Gérant majoritaire de SARL : dividendes ou rémunération ?

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Gérant majoritaire de SARL : dividendes ou rémunération ?
DOSSIER DU MOIS
Depuis le 1er janvier 2013, les dividendes versés aux gérants
majoritaires de SARL sont passibles des cotisations sociales.
Nous faisons ici le point sur les avantages et inconvénients
des deux types de rémunération : dividendes ou rémunération.
Gérant majoritaire de SARL :
dividendes ou rémunération ?
Auparavant, un gérant majoritaire de
SARL ou d’EURL avait la possibilité de
répartir les sommes en provenance de la
société entre une rémunération et un
dividende en fonction de leur fiscalité
respective et du revenu final attendu,
après paiement des cotisations sociales
et de l’impôt sur le revenu.
Les dirigeants de SA
ou de SAS ne relèvent
pas du RSI
Comme les dividendes versés par une
société soumise à l’impôt sur les sociétés
(IS) étaient moins imposés que les rémunérations et ne supportaient pas de cotisations sociales, il était fréquent de
prévoir une part de dividendes dans le
revenu d’un gérant, en le modulant en
fonction de différents paramètres sur lesquels nous allons revenir.
Cette optimisation fiscale et sociale a
désormais perdu de son intérêt depuis le
1er janvier 2013 avec l’assujettissement
des dividendes aux cotisations sociales.
Régime des dividendes soumis
aux cotisations sociales
Depuis le 1er janvier 2013, une part des
dividendes perçus par le travailleur
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indépendant exerçant son activité dans
une société soumise à l’IS est assujettie
aux cotisations sociales du régime social
des indépendants (RSI).
Sont principalement visés par cette
mesure les gérants de sociétés soumises
à l’IS qui sont redevables de cotisations
payées au RSI :
– les gérants associés d’EURL ou de
SCI,
– les gérants majoritaires de SARL,
– voire les simples associés (minoritaires
ou majoritaires) qui exercent une activité
non salariée dans une société soumise à
l’IS et qui relèvent, à titre obligatoire,
d’un régime de protection sociale des
travailleurs non salariés (TNS).
Ne sont pas concernés les gérants qui
ont un statut de salarié, comme par
exemple les dirigeants de SA ou de SAS
et les gérants non majoritaires de SARL.
Il en est de même des associés de SARL
ou d’EURL qui sont de simples apporteurs de capitaux et n’ont pas d’activité
dans la société.
Est soumise aux cotisations sociales la
part des dividendes perçus par le gérant,
son conjoint ou partenaire pacsé et ses
enfants mineurs non émancipés qui
excède 10 % des sommes qu’ils ont
investies dans la société (capital
+ primes d’émission + compte courant)
Exemple : Un gérant majoritaire possède
60 % des parts d’une société au capital
de 10 000 €.
Son conjoint et ses enfants mineurs, qui
n’ont aucune activité dans la société,
possèdent ensemble 20 %.
La société distribue 25 000 € de dividendes.
La quote-part de dividendes revenant au
gérant et à sa famille est de : 80 % de
25 000 = 20 000 €.
Dividendes soumis à RSI = 20 000
– 8 000 = 19 200 €.
(avec 8 000 = 10 % du capital détenu
par le gérant et sa famille).
La notion de dividendes soumis à cotisations sociales est entendue de façon assez
large puisqu’elle couvre non seulement les
distributions de bénéfices décidées par
une assemblée, mais également :
– les boni de liquidation en fin de vie de
la société ;
– les rémunérations et distributions
occultes ;
– les distributions indirectes ou déguisées.
Ainsi, un dirigeant qui prélève des fonds
en caisse à des fins personnelles peut,
selon les circonstances, être concerné
par ce dispositif.
Modalités d’imposition
des dividendes
Les dividendes sont soumis au barème
progressif de l’impôt sur le revenu après
application d'un abattement de 40 %.
L’imposition du dividende
est atténuée grâce
à l’abattement de 40 %
Les dividendes versés depuis le 1er janvier 2013 ne bénéficient plus de l’abattement forfaitaire de 1 525 € applicable
antérieurement pour les personnes
imposées seules ou de 3 050 € pour les
couples. Cet abattement permettait de
Loi de financement
de la sécurité sociale
L’assujettissement aux cotisations sociales des dividendes
perçus par les travailleurs indépendants exerçant leur activité dans une société soumise à l’IS résulte de l’article 11
de la loi 2012-1404 de financement de la sécurité sociale
pour 2013 du 17 décembre 2012.
Cet article est repris dans le Code de la sécurité sociale sous
le numéro L 131-6, al. 3.
Il a pour effet d’aligner et d’assujettir aux cotisations sociales
le revenu du capital et celui d’activité.
N° 317 - NOVEMBRE 2013
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supprimer toute imposition pour les dividendes de faible montant perçus par un
foyer fiscal.
Ils ne bénéficient également plus du prélèvement forfaitaire libératoire de 21 %
qui permettait de limiter le taux d’impôt
sur le revenu à 21 % au maximum.
Les dividendes encaissés à partir de
2013 font l’objet :
– d’un prélèvement à la source de 21 %
à titre d’acompte restituable d’impôt sur
le revenu. Une dispense de ce prélèvement est cependant possible si le revenu
de référence du foyer fiscal de l’avantdernière année est inférieur à 50 000 €
(75 000 € pour un couple) ;
– d’un assujettissement aux cotisations
sociales (RSI) d’une part des dividendes ;
– de prélèvements sociaux au taux de
15,50 % (CSG, CRDS…) pour la part
des dividendes non soumise aux cotisations RSI. A noter que 5,10 % de la CSG
est déductible, contre 5,80 % précédemment.
