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IUFM de Bourgogne
CONCOURS DE RECRUTEMENT : Professeur des écoles
LE CORPS DE L’ENSEIGNANT DANS LA CLASSE :
UN OUTIL D’APPRENTISSAGE POUR L’ÉLÈVE
Stagiaire : DUPUIS Catherine
Directeur de mémoire : Monsieur J.P. ALCANTARA
Année 2005
N° de dossier : 04STA00500
Je tiens à remercier chaleureusement :
- Éric SAUNIÈRE qui m’a montré avec discernement toute l’importance de la mise en
scène du corps dans la classe et qui m’a permis de l’expérimenter avec son soutien. Je lui suis
reconnaissante pour sa confiance et ses encouragements.
- Gérard LAMOTTE pour sa dynamique, son engouement et ses paroles rassurantes qui
m’ont aidée à prendre sur moi dans les moments de doute. Il m’a permis de prendre
conscience de mes défauts, de mes manques mais également des aspects positifs de ma
pratique.
- Pierre BOXBERGER, qui a vu en moi, au delà de mes débuts hasardeux dans mon
premier stage, le travail que je fournissais et l’envie de bien faire ce métier que j’ai choisi
avec passion.
SOMMAIRE
LE CORPS DE L'ENSEIGNANT DANS LA CLASSE :
UN OUTIL D'APPRENTISSAGE
INTRODUCTION
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I. LE CORPS DE L’ENSEIGNANT : UN OUTIL DE COMMUNICATION 3
1)
2)
3)
Asseoir son autorité au sein de la classe
L’ascèse scolaire
a. Une prémisse aux apprentissages :
b. Un enjeu social :
Stimuler les élèves
II. ÉVOLUTION DU CORPS DANS L’ESPACE CLASSE
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1)
Immobilité du corps
a. Un enjeu d’apprentissage :
b. Réguler des comportements inappropriés :
c. Intérêt dans le choix du positionnement :
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2)
Mouvance du corps
a. Stimuler les élèves :
b. S’approprier l’espace pour faire autorité :
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3) Jeu du contact et de la distance entre le corps de l’enseignant et celui
de l’élève
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a. Signifier un rapport privilégié :
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b. Imposer son autorité :
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III. LA CORPORÉITÉ DE L’ENSEIGNANT : QUELQUES PARAMÈTRES
PRIVILÉGIÉS
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1)
Utilisation du regard
a. La fixation :
b. Balayer du regard :
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2)
Les modulations de la voix
a. Transmettre les connaissances :
b. Se faire respecter
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3)
La gestuelle : mise en scène du corps
a. Rendre l’enseignement vivant :
b. Gérer les dysfonctionnements :
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CONCLUSION
Bibliographie
ANNEXE
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I
1
« Je parle avec mon corps, et ceci sans le savoir.
Je dis donc toujours plus que je n’en sais. »
LACAN
INTRODUCTION
L’enseignant a pour mission d’instruire et d’éduquer ses élèves. Pour accompagner
l’enseignant dans sa tâche d’instruction, les programmes officiels constituent un support
important pour guider ses choix didactiques vers les contenus d’enseignement essentiels et les
savoir-faire qu’il doit inculquer aux élèves. Par contre, l’enseignant est seul responsable des
moyens, c’est-à-dire des choix pédagogiques qui lui permettent de faire acquérir ces contenus
d’apprentissage à l’ensemble des élèves.
Concernant l’éducation, chaque enseignant se doit de diriger sa classe selon des règles et
principes qui sont en accord avec les missions de l’école publique, gratuite et laïque. Mais il
interagit avec ses élèves selon un comportement, une corporéité qui lui sont propres. L'acte
d'enseigner est fondamentalement un acte de communication et chacun d’entre nous dispose
en soi des mêmes outils communicationnels, qu’ils soient verbaux ou non verbaux. Mais la
personnalité unique de chaque individu fait qu’ils seront toujours mis en jeu différemment
dans la gestion de la classe. L'enseignant doit manifester des habiletés, tant comme émetteur
(clarté des explications, maîtrise de la langue, dynamisme de l'expression) que comme
récepteur (capacité d'écoute, ouverture).Or, d’après J-H. et J. CORMIER c'est « l'aspect avec
lequel les enseignants sont généralement le plus mal à l'aise puisqu'ils ont tendance à le faire
relever de causes non modifiables, comme la personnalité, le talent naturel, l'instinct et, à la
limite, la génétique. Ils sont d'autant plus renforcés dans cette perception que rien, dans leur
formation, ne leur fournit les techniques de communication élémentaires auxquelles tout
enseignant doit recourir » pour gérer sa classe.
C’est là qu’intervient l’enjeu de la mise en scène du corps de l’enseignant. S’agit-il
d’un véritable instrument de travail au sein de la classe ? Le contrôle corporel est-il
inné comme le suggère la fréquente invocation de l’autorité dite « naturelle » ou bien peut-on
agir sur sa corporéité pour parfaire son enseignement, sa gestion de la classe ? Quels effets le
corps de l’enseignant peut-il vraiment induire dans la classe ?
Nous chercherons à répondre à toutes ces questions.
Notre hypothèse est que le corps s’impose comme médiateur de la relation pédagogique. Ce
corps sans cesse soumis au regard des élèves, est ce par quoi l’enseignant transmet les
apprentissages, ce par quoi il communique avec les élèves. C’est pourquoi il constitue un outil
important dans la gestion de la classe puisqu’il permet d’installer au travers de multiples
paramètres, un climat favorable aux apprentissages.
Or, dès mon premier stage en école élémentaire, j’ai été confrontée à cette difficulté
qui consiste à mettre en scène son corps d’une façon appropriée au public qui se tient devant
soi. J’étais d’ailleurs bien trop absorbée par le souci de faire passer certains contenus
d’apprentissage pour avoir un quelconque recul par rapport à cet aspect de mon enseignement
et c’est mon équipe de suivi qui a diagnostiqué le problème : j’avais une ma nière de faire la
classe beaucoup trop magistrale qui ne convenait pas du tout à cette classe d’âge. Je restais
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« collée » près du tableau, souvent avec une posture corporelle fermée (bras ou jambes
croisées) et me déplaçais très peu dans la classe. Ayant pris conscience de ce problème, j’ai
donc décidé d’en faire le sujet de ma réflexion pour ce mémoire.
J’ai d’abord cherché d’où pouvait venir ce problème. Je pense pouvoir dire -outre le fait que
je manque d’expérience puisqu’il s’agissait de mon premier stage en tant que professeur des
écoles (je n’ai pas suivi de PE1)- que cette difficulté à être proche des enfants vient
certainement de mon expérience passée, à savoir : les stages que j’ai effectués en tant que
professeur d’EPS dans des lycées principalement, ainsi que celle de surveillante d’internat et
d’externat pendant ces deux dernières années. En effet, avec un public plus âgé, le rapport que
l’on a avec son propre corps et avec celui des autres, est bien différent. Il y a un rapport de
séduction qui rentre en jeu, et le corps féminin que j’exposais alors sur la scène pédagogique
devait garder ses distances, et se donner à respecter sans trop de proximité. De plus, dans le
cadre de l’EPS vous conviendrez que la circulation de l’enseignant parmi les élèves est
totalement différente de ce qui peut se faire en classe. L’espace n’est pas aussi réduit et sa
structure est mouvante. C’est l’enseignant qui décide de la disposition du matériel et de ses
élèves lorsqu’il doit établir un rapport de langage avec eux.
Je pense donc que c’est le transfert de mes expériences passées dans une classe d’école
élémentaire qui a induit ce rapport magistral de communication avec mes élèves et a ainsi
produit le décalage dont mon équipe de suivi m’a permis de prendre conscience.
C’est pourquoi se dessine un véritable enjeu pour l’enseignant de maîtriser son corps,
de savoir utiliser toutes ses ressources pour une gestion optimale de la classe.
Après réflexion et expérimentations, je vais donc exposer dans ce mémoire tout ce qui selon
moi, et en relation à des conceptions théoriques, est primordial dans une classe et dépendant
de la mise en scène corporelle de l’enseignant, et tout ce que ce corps représente comme
moyens pour instruire et éduquer les élèves.
I. LE CORPS DE L’ENSEIGNANT : UN OUTIL DE
COMMUNICATION
D’après J-H et J. CORMIER, le rôle de l'enseignant vise à « structurer (clarifier et
contrôler) l'environnement éducatif que constitue sa classe, d'une part; et, d'autre part, à
motiver (stimuler et respecter) ses élèves à l'accomplissement des tâches et à la réalisation des
apprentissages ». Et pour créer cette situation de classe propice aux apprentissages, c’est le
corps qui va servir à instituer ces deux aspects dans la relation pédagogique, car, comme l’ont
si bien dit I. et O. MAULINI : « le corps n’est ni le résidu, ni l’étendard de notre identité. Il
est notre intelligence incarnée. Le corps n’est donc pas, à l’école ou ailleurs, l’élément neutre
des apprentissages ». C’est un outil essentiel dans la gestion de la classe, pour instruire et pour
éduquer les élèves.
Il est bien sûr illusoire de vouloir contrôler le moindre sursaut implicite de communication
corporelle. Cependant, en prenant conscience de tout ce que le corps représente en terme de
communication, on peut espérer en jouer avec une relative maîtrise. C’est ce contrôle corporel
qui permettra à l’enseignant de l’utiliser au mieux dans une finalité pédagogique précise, afin
que la situation permette aux apprentissages de se mettre en place chez les élèves.
Mais avant de penser aux contenus d’enseignement, il est certaines conditions que
l’enseignant doit au préalable instituer dans sa classe.
