Le bien-être et l`éthique au cœur de la relation homme

Transcription

Le bien-être et l`éthique au cœur de la relation homme
Les activités d’élevage constituent un système complexe qui fonctionne et
se perpétue en associant les humains et les animaux.
Au cours des dernières décennies, les relations homme-animal, tout au
moins dans nos civilisations occidentales, ont fortement évolué.
D’aucuns parlent d’une nouvelle alliance entre l’homme et animal
Entre l’homme et l’animal = l’entente est-elle parfaite ou imparfaite ? Peut-on
parler d’animal modèle ou de modèle animal ?
Autant d’interrogations. Qu’en est-il aujourd’hui du questionnement éthique,
de la perception et de la prise en compte du bien-être animal par les
professionnels de l’élevage et par la société ?
Le bien-être et l'éthique au cœur de
la relation homme-animal
Portetelle D.1, Bartiaux-Thill N.2, Théwis A.3
1
FUSAGx – Unité de Biologie animale et microbienne – Professeur ordinaire – tél 081/622354 – email
[email protected]
2
CRA-W - Dept Productions et Nutrition animales - Inspecteur général scientifique – tél 081/626771 – email
[email protected]
3
FUSAGx – Unité de Zootechnie – Professeur ordinaire – tél 081/622116 email [email protected]
1. Introduction
De multiples annonces de ces derniers mois, souvent bien médiatisées par des groupes de
pression, nous ont montré ou rappelé le sort parfois peu enviable de l'animal dans notre
société : les maltraitances des bovins sur le marché de Ciney, les animaux sauvages
"emprisonnés" dans les cirques, le gavage des canards qui sera désormais interdit en
Allemagne, Italie, Pologne et au Danemark, les animaux élevés pour leur fourrure,
l'interdiction d'ici peu de la chasse à courre en Grande Bretagne, la suppression des
corridas considérées cependant par leurs partisans comme valeur culturelle européenne, …
Tous ces exemples mettent en évidence tantôt les douleurs ou les souffrances que peuvent
encourir les animaux, tantôt les atteintes à leur bien-être, mais surtout une réflexion de la
société sur leur sort.
Mais qu'est-ce que le bien-être animal? Comment et pourquoi cette notion s'est-elle peu
à peu répandue dans nos sociétés? Et comment quantifier, qualifier, identifier cet état chez
les animaux d'élevage ou d'expérimentation? Si chacun d'entre nous a une perception
intuitive de cette notion, elle demeure confuse, voire difficile à comprendre et sujette à
différentes interprétations. Pour nous aider à y voir plus clair, il convient de retracer
l'histoire du principe de bien-être animal dans la société, en expérimentation et dans le
1
milieu professionnel de l'élevage, et de recenser les éléments qui concourent à sa
définition, sa description et son étude scientifique.
Nous évoquerons en cours de route quelques exemples de réflexions éthiques dans le
secteur animal ainsi que des pistes suivies dans des travaux de recherche menés au Centre
wallon de Recherches Agronomiques et à la Faculté Universitaire des Sciences
Agronomiques de Gembloux.
Au cours de ces dernières décennies, les sciences et les productions animales ont subi de
profondes évolutions technologiques. On est passé, à la fin de la seconde guerre mondiale,
de la nécessité d'assurer des moyens de subsistance pour tous aux possibilités offertes par
divers secteurs de la biologie pour répondre à des objectifs tant quantitatifs que qualitatifs
de la production via différents moyens techniques : la sélection, la reproduction in vitro, la
nutrition, la lutte contre les maladies, et plus récemment l'avènement du génie génétique,
du clonage et de la transgenèse.
Sur le plan expérimental, l'animal reste bien souvent un outil de choix avec lequel il est
possible de comprendre des mécanismes biologiques (cancer, apoptose, métabolismes,
maladies…), de tester l'efficacité ou la toxicité de produits à usage médical ou nutritionnel,
de mettre au point des méthodes d'interventions chirurgicales applicables à l'homme, ou de
produire pour le futur des molécules d'intérêt thérapeutique ou même des organes de
transplantation (xénogreffes). Tout cela est-il acceptable quand on nous présente parfois
des images atroces d'animaux mutilés ou garnis d'électrodes?
Alors qu'autrefois l'élevage était une affaire de paysans et de son ministère de tutelle,
"l'Agriculture", le monde de l'élevage d'aujourd'hui se laisse guider par les exigences des
consommateurs. Du coup, les critères auxquels doivent répondre les produits alimentaires
issus de l'élevage ont évolué. De nos jours, un produit d'origine animale doit non seulement
obéir à un certain nombre d'exigences hygiéniques - il doit être sain - , mais également
posséder des qualités organoleptiques et avoir, la nouveauté est certainement là, une
valeur éthique, c'est à dire répondant à un ensemble de règles de conduite, quant à la
manière de les produire.
La relation homme-animal prend ainsi une autre dimension dans laquelle le bien-être
animal prend une importance toute particulière.
2. Origine de la prise en compte du bien-être animal
Dans le mode de l'élevage, le bien-être animal vient de deux courants complémentaires :
d'une part, l'évolution même de l'élevage au travers de l'industrialisation; d'autre part,
l'évolution du statut de l'animal, en tant qu'être vivant et en tant qu'être sensible.
