtâna, prabandha). Idem, d ’après le tibétain (6a 7-6b 3) * Tel est l ’exposé des synonymes de «connaissance-réceptacle». Maintenant, comment savoir les caractères à lui attribuer? 1 Vu l ’importance de ce passage, nous transcrivons ici le texte tibétain dont nous tentons la restitution en sanscrit. hdi ni re zhig kun gzhi rnam par çes pahi rnam grans rnam par bzhag paho / / de nas hdihi mtshan ñid rnam par bzhag pa ji ltar lta zhe na / de ni mdor bsdu na rnam pa gsum ste / rafi gi mtshan ñid rnam par bzhag pa dań / rgyu ñid du rnam par bzhag pa dań / hbras bu üid du rnam par bzhag paho / / de la kun gzhi rnam par çes pahi rafi gi mtshan ñid ni / gań kun nas ñon mońs pahi chos thams cad kyi bag chags la brten nas / sa bon yońs su hdsin pa dan ldan pas / de skye bahi rgyu mtshan ñid do / / de la rgyu ñid kyi mtshan üid ni de ltar kun gzhi rnam par çes pahi < ran gi > sa bon thams çad pa de kun nas ñon mońs pahi chos de ñid kyi rgyu ñid du dus thams cad du fie bar gnas pa yin no / / de la hbras bu fiid du rnam par bzhag pa fiid ni / gafi kun gzhi rnam par çes pa kun nas fion mofis palii chos de dag fiid kyi thog ma med pahi dus kyi bag chags la brten nas byufi baho / / Sommairement, ceux-ci sont de trois sortes : caractère propre, nature de cause et nature d ’effet. D ’abord, le caractère propre de la connaissance-réceptacle c ’est d être la cause-generatrice des choses, car, en raison des imprégna tions de toutes les choses souillées, elle est munie de la saisie de leurs germes. En outre, le caractère de cause : cette connaissance-réceptacle, munie de tous les germes, est présente en tout temps, en qualité de cause de ces mêmes choses souillées. Enfin, qn lui attribue la qualité d ’effet, en tan t q u ’elle prend naissance en s ’appuyant sur les imprégnations éternelles de ces mêmes choses souillées. Bhâsya (327, 3, 10-29 ; 153‘ 4-153b 2). L auteur vient d’exposer ainsi les synonymes de « connaissance-récep tacle », mais ce n’est pas en citant ses synonymes qu’on comprend ses caractères. C’est pourquoi, l’auteur parle encore de la nature propre (svabhâva) de cette connaissance, de sa nature de cause (hetubhâva) et de sa nature d’effet (phaïabhâva). 1. « D’abord, on lui attribue un caractère propre » : la nature propre de cette connaissance est, en raison des imprégnations de toutes les choses de souillure, une certaine puissance (śa k tiviśesa ) capable de produire ces [choses]. Pour expliquer cette puissance, l’auteur dit qu’« elle est associée a la capacité de contenir les germes » : à raison des imprégnations de toutes les choses souillées, elle est la cause génératrice de ces choses. « Contenir des germes » c’est-à-dire des puissances spéciales (śa k tiviśesa ) . Elle est tdam tāvad ālayavijñānasya paryāyavyavasthāpanam. atas tasya laksandvyavasthāpanam katham drastavyam . ta t triviãham samāsatas svalaksanavydvdsthâpanam hetutvavyavasthāpanam phalatvavyavasthãparvam od. tatrãldydvijñāndsyd Malaksanam y a t sarvasãmkleśikadharmavāsanām āśrityd bījaparigrahanopetatvāt ^adjanakahetulaksanam. tatra hetutvalaksanam ydã evam tasyd sarvabījakasyālàyávijñānasya tesãm eva sāmkleśikadharmānām hetutvena sarvaJcāle pratyupazthãnam. tatra phalatvdvyavasthãpanam yad āldyavijñāndm tesām eva sāmTcleśia armãnām anādikālīkavāsanām niśritya pravartate. — Sur ces trois caractères, 1 dhi, p. 9 7 : « Qe vijñāna a les caractères d ’être effet (Tcârya) et cause (Tcârana) : son svalalcçana est de « concentrer » ces deux caractères et de « s'appuyer » sur eu* »; et la note de K'ouei-ki sur ce passage. « associée » c’est-à-dire m anie (yukta) [de cette capacité]. V oilà ce qui s’ap pelle établir le caractère propre de cette connaissance. 2. « E n outre, on lui attribue le caractère de cause » : cette puissance spéciale, due aux im prégnations des choses souillées, et réalisée par la connaissance qui — on l’a dit plus haut — est m unie de tous les germes, constitue la cause génératrice de ces choses. V o ilà ce qui s’appelle établir le caractère de cause, propre à cette connaissance. 3. « E n fin on lui attribue le caractère d ’e ffe t » : étant continuellem ent engendrée à raison des im prégnations éternelles de ces choses souillées, cette connaissance contient (parigrlināti ) des im prégnations éternelles. V oilà ce qui s’appelle établir le caractère d ’e ffe t, propre à cette connaissance. 1. D’abord (tâvat) le caractère propre: en raison de l’imprégnation éter nelle (anãdikã vãsanā) de toutes les choses souillées, qui est sa cause géné ratrice, contenir les germes: telle est la nature propre (svabhâva) de cette connaissance, qui est établie par sa nature d’effet et de cause. 2. En outre, son caractère de cause est cette puissance spéciale, due aux imprégnations des choses souillées, consistant à être cause génératrice des choses. Voici établie seulement sa nature de cause. 3. Enfin, son caractère d’effet est le fait que la connaissance-réceptacle est continuellement engendrée à raison des imprégnations éternelles des choses souillées. Voici établie seulement sa nature d’effet. Il y a donc trois carac tères différents. Upanibandhana (387, 2, 25-3, 17; 248“ l-248b5). Ayant ainsi exposé les synonymes de « connaissance-réceptacle », l’auteur établit maintenant ses caractères. Puisque ses seules dénominations ( n â m a m â t r a ) ne permettent pas de distinguer les caractères propres à cette con naissance, il faut traiter de son caractère propre (s v a l a k s a n a ) et de ses caractères inhérents ( s a m b a n d h i l a k s a n a 7) '. « Sommairement ces caractères sont de trois sortes » : on sépare le caractère propre des caractères inhérents de cette connaissance, car ces caractères [inhérents] de cause et d’effet sont distincts ( b h i n n a ) [du caractère propre] a. 1 D ’a p rès tib . rań d ań h b rel p a can g y i m tsh a n fiid. A u lie u de il f a u t lire 2 V o ir tse siang ying siang, com m e au b a s de la lig n e . la n o te de K ’ou ei k i su r les tro is laksana, Siddhi, p . 97. tse siang ying , 1. Eu ce qui concerne le caractère propre de la connaissance, l'auteur dit: « En raison des imprégnations de toutes les choses souillées » : les choses souillées, c'est la concupiscence, la haine, etc. (rāgadvesādi) . Naissant et périssant en même temps que ces choses qui la parfument, [la connaissanceréceptacle] devient germe; de là, relativement aux choses qui vont naître (utpitsu), sa capacité d'être cause génératrice. « Car elle est associée à la capacité de contenir les germes » : ici, l'ablatif (pañcamī) : « upetatvāt » équivaut à l'instrumental (trtîyâ) : « bîjaparigrahanopetatvena ». Elle est associée à la capacité de contenir les germes : naissant et périssant en même temps que les êtres (sattva) et les choses (dharma), elle en subit le parfumage. En raison de ce parfumage, il est tout naturel (yukta) qu'elle contienne les germes. Etant unie à ces germes, elle peut donner naissance aux [choses]. La «matière initiale» (pradhâna), etc., n'est pas munie de la prise de germes en question; ni non plus les conditions en qualité de semblable et d'immédiat (samanantarapratyaya). Tout en étant des auxiliaires (che cheou, 64 et 18; 29 et 6; correspond à phan hdogs pa = upakâra), ce ne sont pas des causes principales (pradhânahetu), puisqu'elles ne sont pas associées à la capacité de contenir les germes. La cause principale, ce sont les germes. La .connaissance-réceptacle qui les contient peut jouer relativement aux [choses] le rôle de cause géné ratrice. Elle n'est pas seulement un auxiliaire, car il faut pouvoir contenir les germes pour constituer une cause. 2. Le caractère de cause est l'activité par excellence (tseng cheng tso yong, 32 et 12; 108 et 7; 9 et 5; 101 = adhimātrakriyā^). Les puissances d'im prégnation (vãsanãśakti) ont la nature de cause, car leur présence engendre les choses souillées. 3. Le caractère d'effet: [la connaissance-réceptacle] est maintenue (souo tch’e, 63 et 4, 64 et 6 = skyed pa = âhita) par le parfumage des choses souillées en activité (samudayisāmkleśikadharma), concupiscence (râga), etc., lesquelles sont contenues (samgrhîta) dans les connaissances-en-acte \ C est là son caractère d'effet. La cause et l'effet de la connaissance-réceptacle étant indéterminés, on a dit: « Les Dharma sont issus des imprégnations de discours (abhilāpavāsanã) et celles-ci de ceux-là. La connaissance-rétribution (vipākavijñãna) et les connaissances-en-acte (pravrttivijñāna) se conditionnent mutuelle ment (anyonyapratyaya) pour naître ». Comparer tib.; gan hjug pahi rnam par çes pas bsdus pahi hdod chags la sogs pa kun nas ñon moùs pahi chos kun tu hbyuù ba de dag gi bag chags skyed par byed pa de ni kun gzhi rnam par çes pa hbras buhi mtshan ñid de. § 2. — Définition de Timprégnation. Samgraha (328, 1, 1-10; 6b3-7) Q u’est ce que l ’imprégnation (vāsanā) ? Quelle est la chose dé signée (abhidheya) par cette expression (dbhiãhāna,) ? Ce qui, en vertu (i, 9 et 6 = brten nas = niśritya, pratîtya) de naissance et destruction simultanées (sahotpāãaniroãha) aux choses {dharma), forme la cause génératrice (janakahetu) de ces mêmes choses: voilà ce q u ’on entend par im prégnation1. Ainsi, dans les grains de sésame (tila) où il y a le parfum d ’une fleur (puspabhāvanā), les grains naissent et périssent en même temps que la fleur, et les grains naissent {utpadyante) comme étant la cause (hetulaksana) qui reproduit l ’odeur (gandha) de la fleu r2. — Ainsi encore, chez ceux qui se livrent aux désirs mauvais (irāgādicarita), l ’imprégnation du désir, etc. (rāgādivāsanā) , naît et périt en même temps que le désir, etc., et leur pensée (citta) naît comme étant la cause qui engendre ce [désir]3. — Ainsi enfin, chez les savants (bahusruta), l ’imprégnation d ’enseignement (bahuśrutavāsana) naît et périt en même temps de l ’acte de réflexion sur l ’en seignement (śrutamanasikãra) , et leur pensée naît comme étant la cause de la production de l ’enseignement4. L ’homme qui est saisi (parigrhîta) par cette imprégnation [d ’enseignement] est appelé un « saisisseur de la Loi » (dharmagrâhaka). On appliquera le même raisonnement à la connaissance-réceptacle. 1 D ’après la version tibétaine : chos de dań llian cig hbyuń ba dań hgag pa la brten nas de hbyuù bahi rgyu mtshan ñid gań yin pa de ni brjod par bya ba ste. —• En chinois : « Comme elle naît et périt en même temps que les choses, il s ’y trouve la qualité d ’être la cause qui les engendre: c ’est Vabhidheya ». 3 Chinois litt.. « les grains naissent en s ’assimilant ( tai, 50 et 8) à la cause ca pable d ’engendrer l ’odeur ». Le tibétain est plus clair et c ’est lui que nous tra duisons ici: ti la rnams dehi dri gzhan hbyuñ bahi rgyu mtshan ñid du hbyuù ba... 3 Litt. « leur pensée naît en s ’assimilant à la cause qui engendre ce [désir] ». Tib. ; sems ni dehi rgyu mtshan üid du hbyuń ba .. Á L itt. « leur pensée naît en s ’assimilant à la cause de la production de l ’en seignement ». Tib, : sems ni de brjod pahi rgyn mtshan ñid du hbyuń ste. Bhāsya (328, 1, 11-14; 153b2-4). « Cø qui, en vertu de naissance et destruction simultanées aux choses, forme la cause de la naissance de ces mêmes choses: voilà ce qu'on entend par imprégnation » : en vertu de ses naissance et destruction simultanées aux choses de souillure (sâmklesikadharma), la connaissance-réceptacle est capable de produire ces mêmes choses. Le fait d'être la cause (hetutva) de ces choses est appelé imprégnation. Upanibandhana (387, 3, 26-388, 1, 10; 248b 5-249* 5). « Qu'est-ce que l'imprégnation ? » : Pour bien faire comprendre le carac tère propre (svalaksana) de l'imprégnation, l'auteur aborde courageuse ment ce sujet difficile à comprendre. « Ce qui, en vertu (litt. niśritya) de naissance et destruction simultanées aux choses, forme la cause de la naissance de ces mêmes choses » : ce parfumé-ci (vâsya) naît et périt en même temps que ce parfumant-là (vâsaka). A cause de ce [parfumant]-là, ce [parfumé]-ci possède, en conformité [avec le parfumant], un parfum (bhãvanā) capable d'engendrer un fruit (phaladharma) d'un genre spécial qui, [à son tour], est capable de par fumer. [L'auteur parle de naissance et de destruction] « simultanées » pour ecarter celles qui auraient lieu à des moments différents et pour les distin guer des entités éternelles (nitya). Ceci montre que les caractères des im prégnations ne sont pas ce que d'aucuns croient. « En vertu de » signifie « à cause de » ; cette expression indique la raison; comme quand on dit: « En vertu des nuages, il pleut, etc ». L'auteur « met en avant » sa nature de cause pour montrer qu'il y a une vraie cause capable de produire un fruit. « Ainsi, dans les grains de sésame où il y a le parfum d'une fleur » : ici l'auteur illustre son système par des exemples communément admis (prasiddhadrstânta), car il va de soi que grains de sésame et fleur sont tous deux des modifications de la pensée (cittaparinâmà) . Ces grains de sésame naissant et périssant en même temps que la fleur parfumante sont par là naeme une cause capable de reproduire immédiatement après le parfum inhérent à cette fleur. De même il en est ici comme pour les moments successifs du sésame. « Ainsi encore chez ceux qui se livrent aux désirs mauvais, l'imprégnation de désir, etc. » : l'auteur illustre son système par des exemples de parfumage communément admis dans les autres écoles. } 3. — Rapport entre les choses et la connaissance-réceptacle. 1. Leurs germes ne sont ni différents ni non-différents de la con naissance-réceptacle. Samgraha (328, 1, 15-18; 6b 7-7a 1). Les germes des choses souillées (sâmkleêikadharma'bîja) qui se trouvent dans la connaissance-réceptacle forment-ils une catégorie tchou 9 et 5 = gnas = sthâna) différente (pratibhinna) ou nondifférente [de cette connaissance] ? Ces germes ne constituent pas une substance (dravya) à part, mais ici leur catégorie n'est pas identique [à la connaissance-réceptacle] \ E n vérité, la connaissance-réceptacle naît de telle manière (evam utpadyate) qu'elle possède une puissance spéciale (śaktiviéesà) ca pable de produire les [choses] ; on l'appelle connaissance munie de tous les germes (sarvabījakavijñāna). Bhāsya (328, 1, 19-2, 7; 153b 4-154* 4). Les germes des choses souillées qui se trouvent dans la connaissanceréceptacle sont-ils différents ou non-différents [de cette connaissance] ; et quelles difficultés présentent ces deux hypothèses? 1. S'ils étaient différents d'elle, ces germes différeraient de la connaissanceréceptacle un à un, séparément (fen fen, 18 et 2; tib.: yan lag thams cad kyis = sarvāńgaih) et la destruction simultanée (ksananirodha) ne s'ex pliquerait pas, puisqu'ils sont différents*. [En outre], en raison de l'im 1 Tib.: de la gnas pa de dag daù rdsas su tha dad pa yaù ma yin tha mi dad pa yaù ma yin — « Etablis dans cette connaissance-réceptacle, les germes n ’en sont pas substantiellement différents ni non-différents ». — Voir Siddhi, p. 124 : « Les germes et le corps muni d ’organes sont nommés upâdi parce qu ’ils sont upâtta, « faits siens », « appropriés » par la connaissance-réceptacle, embrassés (parigrah, « intégrés ») dans son être, partageant son destin bon ou mauvais (eleayogaJcçema). 9 Passage obscur; le tib. diffère: de daù tha dad na ni yan lag thams cad kyis kyaù tha dad pa thob par hgyur zliiù kun gzhi rnam par çes pa skad cig mas kyaù gnod par hgyur te / de daù tha dad pahi phyir. prégnation (vãsanā) bonne (kuêala) ou mauvaise (ahusala), les germes seraient bons ou mauvais. Or on admet qu’ils sont non-définis (avyâkrta) \ 2. S ’ils n’en différaient pas, comment pourraient-ils être plusieurs (sambahuîa) ? Donc ces deux hypothèses présentent des inconvénients. Les phrases: « Ces germes ne constituent pas une substance à part, mais ici leur catégorie n’est pas identique [à la connaissance-réceptacle]» jusque « on l’appelle connaissance munie de tous les germes » ont pour but de parer aux défauts exposés ci-dessus; rien ne force à croire qu’ils soient différents ou non-différents [de la connaissance-réceptacle]. «N aît de telle manière»: naît de telle sorte (evamjātīya), «qu’elle pos sède une puissance spéciale capable de produire les choses » ; elle est munie d’une puissance spéciale capable de produire les choses souillées. Etant munie de cette puissance spéciale capable de les produire, elle est appelée « connaissance munie de tous les germes ». On peut apporter sur ce sujet de clairs exemples. C’est parce que le germe du blé (yavabîja) est capable de produire la pousse (ańkura) qu’il constitue un germe. Soumis à l’action du temps ou du feu, le blé perd sa puissance germinative, et alors, bien que son caractère de blé (yavalaksana) subsiste comme à l’origine, sa vigueur dépérit et il n ’a plus la nature de germe. Il en est de même pour la connaissance-réceptacle. Elle possède une puissance qui produit les choses souillées; parce qu’elle est munie de cette puissance, on l’appelle connaissance munie de tous les germes. Upanibandhana (388, 1, 14-16 ; 249* 5-249b 6). [Contenir] les germes de toutes choses: telle est la puissance spéciale (saktiviśesa) de la connaissance-réceptacle. De même que, entre l’activité des choses (dharmakriyâ) et la nature des choses (áharmasvabhāva), il n’y a ni identité ni différence2, de même ici aussi, [entre les germes et la conuaissance-réceptacle, il n’y a ni identité ni différence]. 1 Voir Samgraha, Chap. II, Part. IV, Sect. 2; chin. p. 337, col. 3, 1. 5-9. Le Samãhinirmocanasūtra, Chap. III, multiplie les exemples de ce genre: *1 u ’y a ni identité ni différence entre la conque et sa blancheur, l ’or et sa couleur jaune, la guitare et son harmonie, l ’aloës et son parfum, le beurre et sa fluidité, les Samskara et leur impermanence, etc. (Taishô, no 676, p. 691, col. 1, 14 et suiv. — Tib. 4 1 0 /l4 a 5). 2. Causalité réciproque entre la connaissance-réceptacle et les choses. Samgraha (328, 2, 8-13 ; V 1-4) 1 Connaissance-réceptacle et choses souillées sont en même temps (samakale) causes réciproques (anyonyahetuka). Comment cela ? Dans une lampe (dtpa) p ar exemple, la naissance de la flamme (arcirutpatti) et la combustion de la mèche (vartidahana) sont si multanées et causes réciproques2. Des bottes de roseaux (nadakalâpa) qui, en même temps, se soutiennent Tune l ’autre, ne tombent pas. De même, ici aussi, on voit q u ’il s ’agit de causes réciproques8. La connaissance-réceptacle est la cause des choses souillées ; à leur tour, ces choses souillées sont la cause de la connaissanee-récep'tacle. Cette [relation] seule constitue une « condition en qualité de cause » (hetupratyaya) ; cette condition ne se trouve pas ailleurs (nânyatropalabhyate) . Bhâsya (328, 2, 14-23; 154a 4-8). « Connaissance-réceptacle et choses souillées sont en même temps causes réciproques ». Comment cela? Pour répondre à cette question par un exem ple: « Dans une lampe, la naissance de 1a. flamme et la combustion de la mèche sont simultanées et réciproques » : au moment précis (ekaksana) où la lampe, avec la mèche pour support (<āśraya), donne naissance à la flamme de la lampe et où la mèche de la lampe est cause de la naissance de la flamme, à ce même moment, la flamme consume la mèche qui lui sert de support et la flamme de la lampe est la cause de la combustion de la mèche. Il en va de même pour l’autre exemple. C ’est ainsi que l’on explique la double causalité. En effet, quand la cause est là, on voit le fruit naître. 1 Tout ce passage est cité dans S iã ã h i , p. 108. 1 Exemple classique d ’interdépendance. Voir M a jjh im a N īk ā y a III, 245 e t M aâhyam aTcavrtti, 588, 7 tailavartiT csayaniruããhapraãīpavat. 8 Autre exemple classique appliqué à nāmarūpa et vijñāna dans Samyutta, II, 114, à rüpa et nâman dans Kośa, V III, p. 138. La vyāTchyā cite le Sütra: taâyathâyuçman śāriputra ãve naãákalāpyāv akāéa ucchrite syãtām / te *nyonyaniérite / anyonyam niśritya tistheyātām / tatra Tcaściã elcām apanayeã ãvitīyā nipatet / ãvitīyām apanayeã eTcā nipatet / evam... — Voir aussi MadhyamaJcavrtti 561, 11. A partir de « La connaissance-réceptacle est la cause des choses souil lées )> jusque: « Cette condition ne se trouve pas ailleurs », Fauteur montre que la connaissance-réceptacle et les choses souillées sont causes réciproques et conditions en qualité de cause. Upanibandhana (388, 1, 22-2, 8 ; 249b6-250" 8). Supposons, par exemple, une lampe : à un moment donné (ekasmin kãlãn- * tare) y la mèche de la lampe donne naissance à la flamme et la flamme de la lampe consume la mèche : réciproquement, elles sont cause et fruit. De même, la connaissance-réceptacle et les connaissances-en-acte (pravrttivijñāna), en un temps donné, sont réciproquement cause et fruit. Ainsi, [deux] bottes de roseaux qui se soutiennent l’une Fautre restent dressées et ne tombent pas. Au moment où celle-ci soutient celle-là pour qu’elle reste dressée et ne tombe pas, à ce moment même, celle-là soutient celle-ci pour qu’elle reste dressée et ne tombe pas. « Cette relation seule constitue une condition en qualité de cause » : comme on l’a dit plus haut1, la cause qui contient les germes, à l’exclu sion de toute autre, [constitue la condition en qualité de cause]. « Cette condition ne se trouve pas ailleurs » : car les autres prétendues causes ne sont pas capables de contenir les germes. Ceux qui prétendent que les cinq causes sont « condition en qualité de cause » (h e tu p r a ty a y a ) désignent sous un autre nom (p a r y d y e n a ) la con naissance-réceptacle2. E n effet, en ce qui regarde les trois causes: pareille (sabh âgahetu )y universelle ( sa r v a tr a g a h e tu ) et de rétribution (v ip â k a h e tu ) , leur nature de cause (h e tu tv a ) ne se ju stifie pas (a y u k ta ) si elles ne portent pas les im prégnations (v ā sa n ā ). Or les im prégnations n ’existent nulle part ailleurs que dans la connaissance-réceptacle. Pour les causes associées (sa m p ra y u k ta k a h e tu ) , c’est-à-dire les pensée-et-m entaux ( c itta c a itta ) inter dépendants (a n y o n y â p e k s a ) — comme des marchands ambulants (chang lia 30 et 8; 70 et 6 = hgron po). — elles s’exercent sur les objets ( v is a y a ) et Possèdent une puissance propre (s v a ś a k ti ) ; mais sans les germ es qui s’ap puient sur la connaissance-réceptacle, cette puissance ne s ’explique pas ( a n u p a p a n n a )3. P ar cause m utuelle ( sa h a b h ü h e tu ) on entend la connaissan 1 Voir ci-dessus, Upanibandhana, Part. II, $ 1; texte chinois, p. 387, col. 3, 1. 9-11. L ’auteur prouve que les diverses causalités inventées par les Yaibhaçika (voir Kośa, I, p. 244 et suiv.) se ramènent en fin de compte à la causalité réciproque. D ’après tib. : kun gzhi rnam par çes pa la brten pahi sa bon med par ni nus Pa mi hthad do. ce-réceptacle et les connaissances-en-acte. La « condition en qualité de cau se » ne se trouve nulle part ailleurs que dans la connaissance-réceptacle qui, en qualité de cause mutuelle, enveloppe les germes internes et externes (b ā h y ā d h y ā tm ik a b īja ) . 3. Solution d ’une difficulté. Samgraha (328, 2, 24-3, 2; 7*4-6) Comment l ’imprégnation non-divergente (abhinna) et non-variée (acitra) peut-elle être la cause de choses divergentes et variées? Il en va comme du vêtement (vastra) teinté de diverses teintes1. Quand on le teint, il ne présente ni divergence ni variété d ’aucune sorte; mais après q u ’on l ’a plongé dans un bain de couleur, (rangabhâjana), il présente des divergences et des variétés : couleurs nuan cées, arabesques, images de toutes sortes y apparaissent. Il en va de même pour la connaissance-réceptacle, imprégnée (bhâvita) p a r des parfum s (bhāvanā) divergents et variés. Au moment du parfumage, elle ne présente ni divergence, ni variété ; mais quand elle a pénétré dans le bain de couleur de l ’actualisation du fru it (phalabhinirvrtti), elle présente des divergences et des variétés; d ’innombrables (apromeya) catégories de choses y apparaissent. Bhâsya (328, 3, 3-10; 154* 8-154b3). « Comment l’imprégnation non-divergente et non-variée peut-elle être la cause de choses divergentes et variées? »: c’est pour expliquer son point de vue par un exemple que Fauteur pose cette question. Il en va comme du vetement teinte de diverses teintes. Quand on le teint, on ne peut y aper cevoir des images divergentes et variées; mais après qu’on l’a plongé dans un bain de couleur, on peut y apercevoir des images divergentes et variées. La connaissance-réceptacle ressemble au vêtement teint. L ’actualisation du fruit étant son bain de couleur, on parle du « bain de couleur de l’actuali sation du fruit m. Elle y « pénètre » quand elle est saisie par les conditions 1 Pour teindre un vêtement, les orientaux enduisent P éto ffe brute de divers ingrédients: jus de noyaux (cf. tib. tsh ig guhi r ts i) etc., et plongent le tout dans un bain révélateur. Dans notre civilisation, un exemple serait celui de la photographie. (pratyayaparigrhita). Au moment du parfumage, elle ne présente ni diver gence ni variété; lorsque le moment de la rétribution (vipākãvasthā) est arrivé, elle apparaît comme la cause même (hetusvabhâva) des choses do toutes sortes et présente des analogies évidentes avec le vêtement teint. Upanibandhana (388, 2, 16-20; 250* 8-250b2). L’auteur répond à l’objection en se basant sur un argument [d’analogie] « Il en va comme du vêtement, teinté de diverses teintes, etc.... » : « diverses teintes » c’est-à-dire sortes de couleurs (rangaviśesa) . Quand on le teint, on ne peut y apercevoir des images divergentes et variées. L’actualisation du fruit étant un bain de couleur, on parle « du bain de couleur de l’ac tualisation du fruit )>. C’est parce qu’elle est saisie par les conditions qu’elle « y pénètre ». La connaissance-réceptacle est semblable au vêtement teint, car les choses s’y manifestent comme des dessins colorés sur un vêtement. 4 4. — La production en raison de causes. 1. Les deux productions en raison de causes. Samgraha (328, 3, 11-17; 7a6-7bl ) . Dans le Grand Véhicule, il est une production en raison de causes (pratītyasamutpāda) , subtile (süksma) et très profonde (atigambhïra) . A s ’exprimer globalement (samâsatas), il y a deux productions en raison de causes: a. la production en raison de causes qui répartit les natures propres (svabhãvavibhāgipratītyasamutpāda) , b. la pro duction en raison de causes qui rép artit l ’agrément et le désagrément (i?tãnistavibhãgipratītyasamutpāda) . a. La production des choses (ãharmotpāda) qui s ’appuie (âsrt) sur la connaissance-réceptacle est appelée « production en raison de causes qui répartit les natures propres ». E n effet, elle est la condition même de la répartition des diverses natures propres, (nānãsvabhãvavibhafanapratyayatvãt) . b- La production en raison de causes, à douze membres (dvãdaśãn9apratītyasamutpāda) \ est la production en raison de causes qui Voir L. de La Vallée Poussin, Théorie des douze causes, Gand, 1913; S iddh i , P. 481-501. répartit l ’agrément et le désagrément, car elle est, à travers les bonnes et les mauvaises destinées (g a ti ), la condition même de la répartition des diverses existences 1 agréables et désagréables ( nānestãnistātm ab h ā va vib h a ja n a p ra tya ya tvā t) . Bhāsya (328, 3, 18-26; 154b3-8). « Dans le Grand Véhicule, il est une production en raison de causes sub tile et très profonde » : Etant difficile à connaître (durvigàhya) pour l’es prit (mati) des profanes (prthagjana), on la dit « subtile » ; étant difficile à sonder (duravagâha) par 1er saints (arhat), etc., on la dit « très profonde ». « A s ’exprimer globalement, il y a deux productions en raison de causes » : on compte par ordre : 1. « la production en raison de causes qui répartit les natures propres. 2. la production en raison de causes qui ré partit l’agrément et le désagrément ». « Qui s’appuie sur la connaissance-réceptacle » : la production des choses qui a pour cause la connaissance-réceptacle est appelée production en raison de causes qui répartit les natures propres, car elle est la cause même de la répartition des diverses natures propres. L’ignorance, etc. (avidyddi) est appelée production en raison de causes qui répartit l’agrément et le désagrément, car elle est la cause même de la répartition des diverses existences agréables et désagréables. Upanibandhana (388, 2, 27-3, 8; 250b3-8). « Dans le Grand Véhicule, il est une production en raison de causes, subtile » : parce que difficile à connaître (durvigahya) par les mondains Çlaukika), « et très profonde»: parce que difficile à sonder (duravagâha) par les Śrāvaka, etc. « Production en raison de causes » (pratītyasamutpāda) signifie pro duction en raison d’une cause de ce qui a cause (ihetdh sahetukotpâda)2. Quand on cherche mentalement [à indiquer] la raison, on emploie le suf fixe du gérondif (ki touo 149 et 3 ; 32 et 8 = k-tva) ®. 1 Au chinois tse t ’i 132; 188 et 13 = ātmàbhāva (Kośa X IX 3b 5; X X IV II* 3), correspond le tibétain lus kâya. a Tib. rgyu las rgyu daù ldan pa hbyuù. — Autre étymologie dans Kośa , III, 78; Burnouf, Lotus, 530, Introduction 623; Visuããhimagga, 518, 521; Aung et Rhys Davids, Compendium, 259; Madhyamakavrtti, 5; de La Vallée Poussin, Théorie des douze causes. 48. • Ici le gérondif est pratîtya. « Qui repartit les natures propres » : comme elle a le pouvoir (sâmarthya) de les repartir, ou comme son rôle (prayojana) est de les répartir, on dit qu'elle les « répartit ». La connaissance-réceptacle répartit les na tures propres, car elle dispose la nature souillée (sāmkleśikaãharmasvàbhāva) de tous les êtres naissants (jâtimat) en la différenciant. « Qui repartit l'agrément et le désagrément » : les douze membres (ãvãdaśãńga) a commencer par l'ignorance (avidyâ), en répartissant les bonnes destinées (sugati), les mauvaises destinées (durgati) et les diverses sortes d existences plaisantes ou déplaisantes (ramyāramyanānātmabhāvaviśesa), interviennent comme condition principale (pradhânapratyaya) dans la re naissance (cheng = hgrub pa = nirvrtti). En effet, au moment où les opérants (samskâra), etc., naissent de la connaissance-réceptacle, c'est par la force de l'ignorance, etc. que le mérite (punya), le démérite, (apunya), la non-agitation (ãniñjya), etc. 1 sont différenciés (viśista). 2. Doctrines inexactes. Samgraha (328, 3, 27-329, 1, 13; 7bl-8). P ar rapport à la connaissance-réceptacle, ceux qui se trompent (muhyante) sur la première production en raison de causes pensent (manyante) que la cause [des choses] est la nature propre (svabhâva) , ou des actes antérieurs (pürvakrta), ou une modification du créateur (ïsvaraparinâma), ou un moi réel (sadâtman) ; ou encore, qu'il n 'y a ni cause {hetu), ni condition {pratyaya). Ceux qui se trom pent sur la seconde production en raison dé causes posent un moi (âtman) actif {kâraka) et jouisseur (vedaka). Supposons une assemblée d'aveugles de naissance (jâtyandha) qui n ont jamais vu un éléphant (hastin), et voici q u ’un jour on leur en présente un en le nommant. Un [premier] groupe d ’aveugles touche (sprsati) la trompe (nâsa) de l ’éléphant, un [second] ses défenses « Mérite » : action méritoire, en vue de la sensation agréable d'une vie future dans le Kāmadhātu. — « Démérite » action non-méritoire, en vue d'une sensation agréable de cette vie. — a Non-agitation » : action invariable en vue e la sensation agréable des trois premiers Dhyana et de la sensation d'indif,.renC° ^es ^ aSea supérieurs. Ces actions sont les sam skâra qui sont en raison de 1 ignorance ( K oêa , III, p. 84). (danta), un [troisième] ses oreilles (karna), un [quatrième] ses pieds (pâda), un [cinquième] sa queue (lāńgūla, valadhi), un [sixième] ses flancs. On leur demande alors de donner les caractéristiques de Péléphant; et le [premier] groupe de répondre que l ’éléphant est sembla ble (tulya) à une charrue (lāńgala), le [second] à un pilon (phâla) le [troisième] à un van (śūrpa), le [quatrième] à un pilier (sthünâ), le [cinquième] à un balai (sammarjanî) et le [sixième] à une montagne rocheuse1. De même, ici aussi, ceux qui ignorent ces deux productions en rai son de causes, aveuglés par l ’ignorance dès leur naissance, pensent que la cause [des choses] est la nature propre, ou des actes antérieurs, ou un créateur, ou un moi réel, ou encore q u ’il n ’y a ni cause ni con dition; ou posent enfin un moi actif et jouisseur. La connaissanceréceptacle avec sa nature propre (svabhâva), sa nature de cause (hetubhâva), sa nature d ’effet (phalabhâva) , etc., est semblable à l ’élé phant dont on ignore la nature propre. Bhâsya (329, 1, 14-26; 154b 8-155* 5). « Ils pensent que la cause [des Dharma] ce sont les actes antérieurs » : n’admettant pas la cause douée d’activité virile (pu ru sakârah etu ) 2, ils conçoivent cette fausse croyance (m ith yã g rā h a). Pour mettre en lumière [ces doctrines inexactes], l’auteur emprunte l’exemple des aveugles de naissance. « Aveuglés par Pignorance dès leur naissance » : aveugles de naissance du fait de Pignorance. « La connaissance-réceptacle avec sa nature propre, sa nature de cause, sa nature d’effet, etc., est semblable à Péléphant dont on ignore la nature 1 Parabole tirée de VĪJããna, V I, 4, « utilisée également par les philosophes brahmaniques chez qui « la règle des aveugles de naissance et de l ’éléphant » (ianãhagajanyāyà) est devenue proverbiale. Cf. G. A. Jacob, A Second E andful of Popular Maxims, Bombay, 1902, p. 53, et JRAS 1902, p. 174; T. W. Ehys Davids, JBAS 1911, p. 200 et suiv. On la retrouve encore dans l ’ouvrage Jaina Syādvããam añjarī, voir V. 8. Ghate, Ind. A n t. 42, 1913, p. 251. » (M. W intemitz, E isto ry of Indian L iterature, II, Calcutta, 1933, p. 88). 1 Passage obscur ; en tib. « skyes bu byed pahi rgyu las kyaù de mi hdod de. » Voir Koêa, I, p. 289: « L ’activité d ’un Dharma est nommée son activité virile (puruçàkârà) , parce qu ’elle est semblable à l ’activité d ’un homme (puruça). » propre ». Par nature propre, on entend le caractère propre (svalaksana) de cette connaissance établi (vyavasthâpita) ci-dessus; par nature de cause, on entend le caractère de cause (hetulaksana) ; par nature d ’effet, le ca ractère d effet (phalalaksana). Etant sous Faction de l’ignorance, ces doc teurs ne comprennent pas cela. Ignorant que la connaissance-réceptacle est la production en raison de causes qui répartit les natures propres, ce3 docteurs considèrent la nature propre, etc., comme la cause des choses. Ignorant la seconde production en raison de causes répartissant Fagrément et le désagrément, ils croient à Fexistence d’un moi actif et jouisseur. Or ici, la cause [de tous les Dharma] est la connaissance-réceptacle, car c’est en elle que leurs imprégnations sont accumulées (tche 64 et 6 = bsags pa = cita). L’effet [des choses] est encore la connaissance-réceptacle, car elle est parfumée (bhâvita) par ces choses. Upanibhandhana (388, 3, 23-25; 250b 8-251a 1). Se trompant sur ces deux sortes de production en raison de causes, ils sont semblables à des aveugles de naissance. « Ils pensent que la cause (des choses) est les actes antérieurs»: parce qu’ils rejettent l ’activité vi rile (purusakâra), ils conçoivent cette fausse croyance (mithyāgrāha). § 5. —■Définition de la connaissance-réceptacle. Samgraha (329, 1, 25-27; 7b8). En somme (samâsatas), la nature propre (svabhâva) de la connais sance-réceptacle est d ’être une connaissance de rétribution munie de tous les germes (sarvabījakavipākavijñāna) . Elle saisit (samgrhnâti) toutes les existences (tse t ’i •=. ãtmabhāva; tib. lus) du triple monde (traidhâtuka) et toutes les destinées (gati) . Bhâsya (329, 1, 28-2, 3; 155‘ 5-7). « La nature propre de la connaissance-réceptacle est d’être une connais sance de rétribution munie de tous les germes » : en effet, elle obtient son stre (ātmabhāva) en raison de la rétribution (vipâka), puisqu’elle est par l é e (bhâvita) par les germes de toutes les choses. \ [Elle saisit] « toutes Tib. diffère : gań bdag ñid kyi no bo so sor thob pa ni rnam par smin paho / / 8a on thams cad ni des bsgos pahi phyir ro / / les destinées » : à savoir les cinq destinées, « et toutes les existences » : c ’està-dire, dans les destinées, les diverses sortes d’existences homogènes et non homogènes (de sabhâga et de vibhâgà) \ Upanibandhana (388, 3, 28-389, 1, 7 ; 251a 1-6). Pour expliquer l’origine, il [faut] comprendre la nature propre; c’est pourquoi l’auteur dit encore : « En somme, etc. » : d’existence en existence, en raison des imprégnations (vāsanã) d ’actes (karma) bons ou mauvais (kusalākuśala), par suite d’une croyance erronée (abhiniveêa) aux idées binaires (vikalpa) comportait objet et sujet de connaissance (grāhyagrãhaka), issue des germes, la substance originelle des êtres (müladravya) a pour nature (svabhâva) la rétribution (vipâka), pour caractère propre (svalaksana) la connaissance-réceptacle et les germes de choses souillées (sâmkleśikadharma) a. « Elle saisit toutes les existences du triple monde8 » : elle s’empare de la « série » des êtres (sattvasamtâna) qui ont pour domaine le monde du désir, le monde matériel ou le monde immatériel (kāmarüpārūpyāvacara) ; « et toutes les destinées » : elle s’empare des destinées : destinée divine, etc. : « elle les saisit » : en tant que caractère toujours inhérent (nityasambaddhalaksana) \ Comment cela? La forme (rüpa) et les connaissances-en-acte (pravrttivijñāna) sont interrompues (samucchinna) en certains lieux (kvacit) et en certains temps (kadâcit) ; il n’en est pas de même pour la connaissance1 Voir Kośa, I, p. 195 et suiv. a Tib. sńon gyi dge ba dań mi dge bahi las kyi bag chags dań / gzuñ ba dan hdsin par rnam par rtog pa la mnon par zhen pa rnams kyis rnam par smin pahi bdag ñid sems can gyi rdsas kyi dnos gzhi kun gzhi rnam par çes pa bsgrubs pa ni raii gi mtshan üid do / / « En raison des imprégnations d'actes an térieurs bons ou mauvais, par suite d'une croyance erronée (abhiniveêa) aux idées binaires (vikalpa) avec objet (grâhya) et sujet (grahaka) de connaissance, la connaissance-réceptacle naît (abhinirvartate) comme l'essence même de la rétri bution (vipāTcātmaka) et comme la substance originelle (müladravya) des êtres: tel est son caractère propre. » a Contrairement à ce que l'on pourrait croire à première lecture, « triple monde » (san lciai) n'est pas le complément direct de « saisit » (neng che), mais le complément déterminatif de i Me tse t ’i qui suit (voir tib. des khams gsum pahi lus thams cad bsdus so). Ceci nous amène à invertir l'ordre du texte dans notre traduction. 4 Tib. bsdus pa ni hbrel pa can gyi mtshan ñid do. réceptacle: jusqu’à ce que son contrecarrant (pratipaksa) saisit tout et s’étend à tous les états (avasthâ) \ naisse, elle { 6 . — Germes et imprégnations. Samgraha (329, 2, 4-13; 8a 1-4). 1. Six caractères des germesa. Voici des stances: 1. traduction d ’après le B hdsya: Le germe externe (bâhya) et le germe interne (ãdhyātmiJca) sont indifférenciés (avyakta) sur deux points. Le premier est seulement conventionnel (samvrtitas) : le se cond est absolu (paramârthatas) . 2. traduction d ’après VUpanibandhana : Le germe externe et le germe interne sont indifférenciés. Ces deux germes sont « rien quidée» (vijñaptim ātra). Le premier est conventionnel, le second est absolu. On saura que ces germes ont six caractères: ils sont momentanés (ksananiruddha), simultanés (sahabhü), form ent une série continue (■sadânupraladdha), sont déterminés (viniyata), dépendent du com plexe des conditions (pratyayasāmagryapeksa) et amènent seulement leur fru it propre (svaphalamātrāvãhaka). 2. Quatre caractères du « parfum é » 3. Stable (dhruva), non défini (avyākrta), parfumable (blâvya) et en relation étroite avec ce qui parfum e (bhâvakasamsrsta) ; le par fumé a l ’exclusion de tout autre — présente les caractères de 1 imprégnation (vãsanālaksana) . m h P°ur la forme : de ltar kun gzhi rnam par çes pa ni gñen po paho ^ ma ^ khyak Pal?i Phy lr thams cad hdsin par byed . 0 « Il n en va pas de même pour la connaissance-réceptacle tant que son recarrant n 'est pas né ». Etant un « universel-accompagnant » (vyâpiri). elle saisit tout. a Voir Siddhi, p. 116-118. * Voir Siddhi, p. 120-121. Les six connaissances-en-acte (pravrttivijñāwa) ne sont pas en contact (asambaddha) ; leurs trois caractères respectifs s ’opposent viruddha). — Deux moments (ksana) ne sont jamais simultanés (sahabhü). — Il y aurait application (prasanga) à d ’autres catégories1. 3. Double causalité2. Ces germes externe et interne sont cause génératrice (janakahetu) et cause projectrice (âksepakahetu), car ils projettent respective ment le bois pourri et le cadavre, puisque [ces derniers] périssent (‘v inas) spontanément (svarasena) dans la suite. [Variante] : comme une flèche (isu) qui ne tombe pas à mi-chemin8. Bhâsya (329, 2, 19-330, 1, 27; 153a 7-157a 1) L’auteur a donc présenté la connaissance-réceptacle comme le vrai germe de toutes les choses. Voulant mettre en lumière la nature propre (svabhâva) des germes, il ajoute cinq stances. 1. Tout d ’abord, par «germe externe», on entend le riz, les céréales, etc. ; par « germe interne », la connaissance-réceptacle. « Ils sont indif férenciés » : le germe externe est non-défini (avyâkrta), « sur deux points » : la connaissance-réceptacle est indifférenciée quant à la double manière d’être (bhâva), bonté ou malice, qui la rendrait distincte. Autre sens: elle est indifférenciée quant au fait d’être souillure (samkleśa) ou pureté (vyavadâna) * qui constituerait une distinction. « Le premier est seule ment conventionnel » : le germe externe n’est germe qu’au point de vue conventionnel. Pourquoi cela? Parce qu’il est uniquement une modifica tion (parinâma) de la connaissance-réceptacle. « Le second est absolu » : c’est la connaissance-réceptacle. Pourquoi? Parce qu’elle est le vrai germe de toutes les choses. [329, 2, 27] 1 Tib. rigs la bya na gzhan du thaï. a Voir Siddhi, p. 118-119. * Ainsi que le remarquera VTJpanïbanâhana, la dernière stance présente une variante: rań gi ùaù gis mthar hjig phyir «parce qu ’ils périssent (vinaS) spon tanément (svarasena) dans la suite » ou : mdah n i bar du mi ltuù bzhin « comme une flèche (ipw) qui ne tombe pas à mi-chemin ». * Samgraha, Chap. II, Part. IV, 2e Sect. ; texte chin. 337, col. 3, 1. 8-9 « La connaissance-rétribution est seulement sans répugnance (anivrta) non-définiç (avyâkrta). —- Voir encore Siddhi, p. 152. Il faut savoir que tous les germes ont six caractères: a. « Ils sont momentanés » (ksananiruddha) : les deux sortes de germes périssent aussitôt nés (janmânantaram nirudhyante) . Comment cela? Un Dharma éternel (nitya) ne peut être germe car sa nature ne se distingue jamais de ce qu'elle était au début. [329, 3, 1] b. « Ils sont simultanés » (sahabhü) : une entité passée (<atîta), future (anâgata), ou dissociée (viprayukta) ne peut être germe. Pourquoi? Parce que c'est au moment précis où le germe existe que le fruit naît. [329,3,4] c. « Ils forment une serie continue » (saãānuprabadãha) : la connais sance-réceptacle dure jusqu'à ce que son contrecarrant (pratipaksa) soit né, et les germes des choses externes durent jusqu'à la formation de la racine (müla) ou jusqu'à la maturité. [329, 3, 5] d. « Ils sont détermines » (viniyata) : les germes sont individuellement déterminés (pratiniyata) ; tout ne naît pas de tout, mais telle substance naît de tel germe qui lui est propre. [329, 3, 7] e. « Ils dépendent du complexe des conditions » (pratyayasâmagryapeksa) : ces germes réclament des conditions qui leur sont propres pour produire leur fruit ; tout ne naît pas en tout temps ; mais lorsque, en lieux et temps donnés, [les germes] rencontrent leurs conditions propres, en ces mêmes lieux et temps, leur fruit prend naissance. [329, 3, 10] f • « Us amènent seulement leur fruit propre » (svaphalamãtrāvãhaka) : un germe donné produit seulement le fruit qui lui est propre. Ainsi, la connaissance-réceptacle produit seulement la connaissance-réceptacle, et le et les cereales produisent seulement les fruits du riz et des céréales. C'est donc ainsi que le fruit naît du germe [329, 3, 13] II. Maintenant l'auteur explique les caractères de l'imprégnation, a. « Stable » (dhruva) : il faut être stable pour concentrer (grah) les parfums. Ce n'est pas comme le vent. Pourquoi? Parce que le vent — étant donnée sa mobilité (calana) — est incapable de concentrer les par fums. ceux-ci ne l'accompagnent pas (nânuprav art ante), même à un Yojana de distance. [Au contraire], l'huile du campaka concentre les parfums et ceux-ci l'accompagnent à des centaines de Yojana. [329, 3, 17] b- « Non-défini »(avyâkrta) : il ne peut avoir ni bonne odeur ni mau vaise odeur définie. Ainsi, l'oignon (palându) ne peut concentrer les parfums Parce qu'il est malodorant, et le parfum ne peut concentrer des parfums Parce qu'il est lui-même odorant. [Au contraire], l'objet qui n'a ni bonne m mauvaise odeur définie peut concentrer les parfums. [329, 3, 20] c* « Parfumable » (bhâvya) : pour être parfumable, il faut pouvoir concentrer les parfums et non pas ne pas les concentrer. Ainsi, l'or, la pierre, etc., ne pouvant concentrer les parfums, ne sont pas parfumables. C’est au moment où une substance parfumable peut concentrer les par fums qu’elle est appelée parfumable. [329, 3, 23] d. « En relation étroite avec ce qui parfume » (bhâvakasamsrsta) : pour être parfumable, il doit être en relation étroite avec ce qui parfume et ne peut être dissocié (viprayukta) de lui; c’est-à-dire que leurs naissances respectives ne souffrent pas d’intervalle. [329, 3, 25] « Le parfumé » : la connaissance-réceptacle qui remplit les quatre qua lités (guna) ci-dessus et qui peut concentrer les parfums est appelée « le parfumé». Ce n’est pas le cas pour les connaissances-en-acte. « A l ’exclu sion de toute autre » : en dehors de la connaissance-réceptacle, nulle autre connaissance n’est un « parfumé ». C’est donc elle, et nulle autre, qui est « le parfumé » et « présente les caractères de l’imprégnation » : la connais sance-réceptacle présente les caractères de l’imprégnation : destruction momentanée, etc. En effet, elle périt d’instant en instant; elle est simul tanée aux connaissances-en-acte; elle forme une série continue jusqu’à la naissance de son contrecarrant ou jusqu’au terme du samsara; elle est la cause déterminante de la bonté, etc. (kuśalāãi) ; elle dépend des conditions : action méritoire (punya°), non-méritoire {apunya0) et invariable {āniñjyasamskāra) ; elle est rétribution (vipâka) dans les bonnes et les mauvaises destinées. Les connaissances-en-acte présentent des caractères (dharma) directement opposées à ceux-là. La connaissance-réceptacle est donc la seule à posséder ces qualités et à pouvoir concentrer les parfums. [330, 1, 6] [ l r0 Objection]. Les connaissances-en-acte se parfument mutuellement. — Non, « les connaissances-en-acte (pravrttivijñāna) ne sont pas en contact » : en effet, ces connaissances ont une nature instable (calapravrtti) et « leurs caractères respectifs sont en opposition » : chacune d ’elles fonctionne (pravartate) avec un point d’appui (āśraya) spécial, un objet {alambana) spé cial, un acte de réflexion {manasikâra) spécial ; autrement dit, chacune d ’elles se présente avec des aspects {ākāra) particuliers. [330, 1, 9] [2e Objection]. Les Dārstāntika veulent que le moment antérieur {purvaksana) parfume le moment postérieur {uttaraksana) . — Pour réfuter {pratisidh) cette manière de voir, l’auteur dit que « deux moments ne sont jamais simultanés » : deux moments n’existent pas en même temps. Or, c’est la naissance et la destruction simultanée {sahotpããaniroãha) qui fait l’im prégnation {vāsanāsthãnīya) . [330, 1, 11] [3* Objection]. Mais, dira-t-on, ces connaissances sont de même genre (samajãtīya) ; bien qu’elles ne soient pas en contact {sambaddha), elles par tagent la même « nature de connaissance » {vijñßnajāti) et peuvent ainsi se parfumer l'une l'autre \ — Non, « car il y aurait application à d'autres catégories »: il en irait de même pour les autres genres (jâti). Les organes (indriya), œil, etc., étant du meme genre de rūpaprasāda2, devraient aussi se parfumer mutuellement et réciproquement. Ceci signifie que deux organes, œil (caksus) et oreille (srotra) possèdent également le caractère de l'élé ment subtil (prasâdadharma) ; que ces deux éléments subtils devraient se parfumer mutuellement et réciproquement; enfin, qu'il en irait de même pour les autres [organes]. Or vous ne l'admettez pas, car malgré leur carac tère identique d'élément subtil (samaprasâdadharma), ces [organes] for ment des séries distinctes et, par suite, ne peuvent se parfumer mutuelle ment. Il en va de même pour les connaissances; malgré leur caractère iden tique de connaissance, comment se parfumeraient-elles mutuellement? [330. 