3
1) Asseoir son autorité au sein de la classe
Chaque enseignant est libre de mener sa classe comme il l’entend. Cependant, dans un
souci d’efficacité lors de la transmission des apprentissages, il est entendu qu’il doit instaurer
une situation de classe qui lui garantisse le respect des élèves à son égard et inversement. Il
doit les éduquer. En effet, c’est seulement dans ce rapport de respect mutuel que l’enseignant
s’imposera en tant qu’autorité qui possède un savoir à enseigner aux élèves de sa classe. Pour
cela, on peut jouer sur l’architecture de la classe, le mobilier, qui rendent possibles « le travail
simultané de tous les élèves et son contrôle par l’enseignant. Ils font fonctionner l’espace
scolaire comme une machine à apprendre, mais aussi à surveiller, à hiérarchiser, à
récompenser » (Foucault, 1975, p.172-173).
Mais surtout, « les corps, tout comme les esprits, doivent être domestiqués, rectifiés,
fortifiés » (Heller, 1997). Or, de telles attitudes passent nécessairement par le redressement
préalable des inclinations enfantines pour la rêverie et l’agitation. Là encore, le corps de
l’enseignant sera le moyen de répondre à ces corps agités d’élèves. Il s’agit d’ailleurs bien
moins d’utiliser la voix que toute la gestuelle corporelle qui permet de jouer sur un éventail
beaucoup plus large de mimiques et de communication implicite. Ainsi un grand général
disait de celui qui veut commander qu’il « crée le calme et l'attention pourvu qu'il se taise.
Aussi, l'instinct des hommes désapprouve le maître qui prodigue les phrases. (…)Les
règlements ont toujours prescrit la concision des ordres, et nous voyons trop bien aujourd'hui
comment l'autorité se ronge elle-même par la vague des papiers et le flot des discours »
(Charles De Gaulle, Le Fil de l'Epée). La prestance du corps semble alors bien plus parlante
en terme d’autorité que la parole.
Néanmoins, l’enseignant doit prendre garde à ce que le souci de contrôler sa classe
n’envahisse pas la situation au détriment même de la communication du savoir.
L’autorité naît du respect mutuel qui s’instaure dans la relation pédagogique. Or, ce
respect ne s’impose souvent pas d’emblée dans une classe où l’enseignant est inconnu. Alors
il devra tout faire pour le gagner des élèves. Cela passe d’abord par la démonstration du
contrôle de soi. L’enseignant doit être crédible dans ses facultés intellectuelles -il détient le
savoir- et il est maître de ce qui se passe dans sa classe, c’est-à-dire qu’il est capable de
contrôler les choses et les individus, ce qui implique d’abord une parfaite maîtrise de soi (ce
que je dis, ce que je fais).
En fait, toute la difficulté pour l’enseignant réside dans le camouflage de son ressenti intérieur
pour ne laisser paraître corporellement que ce qu’il veut bien que ses élèves voient. Il s’agit
d’utiliser son corps à des fins pédagogiques, pour mettre en place des apprentissages, mais
c’est aussi, une manière de se protéger, de ne pas être à fleur de peau. En effet, si son corps
vient à trahir une perte de contrôle, comme de l’énervement par exemple, l’enseignant aura en
quelque sorte dévoilé à ses élèves un point faible. Car dans une classe dite difficile,
l’enseignant est souvent soumis à des provocations. Les élèves cherchent à le tester pour
savoir jusqu’où ils peuvent le pousser, pour voir ses réactions. Et sitôt qu’une situation le
mettra en colère et que son corps traduira alors qu’il est à bout de nerf ou qu’il ne sait plus
quoi faire, les élèves sauront qu’ils tiennent alors la solution pour le faire enrager. Ils
n’hésiteront pas à réitérer la situation qui leur garantit d’une certaine manière qu’ils ont
gagné, qu’ils ont fait perdre son sang froid à l’enseignant. C’est pourquoi celui-ci doit
maîtriser les réactions de son corps, les canaliser pour sembler toujours maître de la situation,
quelles que soient les circonstances, et même si intérieurement il n’en est rien.
Dans cette optique, l’éclat de voix est à proscrire, puisqu’il traduit quelque part une perte de
contrôle, un énervement contenu qui éclate par la parole. Si cela se produit souvent
l’enseignant risque de perdre une part de crédibilité. Car quelque part, du point de vue de
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l’élève, l’enseignant est celui qui détient le savoir (absolu !), qui le transmet, celui qui sait
toujours ce qu’il faut faire, qui se comporte toujours d’une manière exemplaire en toute
situation. C’est du moins l’image qui était véhiculée il y a quelques années encore. Alors
peut-être ce besoin de déstabiliser l’enseignant vient de ce que cette image de perfection n’est
plus aujourd’hui en adéquation avec celle qu’en ont nos chères têtes blondes, et qu’elles font
tout pour trouver les failles qui leur donneraient raison ? C’est pourquoi, dans une situation de
gestion de classe, il vaut mieux adopter une attitude où s’inscrit simultanément le
mécontentement mais qui démontre aussi le sang froid, le calme. C’est là que le corps prend
toute sa dimension d’outil expressif. On peut jouer sur le regard, la posture pour
l’accompagner et le renforcer (se pencher en direction de l’élève), les gestes pour mimer la
régulation (par exemple : la main qui passe rapidement et fermement devant sa bouche pour
dire de se taire). Mais nous verrons tout cela plus en détails dans le prochain chapitre.
C’est donc le corps, dans sa prestance, qui se fait expression de ce que veut signifier
l’enseignant à l’élève. Il doit s’imposer comme outil de communication que l’élève doit saisir
avec évidence. Grâce au jeu corporel (regard, mimiques, distance par rapport à l’élève…),
l’enseignant doit trouver le code de communication, verbale ou non verbale qui correspondra
le mieux aux élèves qu’il a en face de lui, afin que son autorité s’impose « naturellement »,
sans qu’il ait à donner de la voix. C’est seulement une fois ce rapport instauré -c’est-à-dire
quand les élèves connaissent suffisamment l’enseignant pour saisir et respecter ce rapport
d’enseignant à enseigné-, dans le respect de chacun, que l’enseignant pourra ensuite s’attacher
à faire passer des contenus d’apprentissage.
2) L’ascèse scolaire
Ce concept d’ascèse scolaire n’est pas récent et si l’on en revient à l’école de la
République, on constate que déjà à cette époque le corps était largement pris en compte. Le
corps de l’élève semblait même faire peur. Les apprentissages visés étaient certes la lecture,
l’écriture et le calcul, mais aussi le respect de la Nation, de la discipline citoyenne, des
préceptes moraux, des règles d’hygiène et de santé publique. Ordre, calme, propreté, mises en
rang, cours de morale, telles étaient les principes qui en faisaient le fondement. Ainsi,
l’histoire de l’enseignement est aussi l’histoire d’un marquage et d’un dressage des corps.
D’ailleurs, Claude PUJADE-RENAUD, dans Le corps de l’enseignant dans la classe (p.134),
établit un rapport de quasi opposition entre la mise en scène de la corporéité de l’enseignant et
celle de l’élève dans la classe, qui soutient cet habitus de dressage corporel en marquant le
rapport de dominant à dominé (voir annexe).
a. Une prémisse aux apprentissages :
Pour que les élèves soient disposés à recevoir un apprentissage, il semble
indispensable d’instaurer au préalable une situation qui y soit favorable. Cela passe par ce que
l’on appelle l’ascèse scolaire. Selon Michel Foucault c’est seulement grâce à un espace
scolaire organisé, structuré et quadrillé, que les apprentissages se construisent de manière
efficace. D’ailleurs pour certains il s’agirait même de principes primant sur les apprentissages.
Ainsi, selon Kant, « on envoie d’abord les enfants à l’école, non pour qu’ils y apprennent
quelque chose, mais pour qu’ils s’y accoutument à rester tranquillement assis et à observer
ponctuellement ce qu’on leur ordonne, afin que dans la suite ils sachent tirer à l’instant bon
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parti de toutes les idées qui leur viendront » (Kant, 1987, p.36). Il exprime bien là l’enjeu de
cette ascèse scolaire. Certes, contraindre l’élève à l’immobilité et au silence peut paraître
ingrat, mais c’est seulement à ces conditions que peuvent se mettre en place les
apprentissages.
En classe, il est d’ailleurs facile de vérifier que cette attitude attentive de l’élève est
indispensable pour qu’il s’approprie les contenus d’enseignement. C’est par exemple lors de
la passation des consignes que l’on cherchera à tout prix à obtenir (par divers moyens s’il le
faut) cette attitude. En effet, c’est seulement s’il est attentif que l’élève saura ce qu’il doit
faire dans la tâche qui suivra (en écartant les problèmes liés à une incompréhension). Cela
évitera également toute demande de reformulation de la consigne à l’identique. Mais, on ne
peut demander à un élève d’être attentif dans la totalité du temps qu’il passe en classe. C’est
pourquoi l’enseignant doit utiliser son corps pour mettre en scène de véritables temps forts,
c’est-à-dire qu’il doit faire émerger les moments où l’attention est « obligatoire »,
indispensable -non qu’elle ne le soit pas le reste du temps, mais que dans certains cas il sera
impossible pour l’élève de comprendre seul ou en demandant à son voisin- lorsqu’il s’agit par
exemple d’une nouvelle leçon ou d’un exercice qui requiert une méthodologie particulière et
nouvelle. En effet le corps va lui permettre de mettre en relief ce qu’il va dire ou faire en
jouant sur différents modes de communication verbale et non verbale et de ramener ainsi
l’attention des élèves. Cela peut se traduire par exemple par un claquement de doigt pour
ramener l’attention d’un élève proche de lui, ou avant de passer une consigne, son
déplacement dans un endroit de la classe qui signifie un changement d’activité par exemple.
b. Un enjeu social :
Au delà d’une nécessité à l’école le contrôle du corps joue d’une portée sociale à ne
pas négliger. C’est à travers la « tenue », le « maintien », les « manières », qu’une société
traite le corps « comme une mémoire » et modèle les individus par une inculcation qui va bien
au-delà de la seule transmission des connaissances » (BOURDIEU). Alors tout individu qui
ne sait se tenir comme il faut en public, c’est-à-dire, selon la normalité en cours dans cette
société, sera plus ou moins rejeté ou considéré comme anormal. C’est pourquoi dès le plus
jeune âge, il est nécessaire de faire prendre conscience à l’enfant qu’il ne peut jouer de son
corps comme il le souhaite, qu’il y a des règles à respecter. Et dans la classe c’est en quelque
sorte l’enseignant qui dispose du corps de l’élève, qui décide de ce qu’il est en droit de faire
ou non. C’est un apprentissage nécessaire pour la vie future de l’élève, car pour être reconnu
et accepté, intégré en tant qu’individu dans une société, il faut être capable de respecter
certaines règles de bienséance. L’éducation passe alors par le « dressage » non seulement des
esprits, mais également du corps des élèves. Le corps de l’enseignant devra s’imposer comme
modèle à imiter et comme outil pour réguler les comportements déviants.