Modalités d’imposition
des rémunérations de gérant
La rémunération du gérant majoritaire de
SARL est imposable dans les mêmes
conditions qu’un salaire, avec un abattement de 10 % censé représenter les frais
professionnels.
Le gérant peut déduire de sa rémunération les cotisations sociales obligatoires,
en particulier celles versées au RSI ou
dans le cadre de contrats Madelin de
prévoyance et retraite complémentaire
de groupe.
Comparatif chiffré
Nous partirons d’un exemple chiffré pour
une EURL soumise à l’impôt sur les
sociétés avec :
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– un capital social + réserves de 10 000 €
– un bénéfice de 50 000 €
– taux moyen d’impôt sur le revenu de
l’associé gérant : 30 %
– cotisations au RSI évaluées pour cet
exemple à 45 %
(Pour les besoins de l’exemple, les données chiffrées sont volontairement simplifiées.)
Hypothèse 1 : distribution
en dividendes du bénéfice après IS
Bénéfice distribuable : 50 000 – 9 700
(impôt sociétés) = 40 300 €
Dividendes mis en paiement : 40 300 €
Prélèvement à la source sur les dividendes (acompte d’IR de 21 %) :
40 300 € × 21 % = 8 460 €
Part des dividendes soumis aux cotisations RSI : 40 300 – (10 000 × 10 %)
= 39 300 €
RSI à payer par le gérant : 39 300
× 45 % = 17 700 €
Prélèvements sociaux (CSG-CRDS,
etc.) : (40 300 € – 39 300) × 15,5 %
= 155 € (dont 50 € de CSG déductible)
Dividendes payés : 40 300 – (8 460
+ 50) = 31 790 €
Impôt sur le revenu : dividendes imposables après déduction de la CSG
déductible, du RSI et de l’abattement de
40 % : 40 300 – 50 – 17 700 – (40 300
× 40 %) = 13 530 €
Impôt sur le revenu (tranche de 30 %) :
13 530 × 30 % = 4 059 €
Restitution de l’acompte de 21 % payé
lors de la distribution = 8 460 €
Solde disponible chez le gérant :
50 000 – (9 700 + 17 700 + 155
+ 4 059) = 18 386 €.
Hypothèse 2 : rémunération
du gérant sous forme de salaire
Bénéfice de l’exercice avant déduction
de la rémunération : 50 000 €
Cotisations RSI arrondies globalement à
45 % : 50 000 × 45 % = 22 500 €
(dont 650 € de CSG non déductible)
Disponible en rémunération après cotisations : 50 000 – 22 500 = 27 500 €
Bénéfice de la société après rémunération de la gérance : 50 000 – (22 500
+ 27 500) = 0
Impôt sur le revenu après abattement de
10 % et CSG non déductible : [(27 500
× 90 %) + 650] × 30 % = 7 620 €
Solde disponible chez le gérant :
50 000 – (22 500 + 7 620) = 19 880 €.
Les cotisations
sociales applicables
à une rémunération
TNS sont
actuellement moins
élevées que celles
applicables
à une rémunération.
Quels critères d’optimisation
des revenus ?
Faut-il privilégier les dividendes ou la
rémunération des gérants ? Faut-il préférer une structure de société dans
laquelle le gérant sera salarié ?
Pour un gérant TNS, les exemples chiffrés montrent qu’à court terme l’option
dividende est à peu près équivalente à
celle d’une rémunération lorsque le
revenu perçu de la société se situe entre
30 000 € et 70 000 €.
Dans ces conditions, pour faire son
choix, il est nécessaire de revenir à des
critères plus fonctionnels :
– une rémunération salariée garantit la
protection sociale du régime général de
la sécurité sociale et assure des droits à
la retraite proportionnels aux cotisations ;
– une rémunération, salariée ou TNS, est
une source garantissant des revenus. Un
dividende dépend des aléas du bénéfice ;
– pour la trésorerie de la société et à
revenu égal pour le gérant, le coût d’une
rémunération qui revient à un seul bénéficiaire est moindre que celui d’un dividende attribué à tous les associés ;
– l’exonération d’ISF en faveur des biens
professionnels conduit à choisir la rémunération plutôt que le dividende, au
moins dans certaines limites.
Plusieurs constatations peuvent être
faites aujourd’hui :
– à revenu équivalent, les cotisations
sociales applicables à un salarié sont
plus élevées (selon les situations, de
25 % à 40 %) que celles applicables à
un TNS, et ce, malgré une augmentation
importante des cotisations RSI ces dernières années ;
– compte tenu des difficultés que
connaissent actuellement les régimes
Arrco et Agirc, il est possible que de nouveaux ajustements s’opèrent entre les
niveaux des cotisations des salariés et
ceux des TNS.
Dans ce cadre évolutif, il est tout aussi
difficile de dire qu’un régime TNS ou un
régime général de salarié sera une option
pérenne.
Distribution de dividendes :
obligations déclaratives
Afin d’éviter des régularisations trop importantes en 2014
et 2015, les dividendes distribués en 2013 et 2014 seront
pris en compte pour le calcul des cotisations
provisionnelles.
Ces dividendes doivent par ailleurs être déclarés au RSI dans
les 30 jours à compter de leur perception.
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