Clotilde CHIVAS

Transcription

Clotilde CHIVAS
Romancière exotique et Chattoise célèbre :
Clotilde CHIVAS-BARON (1876-1956)
Les « anciens » se souviennent d'elle, car, lorsqu'on a côtoyé en son petit village une si
grande dame, cela ne s'oublie pas facilement... Mais les jeunes ne l'ont pas connue : l'étoile
s'est éteinte, qui a brillé d'abord au ciel de tout l'Orient durant la première moitié de
ce siècle ; son éclat, s'il semble terni, n'est pas effacé pour autant.
Saisissons l'occasion de son anniversaire, pour évoquer la vie et l'œuvre de la femme
d'esprit dont Chatte peut s'enorgueillir.
Il y a cent ans, en effet, — le 5 septembre 1876, à Paris — que Clotilde Chivas vit le
jour dans la capitale, par le simple fait du hasard. Bien vite, Laurent Chivas et MarieThérèse Marion, ses parents, regagnent Chatte qui est leur berceau familial ; et c'est là
que Clotilde, enfant, va passer sa jeunesse et son adolescence, hormis le temps où elle s'est
trouvée pensionnaire d'une institution, à Corenc, pour y préparer son brevet,
De retour au village, en vraie terrienne et qu'elle adore, elle y demeure jusqu'à 27 ans ;
ainsi, peut-elle parfaire son instruction auprès des siens en véritable autodidacte, lisant et
compulsant sans cesse des ouvrages d'histoire particulièrement, qui la passionnent et
l'émerveillent.
Un remariage — suite à une première union qui s'est avérée décevante — va orienter sa
destinée en conduisant la jeune femme en Indochine.
1909 - 1910 : Non loin d'Hué, séjournant au bord de la brousse avec sa fille et son mari
Michel Baron, Clotilde recueille les récits qu'elle trouve étrangement captivants d'un
ministre annamite, N'Guyen Huu Bay, ainsi que d'un missionnaire français. Les retranscrire
pendant ses loisirs, dans l'espoir de les publier aussitôt son retour en France, occupe
toutes ses pensées. Et, dans le « Figaro »,puis dans divers journaux, paraîtront par
bribes, d'abord, ses « Contes et légendes de l'Annam », lesquels, groupés et édités en
1917 sous la signature qu'elle a adoptée — Clotilde Chivas-Baron — seront couronnés par
l'Académie Française (prix Montyon).
Désormais sa vie est tracée : elle sera écrivain, romancière plutôt, parce
qu'encouragée par ses « Contes d'Annam » qui viennent d'être traduits en trois langues :
anglais, roumain et suédois.
« Trois femmes annamites » sera son second livre, paru en librairie en 1922. Les «
Annales » en avaient donné le texte en primeur, illustré par le graveur connu Gervaise.
Nouveau couronnement, garant de son talent : le prix de Jouy, décerné par l'Académie
Française, pour ce livre. « La simple histoire des Gaudraix » (parue en 1923), où Chatte
est évoqué sous le nom « Chastevert », nous narre l'aventure d'un couple dauphinois,
qui quitte sa province pour vivre en Indochine.
A-t-elle la nostalgie du terroir ancestral dans son Annam lointain ? C'est d'elle-même,
sans doute, qu'elle nous conte l'histoire.
L'année 1924 verra la sortie de « Folie exotique », publiée en brousse sedang. Mais le
chef-d'œuvre incontesté de cette romancière dauphinoise, et qui obti n t u n g r a n d
s u c c è s , c ' e s t « Confidences de métisse », sorti en 1926, qui reçut le Grand Prix de
Littérature coloniale en 1927.
La « Femme Française aux colonies » (édition 1929) est moins un roman, toutefois, qu'un
manuel d'initiation à la vie coloniale, précédé d'un rappel de souvenirs historiques, dont
celui de l'extraordinaire Mère Javouhey, qui n'a certes pas été oubliée, c'est justice.
La vie de Clotilde Chivas-Baron a été fort remplie entre les deux guerres : romancière,
collaboratrice à divers organes de presse, conférencière au Poste « Radio - Colonial », à
l'Université des Annales et à l'Ecole coloniale, elle trouve encore le temps de fonder «
Entr'aide féminine coloniale » en 1931, association reconnue d'utilité publique, non
seulement par un décret, mais par les intéressées, avant tout... Rendre la condition de la
Femme meilleure, partout dans les contrées qu'elle a eu l'heur de visiter a été son souci
constant. Elle y a consacré sa vie, par ses ouvrages et son action : L'empereur d'Annam lui
décerna la décoration du Kim Boy, le gouvernement la fit chevalier de la Légion
d'Honneur.
L'Indochine a servi de cadre à ses romans. Toutefois, à la demande du Gouverneur
général, Clotilde Chivas-Baron s'est quelque peu écartée de son domaine d'élection en
effectuant un reportage en Côte d'Ivoire. Agée alors de 57 ans, ce périple l'a conduite à de
sportives équipées qu'elle fit sans incidents dans la brousse africaine, grâce à l'aide
précieuse d'un jeune capitaine alors médecin en poste à Tabou, le docteur Bonne, de
Saint-Marcellin. Il en est résulté son dernier livre, « Côte d'Ivoire », sorti en 1939.
La guerre survint, qui l'éloigna de Paris et de sa chère « Entr'aide féminine coloniale ».
Elle se consacrera alors à sa famille et à la maison de Saint-Marcellin, à son jardin
auquel elle portait une affection de terrienne.
C'est au couvent de Bellevue qu'elle s'est éteinte et non chez elle, le 23 décembre
1956.
Elle repose au cimetière de Chatte, le village de son enfance.
Jean SORREL
Texte paru dans le Mémorial de L'Isère en 1976