Cette ascèse scolaire étant donc reconnue comme un des apprentissages
fondamentaux à l’école, nous verrons dans la suite du mémoire tous les moyens dont dispose
l’enseignant pour créer une situation de classe qui la favorise et qui soit ainsi propice à
l’appropriation des enseignements.
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3) Stimuler les élèves
Alberto Giacometti a dit : « la grande aventure, c'est de voir surgir quelque chose
d'inconnu, chaque jour, dans le même visage. C'est plus grand que tous les voyages autour du
monde ». C’est un peu de cela qu’attendent les élèves lorsque le corps de l’enseignant
s’impose à eux. Rien n’est plus fascinant que ce qui étonne ou surprend. Et c’est ce qui
permet de retenir ce qui se dit ou se fait à ce moment là, car on a été surpris. En effet, il n’y a
pas d’apprentissages sans motivation, sans envie. C’est pourquoi « le professeur donne
constamment de sa personne « physique » pour capter l’attention des élèves, plus même pour
les séduire et les fasciner » (PUJADE-RENAUD, p.58). L’enseignant se doit de parler de
façon vivante en utilisant le langage verbal et non verbal. Pour stimuler ses élèves il emploie
un ton de voix « vivant », il se « déplace » dans la classe et sa gestuelle est « dynamique ». Il
s’attache également à varier ses moyens de communication et les types d’interaction c’est-àdire qu’en sollicitant toutes ses ressources corporelles, il « démontre, mime ou simule les
situations » (J-H. et J. Cormier). S’il s’agit de stimuler un élève précisément, l’enseignant
peut mettre en place une communication corporelle et/ou verbale qui donne l’impression à
l’élève qu’il se trouve dans une interaction particulière avec lui, ce qui aura pour effet de
relancer son intérêt. Le risque étant toutefois de démobiliser l’attention du reste de la classe en
signifiant une communication trop privilégiée.
J’ai parfois eu recours à ce système pour mobiliser l’attention d’un élève de CP, situé
au fond de la classe, qui se laissait très vite distraire par ce qui pouvait se trouver sur la table
(crayons, autre page du livre que celle que nous étions en train d’étudier). Alors, je me
déplaçais dans le fond de la classe pour rester à proximité de lui ou je m’arrêtais à ses côtés.
Je sollicitais sa participation lorsque c’était possible. Il m’est arrivé une ou deux fois de
m’asseoir sur la table à côté de lui qui restait inoccupée. De la sorte, me voyant proche et
attentive à ce qu’il faisait, il se sentait en quelque sorte obligé de suivre et de participer, de
s’inclure dans la relation pédagogique. Il m’a fallu pratiquement une dizaine de jours, pendant
lesquels je n’ai cessé de le solliciter, en essayant d’être proche de lui pour qu’il ne se sente
pas isolé au fond de la classe -j’ai d’ailleurs fini par le changer de place au bout de quelques
jours sans changement notoire- pour arriver enfin à ce qu’il s’intègre seul dans la relation
pédagogique et participe à la classe. L’enseignante titulaire m’a confié qu’il avait agi de la
même manière avec elle au début de l’année. C’est l’exemple d’un élève qui a besoin d’être
motivé, stimulé par l’enseignant au départ -peut-être pour voir s’il est pris en considération et
qu’il existe en tant qu’individu particulier dans la classe- pour qu’ensuite il s’inscrive dans
des situations d’apprentissage efficacement.
Mais ce n’est pas le seul cas où j’ai pu prendre conscience de l’importance de stimuler
les élèves et de l’impact que cela pouvait avoir.
Lors d’un APP intitulé « apprendre à compter », je suis intervenue dans une classe de Grande
Section pour raconter une histoire. J’avais choisi un conte de Grimm qui était assez long et
pas évident à comprendre. Mes collègues et moi, intervenions deux fois à une semaine
d’intervalle auprès de groupes de six ou sept élèves. La première fois, je me suis assise sur un
pouf légèrement en contre haut des enfants et j’ai raconté mon histoire sans artifices car
j’essayais surtout d’en restituer correctement le contenu. Deux élèves ont par moment semblé
distraits. Ils se regardaient parfois et gesticulaient un peu.
Pour ma seconde intervention, je me suis assise par terre (à la hauteur des élèves) et j’avais
apporté une bobine de fil qui me permettait d’illustrer certains évènements récurrents de
l’histoire. Je mimais parfois le déroulement de l’action lorsque c’était possible. J’ai également
cherché à modifier ma voix, pour différencier les personnages, et à moduler son intensité.
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Certes, le groupe n’était pas le même donc on ne peut tirer de conclusions formelles,
néanmoins, il faut reconnaître que les élèves ont semblé plus captivés par l’histoire cette foisci. Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils n’avaient pas simplement une voix à entendre et à
comprendre, mais plusieurs voix et une mise en scène corporelle qui se jouait devant eux.
L’appropriation de l’histoire passait donc par diverses entrées : visuelle, auditive. Et c’est la
variation de ces modes et leur différenciation qui, selon moi, a permis aux élèves de
s’intéresser davantage à l’histoire et donc de la comprendre.
Ainsi, en rendant son cours plus attractif grâce au jeu corporel que nous étudierons
plus en détail dans la partie suivante, l’enseignant rend les apprentissages plus accessibles aux
élèves, ceux-ci étant portés par l’intérêt que l’enseignant sait susciter chez eux.
Il n’est donc plus question de douter de l’importance que joue le corps de l’enseignant
au sein de la classe, qu’il lui permette de faire autorité, de se faire respecter, ou qu’il l’utilise
pour stimuler les élèves. Ce sont les conditions pour obtenir leur attention et cela dans le but
d’instaurer une situation de classe propice à des apprentissages efficaces.
II. ÉVOLUTION DU CORPS DANS L’ESPACE CLASSE
Sans parler de toute sa motricité fine, le corps s’envisage aussi dans son ensemble, dans
cette faculté qu’il a de se mouvoir dans l’espace. L’enseignant peut jouer de cette mobilité en
la faisant contraster avec son immobilité pour parfaire son enseignement à des fins précises
d’instruction et d’éducation.
1) Immobilité du corps
Le corps de l’enseignant se donne constamment à voir dans la classe, il est exposé à
tous ces regards d’élèves. D’ailleurs, « alors même qu’il est en train de parler, le professeur
perçoit que l’élève s’intéresse parfois plus à son corps qu’à son langage » (MAULINI).
L’enseignant peut alors utiliser son corps figé pour mener sa classe, dans des buts bien
différents.
a. Un enjeu d’apprentissage :
L’immobilité est parfois nécessaire pour que justement l’attention de l’enfant soit captée
uniquement par ce que dit l’enseignant et notamment lorsqu’il s’agit de contenus
d’enseignement. Car « les corps doivent être immobilisés pour que soit mobilisées l’attention
et l’activité dite intellectuelle » (PUJADE-RENAUD, p.91).
En effet, l’attention de l’enfant se porte d’abord sur le corps de l’enseignant. Mais si ce corps
reste immobile il n’a plus d’intérêt, l’enfant a déjà fixé et décrypté l’image de ce corps. Il n’en
retire rien de nouveau, il n’a plus rien à y lire. Alors une fois celui-ci observé sous la moindre
couture il peut en décentrer son attention pour la ramener vers quelque chose d’autre, à savoir
la parole qui en sort. « Le corps, par son maintien, sa position, son « habit-habitus » est un
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opérateur du pouvoir, un agent essentiel de l’inculcation » (PUJADE-RENAUD, p.135). La
seule condition est que l’enseignant sache tout de même la mettre en relief cette parole afin de
conserver l’attention des élèves.
Dans mon premier stage, où -je le reconnais- j’avais plutôt tendance, au début, à faire
des leçons trop magistrales, j’étais presque en permanence fixée vers le tableau, immobile
devant les élèves. Sans doute, leur caractère assez malléable et calme m’a permis de garder
leur attention sans nécessairement recourir à d’autres subterfuges. Il est vrai qu’ils semblaient
boire mes paroles. Cependant, je ne dispose d’aucun moyen, après coup, pour mesurer
l’efficacité de ma prestation en terme d’appropriation. Néanmoins, il semble approprié de
varier les modes d’intervention afin de stimuler les élèves, et cela d’autant plus dans des
classes agitées.
b. Réguler des comportements inappropriés :
Pourtant, il est parfois difficile de rester immobile dans la classe en proie à tous ces
minutieux observateurs. Car rien n’échappe aux élèves : nouvelle coiffure, habits… Mais le
corps statique sera parfois un précieux atout pour aider l’enseignant dans la conduite de sa
classe s’il sait apprendre à ses élèves et les habituer à interpréter ses mimiques. Le fait que
son corps soit donné à voir immobile permet à l’enseignant de mettre en relief l’attitude qui
s’y inscrit. Celle-ci prendra alors tout son poids et aura un impact immédiat sur les élèves.