2.1. Evolution de l'élevage au travers de l'industrialisation
Concernant l'évolution de l'élevage, il convient de rappeler combien le monde agricole a
évolué, à quel point l'élevage a changé. Nous sommes passés de ces élevages de petite
taille, parfois un peu accessoires, assurant un complément de revenu aux paysans, à des
élevages spécialisés, industrialisés, où les grandes densités, la claustration, le confinement,
l'absence de lumière naturelle sont devenus la norme. Leur fonctionnement en circuits
fermés et leurs bâtiments clos apparaissent alors aux yeux du public comme des élevages
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cachés. Or, quand on ne voit pas les choses, on subodore qu'elles ne sont peut-être pas très
nettes et deviennent suspectes.
Par ailleurs, dans ce contexte de l'élevage intensif, l'environnement global de l'animal est
devenu de plus en plus restrictif. Autrefois, les animaux de ferme arrivaient parfois, dans
les cours ou dans leurs réduits, à faire ce qu'ils font à l'état naturel, battre des ailes ou
prendre un bain de poussière pour une poule, fouir le sol avec son groin pour le porc …
Tout ceci n'est plus possible dans un univers bétonné ou grillagé. Aujourd'hui, la
diminution drastique de la surface allouée à l'animal, l'entravement ou le confinement
extrême le privent de la possibilité d'exprimer l'ensemble de son "répertoire
comportemental". Sans oublier, la rupture précoce des liens sociaux entre les mères et les
jeunes. On est loin de l'image bucolique de la vache et de son veau. Aujourd'hui, le veau
est retiré de la mère dès la naissance, mis au seau ou au nourrisseur. Quant aux porcelets
des différentes portées, ils sont regroupés par poids pour constituer des lots homogènes et
les mener, autant que possible, en même temps à l'abattage, etc . La vie de l'animal, de la
naissance à l'abattage, est fractionnée en étapes successives, sans compter toutes les
mutilations auxquelles on le soumet afin qu'ils ne s'agressent pas mutuellement dans ces
espaces réduits : le débecquage des poules, la section des canines et des queues des
porcelets, la castration des porcs mâles …
L'élevage s'est donc énormément modifié : cette modification s'est essentiellement
traduite par l'augmentation des contraintes sur l'être vivant qu'est l'animal.
2.2. Evolution du statut de l'animal
Simultanément à cette intensification, une réflexion philosophique et politique s'est
instaurée sur la place de l'animal dans la société.
La notion de bien-être animal est apparue pour la première fois dans la convention
Européenne sur la protection des animaux en élevage (J.O. n° L323 du 17/11/1978) –
convention qui a été ratifiée par l'ensemble des pays membres de la Communauté
européenne et qui est à l'origine de l'ensemble des directives européennes qui fixent des
normes ou des critères concernant le bien-être des animaux d'élevage.
Dans son "Protocole sur la protection et le bien-être des animaux", le traité d'Amsterdam,
signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur en mai 1999, établit de nouvelles règles
fondamentales concernant l'action de l'Union européenne dans ce domaine. Il reconnaît
officiellement que les animaux sont des êtres sensibles, pour lesquels la mise en œuvre
de la politique communautaire dans les domaines de l'agriculture, des transports du marché
intérieur et de la recherche doit prendre en compte leurs exigences de bien-être.
A ce jour, des directives traitent de la protection des animaux au cours du transport, en
élevage, lors de l'abattage et lorsqu'ils sont utilisés à des fins scientifiques.
Considérant que l'animal est un être sensible, l'annexe 49 de la Constitution Européenne
prévoit que l'Union et ses membres seront pleinement attentifs aux exigences du bien-être
des animaux dans la formulation et l'application des règlements concernant l'agriculture, la
pêche, les transports, la recherche et le développement technologique.
Toutefois, les législations relatives aux rites religieux et aux traditions régionales seront
respectées.
Qualifier un animal d'être sensible, cela veut aussi dire qu'il n'est pas une simple
machine à produire, avec des intrants d'un côté et une courbe de performance de l'autre,
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mesurée par un gain quotidien moyen (GQM), un indice de consommation, une courbe de
lactation ou bien un nombre d'œufs pondus par an et par poule pondeuse.
Cette reconnaissance de la sensibilité nous impose dès lors un "certain respect" pour
l'animal, et donc un "certain nombre de devoirs" envers lui.
Ainsi dans l'AR du 1er mars 2000 relatif à la "protection des animaux dans les élevages",
résultant de la mise en application de la directive 98/58/CE, il est stipulé entre autres :
"9. Méthodes d'élevage a) les méthodes d'élevage naturelles ou artificielles qui causent ou
sont susceptibles de causer des souffrances ou des dommages aux animaux concernés ne
doivent pas être pratiquées …"
Par ailleurs, notre attitude vis-à-vis de l'animal diffère selon la "catégorie" à laquelle il
appartient. Selon qu'il soit d'élevage, de laboratoire ou de compagnie, selon l'usage que l'on
en fait, l'animal ne va pas bénéficier des mêmes égards. Dans toute civilisation, l'animal est
défini par son utilité, qui définit son usage, donc ce qui est permissible et ce qui est
défendu, ce qui est considéré comme actes de bienveillance ou de cruauté.
La société protège l'animal dans le cadre de son utilité, dans le cadre de l'usage pour lequel
il a été élevé.
Ainsi l'animal de rente est élevé pour être mis à mort, puis être consommé. Le tuer en soi
n'est dès lors pas un acte de cruauté, mais sans l'étourdir, le devient.
Le maltraiter comme cela a pu être observé sur le marché de Ciney devient cruel, car cela
échappe à l'utilité pour laquelle il a été élevé.
