Prestation de conseil praticien: poumon de fermier ATCHOUM n

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Prestation de conseil praticien: poumon de fermier ATCHOUM n
ATCHOUM ! – LE JOURNAL DE L'ALLERGIE
N° 18 – OCTOBRE 2002
ALVEOLITES ALLERGIQUES EXTRINSEQUES
2ère partie = la maladie de poumon de fermier
L’essentiel
-Très grande diversité dans les antigènes susceptibles de provoquer une maladie de poumon de fermier (ils ne se limitent pas à Micropolyspora
faeni et Thermoactinomyces vulgaris).
-Evolution dans le diagnostic :
-La tomodensitométrie thoracique est un élément essentiel du diagnostic montrant souvent des images pathognomoniques
-Le lavage broncho-alvéolaire est un indicateur diagnostique rétrospectif pertinent
-La multiplication de «nouveaux» antigènes rend délicate l’interprétation des précipitines sériques
-Concerne les deux sexes de façon à peu près égale et des cas ont été décrits à tout âge. Sa fréquence est moins élevée chez les fumeurs.
-Traitement : corticothérapie à réserver aux formes aiguës sévères hypoxymiantes
-Possibilité pour les malades de poursuivre leur profession, sous certaines conditions
Agents et circonstances étiologiques
Au début des années 60, on a longtemps privilégié l’aspect qualitatif et considéré qu’un nombre limité d’antigènes (Ag) était susceptible de
provoquer une pneumopathie d’hypersensibilité. En fait, il semble plutôt que les substances antigéniques doivent répondre à certaines
caractéristiques générales : être « respirables » (< 5 µm), offrir une résistance à l’épuration mucocilaire, être capable de fixer le complément et
agir comme adjuvant pour initier la réponse immunologique.
Ces propriétés peuvent être le fait de multiples substances : micro-organismes bactériens (thermophiles et non thermophiles) et fongiques,
amibes, protéines animales, substances chimiques de faible poids moléculaire.
Dans la maladie du poumon de fermier (MPF), on cite un nombre restreint d’antigènes : des actinomycètes thermophiles (Saccharopolyspora
rectivirgula anciennement dénommé Micropolyspora faeni et Thermoactinomyces vulgaris) et quelques micro-organismes fongiques
(Aspergillus fumigatus, parfois Penicillium sp.).
Ce sont ces micro-organismes qui, dans les panels d’antigènes commerciaux, sont préférentiellement utilisés pour la détection des Ac
sériques. Or l’évolution constante des techniques agricoles au cours des dernières décennies a probablement modifié la flore microbienne des
produits agricoles et des fourrages, ce qui conduit à suspecter d’autres substances antigéniques. Selon les régions, on parle notamment de
micro-organismes fongiques tel que Absidia corymbifera et Eurotium amstelodami.
L’aspect quantitatif (concentration d’Ag inhalés) joue également un rôle fondamental. Parmi les sujets exposés, seulement 5 à 10%
développent la maladie. Des facteurs favorisants ou « protecteurs » influencent les réponses individuelles aux agents inhalés. Certains cofacteurs jouent probablement un rôle déterminant : les endotoxines (fréquemment associées aux Ag de la MPF), d’autres substances inhalées
ou des infections concomitantes virales ou bactériennes sont de probables adjuvants.
Des études microbiologiques ont fortement suggéré un lien étroit entre le risque de développer une alvéolite et la concentration en Ag. Il existe
une relation linéaire entre la prévalence de la MPF et l’altitude (l’altitude étant strictement corrélée à la pluviométrie durant la fenaison et par
conséquent à la quantité de moisissures dans les fourrages).
L’utilisation de masques de protection respiratoire chez les sujets malades prévient, dans la majorité des cas, les récidives alors que ces
masques ne font que réduire la quantité de micro-organismes réellement inhalés.
Physiopathologie
Au niveau physiopathogénique, l’élément clé est l’existence du granulome qui fait suite aux activations cellulaires, notamment macrophagiques
et lymphocytaires (lymphocytes T CD8+). La cascade de réactions humorales, cellulaires et cytokiniques qui déterminent l’environnement
inflammatoire aboutit à la formation du granulome.
Dans le passé, on a considéré les pneumopathies d’hypersensibilité comme un modèle de maladie à complexes immuns. En réalité, les 3 types
d’hypersensibilité (I, III et IV) sont impliqués dans cette pathologie.
Aspect clinique
On décrit classiquement une forme aiguë, une forme subaiguë et une forme chronique qui correspond à une maladie évoluée au stade
d’insuffisance respiratoire chronique (IRC). Ceci peut correspondre à 3 stades évolutifs qui se succèdent chez le même malade, mais aussi 3
présentations distinctes qui dépendent entre autre, du type et du mode d’exposition antigénique.
Certains auteurs proposent de classer les pneumopathies d’hypersensibilité en formes « aiguës progressives » / formes « aiguës intermittentes
non progressives » / formes récurrentes non aiguës.
Il existe aussi des formes insidieuses, trompeuses, observées au stade d’IRC, que l’on peut qualifier de formes chroniques « primitives » car
les signes évocateurs de l’affection, aigus ou subaigus, ont pu passer inaperçus ou être absents.
A retenir : 2 présentations de formes chroniques bien distinctes :
-pneumopathie interstitielle chronique avec fibrose pulmonaire et trouble ventilatoire restrictif : l’élément clinique essentiel est la
dyspnée (le diagnostic différentiel avec une fibrose pulmonaire idiopathique est difficile).