Ainsi, si l’on reste immobile, on peut décider de faire passer tout notre pouvoir d’expression
par le regard et alors « il suffit de regarder un élève dans les yeux et il se tait » (PUJADERENAUD, p.59). L’expression est concentrée ici dans les yeux et l’élève concerné en saisit
immédiatement la signification.
Lors de mes deux stages en école élémentaire j’ai fait usage de cette immobilité
corporelle dans un même but : obtenir le silence en faisant l’économie de la parole. Car à
force de tergiverser par le langage ou de donner de la voix, l’effet produit sur les élèves n’est
plus aussi surprenant que les premières fois et ils se lassent. C’est la raison pour laquelle
j’avais opté dans ma classe de CM1-CM2 pour une posture statique qui donnait largement à
voir mon impatience à retrouver une classe silencieuse : bras croisés, regard fixé sur les élèves
en question, ce qui poussait les autres élèves à regarder dans cette même direction. Il ne
s’écoulait pas longtemps avant que les élèves concernés prennent conscience du bruit
perturbateur qu’ils occasionnaient ou que les autres, lassés de les attendre également, finissent
par leur dire une phrase du genre : « la maîtresse attend le silence ».
J’ai cependant été stupéfaite, lorsque par la suite, mettant en scène le même type de jeu
corporel dans ma classe de CP et dans un but similaire, j’obtins une réponse bien différente.
En effet, sûre de moi je fixais une élève qui manipulait un bout de ficelle. Les autres avaient
compris que j’attendais (puisque je le répétais souvent) qu’elle lâche ce qu’elle avait dans les
mains pendant que je donnais la consigne. Quelle ne fût pas ma surprise lorsqu’à deux
reprises, l’élève leva rapidement la tête vers moi et se replongea aussitôt dans son occupation.
Je fus obligée d’accompagner ma posture de la parole qui l’exprimait clairement. J’ai alors
compris que pour de jeunes enfants le code communicationnel du corps de l’autre était loin de
s’imposer évidemment et que de telles postures, qui attendaient une réponse comportementale
précise, nécessitaient un apprentissage. Ainsi pendant plusieurs jours j’ai dû expliciter
l’attente que formulait mon corps ainsi immobilisé, afin que par la suite les élèves soient
capables seuls d’interpréter mes mimiques silencieuses.
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Cependant, cette immobilité peut se retourner contre l’enseignant lorsqu’il y est
contraint, dans le cas par exemple de l’assistance particulière à un élève. S’il ne prend pas
garde à sa position par rapport au reste de la classe, il risque d’en perdre le contrôle. C’est
pourquoi, il est préférable de toujours éviter ces postures statiques inappropriées, voire de les
proscrire dans des classes agitées. Car le rapport particulier qu’on signifie alors
corporellement aux autres élèves, surtout si l’on ne se montre pas disponible (ouverture,
contrôle visuel), les autorise alors en quelque sorte à se sentir libres, sans surveillance, et donc
à faire ce que bon leur semble.
c. Intérêt dans le choix du positionnement :
Mais il ne faut pas oublier que maintenir son corps immobile dans un lieu précis de la
classe nous permet d’observer les élèves pendant qu’ils travaillent en autonomie et de voir si
certains s’amusent ou ne travaillent pas. Se placer au fond de la classe par exemple, s’avère
être un poste de surveillance particulièrement intéressant puisqu’il nous permet de voir sans
être vu. Dans ce cas, l’enseignant n’est plus en proie aux regards, c’est lui qui observe les
élèves, il domine la situation. Ainsi la position « assis en coin sur une table d’élève » permet
« en même temps de voir l’ensemble de la classe et de dominer la situation tout en se donnant
une allure de familiarité » (PUJADE-RENAUD, p.57).
Dans ma classe de CP, j’ai souvent été contrainte à cette immobilité car un élève en
grande difficulté accaparait ma présence lors des exercices à réaliser individuellement. Il avait
de très sérieux problèmes de compréhension, si bien que, quelle que soit la manière dont je
présentais la consigne (illustrée, reformulée plusieurs fois…) -et ce, même lorsqu’elle était
très simple- cet élève ne comprenait pas l’exercice et il attendait systématiquement que je
vienne pour l’aider à faire. Bien sûr, j’ai essayé de déceler une feinte d’incompréhension dans
la but de s’approprier ma présence, mais malheureusement il s’est avéré que ses problèmes
étaient bien réels (confirmé par ses parents). J’essayais de rester le moins possible vers lui
pour que les autres élèves ne se sentent pas livrés à eux-mêmes. Je lui ré expliquais encore la
consigne en faisant avec lui les premiers éléments, en le questionnant pour essayer d’obtenir
des réponses qui prouveraient qu’il avait fini par comprendre et que je pouvais le laisser.
Quoiqu’il en soit, il me fallait trouver une position qui me permettait de garder le contrôle de
la classe. Comme il était devant sur un côté, je me plaçais alors contre le mur pour lui parler
en essayant de rester debout et j’orientais mon corps de manière à voir tous les autres élèves.
Car il est primordial pour des questions de sécurité et de contrôle, de garder le contact visuel
avec le reste des élèves. Je me situais en position d’ouverture par rapport à eux, ce qui
signifiait que je restais disponible. Mais dans une classe plus agitée, la présence de
l’enseignant au milieu des élèves est beaucoup plus prégnante et la gestion de cet élève aurait
demandé une autre organisation spatiale -me placer derrière les élèves par exemple-, ou une
simplification de l’exercice, ou encore un temps spécifique pour l’aider à faire.
En conclusion, l’immobilité de l’enseignant lui permet de favoriser l’inculcation des
connaissances par les élèves, de réguler certains comportements dans le cadre de la gestion de
la classe -en adoptant des postures corporelles qui s’interprètent facilement-, mais aussi de
surveiller et d’aider les élèves tout en assurant le contrôle de son autorité lorsqu’il choisit
judicieusement son « poste de vigie ».
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2) Mouvance du corps
Pour contraster avec une posture immobile, l’enseignant a tout intérêt à jouer d’une
certaine mobilité, car si son corps reste sans cesse figé il risque de perdre le contrôle de sa
classe à plusieurs niveaux.
a. Stimuler les élèves :
Les élèves stimulés ont bien plus envie de participer à l’interaction pédagogique. « Le
mouvement du corps de l’enseignant est bien désigné comme un stimulant de la parole chez
les élèves » (PUJADE-RENAUD, p.95). Si l’on dispense un cours magistral avec un corps
statique, l’élève n’a plus que notre voix à écouter pour apprendre. Mais si le « monologue »
perdure un peu trop longtemps ou que le contenu est pour lui sans grand intérêt, l’élève va
vite tourner son regard, son attention vers autre chose. Or, c’est en le distrayant, en attirant
son attention que l’enseignant peut lui inculquer des apprentissages. Alors, pour pallier à la
lassitude, voire même parfois à l’ennui, l’enseignant a d’abord tout intérêt à se déplacer dans
la classe. Il va jouer sur : « mobilité et immobilité, assis et debout, éloignement et
rapprochement. Le professeur donne constamment de sa personne « physique » pour capter
l’attention des élèves, plus même pour les séduire et les fasciner ». Il permet ainsi à l’élève de
garder son regard fixé sur lui, de bouger avec lui. Et une fois centré sur l’enseignant, l’élève
peut voir tout ce qu’il a à dire corporellement.
b. S’approprier l’espace pour faire autorité :
Mais surtout, lorsqu’il se déplace dans la classe, l’enseignant prend possession de
l’espace et signifie sa présence dans toute la salle. La mobilité de l’enseignant assure un
pouvoir. Elle lui permet d’assurer la maîtrise de son autorité, non seulement en marquant
l’espace par sa présence, mais aussi en lui donnant un échappatoire lorsqu’il craint de la
perdre. Car le corps de l’enseignant est exposé sur la scène pédagogique, sans cesse atteint par
les regards, et il faut être capable de les soutenir. En effet, la mobilité lui offre le moyen de se
soustraire aux regards qui peuvent être pesants lorsqu’il se trouve dans une posture statique,
exposé à tous ces yeux qui le dévisagent. Car lorsqu’on se trouve dans une classe pour la
première fois et donc qu’on ne connaît pas, ou au contraire dont on sait la difficulté d’y
enseigner en toute sérénité, il est rassurant de savoir qu’on peut -si l’on ne se sent pas tout à
fait à son aise- éviter le regard fixe des élèves. En se déplaçant, l’enseignant n’a plus à
affronter ces regards droits dans les yeux, il balaye le champ des élèves et se trouve alors
moins exposé au risque d’afficher un regard, ou une posture corporelle fermée, qui trahiraient
son malaise ou son manque d’assurance par exemple. Si tel était le cas, les élèves d’une classe
difficile sauteraient en effet sur l’occasion pour tester la « résistance » de l’enseignant.
« L’enseignant entretient donc un rapport très corporel et affectif avec l’espace de la classe.
Avoir un « chez soi », échapper aux regards étrangers et ne pas laisser échapper les corps, voir
plutôt qu’être vu, apparaître et disparaître comme par enchantement. Restreindre ou quadriller
cet espace permet de l’approprier comme contenant mais aussi d’en maîtriser le contenu »
(PUJADE-RENAUD, p.56). Voilà donc l’enjeu de la mobilité du corps dans la classe.