1, 18] III. Les deux sortes de germes en question, c'est-à-dire le germe ex terne et le germe interne, sont tous deux cause génératrice (janakahetu) et cause projectrice (âksepakahetu). D'abord, le germe externe est cause génératrice jusqu'à la maturité du fruit; le germe interne est cause géné ratrice jusqu'au terme de la vie (âyuhparyanta). Le germe externe projette (àksipati) les rejetons (anuptà) 8 après que [l'arbre] est pourri; le germe interne projette le cadavre après la mort. C'est grâce à la cause qui pro jette que rejetons et cadavre subsistent encore longtemps. Si les deux germes étaient seulement cause génératrice, aussitôt la cause disparue, le fruit périrait et ne subsisterait pas le moindre instant. Si les moments se succédaient l'un à l'autre, si le moment postérieur prenait naissance (anupravrt) a raison du moment antérieur, il n'y aurait jamais de terme final. biddhi, p. 185 « D ’après certains Sautrântika, les six Pravrttivijñāna se succèdent depuis toujours, naissant et mourant, s'appuyant sur les organes, les °bjets, etc. Les moments de Pravrttivijñāna, dans leur « réalité individuelle » (dravya), changent: mais tous ces moments sont, pareillement, vijñapti, connais sance. L'espèce (jâ ti), l'espèce vijñāna (vijñ ãn ajãti) ne change pas et demeure. Cette jâ ti est parfumable; elle porte les Bîja. « « Elément matériel subtil ». « Les cinq organes (indriya) sont suprasensibles a indriya), transparents (accha), distincts de ce qui est l'ob jet des organes, le mC^.S v*s*kle> du tangible, etc. C'est par raisonnement que nous connaissons r existence. Ils ont pour support ce que la langue vulgaire appelle œil, etc. » Koêa I, j) ( , p. 15>note Chin. siang siu, mais Dharmagupta traduit wei.tohong (75 et 1; 115 et 9) non planté », ce qui correspond au Tib. ma btab pa =: skt. anupta. Quand arbre est mort, il pousse des rejetons, sans qu'on doive planter ces derniers. Ces rajetons sont dus au germe prim itif qui les « projette » quand l'arbre est mort. C’est pourquoi la cause projectrice doit exister nécessairement. Ces deux germes sont cause de la même façon que la corde qu’on lâche et l’arc que l’on courbe font que la flèche ne tombe pas et parcourt une longue distance. [330, 1, 27] Upanibandhana (389, 1, 19-390, 1, 8; 251a 6-253b 5) Jusqu’ici l’auteur a parlé des germes en général. Voulant mettre en lu mière les caractères (visesa) de ces germes, il ajoute cinq stances. I. « Le germe externe et le germe interne, etc. » : le riz, les céréales, etc., sont des germes externes; la connaissance-réceptacle est le germe interne. « Ils sont indifférenciés » : parce qu’ils sont non-définis (avyâkrta) . « Les deux germes » : c ’est-à-dire le germe externe et le germe interne, le fruit et la cause. Tous deux sont seulement idée (vijñaptimātra), car c’est à raison de la cause de maintien (upastambhahetu) 1 qu’existent (pravartante) les deux sortes de Dharma souillés (sãmkleśika) et purs (vaiyavadânika). Ceux qui lisent (pathanti) : « sur deux points », voient [une allusion] à la cause et à l’effet. Le germe externe, céréales, etc., est conventionnel, car il est une modifi cation (parinâma) de la connaissance-réceptacle. « [Le second] est absolu » : la connaissance-réceptacle est le vrai germe, parce qu’elle est la véritable condition en qualité de cause (hetupratyaya) de tous les germes et constitue leur nature propre. [389, 1, 26] Ces deux germes se caractérisent par six qualités distinctes : a) « Ils sont momentanés » (ksananiruddha), car ils périssent aussitôt nés. Une entité éternelle ne peut être germe, parce qu’elle ne se diversifie jamais. [389, 1,29] b) Bien que momentanés, [les germes] ne peuvent être détruits, mais doivent être simultanés (sahabhû) [à leur fruit]. S’ils étaient détruits, ils seraient incapables d’engendrer leur fruit, pareils à la poule morte qui crie [encore]. C’est pourquoi il faut admettre que les germes existent en même temps que leurs fruits, car ils ne s’opposent pas (viruddha) à leurs fruits comme la racine du lotus (utpalamüîa). [389, 2, 3] c) Bien que simultanés, les germes ne durent pas seulement un, deux ou trois instants, comme c’est le cas pour l’éclair (v id y u t). Comment cela? « Ils forment une série continue » (sadân u prabaddh a) , car en se succédant d’in stant en instant pendant une longue période de temps, ils forment une série continue. Comment le sait-on (katham g a m ya té) ? Parce que le dépérisse ment et l’accroissement de la racine (m ü lâpa ca yo p a ca ya ) entraîne pour les branches, etc. (śākhā), un effet semblable, [389, 2, 6] 1 V o ir Kośa, I , p. 314, d) S,ils forment une serie continue et si on n’admet pas qu’une petite partie seulement soit germe, pourquoi tout ne naît-il pas de tout à la fois Cyugapat)? Pour répondre à cette difficulté, Fauteur dit qu’«ils sont dé terminés» (viniyata). Tout en formant une série continue, ils ont une puissance (śakti) déterminée; donc tout ne naît pas de tout à la fois. [389, 2, 9] e) S’il en est ainsi, pourquoi ne produisent-ils pas leur fruit en tout temps? Pour repondre a cette objection, Fauteur dit qu’« ils dépendent du complexe des conditions » (pratyayasâmagryapeksa). Puisque les germes ne rencon trent pas en tout temps le complexe des conditions, la difficulté ne tient pas. [389, 2, 11] f) Ces germes de quoi sont-ils germes? Répondant à cette question, Fau teur dit qu’« ils amènent seulement leur fruit propre» (svaphalamãtrãvâhaka). Le mot « seulement » indique que c’est au moment précis où ils engendrent leur fruit qu’ils s’appellent germes; en effet, le germe (bija) et le possesseur du germe (bîjin) n’ont pas de commencement. Ce mot « seu lement » nie que la matière initiale (au lieu de siang siu, lire tsoei cheng 73 et 8; 19 et 10 d’après tib. gtso bo = praãhāna) etc. ait la nature de germe; en effet, elle ne possède pas les qualités (dharma) de germe décrites ci-dessus. [389, 2, 14] II. Il faut la réunion du parfumé et du parfumant pour que la nature propre du germe et du possesseur de germe soit établie. Pour faire con naître le parfumé, Fauteur le qualifie: a. « Stable » (dhruva) : La chose qui, tel le sésame (tila), forme une série continue et stable, peut être parfumée. Il n’en va pas de même pour les choses instables (adhruva), comme le son (śabãa), etc. [389, 2, 17] b. Pour être parfumé, il ne suffit pas d’être stable, il faut encore être «non-défini» (avyâkrta). Ainsi les choses modérément parfumées sont capables de concentrer des parfums; non pas les substances odorantes comme l’agallochum (agaru), ou malodorantes comme l’ail (laêuna), etc. [389, 2, 19] c. « Parfumable » (bhâvya) : toute substance parfumable ou capable de concentrer les parfums et dont les parties (avayava) sont en cohésion mu tuelle (anyonyasarnsrstaY mérite le nom de parfumable. L’or, la pierre, etc. peuvent concentrer les parfums, puisque leurs parties ne sont pas en cohésion mutuelle. [389, 2, 22] d. Pour être parfumé, il faut non seulement être parfumable mais encore etre « en relation étroite avec ce qui parfume » (bhâvakasamsrsta) : ne pas Tib. phan tshun gyi cha ças hdre ba. occuper d’endroit séparé. La « relation », c’est le fait de ne jamais se quitter nulle part. [389, 2, 24] [La connaissance-réceptacle] qui possède ces [quatre] qualités (guna) mérité le nom de parfumé, « à l’exclusion de toute autre » : ces mots nient que les connaissances-en-acte (pravrttivijñāna) soient des « parfumés » : en effet, elles sont en contradiction (virodha) avec les conditions énumérées ci-dessus. [Au contraire], la connaissance-réceptacle est stable de sa nature: jusqu’a la naissance de son contrecarrant (pratipaksa), elle forme une serie continue qui n’est jamais interrompue (samucchinna). Elle est essen tiellement non-définie n ’étant ni bonne (kuêala), ni mauvaise (akuêala). Elle est naturellement parfumable ou capable de concentrer les parfums, n étant pas une entité éternelle. Enfin, elle est en relation étroite avec ce qui parfume, puisqu’elle naît et périt en même temps que lui. « Elle présente les caractères de l’imprégnation » ; en vertu de ces qua lités, le parfume est le caractérisant (laksanā) tandis que l’imprégnation est le caractérisé (laksya). [389, 3, 1] * *♦ [ l re Objection: Les connaissances-en-acte se parfument Vune Vautre]. — Non, les connaissances-en-acte (pravrttivijñāna) ne sont certainement pas des « parfumés », car ces six connaissances « ne sont pas en contact » (asambaddha). Pourquoi? Parce que « leurs trois caractères respectifs sont en opposition ». Si les six connaissances-en-acte étaient simultanées (sahabhü), leurs points d’appui (āśraya), leurs objets (alambana) et leurs actes de ré flexion (manasikâra) ne seraient pas distincts (pratibhinna). Or ils sont distincts. Donc les six connaissances-en-acte ne sont pas simultanées. N’étant pas simultanées, elles ne sont pas en contact. N’étant pas en contact, comment auraient-elles nature de « parfumé » et de « parfumant » ? [389, 3, 5] [2ê Objection.] On a prétendu que le parfumage du moment postérieur (uttaraksana) par le moment antérieur (pürvaksana) constitue l’impré gnation. —■ Cela est inexact, car « deux moments ne sont jamais simul tanés ». Il est évident que ces deux moments, qui ne sont pas simultanés {sahabhü), ne sont pas en contact (sambaddha). N ’étant pas en contact, ils n’ont pas nature de « parfumé » ni de « parfumant ». [389, 3, 8] [3fl Objection.] On a dit: « Les six connaissances-en-acte rentrent (niéripante) dans la catégorie du genre [«connaissance»] (jātipadãrtha). Les deux moments (ksana) appartiennent à un genre unique : le genre « con- naissance » (vijñãnajãti), ou encore le genre « moment » (ksanajâti), ne souffre pas de distinction (viêesa). En raison de l’opposition (i p ’in 102 et 7; 30 et 6 = vipaksa) [entre parfumant et parfumé, moment antérieur et moment postérieur], ces deux connaissances ou ces deux moments se parfument l’un l’autre. [Mais le parfumage n’a pas lieu] entre n’importe quelles [connaissances], ni entre n’importe quels [moments]. » — Ce raison nement ne tient pas, car il s ’appliquerait (prasanga) à d’autres catégories. La pensée du saint (arhat) ne sort pas du genre « connaissance ». [Si votre raisonnement était juste], elle devrait aussi être parfumée par les pensées mauvaises (akuśala) ; car elle est caractérisée par un genre unique (ekajātiãharmāt) . « I l y aurait application à d’autres catégories»: votre raisonnement devrait s’appliquer à d’autres genres [où il ne se vérifie pas]. Comment cela? Les organes, œil, etc., ont la nature d’élément matériel subtil (rüpaprasããa) toujours inhérente (anugata) au genre « organe » (indriyajâti) . [Si votre raisonnement était juste], l’organe mental (manoindriya) lui aussi serait constitué de matière dérivée (upādāyarüpa) \ étant organe comme les autres. [389, 3, 16] Telles sont les diverses thèses adverses sur le parfumage. On prétend que les six connaissances se parfument mutuellement, ou que le moment anté rieur parfume le moment postérieur, ou qu’il y a parfumage du genre « connaissance », « moment ». Toutes ces hypothèses sont fausses. C’est pourquoi, on a raison de dire que seule la connaissance-réceptacle, à l’ex clusion des autres connaissances, est susceptible d’être parfumée. [389, 3, 20] III. Ces deux sortes de germes, externe et interne, sont à la fois cause génératrice (janakahetu) et cause projectriee (âksepakahetu). Le germe externe est, d ’une part, cause génératrice relativement à la pousse (ankura) ; d’autre part, cause projectriee relativement aux feuilles (parna), etc. La connaissance-réceptacle ou germe interne est, d’une part, cause génératrice relativement aux nom-et-forme (nâmarüpa); d ’autre part, cause projectriee relativement aux six organes des sens (sadâyatana) jusque et y compris la vieillesse et la mort (jarâmarana) . Soit, le germe est cause génératrice; mais comment est-il cause projectrice? Répondant à cette question, l’auteur dit: «ils projettent respec tivement le bois pourri et le cadavre ». Si ces deux germes étaient seulement cause génératrice et non pas cause projectriee, les germes des céréales, contenus dans les entrepôts et magasins, ne pourraient se conserver pareils Pendant longtemps. Après la mort, le cadavre (mrtaśañra) ne pourrait VPāāãyarūpa, synonyme de bhautïka, «formé d ’éléments matériels». (Koéa, P- 313). continuer coexister (anupravrt) à l'état de putréfaction etc. (vimlakādyavasthā), mais il disparaîtrait (vinaê) aussitôt après la mort. [389, 3, 28] A quoi comparer cela? « Ils périraient spontanément après » comme la fleche (isw). L'élan (hing îi 144; 19 = samskâravega)1 fourni par la corde détendue (ksepakaguna) est la cause génératrice qui fait que la flèche, quittant la corde, ne tombe pas. La force (samskârabala) exercée par l'arc courbé est la cause projectrice de la flèche, qui fait que cette flèche va loin au but. Il n'y a pas que l'élan fourni par la corde détendue, car alors la flèche tomberait aussitôt2. Il n'y a pas non plus que la poussée continue propre au mouvement (irana), car la flèche ne tomberait pas. Mais [quand ces deux forces sont réunies], alors la flèche, après avoir quitté la corde, va loin au but. Il faut donc admettre ici une double force opérante (samskârabala) : celle qui engendre -et celle qui projette. [390, 1, 4] Ceux qui lisent (pathantï) la [variante]3: «puisqu'ils périssent sponta nément dans la suite », établissent au moyen d'un raisonnement l'existence de la cause projectrice sans recourir à l'exemple [de la flèche]. Comment cela? Quand la mèche à huile (tailavarti). est usée, la flamme de la lampe (dîpa), indépendamment de toute cause extérieure (bāhyapratyayãnapeksa), s'éteint spontanément (svarasena) dans la suite, mais lentement (kramena) et non pas dès le début 4. Pour ces raisons, il doit y avoir nécessairement une force projectrice. Dans tous les opérants (samskâra) non-détruits (aksinna), actuellement présents, il doit aussi y avoir une force germinative qui, en se développant, les projette et fait qu'ils ne soient pas tranchés. [390, 1, 8] 4. Germes externes et internes5. Samgraha (329, 2, 14-18; 8a 4-5). Deux stances pour m arquer la différence èntre germe interne et externe : Le germe externe parfois n'est pas parfumé. On saura qu'il n'en 1 1% (19) traduit vega dans Koêa, I, p. 200. Dans cette explication, la corde semble tenir le rôle attribué par la physique moderne à la pesanteur et à la résistance de l'air. a Voir p. 240, note 3. 4 Comparaison bien connue: tailavartiksayaniruãdhapradīpavat (Madh. p. 588). Voir aussi M ajjhim a N ikāya, III, p. 245. “ Voir Siddhit p. 119-120. vrtti, va pas de même pour le germe interne: sans l'im prégnation d'ensei gnement (śrutavãsanā), etc., la naissance du fru it ne s'explique pas. Car cette conséquence absurde s'ensuivrait (dosaprasangât) que la chose faite périrait (tso ... che 9 et 5; 37 et 2 = byas hjig = krtavipranāśa) et que la chose non-faite arriverait (pou tso... te 1 et 3 ; 9 et 5 ; 60 et 8 = ma byas phrad = akrtabhyâgcùma) \ Donc [germe externe et germe interne] sont contraires (viruddha). Le germe interne est la condition (pratyaya) du germe externe ; c 'est sur lui que s'appuie (tadãśritā) l'im prégnation (vāsanã). Upanibandhana (390, 1, 14-2, 7; 253b 5-254a 6). Ayant parlé jusqu’ici des germes externes et internes comme de choses grossièrement semblables, l ’auteur signale maintenant leur différence en disant: « le germe externe parfois n’est pas parfumé, etc... » [Première différence] — Le mot « parfois » montre que la règle n’est pas fixe (aniyatârtho) : le germe externe est parfois parfumé, parfois il ne l’est pas. Du charbon («ahkâra), du fumier de vache et de la laine de mouton naissent respectivement (anukramena) le sésame (tila) la racine de lotus (utpàlamüla) et le panic (dürvâ). Le sésame ne naît pas, ne périt pas en même temps que le charbon, etc.; ils ne se parfument pas l’un l’autre, et pourtant le premier naît du second. Donc parfois le germe extérieur nest pas parfumé. [Au contraire], le sésame, etc., naît et périt en même temps que le lotus, etc.; grâce à son parfumage (bhāvanā), il embaume [à son tour]. Donc parfois le germe extérieur est parfumé. En ce qui le concerne il n’y a pas de règle fixe. C’est pourquoi l’auteur dit « parfois ». Les germes internes, ce sont les imprégnations de tous les Dharma conte nus dans la connaissance-réceptacle. Ces germes existent nécessairement en vertu du parfumage. Comment cela? Si « l’imprégnation d’enseignement, etc. » (śrutādivāsanã) ne se produisait pas, son « fruit », c’est-à-dire la science (bahuéruta), ne viendrait pas à l’existence. [390, 1, 24] [Seconde différence]. Parmi les germes externes, les uns, tel le riz (éâîi)f etc., même après avoir été semés (upta), périssent parfois; les autres, telle Tib. byas dań ma byas hjig dan phrad ñes ■uoa p par eu n hgyur g y u r bas oas hgal ngai phyir pnyir ro. Comparer Mahâvyut. 7529, ma byas pa daù phrad pa: àkrtabhyâgama) 753 pa chud za ba: krtavipranāśa; Sarvadaráanasamgraha, chap. III, début. l'ivraie, etc., même sans avoir été semés, se développent parfois. Il n'en est pas de même pour le germe interne. Pourquoi le germe interne est-il différent du germe externe? Parce que, répond l'auteur, [leur identité] « amènerait cette conséquence absurde que la chose faite périrait et que la chose non-faite arriverait » \ Donc germe externe et germe interne sont « contraires » : puisque le germe interne a des attributs {dharma) différents de ceux du germe externe, on dit qu'il lui est « contraire ». [ Objection]. Dire que le germe externe est différent dans sa nature du germe interne, n'est-ce pas en contradiction avec la thèse exposée ci-dessus que la connaissance-réceptacle est le vrai germe de tous les Dharma? — Ré pondant à cette objection, l'auteur dit : a le germe interne est la condition du germe externe, etc. » En effet, les germes des Dharma externes, riz, etc., se manifestent dans la connaissance-réceptacle *, eu égard aux imprégnationsgermes (vãsanã-bīja) déposés dans la connaissance-réceptacle par les actes {karma) des êtres vivants {prânin) qui expérimentent ces Dharma {tadvedaka)a. C'est pourquoi le germe externe n'existe pas à .part du germe in terne. Voyez la stance: «L e ciel (vyoman), la terre {prthivi), le vent {vâyus), l'espace (<ākāśa), les rivières {sarit), les régions {dis) et l'océan {sâgara) sont simplement des créations intérieures, des imaginations {vikalpa) et n'existent pas à l'extérieur ». Il y a d'innombrables {aprameya) stances de ce genre. 1 Si les Dharma naissaient de leur germe interne, la connaissance-réceptacle, sans que celle-ci ait été parfumée — comme l 'ivraie naît de son germe externe sans que celui-ci ait été planté — il y aurait akrtãbhyãgama: rétribution d'un acte inexistant. D'autre part, si les Dharma pouvaient ne pas naître de leur germe interne, la connaissance-réceptacle, lorsque celle-ci a été parfumée — comme le riz qui ne naît pas toujours de sa graine, même quand celle-ci a été plantée — i] y aurait krtavipranãśa : non-rétribution d'un acte accompli. a Ch. « Apparaissent comme des transformations {parinâma) de la connais sance-réceptacle. » 9 Le texte chinois est embrouillé. — Nous traduisons sur le tib.: hdi ltar hbras sa lu la sogs pahi sa bon ni de la za bahi srog chags rnams kyi las kyi bag chags kyi sa bon kun gzhi rnam par çes pa la gnas pa rnams kyis der snań bar bsgrubs pa ste. } 7. — Connaissance-réceptacle et connaissances-en-acte. 1. Les deux connaissances. Samgraha (330, 1, 28-2, 4; 8a 5-7). Quant aux autres connaissances, à savoir les connaissances-enacte (pravrttivijñāna), elles sont «de jouissance» {aupabhogika) au cours de toutes les existences et destinées (sarvātmabhãvagatisu) . Comparer cette stance du M adhyāntavibhāgasūtra : «L a première connaissance est nommée connaissance-condition (pratyayavijñāna) ; la seconde est «de jouissance» (aupabhogika) . C'est là que les mentaux (caitasa) [jouent le rôle] de jouisseur {cheou y ong 29 et 6; 101 = upabhoga), de discriminant (fen pie 18 et 2; 18 et 5 = pariccheda), et de stim ulant {tch’oei 64 et 8 = tju g byed = preraka) » \ Bhâsya (330, 2, 4-6; 157a2-3). Dans cette phrase « jouissance » est synonyme de naissance (utpatti). Ce qui consiste en jouissance (upabhoga) est appelé « de jouissance » {aupabhogika). Pour expliquer ce sens, l'auteur cite une stance du Madhyântavibhāgasūtra en guise d'Âgama. 1 Maãhyāntavibhāga (ed. Vidhushekhara-Tucci, Cale. Or. Ser. no 24, 1932, P- 27, ed. Susumu Yamaguchi, N agoja, 1934, p. 32). ekam pratyayavijñãnam ãvitīyam aupabhogikam upabhogapariccheãaprerakãs tatra caitasãh. be Tib. diffère: gcig ni rkyen gyi rnam par çes gñis pa ñe bar spyod pa can fie bar spyod dañ yofis spyod dań d® yi hjug byed sems las byuù. Voir L. de La Vallée Poussin (Mélanges chinois et bouddhiques, Vol. I, p. 403) qui explique: « le premier vijñāna est VĀlayavijñāna, nommé pratyayavijñāna, parce qu 11 est la « condition » de la naissance du second, pravrttivijñāna, le9 el est « de jouissance », d ’expérience. — Parmi les caitta ou mentaux, la danâ jouit, la samjñā discrimine ; les cetanā-manasikãra, etc. « travaillent » les wjñãna: collaborant ainsi avec le citta, ils sont nommés caitta ou caitasa. » Upanibandhana (390, 2, 12-18; 254a 6-254b 1). « Au cours des destinées » : destinée divine, etc. « De jouissance » : les six connaissances-en-acte jouissent. Elles naissent de conditions, car leurs objets (alambanavisaya) sont distincts (paricchinna). Pour expliquer ce sens, Fauteur cite une stance du Madhyāntavibhãgasūtra comme preuve (pramdna) de sa théorie : il dit : « C’est là » : parmi ces connaissances, l’élé ment sensation (vedandskandha) «joue le rôle de jouisseur»; l ’élément conscience (samjñāskandha) « joue le rôle de discriminant » et l’élément opérant (samskâraskandha) « joue le rôle de stimulant » ; en effet, la volition (cetanâ) stimule la pfnsée (citta). Etant la cause principale (pradhâna) du fonctionnement (pravrtti) de toute pensée, on a appelé ces trois éléments les auxiliaires (neng tchou 130 et 6; 19 et 5 = upakāra^) de la pensee. Parce qu’ils jouissent (upabhuñjanti) des objets, on les appelle mentaux (caitasa). 2. Causalité réciproque entre connaissance-réceptacle et connaissances-en-acte. Samgraha (330, 2, 7-10; 8‘ 7-8). Ces deux connaissances sont conditions réciproques (anyonyapratyaya). Comparer cette stance de l ’A bhidharm am ahāyānasūtra: « Tous les Dharma gîtent dans la connaissance et celle-ci gîte en eux; éternellement ils sont fru it et cause l ’un de l ’autre » \ Bhâsya (330, 2, 11-14; 157a 3-6). La connaissance réceptacle et tous les Dharma sont en tout temps et ré ciproquement cause et fruit; ils naissent l’un de l’autre. Au moment où la connaissance-réceptacle est la cause des Dharma, au même moment ceux-ci sont ses fruits; au moment où la connaissance-réceptacle est le fruit des Dharma, au même moment ces Dharma sont sa cause. 1 Stance citée dans Maãhyāntavibhāga, p. 28, p. 34; sarvaãharmã hi ãlīnã vijñãne teçu tat tathâ anyonyaphalabliãvena hetubliãvena sarvadd. Upanibandhana (390, 2, 23-3, 15 ; 254b 1-3). Ici donc, connaissance-receptacle et connaissances-en-acte sont conditions réciproques. Pour étayer [cette doctrine], Fauteur cite l'Âgama: «Tous les Dharma gîtent dans la connaissance, etc ». En outre, le Yogacaryābhūmiśāstra, dans le chapitre du Nirnayasamgraha a dit 1: « A Fendroit des connaissances-en-acte, la connaissance-réceptacle joue le rôle d'une double condition: elle est leur germe (bïja) et leur point d appui (<āśraya). « Elle est leur germe », car au moment où les connaissances-en-acte bonnes (kusala), mauvaises (akuéala) ou non-définies (avyâkrta), s'actualisent, la connaissance-réceptacle est leur germe à toutes. « Elle est leur point d'appui», car la connaissance-réceptacle s'approprie (upādadāti) les organes matériels (rüpindriya). Les cinq corps de connaissance (pañcavijñãnakāya) s'actualisent en s'appuyant sur ces [organes appropriés] et non pas sur des [organes] non-appropriés. — C'est parce que la connais sance-réceptacle existe qu'il peut y avoir un Mental (manas) ; et c'est avec le Manas pour point d'appui que la connaissance mentale (manovijñāna) s actualise. De même que les cinq corps de connaissance s'actualisent en ayant pour point d'appui les cinq organes (indriya), œil, etc. — et non pas sans ces cinq organes — de même aussi la connaissance mentale ne s'actua liserait pas sans l'organe Manas (mana-indriya). Inversement, à Fendroit de la connaissance-réceptacle, les connaissances-en-acte jouent le rôle d'une double condition. Pour la vie présente (drstadharma), elles nourrissent (tch ang yang, 168 ; 184 et 6 = pusnanti, posayanti 7) les germes de la connaissance-receptacle; pour l'avenir (samparâya), elles enveloppent-plantent (che tche, 64 et 18 ; 75 et 8) ses germes pour qu'elle naisse. » [390, 3, 6]. « Pour la vie présente, elles nourrissent les germes de la connaissance-ré ceptacle » : en s'appuyant sur la connaissance-réceptacle, les connaissances-en-acte, bonnes, mauvaises, non-définies, s'actualisent; à ce moment, eur naissance (utpâda) et destruction (nirodha) coïncident avec celles de eur point d'appui unique [et commun]. Elles parfument donc la connais sance-réceptacle. A raison de [ce parfumage], condition en qualité de cau se» les connaissances-en-acte subséquentes, bonnes, mauvaises ou non-définies, s actualisent, en se développant, en se multipliant et en se différenciant toujours davantage. [390, 3, 10]. « Pour l'avenir, elles enveloppent et protègent ses germes, pour qu'elle aisse ». il y a une certaine sorte de parfumage (bhāvanājãti) qui est capa 1 Taishô, no 1579, p. 580, col. 2, 1. 10. ble de tirer-envelôpper (in che 57 et 1; 64 et 18) la connaissance-récepta cle qui est neutre (a v y â k rta ) et de rétribution (vip â k a ). • Donc puisque, [d ’une part], la connaissance-réceptacle est le germe et le point d’appui des connaissances-en-acte et que, [d’autre part], ces connaissances-en-acte nourrissent les germes de la connaissance-réceptacle, les enveloppent et les plantent, on est forcé d’admettre que connaissance-ré ceptacle et connaissances-en-acte sont conditions réciproques. { 8. — Les trois productions en raison de causes et les quatre conditions. Samgraha (330, 2, 15-19; 8a 8-8b2). Si dans la première production en raison de causes (pratîtyasam utpâda) ces deux connaissances sont réciproquement condition en qua lité de cause (hetupratyaya), de quelle condition s ’agit-il dans la se conde production en raison de causes? De condition en qualité de régent (adhipatipratyaya ). De combien de conditions les six connaissances-en-acte sont-elles issues? De la condition en qualité de régent (adhipatipratyaya), de la condition en qualité d ’objet (alambanapratyaya) et de la condition en qualité de semblable et d ’immédiat (samanantarapratyaya). Ainsi donc, les trois sortes de production en raison de causes: celle du Samsâra, celles des destinées agréables et désagréables, celle de la jouissance, comptent quatre conditions. Bhâsya (330, 2, 20-26 ; 157a 6-157b 2). Dans la première production en raison de causes, les imprégnations con tenues dans la connaissance-réceptacle, et les Dharma, sont réciproquement conditions en qualité de cause (h e tu p ra ty a y a ). Dans la seconde production en raison de causes, l’ignorance (a vid yô ) et les autres [membres] sont conditions en qualité de régent (a d h ip a tip ra ty a y a ), car c’est à raison de la capacité de régence (a d h ipatisâm arth ya) propre à l ’ignorance, etc. que naissent les opérants (sam skâra), etc. Enfin, les six connaissances-en-acte appelées « production en raison de causes qualifiée par la jouissance » (a u p a b h o g ik a -p ra tītya sa m u tp ā d a ), sont issues des trois conditions. Ainsi, pour ce qui est de la connaissance de l’œil (caksu rvijñ ān a ), la condition en qualité de régent, c’est l’œil (cak sus) ; la condition en qualité d’objet, c ’est la forme (rüpa) ; la condition en qualité de semblable et d’immédiat c’est cette [autre] connaissance qui naît (u tp a d ya te ) immédiatement avant (tadanantaram ) la [connaissance de l’œil]. Comment cela? Si cette [autre connaissance] ne lui cède pas la place (avakāśam dā), la connaissance [de l’œil] ne naît pas. Il en va de même pour les autres connaissances. Upanibandhana (390, 3, 20-391, 1, 2 ; 254b 3-255a 1). « Si dans la première production en raison de causes », c’est-à-dire dans celle qui répartit les natures propres, «ces deux connaissances sont réci proquement conditions en qualité de cause » — on vient de l’expliquer — « de quelle condition s’agit-il dans la seconde production en raison de cau ses?», c’est-à-dire dans celle qui répartit l’agrément et le désagrément? « De la condition en qualité de régent » : car c’est à raison de la prédomi nance (prādhānya) et du pouvoir de régence (adhipatibala) exercé par l’ignorance, etc., que les opérants (samsküra) produisent le fruit de rétri bution (vipâkaphala) dans les bonnes et les mauvaises destinées \ « Les six connaissances naissent de trois conditions ». Ainsi, pour ce qui est la connaissance de l’œil, l’œil est la condition en qualité de régent, la forme est la condition en qualité d’objet, et la connaissance qui vient de disparaître (an an taran iru ddh avijñ ān a ) est la condition en qualité de sem blable et d’immédiat. De même que la connaissance de l’œil est issue de trois conditions, de naeme aussi, chacune des [autres] connaissances-en-acte, à commencer par celle de l’oreille, est issue de trois conditions particulières, exactement com me la connaissance de l ’œil. [390, 3, 28]. Les diverses natures propres sont issues seulement de la condition en qualité de cause, car les trois autres conditions ne se rencontrent pas ici (wa sam bh avan ti) . Ainsi donc, les trois productions en raison de causes: celle du Sam sâra , etc., comptent quatre conditions. Il ne s’en suit pas que chacune d’elles les possède toutes les quatre. Seuls pensée et mentaux (cittacaittà) les possèdent toutes les quatre. 1 Tib. de dag gi mthus hdu byed la sogs pa bde hgro daù ùan hgror hbyun bahi phyir ro : « c ’est à raison du pouvoir exercé par cette ignorance que les °pérants naissent dans les bonnes ou dans les mauvaises destinées ». Le Serment dans la procédure judiciaire de la Chine antique, Nous connaissons très mal les institutions de la Chine ancienne. Les livres anciens qui font profession d ’en parler, ou bien sont comme le Li k i 1 des œuvres d ’école, avec tous les partis-pris que cette origine impose, ou bien, s ’ils sont antérieurs aux écoles, comme le Che king, ou extérieurs à elles comme le Tcheou li, ils ont été interprétés par tous les commentateurs depuis les H an (et quelquefois même, comme le Che kingf longtemps avant les Han) dans le sens de l ’école confuciamste, et étant donnée la quasi-impossibilité où nous sommes de les comprendre en-dehors des commentaires, les idées de l ’école s ’impo sent à nous constamment. E ntre les préjugés des ritualistes confu céens du IV e ou du I I I e siècle avant notre ère, et ceux des commenta teurs des siècles suivants, il est souvent bien difficile de voir clair, meme quand, par chance, ils ont bien voulu nous conserver les faits. Encore le peu que nous connaissons est-il restreint à deux domai nes: les institutions privées, c ’est-à-dire presque exclusivement les rites des patriciens simples particuliers, et l ’organisation adminis 1 On trouvera à la fin de cet article uné liste des caractères chinois employés, ranges dans l ’ordre alphabétique de la transcription française; chaque caractère est numéroté, mais le numéro n ’est reproduit dans le texte (entre crochets) que lorsque cela est absolument nécessaire, en particulier lorsque la transcription U est pas donnée, ou quand la prononciation est inusuelle, ou quand il y a plu sieurs homophones, etc. Le texte des inscriptions traduites étant donné en carac tères modernes, les noms propres qui s ’y rencontrent ne sont portés à la table que lorsqu’ils sont cités en-dehors de la traduction. trative, que le Tcheou li décrit en l ’idéalisant, mais avec des détails précis qui doivent être réels. Pour le reste, nous en sommes réduits à glaner dans les textes de rares mentions le plus souvent peu explicites. C ’est dans les inscriptions anciennes q u ’il faut aller chercher des renseignements précis : elles nous présentent des faits pris sur le vif et non pas déformés par la littérature. Je me suis efforcé d ’en tirer ce q u ’elles peuvent nous apprendre sur certains points de procédure judiciaire antique. Malheureusement elles sont peu nombreuses et surtout bien loin de présenter la variété de celles du monde médi terranéen : ce sont des inscriptions dédicatoires, gravées sur des vases rituels en bronze destinés au culte des ancêtres; la p lupart ne con tiennent que des formules banales; aux autres l ’exiguité du support matériel a imposé trop souvent une brièveté et une concision extrê mes (la plus longue a 497 caractères, et il n ’y en a pas plus d ’une dizaine qui dépassent 200 caractères), en même temps que le carac tère cultuel des vases restreignait le nombre des sujets traités. E t surtout leur utilisation présente de grandes difficultés, qui résultent tant de circonstances extérieures que de faits en quelque sorte inter nes : les premières tiennent surtout à ce que nous ne savons presque jamais rien des conditions ni même simplement du lieu de la décou verte des inscriptions; parm i les seconds, les plus graves sont d ’une p art que la langue, mal connue, est malaisée à comprendre quand le texte sort des formules banales, et de l ’autre q u ’il est presque toujours impossible d ’assigner une date aux inscriptions. Le premier de ces dé fauts, uniquement dû aux déplorables conditions de l ’archéologie en Chine, disparaîtra le jour où des fouilles scientifiquement conduites auront enfin remplacé le système de pillages clandestins par les m ar chands de curiosité; mais les deux derniers, inhérents aux inscrip tions elles-mêmes, sont inévitables. La langue est, on le sait, celle du Chou îcing et du Che Jcing ; or, aussi bien pour les Chinois que pour nous, ces livres ne sont guère compréhensibles que grâce aux gloses des commentateurs anciens qui en ont expliqué un à un les mots et les phrases; aussi les inscriptions, étant naturellement dépour vues de commentaires, sont-elles trop sjouyent peu intelligibles. E t cela (Tautant plus que la vie matérielle de cette époque étant presque inconnue, toute allusion aux actes les plus courants et aux choses les plus usuelles de l ’existence journalière nous est lettre close. Tout au plus les découvertes des dernières années laissent-elles Pespoir que peu à peu tout ce côté encore obscur de la société chinoise an cienne s ’éclairera à mesure que les fouilles se développeront. La difficulté de dater les inscriptions paraît insurmontable: elle tient à ce que les inscriptions chinoises anciennes, quand elles sont datées, le sont en années de règne, sans indication de nom ou de titre du souverain, roi ou prince local, auquel ces années se rapportent. C ’est un point sur lequel je crois utile d ’insister parce que ni les archéologues chinois et japonais, ni les sinologues occidentaux, ne me semblent en avoir pleinement apprécié l ’importance. La manière de désigner le roi ou le prince de son vivant posait un problème difficile. Le nom sous lequel ils sont connus des historiens est un titre décerné après la mort ; quant au nom personnel, bien que Pinterdiction de le prononcer ne fû t peut-être pas aussi formelle qu’en des temps plus récents, la simple habitude de politesse qui empêche de prononcer celui d ’un supérieur ou d ’un égal suffisait à en écarter l ’emploi. Le problème n ’a jamais été résolu de façon satisfaisante, probablement parce q u ’il n ’offrait q u ’un intérêt assez mince pour les contemporains : de son vivant le roi était « le roi » sans q u ’on pût s ’y tromper, et s ’il était nécessaire de parler d ’un roi ancien on ajoutait le titre posthume. Il semble que les rois aient pris parfois de leur vivant même un tit r e 2: c ’est une habitude qui a reparu dans les temps modernes, en particulier sous les dynasties T ’ang et Song. On trouve ainsi mentionnés dans quelques inscrip 2 Ces titres sont pareils ou presque pareils à ceux des rois du début de la dynastie Tcheou : les épigraphistes chinois n ’ont pas hésité à admettre leur équivalence: Hieou = Hiao; Mou =r Mou; Chao = Tchao, etc.; le titre aurait eté à l ’origine pris par le souverain vivant avant qu ’on en vînt à la coutume des titres posthumes. Cf. Kouo Mo-jo, The Origin of the Eules of giving Posthumous Names, ShinagaTcu, V I (1932), 33-43 (en chinois). C ’est une hypo thèse vraisemblable, bien qu’elle présente quelques difficultés. tions comme rois régnants le roi Hieou1, le roi M ou2, le roi K ong3, le roi Chao \ le roi Tch’eng®, le roi Y i6, etc., et un roman du IV e siècle a. C., le Mou t ’ien-tseu t chouan avait peut-être connaissance de cette coutume quand, racontant la consultation de l ’oracle du Comte du Fleuve par le roi, il le fait interpeller par le dieu sous le titre de Mou \ Mais ces inscriptions sont peu nombreuses, une dizaine au plus* et ju sq u ’ici elles paraissent toutes appartenir à la période la plus ancienne de la dynastie Tcheou, bien que dans les principautés on rencontre la même habitude à des époques bien plus récentes8. Dans les inscriptions des états féodaux, on lit quelquefois le nom per sonnel du p rin c e 9: c ’est dans des inscriptions rédigées par ou pour celui-ci qui parle de lui-même sous son nom à ses ancêtres ; elles aussi du reste sont très peu nombreuses; ou bien le titre posthume du père du prin ce10. E n général, il n ’y a aucune tentative de dési gner le roi ou le prince régnant. Cette imprécision sans importance 1 Inscription du y i de Hiao-fou [27] {Kiun Tcou lou, k. 2. 2, 4). 1 Inscription du touei de Yu [293] ( Tcheou Tcin-wen t s ’ouen k. 3, 40). • Inscription du trépied de T s ’o Ts'ao [252] (Tcheou Tcin-wen t s ’ouen, k. 2, 27 a); — inscription du trépied de K ’o (ïbid., k. 2, 12 b). 4 Inscription du trépied de Tseu [232] (ihiâ., k. 2, 28). 8 Inscription du trépied du prince de Hien [30] (Pao-wen-leou yi-Tc’i t ’oulou, 8). • 1 1 siu Inscription du yeou de K ’ouang [86] (Tcheou Tcin wen t s ’ouen, k. 5, 84). Mou t ’ien-tseu tcliouan, k. 1, 36 (éd. P ’ing-tsin-Tcouan t s ’ong-chou). Au T s ’i: prince Ling, dans l ’inscription de la Cloche de T s’i (Si t s ’ing pien, k. 16, 9); etc. • Au Tsin: inscription du vase ngan du Pays de Tsin [237], K iun Tcou lou, k. 3 .3 , 28 b; — au Song : inscr. des 16 cloches du prince de Song dont le nom personnel est T ch’eng (ce qui n ’est pas absolument précis, car il y en a eu trois) Sie chang Jcong tc h ’ong t ’ing y i Tc’i Tc’ouan che, k. 6, l a ; — au T s’i: inscr. du prince de la famille Tch ’en dont le nom personnel est Wou, K iun Tcou lou, k. 3 .1 . 7 b; inscr. du prince dont le nom est Y in -ts’eu, xbid., k. 3. 1, 75 a; etc. 1( Au Tsin: inscr. du vase ngan du Pays de Tsin [237] où au début de la grande lacune des lignes 7-10, d ’anciens estampages portent encore le nom de Wen kong après les mots «mon illustre père d éfu n t» ngo lie Tc’ao Wen Tcong [1^1], par exemple celui dont s ’est servi Siu T ’ong-po, dans son TsongTcou-t ang Tc’ouan che Mo, k. 8, 14 a., alors que les estampages plus récents n ’ont plus que quelques traits de la partie supérieure $u caractère wen (.Kiun Tcou lou, k. 3 .3 , 28 a; Tcheoy, Tçin Wouen, k. 4, a). à l'époque est aujourd'hui pour nous désastreuse: une inscrip tion datée de la première année ou de la deuxième année « du roi » peut appartenir à n'im porte lequel des trente-sept rois de la dy nastie Tcheou, ce qui laisse à la date un flottement de huit siècles environ. Quand le chiffre des années de règne est très élevé, le champ d'investigation paraît se rétrécir, puisqu'il n 'y a qu'un petit nombre de rois qui aient eu un règne très long; mais ce n'est qu'une illusion, car ils sont répartis tout le long de la dynastie. Si on prend par exemple l'inscription du Trépied de Ko-yeou [68] qui est datée de «la trente-et-unième année du roi », il n 'y a pas moins de huit ro is1 qui aient atteint ou dépassé trente-et-un ans, d'après le Tchou chou ki nien et le Che Ici, soit environ un par siècle, en sorte que cela ne nous apprend rien. Il faudrait des dates encore plus élevées pour donner un renseignement utile; c'est ainsi que l'inscrip tion de la Cloche du prince de Tseng [224] 2, datée de la 56e année d'un roi de Tch'ou, ne peut être que du roi Houei, car lui seul a régné aussi longtemps, et l'inscription est ainsi datée exactement de 433 a. C. C'est un cas exceptionnel. Les épigraphistes chinois se sont obstinés à tenter de déterminer à quel roi se rapportent les années de règne des inscriptions, et ils ont cru en trouver le moyen dans l'examen des dates cy cliques du jour du mois qu'elles contiennent. Mais comme, à la différence des inscriptions des Han, elles ne donnent jamais le quantième du mois à côté des signes du jour dans le cycle sexagé naire, elles sont peu précises puisque la moitié du cycle se trouve dans chaque mois ; elles ne deviennent moins vagues que pour quel ques époques caractéristiques de la lune, nouvelle lune par exemple ou pleine lune, ou quelques autres dont la valeur est moins claire. Il 1 Ce sont: 1. Tch'eng, 37 ans (1044-1008); — 2. Mou, 55 ans (962-908); — 3. Siuan, 46 ans (828-783); — 4. P 'in g , 51 ans (771-721); — 5. Siang, 32 ans (652-621) ; — 6. King, 42 ans (521-480) ; — 7. Hien, 48 ans (368-321) ; — Nan, 69 ans (314-256). Est-il nécessaire d'ajouter que les dates de plusieurs d'entre eu* 80nt sujettes à caution? Sie chang-Tcong tchong-ting yi Tc’i Te'ouan che, k. 6, 7 a-b. Le nom personnel 4u roi, Tchang [196] est également donné, ce qui ne laisse place à aucun doute. est facile aujourd’hui de calculer n ’importe quelle néoménie ancienne, et pour une période relativement aussi proche que les dix siècles qui précèdent notre ère, le calcul est sûr; d ’autre part, il suffit de par courir la Concordance néoménique du Père Hoang pour constater que le retour des mêmes signes cycliques sur le premier jour d ’un mois déterminé n ’est pas fréquent. Il n ’y a par conséquent que très peu d ’années répondant à la fois à toutes les indications chronologiques contenues dans une. inscription, année de règne, mois et caractères cycliques des jours. Tel est schématiquement indiqué le procédé par lequel on a essayé de dater les inscriptions anciennes. Ce procédé, tout à fait sûr pour l ’époque des Han ou des dynas ties postérieures aux Han, n ’a aucune valeur quand on veut l ’appli quer à des documents plus anciens. E n effet, il exige un calendrier régulier où les intercalations de mois régulièrement faites ne soient jamais ni en avance ni en retard. Or dès q u ’on étudie le Tch’ouen ts ’ieou, on constate que son calendrier n ’a nullement cette régularité, et qu ’au lieu de présenter une intercalation tous les trente-trois mois, il a des périodes de cinq ans sans intercalation regagnées tan t bien que mal par des intercalations pendant deux années consécutives. En outre M. Shinjō Shinzô a montré que le début de l ’année remonte lentement de janvier à décembre de la fin du V IIIe siècle au milieu du V IIe siècle1, p ar suite de l ’insuffisance du calendrier, ce qui fait que le premier mois réel n ’est pas celui du premier mois calculé. L ’importance des irrégularités saute aux yeux quand on prend la table des éclipses de soleil du Tch’ouen ts ’ieou telle que la donne Chalm ers2: en comparant les deux colonnes où sont données la date théorique des éclipses dans un calendrier chinois régulier comme l ’a calculée Chalmers et la date réelle donnée par le T ch’ouen ts ’ieou, on voit que la différence entre les deux atteint parfois jusqu’à trois mois! Dans ces conditions que signifient les dates obtenues par le 1 Shinjō Shinzō, Tōyō temmon gdkushi Tcerikyû, p. 316 et tableau inférieur en face de la p. 315. a L e g g e , Chmese Classics, t. III, Shoo Mng, Prolegomena. calcul? Un exemple le montrera clairem ent1.L 'inscription du trépied de Ko-yeou [68] est datée du jour jen-tch’en (29e du cycle), premier jour du troisième mois de la trente-et-unième année. La Concordance néomênique du P. Hoang montre que si on s'en tient au calendrier régulier établi rétrospectivement par le calcul, il peut s'agir de l 'année 621 a. C., 31e année du roi Siang : le P. Hoang en effet place le premier jour du troisième mois au trentième jour du cycle, et com me dans un calendrier où on veut m aintenir un roulement régulier des mois de 29 et de 30 jours, le calcul ne peut être exact qu'à un jour près, cela concorde suffisamment avec le 29e jour du cycle mentionné dans l'inscription. Mais si on prend le calendrier réel du Tch’ouen ts’ieou, cette année-là (sixième année du prince Wen) le jour jentch’en a été le prem ier du septième mois et non du troisième; par conséquent l'inscription ne peut être de 621 a. C. A vrai dire, per sonne n 'a jamais, je crois, songé à la m ettre à cette date, parce que d'autres raisons la font considérer comme bien plus ancienne. Mais l'exemple n'en est pas moins valable: si le calcul théorique fournit une date fausse pour une période qu'on peut vérifier, comment peuton se fier à lui pour des périodes plus anciennes, simplement parce qu'il n 'y a pas de vérification par les textes? Pour dater cette même inscription, la 31e année du roi Li ne se prête à aucune utilisation, quelle que soit la chronologie qu'on emploie. Mais la 32e année, dans la chronologie du Tchou chou ki nien et du Che ki correspond à 822 a. C. : or il se trouve que le 1er jour du 3e mois de cette année est, d'après le calendrier théorique un jour répondant, suivant le système d'intercalation et le roulement des mois de 29 et de 30 jours qu'on adopte, aux jours 58-59 ou 28-29 du cycle. Aussi M. Kouo Mo-jo a-t-il assez confiance dans les calculs du calendrier théorique pour ne pas hésiter à corriger la date de l'inscription et à lire « 32e année » alors qu'il est clairement gravé « 31e année», afin de retrouver dans l'in1 J 'a i choisi un exemple tel que le calcul de la date permît de tomber dans la période du T ch ’ouen t s ’ieou, afin de faire sauter aux yeux la différence entre te calendrier théorique, calculé par les chronologistes, et le calendrier réel, donné par le T ch’ouen t s ’ieou, sans tenir compte de ce que cette hypothèse, théo riquement possible, n'est pas de celles qu'ont adoptées les lettrés chinois. scription la date calculée! Les Chinois n'o n t pas eu de calendrier ré gulier avant l ’époque des Royaumes Combattants, et même après sa création, ce calendrier n ’a pas été adopté officiellement tout de suite. Tout calcul faisant intervenir un calendrier régulier est hors de ques tion pour les temps antérieurs au I I I e siècle a. C. ; il ne saurait aider à dater des inscriptions des Tcheou Occidentaux. On a quelquefois pensé que si, au lieu de chercher à dater quel ques inscriptions isolément, on recueillait le plus grand nombre possi ble d ’inscriptions datées et on en comparait les dates, on arriverait à reconstituer leur calendrier réel et par suite à en établir la chro nologie. C ’est ce q u ’a essayé de faire M. Shinjō Shinzô dans un article long et im portant *, où il a rapproché cent quatre-vingt-dix inscrip tions portant des chiffres d ’années et de mois et des signes cycliques de jours. Le seul énoncé de ce chiffre montre q u ’il ne pouvait pas réussir: c ’est à g ran d ’ peine q u ’avec les trois cent quatre-vingt-treize dates du TcWouen ts ’ieou, on est parvenu à reconstituer le calendrier des deux cent trente ans de cette période ; encore reste-t-il beaucoup de points incertains et en particulier la place des mois intercalaires est trop souvent hypothétique. Comment peut-on espérer avec deux cents dates environ reconstituer le calendrier des huit siècles des Tcheou ? Au même taux il en faudrait plus de mille. Il faut abandonner, au moins pour l ’instant, l ’espoir de classer chronologiquement les inscriptions anciennes grâce à leurs dates: celles-ci sont pour nous lettre morte. D ’autres procédés donneraient peut-être des résultats. La paléographie n 'a ju sq u ’ici à peu près rien rendu, probablement parce que les fallacieux essais de classement à l ’aide des dates, en fournissant une chronologie fausse, ont toujours masqué l ’évolution des formes des caractères. D ’autre p a rt le style des vases où les inscriptions sont gravées, quand ces vases ont été conservés, perm ettra sans doute d ’établir un classement, lorsque l ’étude des bronzes anciens sera plus avancée. Enfin le contenu des inscriptions pourrait fournir des indications; M. Wou K i-tch’ang 1 S h i n j ô S h in z ô , ( 1 9 1 9 ) , 3 2 7 -4 3 3 . A Stuây of Ancient Inscription in China, ap. ShinagaTcu, V et M. Kouo Mo-jo ont tenté récemment de rapprocher celles où appa raissent les mêmes personnages1; malheureusement au lieu de se contenter d ’établir ainsi des groupements plus ou moins étendus d ’inscriptions se rapportant à des milieux et à des époques caractéri sées par les noms des personnes mentionnées, ils ont voulu faire un classement chronologique complet et ont réintroduit pour cela des calculs de dates p ar les années de règne et les signes cycliques des jours, ce qui a le défaut d ’établir entre les groupements d ’inscrip tions des relations chronologiques qui en réalité nous échappent entièrement. Il y a quelques inscriptions se rapportant à des procès : deux sur deux vases différents dédiés par un certain Tsong de Ko, deux sur le trépied de Hou, etc. Sont-elles parm i les très rares auxquelles on peut attribuer une date au moins approximative? Il le semblerait à première vue. E n effet, si aucune d ’elles ne mentionne aucun nom de roi, ni aucune date explicite, deux d ’entre elles citent, à ce q u ’il semble, des personnages mentionnés dans d ’autres inscriptions, et cer taines de celles-ci contiennent des titres royaux. Rien n ’est malheu reusement moins sûr que les éléments de datation. La seconde inscrip tion du trépied de Hou [39] mentionne un certain Hiao-fou; or un personnage de ce nom a dédié un vase dans l ’inscription duquel est mentionné « le roi Hieou » a. Si c ’est bien du même personnage q u ’il s agit dans les deux inscriptions (mais l ’absence de titre rend le rapprochement mal assuré), et si d ’autre p a rt le roi Hieou est à identifier avec le roi Hiao des historiens3, le trépied de Hou serait à placer aux environs du règne de Hiao, c ’est-à-dire, si on accorde Wou K i-tch ’ang, A Chronological list o f ancient Chinese bronzes, ap. Bulletin of the N ational L ibrary of Peiping, V I ( 1 9 2 2 ) , 4 9 7 - 5 5 8 ; Kouo Mo-jo, Leang Tcheou tcin wen t s yeu ta-hi, Tōkyō, 1 9 3 2 . M. Wou fa it intervenir ouver tement ces calculs dans ses discussions; M. Kouo au contraire les mentionne rarement, mais il su ffit d ’y regarder de près pour constater qu ’ils sont à la ase de son classement chronologique. Wou Che-fen, K iun Icou lou, k . 