Quels indicateurs d`efficacité des essais clini
Transcription
Quels indicateurs d`efficacité des essais clini
Quels indicateurs d'efficacité des essais cliniques pour quels résultats ? A. Sommet, M. Lapeyre-Mestre Introduction I. Définitions A. Risque relatif et réduction du risque relatif B. Rapport de cotes ou Odds ratio C. Réduction du risque absolu ou différence de risque D. Nombre nécessaire de patients à traiter II. Exemple d’application : statines III. Avantages et inconvénients des différents indicateurs d'efficacité IV. Impact des résultats sur la décision thérapeutique V. Conclusion Résumé : Les auteurs présentent les différents indicateurs d'efficacité utilisables pour la présentation des essais cliniques : risque relatif, réduction du risque relatif, rapport de cotes, réduction du risque absolu, nombre nécessaire de patients à traiter, en les appliquant à l'analyse de quelques essais. Ils illustrent les avantages et les inconvénients de chacun d’entre eux, permettant de comprendre l’impact de la présentation des résultats sur la décision thérapeutique. Introduction Face au nombre croissant de médicaments à la disposition du médecin et du pharmacien, la décision thérapeutique doit aujourd'hui reposer sur l'évaluation des rapports bénéfice/risque et coût/efficacité du médicament à partir des résultats des essais cliniques des médicaments. Dans les essais cliniques randomisés, on peut présenter les résultats de plusieurs manières, grâce à différents indicateurs d’efficacité. On distingue : - les indicateurs de type multiplicatif : risque relatif, réduction du risque relatif, rapport de cotes, - les indicateurs de type additif : réduction du risque absolu, nombre nécessaire de patients à traiter. Ces indicateurs d’efficacité permettent d’aboutir à une conclusion d'une part qualitative (le traitement est-il efficace ou non ?) et d'autre part quantitative (quel est l’ordre de grandeur du bénéfice attendu ?). Nous définirons dans un premier temps ces différents indicateurs puis, à travers différents exemples, nous mettrons en valeur les avantages et inconvénients de chacun. Enfin, nous illustrerons l’impact de ces différents indicateurs sur la prise de décision. I. Définitions A. Risque relatif et réduction du risque relatif Le risque relatif (RR) représente le rapport entre le risque de présenter l'événement lorsque l'on est exposé et le risque de présenter le même événement en l'absence d'exposition (1, 2): RR = R Evénement + / Exposés risque absolu R Evénement + / Non exposés risque de référence On appelle risque absolu le risque de présenter l'événement lorsque l'on est exposé et risque de référence le risque de présenter l'événement en dehors de l'exposition. Le risque relatif mesure la force de l'association entre l'exposition et la survenue de l'événement. Il s'agit d'un facteur multiplicatif du risque de référence. - un risque relatif égal à 1, implique l'absence d'association entre exposition et la survenue de l'événement. - un risque relatif supérieur à 1 implique une augmentation du risque de survenue de l'événement par l'exposition. - un risque relatif inférieur à 1 implique une réduction du risque de survenue de l'événement (effet protecteur de l'exposition). Plus fréquemment, on exprime l'efficacité en terme de réduction du risque relatif (RRR) représentant le complément du risque relatif, exprimé en pourcentage : RRR = 1 - RR. B. Rapport de cotes ou Odds ratio Lorsque l'événement étudié est rare, ou apparaît de façon tardive par rapport à l'exposition, on utilise le rapport de cotes ou odds ratio pour quantifier la force de l'association entre l'événement et l'exposition (1, 2) (tableau I). On sélectionne les cas, c'est à dire les sujets ayant présenté l'événement. On comptabilise alors rétrospectivement ceux ayant été exposés ou non au facteur étudié. Parallèlement, on sélectionne des témoins, identiques en tous points aux cas, mais n'ayant pas présenté l'événement. On comptabilise parmi ces sujets ceux ayant été exposés ou non au facteur étudié. Le rapport de cotes est le rapport des cotes d'exposition au facteur étudié chez les cas et les témoins : OR = (a / c) / (b / d) = ad / bc Le rapport de cotes est une estimation correcte du risque relatif lorsque l'événement étudié est rare. Ainsi dans le tableau I, le risque relatif se calculerait par : RR = a / a+b c / c+d Si l'événement est rare, a et c sont petits devant b et d ce qui permet d'écrire : RR = (a / b) / (c / d) soit RR = ad / bd. On peut donc conclure dans ce cas à l'équivalence du risque relatif et du rapport de cotes. C. Réduction du risque absolu ou différence de risque La réduction du risque absolu (RRA) représente une autre façon d'exprimer quantitativement l'efficacité d'un traitement. Cet indicateur se définit par la différence entre le risque absolu (risque observé chez les sujets exposés) et le risque de