Dans mon stage en CP, je n’ai pas eu à craindre ce regard pesant, car les élèves sont
jeunes et calmes. Ils n’ont pas encore ce regard jugeant ou cette attitude foncièrement
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provocatrice envers leur enseignant. Par contre, j’ai beaucoup utilisé les déplacements pour
leur signifier que pendant qu’ils travaillaient individuellement je restais en contact avec eux
dans l’espace de travail et que je gardais un œil sur leur attitude et sur ce qu’ils produisaient.
En effet, certains élèves avaient besoin d’une « surveillance » ou pourrais-je dire d’une
« bienveillance » quasiment constante, sinon ils s’amusaient ou ne faisaient pas le travail
demandé. En circulant autour d’eux, et en jouant du rapprochement avec certains, je leur
signifiais clairement que je m’intéressais à ce qu’ils faisaient et que j’étais disponible pour les
aider s’ils avaient besoin. Ils n’avaient alors aucune excuse pour dire qu’ils n’avaient pas fait
parce qu’ils n’avaient pas compris. Je pense que lorsque les enfants nous sentent disponibles,
prêts à les aider, intéressés par ce qu’ils font, chacun, ils ont l’envie de faire et de bien faire.
Ils savent également que les écarts de comportement seraient immédiatement décelés,
puisqu’ils sentent peser la surveillance de ce corps qui circule. Il y a donc bien moins de
régulations à faire à ce niveau là. La mobilité du corps agit en quelque sorte en prévention
dans la gestion de la classe.
Ainsi, dans le but de motiver ses élèves et de les contrôler au mieux, l’enseignant a
grand intérêt à se déplacer dans sa classe puisqu’il s’en assure de la sorte une omniprésente
domination et qu’il peut se soustraire alors aux regards, au jugement que les élèves portent sur
son corps physique ; ce qui est difficile à supporter en continu.
3) Jeu du contact et de la distance entre le corps de l’enseignant et celui
de l’élève
L’enseignant peut jouer d’une mise à distance ou d’un rapprochement de l’élève. La
proximité, le contact, sont paradoxalement le signe d’une certaine familiarité, lorsque
l’enseignant rentre dans l’espace intime de l’enfant, et tout à la fois l’expression corporelle de
sa domination, de son pouvoir. Utilisée avec pertinence, cette alternance est un outil utile pour
l’enseignant.
a. Signifier un rapport privilégié :
Lorsque l’enseignant se trouve à distance, certains enfants ont du mal à s’inscrire dans
une interaction collective un peu comme s’ils étaient inaccessibles, ils ne se sentent pas
concernés. L’enseignant doit prendre garde à tout signe qui indiquerait que l’enfant se sent en
quelque sorte exclu de la relation pédagogique car dans ce cas il est certainement bien peu
concerné par ce qui s’y joue.
Pour modifier ce rapport de l’enfant avec la classe, l’enseignant peut jouer du rapprochement
corporel avec cet élève. En effet, en étant proche du corps de l’élève, voire en le touchant
(s’asseoir à côté de lui, main sur l’épaule par exemple), l’enseignant lui signifie un rapport, un
contact privilégié. Cette communication corporelle a pour but de ramener l’élève dans
l’interaction pédagogique et de lui faire prendre conscience qu’il existe au sein de la classe et
qu’il participe à tout ce qui s’y passe. Néanmoins l’enseignant doit rester prudent. Car si son
corps signifie qu’il s’adresse plus explicitement à l’un des élèves, il risque de perdre
l’attention et l’intérêt des autres élèves.
Lors de mon stage en CP, j’ai eu dans ma classe un élève qui se trouvait être assez
déstabilisant car il avait un besoin permanent de signifier sa présence dans la classe, son
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existence en tant que personne particulière. Cet enfant était passé en CE1 en début d’année
scolaire. Mais confrontée à des résultats très faibles, un comportement pénible et des notions
de base (en lecture et écriture) non acquises, l’enseignante s’est vue dans l’obligation de le
replacer en classe de CP, et cela un mois et demi plus tard. Il est aisé de comprendre que ce
retour en arrière a dû le perturber car son égal en a pris pour son grade. En classe, cela s’est
traduit par d’incessantes questions au sujet de tout et n’importe quoi. Il avait ce besoin de
s’exprimer, de faire sentir sa présence dans la classe, ce qui d’ailleurs étouffait parfois celle
des autres puisqu’il accablait toute l’attention de l’enseignante à certains moments (j’ai pu le
remarquer lors de mes visites en observation). Je crois même que parfois il sabotait
volontairement son travail pour attirer encore un peu plus l’attention sur lui. Peut-être
trouvait-il cette attention plus manifeste et plus facile à obtenir que dans les cas où il
réussissait.
J’ai pu remarquer que lorsque je venais me placer à proximité de lui et que je me penchais sur
son travail il semblait moins ressentir ce besoin de m’interpeller pour que je lui accorde mon
attention puisque c’est déjà ce que j’étais en train de lui manifester corporellement :
proximité, inclinaison du corps vers lui ou au-dessus de lui, ce qui lui donnait l’impression
d’un rapport privilégié. En restant dans cette interaction particulière, l’enfant n’avait plus
besoin de réclamer mon attention, mon corps lui disait qu’il l’avait, même si ce subterfuge me
permettait quand même de m’adresser verbalement au reste de la classe.
Malgré tout, le problème a persisté puisque je ne pouvais me permettre de laisser le
reste de la classe imaginer que seul cet enfant mobilisait mon attention la plupart du temps.
J’ai donc dû faire appel à d’autres moyens pour réguler son comportement accaparant. Mais à
l’inverse du jeu de rapprochement corporel qui me permettait de prévenir, d’empêcher en
majeure partie ses manifestations gênantes en raison de leur fréquence, je ne pouvais, lorsque
je reprenais une distance « normale », qu’agir après coup (interruption du cours pour lui
laisser poser sa question) pour réguler la situation.
b. Imposer son autorité :
L’enseignant doit aussi savoir s’effacer parfois pour laisser les élèves travailler seuls
sans qu’il intervienne, lorsque la situation est claire pour tous. Le fait de s’écarter
physiquement des élèves par exemple ou de s’asseoir à son bureau l’écarte d’emblée de la
scène pédagogique et les élèves sentent qu’ils sont en autonomie. Sans doute est-ce ce
sentiment qui les pousse alors à certains moments à se retrancher dans des comportements
inappropriés.
C’est à ce moment que l’enseignant peut facilement intervenir, en faisant juste sentir qu’il
rentre à nouveau sur la scène pédagogique et qu’il surveille ce qui s’y passe. Son corps qui se
rapproche, ou des sons vocaux comme un raclement de gorge par exemple doivent suffire à
lui redonner son statut, son autorité prégnante. Ainsi, « la diminution de la distance peut servir
d’entrée en contact ou d’avertissement disciplinaire selon la situation, ou des deux à la fois »
(PUJADE-RENAUD, p.57).
J’ai fait l’expérience de cette méthode lors de mon premier stage en CM1-CM2,
malheureusement un peu tard. Un des élèves avait un comportement qui pouvait s’assimiler à
l’élève que j’ai décrit plus haut. Cependant il perturbait bien plus la classe car il cherchait
surtout à attirer l’attention des autres élèves en faisant sans cesse des pitreries. Après avoir
essayé en vain les réprimandes, les changements de place et les punitions, j’ai essayé un jour
de m’asseoir sur le coin de sa table. Effectivement, l’élève s’est calmé. Je l’avais
constamment dans le champ de ma vision périphérique, il m’aurait fait un véritable affront s’il
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avait continué à se retourner pour amuser les autres. Il n’a pas osé aller jusque là. J’ai donc
découvert un peu tard un moyen efficace pour qu’il se tienne tranquille, même si je ne
pouvais me permettre de rester constamment à cette place. Ainsi, je circulais dans la classe et
dès que je le voyais s’agiter je venais près de lui. Une fois qu’il était calmé, je repartais et
ainsi de suite.
En conclusion, l’appropriation de l’espace par le corps de l’enseignant reste un moyen
efficace de gérer le groupe classe. Car, le corps de l’enseignant, lorsqu’il est figé, permet à
l’élève de lire plus précisément une mimique recherchée comme très signifiante. Lorsqu’il se
déplace dans la classe l’enseignant signifie aux élèves qu’il prend possession de l’espace
pédagogique et qu’il y fait autorité. Et en utilisant à bon escient un rapprochement corporel
avec un élève dans l’espace intime, il joue d’une certaine familiarité tout en imposant sa
présence, et tout ce que cela induit comme obligation pour l’élève : respecter, écouter,
travailler.
Mais il existe d’autres moyens d’utiliser son corps pour arriver à ces mêmes buts.
III. LA CORPORÉITÉ DE L’ENSEIGNANT : QUELQUES
PARAMÈTRES PRIVILÉGIÉS
Outre la possibilité de jouer avec l’ensemble de son corps du contraste entre :
immobilité et déplacements, et contact ou éloignement des élèves, l’enseignant dispose encore
de toutes les variables attachées à la mise en scène de certaines parties ou de l’ensemble de
son corps (par des mimiques). Ce corps l’aide à gérer la classe. Son maniement intervient
fortement pour assurer la prise sur la classe.
Mais il tient également sa place dans la transmission des savoirs. En fait, l’enseignant est sans
cesse expression, signification grâce à son corps. Or, « le mime est un langage universel, une
grammaire qui n'a pas besoin de traduction » (le mime Marceau). Aussi doit-il prendre garde à
ce que son corps va donner à lire aux élèves, ce qu’ils vont pouvoir en interpréter. Car
« l’enseignant, par son corps même, emblème et garant d’un discours implicite, amène l’élève
à introjecter valeurs et connaissances » (PUJADE-RENAUD, p.135).