2 , 2 , 4 ; L i e o u Sin-yuan, Ki-Tcou-che Tci-Tcin chou, k. 17, 13; Kouo Mo-jo, op. cit., 80. a Voir ci-dessus, p. 2 5 9 . une valeur réelle à la chronologie du Tchou chou ki nien et du Che ki, dans la première moitié du IX e siècle a. C. D ’autre part, dans l ’in scription du siu de Tsong de Ko [70] est mentionné un dignitaire portant le titre de chart-fou dont le nom paraît devoir être lu K ’o. Si cette lecture est acceptée, ce nom accompagné du même titre se trouve dans plusieurs inscriptions, dont l ’une, celle du Grand Tré pied de K ’o [175] 1 contient le nom du roi Kong [72] ; p ar consé quent, si on admet l ’identification de ce roi avec celui auquel les historiens donnent le titre posthume de Kong [71], ces inscriptions seraient de la fin du X e siècle ou du commencement du IX e siècle a. C. Il suffit d ’exposer les faits pour que l ’on se rende compte à quel point cet échafaudage d ’hypothèses est fragile: le nom qui est lu de façon sûre n ’est accompagné d ’aucun titre, de sorte que l ’identi fication en est incertaine; en revanche celui dont l ’identification serait sûre est de lecture incertaine. De plus l ’identification des titres des rois vivants cités dans les inscriptions avec les titres pos thumes donnes p ar les historiens est vraisemblable, mais n ’est encore q u ’une hypothèse invérifiée. E t quant à la chronologie du Tchou chou ki nien et du Che ki, elle ne présente aucune garantie d ’exactitude et est probablement factice. Si malgré tout on était tenté d ’accepter ces dates, on s ’apercevrait vite q u ’elles conduisent à des difficultés inextricables. Le chan-fou K ’o mentionne le roi Kong [72] dans une inscription non datee, et déclare que « le roi se trouvait au Tcheou Ancestral et le m atin se rendit au temple du roi Mou », Mou miao [114] ; dans une autre inscription, datée dès la 18e année, il ne donne aucun nom de roi mais parle des « Palais des rois K ’ang et Mou» [79], Si on admet avec les archéologues chinois que ces palais sont des temples funéraires, cette inscription se place après la mort du roi Mou, et comme le roi Kong, son successeur, n ’a régné que 12 ans (907-896), il fau t la faire descendré ju sq u ’à la 18e année du roi Yi, son successeur (878). Ce meme chan-fou K ’o est cité dans l ’inscrip Sin-yuan, op. cit., k. 2, 28 a; T s e o u Ngan, Tcheou Un-wen t s ’ouen, 2j 12 a; Kouo Mo-jo, op. cit., 124. 1 L ie o u k. tion du siu de Tsong de Ko [70] qui est daté de la 25e année : le roi Yi ayant régné 25 ans, cette inscription peut être attribuée à la fin de son règne (871). Mais l ’inscription du Trépied de Ko est datée de la 31e année; les seuls rois de cette époque qui soient donnés comme ayant régné 31 ans ou plus sont le roi Mou (962-908) et le roi Siuan (827-782) : elle serait donc à placer au temps de l ’un ou de l ’autre, en 932 ou en 797. E t comme l ’inscription du siu de Tsong de Ko paraît pour des raisons tirées de son contenu même, postérieure à celle du Trépied de Tsong de Ko, bien quelle soit datée de la 25e année et celle du Trépied de la 31e année, on se trouve obligé de placer cette dernière au temps du roi Mou, en 932, ce qui met 60 ans d ’intervalle entre les deux inscriptions de Tsong de Ko: ce n ’est pas matériellement impossible, mais cela donne à l ’auteur de ces inscrip tions une longévité peu vraisemblable, en lui faisant atteindre au moins quatre-vingt-dix ans. Essaie-t-on d ’éviter cette difficulté en écartant les raisons pour lesquelles on place l ’inscription du siu (25e année) après celle du Trépied (31e année) et en les m ettant l ’une et Vautre sous le roi Mou, respectivement en 938 et 932? C ’est alors le chan-fou K ’o mentionné avec son titre à 60 ans d ’intervalle en 938 (25e année du roi Mou) et 878 (18e année du roi Yi) q u ’il faut faire vivre quatre-vingt-dix ou cent ans. Les difficultés ne seraient pas moindres si on se servait de la chronologie du T s’ien-han chou et du T ’ong hien hang mou : comme elle donne 37 ans de règne au roi Li, elle perm ettrait d ’attribuer à son règne les deux inscriptions de Tsong de Ko qui viendraient se placer respectivement en 854 et 848 (c est ce que fait M. Kouo Mo-jo) ; mais alors le règne de Kong est rejeté entre 946 et 935, et le chan-fou K ’o, qui est contemporain de °e roi et de l ’inscription du siu de Tsong de Ko (854), aurait large ment dépassé la centaine. On ne peut s ’en tirer q u ’en modifiant les chronologies traditionnelles, et c ’est ce que font en effet M. Shinjô Shinzô et M. Kouo Mo-jo; ces chronologies sont factices, et il n ’y a Pas grande importance à y attacher; mais les corrections arbitraires de ces savants ne constituent pas un progrès. Le mieux est de reconnaître que ces inscriptions ne peuvent être datées: tout ce que nous savons est q u ’elles remontent aux Tcheou Occidentaux et p ar conséquent sont au plus tard du début du VIIIe siècle a. C. Les noms de personnes identiques q u ’elles contiennent m ontrent q u ’elles sont toutes contemporaines: elles constituent donc un groupe homogène, q u ’on peut étudier comme un ensemble, et comparer aux données des textes littéraires, d ’époque beaucoup plus recente. C est de ces inscriptions que j ’ai essayé de tirer parti pour déterminer l ’emploi du serment dans la procédure judiciaire de la Chine antique. * ♦* Pour déterminer le rôle que le serment jouait dans la justice chi noise ancienne, il est nécessaire d ’exposer d ’abord brièvement de quelle façon se déroulait alors un p rocès1. Le rapprochement de quelques passages du Tcheou li donne une idée, sinon de la manière exacte dont les choses se passaient, au moins de la manière dont on aurait voulu q u ’elles se passassent; et la comparaison avec les don nées des inscriptions permet, je crois, de se faire une vue assez jliste des faits. Je ne parlerai que de procès en matière civile, parce que ce sont les seuls sur lesquels nous ayons des documents. Il est entendu qu il n ’y a pas de code civil en Chine, q u ’il n ’y en a jamais eu avant le X X e siècle, les seuls codes ayant toujours été des codes pénaux : le code de la dynastie Tcheou était attribué au roi Mou et on le d é c rit3 comme énumérant trois mille cas sujets à châtiment, deux cents de peine de mort, trois cents de castration, cinq cents d ’amputation des pieds, et mille de chacune des peines les plus basses, ablation du nez et marque. Mais du fait q u ’il n ’y a pas de code civil, il ne s ensuit pas q u ’il n ’y a pas de procès en matière civile et que tout procès doit nécessairement être crim inel3: même pour les Chinois, H. M a s p e r o , La Chine antique, p. 87. — Mes études récentes m ’ont fa it modifier sur quelques points l ’exposé que j ’en ai fa it dans cet ouvrage. Chou Tcing, 605 (Lu hing). Le Tcheou li ( B io t , II, 354) parle de 2500 cas, soit 500 pour chacune des 5 peines, ce qui donne un schéma régulier dans sa symétrie. 1 J ’ai admis à tort le contraire, op. cit., 86. il y a des affaires qui n ’impliquent pas nécessairement que celui qui a tort et perd le procès a commis un crime passible d ’un des cinq châtiments; et les commentateurs de l ’époque des H an savent fort bien distinguer les procès civils q u ’ils appellent procès au sujet de biens yi houo-tsai siang kao, et les procès criminels yi tsouei siang kao. Ils ont même admis que le Tcheou li avait deux mots différents, l ’un song [169] pour désigner les premiers, l ’autre yu [292] pour désigner les seconds c ’est à tort, je crois, et, à mon avis, la différence de sens des deux mots n ’est pas là; mais l ’erreur même et la défini tion qui en résulte m ontrent que la différence était claire dans leur esprit. Au reste, les inscriptions font voir des procès qui ne sont pas des procès criminels. La personne qui avait une revendication à exercer contre une au tre58 portait une accusation, song [162], contre celle-ci devant le 1 Tcheou li, k. 34, 4 b -5 a . L ’auteur du Tcheou li distingue nettement deux temps dans la procédure: 1° l ’accusation song introduite par le dépôt d ’un faisceau de flèches, jou chou che, et caractérisée par la venue des deux parties, leang t s ’a o ; 2o le procès, yu introduit par le dépôt d ’une barre de cuivre, jou Tcvun Tcin, et caractérisé par le dépôt des titres par les deux parties, leang tsi. La construction symétrique des deux phrases a l ’air d ’en faire deux procédures distinctes se rapportant à des cas différents, tout en se déroulant suivant le même schéma général; c’est ainsi que l ’a compris Tcheng Hiuan: il voit dans la première phrase la procédure des procès civils, qu ’il croit être désignés par le mot song, et dans la seconde celle des procès criminels (c ’est le sens q u ’il attribue à yu). Le fa it que le passage 80 trouve à l ’article du Juge criminel, sseu-Tc’eou, donne une place prépondérante aux affaires criminelles ; mais yu ou bien est le terme désignant les débats à l ’au dience (par ex. dans l ’expression tsouo yu), les plaidoiries elles-mêmes étant appelées « déclarations » ts ’eu ; qu bien signifie en général toute espèce de Procès, civils ou criminels:, par exemple, pour yu appliqué à un procès civil, V01r K ° u<> yu, k. 15, l a (Tsin yu ): « Le marquis de Hing et Yong-tseu se dis putaient des terres. Yong-tseu offrit sa fille à Chou-yu (qui était juge assistant) lui demandant de remplir sa charge (c ’est-à-dire de juger lui-même l ’affaire) ; jour où il jugea le procès, p i yu, Chou-yu donna tort au marquis de Hing ». °ng de son côté est l ’accusation; quant à l ’expression fréquente song-yu, elle S1gne le procès dans son ensemble, caractérisé par ses deux phases princi pales, l ’accusation qui l ’ouvre, et les débats qui le ferment. Le contexte lui-même Contre que l ’explication de Tcheng Hiuan est fausse, puisqu’il indique le dépôt 8 contrats par les deux parties, leang t s ’i, comme la marque du yu: en e ffet roi (ou le prince) ou un de ses ministres 1; pour cela elle devait d ’abord présenter un faisceau de flèches, chou che, pour obtenir d ’être entendue3, après quoi elle exposait les faits au sujet desquels elle se plaignait. Le défendeur de son côté devait faire un dépôt semblable; et les commentateurs ajoutent que s ’il se considérait comme étant dans son tort, il ne présentait pas de faisceau de flèches, ce qui signifiait q u ’il renonçait à se défendre; le litige était alors réglé immédiatement en faveur du plaignant. Après le double dépôt des faisceaux de flèches, le juge tenait une audience: c ’était ce q u ’on appelait c la venue des deux (parties) » leang ts’ao: demandeur et défendeur venaient « s ’asseoir pour le procès» tsouo y u a, afin de soutenir chacun leur cause en une courte plaidoirie^ et le juge « écoutait » t ’ing « les déclarations des deux (parties) » leang ts ’eu*. Si cela ne suffisait pas à éclairer l ’opinion du juge, il demandait aux deux parties de lui présenter leurs titres justi ficatifs: c ’était ce q u ’on appelait « (la présentation des) titres ju ri diques des deux (parties) » leang ts i 5; mais pour cela les deux parties devaient au préalable verser chacune une barre de cuivre s ’il peut évidemment y avoir des crimes à propos de contrats, le dépôt d ’un con trat ne peut être considéré comme le trait général caractéristique des procès criminels, et leur signe distinctif en face des procès civils. 1 Le Tcheou li qui normalise et régularise tout indique comme juge régulier le Juge criminel, sseu-lc’eou. Les inscriptions montrent que c ’est trop simplifier les choses. * Tcheou li, loc. cit., cf. Kouo yu, k. 6, 1 1 b (T s ’i yu). — Je ne sais s ’il y a un rapport entre le faisceau de flèches, chou-che, présenté en portant plainte, et le nom du serment judiciaire, che, qui s ’écrit souvent par le caractère signifiant <( flèche » : les flèches seraient le symbole visible du serment prononcé par les parties en exposant leur cause. Mais aucun texte ne fa it mention de serment introductif d ’instance; on verra plus loin que le serment n ’est connu q u ’après achèvement des débats. La flèche symbolise la droiture (Che-lcing, k. 13. 1, 2 b, Siao ya V, ode 3, Ta tong): mais c ’est là un symbolisme général sans rapport avec la possibilité d ’un symbolisme particulier entre le dépôt des flèches et le serment judiciaire. * T so tchouan, 10e année du prince Siang. é Chou Tcing, k. 19, 28 a (Lu hmg). a Tcheou li, k. 34, 5 a, B io t , II, 311. de 30 livres, kiun kin \ après quoi seulement elles avaient le droit d ’apporter leurs documents. C ’est toute cette procédure préli minaire qui est résumée en quatre mots dans le L u hing, quand il y est dit que c ’est « quand les deux parties sont venues leang ts ’ao et que tout est préparé kiu p e i» q u ’a lieu l ’audience2. Si l ’un des deux, demandeur ou défendeur, « n ’était pas capable de présenter ses titres juridiques» pou neng kiu k ’i k ’i 8, il était considéré comme défaillant et le procès était gagné par son adversaire. Si tous les deux présentaient des documents, le juge prenait trois jours pour étudier l ’affaire4, puis il prononçait la sentence. Cette procédure est bien mise en lumière dans le récit du procès de Wang-chou Tch’en-cheng et de P o-yu6 au sujet de la place de premier ministre k ’ing-che du roi Kien q u ’ils se disputaient en 576 : ces deux personnages «portent des accusations» song l ’un contre l ’autre, puis leurs délégués (ils sont de trop hauts seigneurs pour aller en justice en personne) « s ’assoient pour le procès» dans la cour du roi devant le juge qui écoute leurs plaidoiries, puis qui leur demande de fournir leurs titres justificatifs; Wang-chou Tch’encheng ne pouvant en présenter aucun s ’enfuit. On retrouve là au complet et énumérés en leur ordre tous les traits caractéristiques de la description du Tcheou li: accusation, song ; convocation des deux parties leang ts ’ao; plaidoiries; puis dépôt des pièces; enfin juge ment ; et il en ressort clairement que les deux phrases du T cheou li sur « l ’empêchement », kin, des accusations, song} et 1’«empêchement» des procès, y u , que doit tenter le juge, en dépit de leur symétrie qui a 1 Biot traduit «30 livres d'or ou de m étal». Le mot loin depuis les Han désigne l'or quand il s'applique non au métal en général, mais à un métal particulier. Mais les inscriptions des Tcheou montrent que dans l'antiquité il désignait le bronze ou le cuivre. 1 Chou Icina, loc. oit. * Tso tohouan, loc* cit. 4 Tcheou li, loc. cit.; cf. Kouo yu, k. 6, 1 1 b (T s ’i yu) où l'intervalle de trois jours mis juste après le dépôt des flèches est destiné à permettre au de mandeur de retirer soh accusation; ce n'est qu'après ce laps de temps qu'elle devient définitive. % T so tchouané loc. cit. induit en erreur les commentateurs anciens, ne se rapportent pas à deux espèces de procès différents, les procès civils et les procès cri minels, mais bien à deux phases successives d ’un même procès (civil ou criminel suivant les cas), se déroulant depuis l ’accusation ju sq u ’à la sentence. Il ne manque dans le Tso tchouan que la mention des actes introductifs d ’instance, dépôt des flèches et des barres de cuivre, mais cela est tout naturel: le fait même q u ’ils sont les actes ordinaires par lesquels débutent nécessairement tous les procès ren dait inutile de les noter; il n ’en est pas question non plus dans les inscriptions. On retrouve la même procédure résumée dans les deux courts récits de procès qui forment la seconde et la troisième inscription du Trépied de Hou \ Ces deux inscriptions relatent chacune un procès différent, le premier au sujet du rachat de cinq hommes vendus à réméré, dans lequel Hou était défendeur et q u ’il a perdu ; le second en réclamation de dommages et intérêts pour un vol de grain, dans lequel il était de mandeur, et q u ’il a gagné. Elles sont assez difficiles, la première sur tout, parce que Hou, qui était, semble-t-il, de mauvaise foi dans l ’affaire et qui a perdu son procès, cherche à présenter les choses à ses ancêtres sous le jour le moins défavorable possible, en évitant 1 Y u a n Yuan, Tsi-hou-tchai tchong V ing y i h H Tc’ouan che, k. 4, 35; W an g T ch’ang, K in che souei p ’ien, k. 3, 3 b; Wou Che-fen, K iun Icou lou, k. 3. 3, 46; L ie o u Sin-yuan, Ki-hou-che hi-hin wen chou, k. 10, 20; T s e o u Ngan, Tcheou "kin wen t s ’ouen, k. 2, 6; Kouo Mo-jo, Leang Tcheou hi/n wen t s ’eu ta hi, 80; W ie g e r , Caractères chinois, App. : Graphies Antiques, p. 494 et suiv. (reproduc tion du texte en caractères anciens d ’après le T si-hou-tchai tchong V ing y i h H h fouan che, et de la transcription de Yuan Yuan en regard, avec une traduction) ; on trouvera la photographie d ’un estampage un peu petit, mais très clair, dans Shinagahu, Y (1929), planche faisant face à la page 408. Ce trépied a été trouvé dans la région de Si-ngan fou à la fin du X V ille siècle. — Il n ’y- a en réalité qu’une seule inscription divisée en trois paragraphes; mais chaque paragraphe traitant d ’un sujet distinct et rapportant des faits sans relation les uns avec les autres (ils n ’ont même pas le lien vague de s ’être passés la même année), il m ’a paru plus commode de traiter chaque paragraphe comme une inscription séparée ; on voudra bien se rappeler que « première inscription » veut dire « pre mier paragraphe de l ’inscription », etc. n ♦ O rx & ;f o «> a O i£ £ a & <IL +£ o * É? €n K a. m % .s . — 0 il et * o Ö, & *« t & % Ék t ? y» $> i /« o 2: •i- X o 5" 3- H 4 # & 1 <f± o & ft(sy ép n t % 7* A »x 0 & & K -T i 'iL ■Sfr 1 . 4 A j£ _ fa 0 S&* ya *0 É? £ s *»L £ ’J 0 . t 1 (A) ■» A 1k 7 1» -r # iL ^\ a . A # r/ sé # i # f * if ø - t o Æ i JL A *r 1 #» * s & O /s J. 0 5. O o * r\fft) 5& c o o £ y *j -J* O 9 4; * 4 îS. * é. le*) I *» 3». ï tâ^J £ 7NV & 5C £ o ÈL Jk 0 Deuxième inscription du trépied de Hou. toute déclaration un peu nette et sans déformer les faits, mais en les tournant à son avantage ; on voit aisément que cette obscurité est vou lue quand on compare cette inscription à la seconde où Hou, fo rt de son droit et de son succès, fait un exposé parfaitem ent clair. Les deux procès n ’ayant aucun rapport l ’un avec l ’autre, j ’étudierai les deux inscriptions séparément. « Or le quatrième mois du roi, le jour de la lune décroissante, ki-cheng-p’o, (marqué des signes cycliques) tin g-yeou (34e du cycle), le prince de Hing 1 était à Y ia pour l’affaire de ... Alors le siao-tseu 8 San porta une accusation4 (contre moi, Hou) devant le prince de Hing au sujet du terme0 (de rachat 1 [34] On admet généralement que ce caractère est ici l ’équivalent de hing [35], parce qu’il y avait une principauté de Hing [35], voisine du Wei, dont les princes prétendaient descendre du duc de Tcheou. Il est possible cependant qu’il faille lire tsing qui est la prononciation normale du caractère: le Mou t ’ien-tseu tchouan, k. 1, k. 4 etc. mentionne un L i de Tsing [239] parmi les ministres du roi Mou (ne faudrait-il pas là aussi lire h in gl), et ce nom a passé dans le Tchou chou Ici nien, où, mal déchiffré, il est devenu Tcong. Mais ce roman tardif n ’est pas un garant de l ’existence d ’un nom au temps des Tcheou Occi dentaux. Les inscriptions font connaître une principauté dont le nom, écrit par le même caractère, est ordinairement lu Tsing pour la distinguer de Hing dont elle est fort éloignée; mais le titre de prince, chou, donné ici rend sûr q u ’il s ’agit dans l ’inscription de Hou d ’un membre de la famille royale, et par con séquent écarte le seigneur de Tsing. J ’ai suivi la lecture qui me paraît être la plus ordinairement adoptée; mais les raisons de la choisir n ’ont rien de dé cisif. 1 Selon Yuan Yuan, Y i [277] = K i [49]. 1 Le siao-tseu était un assistant aux sacrifices, chargé de dépecer et préparer ia victime, d ’oindre de sang les vases et autres objets sacrificiels, etc. (Tcheou li, k. 30, 12 b, B iot, II, 191). 4 Je considère tout ce qui suit, jusqu ’à l ’endroit où j ’ai mis un alinéa, comme le texte de l ’accusation de San contre Hou, de sorte que dans tout ce passage «m oi», « j e » désignent San; au contraire dans la fin de l ’inscription, Hou, qui est l ’auteur de l ’inscription, reprend la parole en son propre nom, et c ’est lui que désignent les termes « moi » et « je ». 1 hien [29]. Terme, limite (dans l ’espace ou dans le temps) est le sens normal ùu mot qui désigne encore aujourd’hui les délais de paiement d ’une dette ou 4e rachat d ’un objet mis en gage; ce sens me paraît convenir très bien ici. Yuan Yuan, op. cit., k. 4, 4 0 a , préfère y voir un équivalent de k ’iuan [82], contrat, probablement par analogie de son, car le mot n ’a pas ce sens. Cela ne change pas la signification générale: « ... au sujet d ’un con trat... ». convenu) : « Je vous ai racheté cinq [hommes. Hiao-] fo u 1 a reçu59 un cheval et un paquet3 de pièces de soie4 ». Le terme (convenu) arrivé6, je me rendis 6 auprès de Hiao-fou disant: «(Vous) garant7, vous vous êtes fait 1 Ce personnage a dédié un vase tsouen dont 1inscription est la suivante [33] : « Le roi Hieou ayant donné à (moi) Hiao-fou trois enfilades de cauries, j ’ai fait ce vase tsouen précieux » (K iun Tcou lou, k. 2. 2, 4 ; Ki-Tcou-che Ici Tcin wen chou, k. 17, 23 a; Leang Tcheou Tcin wen t s ’eu ta hi, 80). * yong [289], * chou [16], paquet de cinq pièces d ’étoffe. 4 C ’est je pense le cadeau fa it à Hiao-fou au moment de la conclusion du contrat de vente des esclaves, parce qu ’il était, on le verra plus loin, garant, tclic [203] de ce contrat, ou, si on écarte mon interprétation du mot tche (voir ci-dessous, note 7) pour faire de ce mot un nom propre, à titre de témoin (avec un nommé Tche) du contrat. L ’habitude de donner une indemnité aux personnes qui interviennent dans un contrat comme garants ou comme témoins existait au temps des Han, voir C h a v a n n e s , Les Documents chinois découverts par Aurel Stein dans les sables du TurTcestan Oriental, p. 20, no 43 verso, et Lo Tchen-yu et W ang Kouo-wei, Lieou cha t ’o lcien, k. 2, 47 a-b, no 6, où les té moins de l ’acte reçoivent une indemnité de 2 cheng. “ hien [29] « terme », pris verbalement. « le terme arrivé ». * Il faut comprendre que, le terme arrivé, San offrit le prix convenu pour le rachat des esclaves et que Hou refusa de l ’accepter et de les rendre, arguant probablement qu ’il y avait eu, non pas vente temporaire avec faculté de rachat au bout d ’un laps de temps fixé, mais vente définitive, et q u ’il n ’était pas obligé de rendre les esclaves. Si on n ’admet pas que Hou, de plus ou moins bonne foi, refuse d ’exécuter une des clauses du contrat, non seulement lés mouvements des adversaires n ’ont aucun sens, mais encore il est impossible de comprendre de quoi il « se repent » à la fin de l ’inscription, et pourquoi il fin it par faire un cadeau à San. Mais, comme je l ’ai déjà dit, Hou, s ’adressant à ses ancêtres, n ’éprouve pas le besoin d ’exposer nettement ce qui n ’est pas à son avantage. 1 tche [203] a deux sens: contrat, et garant du contrat; cette phrase même montre que le premier sens est à écarter, car à la manière dont elle est construite, tche correspond à Hiao-fou de la phrase suivante et par conséquent désigne sûre ment une personne. Les épigraphistes chinois en font un nom propre: ce serait un nommé Tche qui apparaîtrait ici e i jouerait un rôle dans la suite de l ’affaire. Il est bizarre que ce Tche surgisse juste au moment où Hiao-fou disparaît de la scène; et il est plus étrange encore q u ’il apparaisse comme ayant reçu une par tie des cadeaux que Hiao-fou seul est dit à la ligne précédente avoir reçus. Il me semble plus simple de prendre tche comme un nom commun et de lui donner son sens de garant du contrat, en en faisant la qualité de Hiao-fou et son titre aux libéralités qui lui ont été faites; il n ’y a pas à mon avis deux personnes, Tche et Hiao-fou, mais une seule, Hiao-fou, qui est tche, c ’est-à-dire garant du contrat; c ’est à lui sous ces deux appellations successives que sont a d r e s s é e s les donner par moi comme indemnité un cheval ; (vous) Hiao-fou, vous vous êtes encore fait donner par moi de la soie!1 ». Le garant Hiao-fou2 alors se rendit auprès de (moi) San disant : « Ah ! que le roi fasse une enquête [et fasse examiner] la tablette de bois3: (d'après elle) il y a obligation de racheter ces cinq hommes moyennant 100 l u e \ puisque les cinq hommes deux phrases rappelant les cadeaux qui lui avaient été faits. — Le garant est le personnage qui dresse le contrat, et, en cas de contestation, examine le titre écrit. Dans le Tcheou li (k. 15, 12 a, B io t , I, 317), il apparaît comme un fonc tionnaire chargé de tout ce qui touche aux contrats relatifs aux ventes au marché (esclaves, animaux, objets) : il dresse le contrat, vérifie les poids et mesures, juge les contestations. Ici Hiao-fou n 'est pas le fonctionnaire garant : j 'ai mon tré plus haut que c'est au contraire un haut personnage; il est un garant choisi spécialement pour cette affaire par les deux parties (exactement comme les patriciens choisissent leur entremetteur pour les mariages et ne prennent pas nécessairement l'entremetteur fonctionnaire de leur localité). 1 San rappelle à Hiao-fou les présents qu'il a reçus comme garant lors de la conclusion du contrat, ce qui est une manière de l'inviter à accomplir les devoirs qui lui incombent à ce titre. %Hiao-fou, garant, conseille à San de poursuivre Hou puisqu'il ne veut pas accepter l 'exécution de la clause de rachat et rendre les esclaves moyennant le prix fixé au contrat. mou-p*ang [116] : c'est le texte original du contrat écrit sur une planchette de bois analogue à celles de l 'époque des Han qui ont été découvertes au Kan-sou. Lé lue [103his] est toujours considéré comme pareil au houan [4 0 ]: c'est an petit lingot de cuivre sur la valeur duquel on discute depuis les Han, les uns lui donnant 6 onces ou 6 onces 2 /3 , et les autres seulement une demi-once environ. Hais les monnaies du royaume de Leang marquées houan ( I V e siècle) pèsent seu lement de 13 à 16 grammes, si j 'en juge par une dizaine de pièces de bronze de ce type qui se trouvent dans la collection de M. Tanaka à Tōkyō et que j'a i pu peser en 1929, grâce à l'amabilité avec laquelle il m 'a permis d'étudier sa belle collection de monnaies chinoises anciennes; de même deux pièces d'or pro venant du Tch'ou marquées (k houan de Ying » (capitale du Tch'ou) qui se trouvent dans la collection de M. Nakamura, également à Tōkyō, pèsent l'une 11 g. 25 et l'autre 17 g. 50, d'après un renseignement donné par M. Nakamura en m >en communiquant aimablement des estampages. Il y a donc des chances pour que le houan ait été dans toute la Chine un poids d'environ 15 grammes, au moins au temps des Royaumes Combattants: cela semble donner raison à ceu* ^ nc lui attribuent qu'une valeur d'une demi-once environ (Chouo wen Qciai tseu tchou), k. 14 A. 4 a), car c'est aussi la moyenne des poids que j'a i trouvée pour le groupe le plus lourd des monnaies de Ts 'in marquées « une demi-once » ; mais les variations de poids pour ces petits objets sont telles 9U il est difficile d'en tirer des conclusions fermes. L'once ancienne ainsi déter- ne sont pas livres1, [il faut] faire une déclaration (devant le juge) ». Le garant alors fit une déclaration et prit (de moi) les (cent) lue a. » Le prince de Hing dit : « La décision du roi est que les hommes soient ra chetés moyennant [le prix fix e 0/] ; ne manquez pas à livrer (le prix) à Hou; ne .................envers le garant8! » Alors (moi) Hou je saluai en me proster nant. Ayant livré les cinq [hommes, savoir] ....... Heng, Ta, Yi, Siang, (moi, Hou) je pris soin d’avertir le garant par (un don de) lu e 4; alors je fis porter à cet homme du vin, un mouton et trois lue (appartenant) à (moi) Hou. Alors (moi) Hou j ’exprimai mon repentir (de mon refus d ’exé cuter le contrat) au garant; ............... je donnai à San cinq gerbes disant: « Que ce soit définitif, qu’il vous soit assigné un domaine de ....... champs ». Le garant alors obtint l’approbation du roi. A utant q u ’il me semble, l ’affaire consiste en ceci: San à vendu à Hou cinq hommes en se réservant le droit de les racheter pour cent lue de cuivre a une certaine date. Le moment arrivé, il veut user de son droit de rachat, mais Hou refuse de restituer les esclaves en déclarant que la vente a été définitive. San porte une accusation contre Hou devant le prince de Hing, puis fait appel au garant qui de son côté fait une « déclaration » et demande au roi une enquête minée (env. 25 à 30 gr.) serait presque le double de celle des Han, car la livre des Han étant d ’environ 245 gr., l ’once qui en est la seizième partie était de 15 gr. Mais est-il nécessaire d ’assimiler lue et houanï 1 = puisque Hou se refuse à restituer les cinq hommes; mais Hou, rédacteur de l ’inscription, ne s ’exprime pas nettement contre lui-même. * Je suppose que le garant se fa it remettre par San les 100 lue dûs à Hou, que celui-ci refuse d ’accepter puisqu’il prétend garder les cinq hommes: ce geste répondrait vaguement à quelque chose comme nos offres réelles. 3 On remarquera le libellé de la sentence: c ’est un des endroits qui font bien constater la manière d ’arranger les faits de Hou. Il a perdu son procès, et est condamné à restituer les esclaves moyennant versement par San de la somme convenue. Mais sans altérer les faits, il les présente comme si le jugement était prononcé en sa faveur, et comme si c ’était son adversaire qui était condamné à lui verser la somme en question; il retourne à celui-ci le commandement de ne pas désobéir et d ’exécuter le jugement qui n ’a pu être adressé qu ’à lui, puisque c ’est lui le perdant, et que l ’autre obtient ce q u ’il demandait. 4 Hou annonce au garant q u ’il a exécuté le jugement prononcé contre lui en remettant les 5 esclaves à San, et le message est accompagné d ’un présent décrit d ’abord de façon résumée comme « des lue y> çt ensuite en détail comme se composant de vin, d ’un mouton et de 3 lue, pour vérification du document original. Le juge décide contre Hou qui est condamné à restituer les cinq esclaves. Hou alors se résout à rendre les hommes, et de plus, probablement pour éviter les poursuites du garant à la suite de la « déclaration » de celui-ci, proclame son « repentir », et le manifeste en offrant des présents au garant et à San. Je crois bien que c ’est ainsi qu'on peut se représenter l ’affaire; mais d ’ailleurs le plus ou moins d ’exactitude de ma manière de comprendre et d ’exposer les faits n ’a pas une grande importance pour ce que je veux en faire, puisque je ne cherche pas à rien en tirer sur le fond même du procès, et ne m ’occupe que de la procé dure. Or celle-ci est fort claire, et d ’ailleurs pareille à celle que nous décrivent le Tcheou li et le Tso tchouan: elle commence par l ’accu sation, song; se poursuit par l ’enquête sur le contrat et l ’examen de l ’original écrit sur une planchette en bois, ce qui rappelle la pré sentation des titres des deux parties, leang tsi, du Tcheou li, et se ter mine par la sentence du juge. La dernière des trois inscriptions du Trépied de Hou est plus facile à suivre: Hou, qui avait raison et avait gagné son procès, n ’avait rien à cacher, et a exposé les faits simplement et clairement. « Dernièrement, Tannée de la famine, les gens et vingt tch’en 1 de K’ouang2 volèrent à (moi) Hou dix meulons de grain8. Je dénonçai Ki de K ’ouang 1 Sur la classe des tc h ’en, voir Kouo Mo-jo, Kia-Tcou wen-tseu yen-yeou, chap. 2, et cf. J. As., CCXXII (1933), 5. Ce sont des familles de dépendants du seigneur, qui les emploie à son gré, les donne même; ils remplissent quelquefois de hautes fonctions, et si, par certains côtés, ils peuvent être considérés comme des esclaves, ils ne sont certainement pas des esclaves ordinaires: ils paraissent avoir disparu assez tôt en tant que classe, car la littérature classique ne paraît pas les connaître. Le mot que j ’ai traduit par « gens », tchong, désigne, je pense les paysans du domaine, ceux qui, pris individuellement, sont appelés fou dans cette inscription et la précédente. 2 Un seigneur de K ’ouang, qui est peut-être le même que celui de l ’inscription du trépied de Hou, est l ’auteur de l ’inscription du yeou de K ’ouang [86] où il parle des présents q u ’il a reçus du roi Yi [276] pour avoir joué devant lui la musique de la danse siang à la suite d ’une cérémonie de tir à l ’arc (Ki/un hou lou, k. 3. 1, 32; Leang Tcheou Tcin wen t s ’eu ta hi, 77). 2 tseu [226] est défini par le Chouo wen (éd. T o u a n Yu-tsai, Chouo wen Mai tseu chou, k. 7 A, 14b ) comme équivalent à 5 bottes, tsong [253] ; d ’autre part on nous dit que la botte valait 10 bottelettes, lu (ce caractère, qui a ici une prononciation spéciale lu, a été rangé par erreur dans l'index à sa pronon ciation ordinaire Tciu [59]), la bottelette 4 gerbes, ping [132], et la gerbe 10 javelles, chou [15 ]; enfin que 10 bottes faisaient une meule, tc h ’a [215]; on ajoute que la javelle valait 16 boisseaux (Y i li, k . 24, 24 b, C o u v r e u r , 349). Ces chiffres n'ont à peu près aucun sens: les termes qui s'appliquaient à la valeur du millet ou du blé, qu'on conserve en javelles amoncelées en meules, ont perdu tout sens pour les lettrés lorsque le riz est devenu la céréale type, car le riz s'égrène de lui-même si facilement qu'on ne peut le conserver en meules et on est obligé de l 'égrener immédiatement au fur et à mesure de la récolte pour le rentrer aussitôt dans le grenier; pour conserver les anciens termes avec le riz, étant donnée la manière dont celui-ci «'engrangeait, il a fallu leur donner des équivalents en mesures de capacité ou en poids, et cela était facile puisque le grain seul était mis au grenier; ces équivalences étaient dénuées de sens quand 11 s'agissait de millet ou de blé, qu'on conservait en javelles et où la mesure aurait compris la paille avec le grain. Le double emploi de ces termes a pu être facilité par le fait que le caractère [60] qui, prononcé lu, signifie bottelette, se prononce aussi (et même fréquemment) Mu et signifie alors panier: il permet tait donc de passer, par une sorte de jeu de mots, du mesurage en tas de ja velles du millet et du blé au mesurage en bottes et paniers du riz. Mais c'est un simple jeu d'esprit de lettrés, et les rituels eux-mêmes montrent qu'on compte le riz en paniers, Mu, et les autres grains en meules; les deux comptes n'ont de commun que les javelles et les gerbes. La javelle c ’est la poignée d'épis que le paysan saisit de la main gauche pour la faucher de sa faucille tenue de la main droite; riz ou millet, l'un et l'autre se comptent par poignées ainsi saisies, c'est-à-dire par javelles; quant à la gerbe, elle doit représenter la brassée de javelles que l'on peut porter à la meule pour le millet, à l'aire à battre pour le riz. En mélangeant les deux comptes, comme le font les lettrés du I V e ou du IIIe siècle avant notre ère et certains commentateurs de l'époque des Han qui les suivent, on arriverait à des monstruosités, comme de faire porter sur un char 192.000 boisseaux (3 tch ’a, de 400 gerbes chacune, la gerbe valant 160 boisseaux) : à compter le boisseau, teou, pour 2 litres, ce qui en était approximativement la valeur au temps des Han, cela ferait 384 mètres cubes par char. C'est ce qu 'avait peut-être reconnu Tchang Hiuan, qui ne manquait pas de bon sens, et c'est peut-être ce qui lui a inspiré cette remarque que, bien qu'on employât également pour le riz et pour les autres grains les deux mots ping et lu, en dépit de cette identité des caractères, les nombres que ces termes représentent étaient différents dans les deux cas (Commentaire du Tcheou li, k . 38, 30 a). En somme tout ce qu'on peut dire, c'est qu'en un temps où les paysans chinois n'employaient pas couramment des mesures de capacité précises (si celles-ci existaient), il y a progression ascendante de la gerbe ping à la botte tsong, de celle-ci au meulon, tseu, et enfin de celui-ci à la meule, tch*a, et que la meule n'était pas si considérable qu'un char n'en pût porter trois. Selon le Kouo yu, k. 5, 16b (éd. Sseu pou t s fong le*an) une botte n 'est pas un impôt exagéré à A fl£ O e» 0 t * e*. 0 /a & yt) £ il K *-t- f n * Ö.t #ti£) •è* r 4*. ae. jé.& •K: 4 < *& /Il O Oo /L 3L £ IL * 's f.« & -t. <8 k % V f) % K 0. t i «s. é<* il -üf «7 4* K sX (5) #> & A £ u « 1 * «0 £ /«** *=\ «3. M ,x /a & — d fc * tX }sb li O 3Ê 75 A T> % *• é _v- & *rj U7 0 &. •5a; -& + /a d ** g % s> \3 - i l .£p u PL < Ji d Troisième inscription dn trépied de Hou. d . devant Tong-kong1. Alors (Tong-kong) dit: Je vous réclame ces hommes; si vous ne les trouvez pas, K ’ouang, vous aurez une forte amende ». Alors ICouang se prosterna la tête contre terre devant (moi) Hou; il m’offrit en présent3 5 champs, il me présenta un esclave appelé. Yi, il m’offrit en présent les tch*en ap pelés , Fei, Tcheng®. Il dit: « Je (vous) offre ces quatre lever exceptionnellement une année de guerre sur la récolte d ’un tsing, c ’est-àdire des champs cultivés en commun par huit familles: même s ’il y a là plus qu’un propos en l ’air de lettré, et si cette affirmation a un fondement dans la réalité, nous ne sommes pas en état d ’en tirer un renseignement utilisable. — D ’après le Yi li, k. 22, 13 a, on envoyait aux ambassadeurs des chars portant chacun 3 meules, tch ’a, de millet (ou de grain autre que le riz) : les dix meulons volés par les gens de K ’ouang feraient donc la charge de deux chars environ. De toute façon le nombre des personnes ayant pris part au vol montre q u ’il s ’agit d ’une grosse quantité. 1 Tong-kong était un seigneur de la cour, cf. Inscr. du yeou de Hiao [28] (.Kiun hou lou, k. 3. 1, 66; Ki-hou-che hi hin wen chou, k. 5, 16 a; Tcheou hin t s ’ouen, k. 5, 78b ; Leang Tcheou hin-wen t s ’eu ta hi, 88): « L e premier jour du quatrième mois, (jour) hia-wou (du cycle), le roi passa une revue à Cheng; mon seigneur Tong-kong ayant été reçu au banquet par le roi [119], le roi donna à mon seigneur Tong-kong 50 enfilades de cauries; mon seigneur Tongkong donna à son obéissant (?) serviteur Hiao 20 enfilades de la libéralité royale. (Moi) Hiao, en réponse à la libéralité de mon seigneur, je fis un vase p récieu x...». D ’après une autre inscription, « le roi lui donna la charge de commander aux huit régiments de T ch’eng-tcheou (Leang Tcheou hin wen t s ’eu ta-hi. 84). 9 y ong [289], cf. Tcheou li, k. 3, 15 b, où Tcheng Hiuan le glose par houei [41] « offrir en cadeau ». 3 Je suppose que les quatre hommes ainsi livrés représentent les voleurs, et que les cinq champs offerts en même temps sont une sorte de compensation pour les autres hommes (Hou prétend qu’il y en avait vingt) que K ’ouang ne peut ou ne veut pas livrer. La personne à qui les hommes sont remis n ’est pas dési gnée explicitement dans le texte, mais le fa it que leur remise s ’accompagne du don de 5 champs prouve que c ’est le plaignant, Hou, et non le juge, Tongkong: l ’inscription en effet n ’est pas un procès-verbal complet de l ’affaire, elle rapporte seulement les fa its intéressant Hou, et celui-ci n ’avait aucune raison d ’y consigner son cadeau fa it au juge, tandis q u ’il est naturel qu’il enregistre ce don comme un des dédommagements q u ’il a reçus. A mon avis, l ’esclave et les tc h ’en sont remis à Hou pour être désormais ses esclaves (et ses tc h ’en?), à titre de châtiment pour leur vol, et pour se conformer à la sentence de Tongkong lui ordonnant de retrouver les coupables mais ce n ’est pas pour que leur travail compense la perte causée par leur vol, puisque cette perte sera compensée par une livraison de grains égale au double de la quantité volée (restitution hommes ; qu’ils se prosternent » \ Il dit : « Ce n’est pas moi qui ai organisé le vol; ............ ne me (poursuivez?) pas». (Moi) Hou je dénonçai encore K ’ouang devant Tong-kong; (moi) Hou je dis: « I l me faut un dédomma gem ent»2. Tong-kong alors dit: «Vous dédommagerez les 10 meulons de Hou, et vous donnerez 10 meulons, ce qui fera 20 meulons. Si l’année pro chaine vous n’avez pas payé le dédommagement, ce sera doublé (et fera) 40 meulons » a. Alors (Ki de K ’ouang) présenta4 à (moi) Hou 2 champs et encore des tch'en (au nombre de) ........ ; en tout il présenta à (moi) Hou 7 champs et 5 esclaves; moi Hou j ’ai reçu de K ’ouang 30 esclaves » B. En somme, en rapprochant les documents épigraphiques du Tcheou li et du Tso tchouan, on constate que malgré la différence des épo ques, la procédure n ’avait pas changé en ces quatre ou cinq siècles, et on peut se rendre compte de la manière dont se déroulait un procès au temps des Tcheou : plainte du demandeur suivie de la convocation des deux parties qui viennent devant le juge plaider leur cause; présentation des titres invoqués par le demandeur et le défendeur; examen de ces pièces et enquête par le juge; nouvelle audience ter minée par le prononcé de la sentence. * ** et indemnité), à effectuer par leur patron K ’ouang. Quant au don des cinq champs, K ’ouang se libère par là de toute poursuite pour participation ou en couragement au vol. 1 La prosternation des quatre hommes devant Hou, le nouveau maître, sur l ’ordre de K ’ong, leur ancien maître, est le signe de leur nouvelle allégeance. 2 J ’ai adopté la lecture de Lieou Sin-yuan p i [127], au lieu de la lecture ancienne tsai, le caractère tsai se rencontrant plusieurs fois dans l ’inscription avec une forme un peu différente [221]. Le sens d ’ailleurs reste le même: tsai signifierait: « il y a lieu de ... ». — La première accusation portait sur le vol; la seconde sur le dédommagement à accorder à Hou pour le préjudice que lui a causé le vol. 3 Sentence du juge Tong-kong, fixant les dommages et intérêts au profit de Hou, avec une pénalisation en cas de retard. 4 tsi [235] actif. 6 II faut conclure de là que K i de K ’ouang avait à payer 40 meulons : par con séquent, non seulement il n ’avait pu se libérer la première année, où il n ’aurait eu à payer que 20 meulons, mais même la seconde il ne pouvait payer en nature que 30 meulons, et devait fournir pour les dix restants des terres et des esclaves. Dans un procès qui se déroulait de la sorte, quelle pouvait être la place du serment, et que pouvait-on lui demander? Il y a en chinois deux mots absolument indépendants pour dési gner le serment: ming et che; leur emploi a tendu à se confondre dans la littérature moderne, mais ils étaient loin d ’être synonymes dans la littérature ancienne. Le Li ki en explique ainsi la différence « Engager sa foi par contrat, c ’est prêter serment, che ; quand on immole une victime, c ’est prêter un serment solennel, ming n 1. C ’est une distinction tout extérieure fondée sur le signe apparent le plus net de la cérémonie du serment, mais cette différence exté rieure ne recouvre-t-elle pas une différence plus profonde? C ’est ce q u ’il faut examiner d ’abord afin de nous rendre compte si nous avons le droit d ’appliquer au serment che tout ce que nous savons du serment ming, et réciproquement. Je ne m ’appesantirai pas ici sur le serment ming: j ’en ai parlé longuement dans un article récent2. Son tra it caractéristique, dans le cas le plus ordinaire, était d ’être une devotio conditionnelle à un ou plusieurs dieux invoqués comme garants tche [203] du pacte conclu. La cérémonie se faisait de la façon suivante. Les deux per sonnes qui prêtaient serment devaient fournir chacune une victime provenant de leurs troupeaux. Ces victimes étaient immolées, le sang en était recueilli et servait à écrire la déclaration solennelle, tseu* ou chou tsai, qui était le texte même du serment; les deux per sonnes prêtant serment se frottaient les lèvres du sang de la victime, rite de la consécration, et de ces lèvres consacrées elles li saient le texte de la déclaration; ce texte était ensuite posé sur la victime et envoyé avec celle-ci au dieu, enterré si c ’était ledieu du sol, immergé si c ’était une divinité des fleuves, etc. Alors le Préposé aux Serments, sseu-ming, tourné vers le Nord, annonçait au dieu que le serment était prêté. E n somme ceux qui prêtaient serment se con sacraient au dieu q u ’ils invoquaient en se fro ttan t les lèvres de sang, 3 L i ki, k. 5, 2 8 b (.K ’iu li), t r a d . C o u v r e u r , I , 9 2 . Le mot ming, J. As., t . ( 1 9 3 3 ) , 2 8 7 -2 8 8 . * Ibid., 287, o ù le c a r a c tè r e che [ 6 ] e s t à c o r r ig e r e n tseu [ 2 4 6 ] . 2 H . M aspero , rite régulier de consécration dans la Chine ancienne, et par là se re tranchaient de la société profane et de ses lois ordinaires et se sou mettaient a la juridiction spéciale du dieu, mais cela seulement pour le cas où ils ne se conformeraient pas à la lettre du pacte. Toute la cérémonie du serment tournait autour de cette âevotio. Sous sa forme la plus simple, la formule du serment n ’est en somme q u ’une formule de dévouement: «P o u r ce en quoi je ne ferai pas telle chose, q u ’il en soit de moi comme telle divinité (voudra) ! » [161] P ar exemple: « Pour ce en quoi je ne suis pas avec ceux qui sont fidèles au souverain et qui veulent le bien des dieux du sol et des moissons, q u ’il en soit de moi comme (voudra) le Seigneur d ’En-haut! » .1 Le serment appelé che [6] est un serment dans lequel les par ties s ’engagent sans offrir de victime. Cette absence de victime ne marque pas simplement une moindre solennité de la cérémonie pour un engagement de moindre importance; c ’est le signe exté rieur le plus frappant d ’une différence fondamentale entre les deux notions de ming et de che. E n effet, sans victime, il n ’y a pas d ’onc tion de sang et par conséquent pas de dévouement : ainsi est supprimé l ’appel à une divinité comme garante. La cérémonie se réduit à une simple déclaration et, puisque les dieux ne sont plus appelés comme garants a punir celui qui violera le serment, cette déclaration, au lieu d ’une imprécation vague, contient l ’énoncé d ’une peine précise à laquelle celui qui prête serment s ’engage à se soumettre s ’il manque à son serment. Dépouillé de toute forme solennelle, le che se banalise ju sq u ’à devenir un simple juron: on attribue à Confucius une exclamation qui rappelle le « Sois-je du Ciel écrasé si je mens! » d ’Oronte. E t c ’est celui qui fait prêter serment qui exécutera luimême la sanction prévue parce q u ’il considère q u ’il a le pouvoir d ’obliger le contrevenant à obéir. Le ming est le serment entre égaux, aucune des deux parties ne pouvant prendre sur elle d ’exécuter elle-même le châtiment, et nul au-dessus d ’eux ne pouvant ou ne voulant le faire; il convient tout naturellement aux princes, mais on comprend que l ’on considère com 1 Tso tchouan, 25e année du prince Siang, L e g g e , 514. C'est le serment que prononça Yen Ying après l'assassinat du prince Tchouang de T s'i. me un signe de décadence de la V ertu Royale l ’habitude des princes de régler leurs affaires p a r des conventions avec serment, ming, puisque cela prouve que le roi ne peut ou ne veut pas régler lui-même leurs différends ainsi q u ’il le devrait. Le che est le serment imposé par un supérieur à un inférieur : le supérieur, ayant ou prenant le droit de châtier, inscrivait dans la formule une peine déterminée, q u ’il se réservait d ’appliquer, et que l ’inférieur s ’engageait à subir. Le serment devenait ainsi un moyen de coercition, et, sous cette forme modifiée, s ’il était moins grave dans son principe que l ’imprécation du serment religieux puisqu’il ne comportait pas de dévouement aux dieux, il était beaucoup plus efficace en pratique : le serment religieux, ming, avec son rituel compliqué et la devotio qui s'ensuivait, était trop lourd et trop peu efficace pour répondre aux conditions de la vie de tous les jours; il s ’est en quelque sorte laïcisé en devenant la déclaration, che ; ce nouveau serment est vraiment une institution nouvelle. Ce type de serment convenait particulièrement lorsqu’il s ’agis sait d ’obtenir l ’engagement d ’obéir à des ordres ou de se confor mer à un règlement. Aussi est-il en effet employé à l ’armée et en justice. Le che est le serment militaire par lequel les troupes entrant en campagne, ou simplement passées en revue, s ’engageaient à obéir aux règlements militaires et à se soumettre à la discipline: °n y énonçait d ’une p art le règlement lui-même et l ’engagement pris par les troupes, et de l ’autre les peines appliquées aux contre venants. Les seuls faits relatifs au serment che qui noms aient été conservés se rapportant au serment militaire, il me semble utile de le décrire en détail, afin de faire voir en quoi il consistait, ce qui per mettra par la suite d ’en mieux comprendre l ’emploi dans la procé dure judiciaire moins bien connue. La prestation du serment par l ’armée était une cérémonie régu lière: elle se faisait chaque année, en même temps que l ’ouverture d ’une des quatre grandes chasses saisonnières, devant le tertre du dieu Sol, chô, en même temps q u ’un sacrifice yi [278] \ Elle devait * Sur ce sacrifice, voir Chavannes, Le Dieu du Sol dans la Chine antique, ^PP» à Le T fai chan, 510 (Ann. Mus. Guimet, Bibl. d ’Etudes, t. XXI). être bien connue, car elle n ’était pas exclusivement royale, et les princes l ’accomplissaient aussi dans leur principauté; mais étant donné son caractère militaire, les rituels, composés par des lettrés, n ’en parlent guère ; et dès le temps des Han, Tcheng Hiuan avouait ne pas savoir comment elle s ’accomplissait \ L ’époque même n ’en est pas sûre: le yi se faisait avant toute prise d ’armes; or il y en avait au moins quatre par an, à l ’occasion des quatre chasses, et il semble que dans les diverses principautés la coutume ait fait coïn cider la prestation du serment tantôt avec l ’une, tantôt avec l ’autre. Les rois de Tcheou paraissent l ’avoir rattachée à la chasse d ’hiver2, les princes de T s’i à celle d ’é té 3, les princes de Lou à celle de prin tem p s4; et les auteurs ritualistes du I I I e siècle a. C., se faisant sans doute l ’écho des coutumes locales de leur pays, la placent les uns au neuvième m ois6, les autres au troisième mois *. La cérémonie7 commençait par une revue des troupes, chars et hommes, qui étaient rangés en ordre par bataillons et compagnies. La revue achevée, le roi, le prince, le général ou le dignitaire qui 1 T c h e n g Hiuan, Commentaire du L i Ici, k . 