référence : RRA = risque absolu - risque de référence. On l'appelle aussi différence de risque. Chez les sujets exposés, le risque de survenu d'un événement est la somme du risque de référence (risque qu'aurait encouru les sujets en l'absence d'exposition) et du risque attribuable à l'exposition elle-même (1, 2). Ainsi, la soustraction entre le risque absolu et le risque de référence représente le risque attribuable à l'exposition encore appelé réduction du risque absolu ou différence de risque. D. Nombre nécessaire de patients à traiter Pour beaucoup, le concept de réduction du risque absolu reste peu clair ou peu parlant. On utilise alors un indicateur dérivant du précédent, le NNT ("Number Needed to Treat"). Le NNT est l'inverse de la réduction du risque absolu. Il représente le nombre nécessaire de patients à traiter pour prévenir un événement donné : NNT = 1 / réduction du risque absolu (3). II. Exemple d'application : statines (tableau I) Le tableau I retrace les résultats d'un essai clinique évaluant l'efficacité d'un traitement par acides gras polyinsaturés oméga-3 sur la prévention secondaire de différents évènements cardiovasculaires à 3,5 ans (4). - Le risque de décès à 3,.5 ans est de 9.8% (risque de référence). - Le risque de décès dans le groupe traité par oméga-3 par rapport au groupe de référence est multiplié par un facteur de 0.86 soit un risque de décès diminué de 14%. - La différence de risque entre les deux groupes est de 1.4%. - Le nombre de patients à traiter par oméga-3 pour prévenir 1 décès par an est égal à 71. Evénements à 3,5 ans Effectif total Décès IDM non fatal Placebo 554 233 5679 Oméga-3 477 223 5684 Pour les décès : RRR = 1 - RR = 0.14 soit 14% R réf = 554 / 5679 = 0.098 soit 9.8% RA = 477 / 5684 = 0.084 soit 8.4% RRA (ou différence de risque) = 1.4% RR = 8.4 / 9.8 = 0.86 NNT = 1 / 0.014 = 71 Pour les IDM : R réf = 233 / 5679 = 0.041 soit 4.1% RRR = 1 - RR = 0.05 soit 5% RA = 223 / 5684 = 0.039 soit 3.9% RRA (ou différence de risque) = 0.2% RR = 3.9 / 4.1 = 0.95 NNT = 1 / 0.002 = 500 R réf : risque de référence ; RA : risque absolu ; RR : risque relatif ; RRR : réduction du risque relatif ; RRA : réduction du risque absolu ; NNT : nombre de patients à traiter ; IDM : infarctus du myocarde III. Avantages et inconvénients des différents indicateurs d'efficacité Afin de juger de l'intérêt de ces différents indicateurs, examinons les résultats d'une méta-analyse évaluant l'effet des statines sur la prévention primaire des décès, des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux chez des patients (tableau II) (5). Risque de référence (%) Réduction du risque relatif Réduction du risque absolu(%) Nombre de patients à traiter Décès 0.9 13 0.12 833 Infarctus du myocarde 0.9 26 0.23 427 Accident vasculaire cérébral 0.2 18 0.04 2778 Les patients recevant le placebo ont un risque de décéder à 1 an de 0.9% (risque de référence). Ce risque se réduit de 0.12% sous traitement préventif par statine (réduction du risque absolu). Le risque de décès à 1 an en cas de prise de statine est de 0.78% (risque absolu). Dans ce groupe, le traitement par statine réduit donc le risque de décès à 1 an de 13% (réduction du risque relatif). La réduction du risque relatif est supérieure en ce qui concerne les accidents vasculaires cérébraux : 18%. Cependant, la différence de risque ou réduction du risque absolu est de 0.12% pour les décès, mais de 0.04% pour les accidents vasculaires cérébraux. En d'autres termes, il faudra traiter 833 patients pour prévenir la survenue d’un décès et 2778 pour éviter un accident vasculaire cérébral. Discussion La réduction du risque relatif est un indicateur multiplicatif ne tenant pas compte du risque de référence ou risque de base. Il s'agit d'un indicateur robuste, peu sensible aux variations des paramètres propres au patient. Il permet ainsi la comparaison de différents médicaments entre eux, quelle que soit la population étudiée. Cet indicateur reflète l'efficacité intrinsèque du traitement. Cependant, l'efficacité peut paraître élevée, alors que le risque de base est faible. La réduction du risque absolu et le nombre nécessaire de patients à traiter pour prévenir un événement (NNT) sont des indicateurs prenant en compte le risque de référence. On parle alors d'indicateurs d'efficacité de type additif. Le NNT semble plus expressif que la réduction du risque absolu. Il traduit "l'effort à fournir" pour prévenir un événement. Il varie en fonction du risque de référence (3). Le NNT et la réduction du risque absolu sont peu maniables dans les pathologies chroniques. En effet, dans ce cas le risque de référence varie en fonction du temps. Il ne peut être déterminé quel que soit le degré d'évolution de la maladie, rendant ainsi difficile le calcul d'un nombre de patients à traiter et de la réduction du risque absolu. Certains auteurs ont proposé des méthodes