Pour instruire et éduquer ses élèves l’enseignant possède donc des outils très diversifiés dont
le contrôle lui assurera un enseignement efficace.
1) Utilisation du regard
Pour gérer la situation de communication, l’enseignant a notamment recours à
l’expression du regard. Cette partie du corps lui sera très utile pour réguler des
comportements inappropriés dans la classe. Ainsi le « regard sert pour approuver ou
désapprouver un comportement, une attitude » (J-H. et J. Cormier) par exemple. Mais cet
outil peut être utilisé de différentes manières suivant l’effet souhaité. Le regard magistral se
travaille en situation pédagogique et trouve d’autant plus d’efficacité qu’il est associé à une
certaine technique d’utilisation de l’espace en faisant alterner mobilité et fixité du regard.
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a. La fixation :
Dans le livre de PUJADE-RENAUD, Le corps de l’enseignant dans la classe, les
enseignants interviewés accordent une grande importance au regard dans des situations de
gestion de classe. Ils l’associent à des termes tels que : « ligne/point de mire », « poste de
vigie » qui traduisent nettement sa fonction de surveillance, de contrôle. Ils lui attribuent
également le pouvoir d’agir sur l’élève sans besoin de recourir au verbe : il y a des « regards
capables de suppléer à la parole ou d’interdire la parole de l’autre » (p.59). Et c’est vrai,
qu’utiliser un regard fixe peut servir ces deux aspects qui concernent la gestion de classe, à
savoir la surveillance des élèves par le contrôle visuel qui doit rester constant, et l’arrêt
immédiat de ce que l’élève est en train de faire.
J’ai eu très fréquemment recours à ce regard fixe qui signifie l’interdit au cours de mes
deux stages. En effet, c’est un moyen rapide et économique (qui se passe de discours, de
traduction) pour gérer la classe dans certains cas. En CM1-CM2, les élèves savaient
immédiatement interpréter mon regard. Ainsi, en m’arrêtant de parler net par exemple,
j’attirais d’emblée l’attention des élèves. Il ne me restait plus alors qu’à rester parfaitement
immobile et à regarder sévèrement l’élève qui avait un comportement « inadapté »
(discussion, agitation, jeu..). Il savait tout de suite qu’il était en train de faire quelque chose
qui ne relevait pas du comportement à avoir en classe, ou en désaccord avec les consignes
données et ils s’arrêtaient. C’est là un rôle de répression du regard. Mais, utilisé
différemment, il recèle encore bien d’autres intérêts.
b. Balayer du regard :
Balayer la classe du regard sert à en assurer la surveillance. Dans l’idéal il s’agirait de
voir sans être vu. Le regard « opère tout à la fois comme le faisceau lumineux d’un phare
balayant le champ de la classe et comme une arme potentielle » (PUJADE-RENAUD, p.58).
Certains choix de l’enseignant vont lui permettre ce contrôle en toute sécurité. Ainsi,
lorsqu’on se place au fond de la classe on a tout loisir d’observer les élèves sans que eux nous
voient. Il est alors facile d’intervenir rapidement.
Mais ce balayage possède une autre fonction : il sert également à captiver tous les
élèves lorsque l’enseignant parle. En effet, en posant rapidement son regard sur chacun des
élèves présents en face de lui, l’enseignant leur signifie leur importance dans l’interaction. Il
exprime ainsi son égard envers chaque individu et rentre alors alternativement dans des
contacts visuels privilégiés. Ainsi captivés par ces regards, les élèves se sentent actifs,
intégrés dans la relation pédagogique. Les apprentissages sont alors susceptibles d’être plus
facilement appropriés par les élèves. Cependant, cet outil aura plus d’impact utilisé dans un
espace restreint, afin que l’on ne le confonde avec ce qui serait son opposé : un regard fuyant.
Dans mon stage en CP, j’ai utilisé ce regard balayant pour garder l’attention de mes
élèves. Nous étions dehors pour travailler la course de longue durée. La séance d’EPS
touchait à sa fin mais je souhaitais faire sur place un rapide bilan avant de laisser partir les
enfants. Or, quelques parents commençaient à investir la cour. J’ai donc fait asseoir mes
élèves en demi cercle resserré. Je me suis mise en position accroupie très proche d’eux. Tout
en leur parlant j’ai joué avec insistance de ce contact visuel sous forme de balayage, en
regardant bien chaque élève dans les yeux. Malgré les tentations extérieures de
divertissement, les élèves sont malgré tout restés calmes pendant mon rapide bilan.
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Ainsi pour assurer le contrôle de son autorité dans la classe, le regard est un instrument
corporel primordial. Mais il sert également à inscrire l’enfant dans un rapport privilégié avec
l’enseignant à condition que « le contact visuel entre l’enseignant et le groupe reste constant »
(J-H. et J. Cormier). En alternant mobilité et fixité du regard, l’enseignant s’assure alors
l’efficacité d’un outil diversifié.
2) Les modulations de la voix
La voix est cet outil corporel qui s’impose avec évidence lorsqu’on pense à la manière
d’enseigner, d’éduquer les élèves. Et effectivement elle joue un rôle essentiel, mais il est
nécessaire que l’enseignant la soumette également à un certain contrôle. « Plus que le regard,
la voix est susceptible d’acquérir un caractère instrumental ; elle peut, plus aisément être
travaillée, modulée, maîtrisée » (PUJADE-RENAUD, p.69). Ce besoin s’éprouve encore plus
sûrement au fil des expériences.
a. Transmettre les connaissances :
La voix est indispensable pour la transmission de contenus et dans un souci
d’efficacité, l’enseignant se doit de l’utiliser de manière à garder tout l’intérêt de son
auditoire. Car s’il ne sait susciter l’attention prolongée des élèves lorsqu’il explique une
nouvelle leçon par exemple, les élèves ne pourront se l’approprier. Pour cela, il doit jouer en
utilisant diverses modulations possibles de sa voix. Car une voix toujours identique ne peut
tenir un jeune public en haleine pendant très longtemps. Tout d’abord l’enseignant doit
essayer de prendre conscience de sa voix quand il fait cours pour réguler le volume. En effet,
lors de la conférence sur la voix on nous a bien fait comprendre que le fait de parler fort
permettait aux élèves d’augmenter le niveau sonore de leur propre activité sans avoir à faire
plus d’efforts pour entendre l’enseignant. Il en résulte que le niveau sonore général de la
classe sera plus élevé que si l’enseignant s’efforce de maîtriser sa voix pour parler le plus bas
possible ; mais bien sûr de manière à être audible par tous les élèves de la classe. Ainsi, il peut
se permettre de hausser légèrement la voix lorsqu’il constate que l’attention des élèves
diminue, afin de recentrer leur intérêt. Gérer le volume sonore de sa voix permet donc tout à
la fois d’économiser sa voix et de pouvoir jouer sur une légère augmentation du volume pour
recentrer l’attention des élèves. Mais dans tous les cas, mieux vaut éviter une prise de parole
(monologue) prolongée de l’enseignant. Il faut rester en interaction avec les élèves pour qu’ils
restent stimulés.
D’ailleurs les élèves entendent tellement cette voix de l’enseignant tout au long de la
journée que celle-ci doit être employée à bon escient. L’intervention vocale de l’enseignant
doit être « justifiée », lorsqu’il s’agit de faire passer des consignes ou des contenus par
exemple. Mais l’enseignant doit toujours être le plus concis possible, le plus clair. Car partir
dans de longues explications ou de longues morales s’avère parfois beaucoup plus néfaste
pour la classe que quelques attitudes corporelles données à voir au bon moment. En effet, la
voix est ce qui sert à transmettre des contenus qu’on ne peut faire passer autrement et dont on
ne peut faire l’économie.
Concernant la voix, un autre paramètre retient également toute mon attention. Il s’agit
de jouer sur les intonations entre l’aigu et le grave. En fait, le passage de l’un à l’autre est
souvent inconscient de la part de l’enseignant. L’exemple le plus flagrant de cette alternance
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s’observe facilement lorsqu’on s’adresse à des élèves d’école maternelle. Nous avons souvent
tendance à les infantiliser et à leur parler comme à des bébés en prenant une voix dont le ton
monte à la fin de la phrase. Or, il est reconnu que la voix aigue a tendance à énerver les
enfants, à les exciter davantage qu’une voix grave. C’est pourquoi l’enseignant doit prendre
garde à l’intonation de sa voix surtout lorsqu’il s’adresse à un public très jeune, afin de
conserver toute leur attention et de ne pas augmenter leur énervement. La voix est aussi cet
outil qui permet d’instaurer une situation propice à l’appropriation des connaissances.
b. Se faire respecter
La voix est sans doute aussi ce que l’enseignant utilise le plus fréquemment pour
réguler les comportements dans sa classe et asseoir son autorité. Elle est ce qui s’impose avec
évidence sans contrôle conscient lorsque l’enseignant a besoin de transmettre instantanément
quelque chose à ses élèves, surtout lorsqu’il s’agit de sentiments impulsifs comme la colère
ou l’énervement causé par un élève. Il l’utilise alors en faisant varier l’intensité de son
volume.
Ce fût d’ailleurs mon premier outil utilisé presque comme un réflexe dans le début de
mon premier stage dans ma classe de CM1-CM2 pour ramener le silence dans la classe : je
poussais un cri du genre « hé ! » ou « ho ! Vous faites trop de bruit », ce qui au début,
produisit l’effet escompté. Car la surprise ainsi créée me permit d’obtenir le retour au calme
attendu. Cependant, au fil des jours la surprise produite était bien moindre et certes, le bruit
cessait immédiatement, mais cela durait peu de temps. De plus, et ce n’est pas un détail à
négliger, ma voix commençait à se fatiguer.