1 2 , 9 a {Wang-tche). 3 Tcheou li, k. 29, 8 a-b, B i o t , II, 176-177. L ’hiver du calendrier des Tcheou correspond exactement à notre automne, et le printemps des princes de Lou à notre hiver; pour les princes de T s’i, on ne sait s ’ils suivaient le calendrier royal. 9 T ch ’ouen t s ’ieou, 23 e année du prince Tchouang, L e g g e , 105, où, bien que la chose ne soit pas dite expressément (non plus que dans aucun des trois commentai res), elle peut s ’inférer du fa it que c ’est le sacrifice spectaculaire de l ’année au dieu du sol de T s’i, celui qu ’on va voir même des principautés voisines et con trairement aux rites. 4 K ong-yang tchouan, k. 7, 11 a; Kou-leang tchouan, k. 5, 3 b (8e année du prince Tchouang). D ’après la brève description, il semble bien que ce soit la céré monie décrite en détail dans le K iao t'o sing (quoique cet opuscule la mette au troisième mois, et non au premier mois), dans laquelle l ’armée prêtait serment; mais la prestation du serment n ’est mentionnée ni dans le K ong yang tchouan, ni dans le Kou-leang tchouan. 3 Yue ling {Li Ic i-, C o u v r e u r , I, 386; L e g g e , I, 294). * K ia o Vo sing {Li ki, C o u v r e u r , I, 589; L e g g e , I. 426). C ’est ce texte qui indique que la revue précédait le serment. 1 Sauf indication spéciale la description de la cérémonie est tirée du Tcheou li, k . 2 9 , 8 a-b, B io t , I I , 1 7 6 -1 7 7 . présidait s ’avançait précédé des ti-lang-che [180] 1 armés du fouet, et se plaçait face au Nord devant l ’autel du dieu du Sol; les ti-lang allaient également chercher et ramenaient, le fouet en main, les offi ciers51 qui se rangeaient en face du président suivant leur g rad e8. Le président lisait la déclaration, che [6], où étaient énoncées les règles de la discipline militaire, et les peines appliquées aux délin quants. Le Tcheou li la résume ainsi en quelques mots : « Ceux qui contreviendront aux ordres seront tués » 4. Le Kan ch e5 montre que la forme était un peu plus compliquée, mais que c ’est bien à peu près ce qui y était dit. Les officiers prêtaient serment, chacun répétant la formule avec la peine particulière à son rang, la mort, la marque, cinq cents coups, trois cents coups de fo u e t6; puis ils retournaient reprendre leur place à la tête de leurs troupes. La prestation du serment achevée, avait lieu le sacrifice yi: les siao-tseu égorgeaient les victimes, les dépeçaient et en plaçaient la chair, crue et découpée en petits morceaux, dans des coquilles q u ’ils portaient à tous les officiers revenus à leur poste pour le repas communiel7. Après quoi l ’armée se m ettait en marche et les exercices militaires ou la chasse commençaient9. Puisque le châtiment est exécuté par le chef du plein gré des inférieurs, la devotio n ’est pas nécessaire; aussi n ’en accomplit-on pas les rites spécifiques: on n ’immole pas une victime exprès pour 1 B i o t , II, 382 lit tiao-lang-chi, laissant au premier caractère sa pronon ciation ordinaire. Les commentaires indiquent une lecture d(o1 -f= ãiek^ [197] qui correspond à une prononciation actuelle ti. a Tcheou li, k . 3 7 , 1 8 a -b , B i o t , 3 8 2 -3 8 4 . * Kiao t ’o sing, loc. cit. 4 Tcheou li, k . 3 7 , 1 8 a -b , B i o t , I I , 3 8 2 -3 8 4 . 1 Chou Tcing, C o u v r e u r , 7 7 -7 9 . 8 Tcheou li, loc. cit. B i o t comprend que les formules du serment sont dites Par les ti-lang, mais je préfère y voir, avec les Commentateurs, les formules qu’ils font jurer aux officiers. 7 Tcheou li, k. 30, 12 b , B io t, I I , 1 9 1 -1 9 3 , e n d é c r iv a n t l a c é r é m o n ie , d i t s im p le m e n t q u ’o n p r o m e n a it le s v ic t im e s p a r t o u t d a n s le s r a n g s ; o n s a i t p a r le Tso chouan, 13e ann ée d u p r in c e T c h ’e n g , L e g g e , v ia n d e d e s v ic t im e s à t o u s le s o f f i c i e r s . 6 Tôheou li, k . 2 9 , 8 a -b , B io t, I I , 1 7 6 -1 7 7 . 3 8 2 , q u ’o n d is t r ib u a it la le serment et les officiers ne se frottent pas les lèvres de son sang. On se contente de placer la prestation du serment au moment du sacrifice yi pour profiter de la présence du dieu qui devient ainsi témoin du serment sans q u ’on lui demande d ’en être garant. Le fait que le sacrifice se fait en réalité après le serment n ’empêche pas de voir là encore un dernier reste du caractère religieux du serment : les cérémonies religieuses sont dans une certaine mesure un tout indivisible dont les parties en s ’ordonnant sur le plan divin ne suivent pas nécessairement la séquence chronologique humaine des divers éléments qui les composent. La forme du serment militaire, avec son énonciation de peines déterminées q u ’on peut graduer suivant les cas, était commode chaque fois q u ’on voulait créer une obligation pour une ou plusieurs personnes. Il suffit de l ’alléger en la détachant définitivement de son cadre religieux, d ’ailleurs tout extérieur, pour la rendre applica ble à la vie de chaque jour, et en faire un instrum ent juridique. Telles étaient les deux sortes de serment employées par les Chinois anciens. Il reste m aintenant à rechercher le rôle de chacun d ’eux en justice. ♦ ** Le serment solennel ming [108] apparaît dans un texte célèbre de Mo-tseu 1 où on voit un juge recourir à lui pour dénouer un procès compliqué et interm inable3. « Autrefois parmi les dignitaires (de la cour) du prince Tchouang de Ts’i, il y en avait (deux) qui étaient appelés Wang-li Kouo* et Tchang-li 1 Mo-tseu hien Icou, k. 8, 5 a, trad. F o r k e , p. 350. * Je donne ici la traduction de l ’anecdote entière: pour les phrases du milieu que j ’ai déjà traduites dans Le mot ming, p. 301, je renvoie à cet article pour l ’établissement du texte; pour celles du début et de la fin que j ’avais laissées de côté dans cet article, je donnerai ici en notes les indications néces saires. 1 Souen Yi-jang fa it remarquer que les citations anciennes appellent ce per sonnage Wang-kouo Pei et que Wang-li Kouo est probablement une faute; je croirais volontiers en effe t que le caractère li [93] a été introduit dans ce nom Kiao. Ces deux avaient un procès qui durait depuis trois ans sans que le jugement eût été prononcé. Le prince de Ts’i voulut les tuer tous deux1, mais il craignit qu’ils ne fussent pas coupables; il voulut les relâcher tous deux, mais il craignit de manquer un coupable. Alors il leur fit tous deux faire l’offrande d’un bélier et prêter serment devant le dieu du Sol de Ts’i. Tous deux y consentirent. Alors ils égorgèrent un bélier pour en tirer du sang et répandirent son sang sur le dieu du sol. Quand Wang-li Kouo eut achevé de lire (la déclaration), alors que Tchang-li Kiao n’était pas encore à la moitié de sa lecture, le bélier se leva et lui donna un coup de corne qui lui cassa la jambe, sauta sur lui et le piétina sur le lieu même du serment. En ce temps-là les gens de Ts’i virent tous la chose s’ils étaient présents ou en entendirent parler s’ils étaient éloignés; on l’inscrivit dans la Chronique de Ts’i, Ts’i tch’ouen ts’ieou; les princes la firent connaître et déclarèrent: « Quiconque prête serment sans sincérité est puni par les dieux ! » a. L ’anecdote est très claire et son interprétation n ’est pas douteuse: il s ’agit d ’une ordalie8 par le serment. Elle est la contrepartie, aussi exacte que le permet la différence des civilisations et des milieux, d ’un miracle posthume de S t-E lo i\ Un père et un fils accusés tous sous l ’influence du nom suivant Tchong-li. Mais j ’ai conservé le nom que donnent toutes les éditions, ne voyant aucun avantage à corriger un nom propre inconnu eu un autre nom propre non moins inconnu. 1 [248]. La correction qui est de P i Yuan, a été acceptée de tous les éditeurs ultérieurs. C ’est aussi P i Yuan qui a réuni les exemples de yeou dans le sens de vouloir, désirer ( = yu) [270]. 1 [250]. J ’ai adopté la lecture de Souen Yi-jang. P i Yuan lisait: [2 5 0 a ]; Wang Yin-tche: [250 b ]; d ’autre part c ’est Yu Yue qui a eu l ’idée de corriger: [157]. Wang K ’ai yun proposait [250 c], ce qui donne le même sens; je préfère la correction de P i Yuan:, p ’in [140] me paraît une mauvaise lecture de [109]. 8 M. S h i r a t o r i K. dans son intéressant article sur l ’ordalie dans la Chine ancienne ( The Ordeal in Ancient China, its Methods and Results, ap. Tōyō galcuhö, X V I (1927), 383-410, n ’a étudié que la reconnaissance ou l ’abandon de l ’enfant nouveau-né et a laissé de côté l ’ordalie judiciaire. — Les historiens au droit distinguent ordinairement l ’épreuve par le serment des ordalies et réser v â t ce dernier nom aux épreuves judiciaires par l ’eau, le fer rouge, le duel, etc. ^lais il est bien difficile de les séparer nettement, et Tylor a remarqué il y a longtemps qu ’un serment dont l ’imprécation est censée produire son effet immé diatement sur le parjure est une véritable ordalie. 4 Vita Sancti Eîigii, ap. Patrologia latina, t. 87, col. 582-583. deux d ’un crime se rejetant la faute, l ’évêque et le duc, incapables de reconnaître la vérité, rem ettent le jugement à St-Eloi; pour cela, ayant conduit les deux accusés devant le tombeau du saint, ils leur font prêter serment: à peine le fils a-t-il commencé à prononcer la formule du serment q u ’il est saisi par le démon et se roule à terre en écumant. D ’un bout de l ’ancien monde à l ’autre, le folk-lore du serment ne varie guère. Ce caractère d ’ordalie par le serment, qui me paraît évident, a cependant été parfois méconnu. Récemment M. G ranet1 qui semble bien, si je ne me trompe sur la note q u ’il a jointe au résumé de cette anecdote, avoir reconnu une ordalie, a de façon assez curieuse né gligé le point capital du serment pour ne s ’attacher q u ’au fait que c ’est un bélier qui frappe le coupable: à cause de cela il rapproche cette anecdote de la légende de Kao-yao qui, pour reconnaître les coupables, « savait, à défaut de licorne, se servir d fun bélier; quand il ne réussissait pas à form er sa conviction, il ordonnait au bélier de frapper avec ses cornes : le bélier ne frappait que le seul criminel» , et ajoute que « le mythe ne fait que recouvrir un usage judiciaire » que «nous connaissons par un bon exemple», l ’anecdote de Mo-tseu traduite ci-dessus. Il me paraît difficile q u ’on ait jamais pu ériger en «usage judiciaire» la résurrection du bélier et l ’exécution par lui du coupable. Au reste la manière même dont Mo-tseu raconte l ’anecdote montre bien que pour lui il s ’agit non d ’un usage judi ciaire courant, mais d ’un cas exceptionnel. Une phrase qui a disparu du texte actuel du Mo-tseu, mais que les manuscrits du début des Song contenaient encore, disait que «les gens de T s’i considérèrent que c ’était un prodige divin» T s’i-jen yi-wei chen-yen [247] *. E t le fait paru t en effet si extraordinaire q u ’on l ’inscrivit, paraît-il, dans les Annales du T s’i, comme on aurait fait d ’une éclipse de soleil ou d ’une pluie de sauterelles. L ’intervention du bélier, loin d ’être un usage judiciaire, est considérée au contraire comme un fait pro digieux. 1 G-r a n e t , Danses et Légendes de la Chine ancienne, t. I, 142, et note 2, 2 T ’ai-p’ing yu-lan, k. 902, 3 a. D ’autre part le bélier par lequel Kao-yao découvre les criminels et par suite le rapprochement de cette anecdote avec la légende de Kao-yao reposent sur une méprise. M. Granet s ’appuie sur une phrase du Louen hcng de Wang Tch’ong: cette phrase en effet semble bien parler de belier, mais ce n ’est q u ’à la condition de la détacher de tout le contexte; celui-ci montre en effet q u ’il ne s ’agit pas là d ’un bélier ordinaire, mais de la licorne elle-même. «Aujourd’hui dans les tribunaux, on peint Kao-yao avec la licorne [25], Les lettrés disent: la licorne c’est un bélier à une seule corne, qui de nature sait reconnaître les coupables. Quand Kao-yao jugeait un procès, s’il avait des doutes sur la culpabilité (d’une personne), il ordonnait au bélier de frapper: si elle était coupable il la frappait, si elle n’était pas coupable il ne la frappait pas. C’est parce que c’était un saint animal à une seule corne produit par le ciel, et qu’il aidait à faire la preuve dans les procès, que Kao-yao montrait du respect au bélier et l’employait lorsqu’il rendait la justice. Il rentre dans la catégorie des prodiges extraordinaires. (A cela) je réponds: Ah! à la licorne on peut appliquer les mêmes paroles qu’à la plante indicatrice. Le bélier a normalement deux cornes; la licorne n’en a qu une ; son corps a un défaut par rapport à la foule ; parce qu’elle n’est pas pareille à tous les autres (béliers), pourquoi serait-elle (un animal) merveilleux? Une tortue à trois pattes est un nai [118], une tortue de mer a trois pattes est un fe n [21] : puisque le nai et le fe n ne sont pas considérés comme plus transcendants que les tortues à quatre pattes, pourquoi les béliers à une seule corne seraient-ils plus saints que les bêtes à deux cornes? Le sing-sing connaît le passé, la pie connaît l’avenir, le perroquet peut parler : leur nature (donnée par le) Ciel les rend capables de faire une chose, mais non deux. Si la nature de la licorne la rendait capable seulement de frapper les hommes de sa corne, il n’est pas nécessaire (pour cela) qu’elle ait été capable de reconnaître les coupables. Kao-yao, voulant aider au gouverne ment par l’emploi du merveilleux, de peur que les méchants quand ils se raient punis ne se soumissent pas, profita de ce que la licorne frappe les Hommes, pour les punir (en les faisant frapper par elle), parce qu’il voulait que les hommes par crainte (de la licorne) ne commissent pas de crimes, e* ^ue les condamnés, jusque dans la plus extrême vieillesse, ne se plaignis sent pas » 1 Wanq T ch’ong, Louen heng, k. 17, 47 b, (sect. 52), trad. F o e k e , II, 221. 19 On voit que Kao-yao n'em ployait pas de bélier « à défaut de licorne»: c'est le même animal que W ang Tch’ong appelle tantôt bélier, tantôt licorne, sans attacher aucune importance à ces varia tions, puisqu'il considère la licorne comme une espèce de bélier. S'il alterne ainsi les noms, ce n 'est assurément pas pour éviter la répéti tion du mot, car éviter les répétitions de mots n'est jamais entré dans les préoccupations stylistiques des écrivains chinois. Dans les premiè res lignes, c'est simplement une affaire de rythm e: le mot yang (( bélier » est monosyllabique, tandis que hiai-tchai « licorne » est une expression dissyllabique; or, tout le passage relatant l'opinion des lettrés est écrit en phrases de quatre mots, où une expression dissyl labique trouve moins facilement place qu'un monosyllabe. Quant aux phrases suivantes, où W ang Tch'ong parlant en son propre nom renonce presque entièrement au rythme de quatre mots, afin de m ar quer une opposition jusque dans le style avec ce qui précède, s'il y emploie le mot bélier pour désigner la licorne, c'est parce qu'enne mi du surnaturel il essaie de trouver une explication « naturelle » de la légende: pour lui, la corne unique, au lieu d'être un caractère transcendant, devient un défaut physique; après quoi il cherche à montrer que cet animal n'av ait pas réellement la faculté de recon naître les coupables, mais que Kao-yao a fait croire à cette faculté surnaturelle pour instruire le peuple et l'am ener à se corriger. Son explication ressemble trop à l'explication rationaliste des miracles par les philosophes du X V IIIe siècle pour nous étonner. Mais ce n'est qu'une explication personnelle fondée sur une des descriptions' traditionnelles de l'anim al fantastique qu'est le hiai-tchai1; et c'est si bien à cet animal (et non à un bélier ordinaire) que pense tou jours W ang Tch'ong, que dans les dernières lignes il emploie les deux mots yang (bélier) et hiai-tchai (licorne) alternativement. 1 II y en avait d ’autres: dans le Chouo wen, Hiu Chen, un contemporain de Wang T ch’ong décrit le hiai-tchai comme une sorte de bœuf, et un peu plus tard le Chen yi Tcing fa it de même. D ’autre part, dans la première moitié du IIIe siècle, Tchang Tsi en fa it une espèce de cerf (Ts'ien-han chou, k. 57. A, 17 a). L ’important n ’est pas l ’animal pris pour termç de comparaison, c ’est que le hiai-tchai n ’a q u ’une corne, Ni 1Explication rationaliste de W ang Tch'ong, ni l'emploi de termes de comparaison pris parm i les animaux domestiques plus connus pour décrire un animal fantastique inconnu ne peuvent rien changer à la légende. C'est la licorne et non le bélier qui est l'anim al traditionnel de Kao-yao; c'est elle qu'on représentait dans les tri bunaux des fonctionnaires des H an; c'est elle qui a donné son nom au bonnet des juges, hiai-tchai Jcoùan, à la même époque. Le bélier qui reconnaît le coupable n 'a jamais existé dans la légende chinoise où ce rôle est dévolu à la licorne, sauf dans la mesure où l'anim al fa buleux qu'est la licorne peut être décrit comme sorte de bélier; mais à ce compte, c'est aussi un bœuf ou un cerf. L'ordalie par le bélier n 'a jamais été un usage judiciaire de la Chine antique. Dans l'historiette recueillie par Mo-tseu \ le fait essentiel, c'est le serment: c Est une ordalie p ar le serment qui est décrite, comme Mo-tseu le dé clare formellement lorsque, pour tirer la morale de son récit, il fait dire aux princes que « celui qui prête serment sans sincérité sera puni par les dieux ». 1 Ce eonte a peut-être emprunté à la légende de Kao-yao le coup de corne qui tue le parjure: il fallait bien que celui-ci fû t châtié, et quel mode de le châtier pouvait être mieux choisi que celui q u ’avait employé Kao-yao? Mais ce n ’est qu’un détail de rédaction, comme les contes populaires ne cessent de s ’en em prunter les uns aux autres. Les deux récits relèvent d ’idées entièrement d iffé rentes, et qui d ’ailleurs correspondent bien aux milieux où chacun d ’eux a pris naissance. La légende de Kao-yao reflète des mœurs que la tradition chinoise rejette dans la période semi-historique, presque préhistorique, du début des Tcheou; avant d ’être le juge perspicace aidé par un animal transcendant et saint, Kao-yao a été le magicien qui sent les mauvais sorciers (la sorcellerie étant alors le crime par excellence), et reconnaît les coupables grâce à son animal: le roi Li a eu une sorcière analogue (Kouo yu, k. 1, $ 3; Lu che tc h ’ouen t s ’ieou, k. 20, 12 a, trad. W i l h e l m , 359), mais on ne nous dit pas q u ’elle fû t aidée par un ani mal familier. En dépit des édulcorations ultérieures, la légende laisse encore transparaître la coutume dont elle est sortie. L ’histoire du prodige du dieu du sol de T s’i do son côté est un petit conte édifiant qui reflète toutes les idées du temps des Royaumes Combattants; lui aussi se réfère à une coutume judiciaire, mais cette coutume, bien connue par le Tcheou li, n ’a rien de commun avec celle de la légende de Kao-yao : elle n ’en est même pas une forme adoucie et moderni sée; elle se rattache à des manières de croire, de penser, d ’agir tout autres. ^ y a des siècles de développement entre les milieux qui ont produit chacun d'eux. Ainsi vers le IV e siècle avant notre ère, l ’ordalie par le serment était un procédé judiciaire admis: dans l ’incapacité de distinguer par lui-même l ’innocent du coupable, le juge, avec l ’assentiment des parties, s ’en rem ettait aux dieux. Ce fait éclaircit à mon avis un passage du Tcheou U qui mentionne succinctement la cérémonie décrite en détail p ar Mo-tseu. Le commentateur des T ’ang, Kia Kongyen, n ’ayant aucune idée de ce qu’est une ordalie en a dénaturé le caractère en en faisant une sorte de serment préalable : « cela veut dire q u ’à ceux qui vont faire un procès, il fait d ’abord prêter ser ment » ; mais le texte lui-même est clair : « A ceux qui ont un procès (le préposé aux serments) fait faire le serment et l’incantation [110] ; ceux qui prêtent serment fournissent chacun une victime provenant des troupeaux de leurs domaines et l’amènent (au lieu de la cérémonie). Le serment achevé, le préposé au serment offre le vin et l a chair (des victimes) » '. Ces lignes résument exactement, on le voit, la cérémonie accom plie p ar les deux plaideurs du pays de T s’i. Tcheng H iuan dans son commentaire ajoute quelques mots qui précisent encore cette ressem blance: «Ceux qui ne sont pas de bonne foi, pou sin, dit-il, n ’osent pas écouter ce serment, en sorte que cela met fin au procès » et un peu plus loin, « ceux qui ne sont pas de bonne foi sont nécessairement frappés de malheur, p i hiong ». En somme l ’emploi du serment dans le Tcheou li, avec l ’excellente illustration q u ’en est l ’anecdote de Mo-tseu, montre q u ’on compte plutôt sur 1 abstention de celui qui, se sachant dans son tort, hésitera a se parjurer, que sur une intervention directe et immédiate de la divinité; et c ’est pourquoi celle-ci p araît si merveilleuse lorsqu’à 1 occasion elle se produit. L ’ordalie prim itive s ’est transformée en une formalité juridique: le juge désireux d ’écourter un procès fait prêter serment aux deux adversaires, escomptant la retraite de celui qui ne se sent pas sûr de son droit. 1 Tcheou li, k. 36. 13 b . B i o t , I I , 361. Ce nom et cet emploi du serment en justice sont les seuls que fassent connaître les textes littéraires. Les inscriptions nous en font connaître un autre emploi et un autre nom: elles l ’appellent che [6], et lui donnent un rôle important, mais tout différent de celui qu ’on voit dans le Mo-tseu et le Tcheou li. Les inscriptions à contenu juridique sont peu nombreuses et elles ne sont malheureusement pas toujours aussi claires q u ’on pourrait le désirer. Néanmoins, en dépit de quelques points douteux en certaines d ’entre elles, elles mention nent assez nettement le serment pour nous perm ettre de nous rendre compte des faits. Ces inscriptions se rapportent à des affaires de terrains : ce sont des seigneurs « se disputant des terres » tsing tien, comme nous le voyons faire dans le pays de T s’i au kong-tseu Chang-jen (le fu tu r prince Yi) et au père de T ch’ou de Ping *, ou encore dans le pays de Tsin au marquis de Hing et à Yong-tseu2; et les terres q u ’ils se dis putent sont des domaines de patriciens. Tous les personnages que nous rencontrons dans ces procès sont en effet des patriciens : le seul fait q u ’ils dédient les vases où les inscriptions sont gravées à leurs ancêtres suffirait à le prouver, car les plébéiens n ’ont pas d ’ancêtres, les patriciens seuls en ont ainsi q u ’une chapelle pour leur culte. Mais de plus le contenu des inscriptions le montre bien. Ta qui est invité par le roi à prendre p art à un banquet au cours duquel le roi lui fait des présents8, K ’ouang (le même que Ki de K ’ouang, ou de ses parents) qui accompagne le roi à la H utte de Tir, et, ayant joué la musique de la danse siang, est récompensé par le r o i4, étaient évidem ment de grands seigneurs de la Cour. Certains d ’entre eux sont revêtus de fonctions: San, l ’adversaire de Hou dans la deuxième des inscriptions du Trépied de Hou porte le titre de siao-tseu, titre q u ’on 1 Tso tchouan, 18e année du prince Wen, Legge, 281. a Kouo yu, k. 15, 1 a. 3 Inscription du Trépied de Ta [178] (Si t s ’ing Tcou Icien, k. 2, 17 a, où il est appelé trépied de Ki-po [5 2 ]; K iun Tcou lou, k. 1. 1, 77 a; Ki-kou-che ki kin wen chou, k. 14, 15 a; Tcheou kin wen t s ’ouen, k. 2, 24 a; Leang Tcheou km wen t s ’eu ta hit 95). 4 Inscription du yeou de K ’ouang [86], Kvan kou lou, k. 3. 1, 32 a; Leang Tcheou km wen t s ’eu ta hi, 77. retrouve avec quelques autres dans l ’inscription du Bassin du Chef de la famille San. Mais le personnage dont nous connaissons le mieux la situation à la Cour est Hou. Il était d ’une famille où les dignités étaient héréditaires depuis plusieurs générations : la charge de Direc teur de l ’Auguration, sseu-pou-che, qui lui fu t conférée vers le temps de ses procès, avait été celle de son aïeul et de son père : « Or la première année du roi, le dixième mois, le jour de la pleine lune (?), (marqué des signes cycliques) yi-mao, le roi était à Tcheou, dans la Grande Salle (du Palais) du roi Mou. Le roi parla ainsi : « Hou, je vous donne charge de reprendre la fonction de Directeur de 1’Auguration (rem plie autrefois par) votre aïeul et votre père ... » \ Une inscription de la même année le montre Intendant, tsai, chargé de régler les affaires de la famille royale, surveiller les travaux à effectuer dans le Palais, etc., charge assez lourde pour q u ’il ait été nécessaire de lui adjoindre alors un collègue2. Une autre encore, vraisemblablement postérieure à la précédente, le montre nommé commandant-général, tchong-sseu-t’ou, des huit régiments en garnison à Tch’eng-tcheou, c ’est-à-dire à la capitale qui passait pour avoir été fondée par le duc de Tcheou au bord de la rivière Lo, l ’actuel Loyang, commandement qui lui aussi avait été exercé précédemment par son grand-père et son p è re 8. 1 Première des trois inscriptions du Trépied de Hou [39] (Je rappeüe ce que j'a i déjà dit ci-dessus, qu 'il n 'y a en réalité sur ce trépied qu 'une seule inscrip tion en trois paragraphes). a Inscription du touei de Mang [105], Sie chang-Tcong tohong-t’ing yi-Tc’i Ic'ouan-che, k. 14; Leang Tcheou Tcin wen ts'eu ta hi, 88 (où il est appelé touei de T s'ai [245]. * Inscription du hou de Hou [ 3 8 ] , Leang Tcheou Tcin wen t e 1eu ta hi, 8 4 et planche V III. D 'après le Tcheou li, k . 1 1 , 1 3 a, B io t , I, 2 2 3 , le régiment che comptait 2 5 0 0 hommes, et cinq régiments faisaient une armée; il n 'est pas men tionné de formations de huit régiments. Mais cet ouvrage date d ’un temps où les rois n'avaient plus d'armées, et ses renseignements sur les choses militaires sont sujets à caution. C'est probablement pour cette raison que le titre de sseu -tfou, qui à l'origine est un titre militaire (chef de l'infanterie en face du sseu-ma, chef des chevaux, c ’est-à-dire des chars), est dans ce Rituel le titre d'un ministre de l 'administration civile. Au temps des Tcheou Occidentaux, c 'est bien un titre militaire ainsi que le montre l'inscription. Les fonctionnaires recevaient des terres en guise d ’émoluments; on donnait aussi des terres en récompense d ’actions d ’éclat: dans un pays immense et peu peuplé, en un temps où non seulement il n ’y avait pas de monnaie, mais encore où, l ’or et l ’argent ne circulant pas, le seul métal précieux était le cuivre ou le bronze, il est assez naturel que la terre ait été le moyen le plus pratique de rétribuer des servi ces. C ’était ce que les Rituels appellent des domaines, yi [279], tou, et on disait d ’un fonctionnaire q u ’« il mange ses domaines », che yi. Les inscriptions emploient dans le même sens l ’expression y i t ’ien, littéralement « champs form ant un domaine ». D ’autre p a rt le yi est décrit comme une unité territoriale; la valeur en varie suivant les auteurs, qui décrivent en principe l ’organisation politique et admi nistrative créée p ar les Saints rois et non l ’organisation réelle de leur temps, déformant les nombres vrais pour les remplacer par des nombres à valeur symbolique1: il représenterait en principe un 1 Le Tcheou li mentionne deux organisations différentes: l ’une (sous deux séries de noms différents) fondée sur l ’organisation militaire procède par groupes de cinq familles et multiples de cinq, chaque unité territoriale étant considérée comme la base d ’une unité militaire sur l ’équivalence théorique d ’un homme par fam ille; l ’autre fondée sur l ’organisation des cultures en commun du tsing de neuf lots procède par groupes de quatre tsing et multiples de quatre, de façon à ce que chaque unité fasse un carré dont le côté soit le double du carré pré cédent: le tsing étant un carré d ’un li de côté, le y i est le carré de deux li de côté, contenant par conséquent quatre tsing, soit trente-deux familles seu lement. Les chiffres des deux organisations se suivent d ’assez près pour montrer qu’ils représentent un arrangement systématique d ’une organisation réelle, mais naturellement la réalité ne présentait pas ces ordonnances régulières chères aux Ritualistes et était bien plus complexe. Le Chang chou ta tchouan, un recueil de traditions d ’école relatives au Chou Icing rédigé dans la première moitié du Ile siècle a. C., présente un système tout différent: le y i est la réunion de cinq hameaux, li, formés eux-mêmes de neuf voisinages, lin, qui sont le groupement des huit fam illes cultivant en commun les neuf lots du tsing', ce qui fa it les équivalences suivantes: 1 tsing 9 lin 5 Zi 8 fam illes 8 x 9 = 72 familles 72 x 5 = 360 familles 1 lin 1 Zi 1 3Ji 72 heou de l ’année 360 jours de l ’année J ’avais supposé autrefois q u ’il se fondait aussi sur quelque chose de réel, l ’orga nisation locale du Lou. Mais le Chang chou ta tchouan est l ’enseignement du carré de deux li de côté contenant quatre ts in g \ c'est-à-dire quatre champs de neuf lots cultivés en commun par huit familles (le neu vième lot de chacun étant cultivé pour le roi ou le seigneur), soit par conséquent trente-deux familles. E n réalité le yi paraît avoir été l'agglomération paysanne, la bourgade: le Che ming définit le mot comme «la désignation d'une agglomération hum aine» [43] 2. Le nombre des habitants variait: le Y i h in g a et le Louen y u * parlent chacun de yi de trois cents familles; le Chang-tseu, de yi de cinq cents et de six cents fam illes6; le mot s'appliquait alors aux plus grandes villes; la capitale s'appelait la Grande Bourgade, Ta-yi, ou, avec plus de précision topographique, 1a, Bourgade de la rivière Lo, Lo-yi. On comptait les terres d 'u n dignitaire par le nombre de ses champs, tHen, ou de ses bourgades, y i 9: le chiffre normal pour un ministre était un domaine de cent bourgades, p a ra ît-ilT; mais il y en avait de plus étendues encore: l'inscription de la Cloche de Tseu-tchong Kiang [233] mentionne un don de 299 yi. Des dons de soixante bourgades sont plusieurs fois rapportés dans le Tso tchouan. Un don de dix champs apparaît dans l'inscription du couvercle du Chou Tcing du pays de T s ’i et non de Lou. Or ce système n 'a rien de commun avec celui que le Kouo yu attribue à Kouan-tseu et qui, s ’il a une réalité, doit se rattacher au système du T s ’i. C ’est un arrangement tout théorique fondé sur des correspondances avec les nombres de l ’année. 1 Tcheou li. k. 11. 14 a, Biot I. 226. 1 Che ming, k. 2, 3 a (sect. 7), éd. P i Yuan, Che ming tchou tcheng. * Y i Tcing, hexagr. V I {song [162]). * Louen yu, s e c t. 1 4 , L egge , 1 4 2 . ‘ Chang tseu, k. 5, 12 b (sect. 19), trad. D u y v e n d a k , 298-299, cf. J. As,, t. CCXXII (1933), fasc. annexe, p. 56-57. * Je crois bien que les deux mots y i [279] et tHen [194] ainsi oue l ’expression yi-tHen désignent exactement la même chose; cependant le tHen serait plus petit que le yi si on devait attribuer une valeur absolue au dicton célèbre que « le roi mange le tribut, les grands-olficiers mangent leurs domaines, yi, les patriciens mangent leurs champs t ’ien, les plébéiens mangent leurs forces » où la progres sion est décroissante (kouo yu, k. 10, 18 a). Les érudits chinois considèrent que ce caractère doit être lu tien [182] dans les inscriptions où il serait l ’équivalent de tien [181], territoire contenant 16 yi {Tcheou li, k . 11, 14 a-b, B io t , I , 226-227). n Tso tchouan, 27e année du prince Siang. touei de P ’ei Tche [139] : « Je vous donne un arc? un faisceau de flèches, cinq familles de tch’en, dix champs afin q u ’éternellement vous vous en serviez»1. Dans l ’inscription du siu de Tsong de Ko, ce personnage se voit restituer huit bourgades yi p ar Siao-kong, et cinq par le chef de la famille Tchang, ce qui lui fait en tout treize yi. Les terrains ainsi donnés n ’étaient pas toujours au même endroit et ne formaient pas nécessairement un domaine d ’un seul tenant: dans l ’inscription du Couvercle du touei de Mao [106], le bénéfi ciaire reçoit quatre terres en quatre lieux différents : « Je vous donne dix chevaux, dix bœufs; je vous donne un champ à Tso, je vous donne un champ à Kong, je vous donne un champ à Yuan, je vous donne un champ à Tsai. Mao salua en se prosternant... » 2. On donnait les terres avec les paysans qui y habitaient, comme on le voit par l ’inscription de la Cloche de Tseu-tchong Kiang [233] : « Comme T ’ao-chou avait rendu de grands services au pays de T s’i, le prince lui fit don de 299 bourgades, ainsi que de la population et de la ville et des faubourgs de . ...» s. Les paysans en effet étaient attachés à la terre un peu comme les serfs à la glèbe ; on le voit par l ’inscription du grand Trépied de K ’o [175], où le roi, après avoir donné une série de domaines pris sur le territoire de Tsing [238] récemment soumis, ajoute: « Je vous donne les hommes de Tsing qui se sont enfuis à Leang » é, accordant ainsi le droit de réclamer les pay 1 [230]. Kvun Tcou lou, k. 3. 2, 20; Ki-Tcou-che Ici Tcvn wen chou, k. 4, 30; Tcheou Tcin wen t s ’ouen, k. 3, 1 a; Leang Tcheou Jcin wen t s ’eu ta hi, 102. 1 [229]. Tsi-lcou-tchai tchong t ’ing yi Tc’i Tcouan che, k. 6, 19; K iun Tcou lou, k* 3. 3, 8; Ki-Tcou-che Tci Tcin wen chou, k. 4, 29 b; Leang Tcheou Tcin wen t s ’eu ta hi, 91. 9 [191]. Tcheou Tcin wen t s 1ouen, k. 1, 1 a; Leang Tcheou Tcin wen t s ’eu ta hi, 248; Kouo Mo-jo, Supplément to Wang K u o-w ei’s Chin wen yün tu (Shina9aJcu, Y I (1932), p. 26). Comparer cette formule à Tso tchouan, Tchao 3e année, L egge , 190 : « Tseu-fong, vous avez rendu de grands services à l ’état de Tsin, je l ’ai appris et je ne l ’oublie pas; je vous fais don des terres, t ’ien, de Tcheou ... ». — L ’inscription de la Cloche de Tseu-tchong Kiang [233] qui est de la principauté de T s’i, est certainement beaucoup plus récente que les autres inscriptions citées ici. [228] Ki-Tcou-che Tci Tcin wen chou, k. 2, 28 a; Tcheou Tcin wen t s ’ouen, k. 2, 12 a; Leang Tcheou Tcin wen t s ’eu ta hi, 123. — Le roi Kong [72] est mentionné dans cette inscription. sans qui se sont enfuis et ont quitté leurs champs. C ’est q u ’en effet ils cultivaient la terre en commun suivant un régime que Mencius et les ritualistes de son temps ont décrit de façon quelque peu idéa lisée sous le nom de tsing, et S av aien t pas la propriété des terres q u ’ils travaillaient. Que ces donations étaient faites à titre héréditaire, la teneur même de certains titres de donation le prouve : dans l ’inscription de la Clo che de Tseu-tchong Kiang [233], le prince dit: « Que pendant 10.000 générations ju sq u ’à mes fils et petits-fils, personne n 'y change rien! » De même pour les dix champs donnés à P ’ei-tche [138] : le roi les donne «pour q u ’éternellement vous vous en serviez». Men cius d ’ailleurs parle de ces « émoluments héréditaires», che-lou, qui étaient en usage de son tem ps1. Ces domaines étaient aliénables, comme la seconde et la troisième inscriptions du Trépied de Hou le m ontrent: dans l ’une il fait volontairement don de terres à son adver saire après la fin du procès, probablement pour se réconcilier avec lui ; dans l'autre, à l ’inverse, il reçoit comme indemnité pour un vol commis à son préjudice sept champs et des esclaves que son adver saire lui offre à la place des grains que la sentence du juge l ’avait condamné à fournir. L ’inscription du couvercle du touei de Ta [177] * montre un domaine changeant de propriétaire dans des conditions particulières: c ’est le roi qui donne à un personnage la terre d ’un autre, exactement comme le prince Houan de T s’i donna un jour à son ministre Yi-wou de Kouan le domaine, yi, de Pien, en l'enlevant au chef de la famille Po *. « Or la douzième année, le troisième mois, le jour de la lune décrois sante (marqué des signes cycliques) ting-hai, le roi était au Palais Ts’iuntch'en kong [251] \ Le roi s'écria: Instructeur Wou, convoquez Ta (pour 1 Mencius, tr a d . L eg g e , 3 8 , 1 1 8 . * Kvun hou lou, k . 3 . 2 , 3 5 a ; Ki-kou-che ki-Tcm wen chou, k. 4, 30; Tcheou 'ñn t s ’ouen} k . 3 , 1 8 ; Leang Tcheou kin wen t s ’eu ta hit 9 3 . 3 Louen yu, sect. 1 4 , L egge , 1 4 2 . 4 Les deux mots t s ’iun et tc h ’en désignent l ’un et l ’autre les appartements royaux: il semble donc q u ’il s ’agisse de ce que le Tcheou li appelle les Grands Appartements, ta t s ’iun; mais les érudits chinois qui admettent comme un prin- ÁL A% % * * 4 U * * 'f c*J ^ >5tôV # £ * ‘J/ê*. « *l £ i t . fer fiL ». £ & * ?# t s | * g * m o ø $ À % * * * X X ,yb m i & -ir 7 '£ p ‘ 75 ê % — £ * X * 71 — % BB «■ £(&•) 0 f 0 % 4 O IL $@ ) £ Inscription du couvercle du touei de Ta. n r? A . & *> *1 que) je lui donne le village de Kouei [74] de ... M » Le roi donna charge à l ’Officier de Bouche Min [107] de parler à Kouei de ... disant: « «Fai donné à Ta votre village ». Kouei reçut Min et lui offrit un jade tchang et cinq pièces de soie. Kouei donna ses instructions à Min, disant : « C’est l’ordre du Fils du Ciel: je n’ose pas protester (?). Min, mettez Ta en possession2 de ce qui est à (moi) Kouei, et donnez-lui (mon) village. Que Ta soit celui qui reçoit (les hôtes)8! » Ta reçut Min comme un hôte et lui donna un jade tchang et un char avec ses chevaux4; il reçut Kouei comme un hôte et lui donna un jade tchang et cinq pièces de soie. Ta salua en se proternant. J’ose, pour faire connaître la libéralité illustre du Fils du Ciel, profiter (de cette affaire) pour faire un touei à mon Auguste Père défunt l’illustre Comte, Lie-po. Que mes enfants et petits-enfants s’en servent éternellement comme d’une chose pré cieuse. » Je crois bien que cette inscription nous a conservé la forme ju ri dique de transmission de propriété: «mettez (ou je m ets6) Ta en possession de ce qui appartient à (moi) Kouei» [283]. * ** cipe infrangible que les actes du roi dans les inscriptions se passent toujours au Temple Ancestral préfèrent voir dans ce nom une désignation de ce temple. 1 Le caractère non déchiffré marqué par ... est le nom de terre du personnage appelé Kouei: c'est probablement le nom même du village donné à Ta. 2 J'adopte la lecture li de ce caractère [94] qui est celle de Wou Che-fen et de Kouo Mo-jo; Lieou Sin-yuan lit siu [159], ce qui ne me paraît acceptable ni pour la forme du caractère ni pour le sens. Takata lit je ou, et, coupant la phrase juste après ce mot, comprend: « ... je n'ose pas protester; c'est parce que (moi) Kouei, je suis docile ». 8 pin [131], celui qui reçoit les hôtes, par conséquent le maître de la maison: jusqu'à ce moment c'était Kouei, seigneur du domaine et maître de la maison qui recevait Ta et Min qui étaient ses hôtes; maintenant c'est Ta, nouveau seigneur du domaine qui reçoit Kouei et Min qui deviennent ses hôtes. 4 ma leang. Cf. l'inscription du touei du P etit tch’en Che [154]: « je vous donne du bronze, dix chars avec leurs chevaux... ». * Le chinois n'indique ni le mode ni la personne, de sorte que, sortie du con texte, la phrase signifie aussi bien « je mets en possession... » que « mettez en possession ... ». Ici où la transmission de propriété est faite par ordre du roi, l ’ancien propriétaire charge l'envoyé royal de mettre le nouveau propriétaire ©a possession du domaine. Lorsque cette transmission se fa it à l'amiable, et non par ordre du souverain, il est possible que la présence d'un délégué de celui-ci ae soit pas nécessaire, et que l'ancien propriétaire mette lui-même le nouveau propriétaire en possession; mais nous n'avons aucun document se rapportant à ce cas. Le serment n ’a dans les inscriptions aucun caractère, même atténué, de jugement de Dieu : il fait partie intégrante de la procédure judi ciaire, il en est une des formalités normales. On le voit bien dans Tinscription dite du Trépied de Ko-yeou, où est relaté le procès de Tsong de Ko [69] contre Mou de Yeou-wei [275] qui occupait indû ment les terres du premier 1: « Or la trente-et-unième année, le troisième mois, le premier jour du mois, jour faste, jen-tch’en, le roi étant à Tcheou au Palais du roi K’ang [78] se rendit à la Grande Salle. Tsong de Ko porta plainte auprès du roi contre Mou de Yeou-wei, disant: «Vous usurpez ma terre. Vous Mou, vous ne m’avez pas accordé (ce à quoi j ’ai droit, moi) Tsong de Ko !* Le roi donna charge au scribe du Maître des Cérémonies, siang-che 8, Nan 1 Inscription du Trépied de Ko-yeou:, Y u a n Yuan, T si-kou-tchai ting y i k ’i kouan che, k. 4, 31 a-32 b; Wou Che-fen, E iu n kou kin lou, k. 3. 2, 18 b; L ie o u Sin-yuan, Ki-kou-che ki-kin wen chou, k. 2, 15 b-17 a ; W a n g Kouo-wei, San-che p ’an k ’ao-che, 7 b ; T o u a n -f a n g , T ’ao-tchai ki-kin lou, k. 1, 40 a-41 a ; Kouo Mo-jo, Leang Tcheou kin wen t s ’eu ta hi, 133-136. C ’est l ’inscription que j ’ai mentionnée dans La Chine Antique p. 86, n. 1 sous le nom d ’inscription du Tré pied de Yeou et Tsong de Li, li étant la prononciation ordinaire du caractère [63], pour lequel la prononciation secondaire ko paraît en ce cas préférable. — J ’ai adopté pour les noms propres les lectures anciennes qui, après avoir été discutées par certains, ont été reprises par Wang Kouo-wei; Lieou Sin-yuan lit Kouo [65] pour Ko [64], P i au lieu de Tsong; la lecture Tsong [240] est ga rantie par l ’inscription du P lat de la famille San où le même personnage repa raît, son nom écrit par une forme non ambiguë du caractère tsong [241], voir ci-dessous, p. 301, n. 4. Il existe un vase siu portant une inscription du même per sonnage datée d ’une vingt-cinquième année, dont je parlerai plus loin; cf. aussi Si t s ’ing kou kien, k. 29, 22 a-b, l ’inscription d ’un vase kouei de Yeou [273] q u ’il faut lire: « (Moi, seigneur de) Yeou et de Ko, j ’ai fa it ce vase à ranger (à sa place parmi les vases du temple ancestral) » [272] au lieu de [271]. 4 Kouo Mo-jo, loc. cit., lit: [297] « ... disant: «V ous êtes l ’intendant (mou [112]) de ma terre, et vous ne m ’accordez pas mon dû (à moi) Tsong de Ko! » Si on fa it ainsi de mou un nom commun, il faut à la ligne lire « porta plainte auprès du roi contre Wei de Yeou l ’intendant, d isa n t... ». Mais cette manière de placer le nom de fonction derrière le nom dû titulaire est bien insolite. 4 Le titre de siang-che n ’est pas connu, autant q u ’il me semble; mais nous ne connaissons pas tous les titres de l ’administration ancienne. Je prends siang dans le sens de maître des cérémonies q u ’il a dans le Tcheou li, k. 38, 36 b, trad. B io t , II, 423-424. — Lieou Sin-yuan, loc. cit. (suivi par Kouo Mo-jo, loc. cit., et J ong Keng, K in wen pien, k. 4, 2 a) lit cheng et justifie cette lecture Vk ■% & fc. â M ifï 3%r VI 4k f r xa if # ñt 0 % éL Ht * ÏÏk% A m 0 0. ik á /A * t$T $r * % 4k #T 4% X0 & 0 &V ièé. 4k h # /k ø% % #• M, o flh % 3 p tH o fi. ü3- 4 f f î 43 /k % T % i /A Gp % % m w £ ñ sKJ i. Æt Ī. & A \p k * w Jk Inscription du trépied de Ko-yeou. de se rendre auprès de Lu de K ’ouoA afin qu’il fît prêter serment à Mou de Yeou-wei, disant: « Si je ne présente et ne livre à Tsong de Ko le domaine qui était la part de son aïeul Sie 2, que je sois banni8! » Mou de Yeou-wei alors prêta serment. « (Moi) Tsong, j’ai fait ce trépied pour mon Auguste Aïeul Monseigneur Ting, pour mon Auguste Père Monseigneur Houei, afin que mes enfants et petits-enfants (à moi) Tsong de Ko et Yeou jusqu’à la dix-millième année s’en servent précieusement ». Le serment judiciaire apparaît dans les mêmes conditions dans une autre inscription contemporaine de la précédente4, l ’inscription du par plusieurs exemples; ce serait aussi un nom de fonction, et il n ’est pas davantage un nom connu. 1 Lu de K ’ouo apparaît comme premier ministre dans l ’inscription de la cloche Ta-lin. 7 Lieoü Sin-yuan explique: « le domaine partagé (autrefois) par votre an cêtre Yi » ; et suppose que Y i avait été condamné pour quelque faute à parta ger son domaine; mais si le domaine avait été en partie confisqué ou partagé Par jugement, Tsong n ’aurait plus aucun droit et ne pourrait le revendiquer par une plainte ouvrant un procès régulier. Je crois plutôt que Mou de Yeou-wei occupe sans droit le domaine qui devrait revenir à Tsong de Ko. D ’autre part, M. Kouo Mo-jo interprète [254] (et non [243]) et coupe après ce mot:, « si je ne remets pas à Tsong de Ko son lo y e r . . . » c ’est-à-dire la redevance due comme intendant, mou. 8 Toute l ’interprétation dépend du déchiffrement du dernier caractère de la phrase. Wang Kouo-wei lisait che [6] qui ne donne aucun sens puisque le ser ment annoncé à la phrase précédente et prêté à la phrase suivante ne peut re paraître encore une troisième fois. Lieou Sin-yuan proposait [187] dans le sens de partager et comprenait [22] : « Après le partage du domaine, alors Mou de Yeou-wei prêta serment ». Kouo Mo-jo lit [213] mettre à mort: « si je ne livre Paa ... que je sois mis à mort! » [122] en quoi il me paraît avoir mieux con struit la phrase que ses devanciers, mais sa lecture est une simple devinette d ’après le sens et n ’a aucune base paléographique. Le caractère, qui est en partie effacé, a à la partie supérieure des points que Lieou Sin-yuan avait déjà remarqués. M. Takata me semble avoir été bien inspiré en lisant pouo [137] ; mais il ne sait qu ’en faire, ce caractère ne donnant aucun sens convenable dans la construction anciennement admise pour cette phrase. En combinant cette lecture avec la construction proposée par M. Kouo Mo-jo, on obtient, il me semble, le sens correct. * L ’inscription du P lat du Chef de la famille San est sûrement contemporaine de celle du Trépied de Ko-yeou puisque ce personnage y est mentionné, ligne 13 : ®(Le seigneur de) Ko (nommé) Tsong de Yeou » [274], Plat du chef de la famille San, San che p ’a n 1. Dans cette inscrip tion deux prestations de serment viennent conclure une affaire diffi cile à suivre qui se termine par le bornage d ’un domaine, yi, pour un personnage qui devait être quelque haut fonctionnaire, et est désigné seulement sous le nom de « chef de la famille San », San-che, sans nom personnel ni titre de fonction: les borneurs, king-jen, qui doi vent avoir été en même temps soit les propriétaires voisins du domai ne borné, soit même les propriétaires précédents des terres délimitées et remises au chef de la famille San, prêtent serment l ’un après l ’autre en s ’engageant à payer une amende au cas où ils seraient de mauvaise foi, et envahiraient le domaine précédemment délimité. « Or le neuvième mois du roi, le jour yi-mao, ... fit prêter serment à Sien-tsou Siuan-lu, disant : « J ’ai livré au chef de la famille San les champs et les vases. Si je manque à la sincérité, si j’ai de l’hostilité envers le chef de la famille San, que je paie une amende de mille houan2, que je subisse une peine de mille (houan), que je sois déporté et abandonné! » Sientsou Siuan-lu alors ayant prêté serment, on fit prêter serment à Siang de Si-kong et à Wou-fou, disant: « J ’ai livré au chef de la famille Sang les terres de Si et de Ts’iang. Si manquant (à ma parole) j’entre en cachette (dans ces terres), que je paie une amende de mille houan, que je subisse une peine de mille (houan) ! » Siang de Si-kong et Wou-fou alors ayant prêté serment, on fit le plan ... Ces inscriptions m ontrent bien la place du serment che dans la procédure: c ’est à la fin du procès q u ’il est demandé, après le pro noncé de la sentence; c ’est le juge qui le fait prêter; et il est unila téral, étant toujours exigé de la partie perdante seulement. Ce serment après le jugement est-il une formalité nécessaire, ou 1 Y u a n Yuan, op. cit., k. 8, 7 a; Wou Che-fen, op. cit., k. 3, 3 3 7 a ; L i e o u Sin-yuan, op. cit., k. 8, 21 a ; W a n g Kouo-wei, San-che p ’an che-lc*ao', O g a w a , San-chi ban jimefi Tcü, 229-230, ap. TaTcase hahushi TcanreTci Tcinen ShinagaTcu ronzô, 217-243 (et photographie d ’un estampage); Kouo Mo-jo, op. cit., 137-140. L ’inscription commence par la délimitation du terrain puis donne les noms des personnages qui ont pris part à cette opération; je ne traduis que la fin, (lignes 14-18) contenant les serments. % Sur la valeur du houan, voir ci-dessus, p. 275, n. 4. £> & t t£l it t E7. -ß $% fi f. m. éL 4 44 A4 * %L £ & i- %? % m & £ & gf \s /L & JL o«. >9 KB «» á * A il o * Ê . * tt- flÉj IS î'i t k £• * A »f. K # A m L #L ' * âf * 'Vai t J. **2 ff \sr -%i ± 1* <* F in de l ’inscription du plat de San. n ’est-il q u ’une garantie donnée en certains cas au gagnant par le juge? Dans la deuxième inscription du Trépied de Hou il n ’est pas question de serment; mais il s ’agit d ’un contrat de vente d ’esclaves, tandis que dans l ’inscription du Trépied de Ko-yeou comme dans celle du P lat du chef de la famille San il s ’agit de terres: dans tous les pays, le droit est plus strict et exige plus de formalités quand il s’agit d ’immeubles que lorsqu’il s ’agit de biens mobiliers. Toutefois l ’inscription du siu de Tsong de K o 1 ne fait pas davantage mention de serment, et il s ’agit d ’un procès à propos de terrains. «Or la vingt-cinquième année du roi, [le ... mois, le jour (marqué de3 signes cycliques) ....... , le roi] étant au Palais Yong-che tien, ordonna au siao-tch’en Yeou de Tch’eng de ....... le scribe de l’intérieur Wou-yi. Le Grand-Scribea Yu dit: « Seigneur Tseng, chef de la famille Tchang, vous empiétez sur les terres de Tsong de Ko; ses domaines sont Che, Tchouei, Pou: restituez ses terres à Tsong de Ko; ses terres, ce sont les deux do maines de Fou, (et) Cha-yen, remettez-les à Tsong de Ko. Siao-kong, chef de la fam ille , vous empiétez sur les terres de Tsong de Ko, ses terres ce sont Ki, et Keou-chang-eul, et Tch’eou. Ah! de plus vous rendrez le reste des terres de Tsong de Ko, ses domaines sont les trois domaines de King, 1 Lo Tchen-yu, Tchen-song-Vang tsi-kou yi-wen, k . 