Gaver un canard est-il cruel? Plusieurs le pensent, à partir du moment où le gavage est
pour certains synonyme de la privation de la liberté fondamentale de s'alimenter, à partir
du moment où le système de gavage en cages individuelles est pour d'autres cause de stress
et de blessures. L'AR du 1er mars 2000 précise toutefois dans la suite de l'alinéa a du point
9. Méthodes d'élevage : "Cette disposition n'empêche pas le recours à certaines méthodes
susceptibles de causer des souffrances minimales ou momentanées, ou de nécessiter une
intervention non susceptible de causer un dommage durable".
3. Comment les professionnels de l'élevage ont-ils abordé le bien-être?
Les éleveurs comme les agronomes et les vétérinaires, se sont initialement préoccupés du
stress et de la souffrance engendrés par les systèmes de production plutôt que du bien-être.
C'était le bien-être vu sous son côté négatif, c'est-à-dire l'absence de bien-être que l'on
percevait. Avec toutes les répercussions que l'on connaît : la souffrance et le stress ont des
conséquences immédiates en termes de sanction sur la carcasse, des répercussions sur la
qualité du produit fini, par exemple les problèmes de viande "pisseuse" ou de viande à
"coupe sombre" consécutifs au stress trop important des animaux lors des transports vers
les lieux d'abattage.
On a cherché d'abord à y remédier grâce à l'administration de tranquillisants - sans
connaissance alors sur les effets des résidus. On a cherché ensuite à apporter des éléments
"correcteurs" sur l'animal, via la sélection génétique et des croisements appropriés, pour
aboutir finalement à la sélection d'une nouvelle souche de porc Piétrain REHAL, insensible
aux effets de stress des élevages devenus industriels.
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On parle maintenant plus ouvertement du bien-être, dans le sens positif. Sécurité
alimentaire, hygiénique, confort physique et "émotionnel", liberté d'exprimer son
répertoire comportemental … sont des éléments participant à la définition du bienêtre animal mais ils ne suffisent pas à cerner entièrement la complexité de cette notion
de bien-être.
4. Les composantes du bien-être animal
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Le premier facteur, le contexte socioculturel qui définit l'éthique des relations
homme-animal, est bien entendu très déterminant pour décrire la notion de bienêtre. Il est évident que la relation entre l'homme et l'animal est différente pour
notre civilisation occidentale octroyant un caractère utilitaire à un animal de rente
telle que la vache, et pour la civilisation hindoue octroyant un caractère sacré à la
vache, temple de la réincarnation des ancêtres. Le chien est apprécié en Occident
comme animal de compagnie. Mais notre société est-elle prête à accepter la
viande de chien, alors que celle-ci est un met prisé dans d'autres régions du
globe?
Le deuxième facteur est le système d'élevage, ce qu'il permet ou ne permet pas à
l'animal, le degré de contrainte exercé sur celui-ci. Il suffit d'évoquer ici les vastes
débats sur les dimensions des cages des poules en batterie, de gavage des canards
…Le Conseil de l'Europe recommande qu'à partir du 1er janvier 2005, les
producteurs de foie gras ne pourront plus installer de nouvelles cages
individuelles; ils auront cinq ans à compter de la même date pour supprimer
définitivement les cages existantes, jugées trop petites.
Le troisième facteur est l'organisme animal lui-même, résultante d'un
programme biologique complexe se déroulant dans le corps mais aussi dans le
cerveau de l'animal pour réaliser un certain nombre de comportements. En
élevage industriel, ces comportements "naturels" disparaissent car la place n'est
pas suffisante pour permettre ces comportements spécifiques des animaux.
L'animal s'ennuie et va lors s'engager dans un certain nombre de comportements
stéréotypés, en prenant toujours la même position ou en répétant le même
mouvement ou le même acte (par ex. mordiller la queue de ses congénères, ce qui
oblige l'éleveur à une "mutilation" sur l'animal en sectionnant la queue à la
naissance).
Ce petit exemple permet de préciser ce que sont la souffrance et la douleur dans
l'appréciation du bien-être. La souffrance est un état émotionnel aversif,
concomitant au "désordre biologique" créé, accompagné ou non de douleur.
Cette dernière possède quant à elle des soubassements physiologiques sensoriels
bien identifiés, provoquant la sensation douloureuse.
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5. Méthodes scientifiques d'évaluation du bien-être animal en élevage
5.1. Les composantes biologiques du bien-être animal
Pour identifier concrètement les systèmes d'élevage les moins contraignants pour l'animal,
encore faut-il disposer de critères, d'indices permettant d'évaluer les composantes
biologiques du bien-être animal.
Celui-ci se retrouve ainsi à la conjonction de plusieurs disciplines scientifiques et de
compétences comme :
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les sciences du comportement (éthologie, biologie du comportement,
psychologie). L'observation des animaux conjuguée à la connaissance de leur
comportement est une méthode simple, déjà préconisée par des praticiens, pour
appréhender et mettre à jour certains problèmes de gestion d'un troupeau.
L'observation des animaux s'inscrit dans une démarche globale appelée 3R :
Regarder – Réfléchir – Réagir. Une règle basée aussi sur 3 "autres " R est
également d'application en expérimentation animale.
la physiologie (indicateurs physiologiques ou neuro-endocrinologiques de la
douleur)
la zootechnie (observation du taux de mortalité ou des indices de perfomances,
niveau de consommation, …)
la génétique (quantitative, moléculaire pour apprécier les critères d'adaptation de
l'animal aux conditions d'élevage déjà sélectionnés, ou en envisager d'autres)
la pathologie clinique et l'épidémiologie (indicateurs sanitaires).