J’ai donc décidé de cesser ce type d’intervention qui non seulement me paraissait de moins en
moins efficace mais qui en plus rentrait en contradiction avec une pédagogie qui prône
aujourd’hui le contrôle de la classe en évitant les recours à ce type d’outil régulateur.
L’enseignant doit être capable de gérer sa classe sans crier. J’ai donc choisi à l’inverse d’opter
pour une gestion « silencieuse ». J’ai utilisé par la suite des postures corporelles qui me
permettaient de signifier clairement ce que j’attendais en faisant l’économie d’une explication
vocale, puisqu’elle était alors devenue inutile.
C’est pourquoi, il me semble après réflexion que l’utilisation de la voix forte trouve
bien peu sa place lorsqu’il s’agit de réguler les comportements qui perturbent la classe, ou du
moins elle peut subtilement accompagner une mimique corporelle. Mais cette dernière me
semble plus appropriée, et peut certainement se suffire à elle-même, car dès l’instant où les
règles sont établies dans la classe, il est rare que l’élève ignore quand il les enfreint.
Mais il ne faut pas oublier que « la parole qui circule dans la classe n’est pas
désincarnée. Elle est portée par des interlocuteurs de chair et d’os, des interlocuteurs qui ne
sont pas composés d’un corps et d’une intelligence, mais qui sont, d’un seul tenant, une
conscience du monde et une présence au monde » (MAULINI). On ne peut donc considérer la
voix comme le seul ou du moins le premier mode de communication de l’enseignant avec sa
classe. C’est pourquoi, nous allons nous intéresser maintenant à ce que le corps lui-même,
dans sa gestuelle, sa mise en scène, offre comme outils pour communiquer avec les élèves.
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3) La gestuelle : mise en scène du corps
Dans la classe le corps de l’enseignant se constitue en fait comme scène et mise en
scène du savoir. Il est ce par quoi l’enseignant transmet les apprentissages et gère son autorité.
Mais c’est en jouant d’un répertoire multiple de mimiques corporelles que l’enseignant
assurera cette tâche avec efficacité.
a. Rendre l’enseignement vivant :
L’enseignant doit savoir articuler langage verbal et langage corporel. Car certes, dans
la classe, le savoir transite principalement par la parole. Mais, est-ce que tout individu sachant
parler est capable d’instruire et d’éduquer efficacement toutes sortes d’élèves ? Je ne le pense
pas. D’ailleurs nous avons tous déjà entendu un des motifs de non validation de l’année de
PE2 : « il/elle n’était pas fait pour ça ». Le problème n’est certainement pas celui des
connaissances car le concours a déjà fait la sélection sur ce point. Non, l’enseignant doit tout à
la fois faire autorité et fasciner tout en assurant efficacement la transmission des
apprentissages. Pour cela il ne peut faire l’économie d’une mise en scène de son corps.
« C’est par des métaphores très « physiques » que s’expriment, par la bouche du maître, l’acte
d’enseigner et le rapport au savoir. Un corps, une « poigne », une « présence » sont
indispensables pour faire ingurgiter les connaissances » (PUJADE-RENAUD, p.31).
C’est pourquoi l’enseignant doit posséder un peu ce pouvoir d’acteur, cette capacité à mettre
en scène les contenus d’enseignement. Cela passe par le « parler avec les mains », par les
déplacements, par le moindre geste, la moindre attitude qui théâtralise son enseignement. Car
le savoir ne s’impose pas de lui-même aux enseignés, c’est l’enseignant qui doit le rendre
parlant en utilisant son corps. Et c’est toute cette mise en scène qui accroche les élèves et qui
fait que l’enseignant ne pourra jamais être remplacé par une boîte vocale qui débiterait une
montagne de connaissances. D’ailleurs il est des classes où sa capacité à jouer de sa corporéité
sera plus rudement éprouvée : dans les classes agitées ou à faible niveau. Car, moins la classe
suit, plus il faut utiliser tout son pouvoir, sa présence physique et jouer sur tous les paramètres
qui la composent.
Dans ma classe de CP j’ai donc cherché au maximum à instituer ce type de conduites
corporelles. Par exemple, comme je désirais le maximum d’attention pendant que nous
expliquions les consignes des exercices qu’ils allaient devoir réaliser seuls, j’exigeais que tous
posent les objets qu’ils pouvaient être en train de manipuler et leur demandais d’être
particulièrement attentifs aux explications qui allaient suivre. Je leur ai appris à lire ces deux
consignes dans les mimiques que je mettais alors en place devant eux. Je m’engageais d’abord
à circuler dans la classe en verbalisant le changement d’activité, pour qu’ils me suivent du
regard car je suscitais ainsi leur curiosité. Ayant ainsi attiré leur attention sur moi, je me
recentrais devant les élèves et leur exposais alors clairement deux codes gestuels : d’abord, je
levais mes mains à hauteur de ma tête en faisant gesticuler mes doigts puis je mettais mes
mains derrière mes oreilles en les écartant vers l’extérieur. Pour que les élèves comprennent
ce que je cherchais alors à leur signifier, et qu’ils puissent systématiser une lecture immédiate
et juste de ces mimiques, j’ai dans un premier temps accompagné ces gestes d’une
verbalisation qui les explicitait. Pour le premier geste : « on pose tout ce que l’on a dans les
mains » et pour l’autre « on écoute, on ouvre bien grand ses oreilles ». Puis j’ai pu me passer
de ces consignes vocales, seules les consignes gestuelles suffisaient à exprimer ce que
j’attendais. Mais le codage gestuel peut remplir d’autres fonctions.
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b. Gérer les dysfonctionnements :
Il est des moyens de communiquer parfois bien plus expressifs que la simple parole
qui explicite. Notre corps nous offre un éventail de choix qui permet à l’enseignant de
signifier avec pertinence ce qu’il veut sans explications parfois inutiles (lorsqu’il s’agit de
réguler un comportement par exemple, puisque bien souvent l’élève sait qu’il est en faute). À
ce propos, Charles De Gaulle disait dans Le Fil de l'Epée : « la sobriété du discours accentue
le relief de l'attitude. Rien ne rehausse l'autorité mieux que le silence, splendeur des forts et
refuge des faibles, pudeur des orgueilleux et fierté des humbles, prudence des sages et esprit
des sots ». Pour lui, l’attitude corporelle et tout ce qu’elle donne à lire et à interpréter exprime
donc bien plus et dans un respect inégalable, ce que la parole dira avec de simples mots. Et
dans le cas de l’autorité, les mimiques corporelles seront le signe que l’esprit qui habite ce
corps sait le maîtriser.
Ainsi, dans mes différents stages, j’ai pu apprécier les différents effets de la mise en
jeu de ma corporéité dans des situations de gestion de classe. En combinant les différents
paramètres évoqués tout au long de ce mémoire, j’ai notamment joué sur les plus efficaces :
- l’utilisation du regard sévère dans une position corporelle immobile
- le déplacement autour de l’élève dans son espace intime
- la position assise à côté de l’élève concerné
- des codes gestuels utilisant des gestes simples, rapides et secs : main qui se baisse pour
dire de s’asseoir, main qui passe sur la bouche pour dire de se taire, doigt qui se lève tendu
pour dire attention à ce que tu fais…
Mais pour obtenir de sa classe une réponse précise à une gestuelle spécifique, l’enseignant ne
peut faire l’économie d’un apprentissage. En effet, chaque individu a sa manière d’être, de
manifester corporellement un ressenti et l’enfant, surtout lorsqu’il est jeune, n’est pas toujours
capable d’emblée, de lire, d’interpréter des codes gestuels (voir II b)). L’enseignant doit donc
leur apprendre à lire sur son corps ce qu’il veut signifier. Par exemple, dans un premier temps,
il peut accompagner ses gestes précis d’une verbalisation concise identique pour chaque
explicitation d’une même attitude corporelle. À force de répéter, la mimique peut ensuite faire
l’économie de la parole qui l’accompagnait. Freud disait en ce sens « quand ses lèvres se
taisent, il bavarde du bout des doigts ». Le but pour l’enseignant est de systématiser des
conduites appropriées en réponse immédiate à un codage gestuel.
Pourtant, malgré une attention soutenue sur ce que notre corps est en train de signifier,
une perte de contrôle est toujours possible. J’en ai notamment fait l’expérience dans un
moment où pourtant, j’étais en tension maximum par rapport à ma corporéité. En effet, cela
s’est produit alors que j’étais visitée lors de mon stage en CP et qu’un des points forts de mon
évaluation portait justement sur ma gestion de la classe en regard à ma corporéité. Il s’agit
tout bêtement d’un fait rapporté par un enfant à la fin d’une séance, qui m’a déstabilisée en
présence de mon IMF. Pendant notre entretien, une moitié de classe était en informatique avec
un intervenant. À leur retour en classe, l’un des enfants a dit tout fort : « Thibault il a montré
son zizi à tout le monde ! ». J’ai été surprise de ces paroles car je ne pensais pas que cet acte
pouvait se produire encore au CP en plein cours. Mais surtout j’étais gênée que cela
intervienne en présence de mon IMF, car j’avais peur de mal réagir. D’ailleurs je pense que
tout ceci s’est nettement lu sur mon visage. Je ne savais pas quoi dire sur le coup et je n’ai pu
sortir qu’un « quoi ?! » un peu paniqué qui m’a valu la répétition de la scène ! J’ai fini par
retrouver mon sang froid et trouver les mots pour expliquer à l’élève concerné que cela ne se
faisait pas, sans pour autant le brimer. Mais j’ai eu un moment de surprise panique que la
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plupart des enfants ont certainement vu dans mes attitudes désorganisées. Il n’est donc pas
évident de garder la maîtrise de soi en toute circonstance même lorsqu’on s’y attache avec
force. C’est l’expérience qui nous apprend à gérer les situations inhabituelles, pour que l’on
ne paraisse pas déstabilisé devant les élèves.