6 , 44 a; T s e o u Ngan, Tcheou kin-wen ts*ouen, k . 3, 153; Kouo Mo-jo, Leang Tcheou km wen t s ’eu ta hi, p. 130. — L'inscription rapporte la restitution de treize domaines à Tsong de Ko, la 25e année du roi, faite par ordre du Grand-Scribe à la suite d ’un procès et d ’une enquête. M. Kouo y voit un contrat à propos de terrains donnés eu location par Tsong de Ko à Tseng-fou et à Siao-kong, les treize domaines énumérés étant le prix du fermage. Il me paraît difficile d ’admettre un contrat de location où serait détaillé le prix de location sans qu ’il soit même fa it men tion de la chose louée. D ’autre part l ’opération imaginée par M. Kouo est assez bizarre : une location de terrains dont le loyer serait payé par la livraison d ’autres terrains équivaudrait en réalité à' un échange, et je ne vois pas bien la raison qui aurait pu faire choisir cette procédure détournée et compliquée; les alié nations de terrains n ’étaient pas interdites puisque l ’une des inscriptions du Trépied de Hou montre une cession de terres faite pour éteindre une dette. 3 Le grand Scribe avait dans son service la conservation des titres, actes, contrats, etc., et en cas de contestation, il examinait ces titres, rendait un juge ment et a u cas échéant châtiait le plaideur de mauvaise fo i {Tcheou li, k . 26, 20 b ; B iot, 11^ 105-106). Ce passage du Tcheou li s ’accorde exactement avec ce qui est dit ici, où il est le juge et rend la sentence, évidemment après examen des titres des deux parties. Meou (et) Kia, les deux domaines de Tcheou (et) Lou, tous seront restitués; restituez à Tsong de Ko en ce jour treize domaines. Et celui qui assistera Tsong de Ko, c’est l’Officier de Bouche, chan-fou, K ’o 1 ». Moi Tsong de Ko, j ’ai fait un vase siu pour mon Auguste Aïeul Monseigneur Ting, pour mon Illustre Père Monseigneur Houei, afin que mes fils et petits-fils l’em ploient éternellement comme objet précieux. » De ce q u ’il n ’apparaît pas dans toutes les inscriptions où il est question de procès, doit-on en conclure q u ’il n ’était pas obligatoire? Le petit nombre et surtout le caractère des documents dont nous disposons ne perm ettent guère d ’en tirer une conclusion ferme sur ce point. Les inscriptions de ces vases sacrificiels ne constituent pas des procès-verbaux officiels des procès ; ce sont des monuments com mémoratifs destinés à conserver la trace d ’événements importants pour la famille sous la forme d ’une annonce faite aux ancêtres: les rédacteurs n ’y mettent que ce q u ’ils veulent. Le fait q u ’à côté d ’in scriptions qui notent q u ’il a été prêté serment, il y en a d ’autres où il n ’en est pas question, ne prouve pas absolument que les procès que relatent ces dernières ne se soient pas, comme les autres, terminés par un serment, mais peut indiquer seulement que l ’on n ’a pas tou jours jugé utile d ’en faire mention. L ’impossibilité de savoir si le serment était toujours exigé de la partie perdante n ’empêche heureusement pas de reconnaître au moins de façon générale quel rôle il jouait. Les formules données dans les 1 Le Grand-Scribe, la sentence une fois prononcée, ne s ’occupe pas en per sonne de l'exécution de la sentence et désigne un autre fonctionnaire, le chan-fou pour surveiller: celui-ci assiste, yeou, Tsong de Ko, ce qui ne peut guère consister qu'à l ’aider, par son autorité de délégué du juge et par consé quent du roi, à se faire remettre les 13 domaines occupés par le chef de la fam ille Tchang. Tel est à mon avis le rôle de ce personnage. Pour M. Kouo qui voit dans cette inscription un contrat de location et non le jugement d'un procès, le chan-fou est chargé de recevoir la partie gauche du contrat, probablement à titre de représentant du souverain, le prince conservant toujours la partie gauche des contrats, et Tsong de Ko en garde la partie droite; mais dans cette hypo thèse, il est difficile de comprendre pourquoi le Grand-Scribe, qui a dicté les termes du contrat, ne reste pas présent pour en recevoir la partie à conserver dans les archives royales, puisque c'est sa fonction. Reproduction d ’un estampage du siu de Tsong de Ko. jak i /A y?F /A a + it- t M H T w À « %f *1 S V *• £ 4 a 'a f — èL f* e*. të ê. «rT %. /A ii vh /L * 4iL ê. 3W. *£ l i £ JH * «a. •♦i 3 /A /A « # 69. j. ■£» #«3 O, & A À** & m AJLt». #■ a ra LL /A **- Ö «*» £4- «• 1?) //. <fc A 4* i& £ 4C A 3kV T >K # fcji i 1® \h A £ 4- i ø. 4 fc m A A & J» A # e. A <*_ aA- Inscription du siu de Tsong de Ko. iât Q O *O /T o O i Æ inscriptions sont claires; elles contiennent juste deux points, ren g a gement pris et la peine prévue en cas de contravention. C ’est le sché ma ordinaire des formules de tous les serments chinois. L ’engagement pris par le perdant repose naturellement sur le jugement, mais il ni’est pas une promesse de se conformer à celui-ci, il est une promesse de ne pas molester le gagnant. C ’est ce fait qui, il me semble, permet de comprendre le rôle du serment judiciaire, che, après le prononcé de la sentence. Il n ’est pas une affirmation d ’acquiescence du perdant à la sentence elle-même: outre q u ’il eût été singulier d ’attendre que le jugement fû t rendu pour demander au perdant de s ’engager à s ’y soumettre au lieu d ’imposer cet engagement aux deux parties au début de l ’action, cela eût été inutile, car le juge n ’est pas un arbitre choisi par les deux p ar ties et ayant besoin d ’être accepté par elles, il est le représentant de l ’autorité royale et a, au moins en théorie, le pouvoir de faire exé cuter son jugement. Il est une garantie supplémentaire accordée au gagnant. Le droit hellénique a connu certains serments pronon cés après jugement où les deux parties s ’engagent à vivre en bonne harmonie et à ne pas nourrir de griefs l ’une contre l ’autre ni contre les juges. Le serment après jugement chinois est quelque chose d ’ana logue, mais avec cette différence q u ’il n ’y entrait pas d ’élément religieux, et q u ’en revanche il créait tin contrat. Il me semble en effet impossible de comprendre le rôle du serment à la fin du procès sans tenir compte de son rôle dans les contrats. Tout contrat est un serment; la définition même du contrat se fait par le serm ent: « Engager sa foi par contrat, c ’est prêter serment » yo sin yue che, est-il dit dans le L i ki \ Or toute transaction (même celles du m arché2) donne lieu à une convention ou contrat, yo, pour quoi il faut rédiger un acte écrit, tche ou ts i; en-dehors des grands contrats entre princes, qui sont les traités, on énumère des contrats au sujet des terres, tche-ti tche yo, et des contrats au sujet d ’objets 1 Li Ici, k. 5, 28 b (K ’iu li), C o u v r e u r , I, 92. a Tcheou li, k. 15, 12 b, B i o t , I, 318. mobiliers, tche-tche tche y o 1. Tous ces contrats avaient la forme du serment, puisqu’en dehors des exemplaires remis aux intéressés et des originaux conservés par le Préposé aux Contrats, sseu-yo, les doubles étaient gardés par le Préposé aux Serments, sseu-ming9 qui les tira it de ses archives en cas de procès-. Les inscriptions ne nous donnent que le résumé d ’un seul contrat ; c ’est celui qui est cité dans la deu xième inscription du Trépied de H ou; il n ’est malheureusement pas possible de le suivre exactement à cause d ’une lacune, et il n ’y a pas grand chose à en tirer. Tout ce q u ’on peut dire est que le serment che imposé au perdant à la fin d ’un procès est en somme une sorte de contrat: c ’est pour faire de l ’engagement du perdant un contrat, qu ’on lui donne la forme de serment, forme ordinaire des contrats ; si ç ’avait été pour lui donner une sanction religieuse, on aurait eu re cours au serment solennel, ming, le seul qui comporte un élément re ligieux prépondérant. Ceci établi, il est facile de voir ce q u ’on voulait obtenir par le ser ment. Les formules des jugements, telles q u ’on les trouve dans les inscriptions, m ontrent ce q u ’était la sentence: elle était simplement un commandement de faire une chose, de remettre un objet, etc. Cette forme lui donnait une grande puissance de coercition, mais elle en réduisait l ’efficacité à l ’instant présent; la force s ’en épuisait immédiatement par l ’exercice même; elle n ’avait aucune durée. Le commandement une fois obéi, la sentence avait atteint son objet et n ’avait plus de valeur. Elle ne pouvait pas constituer un titre per manent. C ’est ce titre que fournit le serm ent; à la sentence, ordre dont l ’exécution remet les choses en ordre, il ajoute l ’engagement 1 Ibid., k. 36, 12 a, B io t , II, 357-359. Tcheng Hiuan admet que les conventions au sujet d ’objets mobiliers se rapportent aux cadeaux de jade, étoffes, etc. que se font les dignitaires suivant leur rang lorsqu’ils se rendent visite. Mais immédiatement après, le texte expose ce que fa it le sseu-yo en cas de procès: je ne vois pas trop quels procès pourraient se faire au sujet de ces cadeaux rituels. Dans toute l ’énumération, le sens est certainement bien plus large que ne le suppose Tcheng Hiuan, et il s ’agit de toutes les conventions et contrats en général. * Ibid., k. 36, 13 b, B io t , II, 360, pris en la forme ordinaire des contrats par le perdant de laisser le gagnant jouir de la chose qui lui a été attribuée par le jugement. * ** En résumé la procédure judiciaire chinoise ancienne a employé deux formes distinctes de serment dans des conditions très diffé rentes. D ’une part, le serment solennel ming, après avoir été un véri table jugement de Dieu, et tout en gardant encore en principe ce caractère, était devenu un procédé de régler rapidement les litiges, en demandant le serment aux deux parties avant toute procédure, et en considérant comme ayant perdu le procès celle qui, ne se sentant pas sûre de son droit, refusait de prêter serment. D ’autre part, quand l ’affaire n ’était pas réglée sommairement de cette façon, le juge, le procès achevé et la sentence prononcée, imposait (quelquefois au moins) au perdant un serment non solennel, che, p ar lequel celui-ci s ’engageait à ne pas troubler le gagnant dans la jouissance des biens précédemment en litige, sous menace d ’une peine fixée à l ’avance: c ’était un contrat établi sur les bases de la sentence, et destiné à donner au gagnant un titre et une garantie. Il est intéressant de constater cet emploi étendu du serment dans ses diverses formes dans le droit chinois ancien, car il a absolument disparu du droit moderne, et même déjà du droit des Han. Mais s ’il a entièrement disparu des cours de justice, il a subsisté dans la p ra tique journalière sous ses deux formes de serment-ordalie et de serment-garantie. Le serment-garantie intervient comme formalité dernière dans les arbitrages et arrangements amiables auxquels les Chinois, avec leur horreur et leur crainte de l ’administration, ont le plus souvent recours pour régler leurs litiges, et il y joue à peu près le même rôle que dans l ’antiquité. Comme ordalie, il a pris la forme du serment solennel devant le dieu-patron local, le tch’eng-houang, dieu des Murs et des Fossés, qui dans la religion populaire moderne a pris la place de l ’ancien dieu du sol, ch'ô: les deux parties se ren dent au temple de cette divinité, et, après avoir inscrit chacun sur une feuille de papier leur nom et les huit caractères cycliques de leur date de naissance, pa-tseu (les deux signes cycliques de Tannée, les deux du mois, les deux du jour et les deux de Theure), ils allument des bâtonnets d ’encens pour appeler le dieu, ils se prosternent devant l ’autel, les cheveux dénoués comme des condamnés à mort, et prêtent serment, se vouant à la mort en cas de mensonge ou s ’ils manquent à leur parole \ Ainsi la coutume a conservé extrajudiciairement des pratiques qui ont disparu de la procédure depuis plus de vingt siècles. H 1 H enri D o r é , 345. Recherches sur les Superstitions e% Çhiyie. enri t. * IL 9 M a sper o no 4, p. 344- r IN D E X D ES CARACTÈRES CHINOIS. t a «. Ch 1 i" *• ■f. & J- 3. 2- *. é = éf ’£ i± I'J -fcg P 5- *>• I ^ -4*. ^ iîtu. / .# *• ã 7 Ifi «L & r ty % &- h. t = it a = -ÎÊ 31- # /k MA >w* M. -}r g = I* If. K. *. • <)• *. K ā . H t. w. H» j. s.. A « |S JS. 4A ï 31 AA - 0 ti » . £ ZfÉV Ü £ «. t e n . ft =. i ï f t <k*; i «. e, % 3y Xf **• ^ a =. /»p 3i, Hf 4 % t «7 H */• 13 tO *0 *5. -§. ^ ^ ^ *È? ö S. •* 4 - A jf* 3j t ao. £%. A i. $$ Ai. S- ^ * 7 -3 1 <* |L «7 5?- ^ <«. 4 4t f>. # .£ . J «• 44 Ai, K A*. & < ^ 3e é «& 4L # t = i Ë- 4C. A ^L £ 4;.. ’& A . K £sr / I *■ 4 • ** f# WL "■ * ^ y. S //v 1° /I « i») îl_ jz. % 32. 1*3 &$ ?3. j3 . % ?*. n ßi. M A j€. "fp £ y. 4 $-j Xô =. J i K’ ßh 'Vi- ß }*• /;• f o & * fc i - ^ C- /* f o t ». f o n t *>f. -f -10*. "Ifo $ J H. fë f - t *>* g ». # # 4k *j0i.u> ■ f *3. ^ % ?«-. j£ M W- Ê t ><?. g **. 4 ^ 1»}. j h ty.#>4Æ. 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Lo-bs’ań-dag-pa (Sum atikîrti), généralement désigné sons le nom de Tsoń-kha-pa, « l ’originaire du val d ’oignons sauvages» (Tsoûkha), est décidément le plus éminent parmi les grands noms de la hiérarchie bouddhique du Tibet, grâce à l ’influence q u ’a exercée, bien au delà de son pays natal, son activité de réform ateur de l ’ordre lamaïque. Pour des milliers de bouddhistes habitant une immense région, de l ’Himâlaya ju sq u ’au Baïkal au nord, et de Péking jus qu’aux steppes kalmouks du Volga et du Don à l ’Occident, le Jé-lama, « le Lama souverain », ou le Bogdo-lama, « le Lama auguste », comme l ’appellent les Mongols, occupe une position tout à fait extraordinaire et constitue l ’objet de la plus fervente et pieuse adoration. Il porte le titre qui avait été jadis donné à Vasubandhu, « le second Boud dha » \ Il est regardé comme une véritable divinité et figure, avec ses deux élèves principaux Rgyal-tshab et Khai-dub (Mkhas-grub), dans la galerie des 300 ou des 500 burkhans ou membres du panthéon lamaïste tibéto-mongol. Des prières et des mantras lui sont spéciale ment adressés. J ’ai lu moi-même sur le portail du vihâra bouriate de Chilütaï («le pierreux») le mantra invoquant le «M aître Sumatiklrti, porteur du sceptre » (Om guru-vajradhara Sum atikîrti siddhi hūm hûm !). Des détails biographiques sur le grand m aître tibétain se trouvent dans plusieurs ouvrages bien connus des lecteurs européens (L. A. W addell, Lamaism, etc.). Le savant bouriate G. Tsibikov, pendant 1 Voir S a r a t C h an d ra D a s, D ic tio n n a ir e , p. 312. son séjour au Tibet en 1900-1901, a eu le rare privilège de visiter les quatre monastères principaux de Tordre tsoûkhapiste des Gué-longpa et a pu obtenir des renseignements précieux sur les légendes ayant rapport à la vie du Jé-lama et de ses élèves, renseignements q u ’il incorpora plus tard dans son livre « Le pèlerin bouddhiste aux sanc tuaires du Tibet » l. Mais toutes les sources connues ju sq u ’à présent concernent Tactivité de Tson-kha-pa en qualité de réform ateur du bouddhisme tibé tain et de fondateur du nouvel ordre des Gué-long-pa. On semble ignorer presque l ’importance du Jé-lama dans le domaine scientifi que et littéraire, une importance qui le place dans les premiers rangs des savants tibétains commentateurs des textes mahāyānistes. Il existe plusieurs biographies de Tsoù-kha-pa p ar divers lamas tibétains; nous pouvons nommer les suivantes: 1) la biographie (rnam-thar) due à Khai-dub, qui sert de fonde ment au présent mémoire; 2) une courte biographie, par A-Jcya Lo-bs’an Tan-pai gyal-tshan (Blo-bzaû Bstan-pahi rgyal-mtshan) ; 3) la biographie due à Matibhadra, le kalyanam itra (dge-bses) de Tchakhar ; 4) la biographie due à Yoń-dzin Ye-sei-gyal-tshan (Yoùs-hdzin Ye-ses-rgyal-mtshan) ; 5) notes biographiques p ar Nag-vań Yam-pa (Nag-dbaû Byams-pa) dans le commentaire sur l ’autobiographie de Tsoń-kha-pa; 6) notes biographiques p ar Jam-yan-shad-pa (Hjam-dbyaûs-bzadpa). Nous devons ajouter aussi la petite autobiographie en vers de Tsoû-kha-pa, la Mdun-legs-ma, sommaire des événements principaux de sa vie de sav an t3. Parm i ces biographies, une surtout fait une impression très favo rable, s ’occupant principalement de l ’activité littéraire et pédagogique 1 Petersbourg, 1919. 4 Je dois ces renseignements au lama Lha-rams-pa Tan-dzin (Bstan-hdzin) NorbuTin. Portrait traditionnel de Tsoù-kha-pa du maître et attachant moins d ’importance aux détails semi-légen daires. L ’auteur de cette biographie est Khai-dub gué-leg pal-s’an-po (Mkhas-grub dge-legs dpal-bzaù-po), un des deux élèves principaux de Tsoù-kha-pa, lui aussi un savant éminent, dont les œuvres, comme le Stoń-tkun shal-bzan m ig-hbyed1, le Sommaire général des T an tras2, le grand sous-commentaire du Kala-cakra, et le sous-commentaire du Pramãna-vārttika3, ont acquis une célébrité peu inférieure à celle des śãstras dé son maître. La biographie de Tsoù-kha-pa par Khai-dub, quoique comptée parmi les ouvrages de ce dernier, se trouve dans le tome premier du Gsun-hbum (Collection des œuvres complètes) de Tsoù-kha-pa4. E n nous donnant des détails sur la vie du grand maître comme étudiant, professeur et écrivain, elle nous montre l ’in tense activité scolaire au Tibet au temps de Tsoù-kha-pa et nomme les plus célèbres lieux d ’instruction et d ’éducation. Cette biographie comprend les chapitres suivants: 1. L ’enfance du maître, 2. La renonciation à la vie mondaine et l ’entrée dans l ’ordre religieux, 3. L ’étude des textes philosophiques et de ceux du Vinaya, 4. L ’étude des textes tantriques, 5. L ’activité pour le bien de la doctri ne et des êtres vivants après avoir atteint la position d ’un dharmerâja, 6. Les derniers jours du maître. Il est impossible de donner dans un bref article tous les détails de la vie du Jé-lama décrits par son fidèle élève Khai-dub. Le but que nous nous proposons ici est de faire, en nous servant de la biographie, une esquisse élémentaire du portrait du grand guru tibétain, un résumé de son incomparable activité de professeur et de commenta teur des plus célèbres textes de la philosophie bouddhique. Quatrième fils de Da-ra kha-che Lu-bum-gué (Klu-hbum-dge), de la tribu des Mal, et de S ’in-mo A-chô (A-chos), il est né en 1357 dans « la vallée des oignons sauvages» (Tsoù-kha) de l ’Amdo, lieu qualifié comme « district qui avait été déjà sous le gouvernement des Tsan-po 1 Tome I (ka) des œuvres de Khai-dub. * Rgyud-sde spyi-rnam, t. V III (fia). 9 Bigs-pahi rgya mtsho = N yāya-Sãgarat tt. X (tha) et X I (da). 4 Vol, I (ka). (Btsan-po), les anciens rois du Tibet ». Le lama Rol-pai Dorje (Lalitavajra) des Karma-pa initia l ’enfant à la communauté bouddhique laïque (upâsaJca) ; il reçut alors son premier nom de Kun-gā-ñiü-po (Kun-dgah-sñin-po = Ā nandagarbha). Puis, à l ’âge de trois ans, il fu t confié au lama Chô-rje Don-dub (grub) Rin-chen qui devint son premier guide spirituel. Ce lama était lui aussi originaire de l ’Amdo; il avait fait ses vœux de moine dans sa jeunesse et, p arti pour le Tibet central, s ’était complètement consacré à l ’étude de la doctrine boud dhique. Il avait appris la Prajñā-pāram itā et tous les cinq traités de M aitreya avec Ta-si (Bkra-śis) sen-ge de iVa-thań (Sñe-thań), le Pramãna-viniścaya de Dharm akïrti à N arthań avec le lama Don-ton (ston) Rigs-pai seû-ge, et avait pris p art aux discussions philoso phiques à Sha-lu, le collège du grand Bu-ston où il fu t connu comme savant et disputant remarquable. Revenu dans sa patrie, il fonda plusieurs collèges monastiques et établit l ’étude du P ha r-p h yin \ de la logique (Pramâna) *, de tous les traités de Maitreya, du Bodhicaryãvatāra, etc. Le jeune Tson-kha-pa, confié à ce précepteur, reçut de lui, quoique tout petit, les consécrations tantriques de He-vajra, de V ajrapâni et de Cakra-Śamvara, le nom tantrique de Don-yod-dorje (=Amoghavajra) et l ’initiation m ystique8. Après, quand il eut atteint l ’âge de sept ans, il fit ses vœux de novice4. Le lama Don-dub Rin-chen de vint son précepteur principal (mkhan-po) et le lama Shon-nu jaùchub (Gzon-nu byaû-chub = Kumârabodhi) son précepteur ordinaire (slob-dpon). On lui donna le nom de Lo-bs’aû-dag-pai pal sous lequel il est connu généralement. Ses maîtres, qui avaient l ’intention de l'en 1 Sous ce titre la tradition tibétaine entend spécialement 1’Abhisamayãlamkāra et ses commentaires. Cette branche de la philosophie bouddhique forme le deuxième cours d^tude dans les coUèges monastiques du Tibet et de la Mongolie, cours qui dure quatre ans. Voyez mon « Analysis of the Abhisamayālamkāra », préface p. Y. * tshad-ma. Les deux cours du Phar-phyin et du Tshdâ-ma sont désignés som mairement phar-tshad. a rig-pa hdzin-pahi sdom-pa — viãyāāhãra-samvara, 4 ãge-tshul-gyi sāom-pa — Srâfnanerasamvara. voyer plus tard au Tibet central, firent tout pour lui donner l ’éducation nécessaire. Ce départ pour le Tibet central eut lieu quand le jeune śrāmanera eut atteint Pâge de seize ans. Le biographe dit q u ’« il eut un irré sistible désir d ’aller au pays où la lumière de la précieuse doctrine s ’était jadis montrée dans toute sa magnificence et où il en restait des traces même en ce temps de déclin ». Son principal, le lama Don-dub Rin-chen, lui donna ses dernières instructions, — un versus memorialis sur les principaux objets d ’étude. Nous voyons q u ’il attachait une importance extrême aux cinq śāstras de Maitreya. « De ces cinq livres », dit-il, « tu dois étu dier avant tout avec zèle VAbhisamayālamkãra, le décor, le sommaire de la Yum (« la Mère = Prajñā-pāram itā), la Grande, la Moyenne et l ’Abrégée1. Puis tu dois passer au Sūtrālamkãra qui enseigne le chemin et la conduite du Bodhisattva, ensuite au Dharma-dharmatâvibhâga qui montre le monde (samsâra) comme l ’enveloppe de la vraie nature absolue du N irvana8, au Madhyãnta-vibhāga qui indi que le chemin pour abandonner les vues extrêmes, et enfin au Mahāyāna-JJttaratantra qui parle de la pure essence spirituelle existant dans tous les êtres vivants comme « Germe du Tathâgata ». Puis est exigée, comme fondation, l ’étude des sept traités sur la logique8 de Dharmakîrti. E t quand tu seras rempli de foi pour la doctrine qui rejette les vues extrêmes d ’éternalisme et de nihilisme, tu dois prendre les traités de Mādhyamika d ’Ārya N āgārjuna ». Encouragé ainsi par son maître, le novice se rendit d ’abord à l ’ermitage de Di-Khuń (ou Bri-khuû)-pal. Ici commence pour lui une période d ’études incessantes. Ces études débutèrent par un cours de médecine avec Kôn-chog-kyab (Dkon-mchog-skyabs), le célèbre médecin de Tshal. Après, il s ’adonna exclusivement à l ’étude de la doctrine et de la philosophie bouddhiques. Allant d ’un collège monas tique, d ’un vihâra à l ’autre, il eut la possibilité d ’étudier les textes 1 C’est-à-dire la Satasãhasrikā, la Pañcavimśatisāhasrikã et 1’Astasãhasrilcã. 9 Voyez mon introduction à la traduction de l ’Uttaratantra, A. O. IX , p. 88. 9 tshad-ma sde-bdxm. avec les plus célèbres docteurs du Tibet contemporain. Au grand col lège de De-va-can (Bde-ba-can), il devint l ’élève du « Grand P ré cieux » (Rin-po-ehe) Ta-sig-seû-ge de iVe-thaû, du grand maître Yontan-rgya-mtsho et du grand maître U-rgyan-pa. Avec ces deux der niers, il étudia I ’Abhisamayālamkãra, et son commentaire (c’est-àdire la Sphutãrthā de H aribhadra). Khaidub nous dit « q u ’il avait appris le texte par cœur en 18 jours, q u ’il avait parfaitem ent compris le sens en se servant du sous-commentaire de Jam-yaû des Sa-skyapa, q u ’il avait appris sans beaucoup d ’effort les points difficiles com me la coordination des quatre prayogas ou méthodes de réalisation des trois espèces d ’omniscience1, et était devenu en peu de temps m aître de la Prajñā-pāram itā, excitant l ’admiration de ses maîtres et de ses condisciples. Puis il poursuivit une longue série d ’autres études, notamment l ’étude du Sütrālamkāra et des autres livres de Maitreya avec le lama Jam-rin-pa de De-va-can, spécialiste versé dans ces livres. Tout le cours du Phar-phyin fu t achevé par Tsoù-kha-pa en deux ans. A l ’âge de 19 ans, il prenait p a rt aux débats philosophiques et aux examens2 dans les grands collèges de Saû-phu (gsaû-phu) et de De-va-can. Bientôt il fu t célèbre pour son intelligence et sa con naissance des textes. Ces discussions une fois finies, nous le voyons faire un voyage au grand vihâra de Sa-skya, en passant par Sha-lu et Narthan. A Sha-lu il reçut des consécrations tantriques du Grand Lama Tra ducteur (lo-tsa-ba) Rin-chen-nam-gyal, le principal du lieu et le successeur du grand Bu-ston-Rin-po-che. Le séjour à Sa-skya fu t suivi par des visites à d ’autres lieux célèbres d ’instruction, comme Jo-mo-nan, où il étudia avec le Chô-rje Chog-lâ-nam-gyal (Phyogslas-rnam-rgyal = Digvijaya), à Po-toù, à Mar-rai-Ci-po-lhâ (Mar-resspyi-po-lhas), où le principal, le grand Khan-po, lui fit connaître les préceptes des Kadam-pa, la doctrine de l ’ordre fondé par Atïsa conconcernant le progrès sur le chemin de la perfection m orale3. 1 Voyez ma « Doctrine of Prajñā-pāramitã », Acta Orientaüa Vol. X I, p. 68-71. * grva-slcor. 9 Voyez Waddell, p. 59, Pendant tout ce temps il avait étudié exclusivement les textes du Phar-phyin. Cependant le commentaire de Jam-yaû des Sa-skya con tenait de nombreuses citations de V Abhidharmakoêa. Ces fragments avaient attiré l ’attention de Tsoń-kha-pa qui voulut en apprendre l ’explication détaillée. Les premiers renseignements sur l ’Abhidarma lui furent donnés par Don-s’aû (Don-bzaû), le Lama Traducteur de Narthaû. Ce séjour à N arthaû eut pour le fu tu r Jé-lama une importance singulière, car il rencontra dans cette ville celui qui fut, en fait, son maître. A Narthaû, Tsoû-kha-pa vit chez un de ses Kalyânamitras le Aa-Tîk, c ’est-à-dire le commentaire (jtikâ) du Aa-bon Kun-gâ-pal (Kun-dgah-dpal = Ānandaśrī) sur le Phar-phyin (.Prajñã-pāramitā et Abhisamaya) ; il se persuada que ce commentaire était bien plus clair que celui de Jam-yaû de Sa-skya et contenait encore des expli cations de divers passages de VAbhidharmakoêa. Il eut un vif désir d ’étudier la Pāram itā et l ’Abhidharma chez l ’auteur de ce commen taire, le célèbre Aa-bon Kun-gâ-pal. La rencontre de Tsoû-kha-pa avec ce m aître eut lieu à Tse-chen (Rtse-chen) et la conséquence fu t une nouvelle explication du Phar-phyin par le Aa-bon. Mais pour l ’étude de l ’Abhidharmakoêa, le Aa-bon indiqua à Tsoû-kha-pa son élève Rendapa S h ’ön-nu-lu-dö (Red-mdah-pa Gzon-nu bio-gros = Kumâram ati). Ce dernier étant venu de Sa-skya à Tse-chen, Tsoû-kha-pa com mença avec lui l ’étude systématique de VAbhidharmakoêa et de l ’auto commentaire de Yasubandhu. L ’explication excellente donnée par Rendapa et sa connaissance extraordinaire de l ’Abhidharma excitè rent l ’admiration et le dévouement de l ’élève ; à p a rtir de ce temps-là le maître et l ’élève (dpon-slob) travaillèrent ensemble pour de lon gues années. E n donnant des renseignements sur Rendapa, Khai-dub dit notamment q u ’il avait fait revivre l ’étude régulière et critique du Mâdhyamika et de la logique 1 dans les collèges du Tibet. Ce maître fu t le premier à enseigner à Tsoû-kha-pa les différentes méthodes d ’interprétation du sens conventionnel et du sens direct 1 Khai-dub donne ^abréviation dbu-tshad pour dbu-ma = mâdhyamika et tshaã-ma = pramâna. des sūtras (drań-ãon = neyārtha et ńes-ãon = nītārtha) selon les systèmes de N āgārjuna et d ’Asaùga (c’est-à-dire l ’interprétation Mâdhyamika et l ’interprétation Yogācāra des Prajñā-pāram itāsūtras). Le résultat de ces études se manifesta plus tard dans le Legs-bśad-sñin~po, un des plus beaux et des plus célèbres ouvrages du Jé-lama. Succède une période de voyages d ’étude dans les lieux les plus différents : à iVan-tôd-sam-liù où Tsoù-kha-pa étudia le Mâdhyamikaavatâra; à Potala où il voulait étudier VAbhidharma-sammuccaya d ’Asaùga avec Jaû-chub-tse-mo (Byaû-chub-rtse-mo), m aître de Yoga, mais en fu t empêché par des circonstances défavorables ; à De-va-can et à Kyor-mo (Skyor-mo) -lun \ Le principal (mkhan-po) de ce dernier lieu, le Ka-sh’i-p a 2 Lo-sal (gsal)5 était profondément versé dans le Yinaya et l ’A bhidharm a3 et lui enseigna le Vinaya-sütra de Gunaprabha avec le commentaire et toutes les instructions nécessaires. Ainsi Tsoù-kha-pa devint m aître de tous les cinq départements de la littérature bouddhique étudiés dans les collèges monastiques: la logique (pramâna), le Phar-phyin, le Mādhyamika-darśana, l ’Abhi dharma et le Vinaya. C ’est à la fin de ses études de Vinaya q u ’il fu t atteint d ’une mala die sérieuse dont « il ne guérit q u ’après de longs efforts » \ E tudiant zélé et dévoué, Tsoù-kha-pa ne s ’arrêta pas après avoir terminé ses recherches de Vinaya. Avec des lamas célèbres, il s ’atta cha encore au Mãdhyamika-avatāra, au Pramāna-vãrttika, à VAbhidharma-sgmuccaya, etc. Le lama Rendapa composait lui-même un grand commentaire sur ce dernier ouvrage: pendant q u ’il le rédi geait, Tsoù-kha-pa l ’apprenait; en même temps, il étudia aussi l ’auto commentaire du Pramāna-vãrttika. 1 Voyez Tsibikov, p. 227. a bTcah-bèi-pa, celui qui a subi l ’examen sur les 4 branches de la philosophie: pramâna — tshad-ma, pāram itā = phar-phyin, mâdhyamika — dbu-ma et àbhidharma Ocoéa) = mdssod, * Abrégé: hdul-mdzod. 4 C ’est-à-dire des exercices de Yoga. Une invitation de sa mère et de ses amis qui l ’appelait en Amdo lui arriva pendant q u ’il s ’appliquait ainsi à l ’intelligence complète des śāstras. Il eut d ’abord le désir d ’accepter l ’invitation et de visiter son pays natal, mais, ayant réfléchi, il décida de ne pas interrompre son travail et de rester au Tibet central. Il continua donc ses études avec la plus grande assiduité, assistant à de nouveaux cours sur les commentaires du Pramāna-vãrttika, sur les traités de Nāgãrjuna, sur le Vinaya-sütra, etc. On notera avec intérêt que pour atteindre à la perfection du style poétique et de la rhétorique, il étudia aussi le Kãvyādarśa1 avec le lama traducteur Nam-kha-s’an-po. E n visitant les divers collèges monastiques, ceux de Tse-tan, Saù-phu et d ’autres, il prenait toujours p art aux discussions philosophiques. Bientôt tous les grands savants du Tibet, maîtres du Tripitaka, furent remplis d ’admiration pour le jeune lama qui devint ainsi un personnage dans les écoles de Ü et de Tsaû. Vint le temps où il devait devenir précepteur lui-même ; de nombreux élèves voulaient se mettre sous ses ordres. C ’est alors q u ’il considéra comme convenable d ’embrasser les règles de moine (bhiksu) ou le upasampadd-samvaraa. L ’ordination eut lieu à Namgyal (Rnam-rgyal) de Yar-luû. Le Ka-sh’i-pa Tshul-thim (Khrims)rin-chen de la descendance spirituelle de Sākyaśrībhadra le grand Pandit du K achem ir8, fu t son principal (mkhan-po). Le Vinayadhara le Sthavira Śer-gon (c’est-à-dire Śes-rab-mgon-po = Prajñānãtha) devint son « précepteur » (slob-dpon), et le canonarche (dbumdzab) de Ji-dzin-pa, appelé Sod-nam-dorje, son confesseur ou pré cepteur ésotérique (gson-ste ston-pa). Ici commence une nouvelle activité du Jé-lam a; connaissant par faitem ent les textes des cinq branches de la littérature, il se m it à les enseigner et à les expliquer aux étudiants dans différents collèges E n même temps, il continua lui-même ses études. Il lui restait encore à parcourir le vaste domaine des Tantras. 1 Sñan-dńags-me-loń. * āge-bsñen-gyi sdom-pa. * Voyez Bu-siton, trad. Vol. II, p. 222. Il commença ses études tantriques avec le Can-na (Spyan-sna) Rin-po-che Dag-pa (Grags-pa) jaù-chub (byaù-chub) qui lui enseigna les six dharmas de Nâro-pa, la propitiation (sâdhana) de Varāhī, les préceptes du Lokanâtha etc. Peu de temps après, le professeur devenait auteur. A Kyi-śö (Skyidśod), après avoir examiné plusieurs textes canoniques et commentai res, il se mit à son premier grand ouvrage, la Yyākhyā de l ’Abhisamayālamkāra et du commentaire de Haribhadra. Ce travail, inter rompu par des voyages d ’étude à différents collèges, fu t achevé par lui à De-va-can. Ce commentaire est décidément un des plus beaux chefs-d’œuvre de la littérature de Pāramitā-et-Abhisamaya, éclair cissant et complétant les œuvres de H aribhadra aussi bien que le commentaire de Vimuktasena, et m ontrant parfaitem ent la concor dance de l ’Abhisamayālamkāra avec la Prajñā-pāram itā en 25.000 élokas. Ce commentaire de Tsoń-kha-pa est généralement connu sous le titre de Legs-bśad gser-phreû « le rosaire doré des bonnes paroles » (Subhāsita-suvarna-aksamālā) ou simplement Gser-phreń1. Pendant q u ’il travaillait encore à Kyi-śö, le Jé-lama étudia un certain nombre de textes, Sûtras et Tantras. Il eut particulièrement le désir d ’apprendre le système du Kâla-cakra et s ’adressa au docteur Jog-dan (Rtogs-ldan) Ye-sei-gyal-mtshan (Ye-ses-rgyal-mtshan = Jñānadhvaja), spécialiste des textes de ce système. Ce docteur devint son maître, et ils allèrent ensemble à Kyor-mo-lun où le maître lui fit étudier la Vimalaprdbhâ2, grand commentaire du Kâla-cakra, et les calculs astrologiques ayant rapport au système. Ensuite, nous voyons Tsoù-kha-pa enseignant de nouveau aux col lèges de De-va-can, de Tsho-mad, de Naiî-kar etc. E n même temps, il continua assidûment son étude du Kâla-cakra. Puis à Ta-si-don de Mon-kha où il était allé pour les études d ’hiver, le Jé-lama fu t prié de professer le cours complet des textes bouddhiques. Il consentit, 1 Ce commentaire occupe le Vol. X V II (tsa) et la moitié du Vol. X V III (tsha) des œuvres de Tsoń-kha-pa. 2 Hgrel-chen Dri-med-hod, Tangyur, Egyud I. et acheva en trois mois l ’analyse et l ’explication des points difficiles du Pramãna-vārttika, de VAbhisamayālamkãra, des quatre autres traités de Maitreya, des cinq traités de Nāgārjuna, du Madhyamikaavatâra, du Catuhśataka et du Bodhicaryāvatāra, pour les commu niquer aux étudiants. Ceci fu t suivi de nouvelles périodes d ’enseigne ment à Kyor-mo-lun et à d ’autres collèges célèbres. Il eut alors l ’intention de composer un grand commentaire sur les Tantras. Il lui fallait donc continuer et approfondir les études tantriques. A Ba-lun-ba-ñer où Tson-kha-pa s ’était rendu pour les va cances, il reçut du m aître une explication du Guhyasamâja-tantraraja. Puis il lui vint un vif désir d ’étudier, avec les membres de l ’école du grand Bu-ston, les textes tantriques et surtout ceux du Kâla-cakra. Il pensa donc recourir à Chô-kyi-pal (Chos-kyi-dpal = Dharmaśrī), qui avait lu et étudié 17 fois, avec Bu-ston lui-même, le grand commentaire du Kâla-cakra. Il faut dire q u ’en ce temps-là les docteurs tibétains avaient des opinions très différentes en ce qui concerne les Tantras ou le Mantrayâna en général. Il y avait des « tantriciens » qui, en affectant une foi ardente pour le M antrayâna, regardaient les Tantras comme l ’es sentiel de la doctrine et méprisaient le Tshan-ñid (ou le Pāramitāyāna) c ’est-à-dire la doctrine ordinaire, non-tantrique. D ’autres, au contraire, n ’avaient aucune estime pour les Tantras et professaient exclusivement le Pāram itā-yāna. La position de Tsoû-kha-pa fu t une position intermédiaire. Il adm ettait l ’importance des Tantras et avait le grand désir de les étudier, mais cependant le Tshan-nid était, à son avis, la base obligatoire pour tout savant bouddhique, tantricien ou non *. Après un séjour à Ron-chô-lun, où il eut beaucoup de discussions avec le Lama U-ma-pa Tson-dü-sen-ge (Dbu-ma-pa Brtson-hgrus-seûge) qui était devenu un de ses fidèles partisans, le Jé-lama se rendit à Goû-sum-de-chen de Nan-tod, chez le grand-Lama Chô-kyi-pal, le plus célèbre m aître du Kâla-cakra parm i les élèves du Bu-ston. C ’est 1 Sur l ’opinion de Tsoñ-kha-pa concernant le rapport entre le chemin bouddhi que ordinaire et celui des tantras, voyez infra. lui qui donna à Tsoń-kha-pa des explications précieuses sur le grand commentaire du Kâla-cakra. Puis avec le Yogin Gôn-s’an, à Thi-tsakhan du bas Aan-tod, le Jé-lama étudia les textes du Yogatantra, du V ajradhâtu, du Śrīparama, etc. Après, nous le voyons de nouveau travailler avec le Lama Chô-kyi-pal et p artir ensuite pour Sha-lu, le célèbre collège de Bu-ston. Là, avec le grand M antradhara Vajrahara 1 Khyun-lha, il étudia lés textes du Yogatantra et ceux du cycle de Cakra-Samvara du système de Lui-pa, et reçut de ce lama des instructions sur le Guhyasamâja. Suivent de nouvelles études avec Chô-kyi-pal, étude du grand commentaire de Nādapāda (N āro-pa)2, des textes du Kâla-cakra et des explications de Bu-ston sur le Guhyasamâja, et puis, avec le grand maître de Yoga de Sha-lu, Gyal-tshan-dag-pa, l ’étude du grand commentaire de Bu-ston sur les Yoga-mûla-tantras, etc., etc. C ’est ainsi que le Jé-lama, après avoir étudié les textes avec les meilleurs docteurs du Tibet, fu t aussi un grand maître dans le domaine des Tantras, en devenant le disciple de la fameuse école de Sha-lu. C ’est à cette époque que, ayant terminé ses études, il commença à critiquer la méthode d ’étudier les textes acceptée par un grand nom bre de savants. Pour lui, l ’interprétation des textes philosophiques devait être en accord avec l ’un ou l ’autre des chemins indiqués par l ’un des grands « guides du Véhicule » 8, Asaûga ou Nāgārjuna, c ’est à-dire strictement conforme à l ’interprétation classique Yogācāra ou Mâdhyamika; il préférait la dernière comme la plupart des ācãryas du Tibet. Il exigeait une analyse parfaite du sujet, sans laquelle il considérait toute explication comme inutile et sans fondation. Cette critique était dirigée contre ceux des docteurs tibétains qui lui sem blaient s ’écarter des commentateurs classiques, comme par exemple « l ’Omniscient Jo-naû-pa », ce védantiste sur le sol tibétain. Plus tard, le Jé-lama donna son interprétation personnelle des doctrines fonda mentales du Mahāyāna dans son Legs-bśad-sñiñ-po, un de ses plus célèbres ouvrages. 1 snags-hehan rdo-rje-hchaù. a Tangyur, Rgyud X V II, 69-169. 3 svn-rtahi srol-hbyed. Le Jé-lama se résolut à fonder une école. A l ’âge de 36 ans (1393), il quitta Kyor-mo-luù où il avait enseigné pendant l ’hiver, accompa gné par huit élèves dont q u a tre 1 étaient originaires du Ü et q u atre2 provenaient de l ’Amdo. Le premier lieu q u ’ils choisirent comme rési dence fu t Chô-lun de la principauté d ’Ol-kha: les seigneurs de l ’en droit* devinrent leurs sbyïn-bdag (patrons ou «distributeurs d ’au mône»). Ensuite nous voyons Tson-kha-pa enseigner dans divers lieux, particulièrement à Lho-brag où il fu t invité par le grand lama Nam-kha-gyal-tshan \ Il y enseigna au clergé le Śiksãmuccaya, et reçut lui-même du lama des explications concernant « les degrés du chemin de l ’illumination », et des instructions pour son grand ouvrage de l ’avenir. Le plan de cette œuvre, le Lam-rim-Chen-mo se dessina alors nette ment dans sa pensée. Une comparaison soigneuse des textes lui donna une certitude parfaite en ce qui concerne la théorie du Chemin, com mençant avec le premier souhait de chercher la protection d ’un pré cepteur spirituel, et finissant par les instructions sur le recueillement et la tranquillité d ’esprit (śamatha, zi-gnas), sur la contemplation analytique (vipaśyanã, lhag-mthon) et sur le chemin du Grand Véhi cule en général et les méthodes spéciales du M antrayâna : en somme, le caractère, la gradation du chemin etc. Il accepta le système de Dïpamkara Śrījñāna (Atīśa) exposé dans le Bodhi-patha-pradîpa avec les instructions supplémentaires du grand maître Po-to-ba et du traducteur Lo-dan-sei-rab. Il pensait cependant que les préceptes d ’Atiśa manquaient d ’instructions sur le «chemin ordinaire», et q u ’il était nécessaire de les ajouter: il s ’agissait d ’instructions con cernant la manière de prêcher et d ’étudier. Ici Tsoń-kha-pa emprun ta beaucoup au premier chapitre du Chos-hbyun de Bu-ston. 1 Dpal-ldan bzań-po, Rtogs-ldan Byań-chub-seń-ge, le Sthavira Rin-chen-rgyal mtshan et le Sthavira Bzań-skyoń. 3 Rtogs-ldan Hjam-dpal rgya-mtsho, Śes-rab-grags, Hjam-dpal-bkra-éis et Dpal-skyoù. * Le chef de Ol-kha était un des 13 princes indépendants du Tibet de cette époque. 4 Voyez Tsibikov, p. 305, légende de la mort de ce lama. Peu de temps après, il se rendit à Sen-ge-dzoń du bas IVal (Gñalsmad) où il prêcha beaucoup sur l ’importance d ’une discipline mo nastique sévère et la nécessité de rétablir le Vinaya dans toute sa rigueur. Ces paroles du Jé-lama devinrent essentielles pour l ’ordre des Gué-long-pa fondé par lui. Après, il enseigna dans plusieurs au tres collèges, notamment à Ra-dön (Rva-groń) du haut Aal (Gñalstod), où le lama Dar-ma-rin-chen, qui avait subi l ’examen de dkahbcu, s ’attacha à sa personne : il devait être son élève principal. Puis nous voyons le Jé-lama passer un an dans un ermitage soli taire à Lha-diń (Lha-sdiñs). Là il s ’occupa du système Mâdhyamika, de ses deux branches Prâsangika et S v â tan trik a !, car il restait encore en doute sur certains points. Une analyse du commentaire de Buddhapâlita lui donna une certitude parfaite concernant l ’essentiel du système de N āgārjuna et d ’Âryadeva. Il se décida définitivement pour le système Prâsangika, la théorie du relativisme absolu, en reje tan t le semi-réalisme des Svâtantrikas. Il composa alors, dans le style des hymnes de Nāgārjuna, un hymne (bstod-pa Legs-bsad-sñin-po), une glorification du Bouddha comme l ’auteur de la doctrine de la Causalité Relativea, — ouvrage très estimé par les savants tibétains. Suivent des périodes d ’enseignement dans divers collèges, à Potala, etc. De ce temps-là datent ses paroles concernant les quasi-Mahāyānistes qui n ’observent pas les règles de la doctrine et du chemin commun du Mahāyāna, obligatoires aussi pour les Tantristes, — les paroles qui trouvèrent leur expression dans le Lam -rim : «A l ’ex ception de certains détails, — concessions ou interdictions, — les écri tures bouddhiques sont parfaitem ent d ’accord. Donc, si l ’on monte aux degrés supérieurs des trois Véhicules ou des cinq Chemins, il faut posséder complètement les mérites des degrés inférieurs. En ce qui concerne le chemin des six perfections (pãramitã-mārga) , il est dit dans la Prajñā-pāram itā*: «L e chemin de tous les vainqueurs, du passé, du fu tu r et du présent, est celui des perfections, et il n ’y en a 1 Thal-raû (c’est-à-dire Thal-hgyur-la et Ran-rgyud-pa). 9 pratītya-samutpãda, 9 Samcaya. pas d ’autre. » Le canon du chemin pour arriver à la position d ’un Bouddha étant ainsi comme le tronc d ’un arbre, on ne doit pas l ’aban donner. Ceci est dit plusieurs fois dans [les textes du] Vajrayâna. Le chemin des Perfections est également commun aux Sûtras et aux Tantras. Le chemin de la Magie (guhya^mantra-mârga) existe au-dessus de celui-ci avec ses consécrations, ses vœux, ses observances et ses deux degrés (utpatti-krama et sampanna-krama) et tous les articles supplé mentaires. Ce chemin est un moyen pour arriver rapidement à la posi tion d ’un Bouddha, mais ceux qui, [voulant s ’en servir], rejettent le chemin commun, commettent une faute très grave1». Tsoû-kha-pa attachait une importance capitale au chapitre sur la Moralité (sïla-patala) de la Bodhisattva-bhümi, q u ’il regardait com me essentiel pour les règles de conduite d ’un Mahāyāniste. Le biographe nous montre alors le Jé-lama poursuivant avec son maître Ren-da-pa à Ra-deń (Rva-sgreń) des discussions subtiles sur les textes principaux du Mahāyāna. Tsoû-kha-pa préparait en ce temps-là des extraits du Mahāyāna-sütrālamkãra. Enfin dans l ’ermi tage de Brag sen-gei-sh’ol, il commença la composition de son œuvre la plus connue, le grand Lam-rim (Degrés du Chemin) « un compen dium de l ’essentiel de la doctrine bouddhique selon les théories de Nāgārjuna et d ’Asaûga, qui montre les moyens d ’arriver à la posi tion d ’un Bouddha pour ceux qui en sont dignes ». (Khai-dub). Son ouvrage suivant fu t un commentaire sur le Śīla-patala, de la Bodhisattva-bhümi. Au nouveau collège (dgon-gsar) de Lhà-phu, il enseigna le Pramāna-vārttika à de nombreux étudiants. 1 Lam-rim, édition de Tshe-mchog-glin, II, 13 b 7-14 a 4. « De-ltar-na dmigsbsal-oan-gyi gnaù bTcag hgah-re ma-gtogs-pa gsuù-rab-rnams śin-tu-mthun-pas theg-pa gsum-mam lam lùa lta-bu goù-ma goù-mar hjug-pa-na theg-pa daù lam hog-ma-hog-mahi yon-tan-gyi rigs tshaù-ba dgos-so / / pha-rol-tu-phyin-pahi lam-ni rgyal-bahi yum-las / rgyal-ba hdas daù ma-byon da ltar gaù bêugs-pa / hun lam pha-rol-phyin-pa hdi yin gzan ma-yin / Ses gsuùs-pa-ltar saùs-rgyas-su bgrod-pahi lam-gyi gzun śin lta-bu yin-pas dor-du mi-run-ùo / / hdi-ñid rdorjehi theg-pa-las Tcyan maù-du bhah-stsal-pas-na mdo rgyud gñis-lcahi lam thunmon-bàho / déhi steù-du gsaù-sùags-Tcyi lam thun-mon-min-pa dban dan damtshig daù sdom-pa daù rim-pa gùis hTchor daù-bcas-pa bsnan-pas saùs-rgyas-subgrod-pa ym-gyi lam thuù-moù-ba dor-na nor-ba chen-poho. / / Il fau t rem arquer ici que le Jé-lama prit, en ce qui regarde les textes de logique et la nécessité de les étudier, une attitude toute différente de celle de ses prédécesseurs, Bu-ston et autres savants célèbres. Pour ceux-ci la logique était seulement une branche auxi liaire «utile comme un moyen de purifier un peu l ’intelligence pour l ’étude d ’autres traités, ceux de la véritable philosophie bouddhi que ». Ces savants considéraient donc la logique comme une science séculière n ’ayant q u ’un rapport indirect avec la doctrine. Nous avons l ’expression de l ’opinion de Bu-ston dans la première partie de son histoire1. Tson-kha-pa, au contraire, tenait la logique pour essentielle et indispensable ; il y voyait une partie inhérente de la philosophie, une branche obligatoire pour tout étudiant des collèges monastiques. Son élève Gyal-tshab Dar-ma Rin-chen, l ’auteur des grands commentaires (Dar-tïk) du Pramâna-samuccaya, du Pramāna-vārttika et du Pramâna-viniêcaya était complètement de son avis. Nous avons l ’expression de cette opinion de Tsoû-kha-pa dans son autobiographie2: « Dans cette région septentrionale, en ce qui concer ne la théorie de la logique, des personnes savantes et non-savantes disent à l ’unanimité que dans le Sūtra (Pramāna-sūtra, c ’est-à-dire Pramâna-samuccaya) et les sept traités de Dharmakîrti, il n ’y a pas de préceptes pour la réalisation des moyens qui mènent à l ’illumina tion suprême. Cependant le « Génie à la voix douce » (Mañjughosa) a dit jadis à Dignâga: « Compose cette œuvre; dans l ’avenir, ce sera l ’œil (le critérium juste) pour tous les êtres vivants». Ces paroles, cet ordre, il fau t le regarder comme décisif, comme bien supérieur à tout ce q u ’on répète à tort. D ’ailleurs, en examinant ce sujet, en étudiant le vers initial dédicatoire du Pramâna-samuccaya et sa signi fication, on voit que pour établir la validité [et la nécessité] de la logique, le Seigneur lui-même est représenté, par la méthode positive et négative (anvayavyatireka), comme la logique personnifiée *, faisant 1 Voyez ma traduction, Vol. I, p. 45-46. a Vol. II (kha), fragments (thor-bu). * pramãna-bhūtāya jagad-dhitaiçine... voyez Bu-ston, trad. Vol. II, p. 150» autorité pour ceux qui cherchent la libération [des liens mondains]. E t j ’ai eu la certitude profonde que cette théorie de logique était bien sa doctrine (la doctrine du Bouddha), un passage pour ceux qui veu lent être sauvés. Alors, ayant fait un recueil de tout l ’essentiel des chemins des deux véhicules, je les ai enseignés en me servant de la méthode de logique et je fus rempli d ’une joie infinie»1. Après une nouvelle période d ’enseignement, le Jé-lama fit paraître un de ses plus célèbres ouvrages, le Grand Chemin de Science Occul te (Gsaô-chen-lam-gyi rim-pa = Sñags-rim-chen-mo)a, exposé som maire des doctrines des quatre Tantras. Le but q u ’il se proposait était, comme on l ’affirme, de « purifier le système tantrique, d ’inter préter correctement les textes dont les hommes d ’une conduite per verse se servent comme d ’une autorité qui leur permet de se livrer aux plaisirs sensuels ». Q u’est exactement le « tantrism e pur » de Tsoù-kha-pa ? Nous n ’en pourrons juger q u ’après une analyse de ses ouvrages tantriques. La question des Tantras est certainement bien difficile ! Deux ans après, le Jé-lama se rendit à Jan-chub-luù, puis à Se-ra Chô-din, enseignant infatigablement la philosophie et les doctrines tantriques du Guhya-samâja etc. Il se préparait aussi pour les grands ouvrages dans le domaine du Tshan-ñid, en examinant de nouveau la doctrine de la śūnyatā. Ces livres, qui furent rapidement achevés, étaient: le Legs-bśad-sñiń-po, traité contenant l ’analyse du sens con ventionnel, (neyārtha = drań-don) et du sens direct (nītārtha = 1 Fol. 54a 2-5. Byan-phyogs hdi-na tshad-mahi gzuù-lugs-la / sbyahs daù masbyañs ãu-ma mgrin-goig-tu / mdo dań sde-bdun Tcun-la byah-chub-tu / bgrod-pahi ñams-len rim-pa yod min zer / Hjam-pahi dbyans-Tcyis Phyogs-lcyi glań-po-la / dnos-su hdi rtsoms hdi-ni ma-hoùs dus / hgro-ba-Tcun-gyi mig-tu bgyur-ro-èes / gsuh-gi gnan-ba stsal-pahan tshad-mar-byed / de-ni mi-rigs smra-bahi phuî-byun-du / mthoù-nas lhag-par tshul der-dpyad-pa-na / Tshad-ma ùun-las-btus-pahi mchod-brjod don / tshad-ma grub-par lugs-hbyuń lugs-ldoggis / rnam^grol don-āu-gñer-la bcom-ldan-hdas / tshad-mar bsgrubs-śiń de.las de-yi-ni / bstan-pa-Tcho-na thar hdod hjug-ûogs-su / nes-pa gtiù-nas rñeã-pas theg gñis-lcyi / lam-gyi gnad Tcun hdril-bar rigs-lam-nas / legs-par thon-pas IhagVar dgah-ba med / / * Tome I I I (ga) des œuvres de Tsoû-kha-pa. nes-don), des paroles de Bouddha, autrem ent dit un exposé des doc trines principales Yogācāra et Mâdhyamika, et le grand commentaire du Müla-mâdhyamika \ E n ce temps-là, la célébrité du Jé-lama parvint ju sq u ’à la Chine. L ’empereur Yun Lo de la dynastie des Ming (1403-1425) 2 envoya une légation pour l ’inviter à venir en Chine, mais Tsoû-kha-pa n ’ac cepta pas l ’invitation considérant que le voyage présentait, avec beau coup de difficultés, peu d ’utilité. Il continua donc son activité de professeur, enseignant dans divers collèges les textes du Tshan-ñid et du Tantra. Plus tard, en 1409, il présenta à Lha-sa des offrandes à la grande statue du Bouddha Śākyamuni. Le Jé-lama et ses élèves se firent « distributeurs d ’aumônes » pour 8.000 membres du clergé. La grande cérémonie des « bénédictions de Lhasa » 8 fu t instituée. C ’est aussi vers 1409 q u ’il choisit le «m ont solitaire» (Hbrog-ri) comme le lieu du nouveau centre religieux q u ’il était en train de fon der. Après, à Se-ra Chô-din, il enseigna à 600 étudiants le Mülamâdhyamika, le Lam-rim, etc. Ensuite, ses deux grands élèves, Dar-ma Bin-chen et le « Vinayadhara » 4, exécutèrent l ’acte de la fondation du monastère de Gué-dan (ou Gândan) 5 Nam-par-gyal-pai lin (Rnampar-rgyal-bahi-gliû)a, avec l ’aide des «distributeurs d ’aumône» de ce district. Le Jé-lama y fit sa résidence habituelle à p a rtir de l ’an du Tigre ‘ et se mit aussitôt à enseigner : le Pradâpa-uddyotana 8? com mentaire du Guhyasamâja, VAbhidharma-samuccaya, la Yogacaryâbhümi, les textes de la logique etc. E n même temps, il composa son commentaire du Guhyasamâja et du Jñāna-vajra-samuecaya. L ’année suivante, il fit paraître ses ouvra ges sur le Paüca-krama. 