de calcul du NNT en exprimant ce dernier en nombre de patients à traiter par unité de temps. Cependant différents modes de calcul ont aboutit à des résultats différents. Ainsi, pour comparer un NNT entre différents essais cliniques, il faudra s'assurer de l'utilisation de la même méthode de calcul (8). IV. Impact des résultats sur la décision thérapeutique Bobbio et al. (9) ont évalué l'impact de la présentation clinique des résultats sur la décision thérapeutique. Un questionnaire, envoyé à 148 médecins, présentait les résultats de l'étude Helsinski évaluant l'efficacité d'un médicament hypocholestérolémiant sur la prévention à 5 ans de la survenue d'un infarctus du myocarde. Les résultats exprimés à l'aide de différents indicateurs d'efficacité étaient présentés aux médecins comme extraits de plusieurs essais cliniques différents. Les médecins étaient interrogés sur leur disposition à prescrire chacun des traitements (exprimée par un score moyen allant de 0 à 100). La réduction du risque relatif était de 34%, la réduction du risque absolu de 1.41%, le pourcentage de patients sans événement de 97.3% versus 95.9% sous placebo, le nombre nécessaire de patients à traiter de 71, la mortalité dans le groupe traité de 6% associée à une réduction du risque relatif de 34%. La disposition des médecins à prescrire le médicament dont l'efficacité était exprimée en terme de réduction du risque relatif a obtenu le score le plus fort : 77 sur une échelle allant de 0 à 100. Viennent ensuite les médicaments dont l'efficacité est exprimée en terme de pourcentage de patients sans événements (score de 37), nombre de patients à traiter (score de 34), réduction du risque absolu (score de 24), réduction du risque absolu et taux de mortalité (score de 23). D'autres études de méthodologie similaire ont abouti aux mêmes résultats. Le résultat exprimé en terme de réduction du risque relatif s'avère donc le plus attractif (10, 11, 12). V. Conclusion Face à la multiplicité de ces indicateurs, comment évaluer correctement les résultats des essais cliniques? Les conclusions issues de cette évaluation doivent participer à la décision pratique pour un patient donné. Dans un premier temps le but de l'étude et la validité de ses résultats doivent être minutieusement analysés : tirage au sort des sujets, respect du double insu, pertinence clinique du critère principal d'évaluation. On veillera ensuite à l'expression des résultats à la fois en terme de réduction du risque relatif mais aussi en prenant en compte le risque de base des patients ou risque de référence. L'impact clinique du traitement pourra ainsi être évalué. Enfin, le médecin devrait pouvoir déterminer si les résultats des essais cliniques rapportés dans la littérature peuvent s'appliquer à un patient individualisé. Cela nécessite une connaissance du risque propre du patient par rapport à sa pathologie. L'ensemble de ces considérations devrait aider à l'exercice d'une médecine fondée sur les preuves. Bibliographie 1. Bégaud B. In : Dictionnaire de pharmaco-épidémiologie. ARME-Pharmacovigilance 1998. 2. Bégaud B. In : Mesures de risque, d'association et d'impact en pharmaco-épidémiologie. ARMEPharmacovigilance 1999. 3. Laupacis A, Sackett DL, Roberts RS. An assesment of clinically useful mesures of the consequences of treatment. N Engl J Med 1998 ; 26 : 1728-33. 4. Marchioli R, Barzi F, Bomba E, et al. Early protection against sudden death by n-3 polyunsaturated fatty acids after myocardial infarction. Time-course analysis of the results of the Gruppo Italiano per lo Studio della Sopravvivenza nell’Infarto Miocardico (GISSI)-Prevenzione. Circulation 2002 ; 105 : 1897-903. 5. Briel M, Nordmann AJ, Bucher HC. Statin therapy for prevention and treatment of acute and chronic cardiovascular disease: update on recent trials and metaanalyses. Curr Opin Lipidol 2005 ; 16 : 601-05. 6. Cook RJ, Sackett DL. The number needed to treat : a clinically useful measure of treatment effect. Br Med J 1995 ; 310 : 452-54. 7. Sarasin FP, Gaspoz JM. La manière d'exprimer les résultats d'un essai clinique influence-t-elle la décision thérapeutique ? Med et Hyg 1996 ; 54 : 2021-23. 8. Lubsen J, Hoes A, Grobbee D. Lancet 2000 ; 356 : 1757-59. 9. Bobbio M, Demichelis B, Giustetto G. Completeness of reporting trial results : effect on physicians' willingness to prescribe. Lancet 1994 ; 343 : 1209-11. 10. Fahey T, Griffiths S, Peters TJ. Evidence based purchasing : understanding results of clinical trials and systematic reviews. Br Med J 1995 ; 311 : 1056-59. 11. Forrow L, Taylor WC, Arnold LM. Absolutely relative : how research results are summarized can affect treatment decisions. Am J Med 1992 ; 92 : 117-20. 12. Naylor DC, Chen E, Strauss B. Measured enthusiasm : does the method of reporting trial results alter perceptions of therapeutic effectiveness ? Ann Intern Med 1992 ; 117 : 916-21.