Les régimes de retraite municipaux - la situation à Rivière-Du-Loup

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Les régimes de retraite municipaux - la situation à Rivière-Du-Loup
LES RÉGIMES
DE RETRAITE MUNICIPAUX
JACQUES
POULIN
D.G.
VILLE DE
RIVIÈRE-DU-LOUP
LA PLUPART DES VILLES AU QUÉBEC AYANT UN RÉGIME
DE PENSION À PRESTATIONS DÉTERMINÉES SONT CONFRONTÉES, DEPUIS QUELQUES ANNÉES, À DES DÉFICITS
ACTUARIELS ET À UNE PRESSION FISCALE DE PLUS EN PLUS
IMPORTANTE. PLUSIEURS ÉLÉMENTS VIENNENT EXPLIQUER
LE CONTEXTE DANS LEQUEL SE RETROUVENT ACTUELLEMENT CES RÉGIMES DE RETRAITE POUR L’ENSEMBLE DES
MUNICIPALITÉS ET DES ENTREPRISES BÉNÉFICIANT DE TELS
RÉGIMES.
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Premièrement, la
faiblesse des taux
d’intérêt et du
marché financier
en général, issue
des restructurations économiques
des dernières
années.
Deuxièmement,
le vieillissement
des effectifs et la
maturité de ces
régimes.
Troisièmement, la
modification des
tables de mortalité
prolongeant ainsi
le nombre d’années
pendant lesquelles
le régime doit assumer les prestations aux retraités.
Quatrièmement,
les modifications
des règles comptables internationales, à la suite du
« crash » boursier,
édictées par les
grandes institutions financières.
D’autres causes, plus structurelles, ont également conduit à
cette situation dont notamment : le cadre législatif existant
depuis les années ’70 et permettant une bonification des régimes en période de surplus, l’absence de « clause banquier »,
l’interdiction de conserver les surplus à d’autres fins que la bonification de régimes, ou les congés de cotisation. Évidemment,
les corollaires de cette situation étaient l’interdiction pour une
organisation de revenir au régime initial lorsque les sommes ou
les revenus engrangés n’existaient plus, ce qui avait pour effet
d’exercer une pression à la hausse sur ces régimes.
LA SITUATION À RIVIÈRE-DU-LOUP
Devant l’accroissement persistant du gouffre financier et qui,
en 2011, représentait à Rivière-du-Loup un déficit actuariel de
8,9 M$ pour une population de 20 000 citoyens, nous avons
demandé une analyse de tous les scénarios possibles afin non
seulement de limiter la pression fiscale des régimes de retraite,
mais aussi d’éliminer l’accroissement de cette problématique
pour les années à venir. Tous les scénarios, incluant la cessation
du régime et le redémarrage dans un régime à cotisations déterminées, devaient être évalués. Une analyse sommaire des défis
en jeu nous permettait cependant de travailler dans le contexte
où nous devions tout faire pour maintenir un régime équilibré à
prestations déterminées afin de demeurer attractifs en ce qui
concerne la main-d’œuvre, puisque nous sommes en région, tout
en respectant la capacité de payer de nos contribuables. Il fallait
éviter de créer, par l’abandon de cette pratique, une pression
indue sur les finances publiques et sur la génération de retraités dont la situation économique serait pour le moins inconnue
et possiblement inférieure à la situation actuelle (externalité
négative). En effet, les retraités actuels, bénéficiant de certaines
conditions que nous pouvons lier à ce type de régime, font partie
de nos systèmes économiques puisqu’elles ont des habitudes
de consommation importantes, un niveau de revenu de retraite
plus élevé que la moyenne et, souvent, n’ont plus besoin du
soutien de l’État, ce qui diminue la pression fiscale globale. Nos
objectifs étaient donc de mieux contrôler les coûts, de s’assurer
de l’équité intergénérationnelle à la fois entre les travailleurs
actuels, les travailleurs éventuels et les travailleurs précédents,
de respecter la capacité de payer des contribuables, le risque
associé et les rendements attendus. La cessation du régime
fut donc la première hypothèse repoussée en fin complète
d’analyse; ne permettant pas d’atteindre rapidement les premiers
paramètres que nous avions fixés, elle ne devenait donc que la
solution ultime.