1 Tome X III (ba). a Voyez Tsibikov, p. 345. * Lhasa-smon-lam. 4 Grags-pahi-rgyal-mtshan. 6 Dge-ldan (Dgah-ldan), voyez Tsibikov, p. 306. 4 Sur les successeurs de Tson-kha-pa à Gândan, voyez ibid. pp. 312-313. 7 1409-1410. • Tangyur, Rgyud, X X X V III, 1-233. Khai-dub raconte que, peu de temps après, quand le maître eut atteint l ’âge de 57 ans, «des signes menaçants vinrent se montrer qui indiquaient que sa vie était en danger ». Le maître se soumit à une série d ’exercices de Yoga et à des «machinations tantriques » pour prolonger sa vie. Puis, après un court séjour à Ta-si Do-khar, il revint au grand monastère de Guédan, où il composa ses autres ouvrages tantriques: le grand commentaire du cycle de Cakra-samvara selon le système de Lui-pa, etc., et rédigea le Guhyasamāja-mūla-tantra avec le Pradîpauddyotana, commentaire de Candrakîrti. Enfin, en 1418, un an avant sa mort, il prêcha ses grands sermons à Guédan; « il fit tourner la Roue de la Doctrine », comme dit Khaidub, qui le considérait comme tout pareil à un Bouddha. Il expliqua les textes tantriques, le grand commentaire du Kâla-cakra appelé Vimálaprabhãy les textes de Mâdhyamika, Pramâna, etc. Il achevait aussi la composition de son grand commentaire (Rnam-bsad-chen-mo) du Mādhyamika-avatãra \ et il faisait préparer les planches du xylo graphe du Guhyasamãja-mūla-tantra avec le commentaire Pradlpauddyotana. Telle fu t l ’activité du Jé-lama, — activité de grand savant et grand professeur. Etudes sans relâche, enseignement dans les collèges mo nastiques, composition d ’œuvres éclaircissant les sujets les plus difficiles de la philosophie du Mahāyāna et des Tantras, voilà en som me la vie du grand maître. Comme nous l ’avons dit, notre but était de donner une esquisse de Tsoù-kha-pa comme pandit. Il est impossible de signaler tous les détails q u ’on lit dans la biographie composée par Khai-dub, de nom mer toutes les personnes qui ont eu des rapports avec le Je-lama, de narrer les derniers événements de sa vie et de sa mort (en 1419). Nous espérons publier bientôt une traduction complète de la biographie; c ’est un texte extrêmement difficile, parsemé de termes techniques, de titres d ’ouvrages, de noms de lieux, etc. et d ’une quantité d abré viations. 1 Tome XV (ma). Nous voulons cependant, pour conclure, résumer un passage de Khai-dub (fin du cinquième chapitre), qui montre quelle importance les sectateurs de Tson-kha-pa attribuaient à l ’activité de leur maître comme fondateur d ’un nouvel ordre religieux, d ’une nouvelle école: ils voient en lui le saint qui a rétabli l ’ancienne discipline du Boud dhisme. Khai-dub s ’arrête particulièrement sur les mœurs dissolues du clergé tibétain contemporain. Il parle de l ’inobservance des règles du Vinaya, de l ’usage du vin et des repas superflus, de la pratique des jeux et de la danse, de la sensualité et de l ’immoralité des « tantriciens » !, du mariage des grands-lamas. Il parle aussi des « méditateurs » pour lesquels le Vinaya et les règles monastiques en général concernaient seulement les Śrāvakas, les gens du P etit Véhicule, et étaient des liens inutiles pour le Mahāyāniste. Il parle de ceux qui rejetaient même les vêtements de moine et prétendaient se passer de l ’Ecriture. « A cette époque », dit Khai-dub, « où il existait seulement une semblance, une fiction de la vraie Doctrine, le Jé-lama parut dans cette région du Nord pour guérir la Loi », pour rétablir les règles de la discipline, pour restaurer les préceptes oubliés qui triomphèrent avec lui dans tout le pays du Cachemir à la C hine2. 1 Voyez L. de La Vallée Poussin, « A propos du Cittaviśuddhiprakarana d Āryadeva », B.S.O.S., Vol. VI, part 2, 1931. a Khai-dub compaie encore son maître avec Nãgãrjuna en considérant tout son mérite pour l ’exposition des doctrines mahāyānistes et leur interprétation conforme aux textes originaux. Some glosses upon the Guhyasamaja. Doct. Benoytosh B hattacharrya has recently edited the Sanscrit text of the Guhyasamāja and, in the introduction to the same, has, with his usual learning, dealt with the signifieance of this T antra \ On account of my studies in Lamaism and of the work, in which I am now engaged, of deciphering the wall-paintings of the WesternTibetan Tem ples2, many of which were inspired by the Guhyasamāja, I took up again, with the help of the extensive Tibetan literature connected with it, the investigation of this T antra and I collected some materials which I hope shortly to publish. Meanwhile, leaving aside the Tibetan developments of the schools derived from the Guhya. and their literature, with which I have dealt in the IV th Vol. of Indo-Tibetica, I shall write in the following pages a few notes upon certain passages of the printed text, which must, I think, be eorrected or deserve considération. I. F irst of ail : it seems to me that the text of the Guhyasamâja consisted originally of 17 chapters only: the X V IIIth, which cornes at the end, is a later addition and a kind of a summary of and a commentary upon the previous chapters ; it explains the difficult and mystic terms and it is w ritten in a style which, to a doser examination, 1 Guhyasamâja Tantra or Tathāgataguhyáka in G a e k w a d ’s O r i e n t a l S é r i é s , vol. L U I. a 1 Templi del T ibet Occidentale, I n d o -T ib e t ic a vol. II I d and IV th. appears to be quite différent f rom that of the sańgīti which précédés ; there, we also find mention of théories which seem to be peculiar to other schools : e. g. that of the sadańgayoga which is strictly connected with the Sekoddeśa and the K ālacakra1. Against this view the fact may be objected that the Chinese version2 of the same text includes the X V IIIth chapter ; bu!t it mnst be noted th at this trans lation is very late, since it was the work of She hn (Dānapāla ?) who went to China in the year 980 A. D. We possess, on the other hand, a fairly old commentary upon this T antra written by Candrakīrti, according to the teachings of Nāgārjuna, edited in its Tibetan trans lation, and glossed upon by Tsoń k ’a p a .8 This work comments upon X V II chapters only (cp. fll. 15-39). This proves beyond any doubt that at the time of Candrakīrti the text of the Guhya consisted or was acknowledged to consist of 17 chapters only. I t is even quite possible that a mystic significance was given to 1 The Sekoãdeśa-tīkā by Nāropā in which the ßaãañgayoga is explained in détail is being edited by my pupil Doctor Carelli. a This translation is to be found in Vol. X V III of the Taishō édition of the Chinese Canon p. 469, and it cannot be considered as a perfect rendering of the original; in many a place it alters completely the meaning of the text, as it has been preserved in Sanscrit or in its Tibetan rédaction; some renderings point out to a wrong reading or to a misunderstanding of the Sanscrit. E. g. pañcaêülam mahãjvālam of pag. 18 1. 6 has been read: omahājñānam ; at p. 27, 1. 14 prãpta dharmaksaram (cfr. also pag. 31, 1. 5) (printed text wrongly ãharmāsanam) akçara = imperishable, has been understood as: letter (wen tzu etc.). Misreadings of this kind can be found almost in every page. Moreover ail passages concerned with the esoteric rituals, in which the mūãra , viz. a girl of 16 years is employed, hâve been either omitted or completely changed. * The title of Tsoń k ’a pa ’s work is : B gyud t ’ams cad kyi rgyal po gSań ba ‘dus pai rgya c fer bsad pa sgron ma gsal bai t s ’ig don j i bzin ( byed pai me*an yi y an ‘grel pa. The Sanscrit title of the work commented upon by Tsoù k*a pa was, as known, P radipoddyotana; its author is not Nāgārjuna but Candrakïrti, who commented upon the text following the instructions (upadesas) of Nāgārjuna as he himself states not only in the Mańgalācarana of the work, but also at the end of his treatise: sgron ma gsal bar byed zes bya ba slob dpon e fen po Nāgãrdsunai man ûag rten te slob dpon Zla ba grags pas mdsad pa rdsogs. « Here ends the Pradipoddyotana composed by the Âcârya Candrakïrti açcording to the instructions of the great Ācārya Nāgārjuna » (foll, 472). this number since the gods forming the parivâra of the suprême Buddha, as introduced at the very beginning of the T a n tra 1, are seventeen ; so that we may surmise th at the compilers of the Tantra wanted its 17 chapters to correspond to the 17 gods of the mystic mandala. B ut if the X V IIIth chapter was not included in the T antra itself, this does not imply that it was unknown at the times of Candrakîrti. It was only considered to be the appendix, a kind of supplément to the other 17 chapters ; while these f ormed the mülatantra, rtsa rgyud, the last was given the name of Sam âjottara; under this title, it is quoted by Candrakïrti himself (fol. 139b, ‘dus pai rgyud p ’y i ma) by Indrabhūti in his Jñānasiddhi (p. 75) and by Nāropā in the Sekoddeśatīkā. I t was even commented upon by N āgārjuna (C ordier , Cat. I, p. 131). II. One of the points which, according to me, deserves attention is the fact that the Guhyasamâja admits of six and not of five suprême Buddhas; this means that there is some connection between this T antra and the Kâlacakra which, as known, postulâtes the existence of a first Buddha, the Âdi Buddha of which the fivefold sériés is the émanation. That, even according to the Guhyasamâja, there is a suprême Tathâgata besides the fivefold well known sériés : Aksobhya, Vairocana, Ratnaketu, Amitâbha, Amoghasiddhi, appears clear from the very first chapter, where the mandala is described which symbolically represents the émanation of the universe from the primeval source of everything through five fundamental lines of évolution — the « families » (kula, rigs) — each called after a corresponding Buddha. The name of this suprême Buddha is simply Bhagavân at pag. 2, 1. 4. where the subject of the sentence is Bhagavân (vijahâra) of pag. 1,1. 1, and where he is spoken of as enjoying the company of Aksobhya, Vairocana, Ratnaketu, Amitâbha, Amoghavajra. * pp. 1-2 from Samayavajra to Dharmadhâtuvajra. Candrakīrti commenting upon this passage (fll. 50-51) says that V ajradhara or M ahāvajradhara, as he regularly calls this supreme Buddha, is the body and the five Buddhas his five constituents or skandhas ; the symbol of this body is the mandata in its entirety ; the same view he expounds commenting upon the Illd . patala, when the ãkãśa-dhātu-mandala, in which the five Buddhas appear, is again identified with V ajradhara. A t p. 2, 1. 13 he is called Bhagavān Mahā Vairocana, the name which he is regularly given in the Chinese translation of She hu; but even in this case, Candrakīrti points in out that by this name V ajradhara is meant. Anyhow, that Mahāvairocana is quite distinct from Vairocana of the five Tathâgata-series, is clear from the context itself, since it is always the same God who, falling into samâdhi, absorbs in his threefold vajra of body, word and spirit, « the crowd (vyüha) of ail Tathâgatas ». Even in the Tattvasańgraha 1 and in the Param ãditantra we meet very often Mahâvaicorana as being distinct from Vairocana. At p. 3, 1. 10 foll. he is called : Bhagavān Sarvatathāgatakāyavākcittavajrādhipati which name is to be found very often throughout the book, and 1. 13 : Bodhicittavajra, where it is said th at ail Tathâ gatas résidé in his heart. From pages 5 to 7 it appears that the various gods of the mandata are nothing else but différent manifestations of himself: sa eva hhagavân, who emanates out of himself this or that form by the mystic force of a mantra. The sixfold sériés is also manifest in the 9 th. patata where at the head of the list we again find V ajradhara (p. 35). But how is this émanation represented in the mandalaï The importance of the mandatas consists in the fact that their diagram contains the very core of a tantric System. Each Tantra viz. each system of mystic realization has its own mandata, that is the graphie expression of its secret lore : a mistake in a mandata makes it useless, in so far as it would not represent 1 Upon this Tantra v. I n d o - T ib e t ic a , I, pp. 93-135 and id . III, p. 75. any more the tru th which it is supposed to express in its symbols. F or this reason it is not without importance to correct the mandata of the Guhyasamâja as it has been reproduced by the editor in fig. 1 of the printed text, since it does not correspond to the system of mystic émanations as described by the Guhya. 1) Aksobhya must be in the center of the mandata, since the man data itself is the body of Sarvatathāgatakāyavākcittavajra (p. 5, 1. 9) and Aksobhya — the vajra — is the first émanation of V ajradhara and his direct sambhogákāya, as expressly stated, in many a place, by Candrakîrti and Tson k ’a pa. 2) Vairocana must sit to the east, purato; but in the language of the Tantras purato or pürvam means always : in front of the image. 3-5) Then, according to the usual rule of the pradaksinâ, the other Buddhas follow: Ratnaketu to the right (south), Lokeśvara (Amitâbha) in the back (to the north), Amoghavajra to the left (tov the w est). Then the émanation of the saktis, viz. of the female counterpart of the Buddhas, takes place. According to the printed text of the Guhya these saktis appear to be five, viz, dvesarati9 moharati, īrsyārati, râgarati, vajrarati, but, as we are told by the editor himself, this fivefold arrangement is not to be found in the m anuscripts; it is due to emendations incorporated by the editor in the text. Can we accept these emendations? In no tantric text known to me there is mention of Irsy ârati; on the other hand it is évident that these goddesses are nothing else but différent aspects of those saktis usually known in the tantric literature as Locanâ (earth, Vairocana) Māmakī (water, Ratnasambhava) P āndarā (fire, Amitâbha) Tārā (wind, Amoghasiddhi). A fifth śakti viz. Dharmadhātveśvarī, as the sakti of the central god and as the last of the sériés : rüpavajrï, gandhavajrï, rasavajrî, sparśavajñ, is very rarely represented in the mandalas except when they reproduce the gods in yab-yum attitude ; such is for intance the case with the mandala of Sam antabhadra.1 1 Even in the mandala referred to at page 70 the śáktis are four. Moreover ail the sentence concerned with īrsyārati, which has been restored by the editor with the help of the parallel passages, is not to be found either in the Chinese or in the Tibetan translations. On account of all these reasons, the śaktis must be reduced to four only and their place in the mandala is as f ollows : Dvesarati in front of Aksobhya (pürvakone as in the ms.), Moharati to the right (daksina as in the mss.), Rāgarati in the back, V ajrarati to the north. The four Mahākrodhas présidé over the four gates of the mandala as in fig. 1. The diagramm of the mandala of the Guhyasamâja must, therefore, be corrected as follows. 3 % g % S5 m ! 7 3 RATNASAMBHAVA £ S « V ^ ^ AM ITABHA 1 5 AMOGHASIDDHI AKSOBHYA 2 <0. VAIROCANA p 9 10 Y AMĀNT AKRT Each of these deities is evoked, as I said, by a corresponding mantra, the bïja (Tib. sa bon) or seed, which is also used in méditation in order to vizualize the god supposed to spring forth out of it. These mantras which are called hrãaya, viãyã, or muãrã consist of a name with a suffix viz. : 1. vajradhrk, 2. jinajik, 3. ratnadhrk, 4. ârolik, 5. prajñãdhrk, 6. yamāntakrt, 7. prajñānakrt, 8. padmāntakrt, 9. vighnāntakrt, 10. dvesarati, 11. moharati, 12. rāgarati, 13. vajrarati. VIGHNĀNTAKRT 12 PADMĀNTAKRT III. I t is clear that ail these m antras can convey a meaning except ârolik, the bīja of Amitābha. I do not in fact know any sanscrit root to which we may have recourse in order to explain this strange word; nor did Candrakîrti who commenting upon this chapter gives the fol iowing interprétation of the m antra: ã means complété, ro means life; lik means going beyond (à ni ma lus pa‘o, ro ni (k yor ba, lik ni las ‘das pas na ârolik ste- fol. 72 a). I am therefore inclined to see in ârolik a sanscrit transcription of some foreign word connected with the cuit of the deity which became in India associated with Amitâbha or Amîtayus or, if it is true — as I believe — that his prototype came from outside, which gave origin to the type of the Indian Amitâbha Amitâyus. The very beginning of this mantra: âr-o reminds us of another name viz. Arapacana whose non-Indian origin has been shown by Sylvain Levi *; that name is connected with an alphabet or a mystic arrange ment of letters which is not the usual one in India. This sériés is characterized not only by its peculiar arrangement, but also by the presence of some letters which are meant to express sounds not to be found in any Indian language ; such is a letter which has been transcribed by Sylvain L évi1 as y sa. I t is regulary included not only in the Arapacana sériés, which according to S. Lévi seems to be proper of some Prajñāpāram itā-texts or of the Avatamsaka, but also in the alphabet used by the Kâlacakra System of thought, which contains many allusions to-foreign ideas and admits, as the Guhya, the existence of an Âdibuddha. Though the alphabet there given follows, as a rule, the order of the Indian grammarians, the sériés of the sibilants always includes five letters viz. : sa, ysa, sa sa, ska. 2 Let us see if there are other facts which may lead us to consider with a doser examination the question of the analogies of some of 1 Y sa, G. K olff & Co Weltevreden. * Cfr. V i m a l a P R A B H â , patala, 5 th., 6 th., 7 th. the doctrines expounded in the Guhyasamāja with other religious Sys tems which developped outside India. I say : analogies, on purpose. The question of influence must — according to me — be left to a second time, when the literature concerned has been sufficiently explored and the religious expériences which the Tantras describe will be better known wùth their allégories and their symbols. For the présent, we must be satisfied with tracing these points of similarity from which further conclusions may later on be drawn. The number of the 13 deities out of which the mandata of the Guhya results could remind us of the 13 members of the first création accor ding to the Manichæan cosmology. B ut in fact our system présuppo sés a serie§^(rf 14 elements since, besides the five Tathâgatas, which are effectively represented in the mandata, their primeval source viz. the V ajradhara or Âdibuddha, though identified with the mandata, is an entity by himself. Moreover while the Manichæan sériés is composed of 1 (lightfather) + 5 (light elements) + 5 (gifts) -f- 2 (Chroschtag and Padvachtag), our mandala results of 5 - f 4 - f 4. So there is no reason for pressing any further the analogies of num ber, since the realities which they are supposed to express do not correspond. We have seen that according to the Guhya we must distinguish a suprême Tathâgata from his five émanations. This fact implies that the five-Tathâgatas system — which plays such an im portant p art in Mahāyāna and in the mystic liturgy of many Tantras — has given the place, in the school of our text, as well as in that of the Kâlacakra, to a monotheistic and emanationist .view. Of course, in Buddhism itself we can trace the doctrinal elements which may have given origin or contributed to such a theory. Not to speak of the notion of īśvara which is deeply rooted in Indian soil, the Buddha-kâyas doctrine could have provided such a monistic view with its metaphysical background in so far as, besides the nirmâna-, the sambhoga- and the dha/rma-kâya, another body was postulated viz. the svãbhãvika-kãya (ùo bo ñid, in Tib.) which repre- sents the very pit of every existence and whose formulation can be traced back to the times of Maitreya (Abhisamayālańkāra) ; while, on the other hand, there can be little doubt that this svãbhãvika-kāya inherited the metaphysieal legacy of tlie Tathāgatagarbha of the Lańkāvatāra and the Sam ādhirājasūtra \ But the peculiarity of our system consists in the fact that this unique reality which is ontologically the source of everything is spoken of as a suprême God ; ail universes are his émanations and his glories. In the first stage of his évolution he projects out of himself the five Tathâgatas by whose activity he opérâtes in the world and by whose means he can again be realized by the créatures. Moreover the five Tathâgatas présupposé a complété assimilation of the macrocosmos with the microcosmos dehe viêvasyo mânanam* : the émanation of the Universe from the primeval God and the création of the body is the same ; in the higher stage of méditation the mandata is this very body of ours which contains in itself the universe in its entirety. So the five Tathâgatas are said to be the five skandhas of the Y ajradhara and, on the other hand, in the human beings, these five skandhas are said to be the five Tathâgatas themselves. p. Pañcaskandhãh samāsena pañca buddhãh prakīrtitãh 137) (G u h y a , P añcabuddhasvdbhāvatvāi pañcaskandhā jinãh smrtãh p. 41) ( J nana - s id d h i , B ut from many a passage of our text it appears th at the skandhas with which the Tathâgatas have been assimilated are not the skan dhas of the old Abhidharma but are rather considered as luminous elements. The mandata described in the I I I d. patala is pañcaraśmi1 A p r o p o s o f th e s ix f o ld s é r ié s (5 T a t h â g a t a s -f- 1  d ib u d d h a ) o f o u r t e x t a n d o f th e K â la c a k r a w e m u s t r e m e m b e r t h a t th e r e is , b e s id e a fiv e - s k a n d h a s e r ie s , a l i s t o f s ix s k a n d h a s w h ic h a d m it s o f a j ñ ã n a s k a n ã h a above th e s ix tr a d it io n a l o n e s : « e v a m p a ñ c a ã h ā t u k u l ā n i j ñ ã n a ã h ã t u n ā s a h a s a d k u l â n i h h a v a n t i ; t a t h ā p a ñ c a s k a n d h a k u l ã n i j ñ ã n a s k a n ã h e n a s ā r d h a m $ a d k u l ã n i b h a v q n t i . V im a la p r a b h ū , 6 t h . p a t a l a . W e e a n n o t s t a t e a s y e t i f t h is th e o r y in f lu e n c e d t h a t o f th e s ix B u d d h a s o r i f i t w a s r a th e r it s m ic r o c o s m ic o u tc o m e . 3 V im a ia p r a b h Ā , 5 th . p a t a l a . samākīrna ; the Mahãratna viz. the bodhicitta which must be meditated upon (p. 15) is pañcavarna ; Aksobhya-vajra, about whom we are told at p. 35, is pañcaraśmiprapürita because he contains the other Buddhas, being assimilated in this case with V ajradhara. The comm entary of Candrakïrti with the glosses of Tsoń k ’a pa which represent the traditional views of the schools is particularly interesting. From it appears that those essences called either Tathāgatas or skandhas were considered to be mere luminous elements; their being is represented by an inherent light assuming a particular colonr (flL 97 a) de bzin gzegs t ’ams cad ni ‘od zer lha pa 'o, « all Tathāgatas are five lights ». A gloss of Tsoń k ’a pa explains: ‘byuń ba bzii rluñ la (od zer bzir rgyu ba ste ... Ińa pa ni k ’ab byed nam m k ’a, rluñ ste, « In the wind of the four elements there is the motion of four lights; the fifth is the wind of ether which is all-pervading». On the other hand, the dharmadhâtu viz. the transcendent form of V ajradhara is light itself (p. 99 b) c’os kyi dbyińs ni ‘od gsal ba ste. tin ne ‘dsin ni de la dmigs pa‘o, « The dharmadhâtu is shining light and the concentration is its perception ». A little above, while commenting upon the verse : « he must meditate upon the mandala of the Buddhas as being in the middle of Ākāśa », after having stated that Ākāśa is V ajradhara himself, Candrakïrti rem arks: de Ita bui rnam pai sans rgyas kyi dkyil (k 9or ‘od gsal bar ‘jug par sgom par bya, « Then he must meditate upon such a mandala of the Buddhas as being placed upon the shining light. » According to Tsoń k ?a pa the absolute truth, viz. the immédiate intuition (nirvikalpa°) is the mystic knowledge of this light (‘od gsal) and by it one purifies the infections of samsâra (p. 99). In another place (fol. 169 a) the following équivalence is established : prajñāpāramitã, paramārtha, ‘od gsal gyi ye ses, light-wisdom. The same theory is to be found in the commentary upon the Param âditantra by Ânandagarbha (Bstan ‘gyur, yi, 232) where the essence of all things is said to be luminous prakrtiprabhâsvara, cfos t ’ams cad ni ram bzin gyis ‘od gsal ba‘o (as in the Guhya p. 13 prakrtiprabhāsvarã dharmãh suviśuddhā nabhahsamãh) and it is stated th at as soon as this has been realized one obtains : « the wisdom of tbe essential light » rañ bzin gyis (od gsal bai ye ses. So we have the f ollowing correspondent : Dharmadhātu = vajradhara — 6od gsal. — 5 émanations = 5 Tathãgatas = 5 skanãhas = 5 shining lights corresponding to the 5 elements. The Guhya belongs to th at class of Tantras which admit of a girl called mudrã as an essential element of the rites of mystic initiation. The sddhaka mnst imagine himself to be the deity of his own esoteric « family » and, by the union with the girl supposed to symbolize the corresponding sakti9 he is bound to experience the paramânanda, viz. the suprême bliss, through stages of méditation and self-control which are described in the exegetical literature specially preserved in Tibetan. So commenting upon the mystic union of the Buddhas with the corresponding sakti, alluded to at p. 29, 1. 2, Candrakîrti and Tsoû k ’a pa state that the bodhicitta is the drop, bindu, which on account of the samâpatti of the two organs flows from the top of the head (byon c’ub kyi sems [kyi t ’ig le spyi bo nas] 1 dbab par bya’o, fol. 162 a) and it fills the same two organs with a flash of fivefold light (sñoms par ‘jug pai dus su dkar po la sogs pai (od zer Ina rnams rdo rje (masculine organ) dan pad mai (féminine organ) nari du yons su gan bar bsgom par bya ‘o. « During the time of the union [with the sakti] one must meditate upon the vajra and the padma as being filled in the interior with the fivefold lighlt, white etc. ». Ail these points which have shortly been dealt with, lead to the conclusion that the Mahāyāna dogmatics as expounded in the Guhya samâja had a marked tendency to emphasize the importance of the luminous elements in the process of cosmic émanations as well as in th at of mystic salvation. I t can hardly be denied th at this doctrine has strange analogies with the Manichæan system in which the five luminous elements play a prominent p a rt in cosmology as well as in soteriology, though, of course, the analogy is limited to this parti1 The passage in square brackets is by Tson k ’a pa. cular point does not involve, at least in this Tantra, other essential charaeteristics of Manichæism such as the dualism between light and darkness, the three days, and the two nights, the triple création, the envoys etc. \ B ut as to the five light-elements, they appear there in the very first création and represent the divine in the world, ail the drama of salvation being in them. In the Chinese treatise they are called the « five lights », the « five light-bodies » or « the five Gods of great light » : this expression corresponds to the ponznōn rōsnōn of the Iranian documents and is used by the translator of the Guhya to render the: pañcaraśmi of the sanscrit text. Even the identification of light with the mystic knowledge reminds us of the luminous yveocnç of the Manichæans2; Tsoń k*a pa usually calls it : ‘od gsal kyi ye ses, viz. light-wisdom. The fact itself th at the divine in us is the bodhicitta and th at this has been identified as we saw with the semen, points to strange ana logies with similar beliefs of the Manichæans : « divinas enim virtntes, quantum possunt, imitari se putant, ut purgent Dei sui partem : quam profecto sicut in omnibus corporibus coelestibus et terrestribus, atque in omnium rerum seminibus, ita et in hominis semine teneri existimant inquinatam 8. Even the other practice referred to by Augustin is not without parallel, because eating of êukra is often alluded to in the text of the Guhya and sukra is regularly included even now in the so called na/h m c’od of the esoteric Tibetan ritu a ls 4. The question of Manichæan influences upon Mahāyāna and Lamaism has, no doubt, already been dealt with in some q u a rte rs6 1 Moreover, as known, tlie Manichæan sériés of the elements contains light instead of earth : but in the Guhya earth is — Vairocana. 2 E . W a l d s c h m id t a n d W . L e n t z , Manichâische Dogmatik aus chinesischen und iranischen Texten, Berlin 1933, pp. 40 and 89. 3 De haeres. c. 46. * Upon the préparation of the nafi m o’od for the sãāhana of Cakrasamvara Rnal ( byor gyi dbaù p*yug Lui pai lugs kyi bcom ldan adas <k ’or lo sdom pai sgrub pai t*abs bde c*en gsal ba by Tson k #a pa, fol. 32 where the semen is also called: byaù sems. * By G r ü n w e d e l , quito recently in his Die Legende des Nāropā upon which see my forthcoming review in the Journal of Royal A siatic Society. though, I think, rather unsuccessfully. B ut I am convinced that some light upon this very interesting problem can only be derived from the investigation of the théories and liturgies expounded by the Guhyasamāja, the Tattvasańgraha, the Śamvara and the Kālacakra-Tantras, viz. by Systems of ^mystic realizations which were elaborated upon or developed with spécial preference in North-West India or Uddīyāna, that is in those countries that on account of their geographical position entertained regular exchanges with foreign cultures. Nor can we ignore the Tibetan sources which, as I hope to show shortly, point out to Iranian influences since the Bonpo times. Moreover, even supposing that no certain influence of one system upon another can be demonstrated, and th at the analogies which are likely to be discovered are purely accidentai — which, I fhink, is not very often the case — the results of this investigation will prove useful to our knowledge of the Tantras; it will in fact be realized that the Tantras and their expériences cannot be dissociated from the mystery religions. Even if there is no connection between the Tantras and foreign Systems of thought, it can hardly be denied that they are the outcome of a religious psychology and of a mystic urge which in W estern or Central Asia and then in the Mediterranean, inspired analogous expressions. IV. The Guhyasamâja is not a philosophical text, being chiefly concerned with mystic realizations and the description of the esoteric liturgies which were supposed to lead to the suprême bliss of samâdhi. Only one of its chapters deals with metaphysical questions, in so far as it tries to détermine the character and the essence of the Bodhi. It contains some gãthās in which the Adibuddha (called Sarvathāgatakāyavākcittavajra) first, and the five Tathâgatas, after, are supposed to expound the tenets representing the dogmatical and and metaphysical background of the mystic sāãhana of the Guhya. The teaching is based upon the Mãdhyamika standpoint in so far as all dharmas are said to be beyond perception and devoid of any essence. The importance of these kārikãs has been reeognized by the editor who in the introduction to the text has published an English translation of them all. I shall therefore reconsider the gãthā uttered by the Adibuddha since, I think, its reading, as printed at p. 11 is defective. Mr. Bhattacharyya reads: abhãve bhãvanãbhāvo bhāvanā naiva bhãvanā iti bhāvo na bhāvah syād bhãvanā nopalabhyate, and understands : « Neither the perception nor the absence of existen ce in non-existence can be called perception, nor the perception of non-existence in existence can be discovered. » The verse is very im portant since it is meditated upon in the process of the mystic expériences connected with the mandata of the Guhya and the complex and long rituals which it requires. The Tibetan trans lation of the Guhya is accessible to me in two manuscripts, fairly old, which I found in some monasteries of Western Tibet. Both of them read the verse as follows: dnos po med pas sgom pa med / sgom par bya ba sgom pa min / de ltar dńos po dnos med pas / sgom pa dmigs su med pa‘o / This is also the reading quoted in the dPal gsań ba ‘dus pai mńon rtogs nag ‘don gyi c’o g a and that which can be reconstructed from the commentary of Candrakîrti. The Sanscrit text must therefore be corrected as follows: abhāvena bhãvanãbhāvo bhãvanā naiva bhāvanā / iti bhāvo na bhãvah syãd bhāvanã nopalabhyate / / where the first pãda is hypermeter, like the preceding gãthā or the first one at pag. 13 etc. : « Since everything (viz. m atter bhājana-loka and beings sattvaloka: snod bcud) has no proper essence there can be no contemplation (because there would be no object of contempla tion). Contemplation itself cannot be contemplated upon (as being existent). In this way, since nothing is possessed of an essence, it is impossible to conceive any contemplation (in its three moments, viz. object to be contemplated upon, subject contemplating and act of con templation) . As to the Chinese translation it hardly conveys any satisfactory meaning. G iu s e p p e T u c c i. Notes de bibliographie bouddhique1 p a r L. de L a V allée P o u s s in . la. Paul Mus, Cultes indiens et indigènes au Champa, p. 44, pho tographies, Hanoi, 1934 (Conférence faite au Musée Louis Finot le 30 avril 1934). Paul Mus écrit des pages neuves et solides sur les origines de l 'hindouisme : la p art du non-ârya ou, comme disait le génial Garrez, du «çûdrisme», dans la civilisation hindoue. — Les paragraphes sont intitulés: «L T nde pré-âryenne et l'Asie des Moussons; La religion védique et le brahmanisme ; La synthèse hindouiste ; Forme actuelle des cultes chams: les k u t ; Survivances et profondeur de l'influence indienne au Champa » (Dieu du sol, pierres, yaksas, Çiva et le lińga, tablettes chinoises, stûpas et k u t ...). — Ce mémoire, qui plaît et satisfait, me paraît de grande importance, digne de l'étude des indianistes et des « historiens des religions ». « La mise en forme brâhmanique a assuré à l'élément indo-européen une prédominance théorique [Ainsi Visnu et Ç iv a ...]. Mais par là-dessous se poursuivait la religion du cru, malléable et tenace... ». « Sous son couvre-chignon, le K ut est donc le corps substitué d'une femme. Vous répéterai-je que les stüpa bouddhiques [d'une certaine époque et dans certaines régions?] ont à mes yeux une valeur très proche de celle-là et que je les tiens pour de véritables personnes funéraires du Bouddha? ... les Chams peignent parfois des yeux sur leurs pierres sacrées; ceci vous fera souvenir que les Chinois ponctuent leurs petites stèles à l'endroit où sont censés se trouver les yeux de la tablette-ancêtre; mais aussi que l'on a peint des yeux sur les stüpa bouddhiques . . . » 1 Voir Mélanges, I, 377-424, lb. R. Lingat, Le culte du Bouddha d ’émeraude, J. of the Siam Society, X X V II, p a rt 1, p. 38, 1934. Plein de choses très intéressantes, illustre un des points rencontrés par Paul Mus. — Les destins de cette statue, d ’après la légende et l ’histoire, ju sq u ’à l ’époque moderne où elle est « comme le palladium de la dynastie des Cakkrl » et « tient, dans le culte officiel et dans la vénération populaire, une place q u ’aucune statue du Bouddha ne semble avoir jamais occupée au cours de l ’histoire siamoise». — « Existence agitee » de toutes ces statues qui « ont passé de mains en mains, de pays en pays, arrachées à leur possesseur par la violence, obtenues par ruse ou cédées par amitié ». Caractère très particulier des phi ou génies qui habitent les statues et qui n’ont rien de bouddhique: « Si certaines de ces statues ont les unes envers les autres des sympathies particulières qui les font voler par les airs pour se retrouver, d’autres, au contraire, ne peuvent pas se sentir, et l’on doit éviter avec soin de les mettre ensemble, car leur antipathie mutuelle se manifeste bientôt par des phénomènes désastreux » : rivalité notamment du Bouddha d’emeraude et du P ’rah Bang. — « Toutes ces statues sont ha bitées par un pM indépendant qui ne fait qu’un avec elles... Le culte en tièrement bouddhique qui leur est rendu paraît avoir pour effet de canaliser la puissance formidable de ces phi au bénéfice de la religion bouddhique ... Le problème qu’il serait vraiment intéressant de résoudre, serait de savoir pourquoi et comment cette symbiose a pris naissance, d’expliquer la présence du phi dans la statue du Bouddha ». — Culte des pierres, d’une certaine pierre noire . .. . — Formule du serment prêté en 1011 par les fonctionnaires « en presence du feu sacre, du saint joyau (vrah ratna), des brahmanes et des maîtres» (Coedès, Bulletin, X III, 6, p. 11). le. J a rl Charpentier, Kleine Bemerkungen zum fünften Saülenedict der Aśoka, Mélanges W internitz, 303-312. Etude des termes obscurs, nombreux dans les noms des animaux qui sont l ’objet de la sollicitude du roi. — Sont d ’un intérêt général les remarques sur l ’usage du porc inconnu des Âryas védiques, inter dit dans les castes orthodoxes, fréquent dans les Jâtakas ; le porc tué dans les sacrifices aux Bhûtas et Yaksas, dans les sacrifices dravidiens (Gonds). « I/a v a tø r du sanglier, bien q u ’il ne soit pas complètement étranger aux mythes védiques, représente peut-être une divinité p ri mitivement non-âryenne ». — Evidemment. 2. Ç. L. Fàbri, Latest attempts to read the Indus script, A summary, Indian Culture, I, 51-56. Résume les travaux de K. P. Jayaswal (Ind. Ant. 1933, march), de G. de Hevesy (Bull, de la Soc. préhistorique française, 1933, n° 7-8), de Flinders Petrie (Ancient Egypt, 1932, june), de P.Meriggi (ZDMG. 12, 198-241), de G. R. H unter (The script of H arappa and Mohenjodaro and its connexion with other scripts, 1934), de Gadd (Seals of Ancient Indian style found at Ur, Proceedings of the British Ac., 18, 1933; voir G. Combaz, Inde et Mésopotamie, Bull, des Musées de Bruxelles, nov. 1933). — C. L. Fàbri reconnaît l ’identité de plus de deux cents signes Indus-Ile de Pâques. Il écarte déci dément Thypothèse d ’une relation entre Indus et Brāhmī (hypothèse de Langdon, 1927, « et dont cinq années de recherches, avec un maté riel accru, démontrent l ’exactitude », G. R. H unter, JRAS. 1932, 490). (Signalons aussi C. L. Fàbri, The ancient Hungarian Script and the Brahmî Characters, Indian Culture, I, 167-171,1934: il démontre les proches affinités du « Notch Script » (hongrois rovâs-îrâs, allemand Kerbschrift), attesté dès la fin du X IIIe siècle, et Pécriture indienne; il indique brièvement Pimportance de cette découverte. 3a. Jean Przyluski, Le Bouddhisme, p. 79, avec 60 planches en héliogravure, 1932 (Editions Rieder). Ce petit livre, né d ’un article très remarqué de la Revue de Paris (15 mars 1929), appartient au genre « E ssa i» ; c ’est un exposé, depuis les origines védico-hindoues ju sq u ’aux théodicées et rituels tantriques, y compris l ’histoire de l ’art, de la religion qui se réclame du Bouddha; avec l ’examen des sentiments et des théories bouddhi ques, des remarques sur les forces spirituelles et sociales qui ont colla bore à la naissance du bouddhisme et commandé ses transform ations : 1. le bouddhisme prim itif, 2. le bouddhisme monastique, 3. le Grand Véhicule, 4. les autres véhicules et le bouddhisme tardif. — Les planches, remarquables au point de vue technique, ont été choisies judicieusement; plusieurs donnent une idée du culte bouddhique contemporain. Après de si nombreux ouvrages, courts ou développés, on s’étonne que hauteur dise tant de bonnes choses nouvelles. Il a une appréciation juste de l’importance de notions-forces auxquelles nous ne faisions pas assez grande place; des formules très heureuses (L’idéal du Grand Véhicule résu mé dans le vers de Polyeucte : « C’est peu d’aller au ciel, je veux vous y conduire ») ; des pages d’une grande fraîcheur sur la joie bouddhique, la liberté rendue aux hommes qu’opprimaient, moralement, la loi de la caste et la superstition. — Jean Przyluski distingue (et même oppose) le boud dhisme primitif et le bouddhisme monastique (Petit Véhicule) : trop long temps les indianistes ont enfermé le bouddhisme naissant, et tout le boud dhisme ancien, dans les cadres et dans la spéculation du Petit Véhicule, — grave erreur dont une des conséquences fut la fâcheuse identification du Nirvâna et du Néant. Il ne croit pas que le bouddhisme naisse par une filiation directe de la spéculation des Upanishads; que l’Inde soit restée fermée aux influences de l’Ouest. Il aborde les problèmes sans préjugé brahmanique ou âryen. Un historien ne découvre pas des horizons nouveaux sans être, peu ou prou, indifférent ou injuste à l’endroit des paysages vus et revus par ses devanciers. Comme il sent vivement l’insuffisance des explications trop longtemps exploitées, il peut oublier (du moins dans un rapide exposé) la part de vérité qu’elles contiennent. — Je ne suis pas, par exemple, disposé à croire que les disciplines d’ascétisme et de Nirvâna marquent le triomphe d’un «idéal nouveau» (p. 23). Je prétends, en enrichissant mon idée du bouddhisme primitif des suggestions de Jean Przyluski, ne pas l’appau vrir des observations que nous devons à Oldenberg et aux orthodoxes exégètes du canon pâli. 3b. Jean Przyluski, Le symbolisme du pilier de Sārnāth, Mélanges Linossier, 481-498. Les quatre animaux du chapiteau, éléphant, taureau, cheval, lion, ne sont pas originairement des symboles bouddhiques (éléphant de la conception, etc. ; Foucher, Beginnings of Buddhist Art, pl. i) ; « rien ne prouve que les piliers dits « d ’Açoka » aient été construits par ce monarque et soient d ’inspiration bouddhique». — L ’auteur rappelle les quatre animaux du lac Anavatapta et d ’ailleurs (pilas tres d ’A nurâdhapura), et de nombreux documents de l ’Inde, de l ’Indochine, de l ’Ouest, qui attestent une archaïque cosmologie, avec la plus étroite correspondance « entre un orient, un fleuve, une cou leur, une planète, une matière précieuse et un animal symbolique... ». 3c. J . Przyluski, Indian influence-on W estern Thought before and during the Third Century A. D., J. of the Greater India Society, I, 1-10, 1934. Diogène (V. Brochard, Les sceptiques grecs, 74-75) ; le suicide de Zarmanochegas (P. Graindor, Athènes sous Auguste, 20, 92 ; R. H. R. 1933, 144) ; Plotin et Mani (E. Bréhier, Phil. de Plotin, 113 ; J. Przy luski, Ac. de Belgique, 4 déc. 1933). — Inaugure de la manière la plus intéressante cette revue consacrée à l ’étude du rayonnement des civilisations indiennes. B arth écrivait en 1879 : « Malgré les aveux multipliés que le monde hellénistique nous a laissés de sa curiosité pour les mystères de l ’Ex trême-Orient, il paraît y avoir cherché surtout la confirmation de ses propres tendances ». Cependant le monde hellénistique nous semble a ujourd’hui autant oriental q u ’occidental. 4a. J. Ph. Vogel, De cosmopolitische beteekenis van het Buddhisme, Discours prononcé à l ’occasion du 356e anniversaire de l ’Université de Leyde, 9 fév. 1931, p. 31. L ’expansion du brahmanisme (Le Kalinga, terre impure, point de départ de la colonisation orientale: le mot Këling ou Kling désigne encore au jourd’hui dans l ’Archipel les immigrants de l ’Inde) ; l ’expansion du bouddhisme marquée par les documents épigraphiques : inscription de Bodh-Gayâ du I I e siècle av. J.-C., « Don de Bodhirakhita de Tabapana (Taprobane) » ; pèlerins chinois (1013 A. D. en dernière date) ; 300 pèlerins en 964, 137 en 966 ; le tokharien Cankuna ministre de M uktāpīda de Kasmïr au V IIIe siècle; le Tikina de l ’inscription de Yaśovarman; etc. 4b. A. J. Bernet Kempers, De Indische Cultuurstrom, pp. 1-20, La Haye, 1934 (Leçon d ’ouverture du cours d ’Histoire des civilisa tions de l ’Asie sud-orientale). Parle en bons termes des divers problèmes relatifs à « l'In d e du dehors » ou « Greater India ». 5. E. Benveniste, Notes sur les textes sogdiens bouddhistes du British Muséum, JRA S. 1933, 29-68. Il s'agit de la partie bouddhique des textes publiés par Reichelt, « Die soghdischen Handschriftenreste des British Muséum » (Heidelberg, 1928, 1931) : des fragm ents du Vimalakîrtinirdesa, d'u n Mahâyānadhutasūtra, de la Vajracchedikâ, de plusieurs livres non iden tifiés (sur les dix mauvaises actions notamment, sur la méditation des images du Bouddha ...) — « Le vocabulaire du bouddhisme sogdien prouve que la propagande bouddhique en Sogdiane s'est exercée dans un milieu mazdéen ou zervanite et qu'elle n 'y a progressé qu'au prix d'adaptations incessantes. Qu'on pense à Zrvan devenu le nom de Brahma ... et l'on s'étonnera moins de voir Ôhrmazd et Z artust prendre respectivement la place du Bouddha (ou de Brahma) et d' nanda » (p. 55). 6a. Marcelle Lalou, L'œuvre du Professeur Paul Pelliot (Bibliogra phie bouddhique, IV-V, pp. 1-29). Analyse de toutes les notes et de tous les mémoires — aussi riches que nombreux — où P. Pelliot a parlé de choses bouddhiques. Cette «rétrospective» s'arrête en janvier 1928, «car, depuis cette date, les travaux concernant le bouddhisme sont régulièrement analysés dans la partie annuelle de la Bibliographie ». Neuf pages d'index qui sont très précieuses. 6c. P. Demiéville, La Sinologie (dans la « Science Française », 2* éd., 1934, p. 105-114). Donne en raccourci une idée exacte des travaux de Rémusat, Julien, Chavannes, Pelliot, Lévi, Doré, Couvreur, etc.; fait bien sentir le progrès des méthodes et le prodigieux développement des informa tions ; signale aussi les livres en français de Schlegel, Petrucci, Karlgren, Bagchi, Tchang, Hoang, etc. 7. Cari Anders Scharbau, Die Idee der Schôpfung in der vedischen Literatur, 1932, pp. x-175 (Séminaire oriental de Tubingue, cahier 5). Il ne traite pas de choses bouddhiques; mais l ’étude des idées vé diques de création ne peut laisser indifférent l ’étudiant du bouddhis me ancien; il montre bien que le « Tu es cela » des Upanishads n ’est pas aussi « moniste » q u ’on l ’a dit dans l ’Inde et en Europe : « cela », l ’être universel, dépasse et enveloppe « tu », l ’être individuel (p. 13) ; les remarques sur l ’espace et le temps (p. 54) sont excellentes. — L ’auteur ne se paie pas de mots et « cherche à voir les choses comme elles sont ». Il arrive à des conclusions très différentes des opinions courantes (Oldenberg). 8. Sigurd Lindquist, Die Methoden des Yoga, 1932 (Lund, Hakan Ohlsson), pp. 1-233 (Contient bibliographie, table des textes étudiés, index). Le Yoga est la discipline mystique dont l ’extase est le couronne ment. — Le mémoire de S. Lindquist est divisé en sept chapitres: 1. préparatifs du Yoga, 2. bahirańgas (postures, réglementation du souffle, etc.), 3. technique du Yoga bouddhique, 4. Râjayoga et ses méthodes (concentration et recueillement), 5. autres méthodes, 6. but du Yoga, 7. chemin de salut du Bouddha. — Ouvrage précieux pour l ’étude de la méditation bouddhique (krtsnāyatanas, aśubhā, rddhi, savicāra dhyâna, etc) et la comparaison avec les sources non-boud dhiques, qui sont, dans l ’ensemble, du bouddhisme démarqué. On doit croire que les bouddhistes ont les premiers arrangé et rédigé les vieilles recettes d ’extase. 