Objets en bois d`olivier
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Objets en bois d`olivier
Objets en bois d’olivier Perception culturelle et néo-provençalité - Baux de Provence - 2004 En Provence, la perception culturelle des objets en bois d’olivier varie du tout au tout selon le public concerné. A Mouriès, dans le magasin « Alpilles jardins », fréquenté en grande majorité par des habitants du cru et des agriculteurs locaux, les objets en bois d’olivier sont négligemment rangés dans un carton, perdus au milieu des engrais et autres produits chimiques d’entretien courant. Selon la tenancière du magasin, ils sont trop chers et ses clients n’en achètent jamais. Elle-même dit ne pas en avoir chez elle et ne plus vouloir en commander à son grossiste. A l’inverse, dans un magasin voisin « L’oulivié, Bois d’olivier et produits régionaux », qui vend essentiellement des souvenirs touristiques, un rayon entier est occupé par des objets en bois d’olivier très bien mis en valeur. Ici, la vendeuse affirme que ce secteur lui procure une bonne partie de son chiffre d’affaire et que les articles les plus vendus sont aussi les plus chers : saladiers ou paniers à fruits d’une valeur de 200 euros ou plus. Selon ses propres termes : « Quand on aime, on ne compte pas ». La fabrication d’une image médiatique positive « néo-provençale » de la Provence, de son art de vivre, de son art culinaire, et de ses produits, permet la consommation des objets par le public des touristes et des néo-résidents. Les objets ne sont pas achetés parce qu’ils sont provençaux, mais parce qu’ils sont proposés à la vente en Provence et qu’ils incarnent une image idéalisée de la Provence. Hormis à travers quelques objets utilitaires et parfois à travers quelques objets d’art, les Provençaux originaires semblent, dans leur majorité, très peu attachés aux objets en bois d’olivier. C’est de l’arbre, à son état naturel et vivant, dont ils sont fiers. Cette situation spécifique des objets en bois d’olivier en Provence montre quelles tensions il peut y avoir, dans le monde contemporain, entre l’image qu’une société a d’elle-même et son image médiatique globale. Elle révèle notamment que ces objets sont valorisés globalement sans forcément l’être localement. Dans ce cas, les objets participent de la production d’une identité essentiellement fondée sur la relation à l’autre, destinée à être consommée par un public principalement touristique, ce qui correspond bien à la réalité d’une société méditerranéenne fondée sur le brassage et le métissage, et pousse à nuancer les discours qui postulent une identité provençale « authentique » et « traditionnelle ». D’une manière plus générale, la façon dont sont perçus les objets en bois d’olivier montre bien comment la construction contemporaine de la culture provençale rassemble indissociablement le plan de l’économique et celui du symbolique. On est passé d’une situation où les populations consommaient ce qui était produit (dans notre cas, on consommait les déchets produits par le gel des oliviers) à une situation où les populations produisent ce qui est consommé (en important les objets que les touristes réclament). Le croisement d’initiatives locales et de regards extérieurs permet de redéfinir en permanence le contenu de ce qui est appelé culture et de l’adapter à des fins économiques et symboliques à la fois. Musée national des arts et traditions populaires / Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Parco nazionale del Cilento e Vallo di Diano Tous droits réservés. Juin 2005. 1