Cette notion de bien-être animal peut donc être mesurée, quantifiée, objectivée mais elle
reste complexe. Aujourd'hui, nous comparons les différents systèmes d'élevage les uns par
rapport aux autres pour essayer de déterminer ceux qui respectent le bien-être et ceux qui
retentissent de façon négative sur le bien-être des animaux.
5.2 La demande sociale de la protection des animaux
L'analyse des composantes définissant le bien-être animal ne serait pas complète sans la
prise en compte de la demande sociale de la protection des animaux : le bien-être
animal doit certes correspondre au mieux à la vision attendue par la société dans sa
majorité, mais également dans le respect du contexte socio-économique dans lequel ce
bien-être est souhaité.
La communication entre les producteurs, les scientifiques et les consommateurs doit
dès lors alimenter le débat et définir le consensus indispensable entre tous, prenant en
compte :
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la représentation sociale des systèmes d'élevage et l'impact sur le comportement
des consommateurs
l'évaluation des conséquences économiques du respect du bien-être animal sur le
producteur et la société en général.
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La complexité de certaines situations prenant en compte les différents acteurs (animal,
producteur, consommateur) peut conduire rapidement à des dilemmes d'ordre éthique.
A titre d'exemple, le système de production du foie gras par gavage est-il encore
défendable?
La césarienne sur le blanc-bleu-belge est-elle une pratique engendrant seulement douleur,
trouble et voue-t-elle dès lors la race à sa disparition si comme, certains le veulent, la
césarienne devait être abolie?
Par ailleurs, que pensez-vous des activistes des "droits des animaux", spécialement actifs
en Grande-Bretagne au sein de l'ALF (Animal Liberation Front), incendiant des magasins
fast-food, plaçant des lettres piégées dans les boîtes aux lettres des défenseurs de la
recherche animale, les attaquant même avec des raquettes de base-ball, matraquant des
chercheurs par des emails odieux, détruisant les cages d'animaux élevés pour leur fourrure,
… Que penser, face à de telles méthodes, de "leur victoire" sur l'abandon de la construction
d'un centre de recherche sur les primates à Oxford, et d'une animalerie à Cambridge? Des
réactions cependant apparaissent. D'une part s'est ouvert un site WEB
http://www.vare.org.uk - Victims of Animal Rights Extremism, afin d'assurer support et
conseils mutuels entre personnes agressées et de relayer les plaintes vers le gouvernement
pour résoudre le problème de l' "extrémisme des droits des animaux". Par ailleurs, les
activistes sont maintenant ouvertement qualifiés de terroristes par une partie de la presse
britannique.
6. La matrice éthique de Mepham
Dans nos sociétés modernes, pluralistes et démocratiques, il existe un réel besoin de
disposer d'outils de réflexion pour faciliter la résolution de dilemmes éthiques causés par
diverses percées technologiques.
Il y a maintenant 10 ans que Ben Mepham, du Centre de bioéthique appliquée de
l'Université de Nottingham (UK), présentait une méthodologie de travail, la matrice
éthique, pour l'analyse des nouvelles biotechnologies agro-alimentaires.
Initialement utilisée pour apprécier les techniques d'immunomodulation en productions
animales, cet exemple d'analyse méthodologique a aussi été utilisée pour apprécier l'usage
de maïs génétiquement modifié.
Des aveux même de son concepteur, cette matrice peut faciliter une réflexion éthique plus
profonde mais n'est pas apte à trancher les dilemmes éthiques. Elle constitue un compromis
pratique entre la rigueur absolue d'une théorie éthique (philosophique?) et le contexte de la
casuistique (s'attachant à résoudre les cas de conscience).
Elle force ceux qui l'utilisent à traiter un problème donné en considérant de façon pratique
pour tous les partenaires impliqués les implications possibles dans une série de
perspectives différentes. Suite à l'analyse, il convient de prendre la décision la plus
pragmatique possible.
Dans cette matrice reproduite ci-dessous, il convient de prendre en considération les
acteurs que sont les producteurs, les consommateurs, les organismes traités (animaux
dans le cas qui nous préoccupe) et le biote dans lequel se déroule l'événement (l'
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"environnement" au sens large), et ce dans les contextes actuel et futur ("générations
futures").
Les trois principaux critères considérés pour apprécier les perspectives d'utilisation sont
les notions de "bien-être" (sur les plans physique et moral), d' "autonomie" et d' "équité"
("justice" dans la version initiale de la matrice).
En regard de chaque acteur et de chaque critère considéré se trouve un paramètre
qu'il convient d'apprécier au mieux, à la lumière de critères scientifiques objectifs.
MATRICE ETHIQUE (expérimentation et production animales) (Mepham)
Respect de :
Bien-être
Autonomie
Justice
(plutôt "équité"
- Producteur
- Consommateur
- Organisme traité
(ici animal)
- Environnement
("biote")
Revenu et travail
donnant satisfaction
Liberté
organisationnelle
Loi du commerce
équitable
Sécurité et
acceptabilité
Choix
Prix abordable
Bien-être
Liberté
comportementale
Valeur intrinsèque (le
"telos" )
Conservation
Biodiversité
Durabilité
Au niveau de l'animal apparaît la prise en compte du bien-être, de sa liberté
comportementale déjà évoquée, et de sa "valeur intrinsèque" impliquant de facto le
respect de l'animal. On retrouve ainsi la notion de "telos" évoquée par le philosophe grec
Aristote et mieux appréciée par une phrase telle "la porcitude du porc".
Un porc transgénique comme donneur de xénogreffes, est-il pour certains toujours un
porc?