9. E. H. Johnston, Relations of Brahmans and Buddhists to Rulers, p. 1-18, 1933. Excellent mémoire qui contient beaucoup de neuf. — Hereditary priesthood, The King and his prototypes, The B rahm an’s social posi tion, The Purohita, The transitional period, Caste and social structu re, The King as protector of religions, Low-caste rulers, Brahman privilèges, Buddhists and the outer world, The low status of kingship (d'après la morale bouddhique; car le roi, qui châtie et tue les crimi nels, est en état permanent de « péché mortel » ; intéressante contro verse), The idéal King, Aśoka, Dharma and Dharmarāja, Aśoka's attitude to war, Aśoka's religious policy. 10. Studia Indo-Iranica, Ehrengabe fiir W. G eiger... p. xii-328, 1931. Contient plusieurs articles « bouddhiques », notamment Sir A. Stein, A Persian Bodhisattva; M. W internitz, Kann uns der Pâlikanon etwas liber den âJteren Buddhismus und seine Geschichte lehren? — Il faut répondre « oui » ; cependant le Canon n 'a pas été rédigé pour satisfaire notre profane curiosité, mais, ce qui était plus urgent, pour instruire et édifier les bouddhistes. l ia . Maurice W internitz, A History of Indian Literature, vol. II Buddhist Literature and Jaina Literature, tr. from the Original German by Mrs S. Ketkar and Miss H. Kohn and revised by the author, 1933, p. xx-673, University of Calcutta. On a beaucoup travaillé depuis 1913, date de la publication du deuxième volume de la Geschichte, et M. W internitz, en complétant son beau travail, rend à nos études un service signalé. J'attendais son avis pour savoir ce qu'on doit penser de la Kalpanāmanditikā (voir aussi le mémoire de E. Tomamatsu, J.A., 1932) ; et combien de questions nouvelles pour lesquelles il fournit orientation et bibliogra phie ! Il semble que quelques paragraphes ne soient pas tout à fait au point. Par exemple l'Appendice sur le pâli devrait signaler un important mémoire de A. B. Keith, ne fût-ce que pour cette raison que A. B. Keith montre la faiblesse des objections de Geiger contre la « langue précanonique » de S. Lévi (The Home of Pâli, dans Buddhistic Studies de B. Ch. Law, 749-767) ; la note sur l’Edit de Bairat (608) ignore la récente identification de Vinaya* samukasa et la lecture Aliyavamsa; au même endroit les opinions que j'ai formulées en 1898 sont rappelées et condamnées: je me suis condamné moimême : « . .. Minayef, dont j'adoptai jadis et bien légèrement, les audacieuses affirmations . . . » (Inde sous les Mauryas, 132). 11b. M. W internitz, The Jainas in the History of Indian Literature^ Indian Culture, i, 143-166, 1934. « A b ird ’s-eye view, as it were, of the most im portant contribu tions the Jainas have made to almost ail departments of Indian literature » — Du plus haut intérêt et de grande importance les pages sur VAscetic Literature: « Les historiens de la littérature indienne nomment « brahmanique » tout ce qui n ’est pas bouddhique ou jain. Cette terminologie est décevante. Les textes bouddhiques parlent couramment des « Śramanas et brahmanes », comme font aussi Aśoka et Mégasthènes. Cela montre que, quatre ou cinq siècles avant J.-C. au plus bas, la vie spirituelle et intellectuelle était repré sentée dans l ’Inde par deux classes distinctes qui, comme je crois l ’avoir établi, avaient chacune développé une littérature ». « Avant que se constituât une littérature bouddhique, une littérature jain, il y eut, à côté de la littérature brahmanique, une Samana literature. Les épopées et les Purânas en conservent de nombreuses reliques. Ses caracté ristiques sont les suivantes: mépris du système des castes et des āśramas', les héros en général ne sont pas des dieux ou des Rishis, mais des rois, des marchands ou même des Südras; les thèmes ne sont pas des mythes ou des légendes brahmaniques, mais des fables, des paraboles, des traditions popu laires, des histoires romanesques ; elle insiste sur les souffrances de la trans migration ; elle enseigne une morale de compassion et de non-nuisance (ahimsâ), morale nettement opposée à la morale brahmanique qui exalte les sacrificateurs, les bienfaiteurs des prêtres, et adhère strictement au régime des castes ». — M. Winternitz cite rapidement bon nombre de textes et de stances mahābhāratiques et en même temps bouddho-jaïnas: « . . . I n t h e sacred texts of the Jainas a great part of the ascetic literature of ancient India is embodied, which has also left its traces in Buddhist literature as well as in the E p ies... ». 11c. Bimala Churn Law, A History avant-propos de W. Geiger, pp. xviii-689. of Pâli Literature, avec un Ce livre sera très utile. Il contient le sommaire et des citations de presque tous les textes. L ’auteur, le plus souvent, se borne à classer les très nombreux renseignements que fournissent ses devanciers. Son but n ’est pas d ’élucider les problèmes difficiles ou insolubles, d ’expliquer comment la littérature pâlie s ’est faite, mais de montrer ce q u ’elle est. Voir par exemple les paragraphes consacrés au Dhammapada et aux recensions pracrite et sanscrite : rien d ’important n ’est omis. Le seul chapitre un peu faible est celui de la comparaison des Abhidhammas et des Abhidharmas. Pour la littérature post canonique, nous n avions rien d ’analogue. — Un appendice géographi que et une etude des inscriptions (Asoka). — Un index très complet. l ld . B. Ch. Law, Geography of E arly Buddhism, p. xxi-88, 1932. Cette géographie est un bon index des noms géographiques de la littérature pâlie et des vieilles inscriptions. L ’auteur écarte la cos mographie (voir Kirfel, Kosmographie der Inder) et se borne à la description des « cinq Indes » des Chinois et des Purânas. Un appen dice est consacré au mot caitya. Une préface élogieuse de F. W. Thomas. 12a. L. A. Waddell, The Buddhism of Tibet : or, Lamaism ; 1934. Réimpression, avec une préface nouvelle, de ce livre indispensable et, depuis longtemps, d ’acquisition très difficile. 12b. Tāranātha s Uistory of Buddhism, tr. from the Cerman ver sion of A. Schiefner, by V. N. Ghosal and N. Dutt. Us ne se contentent pas de mettre l ’allemand en anglais : ils corri gent à l ’occasion; ils ajoutent des notes, p ar ex. des références au M añjuśrīmūlakalpa qui semble bien représenter une des sources de Tāranātha. Aussi est-il regrettable que leur travail n ’avance pas plus vite (IHQ. viii, 247, 1932, s ’arrête au chap. xi; x, 551, 1934, contient xii-xiv.) 13. History of Buddhism (Chos hbyung) by Bu-ston, P a rt I I : The History of Buddhism in India and Tibet, tr. by Dr. E. Obermiller, pp. 1-232, Heidelberg 1932 (« Materialien » de Walleser, 19). La deuxième partie du livre de Bu-ston (Mélanges, i, 384-386) est encore plus intéressante que la première. Le maître de Bu ne nous a pas rendu un médiocre service en compilant cet aide-mémoire dont plusieurs casiers sont vraiment nouveaux et qui est partout d ’une lecture instructive et facile. E. Obermiller ajoute une savante anno tation à une traduction fidèle: on voit aisément, pour les quelques parties déjà étudiées (notamment par Rockhill), le progrès que marque son travail. i. Vie du Bouddha Śākyamuni : narration des onze premiers actes de la liste classique (Séjour en Tusita ... Mise en mouvement de la roue de renseignement, cakrapravartana) d ’après Lalita. Note sur le premier cakrapravartana, traditionnel, d ’après Kośa, vi, 245-8 ; sur le deuxième (G rdhrakûta), très neuve ; sur le troisième (Malaya, voir N. Dutt, IHQ. ix, 234; Vaiśālī?). — Comparaison des trois enseignements, opinion des écoles (52-56). Douzième acte: Nirvâna, funérailles, d ’après Vinayaksudraka (5667). — Discussion sur le Nirvâna, la vie infinie du Bouddha, l ’âge de Śākyamuni au Nirvâna (67-731). ii. Conciles du P etit Véhicule; premier et deuxième conciles (73-91, 91-96) d ’après Vinayaksudraka; troisième concile: traditions inco hérentes réunies ici pour la première fois, surtout d ’après Tarkajvālā (96-97). — «Les Ecritures de toutes les sectes sont authentiques», contre les Sarvāstivādins (97-101). — Concile du Grand Véhicule ( 101-102). iii. Durée de l ’existence de la Loi: bon choix d ’extraits de Sûtras et de commentaires (102-105). — Déductions chronologiques, assez obscures, de savants tibétains sur le nombre des années qui ont passé depuis le Nirvâna. iv. Prophéties sur les patriarches, les rois (Aśoka, N anda...), etc., d ’après Lańkāvatāra, Karùnâpundarîka, Kālacakra, Mañjuśrīmūlatantra. (108-122). — Obermiller s ’engage à mettre au clair ces données nombreuses, mais à première vue peu utilisables. v. Notes bio-bibliographiques sur Nāgārjuna (122-130), Āryadeva (130-132, prophéties de Mahāmegha, Mahābherī), Nāgabodhi (132), Candragomin (132-134), Candrakîrti (134-136), Asańga et Vasubandhu (136-147), les disciples de Vasubandhu ..., enfin Śāntideva (161166). vi. Littérature grammaticale, Brhaspati, Pânini, Sarvavarman (166-169). vii. Sûtras et traités perdus ou non traduits en tibétain (169-171). viii. Prophéties sur la disparition de la Loi, d ’après Candragarbhapariprcchâ, un commentaire de l ’Abhisamayālamkāra, Karunāpundarīka, Nandam itrāvadāna (Le Nirvāna des seize Arhats), Bodhisattvapitaka (avènement de M aitreya). L ’auteur passe ensuite au Tibet (181-214) dont il explique les dynasties, les grands règnes, la conversion. Il s ’arrête à Atïsa. Un appendice sur les lotsavas et les traductions (214-224) termine l ’ou vrage. Table des matières (225-226) et index des textes sanscrits (227-231) ; pas d ’index des noms propres indiens ou tibétains. 14. Vidhushekhara Bhattacharya, The basic conception of Buddhism, p. x-108, Adharchandra Mookerjee Lectures, 1932, Calcutta. 1933. Le savant maître de Śāntiniketan établit, avec des références et des citations heureuses, un tableau fidèle des doctrines qui se sont partagé l ’Ecole bouddhique sans rompre cependant sa profonde unité. C ’est un petit livre a recommander aux commençants (pour lesquels il est écrit) et aux érudits. — La page sur la bhakti (dévotion), prier e de Prahlāda qui refuse les dons de Bhagavat (« Si tu veux m en donner un, que ce soit de ne plus désirer»), montre la parenté du bouddhisme et du « bhagavatisme ». — L ’auteur insiste sur les origines purement morales (« détruire le désir ») de la métaphysique bouddhique (négation du Soi ou de l ’âme), p. 64: c ’est dé l ’eaii à mon moulin. — Je comprends mal la sévérité du compte rendu de B. C. Law, Indian Culture, I, 319 (« ... it is jujune, common place, uncritical, display without depth, thought without cohérence»). 15. K. Okamoto, Po-kiao-luen-li-hio (Butsu-kyo-rin-ri-gaku), tr. de La Vallée Poussin, Morale bouddhique (1927), p. 375, Tokyo, 1934. 6. Kim ura a trad u it jadis mon « W ay to Nirvâna », K. Okamoto accorde le même honneur à la « Morale bouddhique », deux marques de courtoisie qui me sont trop précieuses pour que je ne brave pas le léger ridicule de les signaler ici. — Je ne vois pas que K. O. ait tenu compte de la liste de corrections que je lui avais transmise (La plus importante vise l ’assertion inexacte que « le chemin mondain de mé ditation, bhāvanā, ne « coupe » pas les passions d ’amour, etc. » Il les « coupe », il supprime toute attache avec la passion et son objet ; mais, à la différence du chemin supra-mondain, il ne produit pas Vapratisamkhyânirodha de la passion: d ’où il suit que celle-ci peut renaître). Les transcriptions sanscrites ne sont pas irréprochables, notamment dans l ’Index, œuvre du traducteur, qui est d ’ailleurs très bon. 16a. The origin of the Bell Capitel, IHQ., vii. 747, x, 125, 358. A. Coomaraswamy et A. K. M itra poursuivent de brillantes et instructives discussions sur ce sujet. On peut, semble-t-il, s ’en tenir à l ’opinion de « Inde aux temps des M auryas», 161, que A. C. veut bien rappeler : « ... les différences sont assez notables entre les chapiteaux açokéen et perse pour q u ’on doive exclure l ’imitation directe. Sans doute, au cours du voyage, la cloche s ’est arrêtée dans le Nord-Ouest de l ’Inde et y a pris la forme indienne qui sera la forme açokéenne (D ’après G. Combaz). » 16b. E. H. Johnston, Vardhamâna and Śrīvatsa, JRAS. 1931, 588 (dans Notes on some Pali words), 1932, 392, 1933, 690. La vraie forme de cette « lucky figure» n ’est plus connue dans l ’Inde. Burnouf I ’étudia (Lotus, 627) et elle a dérouté la sagacité de plusieurs savants. La solution est fournie par un passage du Divyâvadâna, 639, qui décrit la constellation Pusya (y, ô et # du Cancer) en termes de vardhamâna. — Recherches très intéressantes. 17. L ’Œ uvre de la Délégation Archéologique Française en Afgha nistan (1922-1932), I. Archéologie bouddhique, par J. Hackin, p. 80 et 61 figures, Tokyo, 1933. Un compte rendu, fort intelligent, de E. Dhorme (R. de l ’Hist. des Religions, sept. 1933, 254-257) donne au moins une idée de l ’importance historique et artistique de ces belles découvertes, « On ne saurait savoir trop de gré à M. J. Hackin d ’avoir rendu accessible à tous, en un style sobre et net, un sujet qui demande tan t de connaissances spéciales ». 18a. E. J. Thomas, Buddhagbosa and the date of Aśoka, Indian Culture, i. 95. Le commentaire du Vinaya donne bien 218 ans et non pas 228 com me intervalle entre le Nirvâna et le sacre d ’Aśoka: c ’est le chiffre du Dïpavamsa. Oldenberg a suivi un MS. fautif, et Takakusu-Nagai conservent la mauvaise lecture (Samantapāsādikā, i, 73, note 2). 18b. B. C. Law, Did Aśoka become a Bhikkhu, Indian Culture, I, 123-4, 1934. Rappelle que Milinda, p. 90-91, revêtit pour huit jours la robe jaune, se fit raser, assuma les huit vœux, interrom pit ces devoirs royaux, p rit l ’état de muni (munibhâvam upagantvà) . Peut-être fautil comprendre d ’après cet exemple le samghopagamana d ’Asoka? — Comparer «Inde aux temps des Mauryas », 103, où Vupagamana d ’Aśoka est comparé à 1’upavāsa. Le témoignage du Milinda, qui m ’avait échappé, confirme et précise cette conjecture. 18c. V. R. Ramachandra Dikshitar, The M auryan polity, p. viii394, Madras Un. Hist. Ser., n° 8, 1932. Un ensemble de notices assez développées sur l ’E ta t Maurya et son administration, d ’après les inscriptions, l ’A rthaśāstra et Mégasthènes. L ’auteur connaît bien le sujet; q u ’on admette avec lui une date très haute pour l ’A rthaśāstra (300 av. J.-C.) ou q u ’on ne l ’ad mette pas, son travail vaut par une grande clarté et une habile disposition des matériaux. Les chapitres sur la religion d ’Aśoka et le bouddhisme sont marqués par une curieuse bouddhophobie. Voir dans les «brahmanes et śram anas», d ’une p a rt les brahmanes qui vivent dans le monde, d ’autre p art les brahmanes ermites ou céno bites, n ’est pas raisonnable. — De bonnes remarques sur le chapiteau des piliers (293), une bonne table du vocabulaire Arthaśāstra-Piyadasi. 19. D. L. Barua, On some terms in the Nāgārjunikonda inscrip tions, Indian Culture, I, 107, 1934. Deux passages qui intéressent l ’histoire des écritures et celle des sectes restent obscurs malgré les efforts de Ph. Vogel et de N. D utt (Mélanges, i, 382). 0. L. B arua propose des explications qui méritent d ’être étudiées. — Les pañca mātuka sont difficilement les cinq Nikâyas. 20a. A. Sen, Schools and Sects in Jaina Literature, being a full account compiled from the original sources of the doctrines and pratices of Philosophical Schools and Religious Sects mentioned in the Canonical Literature of the Jainas, Visvabharati Studies, 3, pp. viii-48, Calcutta, 1931. L ’auteur n ’a peut-être pas ajouté beaucoup aux matériaux et ob servations de Jacobi, Hoernle, Schrader, Barua, Tucci; mais son petit mémoire, exact et précis, classe toutes les données dont nous dispo sons, et les explique. Il dispensera de recherches pénibles et permet tra d ’éviter des méprises (par exemple sur Vexpressionkriyãvādin) . 20b. W alter Ruben, Materialismus im Leben des alten Indien, Acta Orientalia, xiii, 128-162, 1934. Examine notamment, d ’après les sources bouddhiques et jaïnas, les thèses et les expériences du roi Pāyāsi; sur Pâyâsi-Paësi, W inter nitz, ii, 44, 455. 21. Lord Chalmers, B uddha’s Teachings being the Sutta-Nipâta or Discourse-Collection, ed. in the Original Pali Text with an English Version facing it, p. xxii-300, 1932, H arvard Or. Ser. 37 [L ’index pâli, 275-290, n ’est pas aussi complet que Fausbôll et que Helmer Smith, p. 645-791 de sa Param atthajotikā, II, dans P. T. S.]. Le texte reproduit la « vulgate » (Fausbôll et H. Sm ith). La lecture de la traduction montre à l ’évidence que Lord Chalmers est un re marquable écrivain, mais q u ’il n ’a pas voulu nous donner ici des leçons de pâli ou de bouddhisme : mettre en vers anglais ces vieux difficiles textes pleins de termes techniques et d ’expressions obscures, c ’est à la vérité une gageure. L ’introduction n ’est pas mauvaise, mais elle pourrait être plus savante: nous possédons, des deux der niers recueils, plusieurs stances en sanscrit, et un grand nombre dans des versions chinoises d ’ouvrages sanscrits (comp. les réfé rences p. xv et le Niddesa). Lord Chalmers aurait pu étudier de plus près la compilation pâlie. Pour l’histoire du Suttanipâta (Arthavarga et Pârâyana), voir notamment S. Lévi, Récitation primitive des textes bouddhiques, JA. 1915, I, 451, La Vallee Poussin, Mélangés Linossier, 323* — On sait que le Suttanipâta, 226, connaît un ãnantarika samāãhi (Ańguttara, II, 149, ānantarika danda) qui est 1’ānantarya mārga de l’Abhidharma (Visuddhimagga, 675). Les ipsissima verba du Bouddha utilisent un vocabulaire technique. 22. Louis Finot, M ahāparinibbānasutta et Cullavagga, IHQ, viii, 241-246, 1932 (aussi une note de Obermiller, ibid. 781-784). Petit mémoire, ingénieux, démonstratif et important. — Les cha pitres du Cullavagga sur les conciles continuent le Mahāparinibbāna, récit des derniers jours du Bouddha. On a le droit de penser q u ’ils formaient avec le Mpn. un seul ouvrage (comme dans le Dulva: Obermiller) qui a été coupé en deux et partagé entre la corbeille de Sutra et celle de Vinaya. L ’hypothèse, à laquelle rien ne contredit, permet de résoudre nombre de difficultés (Comment Culla xi-xii ignore l ’actuel Prâtim oksa?), et marque un progrès dans l ’étude de la littérature canonique pâlie. Tous les « bouddhisants » ont signalé avec admiration ce joli article. 23. Siegfried Behrsing, Beitráge zu einer Milindapañha-Bibliographie, Bulletin School Or. Stud., vii, 2, 335. Travail très complet, très détaillé et d ’uu vif intérêt, 24. Sylvain Lévi, Mahākarmavibhańga (la grande classification des actes) et Karmavibhaûgopadesa (discussion sur le Mahâkarmavibhaûga), textes sanscrits rapportés du Népal, étudiés et traduits avec les textes parallèles en sanscrit, en pali, en tibétain, en chinois et en koutchéen; ouvrage illustré de quatre planches: le Karmavibhaûga sur les bas-reliefs de Boro-boudour, à Jav a; pp. 267, 1932. Il y a dans le Canon un petit Sûtra, intitulé en pâli Cûlakammavibhaûga (Majjhima, 135, Madhyama, 170), qui expose en court la rétribution des actes et ses périodes successives : « Le m eurtrier renaît en enfer; libéré de l'enfer, s ’il renaît parm i les hommes, il sera de vie courte...». Sur ce thème et, d'une manière générale, sur les conséquences des actes bons et mauvais, une vaste exégèse tantôt narrative et légendaire, tantôt philosophique (par ex. A ûguttara, iv, 427 ; Daśabhūmaka, Rahder, 26 ; Lokaprajñāptiśāśtra, Kāranaprajñāptiśāstra dans Cosmologie bouddhique, 1914-1918, 298, 325, 347). Le Karmavibhaûga, nettement apparenté au Cullakamma, est un spécimen très développé de cette littérature; les nombreux récits qu'il contient ou auxquels il fait allusion le rendent attrayant et intéres sant. Sa popularité fut grande: sans parler des diverses recensions chinoises (trad. de la fin du vie siècle), S. L. a identifié dans des MSS. d'Asie Centrale (Mission Pelliot) des fragments d 'u n poème kout chéen construit sur le Karmavibhaûga (Voir Cahier II de la Soc. As., 1933) ; il a constaté que 160 panneaux de la galerie inférieure du Boro-budur illustrent les histoires du Karmavibhaûga (Bibl. of Ind. Arch., Leyde, 1931). — Dans l'annotation des deux textes san scrits, on admire la riche information qui fait du présent ouvrage comme un répertoire de la légende bouddhique (Notes sur A jātaśatru, M aitrāyajña, Utpalavarnā, Sunetra, Baka le B rahm â...), et une singulière connaissance du vocabulaire hindou (Notes sur jentaka, candanavihãra, syandanikâ ...). Rares parm i tan t de noms et de récits ceux sur lesquels nous ne trouvons pas ici de ces références « qui ne traînent pas partout » (comme disait B arth quand on lui prenait, sans le nommer, une page de bibliographie). La littérature canonique citée dans le Karmavibhaûga avec des titres obscurs, est étudiée avec un notable succès : c 'est une réussite. — La nature des textes fait que la traduction souffre relativement peu du coupable système d'équi valences dont S. L. est trop épris. Quelques remarques. 1. S. L. pense que Vasubandhu, dans le Kośa, tire parti du Karmavibhańga. — Voici les textes- — Vasubandhu (Kośa, iv, 120, trad. 242) : « On dis tingue l'acte fait (k rta ) et l'acte « accumulé » (u p a cita ) ». Les traducteurs chinois : « Le Sûtra dit qu'il y a deux actes, le fait et l'assumé ». — S. L. : « L*annotateur japonais Kiokuga Saeki, héritier authentique d'une tradition continue qui remonte jusqu'à Hiuan-tsang, indique ici [dans sa glose au Kosa] que le Sûtra visé est le Ye pao tch'a pie king, « Sûtra sur la diffé rence de la rétribution des actes ». C'est là exactement le titre chinois de la traduction du Karmavibhańga due à Gautama Dharmaprajña ; et c'est là en effet qu'un lecteur chinois ou japonais peut trouver cette division des actes. Nous qui disposons de l'original sanscrit, nous pouvons conclure que Vasubandhu se réfère au Karmavibhańga ». [On peut ajouter que Kośa, IV, 187, sur l'influence cosmique des mauvaises actions, a une phraséologie apparentée à celle de Karmavibhaùga, 78]. — Noter: 1. que Vasubandhu ne se réfère pas à un Sûtra; 2. que la distinction de l'acte fait et de l'acte fait-accumulé est indiquée Anguttara, I, 249, V, 292 (Kośa, IV, 242). 2. Le Karmavibhańgopadeśa discute un point important de doctrine. Comment expliquer l'efficacité du culte des stûpas [et des idoles] puisque le Bouddha est en Nirvâna? L'Abhidharma enseigne que les dons aux stûpas sont efficaces par leur vertu propre et bien que personne n'accepte les offrandes, ou encore que, au Nirvâna, le Bienheureux a accepté d'avance tous les dons que les fidèles devaient lui faire. Notre auteur explique en rappelant que le vrai corps du Bouddha est le Corps de la loi (entendez l'Ecriture) : « Aussi longtemps que le Dharma existe, aussi longtemps le Bouddha n'entre pas en Nirvâna ». — Cette manière de comprendre la survie du Bouddha est digne d'être notée. — Voir, p. 11, les observations de S. L. sur l'école à laquelle se rattache le commentateur du Karmavibhańga. 3. V ariantes, etc. Page 30. • L acte upacita n'est pas seulement un acte « aggravé », mais un acte qui compte pour la rétribution, qui est « imputable » (Kośa, V, 1 ; Divya, 54). Quand on donne de l'or en croyant donner du riz, le don d'or est fait mais n'est pas upacita. P. 31, 1. 14. — Lire v ip a tti dans la première phrase et abh ivrddh i dans la seconde? En tout cas, p. 78, 1. 6, à V abhivrddhi du texte paraît correspondre le tib. rgu d qui doit être v ip a ttix P. 44, 1. 11. — a b h ū tãbh yākh yān a ? P. 47, 1. 7. — Reste obscur. P. 47, n. 8. — Je préfère le ā rtīy a te de Vyutpatti 99, Madhyamakavrtti, 297. P . 49, au bas. — Le pratisam dh ân a des racines de bien est expliqué Kośa, iv, 175. Vasubandhu n’a pas, sur le cas d’Ajâtasatru, la même opinion que le compilateur du Karmavibhańga, Kośa, iv, 177. P . 52, 1. 2, 1. 18. — m ātu r a vid ita m , asm âkam a vid ita m , syntaxe qui rap pelle Renou, { 226. P. 55, 1. 5. — yu k tâ s, « qui sont en union » (?) ; tib. rigs p a dan Idan pa, « munis d’un g o tra » (?). P. 55, 1. 15. — Peut-être atinâm ya. P. 56, 1. 7. —aparipü rn esu , comme dans la traduction. P. 61, en haut. — Voir « Morale bouddhique », 53. P . 69, 1. 13- — Lire hetur alpecchatāyās, « Cette parole sera une cause de petitesse-de-désirs » (pauvreté en esprit?), Kośa, vi, 145. P. 92, n. 6. — Ańguttara III; Amita est amusant mais douteux. P. 104, 1. 11, trad. p. 151. — Ponctuer, semble-t-il, après brah m acaryasya . P. 161, 1. 1-2. — Voir Itivuttaka, 91. P. 155, 1. 5 et trad. p. 170. — A mon sens sukhita est une coquille pour tu sita . P. 155, n. 1. — On peut rappeler Vajracchedikâ, p. 23 (trad. p. 117 et note) et Kāśyapaparivarta (Staël 203, où il faut lire ek aeittaprasâda comme dans la version tibétaine et dans la citation Madhyamakavrtti, 337). P. 154, l’avadāna d’Aniruddha, Kośa, iv, 199, P- Demiéville, Bulletin, 1920, 4, 161. 25. Pratītyasam utpāda. G. Tucci a publié JRAS. 1930, 611 (voir Mélanges, I, 388) des frag ments d ’une Pratītyasam utpādavyākhyā, de Vasubandhu, divisée en chapitres où est commenté le v ib h a ń g a (ou analyse) de chacun des douze membres. Le titre du canon tibétain est Pratītyasam utpādasya ādivibhańgayor nirdeśali (Cordier, III, 365). — « Two Brick In scriptions from Nālandā » (circa 500, Ep. Ind. xxi, 193, N. P. Chakravarti) nous font connaître le texte commenté par Vasubandhu, un Sûtra où le Bouddha expose le â d i, c ’est-à-dire le P r a tî ty a s a m u t p â d a en ordre direct, et le v ib h a n g a . L ’éditeur et P. C. Bagchi (ibid. 199) comparent les textes parallèles pâlis et sanscrits (notam ment 1*inscription de Kurram , circa 100 et versions chinoises). — Il est à noter que la formule yad utâsmin s a t i qui ouvre la dé finition du P. S., manque dans les sources pâlies; en outre que le Vibhaûga pâli (Samyutta II, 2) est moins développé que celui de Nālandã (P. C. Bagchi dit exactement le contraire, 200; mais voyez la définition de Vavidya). Les conclusions de P. C. Bagchi — que, peu de temps avant Vasubandhu, les Âgamas étaient encore en forma tion ; que le Sam yutta n ’était pas rédigé — sont inconsidérées et surprenantes. — Le sapratibhâga qui suit le hīna-pranīta-krsna-śukla, (p. 198, 1. 8 de l ’inscription) est obscur. 26. Nāgārjuna. 1. Hymnes de N āgārjuna (Mélanges, i, 395). Les commentateurs citent des strophes de Nāgārjuna, extraites d un Catustava («Q uatre hym nes»). J ’ai retrouvé plusieurs de ces strophes dans le Bstod, et j ’ai publié (Muséon, 1914) le texte tibé tain et la traduction de Niraupamyastava, Lokātītastava, Cittavajrastava et Param ârthastava, qui me paraissent être les « Quatre hym nes ». Doute restait, car une ligne extraite des « Quatre hymnes » par le commentateur de Bodhicaryâ ne se retrouvait pas dans ces morceaux. Prabhubhai Patel, un brillant élève de Śāntiniketan, a repris le problème. Il a édité le Nirupam a et le Lokātīta (texte tibétain, restitution sanscrite). Il a trouve la ligne en question dans l ’Acintyastava. Il a édité l ’Acintyastava et le Stutyatîtastava (texte tibé tain, restitution sanscrite) q u ’il croit qui constituent, avec le N iru pama et le Lokātīta, les « Quatre hymnes ». — Je crois q u ’il voit juste (IHQ., viii. 316, 705, x. 82). Cependant G. Tucci a acquis au Népal un MS. du Niraupamya et du Param ârtha, et a publié les textes sanscrit et tibétain avec une version anglaise (JRAS., 1932, 309-325) — Il croit que les « hymnes » sont une partie essentielle du sãdhanū (exercice m ystique). Il pense que les « Quatre hymnes » (ma vieille liste) se réfèrent aux quatre corps du Bouddha. 2. G. Tucci, The Ratnāvalī of Nāgārjuna, JRAS., 1934, 307-325. Ce sermon, qui va de la morale à la métaphysique, est une lettre adressée par N āgārjuna au roi Bde-spyod ou Bde-spyod-bzaù-po, Udayin ou Udayibhadra (d ’après Cordier), Udayana (d ’après Wenzel), c ’est-à-dire Sātavāhana (d ’après Hiuan-tsang et Bâna comme le rappelle G. Tucci). Le même Nāgārjuna est l ’auteur d ’une «L ettre au disciple » adressée au même Bde-spyod (Wenzel, JPT S. 1886 ; I-tsing, Takakusu ; W internitz, éd. anglaise, II, 347). — Notre texte contient 77 ślokas dont plusieurs sont vraiment des joyaux; un bon nombre étaient connus par les citations de Candrakîrti, etc. (Madhyam akavrtti, Bodhicaryāvatāra, Tattvasam graha). Nous avons ici le texte complet d ’après un MS. du Népal, une traduction et un com mentaire presque perpétuel et fort instructif. 3. V. Bhattacharya, Mahāyānavimśaka of Nāgārjuna, Reconstructed Sanskrit Text, the Tibetan and the Chinese Versions with an English translation, Visvabharati Studies, 1, 1931. « To me it also appears th at it cannot be attributed to the great Nāgārjuna, but rather to the Siddha Nāgārjuna. I t represents a kind of hrdaya or summary of the Mâdhyamika as accepted also by Tantric w riters» (G. Tucci, JRAS., 1934, 213). 4. Nalinaksha D utt, The Brahm ajàla Sutta, in the light of Nãgārju n a ’s expositions, IHQ. V III, 706-746. Ingénieuse étude qui débute par le clair exposé des doctrines héré tiques condamnées dans le Sutta et montre ensuite tout le « nâgârjunisme avant la lettre » q u ’il contient. — Survie du Tathâgata: cri tique bouddhique du concept d ’âme. 27. Home of Āryadeva, N. D utt et B. A. Saletore, IHQ. x, 139,368, 373. Âryadeva est originaire de Simhapura. Vidhusekhar Sastri a com pris Ceylan; B. A. Saletore plaide pour une ville du Kalinga; N. D utt, pour le Nord-Ouest (G ujarât). — Voir aussi V. B hatta charya, IHQ, ix, 978. 28. W alter Liebenthal, Satkāryavāda in der Darstellung seiner buddhistischen Gegner, 1934, pp. xvi-151 (Beitr. zur Ind. Sprachw. und Religionsgeschichte, 9). Traduction du chapitre du Tattvasamgraha (Gaekwad’s Or. Ser., 30) qui traite de la Prakrti ou du Sâmkhya, pp. 79-151, précédée d ’une analyse raisonnée de ce chapitre, pp. 20-78, et d ’une intro duction où l ’auteur donne son avis sur les anciennes doctrines de la causalité dans les différentes écoles. — Travail fait avec beaucoup de soin et très méritoire. Le Tattvasamgraha est un des textes difficiles dont l ’étude s ’impose. 29. Stanislas Schayer, 1. Kam alasïla’s K ritik des Pudgalavâda, Rocznik, viii, 68-93, 1932; 2. Ueber die Méthode des Nyâya-Forschung, Mélanges W internitz, 247-257 ; 3. Studien zur indischen Logik, 2, Ac. polonaise, 14 fév. 1933, 90-96; 4. Pre-A ryan elements in Indian Buddhism, ibid., 8 mars 1934, 55-65; 5. Compte rendu de Tucci, On some aspects of the doctrines of Maitreya et Asańga, Or. Literaturzeitung, 1933, n° 2, 122-127, 6. de La Vallée Poussin, Dog me et Philosophie, ibid. 1934, n° 4, 255-259. 1. Traduction des pages 336-349 du Tattvasamgraha qui contien nent la réfutation de la doctrine hérétique du pudgala (« personne ») des Vâtsîputrïyas. — « On ne peut pas dire que le pudgala soit les éléments (skandha), corps, sensation, pensée, etc., ou q u ’il en soit différent » : cette théorie de l ’indicibilité du pudgala, d ’après les orthodoxes, est absurde. Une chose qui n ’est ni A ni non-A est in existante. —■St. Schayer préface sa traduction de remarques brèves mais substantielles. Pour la théorie pré-bouddhique des skandhas, il cite Chândogya, vi, 4. (Il semble que 1’ãtman que nient les vieux Sûtras soit Vâtman souverain-divin, sinon universel, non pas l ’âme). 2. Précédées d ’une bibliographie, des observations justes sur la complexité des déductions et combinaisons logiques des Indiens; sur la nécessité d ’étudier leurs définitions paraphrastiques à la lumière de la logique mathématique contemporaine. Tel aphorisme de Nāgārjuna devient alors très clair : « Pour toutes les valeurs des variables x et y, quand x est en relation avec y, il est faux que x et y ne soient pas identiques ». — Le contraste du syllogisme indien et du grec est bien expliqué .... 3. Traite du ntodus tollendo tollens dans K athâvatthu et d ’une erreur de Shwe Zan H ung; du prasanga; de l ’indicibilité du pudgala. 4. Tout le monde adm ettra que tout ce que les Aryens védiques ont apporté dans l ’Inde n ’est pas nécessairement âryen ; que l ’histoire de l ’origine des Çâkyas (nés de l ’union incestueuse des fils et des filles d ’Okkâka) n ’a pas l ’air âryen; de même la doctrine du Gandharva et de la réincarnation. — On doutera que l ’ascète d ’une plaque de Mohenjodaro soit un prototype du Bouddha ( J ’y verrais plutôt un archaïque Çiva) ; que le Tathâgata et Yama-Purusa soient presumably des variantes éloignées du même mythe asianique du dieu qui m eurt pour le bénéfice et le salut du monde... ; bien éloignées en effet. Mais on peut dire que l ’ascétisme (d ’ailleurs très égoïste) du jainisme et du vieux bouddhisme, le culte des solitaires divinisés et de leurs reliques, ne sont pas des choses du Penjab mais du KosalaMagadha. —■ Des notes au moins curieuses sur le Gandharva et l ’étymologie de ce mot étrange. 5. Analyse détaillée qui notamment attire l ’attention sur la «va cuité » et sur les problèmes de logique. 6. Appréciation sympathique, où est bien distingué ce qui est, dans mon petit livre, simple hypothèse. Les faiblesses du paragraphe Mâdhyamika ne sont pas signalées. 30. U. Wogihara, Sphutārthā Abhidharmakośavyākhyā, the Work of Yaśomitra, Publ. Assoc. of Abhidharmakośavyākhyā, Tokyo 19321934. Cette admirable édition, avec le quatrième fascicule, arrive à sa page 440 (commentaire de i-iv). 31. Vimuttimagga and Visuddhimagga. C ’est le titre d’une note de P. Y. B apat dans Indian Culture, I, 455-459. L 'auteur rappelle la comparaison établie par M. Nagai, JPTS. 1917-1919, 69-80, entre le Vimoksamârga d'Upatisya de Nanjio, 1293, et le célèbre livre de Buddhaghosa ; et ses précédentes no tes sur le même sujet que je n 'ai pas vues, H arvard Studies in Classical Pliilology, vol. 43, 1932, et Septième conférence orientale, Baroda, 1933. — Le commentateur de Buddhaghosa identifie cer tains ekacce de son auteur avec Upatissathera « qui a exprimé cette opinion dans le Vimuttimagga ». — P. V. B apat étudie sommaire ment les ressemblances et les différences du Visuddhimagga et du Vimuttimagga (plutôt Vimuktimârga) ; il signale notamment une thèse (p. 457, ix) du second ouvrage qui est nettement Sarvāstivādin, la citation d 'u n livre nommé dans le Kośa. On attendra avec im patience les résultats complets d'une enquête qui promet beaucoup. 32. Junyu Kitayama, Metaphysik des Buddhismus, 1934, pp. xv288 (Publications du séminaire oriental de Tubingue, Mém. de phil. or. et d'histoire religieuse, cahier 7). Cet ouvrage est divisé en quatre chapitres : 1. théorie de la connais sance de Vasubandhu, p. 1-51; 2. métaphysique de la conscience absolue, pp. 52-165 ; 3. la pensée de la délivrance et la philosophie de l'existence du Bouddha; 4. traduction de la Vingtaine de Vasu bandhu. Une bonne partie est d'intelligence assez malaisée: du moins je me perds dans « la conscience cosmique et ses rapports avec la con science absolue ». On a grand mal à découvrir sous leur vêtement allemand les termes techniques du bouddhisme: c'est avec quelque surprise qu'on voit que l'au teu r traduit nãmarūpa par « Sein». 33a. Th. Stcherbatskv, Die drei Richtungen in der Philosophie des Buddhismus, Rocznik Orjentalistyczny, x, 1-37. Les trois « directions » sont le Petit Véhicule, le Madhyamaka, le Yogācāra. Mais il s'agit bien de cela! S. Schayer a traduit, et pas mal, plusieurs chapitres de la M adhyamakavrtti (Ac. polonaise, 1931 ; voir Mélanges, i, 389). Stcherbatsky critique avec une grande sévé rité la méthode de Schayer : le présent article devrait être intitulé : « Comment il ne faut pas traduire les textes philosophiques du boud dhisme; exemples Schayer et La Vallée», car, si j ’ose dire, j ’écope aussi. — Le problème est intéressant, et il y a du bon dans ce que dit Stcherbatsky: q u ’un traducteur doit prendre parti, comprendre bien son texte et donner des termes techniques du bouddhisme, non pas des transcriptions, mais des interprétations, Mais, le plus sage, dans beaucoup de cas, est de transcrire sans traduire (samskâra = confection, Rhys Davids), plutôt que de traduire à la légère et inexac tement comme fait Stcherbatsky. — J ’aurai quelque jour le plaisir de me disculper et le chagrin d ’a tta q u e r1. 33b. E. Obermiller, The term śūnyatā and its différent interpréta tions, based chiefly on Tibetan sources, J. of the Greater India So ciety, I, 105-117, 1934. C ’est le même problème des Richtungen du bouddhisme q u ’examine ici Obermiller, mais avec quelle majeure clarté! Il n ’y a pas de diffi culté pour le Hīnayāna, pour les Yogācāras (encore faudra-t-il dis tinguer les écoles). E n ce qui concerne les Mâdhyamikas, des incerti tudes demeurent à mon avis: le présent article, riche de références, a du moins le mérite de préciser les hypothèses. Dois-je répéter que, à mon sens, le pu r Mâdhyamika tient les dharmas (c’est-à-dire ce que nous nommons «les choses») pour inexistants, parce q u ’ils sont produits par des causes? C ’est bien la position paradoxale que critique le Yogācāra; c ’est la position que le Mâdhyamika abandonne lorsqu’il parle d ’une « réalité » (ou tattva) qui ne peut être que la «nature des choses» (dharmatâ), lorsqu’il parle d ’un dharmadhâtu (« essence des choses » ??) immanent (anuyâyin) aux dharmas. Pour l’équivalence śūnyatā — pratītyasamutpāda et la traduction de 1 Que Stcherbatsky renonce à la fâcheuse habitude de prêter à ses confrères des opinions qu’ils n ’ont jamais formulées! Jadis il me fit dire que « le Nirvana est un svarga » ; il me fait dire aujourd ’hui que « la théorie du Dharmakaya est un tśvaravãda (théisme) ». śü n yatã par « relativity », je ne pense pas que E. Obermiller traduise exac tement la ligne du Lokātītastava de Nāgārjuna qu’il considère comme décisive : y ah p ra tītya sa m u tp ã d a h śü n ya tā saiva te m atâ / hhāvah svata n tro n ã stīti sim hanādas tavãtnlah / / « śü n yatã means for thee (0 Buddha) the principle of Dépendent Origination (i. e. Functional Interdependence or Relativity). There are no independent (non relative) entities. — Such is the unequalled lion’s roar! ». Je ne sais pas si Obermiller a vu que le sujet de la première phrase est, non pas sü n yatâ , mais p ra tīty a sa m u tp ā d a . Le féminin sâ est le corrélatif du masculin y ah (par une loi d’attraction bien connue). On a donc: « Relativity means for thee Vacuity », ou, pour plus de clarté et en remplaçant l’ab strait par le concret: «Le relatif est vide». Ceci n’est pas une vaine querelle de syntaxe. Autre chose définir le p ra tītya sa m u tp ā d a en termes de śü n yatã, autre chose définir la śü n ya tā en termes de pra tītya sa m u tp ā d a . « Vide » est le grand terme: ce qui est relatif est vide, ce qui n’est pas relatif (le sv a ta n tra de notre texte) est également vide. Le non-relatif est vide parce qu’il ne naît pas, telle une fleur du ciel; le relatif est vide parce qu’il naît des causes et conditions: or ce qui naît des conditions ne naît pas: y ah p ra ty a y a ir jâ y a ti sa h y ajdtah . Traduire śü n yatā par « Relativity » est donc certainement une erreur: il faut lire «vacuité». — Le problème reste entier: que veut-on dire quand on dit que les choses relatives sont vides? Non pas, à coup sûr, comme le croit Obermiller, qu’elles sont relatives! Mais les écoles s’accusent les unes les autres de « mal prendre la vacuité ». Et, dans la même école, « vacuité » n’a pas la même valeur qu’il soit question de pu d g ala śü n ya tā ou de dharm a ś ü n y a ta ......... 33c. E. Obermiller, A study of the Twenty Aspects of Śūnyatā, IHQ., ix, 1, p. 170-187 (1933). D ’après rAbhisamayālamkãrāloka de H aribhadra (ed. G. Tucci, p. 89, Wogihara, 95) dont E. 0. découvre la source, non pas dans la P rajñ ā en huit mille mais dans la P ra jñ ā en vingt-cinq mille. Texte sanscrit, version tibétaine, interprétation (peut-être un peu alambiquee en raison de la fâcheuse équivalence : śūnyatā = Relativity). Candraklrti (Madhyamakāvatāra, p. 303) suit la même autorité. On sait que le M adhyânta compte seize śūnyatās, et le Nanjio 1187, dix-huit (H. Ui, Etudes de philosophie indienne, vol. vi). — L ’histoire des P rajñās a ici un document intéressant. 1. Ad p. 171 au bas, le texte de Madhyamakāvatāra présente une lecture à retenir (ther zng tu gnas ma yin pa). 34. E. Obermiller, Nirvâna according to the Tibetan Tradition, IHQ. x, 211-257. La traduction et l ’interprétation des renseignements de Tsoń-khapa et de Jam-yań shad-pa — travail qui devait être fait et ne pou vait pas être mieux fait — ; en outre les résultats de nombreux son dages dans la littérature scolastique. — Parm i les points les plus intéressants : 1. position des Sautrântikas et des Vaibhâsikas, depuis longtemps établie (contre Stcherbatsky, BSOS., iv, 359) ; 2. thèses des Vaibhâsikas de lTnde Centrale (admettant la tathatâ, Nirvâna, 1924, 184, qui serait le quadruple abhâva) ; 3. Sautrântikas de l ’Abhidharmakośa et du Pram ānavārttika, p. 225; 4. Sautrāntika-Yogācāras, p. 233 (qui doivent être les Sautrântikas du Pram ānavārttika?). —- J e pense que « Unimposed Path » n ’est pas le bon équivalent de ānantaryamārga (plutôt « unimpeded », comme ci-dessus) et que la glose « but not fully extirpated » n ’est pas justifiée: le nirodha dont il s ’agit n ’est pas un « abandon » mais seulement « la non-production de ce qui, autrement, serait né» (p. 231). 35a. Tokumyo Matsumoto, Die Prajñāpāram itā-L iteratur nebst einem Specimen der Suvikrāntavikrām i-Prajñāpāram itā, Bonner orientalische Studien, pp. vii-55-29, 1932. « In several m atters of détail this study adds substantially to our knowledge. I would invite attention to the catalogue of the materials available in Sanskrit, Tibetan, and Chinese, to the identification of certain Mahāyāna quotations in some recently published copperplates from Ceylon, to the translitération of Sir Aurel Stein’s San skrit manuscript in Chinese characters of the Prajñāpāram itāhrdayasūtra, and to the Sanskrit text with Chinese translation of the first chapter of the Suvikrāntavikram iprajñāpāram itā. » (E. H. Johnston, JRAS., 1933, 178). 35b. N. D. Mironov, The Prajñāpāram itāhrdayasūtra as an in scription, extrait de Urusvati Journal, n° 24, p. 73-78, août 1932. D ’après la forme des caractères, cette inscription (pierre trouvée en Mongolie, Jasaktu, actuellement à Kharbin) est antérieure à l ’an 1000. N. D. Mironov signale d ’autres pierres ornées de dhāranīs. Il compare le texte de Jasaktu avec la version rétablie par Max Müller .(Anecdota Oxoniensia, 1884, et JB E . 49). 36a. Baron A. von Staël-Holstein, A Commentary to the Kāśyapaparivarta, ed. in Tibetar and in Chinese, p. xxiv-340, National L ibrary of Peking and National Tsinghua University, Peking, 1933. C ’est le commentaire de Sthiram ati (Cordier 369, Taishô, 1523) qui contient nombre de choses intéressantes dont plusieurs sont mentionnées dans les notes qui accompagnent la préface. — Je retiens les documents sur le lieu de renseignement (Rājagrha, G rdhrakûta). sur le petit nombre des Bhiksus présents, sur la coupure de la phrase initiale des Sûtras, q u ’il faut lire: ... êrutam ekasmin samaye / bhagavân... . — Staël-Holstein pense que les nombreux paragraphes non commentés par Sthiram ati manquaient dans le texte que ce docteur avait en main. On savait déjà, par l ’édition polyglotte du Kāśyapa (de Staël-Holstein), que le MS. sanscrit contient des parties qui man quent dans certaines versions: «Notre commentaire est donc d ’im portance pour l ’histoire de la littérature bouddhique en général». Il est aussi fort utile pour l ’interprétation du Kāśyapa ; il permet de corriger les traductions proposées pour les fragments du Kāśyapa cités dans Śiksāsamuccaya et dans Sūtrālamkāra. 36b. Friedrich Weller, Index to the Tibetan Translation of the Kāśyapaparivarta, p. vi-252, H arvard Sino-Indian Sériés, i, HarvardYenching Institute, P e ip ’ing, lm p. des Lazaristes ( lr juillet 1931), 1933. Le travail sort de l ’atelier sino-indien de Staël-Holstein (voir B.E.F.E.O. 1927, 108) et constitue le premier supplément à l ’édition sanscrit-tibéto-chinoise du Kãśyapa (Commercial Press,1926 ; Muséon, 1927, 334-336). — Index de tous les mots et expressions tibétaines avec les équivalents sanscrits. — Mieux qu'un index, un exposé des doctrines du Kāśyapa: voir par ex. les articles madhyamâ pratipad, citta, etc., où on trouve tout ce que le Sütra dit là-dessus. — Voir F. W. Thomas, JRA S. 1934, 206-209. 37. Bhāvaviveka, Madhyamakârthasamgraha. N. Ayyaswami Sastri a mis en sanscrit les onze ślokas de ce petit traité (Mdo, xix, 4, Cordier, 300), J. of Oriental Research, V, part 1. Bhâvaviveka, Le joyau dans la main. T raduit par La Vallée Poussin, Mélanges, II. 38. Abhisamayālamkāra. 1. Giuseppe Tucci, The Abhisamayālamkārāloka of Haribhadra, being a commentary on the Abhisamayālamkāra of M aitreyanâtha and the Astasāhasrikāprajñāpāram itā, ed. with Introduction and Indices, Gaekwad’s Or. Ser., 62, 1932. — Premier volume de «The commentaries on the Prajñāpāram itā ». 2. U. Wogihara, Abhisamayālamkārālokã Prajñāpāram itāvyakhyā (Commentary on A stasāhasrikā-Prajñāpāram itā), the Work of H ari bhadra, together with the text commented on, fasc. i-iv, The Toyo Bunko, Tokyo, 1931-1934. 3. E. Obermiller, The doctrine of Prajñāpāram itās exposed in the Abhisamayālamkāra of Maitreya, Acta, Orientalia, xi, 1-131 et 334354, Leyde, 1932. 4. E. Obermiller, Analysis of the Abhisamayālamkāra, fasc. I, p. viii-106, Calcutta Or. Ser., n° 27, 1933. 5. The Pañcavimśatisāhasrikā Prajñāpāram itā, ed. with critical notes and introduction by Nalinaksa Dutt, p. xxiv-269, Calcutta Or. Ser., n° 28, 1934. 6. Une note de H araprasad Sastri. 1. Th. Stcherbatsky et E. Obermiller ont publié rAbhisamayâlamkāra (AA.), sanscrit et tibétain, dans Bibliotheca Buddhica (1929). Nous avons signalé (Mélanges I, 404-406) Pédition de l ’Abhisamayâlamkārāloka (AAA.) que commençait alors G. Tucci. Elle comprend 564 pages de texte, 25 pages de « variantes » et 55 pages d ’introduction et index. Le texte est établi d ’après d ’assez bons MSS. (Durbar Library) avec comparaison de la version tibétaine. Les rares misprints ou les méprises sont relevés dans Corrigenda (p. 51-55) ou dans les varions readings. Je ne vois guère à proposer que les lectures cyâvana pour vyâyâma, et visama pour visaya, p. 406-407 (définitions du vol et de la convoitise qui dépendent de Kośa, iv, 141, 166). L ’Introduction comprend une table des matières détaillée (p. 1-22) avec la compliquée concordance de la P ra jñ ā en huit mille et de l ’A A A .; ensuite: 1. index des kārikās de l ’AA. (23-26) ; 2. citations métriques de l ’AAA. (27-29) ; 3. noms propres, sûtras, etc. (30-31) ; 4. «words and subjects » (32-49), environ 700 « entries ». L’index des citations est à peu près complet. G. T. a identifié de nombreu ses stances, notamment dans le Pindârtha de Dignâga et dans d’autres ouvrages mal connus. On peut signaler: adrstadrster..., Kośa, vi, 191; astângopeta ..., comp. Kośavyãkhyā, iii, 144; âtmani sati... Saddar'ana (Suali), 193; kãmadhãtau ..., Kośa, vi, 292; karmajam ... (omis dans l’index, voir 440), Kośa, iv, 1; vimśatksana ... (omis dans l’index, voir 493), Kośa, iii, 179; vrttasthah ..., Kośa, vi, 142; sãmnidhyamātratas ... (omis dans l’index, voir 561), Ślokavārttika et Tattvasamgraha, 442. — Le Kośa est nommé 403, dans un passage qui dépend de vi, 166, et la citation permet de restituer un fragment de la Kārikā vi, 19: adhimātrā ksanikī tathâ / agradharmâh. — La ligne eko bhâvah est dans des sources bouddhiques, aussi dans Syādvādamañjarī, 4, 112. Si développé que soit l’index « words and subjects », on voit bien que G. T., à tort ou à raison, n’a pas voulu en faire le répertoire complet des richesses de l’Aloka. Il n’y a pas relevé bon nombre de termes qui figurent dans la table des matières; il a omis beaucoup de mots qui n’y figurent pas; il se contente souvent d’un minimum d’indications (par ex. dharmadhâtu, 421: ajouter 75, 104, 333, 338 ...). Sans vouloir épuiser mon fichier: anga (les 12), 35, Adakavatî, 6; anu, paramânu (discussion intéressante de l’atomisme), 372; anãlayalīna, 334; avasthāpanīyapraśna (explication nouvelle de: «L e Tathâgata survit-il? »)> 339; asuragati, 546; âvenika, 295; ekavijñānasamtatayas, 432; evam maya éru tam , 7 ; aupalam bh ikajñ ān a , 442; kalpa (et les bhûmis), 441, 558; karm aphalasam bandha , 440; karm anah pariposah , 441 .... Des expressions comme m uktakasütra , 261, śiksãd a tta k a , 441, des discussions comme celle sur les caractères du buddhavacana, 261, sur les trois citta s (k a lp ita , etc.), 338, sur la durée de vie des Bouddhas, 130, n’étaient pas à négliger. À la liste des noms d ’auteurs, etc., ajouter notamment Sāgaranāgarāja, 9, Laukāyatika, 339, Madhyamakanaya, 441, Vinaya, 129, Ekayānadeśanā et Nānānayavādin, 121; pour Yogācāra, ajouter 374; pour. Maitreya, ajouter 443; pour Sâmkhya, ajouter 339. — La Chine, cin avisaya , est nommée 310. 2. Le quatrième fascicule de l ’édition de Wogihara s ’achève, p. 527, avec le chapitre xi de la Huit-mille, p. 325 de l ’édition de Tucci. Cette édition, très soignée, — le nom de Wogihara, veut dire exacti tude minutieuse — diffère de la précédente : 1. elle est en caractères latins plus lisibles que la devanãgarī de la Gaekwad, 2. elle donne le texte de la Huit-mille au complet, tandis que l ’édition de Tucci re produit seulement les ityâdi des MSS. (On peut donc se passer de l ’édition de la Huit-mille dans Bibl. Indica) — Des références tibé taines et chinoises. — Il est probable q u ’une Introduction terminera l ’ouvrage. 