-broncho-pneumopathie chronique obstructive avec des signes cliniques, fonctionnels et radiologiques qui peuvent simuler une
maladie respiratoire liée au tabac (ce diagnostic doit être suspecté chez un sujet exposé et non-fumeur).
Diagnostic
Le diagnostic des pneumopathies d’hypersensibilité repose sur la conjonction d’indicateurs d’exposition, de signes cliniques,
radiologiques, fonctionnels, immunologiques et parfois histologiques, dont aucun pris isolément n’est spécifique de l’affection.
Le LBA montre constamment une alvéolite lymphocytaire. Quand l’exposition est maintenue, elle persiste des mois et même des années, ce
qui en fait un indicateur diagnostique rétrospectif pertinent. Ainsi, devant une suspicion de MPF, son absence, même lorsqu’on est à distance
d’un épisode aigu ou subaigu, permet d ‘éliminer le diagnostic. Parfois, lorsque le délai entre la dernière exposition et le LBA est très court, on
peut observer une forme panachée, avec des pourcentages de polynucléaires éosinophiles supérieurs à 10%.
L’étude des sous-populations lymphocytaires n’a pas une valeur diagnostique déterminante, même si un rapport CD4/CD8 bas est plutôt en
faveur d’une pneumopathie d’hypersensibilité que d’une sarcoïdose par exemple.
La tomodensitométrie thoracique est toujours pathologique dans les pneumopathies d’hypersensibilité, alors que la radiographie pulmonaire
standard est normale dans environ 20% des formes aiguës.
Au niveau clinique, la présence de râles crépitants est constante dans les états aigus et subaigus.
Parmi les examens complémentaires, l’étude de la fonction respiratoire révèle une baisse du coefficient de transfert du CO.
La recherche de précipitines a constitué longtemps la base du diagnostic de la MPF.
En fait, la rentabilité diagnostique des précipitines est très variable en fonction des méthodes immunologiques de détection, mais surtout en
fonction du panel antigénique utilisé. Dans la MPF, les antigènes de détection sont habituellement Faeni rectivirgula, Thermoactinomyces
vulgaris et des extraits de foin moisi provenant, dans la mesure du possible, de la ferme même du patient, ce qui permet d’augmenter la
sensibilité de la méthode. L’interprétation des résultats doit être prudente notamment du fait des modifications récentes des antigènes majeurs
de la MPF.
Un résultat négatif n’exclut pas le diagnostic, surtout lorsque l’on utilise un panel d’Ag commerciaux qui ne correspondent pas forcément à la
réalité de l’exposition.
D’un autre coté, la mise en évidence de précipitines vis-à-vis des actinomycètes thermophiles ne représente pas un critère suffisant de
positivité. Elle ne peut être que la traduction d’un simple contact antigénique, d’où l’éventualité de faux positifs chez les sujets indemnes de
l’affection mais exposés à l’allergène. Quiconque manipulant du foin moisi peut avoir un minimum d’Ac précipitants vis-à-vis des actinomycètes
thermophiles sans pour cela être malade.
La détection de ces Ac doit toujours être complétée d’une co-immunoélectrodiffusion (test de confirmation), pour différencier les sujets malades
des sujets contacts asymptomatiques, par la recherche de l’arc de précipitation présentant une activité chymotrypsique et/ou de l’arc de
précipitation comportant une fraction polysaccharidique spécifique. La recherche de ces arcs de précipitation est beaucoup plus spécifique
puisque négative chez les témoins et les sujets contacts asymptomatiques.
Actuellement, la sérologie n’est plus un critère pour effectuer une déclaration de maladie professionnelle.
Autre examens
-Les résultats de la numération formule sanguine et de l’électrophorèse des protéines ne sont pas spécifiques. Un syndrome inflammatoire
avec hypergammaglobulinémie est souvent associé à une hyperleucocytose à polynucléaires avec parfois une hyperéosinophilie.
-Il est indispensable de pratiquer, dès les premiers signes cliniques, une exploration fonctionnelle respiratoire (spirométrie) et une gazométrie
artérielle permettant d’évaluer la gravité de l‘atteinte fonctionnelle.
-Les tests de provocation respiratoire, encore utilisés dans la maladie du poumon d’éleveur d’oiseaux, sont abandonnés dans la MPF. Il en est
de même pour les prélèvements histologiques.
Modalités évolutives
Dans les suites d’une maladie aiguë ou subaiguë, entre 30 et 65% des patients restent symptomatiques et environ un tiers gardent une IRC
séquellaire.
Il n’y a pas, au moment du diagnostic, d’indicateur fiable de l’évolution à moyen et long terme. Certains sujets, après un épisode aigu vont
développer progressivement une IR, en particulier (mais pas uniquement) si l’exposition est maintenue ; d’autres sujets vont faire des récidives
fréquentes sans altérer à long terme leur fonction respiratoire.
Prévention
L’éviction antigénique totale et définitive, c’est à dire l’arrêt de la profession, a été longtemps préconisée dans la MPF. Ce dogme est
maintenant remis en cause. Plusieurs études ont établi que la poursuite des activités professionnelles était possible sans risque respiratoire
significatif sous réserve de réaménagement des conditions de travail et/ou port de masques ou de casques de protection respiratoire lors des
tâches les plus immunogènes.
Traitement
L’indication des corticoïdes en phase aiguë est maintenant discutée… il pourrait même y avoir un risque plus important de récidive chez les
sujets traités. Par conséquent, la corticothérapie doit être réservée aux formes aiguës sévères hypoxymiantes.