Cette réflexion doit-elle primer sur le bien-être du patient qui se verra sauvé d'une situation
désastreuse, suite à une transplantation d'organe en provenance d'un porc "humanisé"?
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Au niveau du consommateur, celui-ci est en droit de revendiquer la sécurité (sûreté) de
ses aliments, exempts de tout toxique (par ex. dioxine) ou agent potentiellement dangereux
(par ex. prion). Il n'est pas sans rappeler aussi la problématique des antibiotiques comme
promoteur de croissance chez les animaux, susceptibles d'engendrer des résistances
bactériennes transmissibles à des souches pathogènes chez l'homme et donc d'affecter la
santé humaine. L'avoparcine utilisée chez le porc a provoqué des résistances à la
vancomycine, antibiotique prescrit chez l'homme. L'interdiction des antibiotiques pourtant
jugés efficaces comme promoteur de croissance sera totale d'ici janvier 2006.
Il est également en droit de choisir ses aliments et de se nourrir avec des aliments
répondant à des aspirations légitimes telles que le respect du bien-être animal dans le
système de production.
Au niveau du producteur, il convient de prendre en compte un revenu et travail décent,
sa liberté organisationnelle et les lois du commerce équitable.
Ce producteur ne doit pas devenir le servant inconditionnel de multinationales bien
organisées. Il doit aussi tenir compte de la demande sociale, du choix du consommateur.
Pour les éleveurs surtout, la contradiction est là, car la qualité a un coût, les aménagements
pour un meilleur respect du bien-être animal aussi, sauf que le consommateur "moyen" ne
semble pas prêt à payer. L'élevage est avant tout une activité économique reposant sur la
confrontation de l'offre et de la demande, ce qui se traduit par une exigence de
compétitivité à laquelle il n'est pas envisageable de se soustraire. Les incitations
économiques en matière de bien-être animal demeurent faibles, et les "moyens" de
manœuvre des éleveurs ne sont pas extensibles : il faut pouvoir faire face à la concurrence,
celle existante au plan national et celle provenant d'autres pays aux normes moins
rigoureuses.
Enfin, normes et réglementations peuvent avoir des effets pervers : au regard des
investissements requis, seuls les plus gros subsistent sans difficultés. Comment alors
maintenir petits et moyens producteurs, garants d'une agriculture familiale ?
Au niveau de l'environnement dans lequel s'exercent ces pratiques d'élevage, il est inutile
de rappeler qu'il convient d'une part d'en être respectueux (conservation du paysage par
exemple) mais surtout d'assurer la durabilité du système de production pour les générations
futures.
Ne s'inquiète-t-on pas à juste titre ici des normes d'épandage de matières organiques, de la
teneur en nitrate de ceux-ci et de la mise en place de mesures agro-environnementales
susceptibles de diminuer l'impact de ces nitrates.
7. La démarche éthique en recherche animale à Gembloux
Les chercheurs du site de Gembloux sont confrontés à veiller au bien-être animal, tant dans
les recherches menées dans un cadre expérimental que dans les systèmes de production
qu'ils sont à même de proposer aux éleveurs.
7.1. Expérimentation animale et commission d'éthique
Dans le cadre de l'expérimentation animale, il importe d'avoir reçu l'agrément d'une
commission d'éthique pour la réalisation de toute expérimentation.
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Cette commission fut mise sur pied dès 1998 et est commune entre les trois institutions
FUSAGx, CRA-W et FUNDP. Sa composition et ses modalités de fonctionnement sont
conformes à la directive européenne 86/609/CEE relative à la protection des animaux
utilisés à des fins expérimentales ou à d'autres fins scientifiques, ainsi qu'à la législation
belge relative à la protection des animaux d'expérience, précisée initialement par l'AR du
15 novembre 1993 et compilée dans la version coordonnée de l'AR du 31 août 2001.
Cette commission apprécie la compatibilité entre les protocoles expérimentaux proposés
par les maîtres d'expérience et les principes éthiques d'utilisation des animaux
d'expérimentation. Il a pour objet de constituer une garantie complémentaire pour la
société dans son ensemble, du respect de la vie animale et du bien fondé de la demande
d'expérimentation.
Pour aider à la réalisation du dossier et à la prise de décision, une matrice d'éthique a été
conçue récemment au niveau belge et proposée dès 2005 à toute la communauté
scientifique gembloutoise. Elle est conçue en quatre parties visant à :
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apporter un jugement sur le bien-fondé de l'expérience sur animaux
fournir une pondération objective des avantages (intérêts humains) et des
désavantages (inconfort procuré aux animaux)
vérifier que l'expérience proposée satisfait à une série de conditions de base
régissant une utilisation éthique des animaux, en particulier la règle des 3Rs
(remplacer, réduire, raffiner). Plusieurs fondations, présentes sur le WEB,
visent à promouvoir le développement , la validation et l'adoption de méthodes
alternatives à l'animal, dans les secteurs de la recherche biomédicale, le contrôle
toxicologique des produits et l'enseignement (par ex. http://altweb.jhsph/edu/
Alternatives to animal testing on the web - Reduction - Refinement –
Replacement).
aider à l'évaluation finale conduisant à l'agrément inconditionnel, conditionnel,
limité, ou refus d'agrément temporaire ou total.
Cette commission est amenée à se prononcer non seulement dans le domaine de
l'expérimentation animale à caractère biomédical ou agro-vétérinaire, mais également dans
l'enseignement impliquant la manipulation d'animaux de laboratoire.