3. Le titre complet de l ’AA. est abhisamayālamkāram nãma prajñãpāramitopadeśaśãstram, «le traité d ’explication de la Prajñāpāram itā qui se nomme Abhisamayālamkāra ». Ce n ’est pas le lieu d ’examiner la valeur du mot alamkâra, «ornem ent» (S. Lévi, D rstāntaparikti, JA . 1927, 2, 102; G. Tucci, Maitreya [nâtha] and Asaùga, Calcutta, 1930, 10; à signaler Yogaśāstra, cahier 64 à la fin, p. 658) : la nature de notre traité n ’est pas douteuse. Certains traités sont de simples commentaires des Sûtras; d ’autres, tel le Sūtrālamkāra, tel l ’Abhisamayālamkāra, exposent la doctrine des Sûtras dans un texte indépendant et systématique. Notre livre est un traité sur la P ra jñ ā ; mais il explique la P rajñ ā à un point de vue déter miné, au point de vue de Yàbhisamaya, c ’est-à-dire « l ’intelligence des vérités (ou de la vérité) qui est le chemin du salut», en d ’autres termes « comment, d ’après les doctrines de la P rajñā, on devient un Bouddha », L 'auteur du livre est Asaûga. D 'après la tradition (H aribhadra), Asańga se perdait dans la P rajñ ā ; il rendit visite au fu tu r Bouddha Maitreya qui lui révéla le sens vrai et profond de la P rajñ ā en lui dictant l'AA. Le commentaire de Haribhadra, abhisamayālamkãrālokã prajñāpãramitāvyākhyã, est un commentaire perpétuel de la P rajñ ā en huit mille, qui glose toutes les phrases du texte dans l'ordre, et qui est en même temps une « illustration » (aloka) de l'AA. Le commen taire est donc coupé d'incises: « Il est donc dit [dans l'AA.] : ... », et établit la concordance entre la P rajñ ā en huit mille et le « traité d'explication » (upadeśaśãstra) qu 'est 1' AA. — Le même travail a été fait p ar un autre docteur pour la P ra jñ ā en vingt mille : pañcavimsatisāhasrikāloka de Vimuktisena. 1. La première partie du mémoire d'Obermiller est une « revue de la lit térature relative à FA A. » (p. 1-13), littérature très vaste, commentaires indiens et tibétains, sûtras et śāstras de Prajñā (Un traité de Dignaga qui est teinté de Yogācāra; des ouvrages attribués, peut-être à tort, à Vasuban dhu); place de FA A. dans la littérature d’exégèse des Prajñās. 2-3. La deuxième et la troisième parties (13-47, 48-61) contiennent (d'après l'AA., FAbhidharmasamuccaya et d'autres sources) une analyse détaillée de Y a b h isa m a y a , « intelligence » ou « chemin » (Kośa, vi, 122) : chemin des Srâvakas ..., périodes du ou des chemins. On trouve ici, avec des observa tions nouvelles et parfois importantes, les données que Hiuan-tsang a exposees d'après Asańga-Dharmapāla (Siddhi). — Pour la première fois nous savons de science certaine que la śu k la v iã a ré a n á b h ū m i se confond avec les m o k sà b h ā g īy a s, que la g o tra b h ü m i se confond avec les n irv e d h a b h ā g īy a s. 4. La quatrième partie, « The eight principal subjects and the seventy topics of the AA. », est plus dure. Jusqu'ici Obermiller a exposé en clair la théorie du chemin, qui est le sujet de l'AA. ; il doit maintenant, ce qui est méritoire, montrer au lecteur attentif comment l'AA. analyse cette théorie. Maitreya isole huit « sujets » (padârtha) qui comportent en tout soixantedix paragraphes (artha): 1-3, trois espèces d'omniscience : sarvākārajñatā, omniscience propre aux Bouddhas (correspond aux savoirs 2 et 3 de Kośa, vii, 34) ; mārgajñatā, qui appartient aux saints depuis le « chemin de vue » des Bodhisattvas ; sarvajñatã, omniscience tout court, qui appartient à tous ceux (Petit et Grand Véhicule) qui connaissent la non-existence de 1 ātman (pudgalaśünyatā) ; 4-7, quatre praycgas (« methods of réalisation ») ; ♦ sarvākārābhisambodha; mürdhābhisamaya, anupürvābhisamaya, ekaksanābhisambodha (Comp. Kośa, vi, 185, pour la nomenclature sinon pour l’idée) ; le dernier est l’illumination qui écarte les derniers obstacles à l’acquisition de la qualité de Bouddha ( = vajropamasamâdhi) ; 8. le résul tat final, ãharmakāyābhisambodha, l’illumination qui donne aux saints les corps du Bouddha (quatre corps, Siddhi, 790). 5. Concordance entre 2-3 et 4: comment l’AA. devrait être disposé pour fournir une esquisse logique et cohérente du chemin, et éviter d’examiner trois fois les mêmes points. 6. La sixième partie est intitulée : « L’auteur de l’AA. et son système » (90-100). E. Obermiller développe quelques remarques de son Introduction à l’Uttaratantra (« Sublime Science », 95, Mélanges, i, 406). Comparant les trois premiers traités de Maitreya et les deux derniers (Uttaratantra, que les Chinois attribuent à Sâramati, et A A., inconnu des Chinois), il pense que Maitreya enseigne deux méthodes d’interprétation de la Prajñā: a. Point de vue Yogācāra. — Les trois mises en mouvement de la roue d’après le Sandhinirmocana ; les trois « natures » et les trois « absences de nature propre»; Yãlayavijñãna: c’est le Yogācāra de Maitreya-Asańga dans Sūtrālamkāra, Yogalãstra, etc. b. « Monisme strict », représenté par l’Uttaratantra et l’AA. — Ober* miller met en lumière un fait important, que l’AA. est ekayãnavādin : tous les êtres sont de la nature de Bouddha et entreront dans le véhicule des Bouddhas; tandis que « Asańga, etc.» (Haribhadra) sont nānānayavādin (comme la Siddhi) : les êtres sont de diverses familles (gotra) ; certains Ârhats obtiennent le Nirvâna par le véhicule des Arhats (Yasubandhu, dans Buddhagotraśāstra copie l’Uttaratantra et enseigne le véhicule unique). — On doit aussi noter que l’Uttaratantra et l’ÀA. ne savent rien de Ydlayavijñãna et de la psychologie d’Asańga (Parce que cette psychologie n’inté resse pas directement le sujet dont ils traitent??). Haribhadra est nettement anti-Yogācāra. Voir notamment ce qu’il dit des trois « natures » de l’écolë Yogācāra (p. 341, 545) ; de la non-existence ou « non-perception » de la pensée ; de l’impossibilité du svasamvedana (206). —■Nettement « nâgârjuniennes » les définitions qui admettent « l’ap parence indépendante de toute réalité » : « Il est faux que l’apparence (pratibhâsa) implique nécessairement une substance (ou « nature propre ») vraie (pāramārthika) : car une deuxième lune, les cheveux (vus par l’homme qui souffre des yeux), qui sont faux, ne laissent pas d’apparaître» (389; comparez Bhâvaviveka). Les choses existent samvrtyât non pas tattvatas (337). — C’est le « nihilisme » ou « Madhyamaka pur ». Mais le Madhya- maka est rarement pur, rarement « strictement moniste ». Haribhadra est ce que, au bon vieux temps, nous avions accoutumé de nommer « panthéiste » ; il reconnaît une tath atâ (ou «nature des choses»), immuable et sans diffé rence, immanente aux choses différenciées sarvadh arm ān u yāyin ī (340). Quelle différence avec le Sūtrālamkāra : « Il n’y a pas de dharm a (ou de chose) distinct du dharm adhâtu (ou ta th atâ) »? Quant à l’AA. lui-même, qu’il soit dans le « strict Madhyamika point of view » et exprime nettement les principes de « non-substantiality and monism », je ne pense pas que les références de p. 98 soient démontratives. A mon sens, sa métaphysique se résume dans la doctrine que « la substance unique, souillée, n’ayant pas obtenu la complète pureté (sarvākārã viêuddhi), se nomme tathâgatagarbha, « germe de Tathâgata » ; purifiée, elle est le dharmakâya, exactement le svãbhāvikakāya, l’essence transcendante »• C’est du « substantialisme » et du « demi-dualisme ». 7. L’ouvrage se termine par des index: sanscrit-tibétain, 101-131 (plutôt un dictionnaire qu’un index, car les termes techniques, qui seuls y figurent, sont définis avec la plus heureuse précision) ; tibétain-sanscrit, 334-335 ; sûtras et śāstras, 346-352 ; auteur et écoles, 353-354.1 1 P. 5, Q ... — Lire âloka. P. 5, 12. — Vimuktisena paraît être mieux attesté que Vimuktasena. P. 15. — bhāvanã dans bhāvanāmārga n ’est pas très bien traduit par « Concentrated contemplation», Koéa, vi, 119. P. 17. — sm rtisam prajanya = satisam pajañña. On a aussi, semble-t-il, samprajâna. P. 20. — Les ãharmas, laukikâgra, ne sont pas des « Virtues ». — Lire śrutamaya, non pas śrutim aya (de même Index). P. 2 1 . —■L ’expression drçtiheya est probablement fautive. On a ãarśanamãrga, ãarśanaheyaf ãrgmārga, ãrgheya. P. 2 2 . — L Jãnantaryamārga est bien « unimpeded path », mais la vraie tra duction est «chemin d ’antidote», pratipaksam ârga, comme expliqué dans la définition. — «. . . the imputed v ie w s »: le sens est donné dans la note; je doute de l ’exactitude de la restitution p a rik a lp ita : vik a lp ita ? — « Perseverance» rend mal la notion de ksânti. P. 23, 40. — La théorie des 16 moments est nettement définie; mais la défi nition de 1 ’anvaya reste obscure. P. 29. — Le texte est dans Tucci, 119; la traduction appelle peut-être des retouches. Les deux « Enlightenments » ne sont-ils pas le s o p a d h i et le n ir u p a d h i î — - « Ils ont peur de l ’existence ( b h a v â t ) . . . — « Bien q u ’il n ’y ait pas Nirvâna ( n ir v ā n ā s a m b h a v e fp ï) ils s ’imaginent un Nirvārik semblable à l ’extinction d ’une lam p e... », 4. Dans la préface, des remarques sur les relations du Madhyamaka et de Gaudapâda. Ce n'est pas Dasgupta qui a signalé le premier la dette de Gaudapâda. — On a ici, avec tout le détail nécessaire pris aux meilleures sources, l'explication des huit sujets et des soixantedix points. 5. La partie publiée correspond au premier chapitre de l'Abhisamaya-Alamkâra. En effet nous avons ici une « Prajñāpāram itā en 25.000 purifiée (samśodhita) d'après le traité de M aitreya», une recension due, semble-t-il, à Simhabhadra (circa 783-815). Le tra vail de ce docteur consista seulement, semble-t-il, à placer à la bonne place des références à l'A.A. — L'éditeur n 'a rien négligé pour éta blir le vrai caractère de son texte et en rendre l'emploi facile. 6. Je copie la note de N. N. Law (IHQ., IX, 355) sur une étude de H araprasad : « From after the time of Asańga, a gulf of différence separated the Mâdhyamikas and the Vijñānavādins. Dharmapāla marked it and requested H aribhadra to write a commentary (called AAA) on M aitreya's treatise with the object of reconciling the two schools of opinion. The Astasāhasrikã is recognised as an authority by the Mâdhyamikas. The Abhisamayālamkārakārikā is a synopsis of the P rajñāpāram itā made by the Vijñānavādins. The Âloka was w ritten to explain the former in the light of the latter with a view to their réconciliation ». — Les Tibétains font de H aribhadra un Yogācāra-Mādhyamika-Svātantrika (Obermiller, IHQ. ix, 171). 39. Vasubandhu. 1. Vingtaine : traduction de S. Lévi dans « M atériaux », ci-dessous P. 35. — G. Tucci lit aussi üsm agata; la Vyutpatti, le Divya, les MSS. du Kośa préfèrent üsmagata. p . 3 7 . _ Voir Siddhi, 578, qu'on pourrait citer pour presque tous les para graphes de ce chapitre. P. 41. — La comparaison du voleur et de la porte fermée est dans Kośa. Ce qui suit sur les deux nirodhas est insuffisamment développé. P. 83. — Les lectures de Tucci, p. 519, paraissent meilleures. P. 85. —— La définition de pranidhijñãna est peut-être insuffisante, Kośa, index. 39, 6 ; 2. traduction de Junyu Kitayana, ci-dessus 31 ; 3. Clarence Hamilton prépare la traduction du commentaire de K ’ouei-ki. Aux dernières nouvelles, ce travail est presque achevé. 2. Diverses publications de H. Ui (dans le 6e vol. de ses « Etudes »). a. Trentaine et Tchoan-che-luen (Nanjio, 1214) Nous avons signalé (Mélanges, I, 397) l ’édition de ces deux textes dans le sixième volume de H. Ui (407-427), et le mémoire qui accom pagne cette édition. — Le second, traduit par Param ârtha, anonyme, est un commentaire du premier. — C ’est à to rt que j ’ai corrigé le Vidyāpravartanaśāstra de Nanjio en Pravrttivijñānaśāstra ; on a pro bablement: Vijñānaparinām a : tchoan, dans la langue de Param ârtha, traduit parinâma (voir d ’ailleurs V yutpatti). Aux premières lignes: « L ’évolution {parinâma) du Vijñāna est double, en êtres (sattva, jantiij âtman) et en choses {dharma). : il n ’y. a pas d ’objet de connais sance en dehors de ces deux. Ils n ’ont pas d ’existence vraie: seule ment le Y ijñāna qui évolue en deux catégories d ’images». Un des points difficiles du système est le caractère inconscient de la «connaissance» q u ’on nomme Âlaya: «Comment connâissonsnous l ’existence de l ’Alayaviñāna si son «caractère» {laksana = ākãra de Hiuan-tsang, mode de connaissance) et son objet sont indis cernables? — P a r ses effets, car il engendre les passions, les actes, leur rétribution. De même l ’ignorance {avidya) : si son « mode » et son objet étaient discernables, on ne la nommerait pas avidyd; de ce q u ’ils ne sont pas discernables, ne concluons pas q u ’elle n ’existe pas: car ses effets sont l ’amour, la haine, etc.» — Cette doctrine de Vavidyâ fait penser au Śraddhotpãda. b. Dans le même volume, H. Ui complète notre documentation Vijñānavādin. 1. Texte et commentaire des cahiers 51-52 (Âlaya) et 53 (Vinaya, -problème de l ’acte) du Yogaśāstra confrontés avec la rédaction due à Param ârtha (Nanjio 1235, Taisho 1584). Il y a là sur l ’Âlaya des données non relevées dans Siddhi ou Samgraha. 2. Le Hien-che-luen, Taisho 1618, Nanjio 1217 (voir 347 et 53), anonyme, traduction de Param ârtha. — « Hien (clef 181 et 14 traits)- che » est un autre nom de l' laya, considéré comme le « Vijñāna qui manifeste » (prakãśaka, khyãpaka) [On a aussi, dans ce sens, hienhien (95 et 7) ; le hien-che (95 et 7) est le khyātivijñãna de Lahkâ et de Śraddhotpãda.] : « Le Vijñāna-qui-manifeste produit la cogi tation (vikalpa: la pensée en acte) ; celle-ci produit le parfum (vüsana) ; le parfum produit le Vijñāna-qui-manifeste : ainsi tourne la roue du samsâra ». On remarquera (363) que, à la définition classique : « Les trois sphères d'existence (ãhātu) sont seulement pensée (vijñ ā n a ) », succède une défi nition que je n'ai pas vue ailleurs: «Qu'est-ce que la pensée? Les trois sphères ». — « On a d'abord montré qu'il n ’y a pas de sphères en dehors de la pensée, on montre maintenant qu'il n'y a pas de pensée en dehors des sphères». En d'autres termes, ce triple monde n'est que pensée; mais il n'y a pas une pensée transcendante étrangère aux pensées qui constituent ce triple monde. La réalité suprême n'est que la nature des pensées produites par les causes. —■ Comparer la préface de K ’ouei-ki, commentaire de la Vingtaine. 3. H. Ui, Yin-tou-tche-kyo-che, « Histoire des systèmes (darsana) indiens », p. 666 et index (1-8, bibl. européenne, 1-22, sanscrit, 1-42, japonais), 1932. Cet ouvrage qui, dans plusieurs de ses parties, est comme un som maire des «Etudes», embrasse toute l'histoire philosophique de l'Inde. Il y a un chapitre sur l'enseignement originel du Bouddha. Dans le troisième livre, on a: 1. Sûtras du Grand Véhicule de la première période (Prajñā, Saddharm apundarïka, Terre p u r e ...) ; 2. Nāgārjuna ; 3. Deva et autres disciples de N. ; 4. Sâmkhya, etc. ; 5. Evolution du Petit Véhicule: Sarvāstivādins, T attvasiddhi; 6. Sûtras de la deuxième période: Nirvâna, Śrīmālā, Samdhinirmocana ; 7. M aitreya; 8. Asańga; 9. Vasubandhu; 10. Sûtras de la troisième période; Laùkâ, M ahāyānadharmadhātu-abhedaśãstra (Nanjio 1258, qu'il fau t déci dément attribuer à Sāram ati), Śraddhotpāda; 11. Yogācāra et «con templation du milieu ». — Il est intéressant de savoir comment un des meilleurs historiens comprend le développement de la littérature du Grand Véhicule : à coup sûr, le Laûka est antérieur à Vasubandhu; mais il appartient à la troisième apocalypse. 4. V ijñaptim ãtratāśāstra, La Trentaine avec le commentaire Dharmapâla-Hiuan-tsang. а. «S iddhi» dans Buddhica, 1928-1929. L ’index et l ’introduction attendent un imprimeur. б. Tripitakācārya Rev. Rāhula Sānkrtyāyana, Sanskrit Restoration of Yuan Chwang’s Yijñaptim ātratāsiddhiśāstra, pp. 72, Patna, 1933 (E xtrait de J. of the Bihar and Orissa Res. Soc., vol. 19, p art 4). Avec le concours de Wong Mow Lam, éditeur de « The Chinese Buddhist », le Rev. R. S. a mis en sanscrit la première partie de la Siddhi de Hiuan-tsang. Quoique dépendant, dans une certaine mesure, de 1a. traduction que j ’ai donnée de ce texte, le présent travail repré sente un sérieux effort personnel. — La restitution d ’une strophe du Ghanavyûha, p. 61, paraît inadmissible; l ’Ācārya Pûsin doit mainte nir sa lecture (Siddhi, p. 127). 5. H. Jacobi, Trim śikāvijñāpti des Yasubandhu mit Bhâsya des Ācārya Sthiram ati üb ersetzt..., pp. vi-64, 7e cahier des Beitr. zur ind. Sprachw. und Religionsgeschichte, Stuttgart, 1932. Cette traduction est une publication posthume due aux soins de W. Ruben avec qui Jacobi avait lu la Trentaine en 1928-1929. Elle est le dernier ouvrage du savant sanscritiste que fu t Jacobi; elle contient de très bonnes pages. Les corrections au texte de S. Lévi sont nombreuses et la plupart heureuses: notes 74, 80, 95, 100, 105, 140, 142, 162, 176, 177, 186; les conjectures, notes 115, 131, 151, 161 sont contestables. — Çà et là des remarques et des traductions qui m ontrent que Jacobi était mal documenté sur certaines « technicalities » du Bouddhisme scolastique (notes 87, 88, 131, 151) : on ad mire d ’autant plus les nombreuses réussites de sa trad u ctio n .1 1 Page 13, note 50 (texte 19,8) : — Il faut effacer nâmaca et conserver sãdhisthānam inãriyarūpam. Le sens de adhisthâna est expliqué dans Kośa. On a: « la matière organique (subtile: l ’organe invisible) et son support (visible: ] ’œil).» P. 23, n. 89. — L ’ānantaryamārga n ’est pas l ’état qui suit immédiatement l ’acquisition de la qualité d ’Arhat, mais le chemin qui produit cette acquisi tion; voir Kośa. 6. Sylvain Lévi, Un système de philosophie bouddhique. Matériaux pour l ’étude du système Vijñaptim ātra. — Introduction. — Histo rique du système Vijñaptim ātra, d ’après D. Shimaj, par M. Paul Demiéville. — Traduction de la Vimśatikā et de la Trimśikā. — L ’ālayavijñāna, d ’après le F an yi ming yi tsi, traduit en collabora tion avec Edouard Chavannes; avec une planche hors-texte, Paris, Champion, 1932 (Bibl. de l ’Ecole des Hautes Etudes, 260). — F ait suite à Vijñaptim ātratāsiddhi, texte sanscrit de Vimśikā (Vingtaine) et de Trimśikā (Trentaine) de Vasubandhu, 1925 (Ibid. 245). La planche hors-texte est une photographie de la belle statue de Vasubandhu du Musée de Tokyo. On regrette q u ’elle ne soit pas accompagnée d ’une notice. 1. L ’Introduction (1-5) est un exposé des origines du présent vo lume et des études récemment consacrées au système d ’AsańgaVasubandhu. 2. Analyse résumée du système V ijñaptim ātra (6-14). 3. Historique du système. — P. Demiéville « adapte » et annote la préface que D. Shimaj a mise à sa traduction japonaise du Vijñaptimātra. — Titre chinois ; titre sanscrit ; compilation et traduction ; les dix grands commentateurs indiens; autorités scripturales; aperçu doctrinal. — Beaucoup à apprendre. La partie la plus instructive de l ’aperçu doctrinal (très ou trop condensé) est celle où sont oppo sées les deux doctrines du Yogācāra : le système Asaûga-VasubandhuDharmapāla-Hiuan-tsang (Vãlayapratītyasamutpãda, « l ’idéalisme individualiste» de Masuda; multiplicité des Véhicules), et le sysP. 23, 1. 17. — margavai est très clair: « comme quand l'ascète pratique le chemin ». P. 36, n. 131. — La correction de dharmatâ en Tcarmatà montre que Jacobi n ’avait pas en main de dictionnaire pâli. P. 45, n. 151 (texte p. 34). — Jacobi bouscule le texte, supprime deux mots dont il fait une glose, introduit une négation, ne comprend pas nihsaranasamjñã... On doit lire ūrãhvam au lieu de nordhvam. Le sens est fixé par Kosa, vi, 201, 210: « L ’ascète doit être détaché (vītarãga) du troisième ãhyāna; non détaché du ãhyāna supérieur (Il est donc dans le quatrième ãhyãna). Il a un « acte mental » (manasikâra) procédant de la notion (fausse) que le recueillement est la sortie (ou Nirvana) ... ». tème Śrīmālā-Śraddhotpãda (le tathatãpratītyasamutpāda, « mo nisme », quatrième mise en mouvement de la roue d ’après certaines autorités). 4-5. Traduction annotée de la Vingtaine et de la Trentaine (25123). Sthiramati, auteur du commentaire de la Trentaine, est le chef d ’une des deux écoles qui se rattachent à Asaûga-Vasubandhu; Dharmapâla est le chef de la seconde (Demiéville, 19 ; Péri, Date, 41 ; Siddhi, etc.). Mais les vues particulières de Sthiram ati sont expo sées dans d ’autres ouvrages ^Tsa-tsi, M adhyânta) ; le présent com mentaire paraît éviter les points controversés. Il est trop certain que la méthode qu’adopta S. Lévi dès 1911 (Sūtrālamkāra) pour mettre en français les ouvrages bouddhiques, n’est pas bonne. Elle fournit au lecteur bénévole un texte inintelligible; elle dispense le traducteur de comprendre. Le bouddhiste dit: « La connaissance visuelle prend pour objet la couleur et la figure » ; la méthode aboutit à : « La No tation de l’œil Objective le Lieu du Formel». Vasubandhu dit: «précédé de l’idée [que c’est la] Sortie ( = Nirvâna) », et nous avons: «précédé d’une Connotation de Sortie-en-dehors». La stance dit: «Le pécheur peut marcher derrière le Bouddha, tenant en main le bout de la robe du Bouddha, les pas dans les pas : il est cependant loin du Bouddha » ; la méthode donne : « A cause du pan de leur froc, ils marchent pas à pas ; mais ils demeurent dans la transgression; ceux-là ne sont pas en présence du Bouddha» (Mahākarmavibhańga, 161-175, Itivuttaka, 91). — Ne demandons pas à S. L. ce qu’il ne veut pas nous accorder, mais un très grand nombre d’heu reuses définitions (par ex. les paragraphes sur les bons et mauvais dharmas) et des lots de références (par ex. p. 58, n. 1). 6. La Notation de Tréfonds (ālayavijñãna) , p. 125-173. — Traduc tion d ’un chapitre du F an yi ming yi tsi, le chapitre 6 et non pas le chapitre 16, Taisho 2131, p. 1153, col. 2. — Une dissertation de F a yun (1143 AD.) dont les traducteurs ont identifié les sources (Yen cheou, 975), qui serait d ’une plus grande utilité si plusieurs paragraphes n ’étaient pas gâtés p ar la « méthode ». A retenir notam ment les notes sur les divers noms de Val-aya et le neuvième vijñāna, 142, 161, sur la doctrine du Śraddhotpāda, 145, et les « parties » du vijñãna, 151. 7. Corrections au texte sanscrit, p. 175-179. — A la liste, il faut ajouter plusieurs corrections faites tacitement dans la traduction et quelques a u tre s.1 1 P. 5, 1. 13. — Probablement: yena ...... [tasya] karmano........ P. 8, au bas. — Lire pratyaksabuddhir bhavati ... (comme dans traduction). P. 16, 1. 10. — La lecture apy ucyata ne donne rien. Jacobi, d ’après une note de Stcherbatsky, corrige api dravyata. —■ Le bahiś ca de 1.'8 fa it aussi diffi culté. — Peut-être: « Etant donnée l ’inexistence extérieure d ’un âtman ou de dharmas, 1 ’ãtman et les dharmas sont des imaginations qui portent sur ce qui est en fait vijñāna, et ne sont pas des choses réelles. Par conséquent c ’est une doctrine fausse que l ’objet de la connaissance (âtman et dharmas) existe absolument comme c ’est le cas pour la connaissance... ». P. 17, 1. 26. — Lire anyah padârtha, comme dans la traduction. P. 18, 1. 21. — Lire oākhyavijñānam pour la prosodie. P. 19, 1. 8. — Effacer nâma. P 22, 1. 11. — Lire manaâkhyam. P. 23, 1. 5. — Lire na ca sarvaih (avec Jacobi et la traduction). P. 27, 1. 4. — Lire bhayâd avadyena (avec Jacobi et la traduction). P. 27, 1. 26. — Lire yân avec le MS. P. 28, 1. 16 et 19. — Lire samyojanam et avaéyam (coquilles). P. 31, 1. 4. — tat est douteux. P. 31,1. 31. — Jacobi: [kuśala]prayoga. P. 33, 1. 32. — Lire ekam. P. 34, 1. 31. — Lire ūrdhvam avītarāgasya. P. 37, 1. 2. — Lire grãhadvayavãsanānanugrhltã, avec le MS. et la traduc tion. P. 37, 1. 24. — Lire katamad anyad, avecla traduction. P. 38, 1. 6. — Lire svãtmani kâritravirodhat : « Il y a contradiction à -ce qu ’une chose agisse sur soi-même ». Jacobi trouve le même sens en lisant kāritā. P. 39, 1. 11. — vikalpyate peut-être préférable à prakalpyate (Lańkāvatāra, 163). P. 39, 1. 17. — La phrase na ca tad ... omise, d ’ailleurs sans dommage, dans la traduction. P. 41, 1. 15. — Lire rūpa[nã]lak$anam. P. 43, 1. 10-11, kārikā 28, lire yadā tv ālambanam jñãnam ... sthito vijñānam ãtratve ... ; la correction jñãnam est signalée dans l ’Errata; sthito, que le contexte paraît imposer (voir Siddhi, et prati§thito, 1. 15) est confirmé par Taisho 1587 où on lit: « A ce moment l ’ascète (hing-tche)est nommé«entré dans Vijñãna sans plus » ... » P. 43, 1. 17. — Lire probablement na kevalam grāhyãbhãvam. P. 44, 1. 5. — Lire anantaram ãśrayasya, avec la traduction. 8. Lexique des termes techniques, p. 181-206. — Le répertoire complet des termes techniques de la Vingtaine et de la Trentaine avec citation, dans l ’original, de tous les passages qui perm ettent de se faire une idée exacte de leur valeur. Une mine pour le vocabulaire bouddhique. 40a. Dignâga, Examen de l ’objet de la connaissance [Âlambanaparīksā], Textes tibétain et chinois, et traduction des stances et du commentaire; éclaircissements et notes d ’après le commentaire tibé tain de Vinîtadeva, p ar Susumu Yamaguchi en collaboration avec Henriette Meyer, J.A. 1929. Dignāgas Ālambanaparīksā, Text, Uebersetzung und Erlauterungen, von E. Frauwallner, W iener Zeitschrift, 37, 174-194. (Mélanges, I, 404). Les <( éclaircissements » de E. Frauw allner (notamment comparai son de l ’Ālambanaparīksā et du Pramânasamuccaya du même Dignâga) sont excellents. Le travail de Yamaguchi est d ’une lecture assez pénible, mais il contient plusieurs renseignements précieux. — Th. Stcherbatsky, Indian Logic, I, 518-521. — On peut souhaiter que E. F. reprenne ce texte difficile et le mette définitivement en clair. Il trouvera beaucoup à prendre dans Tattvasamgraha,, 550, qui utilise Dignâga. — Sur l ’indivisibilité des atomes, Siddhi, 46. 40b. E. Obermiller, compte rendu de Madhyāntavibhāga, p art I, édité et restitué par Vidhushekhara B hattacharya et G. Tucci, IHQ. ix, 1019-1030 (Mélanges, I, 400). Des notes d ’exégèse sur ce texte important, d ’une remarquable exactitude; et d ’excellentes remarques sur les équivalents sanscrits des expressions tibétaines (notamment sur àbhütaparikalpa, voir Mélanges, II, 157). P. 44, au bas. — Lire sam sãrãparityãgãt taã-an-upasamJcleśatvat. Le des du tibétain est taâ. P. 103, n. 1. — Plutôt Karmasiddhi. P. 105, n. 1. — Lire āsamjñilca comme dans l ’indez. 41. Th. Stcherbatsky, Buddhist Logic, I, p. xii-560, Leningrad, 1932. — Le vol. II a paru en 1930, Mélanges, I, 413-415. On doit s ’incliner avec respect devant ce Stüpa plein du Corps de la Loi, entouré de balustrades où tous les systèmes hérétiques figurent en contraste et en parenté avec la saine doctrine, qui porte en parasols les meilleures spéculations de la philosophie européenne. La table des matières permet une rapide pradaksinâ. L ’auteur est chez lui en tibétain comme en sanscrit. S ’il lui est arrivé de critiquer la paresse de ses confrères, qui oserait lui faire semblable reproche? Les menus détails du syllogisme retiennent son attention comme font les problèmes de métaphysique. Les renseignements d ’ordre histori que abondent à côté des définitions techniques et des aperçus doctri naux. 42a. E. Frauwallner, Beitràge zur Apohalehre, I, Dharmaklrti, W. Z. 37, 259-283, 38, 248-285, 39, 51-94. Texte tibétain (avec les stances originales qui sont citées dans les commentaires brahmaniques) et traduction de la partie du premier chapitre du Pramânasamuccaya (de Dharmakïrti) qui traite de Vapoha, un des problèmes ardus de la logique de Dignâga, en même temps la clef de voûte de cette logique. Le traducteur n ’a rien né gligé pour rendre son auteur intelligible; il l ’entoure d ’une analyse raisonnée du commentaire de Śākyabuddhi et de ses propres explica tions. Il promet un sommaire qui reste d ’absolue nécessité. Cependant ce problème indien des Universaux, dont on pouvait se faire une idée par la traduction du Ślokavārttika (Gangānātha, Bibl. Indica, 1907, p. 295-328), a récemment rencontré un brillant interprète dans Th. Stcherbatsky qui traduit des textes notables et les commente (Buddhist Logic, II, App., p. 403-432: « Vācaspatimiśra on Buddhist Nominalism », et I, p. 461-476: « Jinendrabuddhi [un commentateur du texte de E. Frau wallner] on the Theory of the Négative Meaning of Names »). On résume la doctrine d’apoha par la formule simpliste : « Une vache n’est pas une vache, elle est ce qui n’est pas une non-vache ». — Th. Stcherbatsky explique: « The Universal is alvvays an image, a logical construction, a dialectal distinction; the Particular, on the other hand, i. e., the extreme concrète and particular, the point-instant of efficient reality, is not con- structed, hence it is the thing as it is in itself. There is between no similarity at ail, but by neglecting ail their différence and by a common constrast we can identify them. Just so there is no similarity at ail between two cows; they are « other » entities, but by neglecting this there différence and by fixing our attention upon their contrast with, e. g., horses, we may say that they are cows, i. e., in this case, non-horses. If there were no objects with which they could be contrasted they would be qui te dissimilar ». — Th. Stcherbatsky compare Kant et Hegel, Mill et Bain, Sigwart et Lo-tze (482-505). Peut-être trouverait-on chez les Grecs et, chez les philosophes du moyen âge d’intéressants parallèles. 42b. E. Frauwallner, Dharm akîrtis Sambandhaparīksā, Text und Uebersetzung, W iener Zèitung, t. 41, p. 261-300. Contient la version tibétaine de ce petit traité de Dharm akîrti (25 ślokas), la version tibétaine des citations du dit traité dans un commentaire (Parīksānusāra), la version tibétaine d ’un autre com mentaire, le texte sanscrit de 22 ślokas fourni par un ouvrage jaïna, la traduction allemande des ślokas et du second commentaire. — Dharm akîrti démontre « dass es zwischen den Dingen keine wirkliche Verbindung gibt ». Th. Stcherbatsky, Buddhist Logic, I, 247, avait déjà défini la position de Dharm akîrti. La traduction de E. F ra u wallner est excellente. 42c. E. Frauwallner, Dignâga und anderes, Mélanges W internitz, 237-242. Sept notes instructives et qui témoignent d ’une vaste lecture. — Deux vers de la Trikālaparīksā qui passent dans la littérature vedântique en remplaçant « le pu r vijñãna » par « le pur brahm an ». — Un Hetumukha de Dignāga. — Śākyabuddhi, une des sources du Tattvasamgraha à côté de Dharmakîrti. — Les citations de Śubhagupta (dans Tattvasamgraha) identifiées dans le Mdo où Cordier a restitué, à tort, Kalyānaraksita (M. Lalou, 141). —■Le Śamkarānanda de Cordier (ibid. 241) est un Śamkaranandana. 43. W. Bang, en collaboration avec A. von Gabain et G. R. Rachmati, Türkische Turfantexte, VI. Das buddhistische Sütra Sakiz Yükmàk. Séances de l ’Ac. de Berlin, 1934, x. Ce Sütra qui existe en chinois (langue dans laquelle il fu t composé suivant toute vraisemblance), en tibétain, en mongol, en ouigour — un Sütra très apocryphe, genre Tantra de main droite — présente quelque intérêt pour l ’histoire du Yogācāra. Les huit «clartés» ou « assemblages » (peut-être kalâpa, car skandha et sambhüra sont impossibles) sont les huit vijñānas. Chose curieuse, la septième porte le nom de ãdāna. La « purification » (nous dirions la parâvrtti) de ces vijñānas produit autant de mondes divins. — Im portant pour le turc bouddhique. 44. Tantrisme, disparition du bouddhisme (Mélanges, I, 420). 1. Narendra Nath Law, dans IHQ. ix, 307-414 (1933), étudie l ’œuvre considérable de H araprasâd Sastri (1853-1931) : bibliogra phie et analyse des plus importantes publications. On remarquera les pages relatives à la littérature tantrique et au bouddhisme de basse époque, 356-369. — H araprasad croyait à l ’origine étrangère du tantrism e qui serait venu de la Haute Asie après les premières expéditions musulmanes (IHQ., i, 468). — Une page sur l ’interpré tation symbolique du Stupa, 356. — Des observations précises sur l ’antibouddhisme : « A provision in Śūlapāni ’s Prāyaścittaviveka 1 prescribing an expiatory rite for the mere sight of a Buddhist monk indicates the influence th at was exercised against the monks generally »,362 [Voir dans mes «Dynasties», l ’appendice sur «l’intolérance»] — Quatre-vingt-dix maîtres-de-maison étaient nécessaires pour l ’en tretien d ’une communauté, car un moine acceptait l ’aumône dans trois maisons tous les jours, et ne pouvait mendier q u ’une fois par mois dans la même maison. [Telle du moins est la règle]. 2. Benoytosh Bhattacharya, Guhyasamâja Tantra, or Tathagataguhyaka, edited with introduction and index, Gaekwad’s Or. Ser. 53; pp. xl et 212, Baroda Oriental Institute, 1931 (Voir la note de G. Tucci, ci-dessus). 1 Date incertaine, moderne ou du début du X lle siècle, J. Jolly, Recht und Sitte, 33. Ce Tantra, q u ’il ne faut pas confondre avec le Tathâgataguhyakasūtra (Śiksāsamuccaya, 7, 274, Madhyamakavrtti, 361) est longue ment analysé dans « The Sanskrit Buddhist Literature of Népal » de Rājendralāla M itra (261-264). Son importance est attestée par une énorme littérature (toute la deuxième colonne de p. 13 de Marcelle Lalou, Répertoire du T an ju r; le vrai nom est Guhyasamâja). J ’en ai tiré jadis la majeure partie d ’un chapitre de « Bouddhisme, Etudes et Matériaux », 1898, p. 146. Une particularité notable est l’offrande au feu d’excréments, urine, etc. (chap. 16), et l’obligation de mê’er ces choses à tous les aliments: « Such injunctions would, doubtless, be best treated as the ravings of madmen ». Je n’ai pas en main le livre de B. Bhattacharya. Si c’est dans son intro duction que W. Stede (JRAS. 1934, 402) a pris que « ce Tantra est un des plus anciens Tantras bouddhiques, datant probablement du 3e siècle (époque d’Asańga) », c’est vieillir et Asàńga et le Tantra. Les Tantras sont pleins de préhistorique, mais leur rédaction se place mal aussi haut. — C’est certainement par m istake qu’on attribue à' Santideva un commentaire du Guhyasamâja: il n’est pas étranger au tantrisme; mais son tantrisme n’est pas de cette sorte. 3. M. W internitz, Notes on the Guhyasamâja-Tantra and the Age of the Tantras, IHQ., ix, 1-10, 1933. Compare le Tathâgataguhyaka que cite Santideva et le Guhyasa mâja (dit Tathâgataguhyaka) et montre que ces deux ouvrages n ’ont rien de commun ; rappelle les remarques de Tucci, Bhattacharya, etc. sur l ’antiquité des T antras; prouve que ce dernier n ’a aucune raison plausible d ’attribuer à Asaûga l ’honneur de la rédaction du Guhya samâja. M. Winternitz se trouve amené à étudier la stance ix, 46, du Sūtrālamkāra d’Asańga : « Par la p a r ā v r tti de l’accouplement (m aithuna ) on obtient la maîtrise absolue quant à la béatitude des Bouddhas, quant à la vision sans souillure de l’épouse ». L’éditeur-traducteur, S. Lévi, et A. B. Keith (Buddhist Philosophy, 301) voient ici une allusion aux couples mystiques du Tantrisme, aux rites érotiques « for the sake of Buddha worship » (jin ap ū jãh etoh , dans Guhyasamâja, Winternitz, 3) ; de même A. K. Coomaraswamy, Mélanges Winternitz, 232. M. Winternitz écarte ces interpré tations; il pense à la Sukhāvatī où il n’y a ni femme ni plaisir charnel; il croit que, d’après le contexte, la parâvrtti de l’accouplement doit s’entendre de la chasteté : ajoutons que, en effet, parâvrtti signifie « rejeter » dans Siddhi, 665. Un point paraît hors de doute, la susdite parâvrtti produit deux biens: 1. « la vision sans souillure de l’épouse », « looking without impure thoughts at a wife », ce qui doit s’entendre du Bouddha marié, à savoir du Bouddha terrestre qui est une manifestation (nirmita) du Bouddha de la sphère pure : 2. « la béatitude des Bouddhas » qui appartient au Bouddha de la sphère pure. — Sur le sens de l’expression maithunaparâvrtti, nous restons dans le doute. Dans les stances qui précèdent, parâvrtti signifie « révolution, transformation », des organes, de l’intellect, etc. (Sens expliqué au long dans Siddhi, 660). Quelle sera la « transformation parallèle du maithunal Une pratique du maithuna exempte de toute passion charnelle? (C’est, au fond, la pensée de Winternitz; c’est la doctrine brahmanique du mariage, prajâyai grhamedhinãm, Raghuvamśa, i, 7; c’est la loi du Bodhisattva marié). Difficilement un rite tantrique, plutôt une union comme celle que préconisent les hérétiques de Kathāvatthu, X XIII, 1, ekādhippāyo methuno, comme celle qu’approuve Saint Thomas. 4. Ananda K. Coomaraswamy, Parâvrtti = Transformation, Régé nération, Anagogy, Mélanges W internitz, 232-236. Nous avons eu bien souvent l ’occasion de dire notre admiration pour les beaux travaux de F auteur: nous dirons aussi sans scrupule que cet article, consacré à l ’étude de la maithimaparâvrtti d ’Asanga, n ’est pas bon. De toute évidence on doit, p. 235, couper vibhutvam dvayor buddhasukhavihâre .... La version « the dual Buddha » est inadmissible : A. K. C. s ’étonne à to rt que ni S. Lévi ni moi-même n ’y ayons pense. 5. Āryadeva, Cittaviśuddhiprakarana. Depuis l ’édition de H araprasad (JASB., 1898, 175), ce petit traité a fait Fobjet d ’assez nombreuses remarques (en dernier lieu N. D utt et P. C. Bagchi, IHQ. VII, 285, 740, La Vallée Poussin, Mélanges Rapson, BSOS., vi, 2, 411, 1931). Prabhubhai Patel a pensé q u ’il m éritait d ’être sérieusement examiné et son petit mémoire (IHQ., V III, 790 ; IX , 705-721, 1933) est une des meilleures études de ^litté rature tantrique que nous possédions. — L ’ouvrage attribué à Aryadeva existe encore dans le Rgyud sous le nom de Cittaratnavisodhana 26 attribué au roi Indrabhûti [d ’Orissa]. — La cittaviśuddhi est un des « pas » (krama) du V ajrayâna et reçoit aussi le nom de Anuttarasamdhi (Pancakram a). — L ’Âryadeva dont il s ’agit doit être placé un peu avant le début du V IIIe et on peut déterminer le milieu où il a exercé son activité de siddha. — Suit un exposé du « côté honnête » des théories du Vajrayâna, bientôt perverti. [Je crois que la perversion est à l ’origine]. 6. N. N. Das-Gupta, The Buddhist Vihâras of Bengal, Indian Cul ture, I, 227-233, 1934, intéressant pour l ’histoire des monastères et du tantrisme. 7. Marcelle Lalou, Un traité de magie bouddhique, Mélanges Linossier, 303-322, 1932. Nous avons signalé, Mélanges, I, 417, le mémoire sur les patas d ’après le Mañjuśrtmūlakálpa. Ici, la traduction et le commentaire érudit du « chapitre de Garuda » de ce même livre. Ce chapitre est omis dans les versions tibétaine et chinoise du Kalpa, mais il a été tradu it à p art p ar Amoghavajra (775 A. D., Nanjio 1054). La date du Kalpa est fixée par les prophéties historiques q u ’il contient (voir « Dynasties ... », Index). D ’après les indications qui ouvrent le traité, celui-ci contient seu lement « les rites qui ont pour objet d ’attirer et de dompter les serpents, de ranim er un homme mordu, d ’extraire le venin». En fait, il décrit des rites de quatre sortes: curatifs, d ’asservissement, propitiatoires et maléfiques. 45. Tibet. 1. Marcelle Lalou, Les « Cent mille nâga », Mélanges W internitz, 79-81. Notes sur divers textes, étroitement apparentés, relatifs au culte des nâgas, et qui posent le problème de l ’influence Bon dans cette littérature. Le plus grand nombre des documents paraît être indien. 2. Marçelle Lalou, Répertoire du Tanjur d ’après le catalogue de P. Cordier, avec une préface de M. Paul Pelliot, pp. viii-240, 1933 (Bibl. Nationale, MSS.). Annonçant la publication de ce répertoire — faisceau d ’index: titres, noms de personnes, noms géographiques — G. de Roerich disait : « This work when printed will be the greatest boon for scholars ». — «M elle Marcelle Lalou, qui a déjà donné tan t de preuves de son dévouement aux études bouddhiques, a bien voulu se char ger de classer, vérifier et compléter toutes ces fiches (de P. Cordier) et d ’établir en outre l ’index des titres;... elle a mené ce travail considérable et ingrat à la perfection... Grâce à Mel,e Lalou nous sommes m aintenant à pied d ’œuvre pour l ’étude critique de tout le Canon tibétain, qui est notre source d ’information la plus riche» (P. Pelliot). 3. Des notes de G. de Roerich dans des comptes rendus des Mdoman de M. Lalou et du Catalogue de l ’Otani Daigaku, J. of the Am. Or. Soc. 52, 395-399. 4. Baron A. von Staël-Holstein, On a Peking édition of the Tibetan K anjur which seems to be unknown in the West, pp. 1-20 et reproductions photographiques (E xtrait de Harvard Sino-Indian Sériés, III ). 5. Giuáeppe Tucci, Indo-Tibetanica, I, «M c’od rten » e « T s’at s ’a» nel Tibet Indiano ed Occidentale, Contributo allo studio dell’ ajrte religiosa tibetana e del suo significato, p. 158 et 48 feuilles de reproductions photographiques, Rome, Académie royale d ’Italie, 1932. Cet ouvrage est divisé en deux parties: la première traite des mchod-rten (ou stüpas, caityas) et des thsa-thsa (ou thsa-tsa) qui sont de « parvae imagines ex argilla factae », représentant des Stüpas ou des divinités; la seconde fournit une description détaillée des prin cipaux types de thsa-thsa collectionnés par l ’auteur en Ladak, Spiti, etc. — En appendice des textes tibétains sur les mchod rten, publiés et traduits, un texte sanscrit relatif à V ajrapâni victorieux de Śiva. —■On a mieux que des descriptions : une étude aussi sur la symboli que tibéto-indienne du stüpa. Les thsa-thsa, pour les nommer de leur nom vulgaire en tibétain, qui sont les dam gzugs, « saintes images », du Tibet, les brah bimb, « saintes empreintes », du Siam, continuent les anciens signacula, memento et exvoto des quatre grands lieux saints, par quoi débuta Fart bouddhique : « de simples boulettes d’argile, moulées ou estampées d’un coup de cachet ». A. Foucher a découvert et classé les anciens specimens (Les débuts de l’art bouddhique, JA. 1911, 1, 65, Beginnings of Buddhist Art, 1917) ; il vient, dans un mémoire qui est un de ses meilleurs ouvrages, de prouver que le lotus est le signaculum de la Nativité (On the Iconography of the Buddha’s Nativity, MASI., 46, 1934). G. Coedes a étudié le développement de cette iconographie au Siam (Ta blettes votives bouddhiques du Siam, Etudes Asiatiques, I, 145-167 ; signalé en passant par G. Tucci). G. Tucci catalogue les specimens tibétains. Il fait mieux en commentant le traité « Rite de la fabrication des thsa-thsa », [dont j ’avais jadis ren contré des fragments dans l ’Ādikarmapradīpa (Bouddhisme, 1898) : il donne de meilleures lectures]. Ce traité révèle un aspect de la vie religieuse fami liale bouddhique: un des rites importants est la fabrication d’un stûpa, d’un mandata, de thsa-thsa avec l’argile qui .a servi au stüpa. Nous ne sommes pas, chose curieuse, assurés du mot sanscrit dont les Tibétains ont fait thsa-thsa. J ’avais lu sarvaka (sajjaka) le ms. de l’Adikarma. Haraprasad, d’après le Kudrstinirghâtana d’Advayavajra, aboutit au même sarvaka, qui ne donne aucun sens. Je crois à sañcaka, lecture de Cordier, I, 193, II, 185 (M. Lalou, 53), et de Laufer, Loan Words in Tibetan, 29, ap. Tucci, 54. Mais sañcaka, qui donne un sens, « empreinte », « a stamp or mould » (Monier Williams), a-t-il pu passer à tsha-tshal G. Tucci pense à un prâcrit sacchāya saccdha pour un sanscrit sat-chaya, « image parfaite » qui correspondrait au dam pahi gzugs brnam du Tibétain. 6. G. Tucci, E. Ghersi, Indo-Tibetica, ii, Cronaca délia Missione scientifica Tucci nel Tibet Occidentale (1933), p. 395, nombreuses illustrations, 1934 (R. Ac. d ’Italia, Viaggi di studio ed esplorazioni), ouvrage sur lequel nous reviendrons. 7. G. Tucci, Rin c ’en bzań po e la Rinascita del Buddhismo nel Tibet intorno al mille, Rome, Accademia d ’Italia, 1933, p. 103, avec des fragm ents des sources tibétaines utilisées, des index et une carte. Ratnabhadra réagit contre le tantrisme, venu de l ’Inde, et contre les infiltrations, païennes et semi-tantriques, de la religion Bon, « C ’est à l ’esprit nouveau personnifié par lui q u ’il faut attribuer l ’activité missionnaire d ’Atīśa et de Somanâtha». Grand traducteur, grand constructeur, il mérite l ’attention savante que G. Tucci lui a accordée ; autour de lui plusieurs personnes, royales ou monastiques. — Un compte rendu détaillé de B. K. Sarkar, IHQ. X, 382. — Cidessus l ’article de E. Obermiller. 8. P. Otto Schrader, On some names of the Buddha, IHQ., IX, 1, p. 46-48. Remarques originales et, je crois, judicieuses sur les équivalents classiques de 1. buddha = sans-rgyas-pa. Or sańs-pa signifie «éveil lé » ; pour préciser on a ajouté ye-ses-rgyas-pa, « complet en savoir », et ensuite abrégé en sans-rgyas ; 2. bhagavat = bcom-ldan-hdas; bcomIdan traduit bien bhagavat, mais signifie « vainqueur » ; on a ajouté myań-hãas, abrégé hdas, qui précise : « le Nirvâné » ; 3. tathâgata .= be-bzhin-gsegs-pa, litt. «celui qui est venu ainsi», tathã-āgatæ. Cependant il faut couper tathâ-gata, qui est identique de sens avec tathâbhüta, evamgata ... : « being in such condition [as is most dési rable] », donc «the perfect m an». [Pâli tâdin confirme cette ingé nieuse explication] 9. Alexandra David-Neel et le Lama Yongden, La vie surhumaine de Guésar de Ling, le héros tibétain, p. lxiv-346, 1931. Se lit très agréablement comme les autres ouvrages de la même main; donne à L. A. Waddell l ’occasion d ’une note substantielle sur le mongol Gesser, tibétain Kesar ou Gesar, JRAS., 1933, 964-969. Post-scriptum. 1. U. Wogihara vient de faire paraître : 1. le cinquième fascicule de 1’Abhidharmakoáavyākhyā, p. 441-550, jusque vi, kâr. 35 (ci-dessus 30); 2. le cinquième fascicule de l ’AAA., qui se termine avec le Tathatâ-parivarta (ci-dessus 38, 2.) ; 3. les deux premiers fascicules de « Saddharm apundarīkasūtram , romanized and revized text of the Bibliotheca Buddhica publication by Consulting a Skt. Ms. and Tibe- tau and Chinese translation by Prof. U. W ogihara and C. Tsuchida, Seigo-kenkyūkai, Tōkyō, 1934 ». 2. Susumu Yamaguchi, Sthiramati, Madhyāntavibhāgatīkā, E x position systématique du Yogācāravijñaptivāda, t. I er, Edition [du texte] d'après un MS. rapporté du Népal par Sylvain Lévi et précédée de sa préface .... Pages i-xxvi, Préface, Avertissement, Introduction, et 262, plus Appendice, restitution sanscrite des parties connues par le seul tibétain, et Corrections, p. 262-277, Nagogya, Librairie Hajinkaku, Nakaku. — Le t. 2, sous presse, sera, intitulé : « La traduction japonaise ... avec de nombreuses notes », le t. 3, en préparation: « Le M adhyântavibhâgaçâstram mis en comparaison avec deux traduc tions chinoises et la version tibétaine. — Index de la Madhyântavibhāngatīkā ». — Voir Mélanges, I, 400 et ci-dessus 40 b. 3. B. Nanjio et Hokei Idzumi, Suvarnaprabhâsa, Kyoto, 1931. — Voir S. Lévi, JA . 1934, 1, 1. 4. Le bon journal de Susuki, The Eastern Buddhist, réapparaît après une trop longue éclipse. Le n° 3 du vol. VI, July 1934, contient une esquisse de l ’Avatamsaka de Béatrice Suzuki; la première partie d 'u n savant mémoire de Teresina Rowell sur « the background and early use of the Buddha-ksetra Concept » ; un excellent aide-mémoire de Kaishun Ohashi : « Die Spuren des Buddhismus in China vor Kaiser Ming, nebst einer Betrachtung über den Ursprung und die Bedeutung des Chin-jên ». 5. A. J. Bernet Kempers, The Bronzes of Nalanda and HinduJavanese Art, p. 88 et 33 planches, Leiden, 1933. — « Nālandā bron zes belong to Pâla a rt; Nālandā influenced by Hindu-Javanese a rt? ; Hindu-Javanese art influenced by Nālandā ». 6. Tran-Vãn Giàp, Le Bouddhisme en Annam des origines au X I I I e siècle, p. 1-78 et Index, extrait de B EFEO ., t. 32, fasc. 1., 1932. — Un chapitre nouveau de l'histoire de la propagande bouddhi que, établi par l'étude de sources sûres mais très difficiles: «Dans la première période, qui va du début du I I I e siècle à la fin du V Ie, triomphe le bouddhisme indien, apporté p ar la famille du Sogdien Seng-houei (vers 280; [mais voir p. 214]), puis par l ’Indoscythe Kalyânaruci (en 255 ou 256), enfin par les moines indiens Mārajīvaka et Ksudra (294) ... ». Une école Dhyâna d ’origine chinoise; une école de Dhyâna proprement annamite. 7. Enrico G. Carpani, Nirvâna (Filosophia e Religione), Bologna; Quattro Note sul Krishnaismo, Reggio-Emilia, 1934. — Deux pla quettes qui ne sont pas sans intérêt. 8. Sylvain Lévi, Devaputra, JA . 1934, 1, 1-21. — Un chapitre du Suvarnaprabhâsa — le Rājasāstraparivarta, « traité de la royauté — quand il explique pourquoi le roi est nommé devaputra, a en vue les Kusanas, les seuls rois indiens qui aient pris le titre chinois de « fils des dieux », « fils du ciel ». Intéressant pour la date de ce chapitre. Les remarques sur devaputto appellent des réserves, et aussi le rap prochement qui « s ’impose, qui amène un singulier problème », entre le « Fils de Dieu » des communautés chrétiennes et le « titre porté par les puissants monarques de l ’Orient, Chinois ou Kusanas ». 9. L ’étude de E. H. Johnston, ci-dessus 9, dans le volume publié par la Society for promoting the study of religions. TABLE DES MATIERES J. B. G. B acot , Le mariage chinois du roi tibétain Sron bcan sgan po B e l p a ir e , Sur certaines inscriptions de l ’époque des T ’ang H. 61 L ’évolution du stûpa en Asie, contributions nouvel les et vue d ’e n s e m b l e . ........................................................93 C ombaz, L . de L a V al l é e P o u s s in , E. 1 Note su r l ’Ā la y a v ij ñ ā n a . . . . 145 L ’Ālayavijñāna (Le Réceptacle) dans le Mahāyānasamgraha (Chapitre II), Asańga et ses commentateurs L am otte , 169 M a spér o , L e se r m e n t d a n s la p r o c é d u r e ju r id iq u e d e la C h i ne ancienne...................................................................................257 E. O be r m ill er , Tsoń-kha-pa le P andit...............................................319 G. Tuccl, Some glosses upon the Guhyasamâja...............................339 L . d e L a V a l l é e P o u s s in , N o te s d e b ib lio g r a p h ie b o u d d h iq u e . 355