Nous avons alors convenu de donner mandat à nos actuaires
afin qu’ils évaluent tous les scénarios et les répercussions des
hypothèses pour chacun des groupes d’employés relativement
à un meilleur contrôle du régime complémentaire de retraite des
employés de la Ville de Rivière-du-Loup. Cette analyse devait
ensuite nous servir à rencontrer chacun des groupes de travailleurs (syndiqués cols bleus, syndiqués cols blancs, syndiqués
des loisirs, syndicat des policiers municipaux et association des
cadres) afin de faire le point sur la globalité des situations et de
travailler avec eux à élaborer un scénario viable pour assurer la
pérennité du régime.
L’APPLICATION DE CETTE APPROCHE N’AURAIT PAS ÉTÉ RENDUE
LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX ÉTAIENT DONC LES SUIVANTS :
PARTAGE DU COÛT DU RÉGIME À 50/50 AVEC CHAQUE GROUPE D’EMPLOYÉS;
PARTAGE DU DÉFICIT ACTUARIEL À VENIR DU RÉGIME À 50 % POUR CE QUI
EST DE LA PORTION DES TRAVAILLEURS ACTIFS;
ET UN COÛT DU RÉGIME, CONVENU AVEC CHACUN DES GROUPES DE
TRAVAILLEURS, VARIANT DE 14 À 18 %.
Les actuaires ont donc analysé les différents scénarios pouvant
avoir une répercussion directe sur la réduction des coûts par
rapport au coût global du service.
ILS ONT ANALYSÉ LES ÉLÉMENTS SUIVANTS :
SUPPRESSION DE LA PRESTATION DE RACCORDEMENT;
SUPPRESSION DE L’INDEXATION APRÈS LA RETRAITE;
DIMINUTION DE LA FORMULE DE RENTE DE 0,25 % (DONC 2 %, 1,75 %, OU
1,5 % DU SALAIRE);
LA FORME DE LA RENTE NORMALE GARANTIE 5 ANS;
L’ÂGE DE LA RETRAITE SANS RÉDUCTION À 62 OU À 64 ANS;
L’ÂGE DE LA RETRAITE SANS RÉDUCTION À 62 ANS, MAIS AVEC RÉDUCTION
ENTRE 55 ET 62 ANS.
Les explications et l’analyse des avantages et inconvénients de
chacun des scénarios ont également été présentées à chaque
groupe de travailleurs.
Les résultats ainsi déposés pour chaque groupe de travailleurs
lors des rencontres ont permis, d’abord, de faire comprendre
aux différents groupes d’employés la complexité des éléments,
mais également des possibilités qui leur étaient offertes afin de
maintenir ce système de façon pérenne tout en en assumant leur
juste part de responsabilité.
Dans un premier temps, les employés-cadres de la Ville, en
bons gestionnaires conscients des enjeux et désireux d’assurer
la pérennité d’un tel service, ont déposé à la Ville une proposition permettant d’atteindre ces objectifs, à savoir : la participation au déficit de capitalisation pour les travailleurs actifs et
l’augmentation à 50 % du coût du régime de la cotisation des
employés-cadres.
Cette volonté de rapidement rallier les objectifs de la Ville était
éprouvée par des cadres non seulement dévoués et fiers de
leur municipalité, mais également désireux de passer le message à l’ensemble des travailleurs de l’organisation à l’effet que
le régime était en danger et qu’il fallait absolument s’impliquer
pour en assurer la survie. Ce message a également interpellé les
employés syndiqués cols blancs qui, malgré le fait que le renouvellement de leur convention collective ne soit pas complété,
ont adhéré rapidement à des paramètres différents, tout en atteignant la cible que la Ville s’était fixée pour le maintien. Il nous
reste cependant beaucoup de travail à faire avec le syndicat des
cols bleus et celui des loisirs qui, eux, sont affiliés à une centrale
différente.