7.2. Expérimentation et bien-être mutuel
Dans le cas de l'expérimentation, l'animal suscite la plupart du temps la compassion, aussi
bien dans le public qu'auprès des chercheurs qui la pratiquent. Mais, cela doit-il conduire
forcément à l'extrémisme des activistes des droits des animaux déjà évoqués ci-avant?
Pourtant, la réponse limitée des méthodes alternatives (culture cellulaire, tests
immunochimiques, modèles mathématiques …; un des trois "R"), ainsi que les risques
"éthiques" du scientifique, du médecin) rendent incontournable le recours à
l'expérimentation pour faire progresser les connaissances, améliorer le diagnostic et le
traitement des maladies, la santé, comprendre et améliorer la santé humaine via la nutrition
(cas des probiotiques et des prébiotiques par exemple), et d'une manière générale assurer le
bien-être.
En expérimentation animale, la notion de "bien-être" jouit d'une réciprocité : l'homme
et l'animal "collaborent", dans un respect mutuel des deux parties.
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Un premier exemple illustre à merveille le partenariat entre l'animal et l'homme, en
particulier face au cancer.
Nouvelle voie de thérapie du cancer par induction de
l’expression des gènes : du mouton à l'homme
Achachi (1), T. Berghmans (2), A. Burny (1), C. Debacq (1), A. Florins (1), N. Gillet (1), P. Kerkhofs
(3), R. Kettmann (1), L. Lagneaux (2), A. Lezin (4), C. Mascaux (2), M. Reichert (5), JP Sculier (2),
P. Urbain (1), F. Vandermeers (1) et L. Willems (1)
(1) Biologie cellulaire et Moléculaire, FUSAGx, Belgique
(2) Hôpital Bordet ULB, Belgique
(3) Virologie, CERVA, Belgique
(4) CHU Fort-de-France, Martinique
(5) Institut Vétérinaire, Pulawy, Pologne.
Etudier les phénomènes biologiques qui sont liés à l’apparition d’un cancer peut s’avérer
utile pour découvrir de nouvelles approches thérapeutiques. Hormis la chirurgie, les
thérapies actuelles les plus fréquentes visent à empêcher les cellules cancéreuses de
s’accumuler en utilisant des molécules toxiques (chimiothérapie) ou via des rayons
(radiothérapie). Or, l’accumulation de cellules cancéreuses peut résulter d’un déséquilibre
non seulement au niveau de la prolifération cellulaire mais également au niveau de leur
mort. En étudiant les mécanismes fondamentaux qui régissent l’apparition d’une leucémie
provoquée par un virus dénommé BLV (pour virus de la leucémie bovine), nous avons
constaté que le défaut de mort des cellules cancéreuses était un paramètre très important de
la maladie. L’élimination des cellules produites en excès qui sont devenues inutiles à
l’organisme se réalise normalement par un processus actif de suicide cellulaire appelé mort
cellulaire programmée ou apoptose. Lors de la leucémie provoquée par le BLV, les cellules
du sang périphérique sont dans un état de latence et semblent incapables d’entrer en
apoptose. Dans ce contexte, le principe de notre approche thérapeutique repose sur
l’activation de ces cellules dormantes qui sont engagées mais bloquées sur la voie de
l’apoptose. Le mécanisme d’activation des cellules comporte notamment l’induction de
l’expression des gènes (c’est-à-dire de leur transcription). Nous avons découvert une
molécule appelée valproate qui provoque la transcription de nombreux gènes cellulaires en
modifiant la composition chimique de la chromatine (il s’agit d’un inhibiteur de
déacétylases). Empêcher la fonction des déacétylases avec le valproate provoque donc
l’expression de gènes qui sont normalement silencieux au sein de la cellule. Le réveil
inopiné et forcé des cellules cancéreuses leur permet de poursuivre leur suicide via le
processus d’apoptose. Dans le cas du virus BLV, l’expression du virus provoque également
une réaction du système immunitaire qui élimine très rapidement les cellules infectées.
C’est probablement via de tels mécanismes qu’une tumeur solide (i.e. un lymphome)
développée par un mouton infecté par le virus BLV fut complètement disloquée suite à
l’injection de valproate. Récemment, nous avons pu démontrer que cette stratégie était
également efficace dans le cadre d’un traitement de la leucémie induite par le BLV chez le
mouton. C’est pourquoi, nous avons entrepris d’étudier l’effet des inhibiteurs de
déacétylases sur des cellules de patients humains infectés par un virus qui ressemble au
BLV et qui induit une leucémie incurable chez l’homme (il s’agit du virus HTLV-1). Nos
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résultats démontrent que le valproate provoque effectivement l’apoptose des cellules de
patients infectés par HTLV-1. Nos projets actuels visent à appliquer ce principe
thérapeutique à d’autres maladies cancéreuses telles que la leucémie lymphoïde chronique
(la forme de leucémie la plus fréquente chez l’adulte dans nos contrées occidentales), le
cancer du poumon ou le mésothéliome (le cancer provoqué par l’amiante).
Les modèles animaux constituent d'autre part de bonnes approches pour évaluer les
"bienfaits" de produits naturels en nutrition humaine.
Valorisation de peptides bio-actifs du colostrum bovin
en tant qu'alicament chez l'homme
Boudry C.(1), Halleux C.(1), Buldgen A.(1), Portetelle D.(1), Dehoux J-P.(2), Collard A.(3), Théwis A.(1)
Financement : RW, Direction générale des technologies, de la Recherche et de l'Energie.
(1) FUSAGx, (2) UCL, (3) CER-Marloie.