Ainsi, l’enseignant doit instaurer le plus possible dans sa classe des codes gestuels qui
font qu’à l’apprentissage d’une mimique correspond un comportement spécifique en retour.
Ainsi, lorsqu’il fait usage de la parole c’est qu’il ne peut en faire l’économie et qu’il s’agit
alors de transmettre des contenus d’apprentissage. Cela permet non seulement d’éviter tout
discours répétitif -et donc qui n’agit plus à la longue- mais aussi de rendre l’enseignement
plus vivant, plus attractif en le théâtralisant. Cela évite également une perte de temps et
d’énergie lorsqu’il s’agit de la gestion de la classe.
CONCLUSION
La dure mission de l’enseignant,éduquer et instruire, implique de gérer tout à la fois
l’autorité, la bonne tenue des élèves en classe, et la construction de situations stimulantes en
vue de favoriser les apprentissages.
Pour assumer cette tâche il lui faut prendre conscience de l’importance de la
dimension corporelle dans les apprentissages à l’école. Car le corps de l’enseignant est bien le
médiateur de processus relationnels importants. Son rôle consiste à fasciner, amuser, faire
apprendre aux élèves et à les assujettir tout en même temps. Certes, la captation passe par le
savoir et le langage. Mais c’est surtout le corps qui joue un rôle primordial.
Et c’est en apprenant à contrôler tous ces paramètres corporels que l’enseignant
parviendra à assurer cette tâche. Il est bien sûr illusoire d’espérer acquérir une parfaite
maîtrise corporelle, mais le fait, déjà, de prendre conscience de l’étendu des pouvoirs que
nous confère notre corps est un bon point de départ. Il reste ensuite à faire l’expérience de tout
ce qu’il nous offre comme moyens de contrôle dans la relation pédagogique : contrôle des
apprentissages et contrôle de l’autorité, car ce savoir n’est pas inné. L’enseignant doit lui
aussi apprendre, apprendre à connaître mieux son corps. Grâce à l’expérience, il saura utiliser
au mieux sa corporéité dans la classe. D’ailleurs, c’est un enjeu important car il semble qu’il y
ait une corrélation entre la vivacité corporelle de l’enseignant et le niveau de motivation des
élèves d’une part, et entre leur degré de compréhension et la mise en jeu de sa corporéité
d’autre part.
Et à ceux qui pensent que certains enseignants ont une physionomie qui leur prodigue
cette soi disant « autorité naturelle » tant recherchée, on peut répondre que c’est plutôt la
manière dont chacun s’éprouve et s’assume soi-même qui confère au corps ce pouvoir
d’autorité plutôt que des facteurs physiques. Tout dépend comme l’enseignant habite son
corps, comme il « soutient » cette stature, et non comme il est fait physiologiquement. En
effet, parler avec son corps se travaille, s’éprouve. Certains ont un vécu qui a peut-être forgé
très tôt et plus facilement cette prestance corporelle qui impose le respect. Il s’agit d’un
pouvoir du corps qui s’apprend -certes, avec plus ou moins d’aisance selon nos expériences
passées- mais on ne peut dire que quelqu’un naît avec. Personnellement, je pense que
l’autorité naturelle relève plus d’un mythe. Il s’agit d’un pouvoir du corps que l’on acquiert
avec le vécu.
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L’enseignant détient seul le choix de ce qu’il veut signifier corporellement. Il lui suffit
d’agir sur sa corporéité dans sa dimension spatiale. Pour cela il peut jouer de l’immobilité ou
des déplacements de son corps tout en faisant varier la distance entre son corps et celui des
élèves. Il dispose ensuite des atouts tels que la voix et le regard qui à eux seuls lui assurent
déjà un large contrôle de ce qui se passe dans la classe. Et puis il possède enfin tout le
répertoire de sa motricité fine, tous les gestes qui, codés d’une certaine manière avec les
éléments précédents, lui permettront de gérer au mieux sa classe.
De plus, ces paramètres de sa corporéité se voudront d’imparables outils d’apprentissage pour
l’élève. Car l’enseignant utilisera son corps à des fins d’instruction et d’éducation des élèves.
Ainsi sa mise en scène corporelle lui permettra de rendre son enseignement vivant et attractif
pour transmettre des connaissances, des règles de tenue du corps, mais aussi de faire
l’apprentissage du respect d’autrui, de l’autorité du maître.
Pour arriver à ces finalités, l’enseignant compose son corps, -en jouant de tous les
paramètres vus précédemment-, de façon à rendre opérant simultanément l’autorité, le contact
et le contrôle, c’est-à-dire tout ce qui lui permet d’assurer la maîtrise de la situation. Et c’est à
lui de savoir utiliser son corps pour le signifier clairement. Cela implique donc qu’il
camouffle en quelque sorte ses émotions, son ressenti, pour ne laisser paraître que ce qui lui
sera utile pour gérer la classe ; et surtout ne pas dévoiler ce qui pourrait le placer en position
de faiblesse (manque de contrôle). Malgré tous ses efforts, ces situations se produiront car
l’on n’est pas infaillible, mais elles diminueront au fil des expériences.
D’un point de vue personnel, la remarque de mon équipe de suivi après mon premier
stage sur une gestion trop magistrale et statique de la classe, m’a permis d’avoir cette prise de
conscience de tous les moyens corporels dont je disposais pour étayer mon enseignement.
C’est seulement à partir de ce moment là, que j’ai pu nourrir cette réflexion qui m’a aidée
dans mon deuxième stage à enseigner plus efficacement. En effet, j’ai fait preuve de plus de
discernement dans la conduite de la classe en essayant de réguler les comportements sans
laisser paraître mon ressenti, et en faisant appel à d’autres moyens que les éclats de voix. De
plus, intervenant dans une classe de CP, il m’a été fort utile de savoir sur quels paramètres
jouer pour conserver l’attention et l’intérêt des élèves, car à cet âge, ils se lassent très vite.
C’est pourquoi ce sujet m’a finalement tant plu : il a fait naître une réflexion directement utile
pour les stages et qui le sera encore pour mes expériences futures. Aussi, je pense que ma
manière d’enseigner a changé, j’ai un autre regard sur la conduite d’une classe. Et sans
prétendre être capable de respecter les principes de ma réflexion en toutes circonstances, je
crois que ce mémoire est le fruit d’une véritable maturité professionnelle. D’ailleurs mon
conseiller pédagogique a inscrit dans le rapport de mon dernier stage que je possédais
« l’autorité naturelle », ce qui est pour moi le signe le plus évocateur de mes progrès (bien que
cette notion relève pour moi d’une croyance illusoire).
En conclusion, l’enseignant doit donc d’abord prendre conscience des significations
liées à ses gestes et attitudes, à ses postures et à ses déplacements, afin d’en mesurer les effets
sur ses élèves. Il doit comprendre que le corps est bien le médiateur de la relation
pédagogique. Il pourra alors ensuite apprendre à jouer de son corps, à le théâtraliser avec une
relative maîtrise pour provoquer en réponse un type de comportement approprié chez ses
élèves et ainsi assurer la gestion de sa classe. Ainsi, en essayant de contrôler au mieux dans sa
classe, l’autorité, la bonne tenue des élèves et leur motivation, l’enseignant créera, grâce à la
mise en scène de sa corporéité, les conditions favorables à l’inculcation des connaissances et
donc à la réussite des élèves. Il accomplira ainsi brillamment sa mission d’éducation et
d’instruction.
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Bibliographie
BOURDIEU, Pierre (1972). Esquisse d’une théorie de la pratique. Genève, Droz
CORMIER, Jacques Henry et Jocelyne, consultants en éducation. Dossier : la gestion de la
classe. Site Web de DISCAS
FOUCAULT, Michel (1975). Surveiller et punir. Naissance de la prison. Paris, Gallimard.
HELLER, Geneviève (1997). Le corps à l'école dès le 19e siècle. Abîmé, protégé, fortifié, in :
Educateur, n°6, p.12-15
KANT, Emmanuel (1787/1981). Traité de pédagogie. Paris, Hachette.
MAULINI, Isabelle et Olivier (1999), association Agatha, Genève. Le corps à l’école :
élément neutre des apprentissages ? Texte publié dans l'Educateur, 8, p.32-37. Repris dans
Pratiques corporelles, 126, p.13-17.
PUJADE-RENAUD, Claude (1984). Le corps de l’enseignant dans la classe. ESF
22
ANNEXE
PUJADE-RENAUD, Claude (1984). Le corps de l’enseignant dans la classe
Page 134 : « dans l’institution scolaire il est possible de dégager des modèles, également
structurés par des oppositions binaires, modèles qui concernent le maintien du corps et la
situation dans l’espace en fonction des statuts et selon une division qui n’est pas sans rapport
avec les pôles dominant-dominé.
Le tableau suivant résume cette partition, en indiquant plus une tendance dominante qu’une
dichotomie absolue :
ESPACE
ATTITUDE
DEPLACEMENT
GESTUALITE
CONTACT
PAROLE
ENSEIGNANT
appropriation
haut
debout
mobilité
expansionniste
maîtrise
dominante
ENSEIGNE
non appropriation
bas
assi
immobilité
limitée
non maîtrise
intermittente
I
Résumé
Afin d’installer une situation de classe propice à l’enseignement, le professeur des
écoles doit asseoir son autorité dans la classe et maintenir l’attention des élèves. Le
corps de l’enseignant se pose alors comme médiateur de la relation pédagogique.
Ainsi, nous verrons comment, grâce à la mise en scène de son propre corps,
l’enseignant peut tout à la fois, stimuler ses élèves, se faire respecter et favoriser
l’inculcation des apprentissages.
Mots clés
Corps humain / communication orale / communication non verbale