Fabriqué au Japon pour le monde, le coffret « IN MONO » (Apple
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Fabriqué au Japon pour le monde, le coffret « IN MONO » (Apple
abriqué au Japon pour le monde, F le coffret « IN MONO » (Apple 945 120) est magnifique. Blanc, solide, il inspire confiance. Quand on l’ouvre, on est surpris par le soin apporté à la reproduction des onze albums inclus (185 titres). Chaque détail est respecté : les rabats au verso des pochettes, la référence inchangée, la couleur de l’étiquette... Même les pochettes intérieures reproduisent celles de l’époque. A l’évidence l’ensemble est le fruit d’un travail patient, sérieux et enthousiasmant. Ce coffret voué aux mixages mono sort parallèlement à celui contenant les prises stéréo, présenté en noir, plus volumineux car contenant des œuvres qui n’ont pas leur place dans les rééditions mono, « Yellow Submarine », « Abbey Road » et « Let It Be ». Pourquoi s’intéresser à la mono ? Simplement parce que les Beatles se sont longtemps uniquement préoccupés de cet aspect de leur création, pour des raisons évidentes : durant les années 60, les radios sont mono, les juke-boxes aussi ; à de très rares exceptions près les électrophones sont mono, donc les 45 tours et les 33 tours également. Le master final, mono, est supervisé par le groupe et/ou son producteur, George Martin, effectué par l’ingénieur Norman Smith les premiers temps. En revanche, la version stéréo, jugée secondaire, est réalisée à un autre moment, parfois un mois plus tard, voire sans la présence ni des musiciens ni du réalisateur. Le temps écoulé entre les deux manipulations explique les différences parfois constatées. D’autre part, pour des raisons techniques, les studios étant équipés de magnétophones deux pistes (premier album) puis quatre (à partir de « With The Beatles »), il est indispensable de tracker (pré-mixer) pour laisser de la place à d’autres interventions, solos, chœurs, percussions, effets sonores, etc. Il est plus logique de le faire en mono, sur une piste plutôt que deux, afin de libérer de l’espace. Enfin, surtout les premières années, la musique des Beatles est rock, compacte, et non seulement ne nécessite pas d’être disposée dans un panorama spatial suggéré mais au contraire de garder toute sa cohésion, comme un tout indestructible. « PLEASE PLEASE ME » (1963) n’a rien perdu de son impact. C’est le premier album, enregistré dans l’urgence, en une journée et, déjà, tous les éléments de la magie Beatles sont là, mélodies, harmonies, énergie, voix merveilleuses, concision, parfait équilibre entre les quatre musiciens, émulation, invention, originalité, grâce. L’équilibre entre créations et reprises est excellent avec un choix varié montrant une connaissance et un discernement aigus, puisant chez Arthur Alexander, les Cookies, les Shirelles (deux titres), les Top Notes via les Isley Brothers. Les originaux sont encore signés McCartney-Lennon. L’ordre sera ensuite inversé. Parce que John obtenait toujours ce qu’il voulait a expliqué Paul. « WITH THE BEATLES » (1963). On dit parfois que le cap du deuxième 33 tours est difficile à franchir pour un groupe dont le premier a bien fonctionné. Les Beatles s’acquittent sans problème de l’épreuve avec un géné- reux LP de 14 plages. Le miracle, c’est que chaque chanson est une perle. Ce génie d’écriture n’empêche pas de proposer des reprises pointues. « Roll Over Beethoven » (Chuck Berry) est assaisonné de claquements de mains. Les girl groups sont encore à l’honneur, ici les Marvelettes et les Donnays. « Money » (Barrett Strong) conclut l’album par une prouesse vocale de John, comme « Twist And Shout » sur le LP précédent. « A HARD DAY’S NIGHT » (1964) survient l’année de la fameuse folie Beatles qui envahit le monde. Le phénomène est filmé avec malice par Richard Lester. Le 33 tours de la B.O. est sublime, gorgé de morceaux mortels, chacun apte à devenir un standard. Les oreilles attentives distingueront dans « If I Fell » une partie irréprochable de Paul alors que la gravure stéréo (vers 1’45 mn) révèle une très légère difficulté à atteindre la bonne note sur in vain. Il ne faut