Ce projet vise à obtenir des préparations de molécules biologiquement actives à partir du
colostrum bovin afin de les utiliser en tant qu'alicament chez l'homme. En effet, le
colostrum bovin est riche en anticorps ainsi qu'en facteurs antimicrobiens et de croissance
dont les propriétés biologiques s'avèrent non-spécifiques de l'espèce bovine. Ces fractions
pourraient ainsi servir, chez l'homme, à la régénération et au renforcement immunitaire des
muqueuses intestinales ou à l'amélioration du statut immunitaire général d'individus
affaiblis et réduire l'utilisation d'antibiotiques. Afin de tester l'efficacité de ces fractions,
elles seront administrées à des porcelets et à des rats en croissance qui sont d'excellents
modèles pour l'homme.
De plus, la valorisation de ces fractions de colostrum permettra une valorisation de
produits excédentaires ou non valorisables chez le veau nouveau-né, réduisant ainsi le rejet
de ce produit organique dans l'environnement.
Par ailleurs, cet exemple constitue également une approche intéressante comme alternative
à l'utilisation d'antibiotiques en nutrition animale, contribuant par là à l'absence de ces
résidus potentiellement dangereux et à une amélioration de la qualité des aliments (voir
insertion dans article de P. Dardenne et coll. sur la qualité des aliments).
Enfin, il est possible d'envisager au travers de la recherche, la possibilité d'améliorer le
bien-être animal (via les probiotiques et les prébiotiques) tout en se fixant comme objectif
un meilleur respect de l'environnement (4e composante de la matrice de Mepham).
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Biodisponibilité des oligo-éléments administrés
sous forme organique
Delva J. (1), Delroisse J.M. (1), Beckers Y. (2), Renaville R. (1), Vandenbol M. (1) et Portetelle D. (1)
(1) Biologie animale et microbienne, (2) Zootechnie, FUSAGx
Financement DGA-RW; partim Beldem.
L'objectif du projet est d'augmenter la biodisponibilité et, en corollaire, de diminuer les
rejets dans l'environnement des oligo-éléments (cuivre et zinc) apportés dans l'alimentation
porcine. En d'autres termes, on vise à diminuer les apports alimentaires en ces éléments
tout en préservant les performances et l'état sanitaire des animaux. En particulier, on
cherche à administrer les oligo-éléments sous forme organique, en les fixant dans des
levures de type Saccharomyces cerevisiae. Parallèlement, on suivra les effets des levures
vivantes (effets probiotiques) et des levures mortes (effets prébiotiques) à l'aide de mesures
des paramètres immunitaires et physiologiques appropriés. Comme modèle expérimental,
les essais seront réalisés sur rats.
7.3. Les systèmes de production
Un premier aspect de la démarche éthique pratiquée par les chercheurs gembloutois dans
ce secteur est d'aborder la demande sociale du bien-être animal via le dialogue avec les
consommateurs : celui- ci constitue un maillon essentiel de l'évaluation du bien-être.
Futur des produits d’origine animale dans notre alimentation,
en relation avec la perception du bien-être des animaux de ferme
Cl. Lamine (1), P. Stassart (1), J. Wavreille (2), N. Bartiaux-Thill (2),
Y. Beckers(3), D. Stilmant (2), et A. Théwis (3)
(1)
ULg-SEED, (2) CRA-W, (3) FUSAGx
Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme « Alimenter le dialogue » de la Fondation
Roi Baudouin (FRB).
Il vise à concilier bien-être animal (droits des animaux) et bien-être des consommateurs
(droits à l’alimentation), mais aussi bien-être des éleveurs. La question du bien-être animal
préoccupe notre société mais elle nous semble jusqu’à présent traitée de façon trop
sectorielle.
Dès lors, il convient de construire un débat autour de cette question, en associant des
acteurs différents, dont les savoirs sont hétérogènes (éleveurs, consommateurs, acteurs des
filières économiques, scientifiques, etc…) ; les institutions scientifiques publiques ayant
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un rôle à jouer, notamment en matière de circulation des compétences et donc aussi de
médiation.
Un rapport d’avancement du projet, intitulé « Alimenter le lien entre consommateur,
éleveur et animaux » ULg-SEED, CRA-W, FUSAGx est disponible sur le site de la
Fondation
Roi
Baudouin
(http://www.kbsfrb.be/files/db/FR/Alimenter_le_dialogue_Projet_ULg_Rapport1.pdf ).
Un second aspect d'une démarche éthique est par exemple de se préoccuper de l'état de
stress de truies reproductrices.
Diminution des états de stress dans le cadre de truies
conduites en groupes dynamiques et alimentées au DAC
(station d’alimentation électronique)
B. Nicks (1), M. Vandenheede (1), J. Wavreille (2), V. Remience (1), P. Canart (1)
et N. Bartiaux-Thill (2)
(1)
ULg-FMV, (2) CRA-W
Financement : Projet SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et
Environnement – Division Recherche contractuelle.
La prise en compte du bien-être animal dans les dispositions réglementaires s’est traduite
par une interdiction générale du maintien des truies reproductrices à l’attache et la
restriction du logement individuel chez les truies gestantes (Directives 2001/88/CE et
2001/93/CE, SVC 1997). Ces directives ont été traduites dans le droit belge par l’A.R. du
15 mai 2003 relatif à la protection des porcs dans les élevages porcins.
Les groupes dynamiques sont caractérisés par des mélanges répétés d’individus issus de
bandes successives. Il s’en suit une évolution dans la hiérarchie entraînant des états de
stress de type aigu lors des phases de regroupement et de type chronique au jour le jour.