Nous croyons que la stratégie, les communications, les échanges
à livre ouvert que nous avons eus avec nos différents groupes,
les données actuarielles transmises et l’information donnée aux
élus municipaux pour comprendre le cheminement ont permis
le maintien du système tout en atteignant les objectifs fixés par
la Ville et d’offrir une meilleure équité dans le traitement des
employés, le tout dans le respect de la capacité de payer des
contribuables.
Nous espérons que cette analyse puisse rejoindre les membres du comité présidé par M. Alban D’Amours afin d’assurer la
poursuite de ces modèles, et d’éviter deux des effets pervers les
plus inattendus par le rejet systématique de ce type de régime
lorsqu’il est devenu hors contrôle, soit : le retrait, en matière de
macro-économie, de milliards de dollars qui doivent être gérés
collectivement par de grands groupes (dont la Caisse de dépôt et
placement) et l’intention de ne pas créer une nouvelle génération de retraités à faible revenu dépendants du soutien de l’État
au moment où la baisse démographique et le bassin de travailleurs risqueraient de créer une pression sans précédent sur la
génération suivante.
Il faut également garder à l’esprit que lorsque les taux d’intérêt
de nos règlements d’emprunt municipaux oscillaient entre 6 et
8 %, la plupart de ces caisses de retraite avaient des surplus
et n’avaient pas le problème que nous avons vécu ces derniers
mois.
LE GROUPE DES CADRES A DONC PROPOSÉ :
DE RETARDER L’ÂGE DE LA RETRAITE SANS PÉNALITÉ DE 60 À 63 ANS TOUT
EN MAINTENANT LE CRÉDIT DE RENTE À 2 % PAR ANNÉE;
D’ÉLIMINER TOTALEMENT LA PRESTATION DE RACCORDEMENT;
DE PORTER LA PÉNALITÉ POUR PRISE DE RETRAITE AVANT 65 ANS À 0,5 %
PAR MOIS;
DE PLUS, CEUX-CI ONT ACCEPTÉ DE CONTRIBUER À 50 % AU DÉFICIT DE
CAPITALISATION DES TRAVAILLEURS ACTIFS.
Dans la réalité, cette démonstration représente une économie
annuelle de près de 62 000 $ pour la Ville, et un coût supplémentaire pour les cadres de plus de 19 000 $ par année. Ceci
permet un équilibre par un partage du risque tout en assurant la
pérennité du service. Évidemment, l’ensemble de cette répartition sera revu à la lecture du prochain rapport de l’évaluation
actuarielle qui sera complète pour le 31 décembre prochain, mais
les principes de partage demeurent.
Il faudra donc également, à plus long terme, envisager des solutions novatrices afin de pouvoir emprunter pour des obligations
municipales aux fins de travaux d’infrastructure à même ces
régimes de retraite à des taux qui pourraient, dans la période
économique que nous vivons, être supérieurs à ceux du marché,
mais dont le coût global pour les contribuables serait inférieur
à l’écart entre le déficit actuariel et les taux d’intérêt actuels
du marché pour les obligations municipales. Il faut également,
en période de prospérité, pouvoir conserver les marges de
manœuvre nécessaires et pouvoir revenir au régime initial lors
de ralentissement économique. Et pourquoi ne pas s’en servir
comme outil de développement économique local en partenariat
avec certaines agences gouvernementales.
Plusieurs pistes de réflexion restent à établir, et nous avons bon
espoir que tous les directeurs généraux du Québec auront leur
mot à dire et sauront encore une fois innover dans la modulation
permettant un meilleur avenir pour notre société.
E POSSIBLE SANS LE SOUTIEN DE L’ÉQUIPE DE GESTION DE LA VILLE DE RIVIÈRE-DU-LOUP ET SANS LA COLLABORATION DU DIRECTEUR DES RESSOURCES HUMAINES, MONSIEUR DENIS LAGACÉ.
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