lire ici aucun reproche, mais la preuve que parfois les ingénieurs ne repartaient pas de la même prise. Elevés au rock’n’roll, les Beatles ont joué les classiques des centaines de fois à la Cavern ou à Hambourg. C’est leur musique et ils rendent hommage aux pionniers sur « BEATLES FOR SALE » (1964) en interprétant du Chuck Berry, Dr. Feelgood, Wilbert Harrison, Little Richard, Buddy Holly et Carl Perkins. Naturellement, la monophonie s’accorde parfaitement avec cet esprit, le style boulet de canon ! Quand il produit « HELP ! » (1965), George Martin ne s’occupe que de la mono. Huit titres sont mixés en stéréo en son absence. Aussi, dans les années 80, pour la première réédition en CD, en réalise-t-il de nouvelles versions stéréo lui-même, ce qui fait que les stéréo originales n’avaient encore jamais été disponibles en compact. Les responsables ont jugé intéressant, à juste titre, de faire figurer la stéréo de 1965 à la suite de la mouture mono. Cela permet de saisir, par exemple, que la piste de chant de John, pour « Help ! », est différente d’une version à l’autre, singulièrement sur les mots I changed my mind du premier couplet. Le titre « RUBBER SOUL » (1965) joue sur les mots rubber sole (semelle de caoutchouc) et rubber soul, âme de caoutchouc, voire soul factice ! L’album inclut de purs chefs-d’œuvre : « Norwegian Wood », « Nowhere Man », « Girl », « In My Life », « Run For Your Life »... Signe des temps, au verso de la pochette on peut lire : Also available in stereo (aussi disponible en stéréo). Pour les mêmes raisons que « Help ! », les moutures mono et stéréo originales se succèdent ici. On peut ainsi retrouver les fameuses prises avec les instruments d’un côté, les voix de l’autre ! Les gravures mono et stéréo de « REVOLVER » (1966) présentent des différences sur « Tomorrow Never Knows », « Eleanor Rigby », « Yellow Submarine », « I’m Only Sleeping » (plus de guitare à l’envers), « Got To Get You Into My Life » (plus long)... Pour « SGT. PEPPERS LONELY HEARTS CLUB BAND » (1967), les Beatles ne voient encore qu’en mono. Ils sont présents pour ce mixage et n’hésitent pas à apporter quelques touches finales, d’où, là également, des variations. Certaines vitesses diffèrent. En mono, « She’s Leaving Home » passe plus vite. L’effet de phasing est plus flagrant sur « Lucy In The Sky With Diamonds ». Le rire à la fin de « Within You Without You » est plus audible. Même chose pour l’improvisation chantée de Paul quand « Sgt. Peppers Lonely Hearts Club Band (Reprise) » se termine. A l’origine, « MAGICAL MYSTERY TOUR » (1967) n’est pas un album mais un 45 tours double de six plages. Pour en faire un 33 tours, et faire plaisir aux Américains, on y a ajouté les simples du moment. Cette solution est retenue pour le coffret avec la présence de « Hello Goodbye », « Strawberry Fields Forever », « Penny Lane », « Baby You’re A Rich Man » et « All You Need Is Love ». La pochette, bien cartonnée, inclut les illustrations originales. La couverture blanche de « THE BEATLES » (1968) montre bien le nom du groupe en relief mais le tirage n’est pas numéroté. Le poster est reproduit, à l’échelle, ainsi que les cartes-photos de John, Paul, George et Ringo. Les deux pochettes intérieures sont, comme à l’époque, noires avec un trou d’un seul côté. Tous ces détails sont appréciables ! Le livret (44 p.) souligne des différences entre les prises de « Back In The USSR », « Blackbird », « Piggies », « I Will »... « Don’t Pass Me By » est plus rapide en mono. « Helter Skelter » dure presqu’une minute de plus. On n’entend plus Ringo se plaindre qu’il a des ampoules aux doigts (I’ve got blisters on my fingers). Quand ces disques sont réédités en CD, les deux volumes « Past Masters » sont créés pour caser ce qui ne figure pas sur les albums. Suivant cette idée, le coffret offre « MONO MASTERS » en CD double (32 titres, pochette blanche) afin de proposer les titres parus en simples ou EP ainsi que des bizarreries comme l’autre mouture de « Love Me Do », les chansons en allemand ou « Across The Universe » première version. Ceci complète un coffret extraordinaire, comme le groupe. Jean-William THOURY 65