Dans l’hypothèse de pouvoir faciliter l’intégration des nouveaux arrivants au sein des
groupes nous étudierons plus précisément : -1) L’intérêt d’un apprentissage préalable des
cochettes au DAC, -2) L’impact sur l’équilibre social du groupe du moment d’introduction
de nouvelles truies (début d’un nouveau cycle quotidien d’alimentation ou non)
La pression sociale exercée par le groupe sur les individus est une source de stress
chronique. Elle est dépendante de la superficie laissée à la disposition des animaux. Mais la
surface optimale n’est pas encore bien connue, nous testerons deux alternatives (2,75
m²/individu – norme réglementaire ; 3,50 m²/individu – norme préconisée par les
fabricants de DAC).
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8. La démarche éthique en matière d'enseignement dans le secteur animal
En matière d'enseignement, des initiatives ont été également envisagées afin de sensibiliser
à l'utilisation rationnelle de l'animal à des fins expérimentales et dans le respect de son
bien-être. Plusieurs diplômes universitaires ont vu l'obligation légale d'introduire dans leur
cursus de candidature 30 heures de cours portant sur les méthodes d'expérimentation
alternatives n'utilisant pas l'animal (AECF du 10-8-1990). Des sociétés propices aux
droits des animaux (par ex. altweb déjà cité; aussi http://www.interniche.org/ The
international network for humane education) et présentes sur le Net, encouragent et
proposent des alternatives à l'animal dans le secteur de l'enseignement (vidéo, modèles
synthétiques, CDs, …).
D'autre part, l'AR du 21/10/04 modifiant l'AR du 14/11/93 relatif à la protection des
animaux d'expérience, précise le degré de formation des personnes effectuant des
expériences sur animaux, y participant ou assurant les soins aux animaux utilisés à des fins
expérimentales. Plusieurs institutions universitaires proposent cette formation spécifique
(par ex. ULg au niveau de sa Faculté de Médecine vétérinaire).
Plus spécifiquement à la FUSAGx, les futurs bioingénieurs sont sensibilisés à la
problématique du bien-être animal et de l'éthique au travers d'informations dans des cours
de base (par ex. Zoologie générale), au travers de séminaires dans des cours de
spécialisations (par ex . Productions animales), ainsi que dans des cours spécifiques
comme :
•
•
"Ethique en matière d'expérimentation animale", visant à éveiller l'attention
des étudiants à la problématique du respect des droits des animaux, à la recherche
de méthodes alternatives à l'utilisation d'animaux et à étendre la réflexion aux
productions animales ainsi qu'aux manipulations génétiques des animaux
(transgenèse).
"Comportement animal et pratiques d'élevage", amenant l'étudiant, par études
de cas, à considérer objectivement l'influence des pratiques d'élevage sur le bienêtre des animaux de ferme et à proposer contradictoirement des améliorations ou
de nouvelles pratiques d'élevage.
Par ailleurs, des informations spécifiques sont fournies dans plusieurs disciplines
scientifiques enseignées, susceptibles de mettre en œuvre des méthodes alternatives à
l'expérimentation animale (par ex/ Microbiologie générale – test de Ames; Culture in vitro
de cellules animales – cytotoxicité sur cellules, test de qualité apyrogène, lignées
génétiquement modifiées …); Immunologie et immunochimie – tests ELISA, tests
cytokines inflammatoires …).
De par leur formation en matière de biostatistiques, les futurs bioingénieurs sont également
à même de proposer des plans d'expérimentation, contribuant à la réduction du nombre
d'animaux (un des 3"R").
Par ailleurs enfin, le programme européen Aristoteles (AFANet) veille à une
harmonisation de l'enseignement de l'éthique animale au niveau des écoles supérieures en
sciences agronomiques et vétérinaires.
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9. Conclusions
La recherche agronomique, en particulier celle prenant en compte l'expérimentation et les
productions animales, est confrontée désormais à de nouveaux et nombreux défis.
D'une part, l'animal est désormais reconnu comme un "être sensible" au même titre que
l'homme qui l'exploite ou l'expérimente. A ce titre, ils ont le droit d'être respectés et nous
avons un devoir envers eux, cRelui d'assurer leur "bien-être".
Ce bien-être est probablement devenu la composante principale de la réflexion éthique à la
base du "contrat domestique" proposés par C. et R. Larrère. "la domestication entraîne un
contrat tacite et implicite entre l'homme et les animaux dont il a cherché le concours. Ce
"pacte" suppose des échanges de services et des obligations mutuelles. L'animal fournit à
l'homme de la viande, du lait, du cuir, du travail, de l'affection …; en contrepartie,
l'homme assure à l'animal de la nourriture, une protection contre les prédateurs, un abri,
des soins attentifs, etc."
En adoptant ce concept, le souhait de bien-être de l'animal ne peut s'envisager sans la prise
en compte des autres composantes telles que le producteur ou l'expérimentateur, le
consommateur et l'environnement. La matrice de Mepham doit nous aider à aborder ces
dilemmes éthiques parfois épineux; le dialogue est indispensable pour cibler la demande
légitime de bien-être animal en la replaçant dans un contexte socio-économique et
environnemental acceptable par toutes les parties.
Il importe aux chercheurs, de mettre en œuvre les disciplines scientifiques
complémentaires les unes aux autres, les technologies les plus appropriées pour cerner
cette demande et répondre aux multiples attentes en matière de bien-être. Cette réflexion
devrait nous amener à repenser plusieurs de nos systèmes de production animale.
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